Jowett, pionnier de la voiture légère


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Jowett est une marque automobile britannique qui a été en activité de 1901 à 1954. C'est une pionnière de la voiture légère, et ses modèles sont jugés comme étant sur ce créneau parmi les plus pratiques et les plus fiables des années 20 et 30. La montée en gamme voulue à partir de 1947 ne réussit pas à la firme, qui est contrainte de cesser sa production automobile en 1954.


Les origines de la firme Jowett


L'histoire de Jowett commence à Bradford dans le comté du Yorkshire à la fin du 19ème siècle. Wilfred Jowett retire ses cinq enfants du parcours scolaire lorsqu'ils atteignent l'âge de 13 ans. Il a en effet besoin de bras pour le seconder dans la forge familiale. Benjamin (1877/1963) et William (1880/1965) refusent cette situation, et à la mort de leur mère, ils prennent leur indépendance.

Ils fondent en 1901 à Bradford leur propre société. Comme beaucoup d'autres (Morris, Singer, Humber), les deux frères commencent par réparer puis assembler des bicyclettes. Puis ils se lancent dans la fabrication de moteurs bicylindres, et se font un devoir de fiabiliser ceux-ci. Grâce à la qualité de leur production, ils deviennent des spécialistes du secteur, venant concurrencer des marques bien établies comme Aster et De Dion Bouton. Les moteurs Jowett équipent notamment les cycles Scott.

Les deux frères conçoivent leur première automobile en 1906, et fondent la Jowett Motor Manufacturing Company. La première automobile Jowett, une 6 HP de 816 cm3 à deux places, n'entre en production qu’en 1910, les ateliers étant accaparés pendant quatre ans par la fabrication de moteurs. L’intention est de produire et de commercialiser un véhicule léger et économique, vendu à un bas prix, à une époque où la plupart des constructeurs ciblent plutôt une clientèle aisée souhaitant acquérir une voiture de classe.

Jowett est un précurseur, mais sa production reste confidentielle, et elle n'attire encore qu'une clientèle locale, dans la région de Bradford et du Yorkshire. Le moteur et la boîte de vitesses sont conçus en grande partie en aluminium. Le couple et les rapports de démultiplication sont parfaitement adaptés aux collines locales, où les routes en mauvais état offrent peu d'utilité à une vitesse de pointe élevée ou à des accélérations rapides.

La Jowett est robuste, contrairement à d’autres voitures légères qui souffrent soit de moteurs de cyclecars peu puissants et fragiles, soit de moteurs de voitures plus imposantes, mais non adaptés à leur structure. Quarante-huit voiturettes sont produites jusqu'en 1914, quand la petite entreprise s'oriente exclusivement vers la production de munitions.


1920, la 7 HP


En juin 1919, la Jowett Motor Manufacturing Company devient la Jowett Cars Limited. Une nouvelle usine plus vaste est construite à Springfield, à cinq kilomètres de Bradford. En 1920, Jowett propose une nouvelle 7 HP, dotée d'un flat-twin maison de 907 cm3, construite sur un empattement de 2,10 mètres. Celle-ci se taille une réputation enviable. Elle est appréciée pour ses qualités de robustesse, de fiabilité et d'économie. Le niveau de production reste mesuré, environ une dizaine de voitures par semaine en 1921. Jowett s'inscrit au Salon automobile de Londres cette même année, et prospecte en dehors de son marché initial. L'offre s'étend en 1922 avec des carrosseries à vocation utilitaire, dont Jowett va devenir un spécialiste.

Les carrosseries prennent de l'ampleur. Jowett propose à partir de 1923 parallèlement au modèle initial une version " Long Four ", d'un empattement de 2,60 mètres. Ainsi, les Jowett deviennent de vraies quatre places, et accèdent à une nouvelle clientèle. Les deux frères Jowett sont plutôt du genre conservateur. Ils pensent n'avoir aucun intérêt à remettre en cause ce qui fonctionne à leur sens parfaitement. Ainsi, le freinage est toujours absent sur les roues avant.

