Genève 1950


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La Suisse est l'un des rares pays d'Europe où les voitures ont pu vieillir paisiblement, à l'abri des épreuves de la guerre. Il n'est pas rare d'y croiser, le long des trottoirs, des limousines des années 1920 aux calandres encore étincelantes. Cependant, cette situation exceptionnelle ne freine pas l'esprit novateur suisse. Le Salon de Genève s'est imposé comme la manifestation la plus complète et la plus importante de l'industrie des véhicules routiers. Il rassemble désormais une multitude de marques européennes et américaines, couvrant non seulement les voitures de tourisme et les poids lourds, mais aussi les motos, les vélos, les bateaux et divers accessoires.

Cette année, le salon met en vedette 69 marques automobiles. Parmi elles, 7 exposent pour la première fois, 16 font leur retour avec les mêmes modèles qu'en 1949, tandis que 46 présentent des nouveautés ou des versions nettement améliorées. Fait notable, 50 marques exposent exclusivement des modèles d'après-guerre. De nouveaux noms rejoignent l'événement, comme Champion, Checker, Goliath, Keller, Mercedes-Benz, Siata et Veritas. De plus, 63 des 69 constructeurs s'engagent à livrer leurs véhicules sans délai, ce qui tranche avec le Salon de Paris où les prototypes non commercialisés sont encore fréquents.

Alors qu'en 1949, 76 marques proposaient 121 modèles, le salon de cette année affiche une offre plus large : 69 marques pour 160 modèles. Côté carrosserie, 53 sont des deux portes, 49 des quatre portes, et 58 sont disponibles dans les deux configurations. La fonctionnalité est à l'honneur, puisque 131 véhicules disposent d'un coffre accessible de l'extérieur, 23 de l'intérieur, et seulement 6, principalement des voitures de sport destinées à la compétition, en sont dépourvus. La répartition des motorisations est la suivante : 5 % des voitures exposées sont des deux ou trois cylindres, 45 % des quatre cylindres, 36 % des six cylindres, 13 % des huit cylindres et 1 % des douze cylindres.

En 1949, les Etats-Unis étaient la principale nation exportatrice vers la Suisse avec 6 333 voitures, suivis de près par la France (6 230), la Grande-Bretagne (5 752), l'Allemagne (3 589), l'Italie (2 748), la Tchécoslovaquie (317) et l'Autriche (5). Récemment, la France a surpassé le Royaume-Uni pour la deuxième place, menaçant désormais la domination des marques américaines.


Commençons notre exploration avec les constructeurs britanniques. Sans refaire le Salon de Londres de 1949, nous allons nous concentrer sur quelques marques représentatives qui considèrent Genève comme une vitrine incontournable pour toute ambition européenne ou mondiale. De tous les pays représentés, le Royaume-Uni est d'ailleurs celui qui a envoyé le plus grand nombre de marques de voitures de tourisme. Cette forte présence témoigne d'une qualité en constante progression, tant au niveau des équipements que des carrosseries. En effet, la concurrence internationale oblige désormais tous les constructeurs à éliminer la moindre imperfection.

L'Austin A90 Atlantic dont la version cabriolet a été présentée au Salon de Londres 1948 est disponible depuis le dernier Salon de Londres en coupé cinq places.  C'est la voiture la plus puissante d'Austin, grâce à son moteur quatre cylindres de 2 660 cm3 qui développe 88 ch. Son esthétique audacieuse se distingue par une tentative de concilier le style britannique avec les tendances américaines de l'époque. Sa dénomination commerciale " Atlantic " ne trompe d'ailleurs pas : l'essentiel de sa production est destinée aux Etats-Unis. Très originale, sa lunette arrière est divisée en trois parties, celle du milieu pouvant être ouverte.

Austin A90 Atlantic - Collection ALR

L'Armstrong Siddeley, en production depuis l'année dernière, tire son nom du célèbre bombardier lourd de la Seconde Guerre mondiale, construit par Armstrong Whitworth, une autre filiale du même groupe. Positionnée comme un modèle de milieu de gamme, elle se situe juste en dessous de la luxueuse berline Sapphire. La Whitley est équipée d'un moteur six cylindres en ligne de 2 309 cm3 et propose une fonctionnalité encore rare pour l'époque : un système de chauffage et de ventilation. Fidèle à la tradition de la marque, la Whitley parvient à marier avec une certaine réussite les lignes aristocratiques des voitures anglaises de classe avec une touche plus moderne et continentale.

Armstrong Siddeley Whitley - Source : https://fr.wheelsage.org

Jusqu'à présent, Alvis avait continué de produire des modèles d'avant-guerre, privilégiant une finition soignée à la nouveauté technique pour satisfaire une clientèle réduite d'amateurs de voitures de luxe au caractère sportif. Au Salon de Genève, la marque surprend avec sa nouvelle Alvis 3 litres TA21. Evolution du modèle TA 14, cette voiture développe 84 ch et se distingue par ses innovations techniques. C'est la première Alvis à être équipée d'une suspension avant indépendante à ressorts hélicoïdaux et de freins à tambour hydrauliques, la rendant particulièrement avancée pour l'époque. La TA21 bénéficie également de l'expertise d'Alvis dans l'aviation. Avec sa carrosserie produite par Mulliner, cette berline 5/6 places ne brille peut-être pas par son originalité esthétique, mais elle offre un intérieur spacieux et très confortable, tout en conservant un véritable caractère sportif.

Alvis 3 litres TA 21 - Collection ALR

La Rolls-Royce Silver Dawn est la première Rolls-Royce d'après-guerre à être produite avec une carrosserie standard directement en usine. Cette approche marque une rupture avec les modèles précédents, qui étaient vendus sous forme de châssis et carrossés par des entreprises spécialisées. Afin de réduire les coûts de production, la Silver Dawn partage de nombreux composants avec la Bentley Mark VI. Sous son capot, on trouve un moteur six cylindres en ligne de 4,3 litres. Son design se distingue par des lignes plus fluides et un style plus sobre que celui des modèles d'avant-guerre. C'est avant tout un modèle d'exportation, qui n'est pas encore commercialisé en Angleterre.

Rolls-Royce Silver Dawn - Source : https://fr.wheelsage.org

Désormais disponible en Suisse, la Healey Silverstone est l'œuvre de l'ingénieur et pilote Donald Healey. Ce roadster de course homologué pour la route reflète la vision de son créateur : offrir des véhicules de performance accessibles. Son design unique est souligné par une carrosserie étroite en aluminium, des ailes avant fixes de type " cycle wings " et des phares avant dissimulés derrière une grille aérodynamique. Cette conception audacieuse et fonctionnelle traduit l'esprit pragmatique, créatif et passionné de Donald Healey pour la course automobile.

