George Walker
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Carnegie Hall Building, 1206-14 Huron Road. Copyright L'expérience Peerless Son travail d'illustrateur et de styliste finit par attirer l'attention de James Bohannon, président de la Peerless Motor Company, basée à Claveland. Bohannon lui demande s'il serait disposé à créer des publicités pour Peerless. Le constructeur en difficulté cherche à stimuler ses ventes, mais il est si mal en point qu'il n'a pas les moyens de payer Walker. Walker, que le monde de l'automobile attire, ne veut pas passer à côté de cette expérience. Il accepte ce travail en fournissant plusieurs de ses prestations gratuitement. En contrepartie, Bohannon le présente à Baker-Raulang, un constructeur de voitures électriques de Cleveland, où il va parfaire ses connaissances pendant environ huit mois. Walker acquiert là une expérience dont la valeur est inestimable. Mieux que dans n'importe quelle école, il apprend comment on fabrique une carrosserie. Il complète à merveille ses compétences d'artiste avec celles de technicien. Chez Baker-Raulang, Walker rencontre Amos Northup, concepteur automobile. L'homme a étudié le design au Cleveland Polytechnic Institute, puis a rejoint Pierce Arrow en tant que designer automobile. Quand Walker et Northup font connaissance, le second conçoit des carrosseries personnalisées pour Murray à Détroit. Northup est impressionné par le travail de Walker. Il l'incite à revenir sur Détroit, où il est persuadé qu'il pourra faire fortune dans l'automobile.
Amos Northup, le designer automobile qui a suggéré à Walker de poursuivre sa carrière à Détroit. Copyright General Motors, 1929 Devenir designer automobile à Détroit fait rêver toute une génération de jeunes hommes. La dure réalité veut que pour s'imposer dans ce métier, pour vendre un nouveau style d'automobile, il faille justifier d'une bonne expérience, et il faut surtout savoir se vendre. Walker a conscience de l'ampleur du défi. Sa famille quitte Cleveland pour Détroit en 1929. Walker frappe à la porte de la General Motors. La GM dispose depuis 1927 d'un grand département de design connu sous le nom de " Art and Colour ", dirigé par Harley Earl. Cela pourrait constituer une excellente entrée en matière pour Walker, qui obtient un rendez-vous avec John Tjaarda, l'un des lieutenants d'Earl. Après avoir examiné ses croquis, Tjaarda embauche Walker sur le champ. La personnalité d'Earl impressionne Walker. Les deux hommes ont du caractère et la même ambition, mais le second a encore tout à prouver. Un personnage clef fait son entrée dans la vie de Walker. Il s'agit d'Eugene Gregorie, qui comme lui, intègre la General Motors. Dès 1930, Gregorie rejoindra Ford. En 1935, Edsel Ford le nommera responsable du bureau de style. Graham Paige, 1929 Peu de temps après son embauche à la General Motors, Walker fait la rencontre de Joe Graham, président de la Graham Paige Motor Corporation. De manière très directe, celui-ci l'invite à le rejoindre. Walker craint de ne pas émerger dans un groupe aussi imposant que la General Motors. S'il reste simplement au service de Harley Earl, il risque de se fondre dans la masse, dans le plus grand anonymat. Cela ne lui ressemble pas. Drôle de coïncidence, Walker retrouve chez Graham-Paige son mentor Amos Northup. En effet, Graham-Paige se fait livrer certaines de ses carrosseries de chez Murray. Walker et Northup se voient confier la conception du modèle Graham Blue Streak, qui est présenté en 1932. On ignore le degré d'implication réelle de Walker dans le dessin de la Blue Streak.
Graham Blue Streak. Copyright La carrière de Walker semble se dérouler comme il l'a toujours espéré. Hélas, en octobre 1929, la bourse s'effondre. Toutes les entreprises licencient en masse. Walker, l'un des derniers arrivés, est tout aussi naturellement l'un des premiers à perdre son emploi chez Graham-Paige. Au sein de la General Motors, il aurait sans doute subi le même sort. Retour à l'indépendance Walker relance son affaire de design sous le nom de " George Walker Industrial Design ". En journée, il frappe à la porte des entreprises de la région de Détroit, à la recherche de contrats. En soirée, jusqu'à minuit, il travaille sur les quelques affaires qu'il remporte. Aucun constructeur automobile ne s'intéresse à ses offres de service. Il a plus de chance avec leurs fournisseurs, qui sont avides de nouvelles idées de design. Ainsi, il travaille pour de roues, de planches de bord, de pneumatiques. Il conseille Jones-Dabney, spécialiste peinture, sur les teintes qui sauront séduire les grands constructeurs. L'usage du noir est omniprésent. Walker s'évertue à diversifier l'offre. Parallèlement, il travaille pour un fabricant de matériel de bureau, et un autre qui produit des radios et des appareils électroménagers. Son plus gros contrat est remporté avec la Dura Company de Toledo dans l'Ohio, un distributeur de quincaillerie automobile. A l'époque, Helen Dryden, une créatrice de mode, qui s'est aussi spécialisée dans le design industriel, est la directrice artistique de Dura. Walker convainc les dirigeants de la compagnie qu'il est capable de fournir le même travail que Helen Dryden pour 1/3 du prix exigé par cette dernière. Les capacités de séduction et les compétences de Walker lui permettent d'engranger de nouveaux contrats. C'est un miracle, alors que les Etats-Unis traversent la pire crise économique de sa jeune histoire. L'ironie de l'affaire est que Walker est venu à Détroit pour son industrie automobile, et qu'il se retrouve à concevoir toutes sortes de produits, sauf ceux pour lesquels il a fait le voyage. Walker étoffe son carnet d'adresses. Il rencontre les présidents et ingénieurs en chef des entreprises pour lesquelles il travaille. Il doit composer avec l'inquiétude de ces derniers, qui peuvent voir d'un oeil suspicieux l'arrivée d'un consultant extérieur susceptible d'empiéter sur leur pré carré. Mais en bon séducteur, Walker ne parle pas que de style avec ses interlocuteurs. La conversation tourne régulièrement autour du sport. Il ne rate pas l'occasion d'inviter ses clients et leurs épouses à des manifestations de football, baseball ou hockey. L'un des défis majeurs pour Walker est de faire référencer Dura chez Ford. L'entreprise s'y essaye sans succès depuis des années. Même pendant la grande dépression, Ford reste un prospect de choix. Walker rencontre John Galamb, ingénieur en chef de la carrosserie chez Ford, lors de l'une de ces journées où les vendeurs sont invités à montrer leurs produits. Walker lui présente une poignée de porte, mais Galamb ne donne pas suite. Face à l'insistance de Walker, Galamb finit par capituler. C'est Henry Ford qui sélectionnera au final cette poignée, que Walker a pris le temps de déposer sur un tissu noir, quand tous ses concurrents se sont contentés, sur ordre de Galamb, de poser les leurs sur une simple table en bois. Walker a mis en oeuvre avec succès l'un de ses principes : " on ne vend pas un diamant dans une boîte d'allumettes ! " Avec un portefeuille de clients de plus en plus étoffé, Walker installe ses bureaux au sein du " New Center Building ", juste en face du siège de la General Motors, et à côté du " Fisher Building ". Il loue au sein du même immeuble plusieurs pièces éparpillées, sans accueil ni show-room. Des galeries commerçantes souterraines relient les immeubles avoisinants. Au onzième étage du Fisher Building, le Recess Club accueille à l'heure du déjeuner toute l'élite de l'automobile, mais aussi des banquiers et des avocats. Walker est introduit par l'un de ses clients dans ce lieu où se croisent les décideurs.