La Tourer quatre places est tarifée 245 £, soit 20 % de plus que la version biplace. Au même moment, une Austin 7 HP coûte 165 £. La bataille entre les artisans et la grande industrie est engagée, qui tournera pour des raisons évidentes de coût de production à l'avantage de cette dernière.

Jowett pour se faire connaître s'engage dans quelques courses de côte. Les publicités que la marque diffuse dans les hebdomadaires font appel à une phraséologie biblique, en utilisant même du patois local, ce qui rend toute tentative de traduction très hasardeuse. Les deux frères semblent s'amuser de cette situation. La clientèle se recrute auprès de ce que l'on n'appelle pas encore les classes moyennes, des commis-voyageurs ou des commerçants. Le public féminin est aussi sensible à la facilité de conduite de ces voitures légères. Même la police et l'armée s'intéressent à la 7 HP.

L'entreprise se structure. Benjamin Jowett créé un atelier d'expérimentation en 1923. Le développement des ventes exige de se doter d'un véritable service après-vente et de distribution de pièces détachées. En 1924, ce sont environ 70 voitures qui sortent quotidiennement des ateliers de Springfield.

Jowett Torpedo, vers 1925. En 1924, Jowett complète sa gamme de voitures biplaces par des versions quatre places appelées Long Four. Copyright

En 1929, le moteur bicylindre des Jowett 7 HP reçoit des culasses amovibles pour faciliter l'entretien, et le freinage se fait désormais sur les quatre roues. Chaque châssis nu fait en sortie d'usine l'objet d'un essai poussé sur routes ouvertes. Les chauffeurs s'habillent alors d'une toile cirée ! Les voitures sont de nouveau essayées une fois habillées, sur un parcours de huit kilomètres. Les carrosseries adoptent de jolis noms : Grey Knight, Chummy, Silverdale, Kestrel ... La production hebdomadaire varie entre 80 et 95 unités. Bien évidemment, Jowett reste un nain comparé à de grandes maisons comme Morris. Ce dernier produit dix fois plus de voitures que lui.

En septembre 1931, en pleine crise économique mondiale, alors que le niveau de production est redescendu à une soixantaine de voitures par semaine, l’usine de Springfield est victime d’un incendie. L'atelier de carrosserie, de travail du bois, une partie de l'atelier de peinture et de nombreux outillages sont détruits. Par chance, les prototypes en cours de développement sont sauvés. Pendant six mois, Jowett ne produira que des utilitaires.

Jowett lance en 1933 la conduite intérieure sport Kestrel (crécelle) qui est dotée pour la première fois pour ce constructeur d’une boite de vitesses à quatre rapports. Mais ce modèle ne connaît pas un grand succès. La gamme 1934 comprend six voitures de tourisme, et quatre versions commerciales : un fourgon, une boulangère, une marchande, et une camionnette. La Jowett Weasel (belette) à tendance sportive - moteur à deux carburateurs - lancée en 1935 ne va pas laisser un souvenir impérissable.

La 7 HP est produite jusqu'en 1936, à 11 444 exemplaires, toutes versions confondues.


1936/1937, les 10 HP et 8 HP


Pour assurer son développement, Jowett a besoin de capitaux, et l'entreprise est donc cotée en bourse à partir de 1935. Benjamin, qui voit son pouvoir de décision se déliter, refuse cette situation. Il s'en explique avec William, qui réfute ses arguments. Après tant d'années à partager le devenir de l'entreprise familiale, Benjamin quitte l'affaire en 1936, fâché avec son frère. Cette situation ne laisse pas William insensible. Il ne manifeste plus le même engagement. Il préfère lui aussi jeter l'éponge en 1940. En 1936, Jowett lance sa première quatre cylindres, la berline Ten, dotée d’un 1 146 cm3 à double carburateur, dont la carrière commerciale se poursuit jusqu’en 1939. Cette voiture traduit déjà la volonté de Jowett de monter en gamme.