Healey Silverstone - Source : https://healey-classic.com

Entièrement renouvelée, la Hillman Minx Mk III fut présentée au Salon de Londres en octobre 1948. Son nouveau style " ponton ", très moderne, était l'œuvre des studios londoniens du célèbre designer Raymond Loewy. Il évoquait une version réduite de la Humber Hawk, elle aussi dessinée par la même équipe et lancée lors du même salon. Techniquement, la Mk III marquait une rupture, inaugurant un train avant à roues indépendantes avec suspension à ressorts hélicoïdaux. Cependant, elle conservait le moteur quatre cylindres de 1 185 cm3 et 35 ch d'avant-guerre, un bloc apprécié pour sa fiabilité. Face à une clientèle trouvant ce moteur anémique, Hillman réagit rapidement : en décembre 1949, la cylindrée fut portée à 1 265 cm3, augmentant la puissance à 37,5 ch.

Hillman Minx Mk IV - Source : https://fr.wheelsage.org

La Rover 75 P4, présentée à Earl Court en octobre 1949, est une berline de luxe de taille moyenne qui marque une rupture majeure pour son constructeur, en délaissant le style d'avant-guerre pour une esthétique moderne et lisse inspirée des récentes productions américaines, notamment chez Studebaker. Surnommée " Cyclope " en raison d'un phare unique monté au centre de sa calandre, elle suscite une controverse qui ne semble pas freiner son succès. Sous le capot, on découvre un six cylindres en ligne de 2,1 litres, réputé pour son fonctionnement silencieux et sa douceur, couplé à une boîte de vitesses manuelle à quatre rapports. L'intérieur incarne le luxe traditionnel anglais, avec une abondance de cuir et de boiseries fines. Elle est construite sur un châssis en acier avec une carrosserie composée de panneaux en acier et en aluminium pour les portes et le capot.

Rover 75 P4 - Source : https://fr.wheelsage.org

Ce roadster deux places, basé sur l'Alvis TA 14, mesure 4,51 mètres de long. Ses portes sont fortement échancrées et ses ailes sont particulièrement amples. La calandre dentée en forme de poire est, quant à elle, un élément très controversé. De toute évidence, son design est bien moins élégant que celui de la Jaguar XK 120 de William Lyons, lancée en 1948. En outre, son moteur quatre cylindres de 1 892 cm3 ne développe que 68 ch et ne lui permet pas d'atteindre une vitesse comparable à celle de la XK 120. La voiture atteint tout juste les 130 km/h, contre près de 200 km/h pour sa concurrente. Enfin, son prix très élevé risque de nuire à sa diffusion.

Alvis TA 14 - Collection ALR

Le Morris Commercial J, plus connu sous le nom de J-type, est une camionnette de livraison légère produite depuis quelques mois par Morris Commercial Cars, une division de la Nuffield Organisation. Ce véhicule marque un tournant dans le style des utilitaires britanniques : il abandonne les formes classiques pour adopter un style " cabine avancée ". Cette configuration, qui place le conducteur au-dessus du moteur, permet de maximiser l'espace de chargement. Le J-type se distingue également par sa carrosserie arrondie et ses portes coulissantes, particulièrement pratiques pour les livraisons en milieu urbain.

Morris Commercial J - Source : https://fr.wheelsage.org

Bien que de petite envergure, l'industrie automobile suisse était florissante avant la Seconde Guerre mondiale, comptant plusieurs constructeurs de renom. Parmi eux figuraient Pic-Pic (Piccard & Pictet) à Genève (1906–1924), Martin à Frauenfeld, initialement horloger, qui produisait des véhicules de luxe et de sport (1897–1934), Saurer à Arbon, célèbre pour ses camions mais ayant aussi fabriqué des voitures de tourisme, et Egg & Egli à Zurich (1899–1919), l'un des pionniers.

La disparition de la plupart de ces marques s'explique par plusieurs facteurs interdépendants. En tant que petit pays, la Suisse peinait à atteindre des économies d'échelle, limitant fortement les volumes de production. Pour survivre, les constructeurs auraient dû se spécialiser dans un marché de niche très haut de gamme ou exporter massivement, ce qui était compliqué face à une concurrence internationale mieux armée. Les grands constructeurs automobiles des pays voisins (Allemagne, France, Italie et Grande-Bretagne) ont rapidement développé la production de masse. Leurs prix plus bas, la force de leur image de marque et leur capacité d'innovation ont rendu les petits constructeurs suisses non compétitifs.

L'usine de Piccard & Pictet se trouvait à Genève, en Suisse, mais la marque avait besoin d'une vitrine prestigieuse pour vendre ses voitures de luxe. Pour cette raison, elle a ouvert un showroom à Paris, sur la célèbre avenue des Champs-Élysées - Copyright

La Grande Dépression des années 1930 a porté un coup fatal à plusieurs constructeurs suisses. De plus, contrairement à d'autres pays qui soutenaient activement leur industrie automobile nationale, l'Etat suisse a privilégié des secteurs économiques jugés plus stratégiques et porteurs, tels que l'horlogerie, la construction de machines et les services financiers. Ces facteurs combinés ont rendu la fabrication automobile en Suisse non viable à grande échelle. L'industrie s'est recentrée par conséquent sur des activités plus rentables : l'assemblage de véhicules étrangers (comme à l'usine General Motors de Bienne depuis 1936), la production de véhicules utilitaires et de camions (avec Saurer), ou la création de carrosseries spécialisées. Sur ce dernier créneau, deux maisons se distinguent particulièrement cette année à Genève : Worblaufen et Beutler.

L'entreprise Worblaufen a été fondée en 1929 par Fritz Ramseier-Scheidiger et ses fils (Fritz junior, Hans et Ernst) à Worblaufen, un petit village près de Berne. Dès le début, la société s'est fait un nom en se spécialisant dans la création de carrosseries de luxe, en particulier des cabriolets et des roadsters élégants et sportifs. Worblaufen a prospéré à une époque où de nombreux constructeurs vendaient leurs châssis nus aux clients. Ceux-ci choisissaient ensuite un carrossier pour habiller le véhicule selon leurs désirs, permettant à Worblaufen de travailler sur des bases prestigieuses comme Alfa Romeo, Bentley, Bugatti, Delahaye, Isotta-Fraschini, Lancia, Mercedes-Benz, Rolls-Royce et Talbot-Lago. Traditionnellement, les réalisations de ce carrossier sont présentées au Salon de Genève, où elles attirent l'attention des clients fortunés. Depuis la fin de la guerre, Worblaufen poursuit son activité, bien que l'intégration des carrosseries directement par les constructeurs automobiles rende le métier de carrossier indépendant de plus en plus difficile.

