Checker, Taxi Driver
Checker (échiquier en anglais) était une marque automobile américaine spécialisée dans la fabrication de voitures destinées aux compagnies de taxis. Les taxis Checker étaient reconnaissables à leur couleur jaune et à leur ruban adhésif à damiers noir et blanc. Apparue en 1922, la marque qui maintiendra son dernier modèle pendant vingt-cinq ans au catalogue a disparu en 1982. Les origines Morris Markin (1893/1970) est né à Smolensk en Russie. En 1912, il fuit la misère de son pays pour découvrir l'Amérique. Débarqué à New York, il prend la direction de Chicago où il rejoint son oncle comme livreur. Puis il est embauché par un tailleur qui lui apprend le métier, et rachète l’affaire à la mort de celui-ci. A force de labeur, il économise assez d'argent pour faire venir ses sept frères et ses deux sœurs aux Etats-Unis. Morris Markin s'associe à l'un de ses frères et ouvre une usine de confection de pantalons, sous contrat avec le gouvernement pendant la Première Guerre mondiale. Les affaires sont alors florissantes. En 1919, il fait ses premiers pas dans l'automobile en prenant en charge l'exploitation d'une flotte de taxis à Chicago. Parallèlement, il installe une usine de fabrication de carrosseries appelée Markin Automobile Body à Joliet, dans l'Illinois, sur les bases d'une entreprise appartenant à un certain Lomberg, un ingénieur à qui Markin a prêté 15 000 dollars. Lomberg incapable de rembourser sa dette s'en est acquitté en cédant sa société. Au début des années 20, deux compagnies de taxis dominent le marché des grandes villes américaines, Yellow Cab qui fabrique ses propres véhicules depuis 1917 et Checker Taxi qui fait fabriquer les siens chez Commonwealth Motors sous le nom de Mogul. Les carrosseries sont produites chez Markin Automobile Body. En 1921, Commonwealth Motors qui traverse des difficultés financières est racheté par Morris Markin. Le constructeur automobile Checker Cab Manufacturing voit le jour début 1922. Il résulte de la fusion de Commonwealth Motors et de Markin Automobile Body. Fin 1922, Morris Markin fait l'acquisition de l'ancienne usine Handley Motors basée à Kalamazoo dans le Michigan. Les diverses activités sont regroupées à Kalamazoo, sous la marque de fabrique Checker. L'entre-deux-guerres La C est un nouveau modèle Checker commercialisé à partir de juin 1923, tandis que la H est un modèle dérivé d'un taxi Commonwealth Motors. En 1923, Checker annonce avoir produit un total de 2 200 voitures avec un effectif de 700 salariés. Morris Markin confirme son positionnement stratégique en ne s'intéressant qu'au marché des compagnies de taxis. Ses productions répondent si bien à leurs besoins que les ventes ne cessent de croître.
Cette publicité de 1922 pour les produits de la Checker Cab Manufacturing installée à Kalamazoo dans le Michigan met en avant le potentiel de profit que peut retirer tout exploitant d'un taxi Checker. La E apparaît début 1924, équipée d'un 4 cylindres Buda de 22,5 ch. Curieusement, la chronologie de présentation des modèles est partiellement déconnectée de l'ordre alphabétique, la H étant antérieure à la E. (Cela correspondrait-il à la logique C, H, E ... comme les trois premières lettres de Checker ?). Deux carrosseries sont proposées, landau découvrable et limousine. La production progresse cette année-là à près de 4 000 unités.