Dans les allées du Fisher Building. Copyright Son affaire continue de se développer. Walker embauche de jeunes designers. Il avoue ne pas être très doué pour finaliser les détails des projets. Alors il s'entoure d'hommes qui le sont. Il débauche Ted Ornus qui travaille à la General Motors. Au cours des mois suivants, il recrute cinq designers et une secrétaire comptable. L'un des premiers grands succès de Walker est le dessin de la radio Detrola Pee-Wee. Pendant des années, cette entreprise basée à Détroit, a fabriqué de grandes et lourdes radios en bois. Walker a conçu pour eux une petite radio attrayante en plastique.
Radio Detrola Pee-Wee. Copyright Le contrat avec Nash-Kelvinator D'autres contrats suivent, qu'il s'agisse de dessiner un aspirateur, un réveil carré, une machine à laver, une locomotive profilée ou un avion quadrimoteur à ailes delta ! L'entreprise de Walker touche à tout, sauf à ... l'automobile. Un jour, George Mason, président de Nash-Kelvinator, contacte Walker. Il est intéressé par les produits Dura. L'affaire se réalise, et Dura devient l'un des fournisseurs de Nash. Satisfait de cet accord, Mason invite Walker à venir discuter avec lui de style automobile. Il lui propose préparer un portfolio de modèles Nash qu'il pourrait présenter au prochain conseil d'administration du groupe, et lui confirme la présence à cette occasion de Charles Williams Nash en personne. Walker est ravi. Nous sommes en 1936. Le charme de Walker opère, et le designer remporte le contrat pour les dessins du millésime 1939. Walker modifie au fil des années son offre. Les designers qu'il embauche sont le plus souvent affectés à de gros contrats au service exclusif de ses clients. Dans la brochure commerciale éditée lors du lancement de la gamme 1939, Nash annonce que sa nouvelle voiture a été conçue par George Walker, le " célèbre designer industriel et styliste ". Tous les arguments mentionnés dans la brochure sont exacts, notamment ceux qui touchent aux qualités aérodynamiques, sauf que George Walker en personne n'a pas conçu cette voiture. Ce travail a été réalisé dans le cas présent par Albert Donald Mortrude. C'est pourtant Walker qui va en retirer tout le prestige.
Nash, 1939 Albert Donald Mortrude est un designer indépendant comme Walker. Comme lui, il a travaillé pour Harley Earl, avant de rejoindre Chrysler. Puis il s'est installé à son compte en 1937. Comme Walker, il a contacté George Mason chez Nash, et lui a exposé certaines de ses idées pour les modèles à venir. Mason lui a expliqué qu'il était déjà sous contrat avec Walker, et lui a suggéré de prendre contact avec ce dernier. Peut-être pourraient ils travailler ensemble. Mortrude s'est exécuté, et s'est fait recruter par Walker, qui lui a confié le compte Nash. La fin de l'euphorie L'Amérique rentre dans la Seconde Guerre mondiale en décembre 1941. A ce moment-là, presque toute l'industrie manufacturière se tourne vers la conception et la production de matériel de guerre. Il devient impossible de s'offrir en neuf une automobile, un aspirateur ou une machine à laver. Les activités de Walker sont suspendues jusqu'à nouvel ordre. Pour l'intéressé, cela ressemble à ce qu'il a déjà connu lors de la crise de 1929. Mais la chance sourit à Walker. A la demande des autorités militaires, il réfléchit à rendre les véhicules de combat et de transport plus mobiles, plus résistants. C'est la plus importante commande de sa carrière, et aussi la plus lucrative. Pour être près de son donneur d'ordre, il ouvre des bureaux au Pentagone et à Arlington, en Virginie. On le sollicite pour rationaliser la conception des véhicules militaires. Il s'agit de gagner en efficacité, et de veiller à l'économie dans l'usage des matières premières et des moyens à mettre en oeuvre. En un mot, il faut produire plus en dépensant moins. Assurément, Walker est honoré d'avoir été choisi parmi nombre de concurrents, et il se met immédiatement au travail. Non seulement, il affecte tout son personnel sur ces projets, mais il continue de recruter. Les idées fusent, et c'est bien ce qu'on lui demande. Pour autant, les concepts développés doivent rester pratiques et industrialisables. Les militaires profitent aussi de son extraordinaire carnet d'adresses pour localiser des fournisseurs.
Publicité diffusée pendant la guerre, qui annonce un avenir plus souriant, avec des automobiles plus belles, plus efficaces, plus larges, plus spacieuses, mieux insonorisées, plus lumineuses, plus sûres ... . Weatherhead, fabricant de pièces détachées pour l'automobile, se dit prêt à contribuer au redémarrage de l'industrie. La guerre est finie Walker a conscience que désormais, ce sont des millions de consommateurs qui n'ont pas pu se faire plaisir durant la guerre qu'il va falloir satisfaire. Ils veulent des produits alliant fonctionnalité et style. Une époque d'opportunités s'ouvre aux designers. Les constructeurs automobiles remettent en production les modèles de 1942, parfois avec quelques retouches. Eugene Gregorie, en charge du style chez Ford, imagine avec son équipe une calandre horizontale pour différencier les modèles 1946 des modèles 1942 à barres verticales. Le bureau d'études Ford regorge de maquettes réalisées en 1941 et 1942, pour des automobiles à commercialiser en 1943 et 1944. Mais la guerre est intervenue, condamnant momentanément ces études. Walker lui, a réfléchi très en amont à ce que seront les voitures après la guerre. Il y a encore de nombreux constructeurs à séduire. Les murs de son bureau d'études sont tapissés de projets. En-dehors de l'automobile, les équipes de Walker poursuivent leurs travaux pour des aspirateurs, des machines à laver, des tondeuses à gazon, des biberons ... Il est convaincu que les industriels doivent plus que jamais prêter attention à l'esthétique de leurs produits s'ils veulent conquérir des parts de marché.
Dans une publicité diffusée par l'industriel Durez, fabricant de plastique, Walker vante les avantages de l'utilisation de cette matière pour les voitures qui sortiront après la guerre. Grâce au plastique, les voitures seront plus légères. Leur design pourra être repensé. Copyright Walker a vu juste. Non seulement la guerre a généré des pénuries, mais déjà avant celle-ci, la dépression avait provoqué une baisse de la demande. Maintenant que le pays est en paix, et que les gens ont de l'argent, l'industrie manufacturière doit fonctionner à plein régime. La ménagère américaine rêve de remplacer ses vieux appareils et ustensiles par de nouveaux produits imaginés par de talentueux designers. Les nombreuses campagnes publicitaires l'y poussent. La demande de produits manufacturés est si grande que Walker fait progresser de moitié la taille de son entreprise. Non seulement, il conçoit des produits, mais il est aussi sollicité pour imaginer l'aménagement des lieux de vente. Bohn Aluminium & Brass Corporation et le studio de Walker travaillent de 1945 à 1948 à l'élaboration de publicités montrant les nombreuses utilisations de l'aluminium. Ils imaginent ainsi un avion pouvant accueillir des passagers sur trois niveaux, avec des chambres au niveau inférieur, des sièges à l'étage intermédiaire, et un salon au niveau supérieur. L'imagination de son équipe est sans limite, qu'il s'agisse de voyager en avion, en train, en bateau, en scooter ou en voiture.
