Studebaker, 114 ans d'histoire
Studebaker était une marque automobile américaine créée en 1902 à South Bend dans l'Indiana. Parmi les marques américaines, Studebaker a fait preuve d’une certaine originalité, notamment après la Seconde Guerre mondiale, quand elle a fait appel aux services du designer Raymond Loewy. Mais l’originalité ne paie pas toujours, et la firme Studebaker a dû se résoudre à fusionner avec Packard en 1954, avant de connaître une lente agonie jusqu’en mars 1966, date à laquelle elle a cessé toute production automobile. Les origines de Studebaker Avant de devenir une marque automobile, la société Studebaker était réputée pour sa fabrication de chariots hippomobiles, de ceux que l’on pouvait apercevoir dans tous les westerns, et qui ont sillonné les Etats-Unis d’Est en Ouest, du Nord au Sud.
Studebaker a produit des chariots hippomobiles de 1852 à 1919, soit durant 67 ans, et des automobiles de 1902 à 1966, soit durant 64 ans. C'est en 1852 que les frères Henry (1826/1895) et Clement Studebaker (1831/1901) ouvrent un atelier de forge et de construction à South Bend, à 150 kilomètres à l'Est de Chicago, à quelques encablures du lac Michigan. La force de leur travail et l'aide de leur frère John Mohler (1833/1917) leur permet de développer l'affaire. Ils trouvent une partie de leur clientèle parmi les chercheurs d'or en route vers la Californie, mais aussi auprès d'une clientèle locale. Peter Everst (1836/1897) et Jacob Franklin (1844/1887), leurs plus jeunes frères, renforcent plus tard l'équipe. Clement Studebaker assure la présidence de l'entreprise jusqu'à sa mort le 27 novembre 1901.
L'imagerie américaine concernant les frères Studebaker rapporte le plus souvent la silhouette de graves messieurs à longue barbe. Les chariots Studebaker sont utilisés en grande quantité durant la guerre de Sécession entre 1861 et 1865, et même au cours de la Première Guerre mondiale entre 1914 et 1918. Dans une brochure, Studebaker se présente comme " l'un des plus grands constructeurs du monde ". Ses profits sont conséquents. Cette production de chariots cesse en 1919. En effet, un nouveau moyen de transport est apparu à la fin du XIXe siècle, l’automobile, qui n’a plus besoin de chevaux pour se mouvoir, mais qui se déplace grâce à un moteur à vapeur, à pétrole ou électrique. Studebaker électrique, 1902/1912 Au début du XXe siècle, on ne sait pas encore quel type de moteur va se généraliser. Les frères Studebaker lancent en 1902 leur première automobile dotée d’un moteur électrique, baptisée " Electric Runabout ". L'initiative revient à Frederik Samuel Fish (1852/1936), beau fils de John Mohler Studebaker. John Mohler " n'aime pas les voitures à pétrole folles, dangereuses, bruyantes, qui puent, tombent en panne au pire moment, et sont une nuisance pour le public ". Outre les chariots, Studebaker ne fabrique que des voitures électriques en 1902 et 1903. Cette production confidentielle se poursuit jusqu'en 1912. Ce sont en tout 1 842 voitures électriques qui sont assemblées en une décennie.
En 1906, Studebaker produit encore des chariots hippomobiles. Mais progressivement, l'automobile prend le dessus. Comme tant d'autres constructeurs, Studebaker hésite encore entre le moteur thermique et le moteur électrique. Ces derniers sont abandonnés à partir de 1912. Studebaker-Garford, 1903/1911 En 1903 Studebaker fabrique sa première voiture à pétrole, le Model C bicylindre 16 CV, en association avec la firme Garford spécialisée dans les voitures de luxe, qui est établie à Elyria dans l'Ohio. Frederick Samuel Fish est de nouveau à la manoeuvre. Il persuade la famille que cette solution technique doit être explorée. En 1904, cette association s’élargit à des modèles monocylindres. La collaboration avec Garford s'arrête en 1906, mais les voitures Studebaker-Garford continuent d'être fabriquées jusqu'en 1911. Garford poursuit ensuite seul l'aventure, avant d'être absorbé en 1913 par Willys Overland.
Studebaker-Garford B Limousine, 1908. Les Studebaker Garford sont produites et distribuées conjointement par la Garford Company d'Elyria dans l'Ohio, et la Studebaker Corporation de South Bend dans l'Indiana, de 1903 à 1911. Garford assemble les châssis, puis les expédie à South Bend pour l'achèvement.Faute d’une rentabilité suffisante, et par prudence, Studebaker poursuit parallèlement la production de voitures électriques et de chariots hippomobiles. En 1905, Studebaker lance sa première voiture quatre cylindres, mais le modèle ne rencontre aucun succès. Consécutivement à cet échec, Studebaker modifie sa stratégie, et se met à la vente de voitures produites par d'autres constructeurs. Studebaker E.M.F., 1908/1913 En 1908, Studebaker s'associe avec la société E.M.F., une compagnie établie à Detroit dans le Michigan. E.M.F. a été fondée par un carrossier (Barney Everitt = E), un vendeur de chez Cadillac (William Metzger = M) et un ingénieur de chez Ford (Walter Flanders = F). L'E.M.F Model 30 est une 4 cylindres de 30 ch proche dans l'esprit de la Ford T, mais sa fabrication est bien plus soignée. Studebaker se charge de sa commercialisation. Avec 7 960 voitures produites en 1908, Studebaker E.M.F. devient le troisième constructeur en importance aux Etats-Unis, derrière Ford et Buick. Cela sera le seul modèle de cette association.
Publicité de 1911. E.M.F indique dans sa communication avoir plus de 10 000 voitures de la marque en circulation aux mains de différents propriétaires. Et ces propriétaires satisfaits sont les meilleurs vendeurs, c'est la raison pour laquelle, selon le constructeur, la demande de l'E.M.F. 30 dépasse toujours l'offre. En 1909, Barney Everitt et William Metzger qui sentent le vent tourner quittent E.M.F. pour fonder l'Everitt Company. En effet, les E.M.F. souffrent d'une mauvaise réputation. Elles tombent en panne régulièrement. La presse satirique ne manque pas de s'en faire l'écho. E.M.F. est ainsi associé à quelques appellations peu flatteuses : Every Morning Fix-it (celle qu'il faut réparer tous les matins) ou Every Mechanical Fault (toutes les erreurs mécaniques), voire Eternal Missing Fire (manque tout le temps d'allumage). Studebaker prend en 1910 le contrôle total du constructeur.
Studebaker E.M.F 30, 1912. E.M.F. distribue ses automobiles par l'intermédiaire des concessionnaires Studebaker. Studebaker, mécontent de la mauvaise qualité et des lacunes de gestion d'E.M.F. en prend le contrôle total en 1910. A partir de 1913, Les E.M.F. deviennent des Studebaker. Studebaker Flanders, 1909/1912 En 1909, Walter Flanders (le F de E.M.F.) incite les frères Studebaker à financer le rachat de la DeLuxe Motor Company. Son ambition est d'y produire la Flanders 20, une automobile vendue à un prix attractif. Il souhaite ni plus ni moins concurrencer la Ford T qui rencontre un succès vertigineux. Studebaker prend en charge la commercialisation de la voiture. Mais Ford parvient de manière régulière à baisser le prix de vente de son modèle T, grâce à une production en très grande série. Cela ne laisse aucune chance à la Flanders qui ne dispose pas des mêmes moyens.
La production des Flanders 20 cesse dès 1912, après 31 514 unités fabriquées. Walter Flanders jette l'éponge en 1912. Libre, il rejoint ses anciens compagnons au sein de l'Everitt Company. Le personnel reste dans le giron de Studebaker. Walter Flanders lance en janvier 1913 la Flanders Six à moteur 6 cylindres. La marque Everitt est abandonnée. Très peu d’exemplaires de la Flanders Six sont produits avant que la compagnie ne cesse ses activités. Courant 1913, Walter Flanders prend la direction d'un autre constructeur, Maxwell. 1912, Studebaker prend son envol La Studebaker Corporation voit le jour en 1912. Cette compagnie intègre l'E.M.F. 30, la Flanders 20 et toutes les voitures portant le nom de Studebaker. Une nouvelle gamme est étudiée. Les voitures électriques Studebaker sont abandonnées. Studebaker devient un véritable constructeur. La gamme 1913 compte six modèles, des 4 et 6 cylindres. 35 410 voitures sont produites en 1913, et 35 000 en 1914.
Studebaker Light Six, 1919. Le constructeur de South Bend propose déjà une gamme étoffée de modèles 4 et 6 cylindres, avec de multiples carrosseries.En 1915, Frederik Samuel Fish laisse son fauteuil de président à son vice-président, Albert Russel Erskine. Après une longue expérience dans l'industrie, Erskine a rejoint Studebaker en 1911 à l'âge de 40 ans. 1920, Studebaker se concentre sur les 6 cylindres En 1920, la marque abandonne les voitures 4 cylindres pour se concentrer sur les 6 cylindres. La gamme comporte trois modèles, les Standard Six, Big Six et Special. Ces voitures acquièrent une réputation de fiabilité méritée, et installent définitivement Studebaker parmi les grands constructeurs américains. La gamme est pléthorique. En 1921, Studebaker produit 65 000 voitures. Deux ans plus tard, ce nombre atteint 150 000 unités, sur un marché extrêmement porteur. Studebaker est en 1923 le septième constructeur américain par son volume de production.
Studebaker Big Six Touring, 1922. Studebaker propose une multitude de carrosseries : 4-door, Town Car, Phaeton ...Autres réalisations, 1920/1925
Studebaker Big Six Model EG Touring, 1920
Studebaker Big Six Touring California Top, 1920
Studebaker Big Six Town Car, 1921
Studebaker Big Six Duplex Phaeton, 1925
Studebaker Standard Six 4-door Sedan, 1925Erskine, 1927/1930 Studebaker tombe à la huitième place des constructeurs en 1926. Albert Erskine décide alors de lancer une nouvelle voiture plus accessible afin de relancer les ventes, qu’il baptise en toute modestie de son propre patronyme. Elle dispose d'un 6 cylindres de 2,3 litres. En fait, Erskine devient une marque à part entière. Ces voitures tentent d'abord de faire carrière en Europe. La voiture est présentée à Paris au Grand Palais, puis elle est exposée à l'Olympia où se tient le Salon de Londres. Erskine annonce 2 000 commandes enregistrées dans la capitale britannique. Enfin, elle arrive à New York, précédée d'une certaine gloire ... strictement publicitaire et quelque peu surfaite. Son commanditaire annonce " Erskine comes to Broadway via Champs Elysées and Piccadily Circus ". Erskine Model 51 Sedan de 1928 devant Notre-Dame à Paris. L'Erskine attire une petite clientèle en Europe.En mai 1930 le dernier modèle conçu sous la marque Erskine est intégré à la gamme Studebaker. A ce moment-là, les seules différences entre une Erskine et une Studebaker tiennent à la présence sur ces dernières d'une S sur les enjoliveurs, et à celle du nom Studebaker sur le fronton du radiateur. D'ailleurs, le constructeur propose aux concessionnaires un kit pour transformer les Erskine en Studebaker. En fin d'année 1930, le modèle est abandonné. On comptabilise 24 893 Erskine en 1927, 22 275 en 1928, 25 565 en 1929 et 22 371 unités en 1930.
Dans son pays d'origine, l'Erskine Six Custom Sedan est proposée en 1927 à 995 dollars. Mais elle ne séduit pas la clientèle américaine. Non pas qu'elle ait des défauts ou qu'elle soit déplaisante, mais elle a fort à faire face à la Ford A concurrente, qu'Henry Ford prend un malin plaisir d'afficher à 525 dollars. Naissance d'une nouvelle gamme, 1927/1929 A partir de 1927, Studebaker développe une gamme qui s'articule autour de trois modèles, les Dictator, Commander et President. En 1928, Studebaker rachète le constructeur de voitures de luxe Pierce Arrow. Le groupe Studebaker-Pierce-Arrow devient alors le quatrième constructeur américain, derrière la General Motors, Ford et Chrysler.
Studebaker President Big Six Custom Sedan, 1927. Parallèlement à la naissance de la marque Erskine, Albert Russel Erskine demande à ses équipes de concevoir une nouvelle ligne de voitures à moteur V8. C'est son ingénieur Barney Roos qui dirige la naissance de la President, qui devient l'une des plus belles voitures de luxe américaine.Autres réalisations, 1927/1929
Studebaker Dictator Standard Six Sport Roadster, 1927
Studebaker President Big Six Custom Victoria, 1927
Studebaker President Big Six Limousine, 1927
Studebaker Commander Cabriolet, 1928
Studebaker Dictator Six Royal Sedan, 1928
Studebaker Dictator Six Sedan, 1929
Studebaker President Eight Limousine, 1929
Studebaker President Eight Roadster, 1929
Studebaker President Eight Brougham, 1929Studebaker, 1930 La Dictator dispose d'un empattement de 2,92 mètres. Elle est disponible avec un 6 cylindres en ligne de 3,61 litres de 68 ch, ou un 8 cylindres en ligne de 3,61 litres de 70 ch. Dans les deux cas, huit carrosseries sont proposées. La Commander est un modèle de 1929 simplement reconduit, avec des changements de nom des carrosseries pour faire croire à la nouveauté. Elle est disponible avec un 6 cylindres de 4,06 litres de 75 ch et un 8 cylindres de 4,10 litres de 80 ch. Douze carrosseries figurent au catalogue. La President en haut de gamme offre deux empattements, 3,17 mètres (5 types de carrosseries) et 3,42 mètres (8 types de carrosseries). Son 8 cylindres de 5,52 litres développe 115 ch. Studebaker est en 1930 le onzième constructeur américain, avec 56 526 voitures produites.