Worblaufen a été initialement consulté par Peugeot pour la création d'un coach décapotable. La firme sochalienne n'a pas donné suite à la proposition du carrossier, qui a néanmoins décidé de lancer pour son propre compte une production d'une dizaine d'exemplaires. Parallèlement à ces cabriolets, le même carrossier expose cette année à Genève une version à quatre places inspirée du premier prototype. Les portières de ce modèle sont nettement plus longues, et les poignées de portes sont montées beaucoup plus bas, au milieu de la portière.

Peugeot 203 par Worblaufen - Copyright

Riley, bien qu'étant un constructeur britannique de taille modeste, était bien implanté en Suisse avant la Seconde Guerre mondiale principalement parce qu'il occupait un segment de luxe sportif de haute qualité, très prisé par la clientèle aisée, à une époque où l'industrie automobile suisse s'éteignait. L'existence d'importateurs dévoués, comme le Grand Garage Waeny à Berne, qui allait jusqu'à commander des modèles rares et préparés pour la compétition (comme la Riley MPH), témoigne d'un réseau de distribution solide et d'une clientèle locale passionnée par la performance et l'exclusivité de la marque.

On ne s'étonne donc pas de voir Worblaufen s'intéresser à la Riley 2½ litres qui est produite depuis 1946. Elle est réputée pour son moteur puissant à quatre cylindres à haute performance de avec double ACT, sa tenue de route sportive et son allure élégante, typiquement britannique. Worblaufen a décidé de faire encore mieux, en exposant un cabriolet à Genève.

Riley 2 1/5 litre Worblaufen - Copyright (*)

Fondée en 1943 à Thoune par les frères Ernst et Fritz Beutler, la carrosserie suisse Gebrüder Beutler & Cie s'est rapidement forgé une réputation d'atelier de renom. Elle s'est spécialisée dans la production de carrosseries sur mesure ou en très petites séries. Les deux frères ont bâti leur image d'excellence en travaillant sur des châssis de marques établies, notamment MG et Jowett. Cependant, c'est leur collaboration précoce et déterminante avec Porsche, initiée dès 1948, qui a véritablement cimenté leur statut d'artisan de qualité. C'est d'ailleurs chez Beutler qu'ont été fabriqués le deuxième prototype de la légendaire Porsche 356 et plusieurs cabriolets basés sur ce modèle. A Genève, ils présentent cette année un cabriolet Austin A-90 au design d'inspiration italienne. Ce modèle se distingue particulièrement par sa grille de calandre inédite et ses ornements latéraux.

Beutler Austin A-90 - Collection ALR

La Fiat 1400 est le premier grand projet lancé par Fiat après la guerre. Son développement marque un tournant grâce à plusieurs innovations majeures. La plus significative est l'adoption d'une carrosserie monocoque ou autoporteuse, une première pour la marque. Cette technique permet de se passer du châssis traditionnel, rendant la voiture plus légère, plus rigide et plus sûre. Côté design, la 1400 rompt avec les lignes d'avant-guerre. Elle adopte un style " ponton " avec des ailes entièrement intégrées, inspiré par l'esthétique des voitures américaines comme les Dodge, Plymouth et Kaiser Frazer. Cette configuration en trois volumes est un signe de modernité et offre un espace intérieur plus généreux. De plus, la Fiat 1400 peut transporter jusqu'à six passagers et leurs bagages, une capacité de chargement assez rare pour cette catégorie d'automobile.

Fiat 1400 - Collection ALR

Avec sa cylindrée de 1 395 cm3, le moteur à quatre cylindres de la Fiat 1400 développe 44 ch. La presse de l'époque se montre globalement unanime sur les qualités routières de la voiture, la seule critique récurrente portant sur la puissance, parfois jugée insuffisante. Le développement de ce modèle a été directement soutenu par la modernisation des usines Fiat, en particulier celle de Mirafiori. Grâce aux prêts du plan Marshall, le constructeur a pu acquérir de nouvelles machines-outils, comme des presses américaines, pour la production des carrosseries.

Fiat 1400 - Collection ALR

Au salon de l'automobile, le stand de Fiat a été littéralement pris d'assaut. Le public, aussi bien que les acheteurs potentiels, se sont pressés en nombre pour découvrir la Fiat 1400. Cet engouement immédiat témoigne de l'importance du modèle. Pour Fiat, la 1400 ne se contente pas d'être un nouveau véhicule ; elle symbolise le renouveau et la modernisation de l'entreprise après la guerre. Elle incarne l'espoir d'une nouvelle ère de prospérité, marquant une rupture avec l'héritage d'avant-guerre.

Fiat 1400 - Collection ALR

Le cabriolet de série, présenté en parallèle de la berline, partage les mêmes pièces de carrosserie mais bénéficie de renforts spécifiques pour compenser l'absence de toit. Plus cossu, le cabriolet se distingue par une finition supérieure : il est équipé de pneus à flancs blancs, de joncs chromés au-dessus des passages de roues et d'une radio de série. Ces améliorations se répercutent sur le prix. Le cabriolet est nettement plus cher que la berline, coûtant 1 675 000 lires contre 1 270 000 lires. Sa fabrication est un processus à la fois complexe et unique, impliquant les usines de Mirafiori et de Turin, avec l'aide du carrossier Colli qui fournit les carrosseries.

Fiat 1400 - Collection ALR

La ligne italienne, caractérisée par une tendance aérodynamique marquée, élégante et légère, est apparue dès la fin de la guerre. En 1950, ce style s'affirme de plus en plus. La Fiat 1100 S Coupé Pinin Farina illustre parfaitement la collaboration fructueuse entre un grand constructeur et un carrossier de renom. Son dessin marque une rupture avec les lignes plus utilitaires des Fiat de grande série : la carrosserie est plus galbée et élancée, avec un pare-brise incliné divisé en deux parties qui lui confère une allure de Grand Tourisme. Ce coupé est techniquement basé sur la berline, mais avec des améliorations notables pour le rendre plus performante. Le moteur de est optimisé pour délivrer une puissance accrue de ch.