Bohn Aluminium & Brass Corporation. Copyright Walker gagne très bien sa vie. Pour entretenir, voire élargir son réseau professionnel, il devient membre de plusieurs clubs réservés à l'élite. Son but était de faire partie du très sélect Recess Club. C'est fait. Mais plus que d'y être inscrit en tant que membre, ses pairs le sollicitent afin qu'il en prenne la présidence. Lors de son court passage au sein de la General Motors avant-guerre, Walker a à peine fréquenté Harley Earl. Earl l'aurait à peine reconnu s'ils s'étaient croisés dans la rue. Walker n'était qu'un simple débutant, l'autre son aîné de trois ans était déjà une star internationale. Mais maintenant que Walker est président du Recess Club, il participe à de nombreuses réunions de travail avec Earl, et quand Earl veut intégrer une de ses relations dans le club, il doit s'en entretenir avec Walker. Cela fait maintenant bientôt vingt ans que Walker a débuté en tant qu'indépendant. Ceux qui ne donnaient pas cher de sa peau à la fin des années 20 doivent se rendre à l'évidence. Avec son talent, beaucoup de confiance et le soutien de son épouse, il est désormais à la tête d'une belle société. Plus de 3 000 produits ont été conçus par sa société, pour environ 300 marques, dans tous les domaines. Dès qu'une entreprise à besoin d'aide pour imaginer un nouveau produit, Walker fait partie de la " short list " des designers à consulter. Il pourrait se laisser vivre un peu plus, grâce au succès. Cela ne sera pourtant pas le cas. Ford, 1945/1949 Edsel Ford, le fils unique d'Henry Ford, décède d'un cancer de l'estomac en mai 1943. Henry Ford est trop âgé pour poursuivre l'oeuvre de sa vie. En septembre 1945, la famille nomme Henry Ford II, le fils d'Edsel, à la présidence de la compagnie. A seulement 28 ans, le jeune homme, bien que brillant et bien instruit, manque évidemment d'expérience. Ernest Kanzler, son oncle, conseiller de la famille, établit une liste de candidats susceptibles de le seconder. Cette liste est rapidement réduite à un seul homme, Ernest Breech (1897-1978). Celui-ci affiche une belle carrière chez Checker, au sein de la General Motors, et chez Bendix Aviation, division de la GM. A la GM, on considère la Ford Motor Company avec un certain mépris. Henry Ford II doit pourtant convaincre Breech de le rejoindre. Ce n'est pas une mince affaire, au regard du poste enviable qu'il occupe à la GM, et des perspectives qui s'offrent encore à lui chez le numéro un mondial de l'automobile.
Henry Ford (1863-1947) et Edsel Ford (1896-1943). Copyright Henry Ford II (1917-1987), devant le portrait de son père et de son grand-père. Copyright Ernest Breech comprend que la proposition d'Henry Ford II est trop belle pour être ignorée. En juin 1946, il rejoint Ford en tant que vice-président exécutif, relevant directement d'Henry Ford II. La Ford Company est en mauvaise posture. Breech comprend que le constructeur n'est pas outillé pour mener à bien les combats qui s'annoncent. Il a du retard sur des sujets aussi sensibles que l'ingénierie, la finance et la production. La GM a de toute évidence plusieurs longueurs d'avance, Studebaker encore plus, et il suppose qu'il en est de même chez Chrysler. En tant que financier, Breech maîtrise mal les notions de design automobile. Il prend toutefois connaissance des projets d'Eugene Gregorie. Harold Youngren, ingénieur en chef, exprime ses inquiétudes à Breech. Il pense que les Ford en cours de développement ne sont pas adaptées au marché de l'après-guerre. Il considère que Gregorie n'est plus l'homme de la situation. Breech s'en ouvre à son tour à Henry Ford II, qui lui demande quelle solution il propose pour sortir de cette impasse. Breech lui souffle le nom de George Walker. Comme beaucoup d'hommes d'affaires, Breech connaît Walker depuis un certain temps. Ils fréquentent les mêmes clubs, notamment le fameux Recess Club. Quand Breech contacte Walker, celui-ci est surpris. Cela fait des années qu'il tente d'obtenir un contrat avec Ford. Toutes ses tentatives se sont soldées par des échecs. Et maintenant, c'est Ford qui vient le chercher. Walker demande à voir les études en cours. Etonné par ce qu'il découvre, il se déclare capable de faire mieux les yeux fermés. Breech est confronté à un dilemme. De lourds investissements ont déjà été consentis, et il s'agirait de faire table rase de l'existant. Une solution intermédiaire est adoptée. Les deux projets à l'étude concernent une petite Ford et une grande Ford. L'outillage de la petite qui est déjà près est finalement expédié en France, pour donner naissance à la Ford Vedette de 1948. L'étude de la plus grande va se poursuivre, et aboutir à un nouveau modèle Mercury. Il s'agit désormais de repartir d'une page blanche. Concernant la cohabitation d'Eugene Gregorie avec George Walker, Breech propose à Henry Ford II de mettre les deux hommes en concurrence. Chaque équipe présentera son projet. Henry Ford II accepte cette idée. Ernest Breech (1897-1978). Copyright Walker qui est lié par contrat avec Nash et McCormick pourrait se retrouver en situation délicate, en travaillant pour des entreprises ayant des activités similaires. Outre cet aspect, il n'a pas les moyens de répondre aux besoins d'un tel nombre de grandes compagnies. Walker est très mal à l'aise face à cette situation inédite, mais parallèlement, il parait inconcevable de refuser un contrat de cette ampleur avec le numéro deux mondial de l'automobile, d'autant plus que l'offre financière est plus qu'alléchante. Par chance, Nash et McCormick se montrent très accommodants, et comprennent le besoin et l'envie qu'a Walker de poursuivre le développement de son affaire. Alors que les usages font que l'arrivée d'un nouveau designer ait lieu sans tambour ni trompette, chez Ford au contraire, on ressent le besoin de communiquer. Le 25 juillet 1946, Henry Ford II annonce officiellement que George Walker, l'un des plus grands designers des Etats-Unis, rejoint la Ford Motor Company en tant que consultant auprès d'Eugene Gregorie, directeur du style. Le choc est évidemment rude pour Gregorie. Il ressent légitimement cette concurrence interne comme une remise en cause de son travail. Peu après, le staff de Ford se rend dans les bureaux de Walker. Ses membres s'avouent impressionnés par les projets de voitures futuristes qu'ils y découvrent. Walker doit construire une maquette au 1/8ème, qui représentera sa vision de la future Ford. Alors que les équipes de Ford quittent le bureau de Walker, Henry Ford II prend le designer à part, et lui exprime son bonheur de lui confier la conception des futures Ford. Fait extrêmement rare avec Henry Ford II, il propose à Walker de s'appeler respectivement par leur prénom. Au fond de lui-même, Walker ressent une certaine inquiétude. Ce n'est pas expert en conception automobile. Il en connaît le vocabulaire, ne manque ni de détermination ni de courage, et sait très bien vendre ses idées. Mais désormais, c'est tout l'avenir de la Ford Motor Company qui repose sur ses épaules. Il va pouvoir néanmoins compter sur deux pointures de son équipe, Joseph Oros, et Elwood Engel. Harold Youngren a défini les principaux paramètres de conception de la prochaine Ford. Pour les dimensions, il s'est inspiré de la Studebaker 1946, la première voiture entièrement nouvelle à être arrivée sur le marché après-guerre. Il demande à Gregorie et à Walker de composer avec ces indications. Tout le monde se met au travail, y compris bien évidemment Oros et Engel. A cette époque, un troisième designer vient frapper à la porte de Walker. Il s'appelle Richard Caleal. Il vient d'être licencié par Robert Bourke de chez Studebaker, a qui on a demandé de tailler dans ses effectifs. Caleal a débuté sa carrière au sein de la GM, avant d'intégrer les équipes de Hudson puis de REO. Ce n'est peut-être pas le profil idéal recherché, mais Walker a besoin de quelqu'un pour assister Oros et Engel, qui ne peuvent s'en sortir seuls vu la charge de travail.