Studebaker Dictator Club Sedan, 1930. L'offre de carrosserie est pléthorique. Pour le moment, le terme Dictator ne fait encore peur à personne.Autres réalisations, 1930
Studebaker Commander Eight Regal Tourer, 1930
Studebaker Dictator Eight Coupe, 1930Studebaker, 1931 La Studebaker Six prend le relais de l'ancienne Erskine à partir de janvier 1931. C'est la seule 6 cylindres au catalogue. Le 3,36 litres développe 70 ch. La Six adopte une calandre en V. Elle se reconnaît à ses pare-chocs à doubles lames. Sept carrosseries sont disponibles. C'est en 1931 le modèle le plus produit de la gamme Studebaker.
Studebaker Six Regal Sedan, 1931. La Six succède à l'Erskine, et tend à se rapprocher visuellement des plus grands modèles.La Dictator est restylée pour mieux ressembler aux Commander et President. Une tige centrale verticale barre la calandre. Elle porte l'insigne Studebaker dans sa partie supérieure. Trente-deux longues ouvertures de capot sont alignées de manière régulière. Le dessin des ailes tend à se faire plus enveloppant. Plus de 6 cylindres sur la Dictator, seul le 8 cylindres en ligne de 3,61 litres est disponible.
Studebaker Dictator Eight Coupe, 1931. Le pare-chocs avant est à simple lame. L'aération du moteur est assurée grâce à 32 ouvertures parfaitement alignées.La Commander, modèle intermédiaire, offre un empattement de 3,14 mètres. Elle adopte les mêmes évolutions stylistiques que ses soeurs. L'équipement est plus généreux que sur la Dictator. Le 8 cylindres en ligne de 4,10 litres voit sa puissance passer de 80 à 101 ch. Cinq carrosseries sont proposées.
Studebaker Commander Eight Coupe, 1931. Des roues en bois sont installées sur toutes les Commander, sauf sur la version Regal.La Président est disponible avec deux empattements plus importants qu'en 1930. Ils font respectivement 3,30 mètres (cinq carrosseries) et 3,45 mètres (sept carrosseries). Visuellement, la President est très proche de la Commander. Le 8 cylindres en ligne de 5,52 litres gagne 7 ch, et en affiche donc 122. Studebaker produit 46 535 voitures en 1931, et malgré une production en baisse gagne une place sur le marché américain en se classant en dixième position.
Studebaker President Eight State Roadster, 1931. Cette voiture de luxe attire une clientèle qui aime afficher sa réussite sociale. Elle peut puiser dans un large catalogue de carrosseries.Autres réalisations, 1931
Studebaker Dictator Eight Regal Sedan, 1931
Studebaker Dictator Eight Coupe, 1931Studebaker Commander Eight Victoria Coupe, 1931
Studebaker Dictator Eight Regal Sedan, 1931
Studebaker President Eight State Coupe, 1931Studebaker, 1932 En 1931, Studebaker recrute Knute Rockne au poste de directeur des ventes. C'est un ancien sportif de haut niveau, célèbre entraîneur de football américain d'origine américano-norvégienne, et accessoirement entraîneur des étudiants de l'université Notre-Dame de South Bend. Mais il se tue dans un accident d'avion en mars 1931, douze jours après sa prise de fonction chez Studebaker. Garford, E.M.F, Flanders, Erskine ... et maintenant Rockne en forme d'hommage à l'homme disparu. La liste des marques soeurs s'allonge chez Studebaker. Les Rockne sont équipées d'un 6 cylindres, et offrent comme les Studebaker une large gamme de carrosseries. La production débute en décembre 1931. La marque disparaît en 1934. Un total de 30 293 Rockne ont été produites. Studebaker s'avère définitivement incapable de contrer la toute-puissance de Ford.
Rockne 1932. Les discussions entre Studebaker et Knute Rockne ont commencé en 1928. Rockne s'est vu offrir en 1931 un poste à haute visibilité par le président de Studebaker, Albert Erskine. Son patronyme est repris pour désigner un nouveau modèle économique. Malgré ce nom prestigieux, faute de ventes suffisantes, les voitures de la marque Rockne quittent discrètement la scène en 1934. Sur les Six, Dictator, Commander et President, le pare-brise commence à s'incliner. Le constructeur prétend que cela permet de gagner 5 km/h en vitesse de pointe. Les glaces de sécurité se généralisent. La structure de la gamme est inchangée. Côté moteur, le choix est vaste, entre le nouveau 3,77 litres de 80 ch de la Six et le 5,52 litres de 122 ch de la President. Cette dernière ne propose plus que la plus grande longueur d'empattement, 3,42 mètres. 44 325 voitures sont assemblées en 1932. Studebaker gagne quatre places sur le marché, en sixième position.
Studebaker President Sedan, 1932. Laurel et Hardy, le duo de comiques constitué en 1927, ont l'embarras du choix dans la gamme President entre seize carrosseries.Studebaker, 1933 En 1933, Studebaker est déclaré en liquidation judiciaire. Les échecs successifs des Erskine et Rockne, l'investissement malheureux dans Pierce-Arrow, ainsi que des pratiques financières douteuses ont fini par provoquer la faillite. Albert Russel Erskine quitte ses fonctions après 18 ans à la tête de l'entreprise. Il est personnellement mis en cause dans la chute de Studebaker. Visiblement atteint psychologiquement, il met fin à ses jours le 1er juillet 1933. Deux cadres de l'entreprise, le vice-président chargé de la production Harold Sines Vance, et le vice-président chargé des ventes, Paul Gray Hoffman, ne peuvent se résoudre à la disparition de la firme. Harold Sines Vance a commencé sa carrière en 1910 comme apprenti mécanicien au sein de l'usine E.M.F. à Port Huron dans le Michigan. En 1930, il accède chez Studebaker au poste de vice-président en charge de la production. Paul Gray Hoffman a interrompu ses études à 18 ans pour vendre des Studebaker à Los Angeles, avant de reprendre une concession en 1919. Il en a fait la plus importante en volume de ventes pour la marque aux Etats-Unis en l'espace de cinq ans. Sa réputation était si grande qu'en 1925 Erskine l'a fait venir à South Bend, et lui a confié le poste de vice-président en charge des ventes.
Harold Sines Vance et Paul Gray Hoffman. Les deux hommes parviennent à convaincre le juge fédéral chargé du dossier que Studebaker a plus de chance de rembourser ses dettes en restant en activité qu'en étant dissout. La priorité est à la rationalisation de l'affaire. Les actions de Pierce-Arrow acquises en 1928 sont liquidées. La simplification de la gamme trop coûteuse à assumer est aussi à l'ordre du jour. Parallèlement, une vaste campagne de publicité est engagée sur le plan national. Dans l'immédiat, avec 36 242 unités produites, Studebaker est comme en 1932 en sixième position sur un marché américain en baisse. Plus jamais la firme de South Bend ne sera aussi bien classée.
Studebaker President Regal St. Regis Brougham, 1933. La calandre des Studebaker s'incline un peu plus et les ailes deviennent plus enveloppantes.Autres réalisations, 1933
Studebaker Commander Eight Regal Sedan, 1933
Studebaker Commander Eight Sedan, 1933
Studebaker Commander Eight Coupe, 1933Studebaker President Eight Roadster, 1933
Studebaker President Speedway State Coupe, 1933
Studebaker President Speedway State Limousine, 1933Studebaker, 1934 En 1934, la Six disparaît en tant que modèle. Elle est remplacée par la Dictator, qui redescend en gamme, puisqu'elle n'est proposée qu'avec le 6 cylindres en ligne de 3,36 litres (abandonné en 1932) dont la puissance est ici portée à 88 ch. La Commander et la President restent fidèles aux moteurs 8 cylindres en ligne de 3,61 litres de 103 ch, ou 4,10 litres de 110 ch. Les caisses des modèles 1934 sont nettement plus arrondies, mais plus empâtées aussi. La forme en V du radiateur est accentuée. Les phares s'étirent en forme d'obus. 46 103 voitures sont fabriquées. Studebaker perd trois places, et se positionne en tant que neuvième constructeur américain.
Studebaker, 1934. On assiste à une refonte partielle de la gamme. La Dictator devient le modèle d'accès à la marque, proposée en 6 cylindres uniquement.Studebaker, 1935 En 1935, Studebaker propose de nouvelles carrosseries encore plus aérodynamiques, dites " Skyway ", suivant en cela un mouvement général dans l'industrie automobile. Il s'y ajoute un progrès technique, les suspensions avant à roues indépendantes. La calandre est allongée et la grille de radiateur est plus étroite. Les ouvertures du capot moteur deviennent horizontales. Le pare-chocs avant n'est plus à moustache, mais droit. Deux bananes y sont fixées. La firme semble tirée d'affaire, puisqu'elle est officiellement dégagée du statut de faillite en mars 1935. Paul Gray Hoffman est nommé président de l'entreprise, et Harold Sines Vance président directeur général. La production redescend à 39 573 unités. En onzième position, Studebaker perd deux places au classement des constructeurs. Mais les comptables ont le sourire puisque la firme annonce un retour aux bénéfices à la clôture de l'exercice.
Studebaker President Land Cruiser, 1935. D'une année sur l'autre, on assiste à un assouplissement des lignes, qui se font plus basses, plus enveloppantes aussi. Les modèles 1935 se distinguent nettement par leurs ouvertures de capot longues et horizontales.Studebaker, 1936 La série intermédiaire Commander disparaît. La gamme est simplifiée avec une Dictator 6 cylindres de 3,56 litres et 90 ch, et une President 8 cylindres de 4,10 litres de 115 ch. Les phares s'allongent, les ailes se font encore plus enveloppantes, la calandre s'affine. Plus rien ne semble arrêter ces tendances stylistiques.
Studebaker Dictator St. Regis Cruising Sedan, 1936. Le choix du public américain doit se porter entre une Dictator et une President. Drôle de choix dans cette grande démocratie.Sur les deux modèles, quatre ouvertures latérales ornent le capot moteur. Le pare-brise plus incliné est divisé en deux parties. Studebaker renonce aux portes suicides brièvement apparues en 1935. Les conséquences de la crise de 1929 appartiennent enfin au passé, puisque Studebaker annonce 85 026 voitures produites, soit une progression de 115 % par rapport à 1935. Cette année marque un retour salutaire à la neuvième place.
Studebaker President Cruising Sedan, 1936. La President partage son style avec la Dictator. Elle bénéficie toutefois d'une empattement plus généreux de 23 centimètres.Studebaker, 1937 Le millésime 1936 a fait l'objet d'un réoutillage coûteux pour Studebaker, qui choisit en 1937 d'amortir ces investissements sans remettre en cause l'aspect général de ses modèles. Cela n'est pas pour autant synonyme d'immobilisme. La calandre, désormais habillée de baguettes horizontales, séparée en son centre par une fine baguette verticale, se déploie dans sa partie supérieure sur le capot en formant cinq ouvertures, sans aucune discontinuité avec la calandre.
Studebaker 1937. La principale originalité de ce millésime tient au dessin de la calandre qui se prolonge latéralement autour du capot moteur.Le niveau d'équipement de série est identique sur les Dictator et la President. La différence porte encore sur la longueur d'empattement. La première propose sept types de carrosseries, la seconde six. Studebaker est en perte de vitesse avec 70 048 voitures produites en 1937 et une médiocre treizième place au classement des constructeurs.
Studebaker President Coupe, 1937. Il ne s'agit pas d'un " business coupe ", mais bien d'un modèle de haut de gamme. Studebaker est le seul constructeur au monde à offrir " des portes qui restent bien fermées même que si elles ne sont fermées que légèrement ".Studebaker, 1938 Le designer Raymond Loewy est depuis 1936 à la tête du studio de création de Studebaker. Il a été recruté dans cette fonction par Paul Gray Hoffman. Le contrat qui unit le constructeur automobile et le designer porte sur une durée de dix ans. Raymond Loewy sait s'entourer de créateurs prolifiques. Le bureau de style intègre des personnalités confirmées ou en devenir comme Virgil Exner, Robert Bourke, Gordon Buehrig, Albrecht Goertz, John Reinhart, Vince Gardner etc ... Raymond Loewy est un véritable artiste visionnaire, à la façon d'un Le Corbusier en matière d'architecture. Son idée directrice, c'est la recherche de la forme pure, de l'élégance dans un style le plus simple possible. Ses dessins sont souvent, avec le recul du temps, en avance sur leur époque, précédant de quelques années la mode. Les Studebaker 1938 sont les premières à bénéficier des talents de son équipe. Les lignes sont abaissées, et les caisses élargies de 15 centimètres. Les ouvertures latérales du capot moteur sont supprimées. Une épaisse baguette chromée court de la calandre jusqu'à l'arrière de la caisse.
Studebaker Commander Six Sedan, 1938. Une largeur plus importante, une hauteur moindre et une décoration simplifiée caractérisent la Commander, modèle d'accès à la gamme Studebaker 1938.La 6 cylindres Dictator est supprimée. Cette dénomination a des relents nauséabonds en 1938. Elle est remplacée par la Commander, équipée d'un 6 cylindres de 3,71 litres et 90 ch. Jusqu'en 1935, la Commander était une 8 cylindres. Après une suspension de deux ans, elle réapparaît cette année au catalogue avec ce 6 cylindres. La State Commander 8 cylindres vient s'insérer entre la Commander et la State President (ajout du terme State devant President). La longueur de l'empattement est de 2,94 mètres sur les Commander et State Commander, et de 3,09 mètres sur la State President. 41 504 Studebaker sont produites en 1938 sur un marché qui s'est assombri. En dixième position, le constructeur regagne pourtant trois places.
Studebaker State Commander Coupe, 1938. Paul Gray Hoffman a demandé au brillant styliste industriel Raymond Loewy de redessiner les Studebaker State Commander et President pour 1938. Celui-ci, déjà auteur des Hupmobile 1932-1934, innove en plaçant les phares avant dans les ailes, procédé qui sera repris par d'autres constructeurs l’année suivante.Studebaker, 1939 La 6 cylindres Champion est un nouveau modèle économique qui apparaît en mars 1939. Cette voiture voulue par Harold Sines Vance et Paul Gray Hoffman doit remettre Studebaker sur les rails du succès. Ses lignes agréables ont été tracées par Clare Hodgman du studio de Raymond Loewy. L'éphémère State Commander disparaît. La 6 cylindres Commander est positionnée en milieu de gamme, et la 8 cylindres President trône toujours au sommet de l'offre. La Champion se distingue par une calandre composée de lames horizontales au centre, et verticales sur les côtés. Trois baguettes chromées longent le capot moteur. La baguette supérieure se prolonge jusqu'à l'arrière et souligne la ligne de ceinture de caisse. Les phares sont totalement intégrés dans les ailes. Les marchepieds disparaissent. La version Custom se passe de chromes à l'intérieur et sa planche de bord est peinte de la couleur de la caisse. La version DeLuxe bénéficie d'un équipement plus riche.