Fiat 1100 S - Collection ALR

Conçue par Dante Giacosa et lancée en 1937, la Fiat 508 C, surnommée " Nuova Balilla 1100 ", a marqué une rupture avec ses prédécesseurs grâce à sa carrosserie modernisée et son performant quatre cylindres de 1 089 cm3. Après la guerre, Fiat s'est concentré sur l'amélioration de cette base, changeant sa dénomination. C'est ainsi qu'est apparue en 1948 la Fiat 1100 B, qui bénéficiait de retouches esthétiques et d'un moteur légèrement plus puissant. L'évolution la plus significative de cette génération est intervenue l'an dernier, avec le lancement de la Fiat 1100 E (il n'y a pas eu de versions C ou D). Ce modèle reprend l'essentiel des caractéristiques de la 1100 B, mais y ajoute une deuxième vitesse synchronisée, un atout majeur pour le confort de conduite. Bien que son aspect extérieur reste très proche et qu'elle soit objectivement ancienne, la 1100 E a encore toute sa place à Genève.

Fiat 1100 E - Collection ALR

Fondée à Turin en 1926 par Giorgio Ambrosini, la Societa Italiana Applicazioni Tecniche Auto-Aviatorie (Siata) est née dans un contexte politique particulier. Au milieu des années 1920, le régime fasciste avait redéfini les rôles au sein de l'industrie automobile italienne : Fiat fut orientée vers l'aéronautique, tandis qu'Alfa Romeo avait la charge de représenter la nation en courses. Cependant, Fiat ne souhaitait pas abandonner complètement le secteur sportif, reconnaissant son importance pour l'innovation technique et son attrait auprès de ses collaborateurs et de la clientèle. C'est ainsi que Siata a repris le flambeau pour concevoir des Fiat à caractère sportif. L'étroite collaboration entre les deux constructeurs ne fait aucun doute, comme en témoigne la présentation simultanée de la Siata Daina et de la Fiat 1400 au Salon de Genève. Ayant eu accès aux spécifications de la nouvelle 1400 avant ses concurrents, Siata a pu, sans délai, en extrapoler une version sportive.

Siata Daina - Collection ALR

La conception de la Siata Daina a été confiée à un ingénieur expérimenté, Rudolf Hruschka, ancien bras droit de Ferry Porsche et collaborateur de Piero Dusio, fondateur de Cisitalia. Le modèle est décliné en deux versions : la Daina Sport en coupé fastback et la Gran Sport en cabriolet.

Siata Daina - Source : https://www.automobile-catalog.com

En 1914, Alfonso Balbo, alors directeur de la Carrozzeria Italiana Cooperativa, décide de voler de ses propres ailes en ouvrant son atelier. Grâce à sa réputation grandissante, il décroche initialement des contrats avec les militaires avant de se spécialiser dans les voitures de tourisme, travaillant principalement sur des châssis Lancia. Balbo s'était imposé comme un maître du fuoriserie des années 1920 et 1930, créant des carrosseries somptueuses et modernes. Malheureusement, Balbo décède en juillet 1926, et l'entreprise est alors reprise par son bras droit, Carlo Follis. Avant la guerre, le niveau de production était impressionnant, avec en moyenne une voiture sortant des ateliers chaque jour. L'usine, détruite par les bombardements, a été reconstruite après le conflit.

Elle poursuit de nos jours la tradition en habillant des châssis Fiat et Lancia. Carlo Follis a notamment demandé à Giovanni Michelotti de lui concevoir une berline deluxe construite sur le châssis de la Fiat 1400. On remarque sur ce modèle la face avant divisée en deux parties, avec une calandre composée de deux grilles simples, ainsi que la partie arrière arrondie, dotée d'un porte-à-faux prononcé.

Fiat 1400 par Balbo - Copyright

Giovanni Farina commence son apprentissage très jeune, puis fonde sa propre entreprise à Turin en 1906, se spécialisant dans la fabrication de carrosseries sur mesure. Sous sa direction, son atelier se distingue par l'adoption de méthodes de production modernes, s'inspirant des techniques américaines. Cela a permis à l'entreprise de passer d'une fabrication purement artisanale à une production en petites séries. L'atelier de Giovanni Farina est rapidement devenu un vivier de talents, attirant et formant de futurs grands noms du design automobile, tels que Pietro Frua, Mario Boano et Giovanni Michelotti. C'est également là que son jeune frère, Battista Farina, a fait ses premières armes.

Fiat 1400 Gentlemen par Stabilimenti Farina - Copyright

En 1930, Battista " Pinin " Farina décide de voler de ses propres ailes et fonde la Carrozzeria Pinin Farina. Ce départ est un coup dur pour les Stabilimenti Farina de Giovanni, qui perdent non seulement une figure clé, mais aussi une partie de sa main-d'œuvre (qui suit Battista). Même si aujourd'hui l'entreprise de Giovanni Farina n'a plus la même aura, elle continue de se distinguer par de très belles réalisations. Le coupé Gentlemen exposé à Genève en est un exemple. Il affiche des lignes élancées, bien que légèrement alourdies par une calandre assez verticale et un peu passée de mode. Cependant, celle-ci a le mérite de bien s'intégrer au reste de la partie avant du véhicule.

Fiat 1400 Gentlemen par Stabilimenti Farina - Copyright

Cette réalisation est signée, non pas des Stabilimenti Farina, mais bien de la Carrozzeria Pinin Farina. Il s'agit d'une Alfa Romeo 6C 2500 Super Sport Coupé. Cette voiture incarne l'élégance et la sobriété du design italien d'après-guerre. Elle présente une carrosserie de type " berlinetta " avec une ligne fluide, un long capot et un arrière fuyant. Les ailes sont désormais intégrées au reste de la carrosserie. La calandre est large et horizontale, avec la présence discrète du "scudetto" (le blason Alfa Romeo) en son centre. Les phares ronds sont semi intégrés. On observe également une longue baguette chromée qui souligne la ligne de caisse, ainsi que des enjoliveurs de roues chromés du plus bel effet.