George Walker. Copyright Hélas, Caleal peine à s'intégrer à l'équipe, et demande à Walker de travailler directement depuis son domicile. Curieusement, Walker accepte, et laisse deux semaines à Caleal pour lui rapporter un projet original, à partir du cahier des charges de Youngren. Caleal se fait aider par Robert Bourke qui vient de le licencier ... Un modeleur de chez Studebaker fabrique une armature en bois, sur laquelle il va pouvoir appliquer l'argile. Caleal rentre chez lui avec l'armature et de la pâte à modeler. Après moult péripéties, et l'aide de personnes bien intentionnées à son égard, il présente sa vision de la Ford 1949 sur le bureau de Walker à l'échéance convenue. Il a pris le soin de la cacher avec une serviette. Oros et Engel sont appelés pour découvrir le travail de leur collègue. Quand la serviette est retirée, tout le monde se regarde avec étonnement. Walker a un grand sourire sur son visage. Oros et Engel sont abasourdis. La maquette est magnifiquement réalisée. Oros s'interroge. Comment ce soi-disant designer, sortir de nulle part, et qui refuse de travailler en équipe avec ses collègues de bureau comme tout le monde, a-t-il pu imaginer un dessin aussi impressionnant. Walker invite tout le staff de Ford (Ernest Breech, Henry Ford II, Harold Youngren ...) à découvrir les différents projets en lice, celui de Gregorie, celui d'Oros et Engel, et enfin celui de Caleal. Après que les décideurs aient tourné autour des trois projets pendant quelques minutes, une option est portée sur celui de Caleal. Et comme c'est la règle dans ce type de situation, le modèle de Caleal devient celui de Walker. Ce qui au départ a constitué une forme de plaisanterie pour se débarrasser de Caleal se transforme en un piège pour Walker, qui préfère la proposition d'Oros et d'Engel.
George Walker. Copyright Mais la partie n'est pas complètement terminée. Comme annoncé, Breech veut des modèles en argile grandeur nature des deux réalisations. Alors là seulement interviendra la décision finale. Gregorie s'isole dans un coin du bâtiment d'ingénierie avec une partie de son équipe pour ébaucher cette maquette. Walker ne dispose ni de l'espace ni du personnel compétent pour mener à bien cette tâche. Alors Breech lui demande de s'installer à l'autre extrémité du bâtiment. Paradoxalement, on exige de Gregorie qui " prête " certains de ses modeleurs pour aider le groupe de Walker. Joseph Oros dirige l'équipe de Walker. En observant par le détail le projet de Caleal, il s'aperçoit très vite que celui-ci ne respecte pas le cahier des charges initial. De nombreuses libertés ont été prises, ce qui rend cette proposition plus agréable à l'oeil. Caleal le sait pertinemment. Cela met Walker dans l'embarras. Si le modèle de Caleal devient disgracieux une fois les contraintes respectées, l'étude qu'il soutient officiellement risque d'être éliminée face à celle de Gregorie. Les perspectives financières qui accompagnent ce projet pourraient aussi disparaître corps et âme. Une telle défaite serait dévastatrice, non seulement pour son ego, mais aussi pour sa réputation. Oros explique calmement à Walker les écarts constatés. Walker lui demande d'ajuster le projet de Caleal sans dénaturer le dessin original. Il se fait aider par Engel et par Caleal. L'objectif n'est pas de mettre ce dernier dans l'embarras, car son aide reste utile. Oros sait qu'en cas de refus du projet par le staff de Ford, Caleal pourra toujours se défausser en indiquant que c'est l'équipe d'Oros qui a tout modifié sans sa validation. Pour appliquer les idées de Caleal, tout est réajusté. Le capot avant, la ligne de ceinture et le coffre sont relevés. Ces modifications rendent l'auto un peu moins élégante. Mais l'essence du dessin original est conservée. Alors que Gregorie s'apprête à présenter un modèle bleu verdâtre, la couleur préférée d'Edsel Ford, l'équipe de Walker ose un jaune vif. Breech est inquiet. Henry Ford II n'aime pas le jaune. Walker lui rétorque que c'est encore sa voiture, tant que M. Ford ne l'a pas achetée. Breech est admiratif du culot et du courage de Walker, qui maintient son choix. Le comité d'évaluation se réunit de nouveau. Le suspens est à son comble. C'est la voiture de Walker qui est choisie, contre celle de Gregorie. Il est vrai que Walker est l'homme de Breech, et on peut penser qu'il a fait jouer de son influence pour orienter le choix. Au final, il y a peu de différences entre les propositions des deux parties. D'ailleurs, le projet de Walker va encore évoluer. Oros imagine la calandre en forme d'hélice d'avion. A l'époque, l'influence aéronautique est omniprésente dans le design automobile. L'arrière est remodelé par Engel, avec des feux horizontaux. La présentation officielle de cette nouvelle Ford n'a pas lieu à Détroit comme c'est l'usage. Henry Ford II veut créer l'événement. Il organise un show à l'hôtel Waldorf Astoria de New York. Fidèle à ses habitudes, Walker remporte tous les honneurs durant cette manifestation. Ni Oros ni Engel n'ont été invités.