Studebaker Champion DeLuxe Club Sedan, 1939. En proposant un modèle plus abordable, Studebaker élargit sa clientèle, sur un marché très disputé avec ses challengers Chevrolet, Ford ou Plymouth. .Custom et De Luxe sont disponibles avec trois carrosseries. Le " petit " 6 cylindres en ligne de 2,69 litres développe 78 ch. La Champion pèse de 200 à 320 kg de moins que la plupart de ses rivales, si bien qu'elle offre des performances très honorables. Sa consommation en carburant d'environ 11 litres aux 100 km est l'une des plus basses du marché.
Studebaker Champion Custom Coupe, 1939. Plus agréable à regarder que la Sedan, la Custom Coupe est la moins chère des Studebaker pour 1939. Elle vaut 660 dollars. Le modèle équivalent chez Chevrolet est facturé 628 dollars. La plus chère des Champion coûte 800 dollars (DeLuxe Cruising Sedan) et la plus chère des Studebaker 1 460 dollars (President Convertible Sedan).La face avant de la Commander est différente de celle de la Champion. Le capot au nez proéminent est flanqué de deux grilles inférieures assez disgracieuses. Les trois ouvertures latérales du capot moteur sont soulignées par d'épaisses baguettes chromées. Comme sur la Champion, les feux avant sont désormais intégrés aux ailes. Pas de changement sur le plan mécanique, avec le 6 cylindres 3,71 litres. Cinq carrosseries sont inscrites au catalogue.
Studebaker Commander Club Sedan, 1939. La face avant n'est pas sans rappeler la Lincoln Zephyr. La Commander à elle seule assure près de la moitié du volume de production de Studebaker.Si la State President ressemble à la Commander, elle est cependant plus massive, plus longue et plus lourde. L'équipement est évidemment des plus complet. Le 8 cylindres 4,10 litres de 110 ch assure le service depuis 1934. Cinq carrosseries sont proposées. 84 660 Studebaker sont produites. En huitième position, le constructeur gagne encore deux places. De manière assez naturelle, le succès de la Champion contribue à l'équilibre financier de l'entreprise, qui reste toutefois extrêmement précaire.
Studebaker State President Club Sedan, 1939. Ce haut de gamme est produit en 1939 à 8 205 exemplaires, à peine 10 % des Studebaker assemblées cette année-là.Studebaker, 1940 La Champion est sur la voie du succès. Neuf mois après son lancement, elle ne bénéficie que d'évolutions minimes. La grille centrale est habillée d'un nombre plus important de barres que l'année précédente, mais elles sont moins épaisses. Cela apparaît visuellement plus agréable. Le nombre de baguettes de capot moteur passe de trois à deux. Le dessin des phares est modifié. La mécanique est inchangée. La Champion représente environ 62 % des Studebaker produites durant ce millésime.
Studebaker Champion 1940. Les prix des différentes versions de la Champion en font une rivale crédible pour les voitures des Big Three. La Commander évolue par petites touches au niveau du dessin du pare-brise, des ailes et de la double grille de calandre. La présence de marchepieds est toujours de mise. Il n'y a pas d'évolution sur le plan mécanique. Trois carrosseries sont proposées : Custom Coupe 2 portes 3 places, Club Sedan 4 portes 6 places, Cruiser Sedan 4 portes 6 places. Environ 32 % des Studebaker produites sont des Commander.
Studebaker Commander 1940. Les publicitaires ne se privent pas de mettre en avant l'intervention du designer Raymond Loewy. Avec 6 444 exemplaires assemblés pour le millésime 1940, la State President est un modèle plutôt marginal dans la gamme. Elle dispose des trois mêmes types de carrosseries que la Commander, et ressemble à celle-ci dans son aspect général. L'empattement plus long caractérise toujours ce haut de gamme. Le prix de la Champion varie de 660 à 785 dollars selon les versions, celui de la Commander de 895 à 965 dollars, et celui de la President de 1 025 à 1 095 dollars. Chaque modèle est bien à sa place dans une gamme parfaitement structurée et alignée. Aucun changement n'intervient sur le plan mécanique, et à cette époque, on se satisfait encore de moteurs paisibles. La guerre à la puissance attendra les années cinquante. Cette gamme correspond à une production totale de 117 091 Studebaker tous modèles confondus durant l'année 1940, et à un maintien en huitième position.
Studebaker President Cruiser Sedan, 1940. Les prix compris en 1 025 et 1 095 dollars sont en gros plus élevés de 125 dollars que les Commander équivalentes.Studebaker , 1941 Plus que jamais, on remarque l'intervention de Raymond Loewy et de ses équipes sur les Studebaker du millésime 1942. Toutes les voitures sont plus longues et plus basses, les ailes sont plus enveloppantes, les surfaces vitrées accrues, les calandres sont plus discrètes et les marchepieds ont définitivement disparu. La grille de calandre désormais en deux parties de la Champion est plus basse, et elle s'évase sur les côtés. Elle est constituée d'une multitude de fines barres verticales. Deux baguettes chromées partent du capot moteur pour venir se rejoindre sur la descende du coffre arrière. L'empattement est de 2,79 mètres. Le 6 cylindres de 2,78 litres (contre 2,69 litres) développe 80 ch (contre 78 ch en 1939/40). Cinq types de carrosseries et trois niveaux de finition sont proposés. La Champion conserve une part prépondérante de 63 % dans les volumes de production de Studebaker.
Studebaker Champion Custom Club Sedan, 1941. Il ne se passe plus une année sans évolution stylistique. Nous sommes en pleine ère de l'obsolescence programmée. Si Raymond Loewy n'est pas l'initiateur de ce concept, il contribue largement à sa mise en oeuvre.L'empattement de la Commander est de 3,02 mètres, soit 23 centimètres de plus que celui de la Champion. La puissance du 3,76 litres passe cette année de 90 à 94 ch. La grille de calandre est identique à celle de la Champion, mais avec un entourage de grille chromé. Un motif est installé au sommet du capot moteur. 41 996 unités sont produites. Cela représente 31 % des volumes. Les proportions demeurent très proches de celles de 1940. La State President voit sa puissance passer de 110 à 117 ch sans modification de la cylindrée. Dans ces deux séries, l'offre de carrosseries et de finitions n'a jamais été aussi développée. Studebaker propose notamment une nouvelle version, la Land Cruiser, sur base Commander et President, dont la vitre de custode est aveugle.
Studebaker President Land Cruiser. La carrosserie dite Land Cruiser est disponible sur les modèles Commander et President, aux prix respectifs de 1 130 et 1 260 dollars. Tous modèles et versions confondus, cette dernière est la voiture la plus chère au catalogue. La gamme President est quasiment un " copier coller " de la gamme Commander. Avec 119 325 voitures produites durant l'année, une valeur en progression, Studebaker en neuvième position perd tout le même une place au classement des constructeurs.
Studebaker Commander et President, 1941. L'effet de style apporté par les deux baguettes chromées sur la caisse est agréable à l'oeil, surtout quand il se conjugue avec une nuance des teintes entre ces deux lignes. Autres réalisations, 1941
Studebaker Commander Skyway Sedan-Coupe, 1941
Studebaker President Skyway Land Cruiser, 1941
Studebaker Commander Custom Sedan Coupe, 1941Studebaker, 1942 Sur la Champion, le nouveau pare-chocs avant plus massif incorpore la plaque d'immatriculation. La grille de calandre à barres horizontales s'étend jusqu'aux extrémités des ailes. Une épaisse baguette chromée court sur toute la longueur de la ceinture de caisse. Une seconde baguette est fixée au niveau des portes. 29 678 Champion sont produites au titre du millésime qui est écourté en raison de l'entrée en guerre des Etats-Unis. La production automobile cesse le 31 janvier 1942.
Studebaker Champion Deluxstyle Cruising Sedan, Deluxstyle Double-Dater Coupe et Deluxstyle Club Sedan. Deux niveaux de finition (Custom et De Luxe) et quatre carrosseries figurent au catalogue 1942. Le constructeur ne ménage pas ses efforts pour les mises en scène illustrant ses brochures.La Commander reprend la même grille de calandre que la Champion, mais avec des feux antibrouillard ronds en option aux deux extrémités. L'offre comprend trois niveaux de finition (Custom, DeLuxstyle et Skyway), et pour chaque niveau trois carrosseries. 17 500 Commander sont produites au titre du millésime 1942. Comme d'usage, la gamme President est quasiment un " copier coller " de la gamme Commander, mais avec un 8 cylindres en ligne en lieu et place du 6 cylindres. 3 500 President sont produites au titre de ce millésime. Studebaker est à la veille de la guerre le huitième constructeur américain.
Studebaker Commander Skyway, Commander DeLuxstyle Cruising Sedan et Commander Deluxstyle Land Cruiser 1942. Trois niveaux de finition et trois carrosseries sont proposés durant ce millésime écourté.Studebaker pendant la guerre Studebaker est rentré en guerre bien avant l'attaque de Pearl Harbor le 7 décembre 1941, en construisant des camions livrés aux alliés. A partir de janvier 1942, les 24 476 salariés que compte la firme s'engagent quasi exclusivement dans l'effort de guerre. La participation de Studebaker sera l'une des plus importantes parmi les constructeurs automobiles américains, avec une production de 197 678 camions militaires, 63 789 moteurs pour les forteresses volantes B-17 et 25 124 Weasel, des engins chenillés légers pour le transport des troupes.
Studebaker US 6x4 U6. Pendant la guerre de 1939/1945, Studebaker fabrique pour l’armée 197 678 camions proches esthétiquement des GMC du groupe General Motors.Pendant la guerre, les bénéficiaires des contrats de la Défense peuvent facturer à bon prix le matériel vendu au gouvernement, ce qui leur assure une certaine marge bénéficiaire, pas toujours corrélée avec leurs coûts réels de production. L'industrie et l'Etat sont moins soucieux de la productivité qu'en temps de paix. Il faut juste produire, vite et en quantité. De mauvaises habitudes sont prises à South Bend.
Studebaker, 1943. Outre des camions, la firme de South Bend produit des moteurs d'avion pendant la guerre pour les fameuses forteresses volantes.
Studebaker, 1944. Le monde est en guerre, mais cela n'empêche pas les illustrateurs de faire preuve de créativité, et Studebaker de s'offrir quelques belles pages de publicité, histoire d'une part de démontrer son patriotisme, d'autre part de rappeler à sa clientèle que la firme sera de nouveau là une fois la paix revenue. Paul Gray Hoffman et Harold Sines Vance ont la prescience dès 1942 de lancer le projet d'une voiture pour l'après-guerre, modèle qui devra être vraiment nouveau et moderne. Le concept repose sur l'avancement du moteur, du pédalier, du volant, du tableau de bord et des sièges avant de 30 centimètres environ, ce qui doit conduire à la définition d'une habitabilité améliorée, et ouvrir la voie à un nouvel équilibre en matière de style. Les études ne sont donc pas interrompues. Les premières esquisses de cette Studebaker d'après-guerre sont dessinées en 1942. La personnalité de l'ingénieur en chef Roy Cole est à l'opposé de celle de Raymond Loewy. C'est un homme pragmatique, voire austère. Il supporte mal la présence à South Bend de Raymond Loewy qu'il juge trop excentrique. Roy Cole a débuté sa carrière chez Oldsmobile en 1909, puis il a occupé différents postes chez Chalmers, Saxon, Continental Motors et Dodge, avant de rejoindre Studebaker en tant qu'ingénieur en chef en 1931. Il ne comprend pas que Studebaker puisse dépenser une petite fortune pour s'offrir les services du dandy Raymond Loewy. Celui-ci est souvent absent, trop occupé à son goût à fréquenter les cocktails mondains à New York ou à Paris. Roy Cole préfère travailler avec Virgil Exner, qu'il juge parfaitement capable d'occuper à moindre coût ce travail de styliste.
Virgil Exner au travail sur le projet de la nouvelle Studebaker voulue pour l'après-guerre par Paul Gray Hoffman et Harold Sines Vance. Ainsi, au fil des mois, apparaissent deux équipes de style. L'officieuse est menée par Virgil Exner qui travaille chez lui avec son modeleur, sous le regard bienveillant de Roy Cole, et l'officielle est pilotée par Gordon Buehrig sous l'autorité de Raymond Loewy. Cette ambiance délétère conduit au clash quand la direction de Studebaker retient le projet de Virgil Exner. Raymond Loewy le licencie. Il est fort opportunément réembauché par Roy Cole au sein de Studebaker. Gordon Buehrig préfère quitter ce climat délétère pour rejoindre les studios de Ford. En 1946, Raymond Loewy nomme Robert Bourke responsable du studio de style de South Bend. Studebaker, 1946 Au sortir de la guerre, Studebaker a encore toutes ses chances. Certes, Ford, la General Motors et Chrysler sont devenus d'immenses groupes, rassemblant en leur sein plusieurs marques capables d'occuper tous les terrains. Mais certains pensent qu'il reste encore de la place pour un quatrième acteur d'envergure. Et Studebaker entend bien occuper ce terrain. Dans l'immédiat, le temps de relancer la machine industrielle, la première Studebaker à tomber de chaîne le 5 octobre 1945 est un coupé Champion. De la gamme 1942, le constructeur de South Bend n'a conservé que le modèle Champion, disponible avec quatre carrosseries différentes.