La Jowett 8 HP s'inscrit dans la continuité de la marque, spécialiste et fer de lance dans la catégorie des voitures bicylindres. Copyright

Avec une mécanique bicylindre, la Eight succède à la 7 HP en 1937. La cylindrée est portée de 907 cm3 à 946 cm3. Cette voiture est produite comme la Ten jusqu'en 1939.

La Jowett 10 HP est la première 4 cylindres de la marque. Elle partage sa carrosserie avec la Eight. Copyright

A partir de 1939, l'entreprise est dirigée par Charles Calcott Reilly. L'homme dispose d'un important carnet d'adresses dans la profession.


La Seconde Guerre mondiale


La déclaration de guerre met un coup d'arrêt à la production automobile. Les nombreux appuis de Charles Calcott Reilly dans les instances de décision lui permettent d'obtenir plusieurs marchés en temps de guerre. Jowett emploie son personnel à la fabrication de munitions, de cantines de campagne, de masques à gaz ... L'entreprise poursuit la production de moteurs pour groupes électrogènes, et démarre celle de composants pour l'aviation. Les moteurs Jowett sont utilisés sur les pompes à incendie qui vont se révéler fort utiles pour éteindre les incendies durant le " blitz ", entre septembre 1940 et mai 1941.

Pendant la guerre, la surface des usines est multipliée par deux, et le nombre de salariés par quatre. La guerre permet paradoxalement à Jowett de reprendre des couleurs, alors que la firme était au bord de la faillite. Parallèlement, cette période est mise à profit pour étudier de nouveaux modèles. Une équipe dirigée par l’ingénieur et designer Gerald Palmer récemment recruté se met au travail à partir de 1942. Outre un salaire plus élevé, il a été promis à Palmer une liberté totale dans la conception de la future Jowett. Notre homme trouve chez Jowett des équipements sommaires. Ce qui fait office de bureau d'études tient dans une seule pièce ! Il doit faire preuve de débrouillardise.

Palmer a été élevé en Afrique australe où son père était ingénieur des chemins de fer. Il a terminé ses études en Grande-Bretagne, avant d'être recruté chez le fabricant de camions Scammel, puis de bifurquer en 1938 chez MG (Morris Garage), pour participer au développement de la MG type Y, qui en raison de la guerre ne sera pas produite avant 1947. Il y croise un certain Alec Issigonis, le père de la future Mini.

En attendant de finaliser la prochaine voiture, Jowett reprend à la fin de la guerre la fabrication des utilitaires légers, toujours équipés du fameux bicylindre à plat d’avant-guerre, dont la cylindrée est portée à 1 005 cm3. La gamme comprend un break Utility, un fourgon Bradford et un pick-up. Malgré la calandre modernisée, le produit reste le même. Le valeureux moteur permet de rouler à 75 km/h. La tenue de route avec un centre de gravité élevé est plutôt du type bondissante. Ces engins fiables assurent sans faille le service qui leur est demandé, et on les verra circuler sur les routes britanniques jusqu'aux années 1970.

Jowett Bradford pick-up - Ces utilitaires resteront longtemps populaires auprès des agriculteurs, et des petites entreprises telles que les boulangers, les prieurs, les poissonniers ... Source : https://www.curbsideclassic.com


1947 : Jowett Javelin


Après-guerre, les constructeurs automobiles britanniques sont obligés d'exporter. C'est une condition sine qua non pour accéder aux fournitures de matières premières. Jowett présente officiellement la nouvelle Javelin le 27 juillet 1946, au public et à la famille royale, à l'occasion de la " Cavalcade of Motoring ". Le constructeur grille la politesse aux grandes marques nationales, moins agiles quand il s'agit de concevoir une voiture inédite. Jowett monte en gamme par rapport aux Eight et Ten qui ne sont pas reconduites à la fin du conflit.