Alfa Romeo 6C 2500 Farina - Source : https://www.coachbuild.com

Fondée en 1915, la Carrozzeria Ghia s'impose dès les années 1920 comme l'un des plus illustres carrossiers italiens. Après avoir subi les bombardements durant la Seconde Guerre mondiale, l'entreprise est reprise par un groupe de collaborateurs suite au décès de son fondateur, Giacinto Ghia, en 1944. Désormais sous la direction de Mario Boano, Ghia s'oriente vers des collaborations avec de grands constructeurs pour la réalisation de petites et moyennes séries. Pour autant, elle ne néglige pas les modèles uniques. Le dessin de ce coupé Fiat 1400, exposé à Genève, est signé Giovanni Michelotti. Il se distingue par son radiateur étroit à damier et sa forme ponton. Cette carrosserie porte le nom de " Supergioiello ", ce qui signifie " Super bijou " en italien. Elle pourrait bien être adaptée à des automobiles d'autres marques, notamment Alfa Romeo.

Fiat 1400 Supergioiello par Ghia - Copyright

Fondée à Turin en 1921 par Vittorio Viotti, la Carrozzeria Viotti est réputée pour sa capacité à créer des modèles uniques et élégants sur mesure pour une clientèle aisée. Viotti a été l'une des premières carrosseries en Italie à adopter une véritable ligne de production. Cette approche lui a permis de réaliser des versions spéciales de voitures de série en plus grande quantité. L'entreprise a ainsi travaillé pour des constructeurs comme Fiat, Alfa Romeo et Lancia. Depuis la fin de la guerre, l'entreprise tente de relancer son activité avec la production de carrosseries basées sur des modèles populaires. Elle présente à Genève une grande berline Fiat 1500 E d'allure classique et un cabriolet d'aspect tout aussi ordinaire sur la base de la nouvelle Fiat 1400.

Fiat 1400 Cabriolet par Viotti - Copyright

Alfredo Vignale a travaillé avant-guerre successivement avec les deux frères Farina, Pinin et Giovanni. Juste avant son 25ème anniversaire, il s'est vu offrir la direction du département de carrosserie des Stabilimenti Farina, qui comptait à l'époque près d'un millier d'employés. Il supervisait la création des prototypes et mettait en œuvre certaines des méthodes qu'il avait apprises chez Pinin Farina. Alfredo Vignale possédait déjà un charisme naturel et était un véritable meneur d'hommes. Cependant, malgré ses talents et son dévouement au travail, le jeune homme ne trouvait pas encore la meilleure manière de s'exprimer complètement. C'est la raison pour laquelle il a fondé sa propre affaire en 1948.

Cette année-là, pour la première fois, il expose à l'étranger, à Genève. Il est présent avec un coupé Fiat 1400 Orchidea, qui se distingue par un dessin de calandre singulier et par la présence d'une grande lunette arrière parfaitement intégrée à la ligne inclinée. La carrosserie est bi-ton (claire en haut, foncée en bas). Les pneus à flancs blancs sont devenus un choix esthétique dans les années 1920 et 1930, et leur popularité est aujourd'hui à un sommet. Ils symbolisent le luxe, le style et la propreté. Avoir des flancs blancs impeccables sur sa voiture était un signe d'élégance et de soin.

Fiat 1400 Orchida par Vignale - Copyright

En 1949, la voiture française qui se vend le mieux en Suisse est la Renault 4 CV. Avec 2 188 exemplaires écoulés, elle devance nettement ses concurrentes directes, y compris l'italienne Fiat 500 (Topolino) qui enregistre 1 577 ventes. Citroën s'installe en deuxième position parmi les marques françaises avec 1 702 voitures vendues. Ce succès repose largement sur la Traction Avant, notamment le modèle 15 Six, réputé pour sa puissance. Juste derrière, Peugeot enregistre 1 579 unités. La Peugeot 203, lancée en 1948, séduit le public suisse grâce à ses lignes modernes et plaisantes, et à ses performances honorables. Simca reste relativement discret, une retenue qui peut s'expliquer par le fait que l'entreprise, toujours très liée à Fiat, évite de concurrencer directement son cousin sur ce marché frontalier. Enfin, la Panhard Dyna peine à s'imposer. Malgré son avance technique (carrosserie en aluminium, traction avant), son bicylindre à plat refroidi par air et son esthétique très particulière pour l'époque ne jouent pas en sa faveur. Les chiffres confirment sa difficulté à percer, avec seulement 75 exemplaires vendus en 1948.

Talbot-Lago, sous la direction d'Anthony Lago, se démarque de ses concurrents en se concentrant sur les voitures de sport et de prestige, puissantes et élégantes. Le châssis Grand Sport est conçu spécifiquement pour la course et la compétition, mais également pour les clients les plus fortunés souhaitant une voiture de sport d'exception. Ces derniers doivent confier leur châssis nu à un carrossier de leur choix.

Talbot Lago Grand Sport 1950, par Saoutchik - Copyright

L'interprétation audacieuse de Jacques Saoutchik exposée à Genève se caractérise par des lignes incroyablement fluides et aérodynamiques, des ailes enveloppantes, des chromes abondants et un pare-brise en deux parties. C'est une véritable œuvre d'art, assemblée à la main avec une attention maniaque aux détails. L'intérieur est tout aussi somptueux, intégrant des matériaux nobles comme le cuir, les bois précieux et des finitions en chrome, rappelant l'opulence des voitures d'avant-guerre. Sous cette carrosserie d'exception se trouve un moteur tout aussi impressionnant : un six cylindres en ligne de 4,5 litres, qui permet à la Grand Sport d'atteindre les 200 km/h.

Talbot Lago Grand Sport 1950, par Saoutchik - Copyright

Le modèle Delahaye 135 M de 3,5 litres de cylindrée est représenté par deux exemplaires, ambassadeurs de la construction française de grande classe. Il s'agit, d'une part, d'un coach Chapron de teinte rouge foncé, garni de cuir beige. D'une rare élégance, cette voiture assure aux occupants un espace intérieur très vaste et confortable, malgré sa ligne surbaissée. Il s'agit, d'autre part, d'un cabriolet Guilloré de forme ponton, remarquable par sa largeur interne. A côté de ces deux réalisations, un modèle Delahaye 148 L, un peu plus long que la 135 M, est habillé par Letourneur et Marchand d'une carrosserie de limousine quatre portes et cinq places d'une netteté classique parfaite.