La présentation de la Ford 1949 à l'Hôtel Astoria le 10 juin 1948. Copyright Si les louanges et la gloire reviennent à Walker, celui-ci n'a pas même levé le crayon pour faire telle ou telle recommandation sur un aspect particulier de la voiture. Ce qu'il a bien fait par contre, c'est vendre ses services à Ford, puis tout mettre en oeuvre et trouver les concepteurs compétents et capables de proposer un produit acceptable. Au final, les influences qui ont conduit au dessin de ce modèle sont peut-être multiples, qu'il s'agisse de Bourke, Caleal, Oros ... Par sa volonté, Walker a orchestré la naissance de la Ford 1949. Personne ne l'a payé pour qu'il dessine une voiture. On lui a juste demandé de créer la voiture. Ce qu'il a fait avec une certaine réussite.
Ford Custom Convertible Coupe, 1949. CopyrightLa Ford 1949 est un énorme succès. Des milliers de personnes se rendent chez les dealers pour la découvrir. Les ventes s'envolent, et permettent à Ford de reprendre le terrain perdu sur Chrysler, en n'étant plus qu'à 5 000 unités de celui-ci à l'issue de ce millésime. Un an plus tard, alors que Ford a repris pied, Henry Ford II est invité à New York pour recevoir le prix de la " Fashion Car of the Year " des mains d'Emil Alvin Hartman, fondateur et directeur de la Fashion Academy. Depuis les années 20, les créateurs à succès et le monde de la mode attendent toujours avec impatience la liste annuelle des dix femmes les mieux habillées d'Amérique. En 1949, Hartman a décidé d'étendre ce concours au design automobile. La Ford 1949 est sélectionnée parmi toutes les voitures américaines de ce millésime, tant du point de vue de l'excellence en matière de design, que de la simplicité et de l'attrait stylistique vu par les femmes.
1949 Ford Custom Club Coupe, 1949. CopyrightCe prix constitue à n'en pas douter un hommage au travail de George Walker. Ce dernier n'a curieusement pas accompagné Henry Ford II à New York, mais le président de la compagnie a bien souligné son rôle majeur. Walker a tiré d'affaire la compagnie Ford qui était un temps en péril. Il peut désormais afficher la Ford Motor Company en tête de la liste de ses clients. Il achète à sa mère une berline Ford à deux portes. Le journal local de Cleveland écrit que la première Ford 1949 livrée dans le comté l'a été à Mme Rhodema Walker, en soulignant le rôle de George Walker dans sa conception.
Tout semble aller dans le bon sens pour Walker lorsque l'inattendu se produit. Harold Youngren vient de recruter son ami John Oswald, ancien chef du design d'Oldmobile, et lui a confié la direction du département de design de Ford. Cette démarche remet en cause tous les arrangements plus ou moins officiels que Breech a conclu avec Walker. Henry Ford II, ignorant tout de ces tractations, informe Walker de cette nouvelle organisation, en le remerciant du travail accompli depuis plusieurs mois. Furieux de s'être fait piéger, Walker quitte Ford en se promettant de ne plus jamais y remettre les pieds. Ne plus travailler pour Ford ne dérange pas outre mesure Walker. Il a de nombreux autres comptes à gérer, et vu la notoriété de son affaire, il pourrait en obtenir bien davantage s'il le souhaitait. Cela lui permet de passer plus de temps dans sa résidence près de Bal Harbour, au nord de Miami. Dans cette petite localité où ne vivent quasiment que des retraités, Walker endosse la responsabilité de commissaire de police de la ville ! Il affiche l'insigne en or, mais à titre purement symbolique. Car il n'y a pas vraiment besoin de police à Bal Harbour. Les citoyens ont souhaité confier ce titre à une personnalité représentative, et Walker est sans aucun doute l'homme de la situation, de par son prestige et son chic. Ernest Breech ne vas pas tarder à frapper de nouveau à la porte de Walker ... Ford, 1949/1955 Nous sommes à l'été 1949. Walker a rompu les liens avec Ford depuis plus de deux ans. Beaucoup de choses se sont passées chez le constructeur durant cette période. Avec l'aide d'Ernest Breech, Henry Ford II a méthodiquement commencé à transformer la vieille entreprise créée par son grand-père en un groupe moderne, à l'image de la General Motors. Breech est un homme doué d'une forte puissance de travail. Henry Ford II l'a remarquablement accompagné pour mener à bien ce redressement. Des gestionnaires de talent ont été débauchés au sein même de la General Motors. D'autres font partie de l'équipe dite des " Whiz Kids ", dix vétérans de l'Armée de l'air américaine, parfaitement rodés aux besoins organisationnels en temps de guerre. Quand Eugene Gregorie quitte Ford en décembre 1946, il suggère à Henry Ford II de recruter Tom Hibbard pour le remplacer. Tom Hibbard a conçu des carrosseries personnalisées chez LeBaron, puis avec son associé Howard " Dutch " Darrin au sein de Hibbard et Darrin entre 1923 et 1931. Il hérite d'une équipe de talent mise en place par Eugene Gregorie, mais qui ne maîtrise pas les techniques les plus modernes. Une cinquantaine de personnes composent le département du style. Il y a des designers, des modeleurs, des ouvriers d'atelier. Même si Hibbard possède une large expérience en matière de conception automobile, ce n'est pas vraiment un manager, et il se retrouve vite dépassé. L'homme est pourtant apprécié pour ses qualités relationnelles, c'est un véritable gentleman, mais il ne correspond pas aux besoins du poste. Il regrettera d'avoir répondu à l'offre de Gregorie. Il a fallu six mois à Youngren pour admettre que Tom Hibbard n'était pas l'homme de la situation. Une forme d'instabilité règne au sein du département design de Ford. Ernest Breech, lassé par tant de conflits, finit par licencier John Oswald au début de l'été 1949. Parallèlement, il reprend contact avec George Walker, qui comprend très vite la situation. Ford et Breech ont besoin de lui. Lui, par contre, n'a aucun besoin de revenir chez Ford. Il pose donc ses conditions. La première est de conserver sa propre entreprise de design, la seconde est de disposer d'un droit de veto total sur tous les modèles Ford. Joseph Oros et Elwood Engel seront ses deux représentants chez Ford, en lui rendront compte. En d'autres termes, la Ford Motor Company devient l'un des comptes de sa société de design, et il laisse ses deux hommes de confiance gérer le quotidien. Ford Research And Engineering Center Styling Studio, 1953. Copyright Un communiqué de presse annonce le 19 mai 1949 le retour de George Walker en tant que consultant pour la Ford Motor Company. Henry Ford II est heureux de retrouver Walker. Cela ne peut être qu'une bonne affaire si Walker rencontre avec les voitures à venir le même succès qu'en 1949. Il l'assure qu'à l'exception des ingénieurs chargés de la conception, plus personne ne viendra piétiner sur ses plates-bandes. Walker dit essentiellement la même chose à Joseph Oros et Elwood Engel. Leur seul patron, c'est désormais lui, et ils ne doivent obéir ou rendre compte qu'à lui. Les deux hommes sont enchantés. Une forte personnalité George Walker est un excellent vendeur. Il accorde une importance majeure à son bronzage et à ses tenues vestimentaires. Sa garde-robe est très développée. Il tient à toujours parfaitement coordonner ses costumes et ses chemises réalisés sur mesure, avec l'une de ses multiples paires de chaussures (des dizaines ...) et son