La Studebaker Champion du millésime 1946 est un modèle transitoire qui ne diffère de la version de 1942 que par quelques détails cosmétiques. Studebaker, 1947 La plupart des constructeurs automobiles n'ont entretenu pendant la guerre que des équipes réduites dans leurs bureaux d'études, disposant le plus souvent que de peu de ressources à accorder aux projets civils. Il en a été autrement chez Studebaker, qui depuis 1936 sous-traitait son style aux équipes de Raymond Loewy, entreprise indépendante qui pouvait se permettre de déployer des moyens sur des projets civils. Et en effet, malgré le conflit de paternité avec Virgil Exner, les Studebaker 1947 sont présentées en avril 1946, et arrivent en concession en juin. Elles font table rase du passé. La firme de South Bend prend tout le monde de court, même Kaiser Frazer qui ne dévoilera sa Sedan que quelques semaines plus tard. Hudson lancera sa fameuse " Step Down " fin 1947 et Nash son originale " Airflyte " fin 1948. Les Big Three (GM, Ford, Chrysler) ne commercialiseront leurs nouvelles gammes que dans deux ans. Pendant plusieurs mois, Studebaker est la marque automobile dont on parle le plus aux Etats-Unis. Ses voitures ne ressemblent à rien de connu. Face à tant d'audace, les avis du public sont partagés, voire passionnés.
La Studebaker 1947 fait table rase du passé. La lunette arrière panoramique est constituée d'un très large arc de cercle divisé par de minces joncs en métal. Ce montage procure une grande clarté dans l'habitacle, et permet à la Studebaker de se distinguer dans la banalité du paysage automobile ambiant. La direction de Studebaker trouve souvent les propositions de l'équipe de Raymond Loewy parfaites pour se distinguer de la masse et attirer ainsi les acheteurs. Cependant, elle finira par comprendre avec le temps, mais à chaque fois un peu tard, que l'Américain moyen regarde toujours très admirativement des modèles novateurs, mais finit néanmoins par pousser la porte du concessionnaire Ford ou Chevrolet local pour acheter une berline conventionnelle. Il faut aussi rassurer madame. Deux modèles sont au programme 1947, la Champion et la Commander, l'une et l'autre en 6 cylindres. Sur un empattement de 2,84 mètres, la Champion propose cinq carrosseries et deux niveaux de finition, DeLuxe et Regal DeLuxe, soit neuf modèles, puisque la Convertible n'est disponible qu'en version Regal DeLuxe. Le 6 cylindres de 2,78 litres et 80 ch est inchangé. La clientèle a été privée d'automobiles pendant plus de quatre ans. Cette situation conduit à un niveau de commandes élevé. 105 097 Champion sont vendues en 1947.
Studebaker Commander Land Cruiser, 1947. Rendue imposante par l'empattement allongé qui lui est propre (+ 10 cm), la Land Cruiser n'est disponible qu'en berline six places. Le pare-brise en une seule pièce baptisé " Wide vision " est uniquement monté sur ce modèle et sur les versions cabriolets des Champion et Commander. Notez les portes " en armoire ".La Commander offre un large choix. On dénombre six carrosseries et trois niveaux de finition, DeLuxe, Regal DeLuxe et LandCruiser. Les carrosseries sont quasiment identiques à celles de la Champion, mais avec un empattement de 3,02 mètres sur la Commander. Seule exception, la Land Cruiser et ses 3,12 mètres. Il n'y a aucune innovation côté mécanique, on retrouve le 3,76 litres de 94 ch apparu en 1941. Il n'est pas question pour l'instant de revenir aux mécaniques 8 cylindres, suspendues à l'issue du millésime 1935. Durant l'année calendaire 1947, Studebaker produit 123 642 voitures. Il est en dixième position sur le marché américain, qui compte encore 19 constructeurs. Tant que les Big Three sont dans l'incapacité de répondre à la demande, Studebaker n'a pas de souci à se faire, et peut même se permettre de fixer des prix de vente relativement élevés.
L'ambiance générale de l'habitacle des Studebaker 1947 est loin d'être en rapport avec l'esprit d'innovation qui a présidé au design extérieur. Les stylistes ont été bridés par une direction qui leur a aimablement rappelé que les Studebaker sont essentiellement conduites par des retraités ... Studebaker, 1948 Les modèles de 1948 sont identiques à ceux de 1947, à l'exception d'une barre horizontale ajoutée au-dessus de la grille de calandre, et de quelques autres détails vraiment mineurs. C'est un nouveau record de production pour Studebaker, avec 100 687 Champion et 85 839 Commander sorties d'usine durant l'année 1948. Studebaker gagne une place en neuvième position des constructeurs américains.
Commander Regal DeLuxe 5-passenger Coupe, Commander Regal DeLuxe Convertible et Champion Regal DeLuxe 2-door Sedan. Ces quelques extraits du catalogue Studebaker 1948 illustrent bien la richesse de l'offre.Studebaker, 1949 Pour ce troisième millésime d'après-guerre, on reprend les mêmes et on recommence. Seuls quelques détails d'équipement permettent d'identifier un modèle 1949. Les pare-chocs sont plus enveloppants sur les côtés. L'offre de teintes extérieures est élargie. La cylindrée de la Commander passe à 4,02 litres pour une puissance de 100 ch. Studebaker produit 129 299 voitures, dont 85 580 Champion et 43 719 Commander. Le constructeur gagne de nouveau une place, en huitième position. Mais le danger guette. La demande et l'offre reviennent à l'équilibre. Sur un marché plus concurrentiel, Studebaker conserve des tarifs élevés imposés par ses prix de revient importants. Les Studebaker ne sont pas de meilleures voitures que leurs concurrentes directes. Elles n'ont aucune avance technologique particulière. Le seul élément qui permette de justifier un prix élevé est l'originalité et la distinction des lignes. La moins chère des Studebaker, la Champion DeLuxe Coupe dotée du 6 cylindres de 80 ch vaut 1 588 dollars. Pour un montant inférieur, l'acheteur peut s'offrir une berline quatre portes Chevrolet Fleetline De Luxe de 92 ch à 1 539 dollars, ou une berline quatre portes Ford Custom V8 de 100 ch à 1 559 dollars, autant de modèles plus valorisants pour leurs propriétaires.
Studebaker Commander Regal DeLuxe Land Cruiser, Commander Regal DeLuxe Starlight Coupe et Commander Regal DeLuxe Convertible, 1949. Dans la gamme, les tarifs s'échelonnent de 1 588 dollars pour le Champion DeLuxe Coupe à 2 468 pour la Commander DeLuxe Convertible.Studebaker, 1950
Les Studebaker imaginées par les équipes de Raymond Loewy sont originales, plus sobres que les voitures concurrentes qui abusent souvent de chromes. En 1950, Studebaker et Raymond Loewy innovent avec le fameux " bullet nose ". Pour le millésime 1950, les empattements sont légèrement allongés : 2,87 mètres sur la Champion, 3,05 mètres sur la Commander et 3,15 mètres sur la Land Cruiser. Toutes les Studebaker prennent du poids, de 90 à 115 kg selon les versions. Cela a des effets pervers sur les performances et la consommation. La partie avant est redessinée, avec un élément central rappelant les tuyères d’échappement des avions à réaction, un effet de style typique initié par les équipes de Raymond Loewy, dénommé " bullet nose ". Du coup, la grille de calandre se fait plus discrète cette année.
Ford Convertible Club Coupe 1949. La Studebaker 1950 semble s'inspirer de la Ford 1949, mais elle exploite davantage le thème du fuseau pour donner à sa façade une allure très aéronautique. Les ailes arrière allongées apportent une impression supplémentaire de vitesse. Progressivement, sur la plupart des modèles, le pare-brise d'une seule pièce redevient la norme. Pour le reste, les différentes carrosseries sont celles de l'année précédente. La structure intérieure et la cellule des habitacles restent les mêmes. Ce nouveau dessin fait couler beaucoup d'encre. Les Studebaker 1950 vont marquer à jamais l'histoire automobile américaine, et devenir des objets iconiques. Chez Studebaker, on a compris que le parti pris d'originalité esthétique est payant, et qu'il permet de compenser la faiblesse relative des moyens industriels, à l'origine d'un prix de vente élevé.
Les publicités Studebaker pour 1950 décrivent le constructeur comme étant un précurseur en matière de style. La concurrence est aux aguets. La Champion est mue par le 6 cylindres en ligne de 2,78 litres déjà connu, dont la puissance atteint désormais 85 ch. Une nouvelle finition basique apparaît en cours de millésime, la Custom. Elle doit son existence à la bataille que livre Studebaker contre les Big Three pour exister, et s'ajoute aux DeLuxe et Regal DeLuxe. Pour chaque niveau de finition, l'acheteur a le choix entre les Sedan 2 portes, Sedan 4 portes, Busines Coupe et Starlight Coupe. La carrosserie Convertible n'est disponible qu'avec le niveau Regal DeLuxe. La carrosserie la moins diffusée est le Business Coupe.
Studebaker Champion Regal DeLuxe Convertible, Les Studebaker du millésime 1950 adoptent une nouvelle partie avant avec un élément central particulièrement original appelé " Bullet Nose ". Le 6 cylindres 4,02 litres de la Commander passe à 102 ch. Trois niveaux de finition sont proposés, DeLuxe, Regal DeLuxe et LandCruiser. Il n'y a pas de Business Coupe dans la gamme Commander. La Convertible n'est disponible qu'en finition Regal DeLuxe, et la Land Cruiser ne comporte qu'une seule carrosserie, la Sedan 4 portes.
Studebaker Commander Regal DeLuxe Starlight Coupe, 1950. La découpe des vitres arrière en forme de rotonde reste très caractéristique du style Studebaker depuis son apparition pour le millésime 1947. On pourrait presque s'interroger sur le sens de roulage de cette auto !Consciente de ses prix de vente élevés, la direction de Studebaker fait le pari à deux reprises de les baisser en cours d'année, donnant ainsi un nouvel élan aux ventes. Conjugué à un dessin audacieux, l'effet est bénéfique, puisque l'on dénombre 268 099 voitures produites à South Bend en 1950, un record qui ne sera plus jamais atteint. Studebaker est alors le neuvième constructeur américain. Accessoirement, Studebaker bénéficie des conséquences de la guerre de Corée. Celle-ci entraîne une baisse de disponibilité des matières premières, avec pour effet une diminution de la production automobile chez certains concurrents. L'Etat renouvelle plusieurs contrats avec Studebaker afin de produire des camions. Au final, le bénéfice obtenu en fin d'année est trompeur, car il est le fruit non pas de la vente des automobiles, mais de celui des contrats signés avec les autorités militaires. Dans les faits, Studebaker perd de l'argent sur chaque voiture produite.
Studebaker Champion Regal DeLuxe Starlight Coupe, 1950. Le style audacieux de la Studebaker 1950, on le doit à l'équipe de Raymond Loewy. Contrairement à Harley J. Earl qui met tout son talent au service de l'automobile, Raymond Loewy exerce son art du design dans tous les secteurs que lui ouvre l'industrie, de la photocopieuse à la locomotive, en passant par les réfrigérateurs.Studebaker, 1951 Il y a peu d'évolution sur le plan stylistique. Le pare-brise de tous les modèles est désormais d'un seul tenant. L'empattement des Champion et Commander est identique : 2,92 mètres. Seule la Commander Land Cruiser possède selon l'usage un empattement plus important, 3,02 mètres. La Champion conserve son 6 cylindres de 2,78 litres. La désignation Business Coupe disparaît au profit de Coupe plus simplement.
Studebaker Champion Regal Starlight Coupe, 1951. Studebaker affiche des chiffres de production sans précédent. Mais la descente va s'amorcer dès le millésime 1952.Conforté par ses excellents résultats enregistrés en 1950, et bien décidé à combler un vide face à la concurrence, Studebaker innove avec un nouveau V8 compact sur la Commander. Il s’agit d’un 3,81 litres de 120 ch, dont l'étude a été initiée en avril 1948 à la demande de Paul Gray Hoffman, président de la compagnie, avant son départ pour l'administration Truman (Hoffman y a pris la direction du service en charge de la distribution des fonds dans le cadre du Plan Marschall). Les désignations de niveau de finition sont modifiées. Les DeLuxe et Regal ayant cours depuis 1947 sont remplacées par les Regal et State. La finition Regal perd son rang supérieur. La Convertible et la Land Cruiser ne sont disponibles qu'avec la finition State.
Studebaker Commander State Convertible, 1951. La Champion Convertible ne représente que 2,1 % de la production de la marque, et la Commander Convertible 1,7 %.La marque de South Bend produit 222 000 voitures en 1951, un volume encore très satisfaisant même s'il est en baisse. La Champion représente environ 53 % de la production, et par conséquent la Commander 47 %. Cette part très honorable de 47 % est une bonne affaire pour Studebaker et son réseau, car la Commander laisse une meilleure marge que la Champion. Studebaker conserve sa neuvième place sur le marché. Il demeure un acteur d'importance significative face aux Big Three. C'est une entreprise prospère, qui compte près de 22 000 salariés.
Studebaker Commander State 4-door Sedan. Evidemment, les Sedan 4 portes sont moins " glamour " que les Starlight et Convertible, mais cette carrosserie, Champion et Commander réunies, représente près de 62 % des ventes.Studebaker, 1952 Si l'on considère l'année d'ouverture du premier atelier de forge des frères Studebaker, la marque peut commémorer en 1952 son siècle d'existence. Le 15 février 1952, une cérémonie à laquelle assistent notamment Harold Sines Vance, président de la compagnie, et Walter C. Zientowski, un employé qui totalise 51 années de service, célèbre ces cent années. Elle est clôturée par Henry F. Schricker, le gouverneur de l'Etat. Ce dernier ne manque pas de porter un toast au siècle à venir qu'il souhaite évidemment aussi prospère que le précédent. Studebaker comme d'autres industriels, sans interrompre sa production automobile, se consacre activement à la fourniture de matériel pour l'armée américaine engagée dans la guerre en Corée.