Checker bien que leader du marché doit compter sur la concurrence de généralistes ou de spécialistes comme Reo, Willys-Knight, Overland, Premier Motors, Pennant, Dodge, Rauch & Lang, Roamer et Driggs (illustration). La F succède à la E en 1925, avec le même moteur Buda, quelques évolutions de carrosserie et un pare-brise légèrement incliné. Les voitures fabriquées par Checker sont appréciées par les chauffeurs professionnels qui louent leur confort et leur habitabilité. Fin 1925, la production hebdomadaire est d'environ 75 unités. La marque étend son emprise sur plusieurs grandes villes. Outre New York et Chicago, on retrouve les taxis Checker dans les rues de Cleveland, Minneapolis, Kansas City, New Orleans et Los Angeles. La G de 1927 est disponible en versions 4 et 6 cylindres Buda. Seul ce dernier moteur sera maintenu au catalogue après 1929. Checker est déficitaire en 1927. Morris Markin abandonne la présidence de la compagnie. Fort heureusement, la tendance s'inverse dès 1928, et notre homme est réintégré dans ses fonctions en juin 1928.
La Checker G de 1927-1928 est le premier modèle entièrement fermé de la marque, le chauffeur n’étant plus à la merci des intempéries. Il s’agit de la première Checker disponible avec un moteur 6 cylindres. Bien que Morris Markin ait quitté un temps son poste de président, il a poursuivi ses travaux pour la compagnie, et mis en oeuvre la K, doté de freins hydrauliques aux quatre roues et de vitres en Sécurit (selon un brevet Saint Gobain de 1929), une véritable révolution pour la sécurité des passagers. Le 6 cylindres Buda est toujours de service.
Présentée en 1928, les ventes de la Checker K explosent, avec des commandes de taille. La ville de Philadelphie par exemple en a acheté 500 unités. Les importants bénéfices de Checker permettent à Morris Markin de prendre des participations ou de racheter de nouvelles compagnies de taxi. Son concurrent historique Chicago Yellow, mais aussi NY Yellow et Parmelee Transportation ont été ciblés. Ce sont environ 8 000 taxis Checker qui sillonnent les rues de New York six ans après la naissance de la marque. La Checker M est introduite en novembre 1930. Elle est parfaitement adaptée aux récentes exigences des autorités new-yorkaises, qui précisent qu'à partir de 1932 tous les nouveaux taxis en circulation devront accueillir au minimum cinq passagers. Visuellement, on la distingue à ses phares rectangulaires et à ses ailes " pelle à tarte ".
La Checker M de 1930-1933 succède à la K. La marque commence à s’émanciper du tout venant, avec un style personnel plus valorisant. On remarque les phares rectangulaires, les demi-marchepieds et les ailes " pelle à tarte ". Checker propriétaire ou actionnaire de nombreuses compagnies dispose d'une situation privilégiée pour écouler sa production. Mais chez Checker comme chez ses concurrents, les résultats financiers consécutifs au krach de 1929 sont en baisse, même si à Kalamazoo ils restent positifs pour 1930. L'entreprise fait le dos rond face à la General Motors qui propose un véhicule concurrent qu'elle vend à crédit à des conditions financières attractives. Checker est persuadé, et l'avenir lui donnera raison, que la GM ne pourra pas offrir dans le temps le même niveau de service en après-vente. En 1933, la Checker T succède à la M. Elle est animée par un huit cylindres Lycoming de 68 ch. La vie n'est pas un long fleuve tranquille pour Morris Markin, qui de nouveau doit renoncer à la présidence de Checker en juin. Pour se sortir de ce mauvais pas, il conclut un accord avec Errett Lobban Cord, qui devient actionnaire majoritaire de Checker et prend temporairement la présidence de la compagnie en août 1933, avant de réintégrer aussitôt Morris Markin dans ses fonctions. L'entreprise en difficulté ne produit que 1 000 véhicules en 1934.
La Checker T de 1933-1935 est une évolution de la M. Elle revient aux marchepieds et phares traditionnels. Des inserts circulaires sont ajoutés dessus les volets du capot, un effet de style inhabituel. De 1935 à 1939 est commercialisée la Checker Y, disponible avec un 6 cylindres Continental 3,7 litres de 80 ch ou un 8 cylindres Lycoming de 148 ch, une puissance jugée peu utile pour un taxi roulant essentiellement en milieu urbain. La production remonte à environ 1 500 unités en 1935.
