Joseph Oros

Joseph Oros - Etats-Unis (Ohio) - 1916/2012


Formation

Né de parents roumains arrivés aux Etats-Unis en 1910.
Ecole secondaire à Détroit. Enfant, il montre des aptitudes exceptionnelles pour le dessin.
Diplômé du département de design industriel de la Claveland School of Art.


1939

Oros poursuit sa formation au sein de la General Motors, sous la direction de Harley Earl. Earl envoie tous ses nouveaux designers dans l'école de design de la GM, même si ceux-ci viennent de terminer ailleurs une longue formation. Chaque promotion compte une quarantaine de designers en herbe. Cette formation est très exigeante. Il y rencontre d'autres designers appelés à un grand avenir, notamment Elwood Engel et Georges W. Walker.

Au sein de la GM, il est affecté au studio de design industriel, où tous les produits non automobiles sont conçus : réfrigérateurs, cuisinières, matériel ferroviaire ... Après quelques mois, il est transféré au Advanced Studio, puis dans le studio le plus prestigieux de tous, celui de Cadillac, animé par Bill Mitchell. Mitchell le fait très vite revenir sur terre. Il n'a pas encore fait toutes ses preuves. Au fil du temps, Oros acquiert tout de même la reconnaissance d'Earl et de Mitchell. Alors que la guerre est déclarée, et que les licenciements abondent, Oros sauve son emploi, et est affecté à la division ingénierie de Cadillac. Il épouse Betty Thatcher, l'une des premières femmes designer automobile, également diplômée de la Claveland School of Art, qui travaille alors chez Hudson.

Déjà Oros songe à prendre la tangente. Il a assurément plus d'argent à se faire en tant que designer industriel indépendant, que salarié de la General Motors. Mais il manque d'expérience pour gérer une entreprise. Il prend contact avec l'un de ses amis, Ted Ornus, qui travaille pour Walker. Ils sont l'un et l'autre diplômés de la Claveland School of Art. Ornus a directement rejoint Walker à la sortie de cette école, alors qu'Oros a tenté sa chance au sein de la GM. Ted Ornus organise la rencontre avec Walker. Ce dernier est séduit par le portfolio que lui présente Oros, et il souhaite le recruter directement. Oros, prudent, demande à ne travailler pour Walker qu'à temps partiel, le soir depuis chez lui. Ce faisant, il apprend beaucoup sur le fonctionnement d'une entreprise de design. Il conserve en parallèle son poste au sein de la GM. Il s'en ouvre à son ami Elwood Engel, qui a débuté à la GM en même temps que lui. Finalement, Oros renonce à ouvrir son propre cabinet. Il considère ne pas avoir les mêmes facilités que Walker pour nouer des contacts, et ainsi recruter des clients. Ce n'est pas dans son tempérament.


Après-guerre

Joseph Oros demande à être transféré au studio Cadillac. Il essuie un refus, et décide donc de quitter la GM. Sa voie est toute tracée, il rejoint Walker. Ce dernier s'investit encore plus dans son rôle de vendeur, tandis qu'Oros est le designer. Au début, Walker confie à Oros les deux plus grands comptes de l'entreprise. Pour l'un, il dessine des machines agricoles, pour l'autre, Goodrich, des pneus. Mais il ne faut pas longtemps à Oros pour se remettre à dessiner des automobiles. L'un de ses collègues gère le compte du constructeur automobile Nash. Il le remplace durant ses congés. Chez Nash, on apprécie le travail d'Oros. Elwood Engel et Joseph Oros sont toujours en contact. Oros décrit à son ami le travail qu'il effectue chez Walker, et c'est ainsi qu'Engel décide lui aussi de quitter la GM pour rejoindre Walker. Celui-ci peut désormais compter sur deux véritables concepteurs automobiles dans son équipe, et même s'ils manquent encore un peu d'expérience, ils ont prouvé leur capacité à travailler avec ardeur et à résister à la dure formation de l'école de la GM.

En 1947, quand George W. Walker décroche un contrat avec Ford, Joseph Oros et Elwood Engel consacrent tout leur temps à la conception automobile. Oros travaille sur le style de la future Ford 1949, tandis qu'Engel se concentre sur les marques Lincoln et Mercury. Ce contrat sera suspendu pendant plusieurs mois suite à un incident entre Walker et les dirigeants de Ford. Mais un communiqué de presse annonce le 19 mai 1949 le retour de Walker. Pour Henry Ford II, cela sera une bonne affaire si Walker rencontre le même succès qu'avec le modèle 1949. Il l'assure qu'à l'exception des ingénieurs chargé de la conception, plus personne ne viendra piétiner sur ses plates bandes, ce qui a été à l'origine de son premier départ. Henry Ford II est heureux de retrouver Walker. Walker dit essentiellement la même chose à Joe Oros et Elwood Engel. Leur seul patron, c'est désormais lui, et ils ne doivent obéir ou rendre compte qu'à lui. Les deux hommes sont enchantés.