La planche de bord diffère entre la Champion et la Commander. Sur la première, les instruments sont regroupés dans un seul large cadran, alors que depuis 1947, la seconde affiche trois cadrans ronds séparés. En 1952, la calandre des Studebaker Champion et Commander est totalement redessinée et abandonne l’élément central en forme de tuyère. Ce dessin, qui évoquait l'industrie aéronautique, a pu effrayer une partie de la clientèle qui s'est détournée de la marque. Le nouvel aspect est nettement plus conventionnel. Pour autant, la silhouette générale des Champion et Commander en est à son sixième millésime, ce qui est long comparé à la concurrence, même si le constructeur peut prétendre que ces voitures avaient quelques années d’avance lors de leur lancement. 1952 peut être considérée comme une année intermédiaire entre la période " bullet nose " et celle de l'arrivée en 1953 d'un dessin inédit, qui une fois de plus va marquer les esprits.
Cette brochure destinée au marché américain porte un adhésif mentionnant les coordonnées de l'importateur français, les établissements Dujardin. La face avant des Studebaker s'est considérablement affadie. Une grille chromée en deux parties qui s'étale sur les côtés remplace le montage précédent. Le pare-chocs avant accueille pas moins de quatre butoirs. Le Business Coupe est abandonné sur base Champion. Par contre une nouvelle carrosserie Hardtop est ajoutée sur base Champion et Commander sous la désignation de Regal Starliner pour la Champion, et de State Starliner pour la Commander. La Commander renoue avec les désignations DeLuxe et Regal abandonnées sous cette forme pendant deux années. La production de la marque de South Bend tombe à 161 520 unités. Pour la troisième année consécutive, la marque conserve sa neuvième place. Paradoxalement, les résultats financiers sont meilleurs en 1952 qu'en 1951, grâce aux commandes de l'Etat qui atteignent cette année 46 % du chiffre d'affaires.
Si la carrosserie est encore directement issue du modèle de 1947, le dessin de la partie supérieure est totalement inédit sur cette version Commander State Starliner Coupe Hardtop. Studebaker, 1953 Au printemps 1951, Harold Sines Vance demande à Raymond Loewy de concevoir un coupé quatre places inédit. L'objectif est de créer l'événement dans les principaux salons à travers le pays, avec un " show car ", comme le font les Big Three. Raymond Loewy confie ce dossier à Robert Bourke, qui élabore différents croquis puis une maquette à l'échelle 1/4. Harold Sines Vance, dont les visites au sein du studio de design sont pourtant rares, est séduit par le travail de Robert Bourke. Le dirigeant l'interroge sur la possibilité de produire en série ce type d'automobile, et sur son prix de revient potentiel. Le designer est étonné par cette demande, pour un modèle qui doit rester un prototype unique. Harold Sines Vance invite Raymond Loewy et quelques administrateurs à venir voir le travail de Robert Bourke. Ensemble, ils conviennent que cette voiture pourrait entrer en production dès 1953. C'est ainsi que les Studebaker Champion 6 cylindres et Commander 8 cylindres bénéficient d'un tout nouvel aspect pour 1953. La hauteur est réduite, tandis que longueur et largeur gagnent quelques centimètres. La lunette arrière est panoramique puisqu’elle déborde sur les côtés. De petits ailerons apparaissent. L'ornementation est limitée au plus simple. Il se dégage de l'ensemble un côté très dynamique. Comme en 1947 et 1952, Studebaker fait de nouveau preuve d'une audace incroyable. Robert Bourke est allé à l'encontre des pratiques des autres constructeurs américains, et a plutôt puisé son inspiration dans la sobriété qui caractérise les productions européennes.
Le coupé Studebaker Starlight est LA nouveauté 1953. Cette photographie retouchée fera le tour du monde pour mettre en avant l'élégance des nouvelles Studebaker. Les Sedan 2 et 4 portes n'ont pas la même grâce. La 6 cylindres Champion conserve ses finitions Custom, DeLuxe et Regal, en Sedan 2 et 4 portes. La hiérarchie des finitions est modifiée sur la 8 cylindres Commander. Les Regal, State et Land Cruiser sont remplacées par les DeLuxe, Regal et Land Cruiser. La Sedan 2 portes est disponible dans la finition DeLuxe, et la Sedan 4 portes dans les finitions Regal et Land Cruiser. De nouvelles versions à carrosserie coupé, les Starlight avec montant central et Starliner sans montant central, complètent la gamme avec élégance. Elles sont plus basses et plus longues que les Sedan. Le magazine " Motor Trend " définit ainsi la Starliner : " La voiture la plus rafraîchissante, la plus stimulante, la plus moderne qui soit jamais sortie de chez un constructeur automobile depuis l'époque de la Lincoln Continental, et de la Cord avec son capot en forme de cercueil ". Raymond Loewy vient d'initier une nouvelle catégorie d'automobile qui connaîtra un bel essor jusqu'aux années 80, celle des " luxury personnal car ".
Si Studebaker met volontiers en avant son spectaculaire coupé Starliner sans montant central, l'essentiel des ventes est toujours réalisé par les Sedan 2 et 4 portes. La Starlight Coupe est disponible dans les finitions DeLuxe et Regal sur les modèles Champion et Commander. Plus exclusive, la Starliner Coupe Hardtop n'est proposée qu'en finition Regal sur les Champion et Commander. Cette dernière vendue 2 347 dollars est le modèle le plus cher, montant à comparer aux 1 735 dollars du modèle le plus économique, la Champion Sedan 2 portes Custom. Ces formes nouvelles qui plaisent aux Européens attirent moins le public américain. Alors que le coupé est une réussite incontestée, on peut convenir que ses lignes s'adaptent plus difficilement à une carrosserie de berline 4 portes. Les proportions, avec une hauteur de pavillon supérieure, donnent une impression de lourdeur, voire de maladresse. Autre difficulté, les nombreuses pièces de carrosserie du coupé ne sont pas interchangeables avec la berline, ce qui ne permet pas de réaliser des économies d'échelle. Les volumes de production planifiés restent à peu de chose près identiques à ceux de 1952, environ trois berlines pour un coupé. Mais en 1953, la clientèle réclame autant de coupés que de berlines. L'absence d'étude marketing sérieuse conduit à une situation critique. De nombreuses commandes de coupés sont annulées faute de pouvoir être honorées à temps. Et il est effectivement acquis que la berline est ratée, car elle se vend mal. Pourtant, il va encore falloir composer avec elle un bon moment, pour en amortir l'étude. La production de l'année 1953 est de 186 844 unités. Pour la quatrième mais dernière fois, Studebaker est le neuvième constructeur par importance aux Etats-Unis, devant la marque Chrysler. C'est aussi le premier constructeur indépendant, devant Nash-Rambler, Packard, Hudson, Willys et Kaiser. La firme de South Bend est toujours bénéficiaire, mais après 14,29 millions de dollars de résultat en 1952, elle doit se contenter en 1953 d'un maigre bilan positif de 2,68 millions. Heureusement, les contrats avec l'Etat lui assurent encore environ 1/3 de ses revenus.
Les Studebaker Sedan perdent beaucoup de la finesse des modèles à deux portes, en raison d'un pavillon rehaussé qui permet d'offrir une habitabilité convenable. Alors qu'à la fin des années quarante, l'avenir de Studebaker apparaissait sous un aspect radieux, l'entreprise s'est laissé envahir par une surpopulation ouvrière qui n'est plus en phase avec les volumes produits. Paul Gray Hoffman a signé avec les syndicats des accords très avantageux pour son personnel, qu'il s'agisse des salaires, des conditions de travail ou de la réduction des horaires. Dans l'industrie automobile, les ouvriers de chez Studebaker sont réputés pour être choyés. On se presse aux portes de l'usine. Alors que la General Motors est la première firme à serrer la vis aux syndicats en 1946 et 1947, avec des grèves en réaction, chez Studebaker on se refuse à de telles pratiques. Le constructeur tend à vivre sur ses investissements passés, retardant une modernisation indispensable de l'outil industriel. Nombre de machines sont obsolètes et d'une productivité médiocre. La conception en étages de l'immense complexe industriel est complètement dépassée, d'autant plus qu'il compte sept bâtiments séparés. Il semble que Paul Gray Hoffman et Harold Sines Vance aient trop préservé les intérêts des actionnaires en leur assurant depuis des années une généreuse politique de distribution des dividendes. Une partie de ces fonds aurait sans aucun doute été plus utile à des investissements en machines.
Harold Sines Vance Studebaker doit enfin composer avec un réseau de distribution d'envergure modeste. Quand à l'aube des années 50, la General Motors possède 14 000 distributeurs dans le pays, Studebaker n'en affiche que 2 600. Sur le sol américain, la GM est le premier industriel toutes activités confondues. Ford est le troisième, Chrysler le cinquième, Studebaker le 65ème ... La situation financière de la compagnie devient préoccupante. Les premières pertes apparaissent en 1953. Le trou ne cessera de se creuser jusqu'en 1966, avec par chance quelques sursauts éphémères, comme en 1959 avec la commercialisation de la Lark. Studebaker, 1954 En 1954, la structure de la gamme est inchangée, à l'exception de l'arrivée du break Conestoga Station Wagon, qui est disponible sur les modèles Champion et Commander, dans les finitions DeLuxe et Regal. Les dix dents bien visibles sur la grille de calandre permettent de différencier un modèle 1954 d'un modèle 1953 qui n'en possède pas. 58 % des Studebaker produites durant le millésime sont des Champion, et donc 42 % des Commander. Ces voitures marquent le pas. L'offre du marché est si abondante que le constructeur de South Bend peine à fidéliser sa clientèle. Le volume de production dévisse à 85 660 unités, soit une baisse de 54 %. Après quatre années de stabilité, Studebaker perd deux places, en passant à la onzième position.
Studebaker Commander Regal Conestoga Station Wagon, 1954. Le Conestoga est un modèle de chariot hippomobile, à quatre grandes roues recouvert d'une bâche, utilisé pour le transport de passagers et de marchandises, apparu au 18ème siècle en Pensylvanie. Le nom vient de la vallée de Conestoga dans ce même Etat. .Les versions Starligtht et Starliner sont des réussites esthétiques majeures dans la production américaine de l'époque. Hélas, passé l'effet de surprise, le public tend à les oublier. Même les concessionnaires Studebaker ne voient pas arriver ces voitures d'un très bon oeil. Leur clientèle n'est pas habituée à ce type d'automobile. Pour autant, le modèle est maintenu au catalogue, car il contribue à façonner une image forte, face toujours aux Big Three.
En 1954, la contribution des Station Wagons toutes versions confondues dans les ventes de Studebaker est de 16 %. Celle des Starlight Coupe de 25 % et des Starliner Coupe Hardtop de 13 %. En cette année 1953, Henry Ford II se met en tête de ravir à Chevrolet la première place du marché automobile américain. Il déclenche un processus commercial très agressif, profitable au consommateur, mais qui va provoquer à court terme la faillite des derniers indépendants que sont Packard, Kaiser, Nash, Hudson et Studebaker, incapables de suivre les remises de prix de ses deux principaux concurrents. La productivité de Studebaker est inférieure à celle des autres constructeurs, South Bend est plus éloigné des principales sources d'approvisionnement que Detroit. Un manque d'investissements, des prix de revient élevés et une concurrence exacerbée conduisent Studebaker vers une impasse.
Studebaker Commander Land Cruiser, produite à 6 383 unités en 1954. Les dix dents sur la calandre permettent d'identifier un modèle du millésime. Auparavant haut de gamme de la marque, elle est désormais un peu moins chère que les Commander Regal Station Wagon et Starliner Coupe Hardop.En janvier 1954, Paul Gray Hoffman (revenu aux affaires en 1953) et Harold Sines Vance qui ne peuvent se résoudre à la disparition de la firme entament des discussions avec le président de Packard, James John Nance, au sujet d'une éventuelle coopération dans les domaines de la conception, des études, de la fabrication, du marketing, et de la commercialisation de leurs automobiles. Auparavant, Georges Mason, directeur de Nash, a déjà tenté de réunir en un quatrième grand groupe les marques Nash, Hudson, Packard et Studebaker. En vain. Nash et Hudson parviennent toutefois la même année à un accord qui est à l'origine de la naissance de l'American Motors Corporation (AMC). A une échelle moindre donc, à la mi-avril 1954, Packard et Studebaker projettent une union à deux. En juin, ils tiennent une conférence de presse pour dévoiler leurs intentions. Packard achète les actifs de Studebaker. Le nouveau groupe Studebaker-Packard est officiellement fondé le 1er octobre 1954. James John Nance en prend la présidence. Pour Packard c'est déjà trop tard, la célèbre firme va s'effacer en 1958, en produisant en fin de vie des Studebaker grossièrement maquillées en Packard. Le constructeur Studebaker va encore résister, mais à quel prix ... Studebaker, 1955 Trois modèles (Champion, Commander, President), quatre finitions (Custom, DeLuxe, Regal et State), six carrosseries (Sedan 2 portes, Sedan 4 portes, Wagon, Coupe, Coupe Hardtop, Speedster Hardtop), trois moteurs, jamais le catalogue Studebaker n'a été aussi étoffé. La fusion de Studebaker et de Packard entraîne une relative montée en gamme du premier. Depuis 1951, nous connaissions le 6 cylindres de 2,78 litres de 85 ch sur la Champion et le V8 de 3,81 litres de 120 ch sur la Commander. Désormais, la Champion est dotée d'un 6 cylindres de 3,04 litres de 101 ch, et la Commander d'une V8 de 3,67 litres de 140 ch, remplacé en cours d'année par un V8 de 4,25 litres de 162 ch. La President, nouveau haut de gamme, est équipée d'entrée de jeu de ce 4,25 litres avec une puissance de 175 ch en début de millésime, puis 185 ch ensuite. L'usage de cette dénomination President constitue un retour aux sources, puisque apparue en 1927, elle avait été abandonnée à l'issue du millésime 1942. Les Studebaker 1955 adoptent une calandre complètement remaniée, constituée d'un large bandeau en acier chromé courant sur toute la largeur de l'auto. L'impression de légèreté qui a prévalu à la naissance de cette génération en 1953 a disparu. La présence de cette gueule béante de poisson crevé et d'un pare-chocs tout aussi monstrueux n'est malheureusement pas de nature à faire revenir les acheteurs.