La Checker Y de 1935-1939 présente des formes légèrement aérodynamiques, avec une calandre inclinée du plus bel effet. En juin 1939, Checker lance une toute nouvelle génération d'automobiles, l'A, aux lignes encore plus aérodynamiques. Ces formes s'imposent en Europe comme aux Etats-Unis depuis 1935. Ce modèle est produit jusqu’à l’entrée en guerre du pays en décembre 1941. Il est doté du 6 cylindres Continental 3,7 litres de 80 ch monté auparavant sur la Y. Ce moteur équipera aussi les Kaiser après-guerre. C'est un tel " poumon " qu'il ne tombe quasiment jamais en panne. La partie arrière découvrable évoque un landaulet, tandis que la face avant avec ses phares intégrés dans les ailes inaugure un style gothique audacieux mais controversé. Désormais, tous les modèles Checker porteront la désignation A accompagnée d’un nombre. En 1941, Checker produit près de 2 500 taxis.
La Checker A de 1939-1941 est la plus baroque des voitures de la marque. La carrosserie aérodynamique dispose d’une partie arrière découvrable. L'avant de style " gothique " est très différent de ce que proposent les autres constructeurs. Pendant la guerre les usines sont réquisitionnées pour produire des remorques pour l'US Army et de petits camions. Alors que la fin du conflit s'annonce, Checker reprend l'étude de nouveaux modèles dont aucun ne verra le jour. Certains des concepts explorés sont audacieux, avec des formes de type monovolume. En 1946, les autorités fédérales décident de relancer la production de taxis, et commandent un total de 5 000 voitures à Checker, De Soto et Packard. Les Checker enrobées En février 1947, Checker lance l'A2. Sa conception reprend des éléments de l'A de 1939, croisés avec ceux résultant de l'étude de la D, un prototype étudié à la fin de la guerre. Checker semble s'être inspiré des modèles General Motors pour 1941, relancés sans grands changements en 1945. La Checker A2 abandonne la carrosserie façon landaulet de l'A. Comme nombre d'américaines contemporaines, outre ses formes boursouflées, elle possède six glaces latérales, un long capot et un coffre court. Ses portes s'ouvrent " en armoire ". Elle reprend le 6 cylindres Continental de 80 ch. L'A3, version huit passagers de l'A2, est présentée quelques mois plus tard.
La Checker A2 de 1947-1950 s’inscrit dans la tendance des voitures américaines des années 40 privilégiant les formes rondes. Elle fait notamment penser à certains modèles de la General Motors. Les A4 et A5 de 1950 sont des versions améliorées des A2 et A3, avec un rayon de braquage réduit, des pare-chocs plus enveloppants, de nouveaux bas de caisse et un intérieur en vinyle plus facile à nettoyer. 6 383 exemplaires sont produits jusqu'en 1952. La firme dont la santé est éblouissante investit dans une piste d'essai et dans de nouvelles installations de production à Kalamazoo.
Les A4 et A5 se différencient des A2 et A3 par leur pare-chocs ceinturant toute la face avant. Les formes rondes resteront au programme durant une dizaine d'années. Les A4 et A5 sont remplacées en janvier 1953 par les A6 et A7, dotées d'une nouvelle calandre à barres horizontales, en lieu et place de l'ancienne grille. La hauteur sous plafond progresse à l'arrière, offrant plus de confort aux passagers de grande taille. Le 6 cylindres Continental est toujours de service. Environ 6 000 exemplaires de ces deux types sont produits en 1953 et 1954.