La Jowett Javelin dévoilée en 1946 représente une vraie montée en gamme de la marque. Copyright

Palmer ne s'est pas privé de faire preuve d'originalité. Cette berline affiche des lignes aérodynamiques, avec six glaces qui offrent une luminosité exceptionnelle aux passagers. Les phares sont logés dans les ailes. Hélas, Palmer n'a pas osé assumer des formes franchement ponton, pourtant à la pointe de la modernité. On peut trouver à la Javelin quelques similitudes avec les Steyr 50 et Tatra 87 de 1936, et Lincoln Zephyr et Lancia Aprilia de 1937.

Elle est compacte, avec 4,27 mètres de long, pour 1,54 mètre de haut. Les trains roulants sont positionnés aux extrémités afin d'offrir une habitabilité optimum. La boîte de vitesses compte quatre rapports. Le quatre cylindres à plat de 1 486 cm3 délivre 50 ch avec deux carburateurs. Faute de finances, il a été développé à partir du moteur de la Ten. La Javelin atteint 130 km/h, ce qui est très honorable dans la catégorie des 1,5 litre.

La voiture n'a rien de révolutionnaire, mais c'est la combinaison de nombreuses solutions qui en fait un modèle unique. La carrosserie monocoque en acier est emboutie chez Briggs Motor Bodies dans l’usine voisine de Doncaster. Jowett n'a pas la capacité industrielle ni les moyens financiers d'être autonome sur ce plan. A priori, cette solution paraît viable. Les caisses arrivent peintes chez Jowett avec l'intérieur en place. Il reste à monter la mécanique, la direction, les suspensions et les freins.

L'habitacle est traité avec un luxe auquel Jowett n'a pas habitué sa clientèle. Les banquettes sont habillées de cuir et de tissus, la planche de bord est en noyer sur la version Luxe. Rien de manque : un allume-cigare, un miroir de courtoisie, de la moquette au sol, un plateau fixé derrière chaque siège avant, une malle de coffre qui s'éclaire à son ouverture ...

La concurrence sera rude pour la Jowett Javelin. Des concurrents à la surface financière plus ample proposent plusieurs modèles : Austin A40, Morris Oxford, Ford Prefect, Vauxhall Wyvern, Hillman Minx, Singer SM 1500 ... Source : https://remarkablea.wordpress.com

Jowett renonce à ses publicités bibliques, à ses modèles inusables qui se transmettent de génération en génération, et propose une berline à tendance sportive, dans l'esprit de la Lancia Aprilia. Une équipe de course est créée, que l'on retrouve à Spa, au Mans ou sur le Monte-Carlo. Un manuel de réglage sportif est proposé aux amateurs. L'exportation bat son plein vers la Suède, le Benelux, la Suisse, l'Autriche ...

Mais le démarrage de la production reste poussif. Pour l'instant, on est bien loin des 150 unités hebdomadaires planifiées lors de l'accord initial avec Briggs. L'usine Briggs de Doncaster n'est opérationnelle que début 1948. La fourniture d'acier se fait au compte-goutte. La première voiture est acquise par Chrysler, qui tient à décortiquer cette création britannique. C'est une belle reconnaissance du travail fourni par les équipes de Jowett.

Jowett ne satisfait pas la demande intérieure en raison des quotas d'exportation. L'essentiel de la production part à l'étranger, alors même que l'effet nouveauté passé, la Javelin peine y trouver son public. Un assouplissement de ces quotas au début des années 1950 permet au constructeur de renouer avec un certain équilibre.

Des tensions apparaissent entre Briggs et Jowett. Palmer, inquiet pour l'avenir, préfère en 1949 prendre les devants, et quitte Jowett pour retrouver ses anciens collègues de chez Morris. Il va y travailler sur les futures MG Magnette et Wolseley 4/44. Après 10 années à la tête de Jowett, Callcott Reilly fait de même. La banque Lazard qui a pris une majorité de contrôle au sein de la compagnie y place son homme, un certain Arthur Jopling. C'est un financier qui ne connaît pas vraiment l'automobile. Cela n'est pas de très bon augure pour la suite.