Publicité Delahaye - Source : La Revue Automobile Suisse, 1950

Les techniciens se sont dirigés vers le stand Hotchkiss pour découvrir la 2-litres Grégoire. Présentée enfin dans sa version finale, cette voiture est le fruit d'un travail d'ingénierie approfondi. L'aboutissement de ces efforts est le partenariat noué avec Hotchkiss, qui décide d'adopter la formule de Grégoire et de commercialiser la future Hotchkiss-Grégoire. Le président de la marque, M. Maurice de Gary, démontre ainsi son audace en s'engageant dans la production d'un modèle entièrement nouveau. Il reste cependant à savoir quand elle sera réellement disponible, et à quel prix.

Hotchkiss Grégoire - Source : https://fr.wheelsage.org

Cette voiture tente de résoudre plusieurs défis de conception de manière innovante. Elle s'efforce notamment de réduire les deux principales forces qui s'opposent au mouvement d'un véhicule : la résistance au roulement et la résistance de l'air. Alors que de nombreux constructeurs se concentrent sur la diminution du poids, Jean-Albert Grégoire a compris qu'à partir d'une certaine vitesse, la résistance de l'air devient l'obstacle le plus important. C'est donc cette dernière qu'il a cherché à optimiser en priorité pour garantir des déplacements rapides et économiques.

Une fois la forme aérodynamique définie, l'objectif suivant a été de réduire le poids de la voiture. La Grégoire fait pour cela un usage intensif d'alliages légers. La voiture est équipée d'un quatre cylindres de 2,2 litres développant 70 ch. Une autre innovation majeure réside dans les suspensions dont la flexibilité s'adapte au poids transporté et aux conditions de la route.

Hotchkiss Grégoire - Source : https://fr.wheelsage.org

Partant de l'expertise de trois anciens ingénieurs de BMW, Georg Meier, Lorenz Dietrich et Ernst Loof, le constructeur allemand Veritas est né en 1947. Utilisant initialement les moteurs fiables et performants de la BMW 328 pour ses voitures de course, Veritas fait rapidement sensation en compétition. Cherchant à s'affranchir de cette dépendance, Ernst Loof confie a confié à l'ingénieur Eric Zipprich la conception d'un nouveau moteur six cylindres de deux litres. Produit par l'avionneur Heinkel, ce groupe motopropulseur développe environ 100 ch. Le Salon de Genève, qui met volontiers en lumière les efforts des petits constructeurs, est l'occasion pour Veritas de présenter pour la première fois sa nouvelle organisation. Devenue un constructeur à part entière, l'entreprise propose trois modèles. Parmi ceux-ci, un cabriolet Scorpion et un coupé Saturn, carrossés par Spohn, sont exposés à Genève pour la première fois.

Veritas Scorpion et Saturn - Collection ALR

La marque allemande Goliath, fondée en 1928 par Carl Borgward, a débuté ses activités en se spécialisant dans les véhicules utilitaires légers à trois roues, à l'instar du Goliath Pionier des années 1930. Ce modèle à succès a jeté les bases de l'expertise de l'entreprise dans les véhicules de petite taille, mais leur production a été interrompue par la Seconde Guerre mondiale. L'année dernière, Goliath a relancé son activité avec le fourgon GD 750, et avec la voiture de tourisme Goliath GP 700. Ce nouveau modèle, une berline à traction avant, est équipé d'un bicylindre à deux temps de 688 cm3 développant 22 ch. L'emploi de solutions simples a permis de réduire le poids à 750 kg, de sorte que la voiture réalise des performances satisfaisantes en atteignant 100 km/h.

Goliath GP 700 - Collection ALR

Après une éclipse de plusieurs années, Mercedes-Benz réapparaît pour la première fois au Salon de Genève, où son stand attire les foules. La pièce maîtresse de cette exposition est constituée par le châssis de la 170 S, affichant une finition à la hauteur du prestige de la marque. Cette voiture est mue par un 4 cylindres de 1 767 cm3 développant 52 ch. La 170 S est une version plus luxueuse et améliorée de la 170 V, apparue en 1936. La lettre " S " signifie Sonder (spécial en allemand), indiquant un niveau de confort et de performances supérieur. Elle est plus longue, plus large et équipée d'un moteur plus puissant, marquant le retour de la marque sur le segment du haut de gamme. Entourant ce châssis, diverses carrosseries sont exposées, notamment un cabriolet, l'une des voitures les plus élégantes du Salon.

Mercedes 170 S Cabriolet - Source : https://fr.wheelsage.org

En mars 1949, Carl Borgward a dévoilé à Genève la première nouvelle voiture allemande de l’après-guerre : la Hansa 1500. Le modèle se présente sous la forme d’une élégante berline de style ponton à trois volumes, inspirée des récentes Kaiser-Frazer américaines. Son style a fait sensation, même si la forme ponton commence déjà à faire des émules. Il s'agit en effet de la première voiture allemande à adopter ce design à ailes entièrement intégrées. La production de la berline Hansa 1500 a démarré en octobre 1949. Elle est dotée d’un 4 cylindres de 1 498 cm3 développant 48 ch. A Genève, la gamme est complétée par un élégant cabriolet deux portes.

Borgward 1500 - Source : https://fr.wheelsage.org

L'Opel Olympia a été présentée au Salon de Berlin en février 1935. Son nom avait été choisi en référence aux Jeux olympiques d'été programmés à Berlin pour 1936. La guerre a brutalement interrompu sa production en 1940. L'usine d'Opel à Rüsselsheim ayant été lourdement bombardée, la reprise d'activité a été difficile. Mais l'Olympia était tellement populaire qu'elle a été l'une des premières voitures à être relancée dès 1947, reprenant la même version qu'avant-guerre.

En janvier 1950, Opel a présenté une version remaniée de l'Olympia au Salon de Bruxelles, que l'on retrouve en ce mois de mars à Genève. Le modèle conserve son châssis et son moteur quatre cylindres de 1 488 cm3 et 37 ch, mais sa carrosserie est entièrement redessinée, affichant une allure plus arrondie et moderne. Les ailes avant, les phares et la calandre forment désormais un ensemble intégré, conférant à l'Olympia une face avant plus imposante. A côté du coach deux portes et quatre places, Opel commercialise un joli cabriolet dont le prix est à peine supérieur à celui de la berline.

Opel Olympia Cabrio-Limousine - Source : https://fr.wheelsage.org

Le Volkswagen Type 2 Van est le deuxième modèle produit par la marque après la Coccinelle (Type 1). Il sera rapidement surnommé le " Kombi ", abréviation de l'allemand Kombinationskraftwagen (véhicule à moteur combiné), soulignant sa capacité à transporter aussi bien des marchandises que des personnes. Inspiré d'une simple esquisse réalisée par l'importateur néerlandais Ben Pon en 1947, le Type 2 est conçu pour être un utilitaire simple et abordable. Il est doté d'un moteur " flat-four " logé à l'arrière, d'une cabine avancée, d'un châssis à deux longerons plus robuste que celui de la Coccinelle, et d'un pare-brise divisé en deux parties.