La Checker A6 de 1953-1956 est une évolution à la marge de l'A4. On remarque la nouvelle calandre à barres horizontales. Checker réalise à partir de décembre 1949 une courte percée dans le secteur de la production d'autobus en faisant l'acquisition du petit constructeur Transit Buses, société née en 1936 sous l'égide de Ford et pour laquelle il produit des châssis. 90 % du marché de ce constructeur est concentré sur la région de Détroit. La démocratisation des automobiles réduit mécaniquement le besoin en autobus de petite taille. La demande baisse. Une alternative aurait été de se lancer dans la fabrication d'autobus de plus grandes capacités qui se vendent bien. Mais le marché est déjà occupé par de grosses sociétés (GMC, Mack, White Motors et Twin Coach) aux moyens plus conséquents que ceux de Checker, qui préfère se retirer en 1954.
Cette première tentative de diversification des activités de Checker vers la production d'autobus s'est soldée par un échec sur le plan économique. L'âge d'or L'A8 est lancée en janvier 1956. Sa commercialisation représente l'un des plus gros investissements jamais réalisés par Checker durant toute son histoire. D'ailleurs, l'usine sera fermée en 1955 pendant plusieurs mois pour mettre en oeuvre les moyens industriels nécessaires à une production à grande échelle. L'A8 se distingue par son style ponton, moderne et élancé. On y décèle une inspiration Chevrolet 1955. Checker y a réuni tout son savoir-faire. Il a souhaité en faire une automobile fiable, robuste, confortable et facile à entretenir. Son empattement réduit par rapport à celui de l'A6 la rend plus maniable en ville.
La Checker A8 de 1956-1958 est une toute nouvelle voiture dont la ligne évoque les Chevrolet 55. Cette voiture donnera naissance en 1958 à l'A9 qui conservera la même carrosserie jusqu’en 1982. Sur un empattement plus court que celui de l'A6, le volume intérieur de l'A8 progresse de près de 30 %. Le coffre est généreux. Les formes carrées contribuent à ces progrès. C'est la première Checker à proposer des suspensions avant indépendantes, une direction et des freins assistés, ainsi que des ailes facilement démontables. Les pare-chocs avant et arrière sont identiques, ce qui simplifie les réparations. La planche de bord plate en métal est équipée de compteurs circulaires, sans la moindre recherche esthétique. Le traditionnel 6 cylindres Continental connu depuis 1935, robuste et fiable, trône encore sous le capot. Le succès est immédiat auprès des compagnies de taxis. L'A8A de 1957 se différencie par sa mécanique d'origine American Motors. Mais elle n'est produite qu'à 25 exemplaires.
L'A8 poursuit la tradition de Checker en matière de plancher plat malgré son profil plus bas. Le châssis possède des rails latéraux massifs et des renforts en X, ainsi que de lourdes traverses qui lui confèrent une réelle solidité. Par rapport à l’A8, l'A9 de 1958 reçoit une nouvelle calandre grillagée - opération inverse à celle pratiquée sur les A4 et A5 en 1953 - et des doubles phares, ceux-ci devenant la norme chez tous les constructeurs américains. L'agrément d'usage s'améliore, avec de nouveaux équipements en option : direction surmultipliée, transmission automatique, siège conducteur à réglage électrique, freinage assisté, climatisation, etc ...
La Checker A9 lancée pour le millésime 1959 reprend la carrosserie de l’A8, mais avec une nouvelle calandre grillagée et des doubles phares. Bien que Checker soit alors relativement prospère, le constructeur doit faire face à une nouvelle concurrence depuis le début de la décennie. De nombreuses villes abolissent les ordonnances obligeant les compagnies de taxis à utiliser des voitures spécialement conçues à cet usage. Les groupes GM, Ford et Chrysler s'engouffrent dans la brèche. Checker vend ses taxis aux compagnies qui lui appartiennent, mais les affaires perdues auprès des sociétés non affiliées se font cruellement ressentir. Checker fait en février 1960 un pas vers le marché des voitures particulières avec la Superba (A10). Celle-ci adopte des peintures neutres, sans référence aucune à l’univers du taxi. Elle est initialement livrée de série avec le 6 cylindres Continental hélas complètement dépassé. Ce n'est qu'à partir de 1965 que Checker propose des moteurs Chevrolet plus modernes et plus puissants. La Superba aide Checker à compenser sa relative perte d’influence sur le marché des taxis. Elle répond à l'attente de certains grands rouleurs. C'est une voiture conçue pour durer et endurer les pires conditions de circulation, qui reste fiable même quand elle affiche de forts kilométrages, ceci grâce à une conception technique simple et conventionnelle, à l'épreuve du temps.