Oros et Engel deviennent les responsables du style de la plupart des modèles Ford, Lincoln et Mercury qui sortiront dans les années 50 et 60. Ils agissent en tant que consultants. Ce sont deux designers de très grand talent. Oros est un homme droit, sage, et un bourreau de travail. Face à une difficulté, il va trouver la solution, quitte à y revenir à plusieurs reprises. Par contre, il est réputé n'avoir aucun sens de l'humour .... Il est un peu raide sur tout. La nuit, s'il faut rester faire des heures pour terminer un projet, Engel se joint volontiers aux modélistes en sweat-shirt pour gratter l'argile en se mettant à terre, tandis qu'Oros porterait encore sa cravate ! Oros se sent naturellement plus à l'aise dans un grand studio, en dirigeant les travaux, en donnant des instructions à ses hommes. Engel est plus à l'aise dans une plus petite structure où il a plus le sentiment de s'épanouir. Joe Oros est réputé d'une grande intelligence sur le plan académique, et raisonnable expérimenté sur le plan politique. 

Ford 1949


1951

Le premier modèle sur lequel travaillent les hommes d'Oros après leur retour chez Ford en 1949 n'est pas une automobile, mais un pick-up. Le véhicule commercialisé depuis 1948 a été conçu sous l'autorité de Gregorie. Il est certes plutôt élégant, mais aux yeux d'Oros, il semble trop léger. Concevoir un nouveau dessin prendrait trop de temps. On va donc se satisfaire d'un lifting, qui apparaîtra sur le modèle 1951.

Ford Pick Up, 1948

Oros donne au " nouveau " pick-up un aspect plus puissant, plus solide. Les cinq barres horizontales sont remplacées par une grande et lourde barre centrale, avec trois entretoises verticales et des phares à chaque extrémité. L'effet " WOW " fonctionne à merveille quand le public le découvre. Ce pick-up ne ressemble à aucun autre modèle sur le marché. C'est l'effet voulu. Pour autant, c'est quasiment le même véhicule que l'année précédente.

Ford Pick Up, 1951


1952

Après le pick-up 1951, Oros se penche sur les modèles de tourisme pour 1952. Il agit toujours sous son statut de consultant. L'équipe de Bob Maguire, nouveau directeur du studio Ford, travaille parallèlement sur le même sujet. Oros n'est pas vraiment impressionné par les résultats de son " confrère ". Walker demande à Oros de tout faire pour que la nouvelle Ford 1952 émane de son équipe, et non de celle de Ford. Plutôt que de collaborer directement avec Maguire, Oros rassemble quelques modeleurs, et s'isole. Une fois encore, et comme pour le modèle 1949, la lutte entre les deux groupes s'annonce pleine de rebondissements. Le résultat est pourtant sans appel. La proposition de Maguire apparaît lourde, épaisse, volumineuse. Celle d'Oros, par contre, semble mieux proportionnée, plus " joyeuse ". Oros a placé les ailes avant à la même hauteur que le capot, signe d'audace et de modernité. Par ailleurs, l'avant et l'arrière ont une vraie cohérence de style, et les deux parties apparaissent comme unies de manière naturelle.

Ford Mainline Ranch Wagon, 1953

A l'arrière, Oros implante avant tout le monde des feux ronds. Les modèles 1953 et 1954 évoluent par petites touches : emplacement des feux de stationnement, garnitures latérales de carrosserie ... Ce qui n'évolue pas cependant, ce sont les fameux feux arrière ronds, qui ont pris la GM au dépourvu. En fait, ils seront incorporés dans la conception des Ford des quinze prochaines années, devenant de plus en plus grands, et permettant d'identifier une voiture de la marque de loin.

Ford Customline Club Coupe, 1952


1955

Joseph Oros entretient de meilleures relations avec Willys Wagner qu'avec Bob Maguire. Wagner est présent au sein du département design de Ford depuis sa création. Son travail a longtemps porté sur des aspects de détails : pare-chocs, poignées de porte, garnitures ... avant que ne lui soit confiée par Gregorie la responsabilité du département design des camions, à la fin de la guerre. Avec sa personnalité décontractée, Wagner s'accommode très bien de la présence d'Oros. Ensemble, ils conçoivent le pick-up Ford pour 1955, qui va devenir l'un des véhicules les plus populaires de la marque.