La Studebaker 1955 conserve la carrosserie de 1954, mais en plein âge du chrome, l'Américain moyen veut son lot de clinquant. Alors Studebaker qui ne parvient plus financièrement à assumer sa différence en rajoute un peu partout sur ses nouveaux modèles, pour tenter de plaire au plus grand nombre. La moindre part de marché se dispute âprement, à grand renfort de campagnes publicitaires coûteuses, qui laissent sur la touche ceux qui ne peuvent pas suivre. Kaiser Frazer abandonne après neuf années de lutte, Willys renonce à ses voitures particulières dont personne ne veut plus. Les Hudson ne sont plus des Hudson, mais des Nash ... Seul Packard paraît encore résister, mais ce n'est qu'une apparence. Du côté de Studebaker, on éprouve les pires difficultés.
Studebaker President State Hardtop Coupe. Les désignations de Starlight et de Starliner sont abandonnées au profit de Coupe et Hardtop Coupe. Ces modèles reçoivent aussi l'affreuse calandre chromée.La seule véritable surprise en cette année 1955 est la naissance du coupé President Speedster. Cette version spéciale du coupé Hardtop se caractérise par un aménagement intérieur personnalisé, avec des sièges en cuir et un tableau de bord très complet. Pour la décoration extérieure, on a retenu une peinture à trois tons, une idée qui vient directement de chez Packard qui l'a expérimenté sur ses propres modèles, ainsi que de superbes enjoliveurs de roues. Le Speedster n'a rien d'un speedster au sens traditionnel du terme, mais on n'est pas chez Studebaker à une usurpation d'identité près. Il est assez logiquement vendu avec le moteur le plus puissant de la gamme, un V8 de 185 ch. Petite consolation pour Studebaker, ce modèle se vend relativement bien, malgré un prix de 3 253 dollars, qui est le plus élevé du catalogue.
Le coupé President Speedster Hardtop ne peut être qu'un modèle marginal, destiné à quelques rares enthousiastes. Cela ne suffit pas à faire tourner une affaire comme Studebaker. Il faut faire du volume avec des familiales, et c'est bien loin d'être le cas. Ford et Chevrolet viennent de lancer en 1955 de toutes nouvelles autos au style 100 % américain. Les dealers n'ont aucun effort à faire pour les écouler. Il faut vraiment être anticonformiste pour se rendre chez un concessionnaire Studebaker, et acquérir une Sedan, qu'elle soit en 2 ou 4 portes. Certes, Studebaker progresse en nombre de voitures produites par rapport à 1954 avec 112 723 unités. Mais les autres constructeurs ont avancé plus vite que lui, et la firme de South Bend échoue à une triste treizième place. On calcule à cette époque que pour atteindre son seuil de rentabilité, Studebaker devrait produire près de 250 000 voitures par an. Il suffit de comparer l'aspect des voitures de la marque à celui des Chevrolet pour comprendre que cela va être difficile.
Il n'y a pas besoin d'élaborer de longues explications pour comprendre pourquoi le public est plus attiré par les automobiles des Big Three que par les Studebaker. En haut, une Studebaker 1955, et son équivalent chez Chevrolet pour la même année. Studebaker, 1956 En 1956, alors que la firme Packard se meurt doucement, la gamme Studebaker est remodelée. Les berlines qui n'ont jamais très bien supporté l'aspect européen voulu par Raymond Loewy sont partiellement redessinées dans un style plus banal, mais qui correspond mieux aux goûts du public américain. Studebaker n'a pas d'autre choix que de s'incliner face aux dictats du marché.
Studebaker Champion 2-door Sedan, 1956. De toute évidence, on assiste à une banalisation du style Studebaker, qui s'apparente de plus en plus à celui des Chevrolet et Ford, tout en conservant les mêmes bases techniques.L'avant et l'arrière des Champion, Commander et President, sont redessinés et rallongés. La cellule centrale est inchangée. Les définitions de finition sont totalement modifiées. Ces modèles adoptent une nouvelle et large calandre grillagée. En fait, les carrosseries des Studebaker ressemblent plus que jamais à ce qui se fait chez Ford, Chrysler ou au sein de la GM. Raymond Loewy n'est évidemment pour rien dans ce dessin passe-partout. Les quelques stylistes maison se sont juste efforcé d'imiter avec maladresse les formes consacrées par Détroit.
Studebaker President Classic Sedan, 1956. Ce modèle est vendu 2 235 dollars. Il se situe à mi-chemin entre la plus économique des Studebaker, la Champion Custom Sedan à 1 717 dollars, et la plus coûteuse, la Golden Hawk Hardtop Coupé à 3 061 dollars.Les Coupe, Coupe Hardtop et Speedster Hardtop de 1955 changent de dénomination. Ces voitures qui prennent de plus en plus d’importance dans la gamme Studebaker deviennent des " Hawk " (Faucon). La Flight Hawk sur base Champion est dotée du 6 cylindres de 3,04 litres de 101 ch, la Power Hawk sur base Commander du V8 de 4,25 litres (170 ou 185 ch) et la Skyhawk sur base President d’un nouveau V8 de 4,73 litres (210 ou 225 ch). L'aspect aussi évolue. L'inspiration vient accidentellement de Raymond Loewy. Accidentellement parce que Raymond Loewy ne travaille plus pour Studebaker, et qu'il s'agit d'un ancien projet de face-lift du designer. Ses honoraires trop importants ont fini par insupporter les décideurs. Une autre source indique que Raymond Loewy se serait vu reconduire son contrat avec Studebaker uniquement pour la famille des Hawk. Quoi qu'il en soit, le résultat est plutôt heureux. A l'avant, on découvre une imposante calandre trapézoïdale verticale. L'ensemble rompt avec la tradition de Detroit, ou depuis bientôt dix ans, on ne dessine plus que des calandres horizontales.
Les Golden Hawk, Sky Hawk, Power Hawk et Fligth Hawk n'ont plus grand-chose à voir avec le modèle initial de 1953, hormis un profil inchangé. Au sommet de la gamme, la Golden Hawk est équipée d’un V8 de 5,77 litres de 275 ch d’origine Packard, ce qui lui procure un rapport poids/puissance exceptionnel. Dans la production du moment, il n'y a guère que la Chrysler 300 B pour faire mieux, et il s'agit là d'un modèle participant aux courses Nascar. La Golden Hawk est saluée par la presse comme la plus performante des voitures américaines, ce qui lui confère une aura particulière ... qui devrait forcément rejaillir sur l'ensemble des ventes un jour ou l'autre, du moins l'imagine-t-on chez Studebaker ! Elle peut rouler jusqu'à 195 km/h. Sa finition soignée est héritée des Speedster, et elle est commercialisée avec une peinture deux tons. Pourtant, la voiture souffre d'un problème de conception. L'excellent moteur n'est pas des plus légers, et la répartition des masses est de l'ordre de 60/40. La Golden Hawk va laisser auprès des amateurs l'image d'une savonnette agressive, bien incapable d'encaisser la puissance phénoménale du V8 Packard.
Studebaker Golden Hawk , 1956. Studebaker a fait de la Golden Hawk la première voiture de sport familiale. L'énorme calandre presque carrée et verticale, à la manière des Mercedes, semble prête à dévorer la route.La production de Studebaker tombe à 82 955 unités, dont 14 % de Hawk avec montant, et 9,5 % de Hawk Hardtop. Les stations wagons Champion, Commander ou Champion ne représentent que 7 % des ventes. Un nouveau président est nommé à la tête de l'entreprise, Harold Churchill. Faisant preuve de clairvoyance, il demande à ses ingénieurs d'étudier un véhicule de plus large diffusion aux dimensions réduites. Le temps presse. Chez Packard, la situation est pire encore, avec moins de 30 000 voitures sorties de chaîne. Studebaker, 1957 Les ventes de 1956 ont été médiocres. La situation financière devient critique. Les banquiers rechignent à soutenir Studebaker. Le gouvernement du président Eisenhower entreprend de contacter la firme Curtiss-Wright, et lui conseille amicalement d'assister le groupe Studebaker-Packard. Roy T. Hurley, président de Curtiss-Wright, n'accepte la demande qu'à condition d'obtenir pour sa société des contrats de Défense de la part de l'Administration. C'est ainsi que Curtiss-Wright rachète l'activité armement de Studebaker. James John Nance, Paul Gray Hoffman et Harold Sines Vance sont remerciés. Harold Churchill, ingénieur chez Studebaker depuis 1926, est nommé président de Studebaker-Packard. La Silver Hawk remplace les Flight Hawk, Power Hawk et Sky Hawk. Elle est disponible avec le 6 cylindres de 3,04 litres de 101 ch ou le V8 de 4,73 litres (210 ou 225 ch), en version coupé avec montant sur les modèles Champion, Commander et President, en coupé Hardtop sur les modèles Champion et Commander. Sur la President, le coupé Hardtop prend le nom de Golden Hawk Hardtop Coupe. Le moteur Packard n'étant plus produit depuis fin 1956, la Golden Hawk reprend le V8 de 4,73 litres en lui adjoignant un compresseur Paxton qui fournit ainsi une puissance identique à celle de 1956, c'est-à-dire 275 ch. Encore et toujours, dans l'esprit d'Harold Churchill, le maintien des Hawk doit faire parler de la marque, attirer le public chez les dealers, et permettre de vendre des modèles plus accessibles en plus grand nombre.
Studebaker Golden Hawk, 1957. A 3 182 dollars, c'est la Studebaker le plus chère du millésime. A l'opposé, La Champion Sedan 2 portes vaut 1 776 dollars. Cette même année, une Corvette coûte 3 465 dollars et une Ford Thunderbird 3 408 dollars.Outre les Silver Hawk et Golden Hawk, l'offre de Studebaker comporte trois modèles (Champion, Commander, President), deux finitions (Custom et DeLuxe), trois carrosseries (Sedan 2 portes, Sedan 4 portes, Wagon 3 portes). Il convient enfin d'y ajouter cette année le nouveau station wagon 5 portes, identifié par les appellations Station Wagon (Champion), Provincial Wagon (Commander) et Broadmoor Station Wagon (President). La gamme perd au fil des années de sa lisibilité.
Studebaker Sedan. A la fin des années 1950 chez Studebaker, c'est l'époque où les ouvriers se posent chaque jour la question de savoir si les portes de l'usine ne vont pas rester fermées le lendemain. Sans ressources pour vraiment renouveler l'offre et attirer de nouveaux clients, on se contente de retouches mineures. Le public n'est pas dupe. La spirale infernale est plus que jamais enclenchée. La Scotsman qui arrive assez tard en cours d'année s'insère dans la gamme Champion, où elle se positionne au dessus de la déjà très économique Custom. Dépouillée jusqu'à l'os, elle est disponible en Sedan 2 portes, Sedan 4 portes et Station Wagon. Elle entend élargir l'offre vers le bas, en attendant le lancement de la future compacte dont on espère une large diffusion.
Studebaker Champion Scotsman Station Wagon, 1957. Le dépouillement à l'extrême, même des utilitaires, n'est pas toujours une bonne idée.La production de Studebaker est en baisse, avec 67 394 unités. Etre descendu en gamme avec la Scotsman, et la mise en avant des Silver Hawk et Golden Hawk n'a pas suffi. La firme perd toujours de l'argent. Le déficit persiste, même s'il est passé de 43 millions en 1956 à 11 millions en 1957. Studebaker, 1958
Studebaker Commander Sedan. Les Studebaker ont été des automobiles vraiment originales de 1947 à 1955. Mais trop d'originalité peut nuire aux ventes. Raymond Loewy a lui-même théorisé ce principe sous le nom de MAYA, pour " Most Advanced Yet Acceptable ". Nous sommes en 1958, et on ne prend plus aucun risque du côté de South Bend. Comme tout le monde, Studebaker cède à la mode des doubles phares. Les Studebaker Champion, Commander et President adoptent des ailerons arrière bien plus proéminents qu'en 1957, suivant ainsi la tendance initiée il y a peu par Virgil Exner chez Chrysler ou Harley J. Earl au sein de la General Motors. La Scotsman échappe à cette démesure. Les designers ont fait ce qu'ils ont pu, avec de maigres moyens. Toute indépendance de vue et d'esprit a disparu.
Studebaker President Starlight Hardtop Coupe. La Studebaker millésime 1958 reçoit des ailerons arrière proéminents et des doubles phares, à l’instar de la plupart des voitures américaines. La grande Studebaker vit sa dernière année.C’est la dernière année de la commercialisation de ces trois modèles, puisque Studebaker prépare activement le lancement de sa nouvelle voiture compacte Lark pour le millésime 1959. Ainsi, le constructeur de South bend va prendre de court les Big Three, mais cette période de grâce ne durera qu'un an.
Studebaker President Sedan. Il faut faire preuve d'une certaine indépendance d'esprit pour s'offrir une Studebaker President Sedan 4 portes en 1958. La concurrence propose des modèles autrement plus attrayants.L'offre Silver Hawk et Golden Hawk évolue peu. La production de Studebaker tombe à 55 175 unités. Si l'on regarde le bon côté des choses, force est de constater que malgré une production en baisse, Studebaker gagne deux places au classement des constructeurs en étant onzième. Pourtant son déficit est repassé à 17,1 millions de dollars. Seul le modèle Scotsman dépouillé produit à 20 870 exemplaires permet de dégager un peu de marge. L'année 1958 se solde chez tous les constructeurs automobiles américains par une récession sévère. Les monstres bardés de chrome qu'offrent encore Detroit dépassent la mesure, et franchissent les limites du ridicule. Les Big Three, alertés par le changement progressif des goûts et l'importation massive de voitures européennes, décident en toute hâte d'accélérer leur programme de voitures compactes. Le succès de la Rambler, précurseur dans ce domaine, démontre sans ambiguïté l'évolution de la demande du marché. Après une misérable production de 2 622 unités, il en est fini en 1958 de l'aventure Packard qui avait débuté en 1903. Les voitures des derniers millésimes ont été affreusement customisées. Elles font carrément peur en 1958, et sont le fruit d'un acharnement chirurgical pitoyable. C'est une bien triste fin pour un constructeur au passé aussi prestigieux. Le nom de la compagnie reste associé à Studebaker, mais il sera totalement gommé en 1962. Studebaker, 1959 On pourrait croire que tout est terminé, et que le naufrage est imminent. Que nenni, Harold Churchill, en fin renard qu'il est, prépare depuis sa prise de fonction une belle surprise. La Champion de 1939 a sauvé une première fois l'entreprise. La Scotsman a permis depuis 1957 de ne pas sombrer. C'est clair, le salut ne peut venir que d'un modèle économique, ce sera la Lark. Ce nom désigne une alouette. Curieusement, son deuxième sens en anglais est farce ou rigolade ... Studebaker débarrassé de Packard reprend son chemin de manière autonome. L'objectif affiché de la Lark est de s’attaquer aux importations de modèles européens qui progressent sur le marché américain, et d'une manière plus générale de répondre à une demande nouvelle pour les voitures économiques. La plus diffusée d'entre elles est la Volkswagen Coccinelle, même si Renault fait aussi, du moins pour l'instant, bonne figure avec sa Dauphine. La première Lark sort de chaîne le 29 septembre 1958.