En 1960, Checker tente d'accroître sa production en se tournant vers le marché de la voiture de tourisme. Issue de cette nouvelle stratégie, la berline Superba étroitement dérivée du taxi standard bénéficie d'une présentation plus soignée et d'un catalogue d'options plus étendu. Le changement de stratégie opérée par la marque entraîne une modification de la raison sociale. La Checker Cab Manufacturing devient la Checker Motors Corporation. Cette société peut être alors considérée comme le septième constructeur automobile américain, derrière les groupes GM, Ford, Chrysler, AMC, Studebaker-Packard et Kaiser-Willys. A partir de 1961, la Marathon prend progressivement le relais de la Superba qui est abandonnée à l'issue du millésime 1963. Outre la nouvelle désignation, la Marathon se distingue par le dessin de sa grille de calandre et au nouveau positionnement des feux de stationnement rectangulaires sous les phares jumeaux. Son prix la positionne à un pied d'égalité avec les Chevrolet Impala ou Ford Galaxie. Mais elle ne peut rivaliser avec celles-ci sur le plan de la finition, de l'équipement et encore plus de la mécanique.
La grille de calandre et le positionnement des feux de stationnement permettent de différencier la Marathon de la Superba.. En 1962, Checker propose l’Aerobus, une version allongée et renforcée afin de supporter des carrosseries à six ou huit portes. La première compte neuf places assises sur une longueur de 5,98 mètres, tandis que la seconde aligne douze places sur 6,85 mètres. Le poids de cette dernière atteint 2 252 kg. L'Aerobus est essentiellement destinée aux compagnies de taxis desservant les aéroports et les hôtels. Pour animer ce mastodonte, Checker a prévu un moteur généreux, un V8 Continental de 5 210 cm3 et 190 ch, remplacé en 1965 par un V8 Chevrolet de 5358 cm3 et 200 ch au couple camionnesque. A son bord, tout a été pensé pour offrir un maximum d'espace. On observe un plancher plat sans tunnel de transmission visible (celui-ci passe à travers le châssis) et des habillages en vinyle qui garantissent une meilleure longévité. Des tambours de freins de grande surface sont montés afin de ralentir sans difficulté l'Aerobus. Le coffre aménagé façon break permet d'accueillir un nombre impressionnant de bagages. L'Aerobus est produite jusqu'en 1969 pour la six portes (quelques dizaines d'exemplaires par an) et jusqu'en 1977 pour la huit portes qui dans son année la plus faste (1969) a été assemblée à 476 exemplaires.
A partir de 1962, les Checker A9 berline et break sont disponibles dans des versions ultra-longues dotées de six ou huit portes (sept ou neuf portes pour le break) baptisées Aerobus. En 1963, Checker inscrit à son catalogue la Marathon Town Custom. Cette voiture de maître est quasiment produite sur commande. Son prix de 7 500 dollars la met au même niveau qu'un très haut de gamme Cadillac. Evidemment, ces dernières sont plus modernes d'aspect et de conception. Le département d'Etat américain commande plusieurs exemplaires pour ses ambassades dans les pays du tiers monde où les routes sont plus exigeantes et l'ostentation peu appréciée, la limousine Checker étant considérée comme plus discrète qu'une Cadillac. Cette version très particulière n'est produite que jusqu'en 1966, à quelques dizaines d'unités tous les ans.