Volkswagen Type 2 Van - Source : https://fr.wheelsage.org

Fondée à Hambourg en 1924 par Oscar Vidal, la société Vidal & Sohn Tempo-Werke GmbH (Tempo) s'est initialement spécialisée dans les triporteurs et les véhicules utilitaires légers. Dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, Tempo a entrepris de concevoir un fourgon à quatre roues, plus robuste et moderne, pour répondre aux besoins de la reconstruction. C'est ainsi que le Tempo Matador a officiellement été présenté et commercialisé en 1949. Ce véhicule se distingue par une architecture innovante à traction avant et à cabine avancée. Cette configuration permet d'optimiser l'espace de chargement en offrant un plancher de caisse bas et entièrement plat.

Pour motoriser son Matador, Tempo a signé un accord avec Volkswagen afin d'utiliser le moteur quatre cylindres à plat (flat-four) refroidi par air de la Coccinelle. Une différence majeure existe cependant avec le Kombi de Volkswagen : alors que ce dernier est un véhicule à propulsion avec le moteur logé à l'arrière, Tempo monte le moteur Volkswagen dans l'habitacle, entre les sièges avant. Ce montage très particulier lui permet de conserver le concept de la traction avant tout en maximisant l'espace utile à l'arrière.

Tempo Matador - Source : https://fr.wheelsage.org

Au début du 20ème siècle, des marques comme Ford ont fait une entrée remarquée sur le marché automobile suisse. Ces véhicules américains étaient particulièrement appréciés pour leur robustesse et leur prix plus abordable que les modèles de luxe européens, ce qui leur assurait une large diffusion. Face à cet engouement, des importateurs se sont spécialisés dans l'introduction d'autres marques américaines populaires, notamment Chrysler, Plymouth, Dodge ou encore Studebaker. Cependant, cette dynamique a été fortement ralentie par la crise économique des années 1930 et, plus tard, par le début de la Seconde Guerre mondiale. La Suisse, bien que neutre, était géographiquement enclavée et a subi une raréfaction des carburants ainsi qu'une perturbation majeure des chaînes d'approvisionnement. Ces facteurs ont rendu l'importation et, plus généralement, la possession d'une voiture, particulièrement difficiles durant cette période.

Ford Tudor Sedan - Source : https://fr.wheelsage.org

Mercury Convertible - Source : https://fr.wheelsage.org

Depuis la fin du conflit, l'industrie automobile européenne est en pleine reconstruction. La Suisse, épargnée par les destructions de guerre, a pu reprendre ses activités commerciales et industrielles plus rapidement que ses voisins. La demande de véhicules neufs y est donc particulièrement forte. Dans ce contexte, les constructeurs américains ont réalisé une percée spectaculaire. Ils proposent de nombreux modèles plus grands, puissants et confortables, immédiatement assimilés à la réussite sociale et professionnelle de leurs propriétaires. Ces automobiles séduisent les amateurs fortunés de l'" American Way of Life " grâce à leurs innovations de pointe : boîtes de vitesses automatiques, intérieurs spacieux, et un design souvent considéré comme extravagant ou tape-à-l'œil.

Packard Custom Eight Convertible - Source : https://fr.wheelsage.org

Chrysler Windsor - Source : https://fr.wheelsage.org

Hudson Pacemaker - Source : https://fr.wheelsage.org

Dodge Wayfarer Roadster - Source : https://fr.wheelsage.org

L'implantation d'une usine de montage par General Motors (GM) Suisse SA à Bienne, opérationnelle dès février 1936, constituait une manœuvre stratégique et économique pour le constructeur américain. Celui-ci visait à contourner les droits de douane élevés appliqués aux voitures entièrement importées, car le commerce de pièces détachées bénéficiait d'une fiscalité nettement plus avantageuse. La première voiture sortie des chaînes fut une Buick Series 41, marquant le début d'une production locale non seulement compétitive en termes de coûts, mais aussi fortement soutenue par la ville de Bienne elle-même, qui a financé la construction de l'usine (que GM n'a rachetée qu'en 1947) pour créer des emplois. Dès ses débuts, ce montage local permit à GM d'utiliser le label de qualité " Montage Suisse " dans ses campagnes publicitaires pour des marques telles que Chevrolet et Opel, renforçant l'image de marque et la crédibilité de ses voitures auprès de la clientèle suisse.

Cadillac Sedan 62 - Source : https://fr.wheelsage.org

Les voitures exposées par les constructeurs américains ne se différencient guère de celles de 1949. Les changements se limitent à quelques détails : un peu plus de puissance ici ou là, quelques perfectionnements sous le capot ou de légères modifications esthétiques (une ligne, une grille de radiateur, une glace arrière). On note chez de nombreux constructeurs une propension à accroître les volumes, à dispenser généreusement les ornements de chrome, et à créer des aménagements de plus en plus luxueux. Et en même temps, on ne peut que s'étonner du détachement marqué par les Américains à l'égard de certains détails techniques, qui apparaissent au contraire comme absolument indispensables aux techniciens européens.

Chevrolet Bel Air - Source : https://fr.wheelsage.org

Une réalisation américaine se démarque clairement des autres : la Nash à carrosserie aérodynamique dite Airflyte. Elle se caractérise par un style très personnel en rupture complète avec la tendance dominante des autres constructeurs américains. La Nash Airflyte existe en versions Statesman (six cylindres de cm3 et Ambassador (six cylindres de et . Elle possède une calandre remarquablement discrète pour un modèle américain. Les aménagements intérieurs ont été conçus dans un souci de confort poussé : les sièges avant peuvent s'incliner complètement jusqu'à se transformer en deux confortables couchettes, et tous les instruments de bord sont regroupés sur un grand cadran baptisé " Uniscope ", placé directement sur la colonne de direction.