 Ford Series F-100, 1955

Ce nouveau modèle présente une grande calandre, avec quelques prises d'air horizontales de chaque côté de l'emblème V8 situé au centre. Le long capot et les ailes se joignent et font partie de l'ensemble de la calandre. Les ouvertures de roues sont carrées. De manière fort avant-gardiste, le pare-brise est incurvé. Si c'est devenu commun sur les modèles de tourisme, cela n'a jamais été fait sur un utilitaire. Là aussi, Ford vole la vedette à la General Motors.


 Ford Series F-100, 1955


1955

L'équipe de Joseph Oros, et celle dirigée par Frank Hershey, qui a remplacé Bob Maguire dans la fonction de directeur du studio Ford, ont entamé l'étude de la Ford 1955. Ce modèle sera pour la première fois l'aboutissement d'une réelle coopération entre le studio Ford et les consultants de George W. Walker, représentés par Joseph Oros.

Les designers souhaitent donner à la Ford 1955 une allure plus sportive et plus raffinée que sa devancière de 1952. On note en effet lors de sa présentation deux traits de style vraiment innovants, d'une part le pare-brise enveloppant, d'autre part les moulures latérales en forme de coche. Depuis toujours, Ford et la GM s'épient. Le premier a découvert que le second s'apprêtait à commercialiser ce type de pare-brise panoramique. Un ajustement a donc été réalisé in extremis. Pour rendre la voiture plus sympathique, George Walker a suggéré de lui accoler des moulures latérales. Des centaines de projets ont été dessinés, et c'est finalement l'idée de l'un des designers, Ken Nelson, qui a été retenue. Cette idée est née comme une plaisanterie, après des propositions bien plus sages. Cette moulure atypique a permis de donner un cadre plus attractif pour tout un choix de peintures bicolores.

Ford Fairlane 4-door Town Sedan, 1955

La contribution d'Oros au dessin du modèle 1955 concerne surtout l'avant et l'arrière. A l'avant, il a eu l'idée d'ajouter des clignotants de grand diamètre, dépassant la calandre, ainsi que des paupières au-dessus des phares. A l'arrière, le diamètre des feux ronds est considérablement plus important qu'en 1952. Oros y a fait rajouter un feu de recul triangulaire au-dessus de chaque feu arrière. Au final, l'objectif assigné à la Ford 1955 n'a pas été de concevoir une nouvelle voiture ni d'améliorer le modèle précédent. Il s'est surtout agi de lui procurer une nouvelle identité esthétique, afin qu'elle soit identifiable comme étant la nouvelle Ford. Le pari était gagné.

 Ford Series 1955, l'arrière


1957

Oros pilote sous l'autorité de George Walker le développement de la Ford 1957, largement redessinée. Son aspect reste toutefois relativement sage pour l'époque. L'avant est plat, avec une calandre nette et rectangulaire sur toute la largeur, des moulures latérales obliques et de petits ailerons. Ce style plaît, et le niveau des ventes est excellent. Pour la première fois depuis 1935, Ford est au coude à coude avec Chevrolet.

Ford Fairlane 500 Town Victoria, 1957


1957

Après la nouvelle berline Ford de 1957, Oros redessine le pick-up pour ce même millésime. Depuis l'époque du modèle T, le pick-up Ford a des ailes avant et arrière définies, une cabine distinctive et une benne séparée. Oros réunit ces trois éléments en une seule forme cohérente. Ces changements donnent au pick-up un aspect plus large. Sa charge utile est plus importante. Le montant A présente une inclinaison vers l'avant, ce qui contribue au dynamisme du dessin d'ensemble, comme poussé vers l'avant.

Ford F-100 Pickup, 1957


1958

Le problème majeur de McNamara, directeur de la division Ford depuis 1955, est que la Thunderbird de première génération fait perdre de l'argent à la firme. Il demande à Joseph Oros de concevoir pour le millésime 1958 un modèle qui pourrait être assemblé dans la nouvelle usine en construction à Wixmo, dans le Michigan, là où sera produite l'Edsel. Pour minimiser les coûts, la nouvelle Thunderbird aura les mêmes dimensions que l'Edsel, avec quatre places. Contrairement au modèle de 1955, Oros est responsable de la conception du modèle 1958. Il s'agit du premier projet dont il a pleinement la charge depuis qu'il a été nommé directeur du studio Ford.