Jowett Javelin - Source : https://automotive-heritage.com

Un volume de production insuffisant ne permet pas à la Javelin d'être compétitive en prix. Ainsi, en 1949, les modèles équivalents coûtent 448 £ chez Vauxhall, 505 £ chez Morris, 799 £ chez Riley, tandis que la Javelin vaut 959 £. La Citroën Traction produite en Angleterre est facturée 880 £. Même ce prix élevé, à priori reflet d'un développement et d'une construction soignés, n'empêche pas la Javelin de connaître quelques déboires, qui entachent sa réputation, notamment des casses de vilebrequin et une boîte de vitesses maison défaillante ...

Pour produire moins cher, Jowett a renoncé à se fournir chez Meadows, une entreprise très réputée. Ce choix va se révéler catastrophique. La production d'une boîte de vitesses est complexe, et Jowett ne dispose ni de la main d'oeuvre, ni des machines-outils nécessaires. Pire, à des fins d'économie, il utilise des aciers de substitution. Les engrenages perdent leurs dents, ce qui n'était jamais arrivé chez Meadows. ll faut reprendre toutes les pièces qui ne passent pas les contrôles. Et encore, près de 10 % des voitures mises en circulation reviennent à l'atelier dans les six premiers mois de leur existence. De nombreux clients ont leur voiture immobilisée, en attente d'une nouvelle boîte. En mai 1952, la livraison de voitures neuves est suspendue, afin de prendre le temps de solutionner définitivement ce problème.

Ainsi, faute de boîtes en nombre suffisant, les stocks des autres éléments (moteur, suspensions, freinage, caisse ...) s'accumulent, entraînant des coûts financiers. Briggs qui est enfin parvenu à produire ses 150 caisses hebdomadaires n'a pour le coup plus aucune envie de réduire la cadence, et Jowett est contraint d'honorer ses factures. Le chiffre d'affaires est en berne, les aides liées à l'exportation sont revues à la baisse, l'après-vente coûte une fortune. Cela plombe la trésorerie. Jowett empile les difficultés.

L'habitacle de la Jowett Javelin. Jowett n'a jamais habitué sa clientèle à un tel luxe. Copyright

La réputation de qualité des Jowett, issue de près d'un demi-siècle de pratique, est mise à mal. Les ventes chutent de 5 769 exemplaires en 1951 à 4 060 unités en 1952. Au final, la Jowett Javelin n'est produite qu’à 23 307 exemplaires de 1947 à 1953, alors que l'Austin A40 est sortie à près de 450 000 unités de 1947 à 1952.


1950 : Jowett Jupiter


En 1950 apparaît la Jowett Jupiter, un roadster deux places dérivé de la berline Javelin, toujours destiné à l’exportation, en particulier vers le marché américain, particulièrement friand de voitures de sport britanniques. Son châssis a été mis au point par Eberan von Eberhorst, qui a travaillé auparavant pour Auto Union. Le style baroque de la Jupiter, née ERA Javelin au Salon de Londres 1949, s’inspire maladroitement de celui de la Jaguar XK 120 lancée en 1948. Dotée du même moteur que la Javelin, elle atteint 145 km/h grâce à un poids moindre. La version de série apparaît au Salon de New York 1950. Relativement lourde, elle souffre dans sa première version de l'absence d'une vraie malle de coffre, un défaut corrigé ultérieurement.

La Jowett Jupiter est la version deux places de la Javelin - Source : https://fr.wheelsage.org

Sur le plan commercial, c'est un échec. L'auto n'est pas particulièrement belle, et son prix est trop élevé. Fin 1953, la MG TF vaut 780 £, la TR2 787 £, la Morgan 802 £, tandis que la Jupiter est facturée 1 008 £, presque autant que l'Austin Healey bien plus jolie à 1 064 £. Pour parer à la mévente, l'ingénieur Roy Lunn, qui a remplacé Gerald Palmer, lance l'étude d'une version plus économique, moins sophistiquée. Quelques prototypes sont fabriqués, puis le projet est abandonné. Moins de 1 000 exemplaires de la Jupiter sont produits jusqu'en 1954.