Studebaker Lark VIII Regal Hardtop Coupe. La Studebaker Lark lancée pour le millésime 1959 est une nouvelle voiture compacte. Elle reprend la partie centrale des Studebaker 1953-1958, sans que cela ne soit trop détectable.Studebaker devance d’une année l’apparition des voitures compactes des Big Three. Le styliste Duncan Mc Rae, auteur du dessin de la Lark, a tellement modifié l'aspect extérieur des modèles 1953-1958 en les raccourcissant à l'avant et à l'arrière, qu'il est parvenu à faire croire à une nouvelle automobile. Duncan Mc Rae a débuté sa carrière chez Ford en 1939 sous la bienveillance de Eugene T. Gregorie, avant de travailler pour Kaiser Frazer. La plupart des éléments constituant la voiture sont empruntés à la Champion, qu'il s'agisse du châssis, de la structure centrale, du volant, du toit, des portières ... Tout a été conçu à l'économie. Cette automobile mesure 4,44 mètres de long, soit 3 centimètres de moins qu'une Peugeot 403. L'empattement est de 2,75 mètres sur la Sedan et de 2,87 mètres sur la Wagon. L’habitabilité pour six personnes est préservée. Malgré l'obligation de composer avec l'existant, les lignes de la Lark paraissent innovantes, même s'il ne s'agit pas d'un chef d'œuvre d'esthétique. La hauteur de ligne de caisse n'est en effet plus vraiment proportionnelle à la longueur de l'auto. La Lark paraît courtaude, trapue et passablement gonflée. L'ornementation restreinte contraste avec les délires de la concurrence. La calandre rappelle celle de la Hawk, et confirme ainsi une cohésion de gamme. La Lark est disponible en versions Sedan 4 portes, Sedan 2 portes, Hardtop 2 portes, et Wagon. Deux moteurs sont proposés : le 6 cylindres de 2,78 litres connu depuis 1941 qui développe 90 ch (Lark VI), et le V8 de 4,25 litres apparu en 1955, fort de 180 ch en série (Lark VIII), ou 195 ch en option. Ce V8 s'avère bien lourd pour une voiture compacte, mais il est performant et fiable. Les finitions DeLuxe et Regal sont disponibles sur la Lark VI, et uniquement la finition Regal sur la Lark VIII. Les Lark plus légères et maniables affichent des performances très honorables. La presse spécialisée reconnaît leurs qualités, même si une partie d'entre elle est plus critique sur l'aspect général de l'auto.
Studebaker Lark VIII Regal Sedan. Les Lark VI (6 cylindres) représentent environ 75 % des ventes de Lark, les autres 25 % étant des Lark VIII (8 cylindres).Le prix des Lark s'échelonne de 1 925 dollars pour une DeLuxe Sedan 4 portes à 2 590 dollars pour une Regal Wagon 2 portes. Le coupé Golden Hawk sans montant n'a pas été renouvelé. La Silver Hawk vaut 2 360 dollars en 6 cylindres de 180 ch et 2 495 dollars en 8 cylindres de 195 ch. Cela aurait été une erreur d'abandonner une des plus belles voitures américaines de son époque, si importante pour maintenir tant que possible encore vivace l'image de Studebaker. On compte encore une fabrication de 2 417 Silver Hawk en 6 cylindres et de 5 371 Silver Hawk en 8 cylindres. Grâce à la Lark, la production de Studebaker fait un bond en 1959 à 153 823 unités sur l'année civile, soit près de 200 % de progression. Le public a visiblement retrouvé le chemin des concessions, et le constructeur reprend une dixième place méritée sur le marché. Pour la première fois depuis six ans, Studebaker fait des bénéfices, et dégage un résultat de 28 millions de dollars sur un chiffre d'affaires de 387 millions. Le ciel semble se dégager sur South Bend. S'agit t-il vraiment d'un nouveau départ ou d'un simple répit ? Bénéficiant d'une sérénité retrouvée, Studebaker en profite pour acquérir les droits de distribution sur le sol américain des marques Mercedes, DKW et Auto Union. Studebaker millésime 1960 Pour 1960, la gamme des Studebaker Lark est complétée par un cabriolet deux portes, carrosserie abandonnée par la marque depuis 1952, et par un break quatre portes beaucoup plus pratique que le break deux portes. Le dessin de la calandre est légèrement modifié. La Hawk (elle a perdu son petit nom de Silver) en 6 cylindres 90 ch est produite à 2 383 exemplaires, celle à moteur V8 à 2 650 exemplaires, avec 210 ch en série ou 225 ch en option. La production de Studebaker régresse en 1960, à 131 654 unités.
Studebaker Lark VIII Regal Convertible, 1960. La Lark se dote d'une carrosserie cabriolet de type Regal, disponible en motorisation 6 ou 8 cylindres. C'est la première compacte sur le marché à être habillée avec une carrosserie de ce type. Elle signe le retour de la marque aux voitures découvertes, abandonnées après 1952.
Studebaker Lark VI DeLuxe Sedan, 1960. Il s'agit en 1960 du modèle le plus économique de la marque : petit moteur, finition DeLuxe de base, et carrosserie "ordinaire ". Son prix et de 1 976 dollars. Une Ford Falcon avec le même type de carrosserie vaut 1 912 dollars, et une Chevrolet Corvair 1984 dollars.La montée en puissance des Rambler sur le marché américain à partir de la fin des années 50 rend de plus en plus difficile la survie de Studebaker. Maintenant convaincus de la pertinence des modèles compacts, les Big Three ont mobilisé toutes leurs ressources financières afin de se positionner durablement sur ce créneau en plein développement. La contre-attaque va venir des Ford Falcon, Chevrolet Corvair et Plymouth Valiant, autant de modèles commercialisés pour ce millésime 1960. Après Rambler, ces trois concurrentes risquent de faire très mal à Studebaker.
Studebaker Hawk, 1960. Il faut reconnaître à la Hawk une certaine classe dont ne dispose pas la Lark. En version V8, elle vaut 2 650 dollars. Cela paraît peu comparé au prix de la Lark Regal Wagon facturée 2 726 dollars ou de Lark Regal Convertible vendue 2 756 dollars.Harold Churchill est écarté de la présidence de la compagnie au profit de Clarence Francis, jusqu'alors directeur chargé de la trésorerie. Le nouveau venu souhaite ne plus dépendre que de l'automobile, et convainc les actionnaires d'investir dans de nouvelles activités : générateurs, tondeuses à gazon, équipements de sols, etc ... Toutes ces sociétés sont parfaitement saines et permettent au groupe de se maintenir à flot. Studebaker millésime 1961 Pour 1961, la Studebaker Lark monte en gamme en étant mieux équipée, avec entre autres quatre phares sur la plupart des versions. Le 6 cylindres voit sa puissance portée de 90 à 112 ch. Studebaker réintroduit une version Cruiser, appellation abandonnée (Land Cruiser) à l'issue du millésime 1954. Plus longue, plus luxueuse, elle n'est disponible que sur la Lark VIII. Le coupé Hawk est maintenu au programme, mais uniquement avec le V8 4,73 litres (210 ch en série, 225 ch en option). Ce modèle, face à une concurrence qui a évolué rapidement, apparaît désormais de plus en plus dépassé avec sa cellule hors d'âge (1953), ses ailerons qui appartiennent aux années 50, et sa puissance limitée comparée aux modèles concurrents. Rien ne semble plus fonctionner chez Studebaker. Ni les prix en baisse, ni une vaste gamme, ni les efforts réalisés sur l'apparence des voitures. Pire encore, les rumeurs de dépôt de bilan rendent plus méfiants les acheteurs. Le maigre profit dégagé cette année-là provient des filiales hors secteur automobile. Le déclin est plus évident que jamais, avec 70 309 voitures produites, dont 2 650 coupés Hawk. Clarence Francis après seulement quelques mois de présence est remplacé dans ses fonctions de président le 1er février 1961 par Sherwood Egbert, ex vice-président de McCulloch, célèbre fabriquant de tronçonneuses et de compresseurs. Sherwood Egbert a tout juste 40 ans, et se retrouve à la tête d'une firme moribonde, endettée, à l'image écornée auprès du grand public, malgré quelques réussites récentes, comme le coupé Hawk ou la compacte Lark. Les diversifications se poursuivent, avec le rachat du distributeur de carburant STP. En décembre, l'administration Kennedy accorde de nouveaux contrats militaires à Studebaker, qui en profite pour racheter à Curtiss-Wright les installations qui lui ont été vendues en 1957.
Studebaker Lark VIII Regal Station Wagon, 1961Studebaker, 1962 Comme c'est souvent le cas quand un nouveau patron arrive dans une entreprise en difficulté, Sherwood Egbert fait preuve d'enthousiasme et prend de grandes décisions pour relancer l'affaire dont le bilan comptable affiche une déprime chronique. Egbert, informé des prouesses du styliste Brooks Stevens accomplies dans le dépoussiérage des Willys Aero fabriquées au Brésil et des camions de la même marque, le contacte discrètement et lui demande s'il serait possible de transformer la Hawk avec un minimum d'investissements. En fait, il s'agit de faire du neuf avec du vieux. Pas impressionné, le designer accepte le défi. En moins de trois mois, la Hawk est métamorphosée, et présentée au public fin août 1962 sous l'appellation Hawk Grand Turismo. Quelques touches adéquates ont transformé l'essentiel, la voiture est méconnaissable. Le moteur est toujours le V8 de 4,73 litres, à la puissance inchangée. L'ambition de Studebaker est limitée. Il s'agit de soutenir en début de carrière le lancement programmé de la future Avanti. Raymond Loewy et Robert Bourke, concepteurs du dessin original de la Starliner de 1953, sont enthousiasmés, et adressent même leurs félicitations à Brooks Stevens. La Grand Turismo répond parfaitement aux espoirs de Sherwood Egbert.
Brooks Stevens a réussi avec la Hawk Gran Turismo un remarquable exercice de refonte d'un modèle déjà daté, en un temps record. L'essentiel du travail a consisté à dessiner un toit très pur, plus angulaire, et à quasiment supprimer les ailerons. L'autre chantier auquel s'est attaché Brooks Stevens a été celui de la Lark. Il a eu six mois pour procéder à sa modernisation à moindres frais. La calandre s'inspire fortement de celle des Mercedes, marque alors distribuée par le réseau Studebaker. La proue arrière est plus anguleuse. Brooks Stevens réussit à redonner une certaine fraîcheur aux Lark VI et VIII de 1962, et se paye même le luxe de proposer une série haute dénommée Daytona. Consécration suprême, la Daytona est choisie comme pace car pour l'édition 1962 des 500 miles d'Indianapolis.
Studebaker Lark 2-door Sedan, 1962. La partie arrière est modernisée. La face avant adopte une calandre façon Mercedes.Studebaker Lark Cruiser, 1962. Cette version luxueuse uniquement proposée en Sedan 4 portes n'est disponible que sur le modèle Lark VIII.
Studebaker Lark Daytona Hardtop, 1962. La Daytona est intégrée au catalogue, tant en 6 cylindres qu'en 8 cylindres, avec dans les deux cas un choix de deux carrosseries : Convertible et Coupe Hardtop.La production de Studebaker remonte à 101 392 unités durant le millésime 1962, dont 8 388 Hawk Gran Turismo. Cette dernière est parvenue à faire illusion. L'exercice est légèrement bénéficiaire. L'année a pourtant été perturbée par un mouvement social qui a paralysé la production pendant 38 jours. Studebaker, 1963 La caisse de la Lark est redessinée au-dessus de la ceinture. La taille des cadres de glace est réduite. L'augmentation de la surface vitrée permet d'offrir une meilleure visibilité. Les pare-brises panoramiques sont abandonnés. La planche de bord est complètement revue. Tout est fait pour que le client puisse trouver chaussure à son pied : moteur 6 ou 8 cylindres, six carrosseries, quatre niveaux de finition.
Studebaker Lark, 1963. En fonction des combinaisons offertes, le client a le choix entre 21 modèles différents, dont les prix vont de 1 935 dollars pour une Lark Six Standard Sedan à deux portes, à 2 835 dollars pour une Lark VIII Daytona Wagon.Une nouvelle version apparaît dans la gamme Lark, le break Wagonaire. Ce break imaginé par Brooks Stevens se distingue par son toit en tôle d’acier coulissant sur des rails jusqu’au niveau des portières arrière, facilitant ainsi le transport d’objets encombrants.