impressionnante collection de boutons de manchette. Il utilise abondamment l'eau de Cologne. " Un styliste doit faire preuve de style dans ses voitures, dans sa maison, dans ses vêtements et dans sa personne " déclare-t-il. En 1954, le " Detroit News " l'inscrit au palmarès des hommes les mieux habillés de Détroit. C'est pour le journaliste à l'origine de cet article " le cadre qui s'habille bien sans avoir l'air d'essayer ". En 1955, d'après le " Detroit Times ", il est classé sixième sur dix dans le classement des " hommes les plus excitants de Detroit ", vu à travers les yeux des femmes. C'est vrai qu'il dégage une aura particulière. George Walker. Copyright Son sourire et sa personnalité affable lui permettent de vendre ses services à des entreprises, qui jusque-là, n'ont jamais envisagé de faire appel à un designer pour améliorer l'aspect de leurs produits. C'est un homme de la même trempe que Henry Dreyfuss, Norman Bel Geddes ou Raymond Loewy. Et comme eux, sa principale mission est de promouvoir son entreprise. Il peut vendre un dessin, le signer, même si c'est son équipe qui l'a exécuté. Même s'il prend de moins en moins son crayon, il ne perd pas son penchant pour la création. A ses temps perdus, un cigare dans la main gauche, un crayon dans la main droite, il passe des heures à faire ce qu'il aime avant tout : dessiner de belles femmes, avec le plus souvent une automobile tout aussi élégante en arrière-plan. Au coeur des fifties, les chromes sont omniprésents sur les automobiles. Harley Earl en met partout. Walker fait certes de même, mais en prenant soin de ne pas surcharger les carrosseries. Il connaît les limites du bon goût. Walker a un certain don pour savoir ce qui peut très bien se vendre et ce qui ne se vendra pas. Parmi la multitude des projets tracés, il sait en extraire les bonnes idées. Walker prend soin des membres qui composent son équipe, à une époque où ce n'est pas forcément la norme. Si la journée de travail s'éternise en semaine, ou si certains reviennent au bureau le samedi, il passe voir comment ils se portent, et n'hésite pas à leur laisser quelques centaines de dollars pour sortir et dîner. L'approche est peu orthodoxe, mais elle est appréciée. Il donne toujours l'impression de sourire, et apparaît comme un homme gentil et bienveillant. En contrepartie, Walker exige une loyauté incontestable de tous ses collaborateurs. Sous une apparence joviale, il peut devenir rude, et prendre des décisions lourdes de conséquences pour les gens qui lui déplaisent.
Dans les studios. Copyright Walker tient sur lui un petit carnet sur lequel il note le nom des personnes qu'il rencontre, associé à un petit dessin pour se souvenir d'elles. Il sait encourager individuellement ses collaborateurs, quel que soit leur niveau. Son personnel apprécie ces preuves d'estime et de reconnaissance. Les gens sont fiers de travailler pour Walker. Ils savent qu'il a les moyens de faire bouger les lignes au sein de la compagnie, bien plus que certains de ses prédécesseurs. Il se bat pour le salaire des membres de son équipe. C'est lui le " boss ", il en impose. Ford, 1955/1957 L'année 1955 est une année charnière chez Ford. Le comité exécutif du groupe décide de réorganiser la haute direction, et de diviser l'entreprise en cinq divisions, une par marque : Ford, Mercury, Edsel, Lincoln et Continental. Chaque division a son propre directeur général. Henry Ford II conserve le titre de président, et Ernest Breech est promu président du conseil d'administration. Mais il n'y a toujours pas de salarié Ford responsable du style, à l'image de Harley Earl au sein de la General Motors, de Virgil Exner chez Chrysler, ou de Richard Teague chez Packard. Après dix années de va-et-vient entre les projets internes et ceux du consultant George Walker, l'entreprise n'a aucun leadership en matière de conception. Depuis trop longtemps, les voitures produites ne sont plus véritablement des Ford, mais plutôt des Walker. Breech valide en effet tous les projets de Walker. Lorsque les équipes de designer de Ford formulent des propositions, Walker et Breech examinent leurs idées, mais plus par courtoisie que par intérêt réel. Une des conséquences naturelles à cette situation, c'est la frustration ressentie par les designers salariés de Ford. Quelle que soit la qualité de leur travail et leur engagement, ils savent que leurs idées seront délaissées au profit des travaux de George Oros et/ou d'Elwood Engel. La situation est intenable. George Walker, Joseph Oros et Elwood Engel, le trio adoubé par Henry Ford II, est de plus en plus mal perçu en interne. On est à la limite d'une révolution de palais. Breech se doit de donner au département de conception, qui fournit un travail de qualité, la gestion et l'expertise qu'il mérite. Breech échange avec Henry Ford II à ce sujet, en lui rappelant le coût des services de Walker. Breech, qui se lasse de cette situation absurde, considère que pour continuer à avancer sereinement, Walker, Oros et Engel doivent intégrer Ford à part entière. C'est la seule solution pour que tous puissent travailler en harmonie, et mettre fin aux coups bas et aux frictions. Henry Ford II valide la proposition de Breech, mais s'inquiète de la réaction possible de Walker. Breech est serein. Walker est déjà très riche. Ford est son plus gros compte. En effet, Walker s'attendait à cette proposition, qu'il avait déjà anticipé. Production des maquettes, 1956. Copyright Walker accepte de rejoindre Ford à condition de pouvoir conserver sa participation dans une société baptisée Trim Trends, qui commercialise des pièces de garnitures automobiles à des industriels. Il demande aussi de garder dans ses effectifs Joseph Oros et Elwood Engel, et d'être nommé vice-président de Ford à part entière. Cette dernière exigence est à ses yeux la plus importante. Walker connaît suffisamment le métier pour savoir que la meilleure façon de réussir dans le secteur du design automobile est de maîtriser parfaitement ses activités, et cela signifie avoir la main sur l'ingénierie. Le directeur du design doit avoir un pouvoir identique à celui des autres chefs de département. Henry Ford II exige tout de même que certaines conditions soient remplies. Il explique à Walker qu'il n'est plus question que ses affaires soient dirigées depuis son lieu de villégiature en Floride. Soit il travaille dans les locaux de Ford à plein temps, soit l'offre de Ford n'est plus valable. Il s'engage par ailleurs à se départir de son entreprise de design, pour laquelle il a travaillé durement pendant 25 ans, et qui est une source de revenus non négligeable. A compter du 2 mai 1955, George Walker est nommé officiellement dans ses nouvelles fonctions chez Ford. Il vend effectivement son entreprise à un groupe constitué par plusieurs de ses salariés designers. Mais le succès des entreprises de design industriel dépend en large partie de l'image de leur fondateur. N'est pas Raymond Loewy, Harley Earl ou George Walker qui veut. A part le fait de ne plus diriger sa propre entreprise, le quotidien de Walker change peu lorsqu'il passe de consultant à vice-président. Il conduit toujours la même Lincoln, et a toujours autant de pouvoir chez Ford. Les équipes semblent enfin satisfaites d'avoir un patron clairement identifié. L'instabilité générée par la