Nash, 1950 - Source : https://www.lov2xlr8.no

L'histoire de Crosley est avant tout celle d'un industriel visionnaire, Powel Crosley Jr., qui a osé dès 1939 défier l'establishment automobile américain en se spécialisant dans la production de petites voitures économiques. A une époque où les constructeurs de Détroit rivalisaient par la taille et la puissance de leurs productions, Crosley a tenté une approche radicalement différente, axée sur la praticité et l'accessibilité. Dès son retour sur le marché après la guerre, la marque a continué d'innover, comme en témoigne la Crosley Hotshot introduite aux Etats-Unis l'année dernière, et qui arrive à présent en Suisse. Cette voiture de sport minimaliste est conçue pour être légère et agile ; elle est propulsée par un petit quatre cylindres de . Un de ses principaux atouts réside dans la présence de freins à disque aux quatre roues.

Malgré ces innovations et un succès initial, la situation générale de Crosley aux Etats-Unis s'assombrit. L'économie américaine, en pleine croissance, voit les consommateurs se détourner des petites voitures au profit de modèles plus grands, confortables et puissants. L'avenir de la marque, qui repose sur une vision à contre-courant des tendances du marché, devient incertain. L'espoir est alors que cette petite voiture trouve un meilleur succès en Suisse, voire en Europe, que dans son pays natal.

Crosley Hotshot - Source : https://www.supercars.net

La marque Keller tente de réaliser l'entente internationale, à partir d'éléments d'origine américaine, d'un montage prévu en Belgique, et d'un financement par des capitaux suisses. Elle affronte pour la première fois l'exposition de Genève où elle se présente sous la forme d'une berline quatre portes et d'un break. Les lignes sont modernes comparées à celles de la plupart de ses contemporaines. La Keller se signale surtout par sa vaste surface vitrée, facteur essentiel de sécurité et d'agrément. Un châssis nu est également exposé, qui permet d'observer quelques-unes des solutions employées : suspension avant à éléments de caoutchouc, moteur Continental 4 cylindres et soupapes latérales, boîte Warner, etc ...

Keller Super-Chief - Copyright

Le constructeur américain Checker est présent à Genève pour la première fois. Ce fabricant est célèbre aux Etats-Unis pour être le spécialiste de la production de taxis. A Genève, Checker expose de vastes automobiles destinées au transport de personnes, visant notamment le marché des taxis et des hôtels. L'équipement intérieur est conçu de manière particulièrement robuste afin de résister à un usage intensif. Le moteur standard est un six cylindres Continental peu poussé, fournissant . L'attraction principale du stand n'est cependant pas l'un de ses modèles utilitaires, mais un surprenant cabriolet quatre portes de couleur blanche. Ce véhicule exceptionnel a été imaginé et réalisé par la carrosserie suisse Ramseier, située à Worblaufen, et dirigée par Ernst Ramseier. Cette maison, en activité depuis les années 1930, se distingue par l'esthétique, la qualité et la finesse de ses réalisations.

Stand Checker - Copyright

L'industrie automobile tchécoslovaque est représentée à Genève par ses trois marques principales, Aero Minor, Skoda et Tatra. Ces voitures bénéficient en Suisse d'une bonne réputation de qualité et d'originalité.

L'Aero Minor, apparue en 1946, a été développée par l'entreprise tchécoslovaque Jawa, principalement connue pour ses motocyclettes. Ses lignes sont très arrondies et dénuées de toute aspérité inutile, ce qui confère au modèle un aspect très moderne. Inspirée par les travaux de DKW, l'Aero Minor est une traction avant. Sous le capot, on découvre un étonnant moteur deux cylindres en ligne, à deux temps. Avec une cylindrée de , il ne développe que et la voiture atteint une vitesse de pointe de pour un poids avoisinant les . Elle est proposée en version berline à deux portes et en break.

Aero Minor - Collection ALR

Le 9 mai 1945, alors que l'armée allemande battait en retraite, l'usine Škoda était lourdement bombardée lors d'un raid aérien de la Luftwaffe. Le 24 octobre 1945, comme toutes les entreprises de plus de salariés, Škoda était nationalisée par décret. Sous le contrôle de l'Etat, la marque perdait son autonomie.

Ses activités s'inscrivent désormais dans le cadre d'une économie planifiée, où le concept de concurrence n'existe plus. Sa mission principale est devenue la production de voitures de petite cylindrée. La société a renoncé à ses modèles de prestige, dont la fabrication est désormais l'apanage de la marque Tatra. Škoda a repris la production des modèles économiques conçus juste avant le conflit.

C'est la Škoda Popular, lancée en 1940, qui constitue l'essentiel des volumes. Elle a renoncé à son nom d'origine pour devenir en mai 1946 la Škoda 1101. Elle se distingue de la Popular par une face avant entièrement redessinée, une calandre à motifs horizontaux et des phares intégrés. La Škoda 1102, produite depuis l'an dernier, est une version légèrement modernisée de la Škoda 1101. Les deux modèles sont produits simultanément : la 1102 est utilisée pour les carrosseries de tourisme, tandis que la 1101 sert de base pour les versions utilitaires de type fourgonnettes, breaks et ambulances.

Skoda 1102 - Copyright

En 1947 est apparue la Tatra T107 renommée rapidement 600 Tatraplan. Elle succédait aux Tatra T87 et T97, et restait fidèle aux idéaux de l’ingénieur tchèque Hans Ledwinka (bien que celui-ci ait quitté l'entreprise Tatra), avec une carrosserie aérodynamique de 4,54 mètres de long et un 4 cylindre à plat en position arrière de 1 952 cm3, d’une puissance de 52 ch. C’est la première Tatra à être dotée d’une carrosserie ponton à ailes intégrées. Ses formes fluides lui permettent d'atteindre 130 km/h, malgré son poids de 1 300 kg.

Tatraplan - Copyright

Le Tatraplan Sport est une voiture de course spéciale produite par Tatra. Elle se distingue par son design hautement aérodynamique et sa construction légère, avec une carrosserie en duralumin (un alliage d'aluminium) posée sur un châssis tubulaire en acier. Propulsée par un moteur quatre cylindres de 1,9 litre refroidi par air, la Tatraplan Sport devrait participer à diverses compétitions dans les prochains mois. Ses lignes surbaissées et extrêmement fluides rappellent l'esthétique des célèbres voitures de course Auto Union d'avant-guerre.

Tatraplan Sport - Source : https://fr.wheelsage.org

Au terme de ses dix jours d'exposition, cette édition du Salon de Genève de 1950 a été un immense succès pour les organisateurs. Avec près de visiteurs, cette manifestation a confirmé sa stature internationale, un exploit remarquable pour un pays sans constructeur automobile propre et comptant à peine millions d'habitants.

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