Studebaker Lark Wagonaire, 1963. Cette carrosserie est disponible sur les Lark VI et VIII, avec les différents niveaux de finition. Elle n'a qu'un inconvénient, c'est de prendre abondamment l'eau en cas d'intempéries.Parallèlement aux missions confiées à Brooks Stevens, Sherwood Egbert sollicite Raymond Loewy pour concevoir une nouvelle voiture de sport et de luxe. Le président de Studebaker est fasciné par l'impact de la Corvette sur le public. Il aimerait créer une automobile capable de générer les mêmes émotions. Il s'agit encore une fois de redynamiser l'image du constructeur, et de faire revenir le public dans les concessions. Dans sa démarche, il est aidé par Harold Churchill, toujours dans l'entreprise. A eux deux, ils parviennent à convaincre le conseil d'administration de débloquer les fonds nécessaires. Aux yeux de Sherwood Egbert, seul un homme comme Raymond Loewy est capable de sortir des sentiers battus. Un premier contact est établi en mars 1961. Puis Raymond Loewy se déplace à South Bend pour identifier la base technique sur laquelle il va devoir travailler. Sherwood Egbert veut des solutions modernes. Quelques jours plus tard, Raymond Loewy est de retour chez Studebaker avec plusieurs esquisses qu'il soumet à Sherwood Egbert. Complètement enthousiasmé, celui-ci lui demande de poursuivre ses travaux. Pour mener à bien le projet, Raymond Loewy installe un bureau d'études de crise dans un ranch qu'il loue à Palm Springs, aux confins du désert de Mojave. Il s'entoure d'une équipe restreinte, composée de John Epstein, son fidèle assistant, de Robert F. Andrews, un ancien styliste du programme Hudson Step-down, et de Thomas Kellogg, un jeune designer. Les visites, le téléphone et les horloges sont prohibés. Le travail sera continu. Il faut faire vite. Sherwood Egbert confie à la société Paxton, qu'il rachète au passage, la conception d'une mécanique d'envergure pour ce modèle. Quand la voiture est présentée au Salon de New York le 25 avril 1962, c'est un choc pour le public et la presse. Elle représente la consécration des travaux de Raymond Loewy, et ne ressemble effectivement à rien d'existant. Ce modèle de 4,89 mètres de long sur 1,79 mètre de large se distingue par sa silhouette inspirée de la bouteille de Coca-Cola, l'absence de calandre au-dessus du pare-chocs et une lunette arrière en forme de bulle. La carrosserie est en fibre de verre.
L’ultra-moderne coupé Avanti dévoilé pour le millésime 1963 est censé revitaliser l’image de Studebaker. Mais ce n'est qu’un feu de paille. Il est facturé 4 445 dollars, soit exactement le même prix qu'une Ford Thunderbird Hardtop Coupe. Les lignes de l'Avanti sont un habile mélange de courbes et de droites étirées. La voiture possède par ailleurs des flancs marqués par une arête centrale. La face avant se passe de toute calandre agressive. Une simple prise d'air sous le pare-chocs qui épouse les formes des ailes avancées suffit au refroidissement. Le monogramme de la marque décalé sur la gauche se prolonge jusqu'au pare-brise par une épaisseur sur le capot, et vient rejoindre la planche de bord. L'extraordinaire modernité de l'Avanti date irrémédiablement les produits de la concurrence, mais aussi les autres modèles de Studebaker, Lark et Hawk Gran Turismo. Le V8 de 4,73 litres bien connu est disponible en version R1 de 240 ch, ou en version R2 de 289 ch avec un compresseur Paxton. Tout sembler aller pour le mieux pour le programme Avanti. Il ne reste qu'à mettre la machine industrielle en route pour enfin produire et vendre la voiture. Hélas, le fournisseur des caisses n'est pas à la hauteur des exigences. Les premiers clients sont déçus. Ceux qui ne sont pas livrés voient les retards de livraison s'accumuler. Studebaker décide tardivement d'intégrer la fabrication des caisses dans son usine. Mais c'est trop tard. Le soufflé est retombé. La clientèle n'a pas attendu. Les concessions Studebaker sont désertes. Mais les créanciers eux sont bien là ! En novembre 1963, Sherwood Egbert quitte ses fonctions pour des raisons de santé. Byers Burlingame le remplace au pied levé à la présidence. Rien ne va plus. Le département automobile qui n'est plus qu'une des activités du groupe est en pleine déconfiture. L'exercice 1963 accuse une nouvelle perte importante. Les sociétés annexes ne peuvent pas légalement se permettre de renflouer le secteur automobile. Les banques font la sourde oreille, et seule l'administration Kennedy semble préoccupée par le sujet. L'assassinat du président américain le 22 novembre 1963 douche les derniers espoirs. La production de Studebaker tous modèles confondus retombe à 82 669 unités durant le millésime 1963, dont 4 634 Hawk Gran Turismo et 3 834 Avanti. La firme de South Bend est le douzième constructeur américain, juste devant Lincoln et Imperial, qui ne proposent que du très haut de gamme. Après d'ultimes tentatives désespérées pour obtenir un financement, la direction de South Bend annonce la fermeture de l’usine. Le 20 décembre 1963, après 111 années d'activité, et 108 voitures encore assemblées cette dernière journée, Studebaker ferme ses ateliers de production automobile. Sept-mille employés perdent leur travail.
La Hawk Gran Turismo hérite d'une nouvelle calandre proche de celle de la Lark. De par la sobriété de son design, elle fait indiscutablement partie des " classiques " de la décennie. Mais produite à 4 634 exemplaires en 1963, elle est bien plus rare que sa principale concurrente, la Ford Thunderbird assemblée sur la même période à 63 313 unités. Studebaker, 1964 La direction de Studebaker décide de transférer ses activités de South Bend vers son usine satellite plus petite d'Hamilton dans l'Ontario, qui va concentrer ses efforts sur les Lark VI et VIII. Ce site a été fondé en 1947 dans une ancienne fabrique de canons appartenant au gouvernement canadien. Le président de Studebaker au Canada, Gordon Grundy, est persuadé que ces installations modernes, en raison de leur taille modeste, peuvent être rentables à partir de 20 000 voitures produites par an. Ce seuil parait à priori raisonnable et atteignable.
Studebaker Daytona Sport Sedan, 1964. La Studebaker Lark millésime 1964 est de nouveau remodelée. Mais la clientèle n'est plus là, et s'est orientée en masse vers Rambler, Chevrolet, Ford ou Plymouth.Les Lark sont de nouveau remodelées. Comme pour leur donner une nouvelle virginité, cette dénomination commerciale disparaît du catalogue, et désormais on évoque la présence des Challenger, Commander, Daytona, Cruiser et Wagonaire. La carrosserie est plus carrée et plus longue de 15 cm que la version 1963. La calandre large et horizontale intègre les phares. Ces évolutions de style sont de nouveau réalisées par Brooks Stevens.
Paradoxalement, Studebaker propose en 1964 ses plus belles voitures depuis près d'une décennie, mais il est trop tard, et l'image du constructeur est définitivement ternie. Pourquoi se risquer à acheter une automobile d'une marque que tous savent en fin de vie. Les derniers exemplaires de la Gran Turismo vendus au titre du millésime 1964 ont été fabriqués à South Bend fin 1963. Sa production n'est pas reprise au Canada, Studebaker se concentrant uniquement sur ses modèles compacts.
Studebaker Gran Turismo Hawk R2 Supercharged. Depuis 1960, Studebaker importe aux Etats-Unis les Mercedes. Copie ou effet du hasard ... dans tous les cas, la calandre de la Studebaker ressemble à celle des productions du constructeur de Stuttgart.En 1963, des problèmes de distorsion sont apparus sur les pièces en fibre de verre et résine de l'Avanti. Le temps que l'usine résolve ces difficultés, de nombreux acheteurs ont opté pour une Chevrolet Corvette, une Ford Thunderbird ou une Buick Riviera. L'Avanti ne partira pas à Hamilton.
Au moment où Studebaker arrête la production de la Lark à South Bend le 20 décembre 1963, la production de l'Avanti a déjà cessé. L'Avanti est tout de même distribuée au titre du millésime 1964. La production Studebaker du millésime 1964 (South Bend + Hamilton) s'établit à un volume de 46 760 unités, dont 1 767 Hawk Gran Turismo et 813 Avanti. Studebaker, 1965 En vertu des accords syndicaux, les moteurs Studebaker sont encore produits à South Bend en 1964, et expédiés vers le site d'Hamilton. Mais dès 1965, les dérivés de la Lark fabriqués au Canada ne sont plus équipés de moteur Studebaker. Le constructeur se fournit auprès de l'usine locale de la General Motors de St. Catherine. Il propose un 6 cylindres Chevrolet de 3,1 litres de 120 ch, ou un V8 de 4,6 litres de 195 ch. Cette offre mécanique, qui fait appel à un fournisseur et concurrent, confirme à la clientèle que Studebaker est en bien mauvaise posture. La chute des ventes s’accélère en 1965. Le millésime se termine par un volume de 19 435 unités fabriquées, parmi les nombreuses versions encore inscrites au catalogue. Certes, l'objectif de 20 000 unités est quasiment atteint, et l'affaire canadienne est légèrement bénéficiaire. Mais l'absence de moyens de recherche et développement ne laisse entrevoir aucune perspective enviable. Afin de contribuer à l'équilibre de ses comptes, Studebaker Hamilton passe un accord avec Volkswagen Canada, et en devient le distributeur exclusif.
Pour faire oublier un passé récent et croire à une jeunesse retrouvée, Studebaker n'utilise plus l'appellation Lark. Ainsi, cette Cruiser demeure le vaisseau-amiral du constructeur. Elle ne démérite pas comparée à ses concurrentes, et se montre même plutôt élégante. Mais faute de faire une quelconque différence, elle n'intéresse plus personne ... L'Avanti va poursuivre son existence de manière autonome. Un concessionnaire Studebaker, convaincu du potentiel de la voiture, Nate Altman, décide avec l'appui d'un partenaire financier, Leo Newman, de reprendre sa fabrication, et en rachète les droits. Les deux hommes s'adressent à Checker, entreprise réputée dans la production de taxis au style pour le moins complètement dépassé. La réponse de cet industriel est paradoxale. Il refuse de produire une voiture aussi laide. Qu'à cela ne tienne, Altman et Newman vont se débrouiller seuls. Ils fondent l'Avanti Motor. La production redémarre à South Bend dans des locaux loués à Studebaker, et l'ancienne chaîne est remise en route. Ils reprennent aussi les outillages, des pièces et une partie du personnel. La production effective débute le 2 août 1965, et se poursuivra pendant … plus de 40 ans. Avanti Motor en produira au total près de 4 000 exemplaires, sous diverses formes (coupé, cabriolet, berline), soit un nombre légèrement inférieur à celui enregistré par Studebaker entre 1963 et 1964.
La version sportive Daytona Sports Sedan affiche un élégant pavillon recouvert de vinyle. Vendue 2 565 dollars, le combat semble perdu d'avance face à la Ford Falcon Futura Coupe vendue 2 179 dollars, ou à la Chevrolet Chevelle Malibu facturée 2 326 dollars. Studebaker, 1966 Gordon Grundy sait qu'il lui faut dans les plus brefs délais repenser son offre s'il veut encore vendre quelques voitures. Il n'a plus ni styliste, ni ingénierie, ni de budget pour créer un nouveau modèle. Il fait appel à une société indépendante afin de tenter l'impossible avec un minimum d'argent. En conséquence, la calandre en trapèze est abandonnée " au profit " d'une grille composée de quatre rectangles horizontaux, flanqués de phares simples à logement carré. La clientèle sachant Studebaker à l'agonie ne se précipite pas. Ce sont tout de même 8 947 fidèles qui se manifestent.
Pour 1965, la dernière Studebaker est retouchée à l'avant avec deux phares au lieu de quatre, une nouvelle calandre à motifs rectangulaires, et de nouvelles moulures latérales. Il faut sauver les meubles. Grundy est aux abois. Il décroche in extremis le contrat d'agent exclusif de Toyota pour le Canada. Mais il est trop tard, et cette solution du désespoir ne peut plus rien y faire. A bout de trésorerie, Studebaker met fin à sa production canadienne en mars 1966 après 522 677 Lark (et ses dérivés) produites, depuis le lancement du modèle en 1959 à South Bend. 27 mois se sont écoulés depuis la fermeture de l'usine principale dans l'Indiana. La Studebaker Corporation qui par précaution s'est diversifiée depuis de nombreuses années dans des secteurs qui n'ont rien à voir avec l'automobile se porte pourtant bien en 1966. Elle poursuit ses emplettes dans différents secteurs industriels. Par le biais des fusions et acquisitions, la compagnie est absorbée en 1979 par la McGraw Edison Company dans l'Illinois. Ironie de l'histoire, Thomas Edison fut le deuxième client de Studebaker de 1902, quand il fabriqua ses premières voitures électriques. Les camions Studebaker C’est en 1937 que la firme Studebaker lance son premier véritable véhicule utilitaire, le " Coupé Express ", dont la partie avant reprend celle des berlines de ce millésime, tandis que la partie arrière est aménagée au choix du client en pick-up, en camionnette ou en châssis-cabine. La première année, il en est produit 3 000 unités environ. En 1938, il est redessiné dans un style plus utilitaire. En 1939, il est de nouveau redessiné en reprenant cette fois l’esthétique des berlines du même millésime.
Studebaker Coupe-Express 1937 En 1941, il est de nouveau revu dans un style franchement " petit camion ". A partir de ce moment, l’utilitaire Studebaker possède sa propre carrosserie sans aucun point commun avec les berlines. Après la guerre, la marque de South Bend reprend la fabrication de son petit camion d’une demi-tonne de charge utile. Ce modèle est totalement revu en 1949, dans un style agréable rappelant les petits camions Chevrolet. En 1954, il est proposé pour la première fois avec un V8, en plus du 6 cylindres.
Studebaker Coupe-Express 1946 Rebaptisé Transtar en 1956, le petit camion Studebaker poursuit sa carrière commerciale avec la possibilité d'opter pour une peinture deux tons. En 1957, la calandre est redessinée avec quatre grosses entrées d’air. En 1958, Studebaker propose le Scotsman pick-up, vendu au prix imbattable de 1 595 dollars. Son moteur est un 6 cylindres de 90 ch contre 118 ch pour le Transtar 6 cylindres et 180 ch pour le Transtar V8.
Studebaker Scotsman PickupEn 1960, les Scotsman et Transtar sont remplacés par le nouveau Champ qui reprend le style de la Lark dans sa partie avant, avec notamment cette calandre trapézoïdale si caractéristique. Ce modèle est fabriqué jusqu’en 1963 et restera sans descendance. A l’époque, la firme Studebaker est à bout, et se voit dans l’obligation de transférer sa production vers son usine canadienne de Hamilton.
Studebaker Champ, 1960/63
Texte : Jean-Michel Prillieux / André
Le Roux |
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