Outre des administrations, quelques particuliers se laissent séduire par la Marathon Town Custom. On peut s'interroger sur leurs motivations pour un tel achat. Elle sera remplacée en 1967 par une Marathon allongée, plus accessible. Au cours des années 60, les Checker évoluent par petites touches, sans intervention sur le dessin de la carrosserie qui va désormais demeurer figée. A partir de 1961, le 6 cylindres Continental est aussi disponible en version 122 ch (puis 141 ch en 1963/64). Après un léger lifting en 1963, les Checker deviennent A11 pour le taxi et A12 pour les Superba et Marathon. En 1965, Checker n'accepte pas la forte augmentation des tarifs de son motoriste Continental. La firme se tourne alors vers Chevrolet pour négocier la fourniture d'une part d'un 6 cylindres 3760 cm3 (140 ch), d'autre part de V8 4630 cm3 (195 ch) et 5330 cm3 (250 ch), des puissances jamais vues sur une Checker. Un sommet est atteint en 1969 avec un V8 Chevrolet de 5735 cm3 (300 ch). C'est l'âge d'or des muscles cars ... Puis Checker revient très vite à la raison avec des 6 cylindres et des V8 affichant entre 105 et 170 ch. Dans les années 70, les puissances baissent encore sous l'effet des nouvelles normes antipollution.
La Marathon tente de s'immiscer sur le créneau des berlines familiales dans les années 60. Elle ne manque pas de stature, même si ses lignes sont datées En 1966, Checker livre 8 173 voitures, un plafond qui ne sera plus jamais atteint. La compagnie bénéficie d’une grande fidélité de ses clients, sociétés de taxis, entreprises et particuliers, même si elle s'avère totalement démodée. Morris Markin est persuadé que les Checker sont de belles voitures qui sauront traverser les décennies sans grand changement, comme les Morgan en Angleterre. Cela relève d'une approche très personnelle de l'esthétique. Contacté en 1964 par Nate Altman qui vient de racheter les droits sur l'Avanti conçue par Studebaker, et qui cherche une entreprise capable de la produire pour son compte, Morris Markin aurait décliné la demande, considérant que l'Avanti est trop laide pour qu'il puisse envisager de s'en occuper. En 1969, une variante de l'A12 à empattement long, appelée Medicar, est produite en petit nombre. Conçue pour le transport de personnes handicapées, elle comporte un toit surélevé et une rampe latérale, permettant à des usagers en fauteuil d'accéder à son bord.
La Médicar de 1969 est une version dont le pavillon est surélevé de 20 cm. Il s'agit d'une ambulance de haut de gamme capable de transporter trois personnes sur leur chaise roulante. Elle ne sera produite qu'à une poignée d'exemplaires à un tarif assez dissuasif. Entre 1966 et 1970, Checker livre en moyenne chaque année 4 500 taxis et 800 voitures " civiles ", ce qui représente une production annuelle moyenne de 5 300 unités, en baisse par rapport au début de la décennie.
La Checker est disponible depuis 1960 dans une version station wagon. Cette carrosserie est proposée pour les taxis, mais aussi pour le grand public sous les désignations Superba puis Marathon. La firme Checker semble pour l'instant indéboulonnable même si une forte croissance des ventes ne paraît plus possible si l'on considère la manière dont est conduite l’entreprise. Morris Markin décède en 1970, laissant son fils David à la tête de Checker. Celui-ci valide pour 1971 l’implantation de pare-chocs restylés, le seul accessoire extérieur redessiné depuis une éternité … Ceux-ci sont de nouveau modifiés en 1974 afin de respecter les récentes normes de sécurité US. Ils s'apparentent désormais à de simples poutrelles. S'ils sont effectivement efficaces, ils sont aussi très laids.