Malgré ses faux airs de Jaguar XK 120, la Jupiter ne convainc qu'une poignée de fidèles. Copyright


La fin de Jowett


Une stratégie discutable et une direction commerciale trop confiante semblent être à l'origine de la chute de cette entreprise longtemps profitable. Le coup de grâce viendra de chez Briggs. Walter Briggs, le fondateur de l'entreprise, meurt en janvier 1952. Ford, son principal client installé tout à côté, à Dagenham, a besoin d'assurer ses arrières, et rachète l'entreprise. Dès lors, Ford exige de Jowett un paiement des carrosseries avant toute livraison. Il sait pertinemment que cela va déstabiliser son " petit " concurrent. Jowett obtient dans un premier temps que Briggs réduise la cadence, pour mieux s'adapter à la demande qui est en deçà des prévisions.

La camionnette 8 HP d'avant-guerre est remise en production sous le nom de Bradford. Avec la Javelin et la Jupiter, Jowett peut se vanter de proposer une véritable gamme. Copyright

Ford renonce à sa récente acquisition, qui au final n'apparaît pas opportune. Briggs passe sous la coupe de Fisher & Ludlow, qui lui-même passe en septembre 1953 sous le contrôle du groupe British Motor Corporation (BMC), nouvellement créé. En juillet 1953, Arthur Jopling informe les actionnaires de Jowett que l'approvisionnement des carrosseries ne sera bientôt plus garanti, même si des discussions ont encore lieu. L'information est confirmée quelques semaines plus tard. Et effectivement toute production cesse fin 1953.

Seule la Jupiter continue d'être assemblée en petit nombre, mais la direction décide de stopper son assemblage en juillet 1954. International Harvester, industriel du machinisme agricole, possède des usines à Doncaster et Liverpool. Il est à la recherche de nouveaux locaux pour étendre ses activités. Arthur Jopling, en bon financier, y voit une porte de sortie honorable. International Harvester se porte acquéreur de l'usine, des outillages, et se propose de reprendre le personnel qui reste sur le carreau. Jowett déménage en janvier 1955 dans la banlieue de Bradford, au sein d'un nouvel atelier, pour assurer la production et la distribution pendant huit années de pièces de rechange. Briggs, bon joueur, accepte de fournir pendant un certain temps des panneaux de carrosserie pour les Bradford et les Javelin.


Epilogue


Jowett, empêtré dans ses petites séries, n'a pas été en mesure de rivaliser, ni avec les filiales des américains Ford et GM (Vauxhall), ni avec les deux géants britanniques BMC (Austin et Morris se sont associés en 1951) et Rootes (fondé entre 1928 et 1938). C'était sans compter sur la concurrence des voitures importées (notamment VW, Fiat, DKW), et l'implantation en Grande-Bretagne par le biais d'ateliers de montage et de finition des constructeurs français Citroën et Renault.

Jowett qui a tout de même produit environ 65 000 véhicules entre 1946 et 1954 se tourne vers la construction aéronautique. En 1955, l'entreprise est reprise par la Blackburn & General Aircraft Company. Elle prend le nom de Jowett Engineering Ltd en 1958. En 1960, Blackburn & General Aircraft Company est intégré au groupe Hawker Siddeley, qui devient British Aerospace en 1977.

Quand la production de pièces cesse en décembre 1963, le stock est liquidé. Une part importante ce celui-ci prend la direction de la Nouvelle-Zélande, une contrée où nombre de Jowett sont encore en circulation. Le nom de Jowett est cédé par Hawker Siddeley au Jowet Car Club.

Texte : Jean-Michel Prillieux / André Le Roux
Reproduction interdite, merci.

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