disparition d'Edsel Ford, et les changements incessants de mode de gestion, appartiennent désormais au passé. Walker sait se faire apprécier, même si certains lui reprochent de ne pas être un designer et de ne rien concevoir, contrairement à Eugene Gregorie, Eugene Bordinat, Frank Hershey, Elwood Engel ou Joseph Oros. En fait, il existe deux types de designers, les designers eux-mêmes, et ceux qui managent des équipes. Et George Walker est un véritable manager. Il préfère piloter le processus de conception plutôt que d'y participer, c'est-à-dire faire en sorte que les bonnes voitures sortent au bon moment. Pour autant, ce n'est pas parce qu'il ne dessine plus que ce n'est pas un bon designer. Après tout, il a fait fortune en concevant des centaines de produits. Ford Fairlane 1957. Entièrement redessinée, la Ford de 1957 n'a que peu de similitudes avec le modèle 1956. Elle s'est allongée et abaissée, des ailerons apparaissent sur les ailes arrière, les passages de roues arrière se veulent aérodynamiques. Walker sait ce qu'est un bon design. Pendant près de 15 ans, c'est lui qui a orienté le style du groupe Ford, et à vendu les bonnes idées à la direction. Il a transformé le modeste studio de son prédécesseur Eugene Gregorie géré par une poignée d'hommes, en un immense studio ultramoderne comptant des centaines de designers, modeleurs d'argile et artisans, à l'image de ce qui se fait à la GM. Walker explique que la performance d'une automobile est bien sûr importante, mais que les acheteurs tiennent désormais pour acquis que toute nouvelle voiture est mécaniquement au point. L'apparence devient un élément décisif. Un nouveau design accrocheur peut transformer une voiture moyennement populaire en un best-seller. De même, une erreur de style peut avoir des conséquences ruineuses. Walker veut faire du design l'un des piliers de l'entreprise, qui aura autant, voire plus d'importance que les finances ou l'ingénierie. Il n'aime pas les financiers car ils étouffent la conception par des mesures d'économie, et les ingénieurs parce qu'ils pensent que les idées des designers sont impossibles à mettre en oeuvre. 1957 Ford F-100 Custom Cab Styleside Pickup. La conception d'un nouveau pick-up est confiée à Joseph Oros pour le millésime 1957. George Walker se montre très satisfait du travail réalisé. Oros a transformé un amalgame de formes diverses (ailes, cabine, et benne) en un ensemble fluide et élégant. CopyrightWalker n'est pas partie prenante du projet Edsel. Il n'a aucun pouvoir de décision concernant son style. L'Edsel est en interne le projet de William Ford, frère de Henry Ford II, l'un des fils d'Edsel Ford. Lorsqu'on lui présente le projet sous la forme d'une maquette en argile, Walker se serait montré septique et aurait déclaré " Je ne pense pas que cela va prendre ". L'histoire va hélas lui donner raison. Chaque fois que Walker est interrogé au sujet de l'Edsel, il affiche un grand sourire et préfère changer de sujet. Walker est l'un des premiers, sinon le premier concepteur automobile à s'adresser à la gente féminine. Alors que les autres constructeurs s'affairent sur les moteurs et les transmissions, Walker se concentre sur les tissus et les couleurs. Même s'il n'y a qu'une femme sur trois à conduire aux Etats-Unis à cette époque, Walker sait que dans 80 % des cas, c'est elle qui dans le couple fait le choix final de la voiture. Ford Thunderbird, 1955. Copyright Juste avant que Walker ne devienne vice-président, Robert McNamara est nommé directeur de la division Ford. Alors que son prédécesseur suivait la philosophie selon laquelle il faut dépenser de l'argent pour en gagner, McNamara a des principes totalement opposés. C'est un compteur de haricots, un cost-killer pour utiliser une expression plus contemporaine. George Walker s'oppose de manière assez conflictuelle avec McNamara, pour qui l'aspect esthétique d'une voiture est secondaire. La couverture de Time Depuis la création du titre en 1923, le magazine Time s'est toujours montré conciliant avec la famille Ford. Henry Ford a fait la couverture quatre fois, plus une cinquième avec son petit-fils Henry Ford II. Les trois frères Henry II, Benson et William ont posé ensemble une fois. Le 4 novembre 1957, le magazine présente de nouveau l'entreprise, mais pas par le biais d'un membre de la famille, puisqu'il s'agit de George Walker. Son portrait s'affiche devant un fond de phares, de feux arrière, d'un volant et d'une calandre Edsel. Le journaliste de Time n'avait pas prévu de faire poser Walker en couverture. Il avait juste l'intention de faire un reportage sur l'importance du style dans l'industrie automobile. Il a également interviewé pour ce numéro Harley Earl à la GM, et Virgil Exner chez Chrysler. Le journaliste a eu le sentiment que Walker surpassait ses deux confrères. Walker a non seulement la finesse d'Exner, mais aussi la présence d'Earl. Le journaliste présente l'homme qui définit le style des futures Ford comme un personnage audacieux et extraverti, avec du sang américain dans les veines, et des automobiles américaines en tête. Avec un texte aussi élogieux, la présence de Walker en page de couverture, plutôt que de l'un de ses confrères, lui est apparue naturelle. Evidemment, l'agence de publicité de Ford est comblée par ce choix. Il en est de même pour Henry Ford II et Breech. Il s'agit d'une publicité à moindres frais. Walker regrettera juste la présence de la calandre Edsel près de son nez !
L'article de Time en novembre 1957 permet à George Walker de se faire connaître du grand public. Copyright Ford, 1958/1961 George Walker nomme John Najjar au poste de chef du design chez Lincoln. Le studio Lincoln compte alors environ quatre-vingts personnes. Walker et Engel souhaitent par cette promotion le remercier de sa fidélité. Pourtant, après la mévente de la Lincoln 1958, John Najjar sera lâché par Walker, et devra seul supporter l'échec de cette voiture.
Lincoln Premiere Hardtop Coupe, 1958. CopyrightLes voitures importées d'Europe rencontrent un énorme succès aux Etats-Unis à la fin des années 50. La Volkswagen en particulier plaît aux Américains, tout comme la Renault Dauphine. La récession économique conduit le public à regarder l'automobile autrement. En réponse, la GM, Chrysler et Ford développent leur propre " petite " voiture. Tous les constructeurs ont la même idée au même moment. Ils sont reconnaissons le, malgré le secret des affaires, orientés par des fournisseurs communs. Chez Ford, on souhaite proposer une voiture de style européen, et pas très coûteuse. Walker comprend que le phénomène des voitures importées sera durable, et que les constructeurs US devront coexister avec cette nouvelle présence. Différentes équipes de designers émettent des propositions. Le projet retenu provient du studio Lincoln, plus précisément de Gale Halderman et de Don DeLaRossa. Joseph Oros conçoit la face avant. La nouvelle Falcon offre de vastes surfaces vitrées, avec un minimum d'angles morts. Elle apparaît légère et aérée. Quand elle est présentée au public à l'automne 1959, il est clair qu'elle est destinée à un grand succès. En effet, ses ventes vont dépasser sans peine celles de la Chevrolet Corvair et de la Plymouth Valiant. En deux ans, sur un segment nouveau pour Ford, la compagnie écoule près d'un million d'unités.