Le montage des pare-chocs anticollision imposés pour 1974 enlaidit une voiture qui n'était jusque là que démodée. Mais ceux-ci vont aussi faire partie de la légende Checker. Un déclin inéluctable David Markin sollicite les autorités afin d'obtenir un délai lui permettant de se mettre en conformité avec les nouvelles normes liées à la sécurité, et il demande des dérogations concernant la consommation en carburant. Contrairement aux Big Three, Checker manque d'une gamme de voitures plus compactes permettant d'obtenir une moyenne favorable. La flambée du prix du pétrole à partir de 1973 provoque une forte baisse des ventes, les acheteurs se tournant vers d’autres constructeurs qui proposent des berlines plus économiques. Les Checker aux lignes surannées n'ont rien d'aérodynamique. A moteur égal, elles consomment davantage que les Chevrolet équivalentes, aux lignes plus fluides. En 1975, les ventes de Checker plafonnent à 2 550 taxis et 450 voitures pour le grand public, soit 3 000 voitures au total contre 5 880 unités en 1974, 5 900 en 1973, 5 350 en 1972 et 4 500 en 1971. Les ventes de versions civiles n’ont représenté qu'environ 15 % de la diffusion du constructeur depuis 1960. A la vue de ce résultat, on peut affirmer que Checker a échoué à vendre ses voitures en dehors du marché des professionnels. C'est aussi vrai qu'il fallait un goût affirmé, un besoin d'exotisme ou une volonté farouche de différenciation pour s'offrir une Checker. Le constructeur assemble encore 4 790 unités en 1976, 5 377 en 1977 et 5 503 en 1978. Malgré cette modeste relance, l’avenir de Checker s'assombrit. La stratégie de l'immobilisme a ses limites.
Checker s’accroche d’une manière incompréhensible à son modèle franchement démodé, repoussant toute idée de remplacement, comme chez l’indien Hindustan avec son Ambassador ou le britannique Morgan. Ainsi, la version modernisée proposée par Ghia en 1968 n'est pas retenue. La concurrence des Big Three est de plus en plus vive sur le marché des taxis. Checker n'a aucune marge de manoeuvre face aux rabais consentis aux compagnies par ces géants. Il reste à Checker quelques arguments. De voiture démodée, la Checker est devenue une icône. Le film " Taxi Driver " de Martin Scorsese en 1976 renforce encore un peu plus son mythe, à l'image du Black Cab londonien. Outre son capital sympathie, la Checker offre encore une habitabilité inusitée et un rayon de braquage exceptionnel pour une américaine, qui permet des demi-tours d'un seul trait sur les grandes avenues.
Taxi Driver est un drame psychologique américain réalisé par Martin Scorsese, sorti en 1976. Un taxi de la marque Checker partage la vedette avec Robert de Niro, Jodie Foster, Harvey Keitel et Cybill Shepherd. Ce film remporte la Palme d'or au festival de Cannes en 1976. Le salut de l’entreprise semble venir quand Edward N. Cole qui a pris sa retraite de président de la General Motors en 1974 entre chez Checker pour lancer un programme de développement de nouveaux modèles. Il acquiert 50 % du capital de la compagnie. Il a l'ambition de faire grandir Checker, et il a les compétences et les contacts pour y parvenir. L'ami de Cole, l'important concessionnaire Cadillac new-yorkais Victor Potamkin, le rejoint en tant qu'investisseur. Ed Cole demande à ses ingénieurs de monter dans la Checker le V8 diesel Oldsmobile de 5,7 litres (105 ou 125 ch), et des tests sont engagés. A plus long terme cependant, il se rend compte que Checker a besoin d'une toute nouvelle voiture conçue pour le monde contemporain. Une des idées développées est de partir d’une base de berline VW Rabbit (notre Golf !) Diesel allongée, qui offrirait l'espace souhaité avec une économie de carburant notoire. L'un des contacts d'Ed Cole est le président de VW of America, Jim Mc Lernon, un ancien cadre supérieur de GM.