Ford Thunderbird, 1958

Le motif général du hard-top est conservé, de même que les grands feux arrière ronds, en forme de hibou. L'avant est habillé d'une calandre massive d'une seule pièce. De profil, une ligne part de l'aile avant, puis se courbe vers le bas, pour croiser une forme tubulaire horizontale. Les ailerons arrière inclinés sont comme tirés vers l'avant, pour dépasser légèrement la poignée de porte. Si l'on observe objectivement la Thunderbird, elle apparaît inutilement surchargée. Comparé à la version précédente, on pourrait presque la trouver glauque. Mais le comité produit va l'approuver, encouragé par McNamara. L'idée de transformer la Thunderbird en une quatre places sera un succès. Le marché l'accueille à bras ouverts. Le seul modèle 1958 se vend mieux que les trois millésimes précédents réunis. Les années 1959 et 1960 seront aussi fructueuses. Peu de changements seront apportés aux lignes initiales durant ces deux années.

Les cadres du Ford Styling Department vers 1959. De gauche à droite, Joseph Oros, James Sipple, Leonard Stobar, Alex Tremulis, George W. Walker, Bob Maguire, Eldwood Engel et Bud Kaufman.

Une fois les travaux sur la Thunderbird 1958 bien avancés, Oros se concentre sur la transformation de la Ford Fairlaine pour 1958. Les décideurs de Ford apprécient tellement l'aspect de la Thunderbird qu'ils demandent au designer, par l'intermédiaire de George Walker, de reconsidérer la Fairlane de 1957 en reprenant les éléments de style de la Thunderbird. Oros s'exécute, mais la tache n'est pas aisée, car la différence de hauteur est significative entre les deux voitures. Il modifie radicalement l'avant et l'arrière. La calandre assez sage du modèle initial est remplacée par une version plus massive et inutilement compliquée. Les phares sont au nombre de quatre, tout comme les feux arrière au dessin singulier. Oros à la volonté de se différencier des modèles de bas de gamme de la General Motors, qu'il juge trop sérieux. Hélas, les ventes chutent, à environ 1 million d'exemplaires, en 1958, contre 1,8 million en 1957, dans un contexte il est vrai de ralentissement du marché.

Ford Skyliner et Fairlane, 1958

Chez Ford, on tend à faire porter la responsabilité de l'échec de la Fairlane 1958 à Oros, mais plutôt que de s'attarder sur les erreurs du passé, le designer préfère se concentrer sur la version 1959. La leçon a été entendue. Il revient à des formes plus sages. Cela a bien fonctionné en 1957. Les quatre phares sont conservés. La face avant est allégée, et adopte des lignes plus horizontales. Le pare-chocs AV est travaillé en son centre, avec une zone de dépression. Les feux de direction sont implantés à l'extrémité de ce pare-chocs. Sur la partie postérieure, deux grands feux ronds sortent du pont arrière et se fondent dans le pare-chocs AR. En bout d'ailes pointent les feux de recul. La métamorphose est appréciée du public, et les ventes progressent d'environ 40 %.

Ford Fairlane, 1959

L'abondance de chrome est en train de passer de mode. Avec le Ford Fairlane 1960, construite sur une nouvelle plateforme, Oros élimine une grande partie des moulures de carrosserie chromées qui ont dominé la précédente décennie. Et si la voiture présente encore des ailerons, ils sont discrets. De profil, il est presque difficile de les apercevoir. La ligne de ceinture est presque parfaitement droite. Ford vient de tourner radicalement la page des fifties.

Ford Fairlane, 1960


1964

Le dessin de la Mustang est attribué à l'équipe de Joseph Oros, qui travaille désormais sous l'autorité d'Eugene Bordinat. Oros a voulu dessiner une automobile qui attire autant les hommes que les femmes. Il a exigé que la Mustang arbore une prise d'air sur les côtés, qu'elle dispose d'une face avant au caractère aussi puissant qu'une Ferrari ou une Maserati, et qu'elle ait une allure générale évoquant les sportives européennes. La Mustang est présentée à l'occasion de l'exposition universelle de New York en 1964.

Ford Mustang, 1964


1968

Rejoint Ford en Europe en tant que vice-président. Il participe aux projets des Capri, Granada, Taunus et Escort.

1974

Retour aux Etats Unis, où il supervise la conception des automobiles du groupe.

1981

Départ en retraite. Il est dès lors très engagé dans la communauté roumaine installée en Californie du sud.

2012

Décès le 12 août 2012 à l'âge de 96 ans.


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