Ford Falcon, 1961. Copyright On le sait, Joseph Oros et Elwood Engel sont les deux hommes de confiance de George Walker. Quand en 1958 est lancée l'étude de la Ford Thunderbird et de la Lincoln Continental, l'une et l'autre pour une commercialisation en 1961, les deux designers sont mis à contribution. George Walker joue une fois de plus le rôle de superviseur. Joseph Oros remporte la mise avec son projet de Thunderbird, mais le dessin d'Engel est repris pour l'élaboration de la Continental de 1961. George Walker prend officiellement sa retraite en mai 1961, après avoir atteint l'âge de départ obligatoire de l'entreprise, fixé à 65 ans. Il conserve pendant quelques mois une mission de consultant pour Ford. Quatre personnes au moins sont pressenties pour le remplacer. Il y a ses lieutenants, Joseph Oros et Elwood Engel, et les hommes de Ford, Eugene Bordinat et Bob Maguire. Ils savent tous que cela sera probablement la seule opportunité dans leur carrière d'accéder à cette fonction ultime. Ils ont tous le bon âge. Plus tard, ils seront trop âgés. Walker essaye de pousser les candidatures d'Oros et d'Engel. Bordinat est finalement choisi par Henry Ford II. Plus que ses challengers, il a su adopter la bonne attitude, et se montrer convaincant en proposant un vrai programme d'avenir. C'est évidemment une déception pour Walker. A cette occasion, il ne se montre pas très digne de la confiance que lui a toujours accordé Henry Ford II, d'une part en tenant des propos critiques envers la compagnie, d'autre part en contribuant au recrutement de son ami Elwood Engel chez le concurrent Chrysler. George Walker semble s'être tiré une balle dans le pied. Dans le secteur automobile, les relations reposent autant sur la confiance que sur les compétences, et lorsque la confiance est rompue, ce n'est plus qu'une question de temps. Walker s'apercevra, trop tard, de ses erreurs. Henry Ford II, après avoir consulté Bordinat et son frère William Ford, met un terme au contrat qui unit George Walker avec la compagnie Ford. La nouvelle de la rupture se répand en un rien de temps. La manière dont Walker a trahi l'entreprise est largement commentée, de même que la façon dont Henry Ford II l'a renvoyé. Tout designer à l'origine d'une automobile, dès qu'il prend un peu de recul sur son oeuvre quelques années après sa commercialisation, ne peut s'empêcher de remarquer telle ou telle imperfection. Au dire de Bordinat, à quelques exceptions près, ce n'est jamais arrivé à George Walker. De la Ford révolutionnaire de 1949 à celle de 1957 qui a battu cette année-là Chevrolet, en passant par la Falcon de 1960 à l'énorme succès, Walker peut regarder n'importe laquelle de ses voitures des décennies plus tard, sans aucun regret sur son travail et celui de son équipe. Après Ford Il faudra un certain temps à George Walker pour se détacher affectivement de Ford. Quatre ans après son départ, Walker rencontre Henry Ford II pour la première fois, à l'occasion d'une soirée privée au domicile de Bunkie Knudsen. Henry Ford est accompagné de sa nouvelle épouse Christina, et il aurait dit en s'approchant de Walker, et en lui passant le bras sur l'épaule : " c'est le meilleur gars du monde, tu me manques ". " Tu me manques aussi ", aurait répondu Walker, avant de s'éloigner, et de laisser Henry debout avec un verre à la main et Christina perplexe. Breech présent lors de cette soirée aurait fait remarquer à Walker que sa réaction était déplacée. " Au diable " lui aurait rétorqué Walker. " Je n'ai pas besoin de lui ni de son argent. Je ne veux plus jamais lui parler. Il n'est pas aussi bon que moi. Il est né avec une cuillère en argent dans la bouche ". C'était la dernière fois que Walker retrouvait Breech et Henry Ford II. Son investissement dans Trim Trends lui assure de bons revenus, et il perçoit une généreuse retraite de Ford. Il a aussi revendu quelques terrains en bord de mer sur lesquels il a réalisé de belles plus values. Au printemps 1982, Walker est surpris lorsqu'un journaliste de Car Collector le contacte pour une interview. Non pas qu'il n'ait pas été sollicité au fil des années, mais ces entretiens, le plus souvent brefs et courtois, on diminué de fréquence. Le journaliste souhaite réaliser un entretien approfondi dans laquelle Walker pourra raconter sa carrière de designer automobile. C'est l'interview la plus longue qu'il ait donnée depuis l'article paru dans TIME en 1957. Et il ne le sait pas encore, c'est la première d'une longue série qu'on lui demandera au cours des années suivantes. Les historiens commencent tout juste à apprécier la créativité de ces concepteurs automobiles, et ils les traquent pour obtenir des histoires avant qu'il ne soit trop tard. George Walker est toujours en tête de leur liste. Trois ans plus tard, près d'un quart de siècle après avoir quitté Ford, Walker qui a 89 ans accorde une autre longue interview à David Crippen, archiviste chez Ford. Environ six ans plus tôt, les Archives Ford ont créé une structure pour reconstituer l'histoire du design Ford. C'est dans ce cadre que Crippen a été chargé de localiser et d'interroger autant d'anciens designers maison que possible. C'est un peu tard, car la plupart d'entre eux ont disparu, mais il reste quelques grands noms, comme Bob Gregorie, Frank Hershey et George Walker. Les commentaires de ce dernier sont captivants, quand il évoque les automobiles sur lesquelles il s'est impliqué, et les personnalités avec lesquelles il a travaillé. Au début de l'été 1987, Walker se laisse interviewer par David Lewis, professeur au sein de l'Université du Michigan. Le professeur Lewis, l'expert éminent de l'histoire de Ford, sollicite tous ceux qui ont connu Henry Ford II pour un livre en préparation. Et, bien sûr, Walker connaît le petit-fils d'Henry Ford mieux que quiconque. Henry Ford II décède quelques mois plus tard, le 29 septembre 1987. Le 10 octobre 1989, Margarita Sevilla, journaliste de la télévision Channel 9 à Tucson, en Arizona, réalisé la dernière interview de George Walker. La journaliste rencontre Walker chez lui. Pour un vieil homme, il a l'air remarquablement en forme. Il parle doucement, mais clairement, et sa main est ferme alors qu'il réalise l'un de ses croquis emblématiques pour la journaliste. Walker affirme que de nombreuses personnes sont derrière ses succès. La journaliste révèle de nouvelles informations. Walker apprécie ces interviews. Il est en retrait du métier depuis si longtemps qu'il est surpris que quiconque s'intéresse encore à son travail. Mais lors de chaque entretien, il reste aussi engagé qu'à ses débuts. George Walker décède le 19 janvier 1993, à l'âge de 96 ans. Virgil Exner (Chrysler), Bill Mitchell (General Motors, successeur de Harley Earl) et George Walker (Ford) réunis en 1960 lors d'un symposium à Détroit sur le thème des futures tendances en matière de design automobile. Copyright Principale source : The Cellini of Chrome, the story of Georges W. Walker, par Henry Dominguez. |