Checker tente de se relancer une première fois avec la présentation à la fin des années 70 d'une version rallongée de la Volkswagen Golf, appelée Rabbit aux USA (source : https://fr.escuderia.com). Une autre piste est explorée. Ed Cole et David Markin qui a conservé ses fonctions de président demandent à la société concept-cars Autodynamics de leur concevoir une Chevrolet Citation allongée. Ce nouveau taxi, plus grand et plus robuste que le projet sur base VW Rabbit, est considéré comme une solution très acceptable. Cependant, l'espoir s'éteint presque aussi vite qu'il a surgi.
En 1980, General Motors lance la gamme X-car, des modèles compacts à traction avant. Le partenariat prévoit l'achat de caisses en blanc à la GM, qui seraient transformées en taxi. Mais Checker a l'habitude de travailler sur le long terme, et l'espérance de vie d'un nouveau modèle est limitée chez Chevrolet. L'approvisionnement serait vite devenu problématique. Ce projet comme tant d'autres est abandonné. En mai 1977, Ed Cole décède dans le crash de son avion privé alors qu'il se rend à Kalamazoo. L'ingénieur en chef de Checker, Saburo Hori, propose une nouvelle solution. En reprenant l'idée du taxi Chevrolet Citation comme point de départ, la conception évolue vers une toute nouvelle version sur la plate-forme X-car, mais dotée de sa propre carrosserie avec des lignes simples et anguleuses que Checker pourrait construire en utilisant un outillage à faible coût, avec une interchangeabilité maximale des pièces. Les ailes sont en plastique souple pour éliminer les dommages mineurs causés par les impacts. Esthétiquement, le modèle ressemble à une VW Rabbit sous stéroïdes, mais il apparaît comme un produit viable avec l'espace, la fiabilité et l'efficacité énergétique nécessaires, autant de qualités qui auraient pu le mener au succès. C'est sans doute la meilleure chance pour Checker de continuer à vivre en tant que constructeur automobile. Finalement, David Markin n'approuve pas le projet. Avec le recul, il est difficile de le lui reprocher : la situation économique des Etats-Unis est mauvaise en raison des conséquences du second choc pétrolier de 1979. Les ventes de voitures sont de nouveau en berne et la mise en production de la nouvelle Checker, même avec son outillage simplifié, coûterait des millions de dollars. Cela semble trop risqué, d'autant plus que la GM ne garantit pas non plus la durée de production des composants de la chaîne cinématique et du châssis de la X-car.
Le projet de Saburo Hori n'aboutira pas plus que les précédents. Moderne d'aspect à défaut d'être beau, il aurait peut-être permis à la marque Checker de passer de cap du nouveau millénaire. D'un autre côté, Checker possède une usine riche en équipements pour de l'emboutissage, ce qui lui permet de poursuivre ses activités en tant que fournisseur pour d'autres constructeurs automobiles. C'est ce que David Markin décide de faire. Il devient un sous-traitant de la General Motors, fabriquant des éléments pour les Chevrolet Blazer et GMC Suburban. Epilogue Après l'assemblage de 5 231 voitures en 1979, 2 694 en 1980, 3 050 en 1981 et 2 080 au cours du premier semestre 1982, Checker cesse la production automobile le 12 juillet 1982, soit soixante ans jour pour jour après la sortie de ses ateliers de sa première voiture. Le tout dernier modèle de la marque est retiré du service à New York en 1999. Chevrolet et Ford occupent alors l’essentiel de ce marché aux Etats-Unis, avec des voitures modernes de grandes dimensions lancées dans les années 90, qui relèguent les Checker au rang de dinosaures. L'événement qui tue une seconde fois Checker Motors est la récession de 2009, lorsque les ventes automobiles s'effondrent. La General Motors est sauvée in extremis par l’administration démocrate de Barack Obama mais doit se séparer de ses filiales Pontiac, Saturn et Hummer. Le sous-traitant Checker est aussi sacrifié. David Markin disparaît quatre ans plus tard, en 2013, à l’âge de 82 ans.
Texte : Jean-Michel Prillieux / André
Le Roux |
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