Peerless, grand luxe à l'américaine


La marque automobile américaine Peerless fondée en 1900 est devenue rapidement l’égale de Packard et de Pierce-Arrow dans le domaine de la voiture de grand luxe. Cette marque disparaît en 1932, victime de la crise économique déclenchée en octobre 1929 par le krach boursier de Wall Street.


Les débuts de la firme Peerless 


La firme américaine Peerless apparaît en 1900 à Cleveland, dans l’Ohio. Prolongement d’une entreprise qui fabriquait des bicyclettes depuis 1869, Peerless devient dès 1910 l’une des fameuses marques aux trois P (Packard, Peerless, Pierce-Arrow), le trio de prestige de l’industrie automobile américaine.

Au début sont lancées des voiturettes monocylindres puis bicylindres, inspirées des De Dion-Bouton françaises, alors les voitures les plus produites au monde, mais dès 1903, apparaissent de puissantes et confortables voitures de 24 HP (3,7 litres) et 35 HP (6 litres) dotées de moteurs Mooers à quatre cylindres, dérivées de modèles de course Peerless, dont les versions limousines sont en réalité les premières voitures américaines fermées fabriquées en série. Ces berlines et limousines définissent la nouvelle tendance de la firme, dont la production s’oriente désormais vers les voitures de prestige. En 1904, Peerless lance la voiture de course " Green Dragon " de 11 litres de cylindrée qui remporte de nombreuses victoires et apporte à la firme une réputation enviable.

Peerless 1905. Le constructeur met en avant les qualités d'élégance, de confort, de sécurité, de vitesse, de simplicité et de fiabilité de ses produits. 80 % des acheteurs de Peerless ont possédé puis abandonné une automobile d'une autre marque.

Dès cette époque, Peerless prend rapidement de l’extension, et la production augmente fortement, même si les quantités restent encore relativement faibles si on les compare à celles enregistrées les décennies suivantes. Ainsi, en 1906, Peerless produit 1 176 voitures, contre 815 en 1905, 623 en 1904, 547 en 1903 et 238 en 1902. En 1907, Peerless présente son premier modèle six cylindres tandis que les quatre cylindres poursuivent leur carrière pendant encore quelques années. Peerless produit 1 218 voitures cette année-là, puis 1 325 en 1908, 1 618 en 1909, 2 315 en 1910, 2 118 en 1911, 2 315 en 1912 et 2 615 en 1913.

Peerless 1907. Chez Peerless, on vise l'excellence, et la Limousine de 1907 bénéficie de nombreuses améliorations destinées à parfaire la qualité du produit et sa fiabilité.

Par rapport aux autres marques américaines, Peerless ne figure pas dans le peloton de tête, puisqu’il est dépassé par une dizaine de constructeurs en terme de volume, mais il supplante définitivement son concurrent Pierce-Arrow à partir de 1912. En 1913, les Peerless qui sont alors dotées des moteurs les plus gros disponibles sur le marché américain sont équipées de démarreurs automatiques.

Peerless 1910. Les ventes de Peerless progressent à pas mesuré, et le constructeur se maintient aux environs de la dixième place des constructeurs US.

En 1915, Peerless présente sa première V8, un an seulement après sa rivale Cadillac. Ce modèle, qui marque une étape importante dans l’histoire de Peerless sera fabriqué jusqu’en 1922. La production de la marque continue d’augmenter au moment où débute la guerre en Europe : 2 218 voitures en 1914, 3 618 en 1915, 3 210 en 1916, 3 915 en 1917, 3 633 en 1918 et 3 938 en 1919. Elle atteint un pic en 1920 avec 6 213 voitures produites. Peerless se situe alors en quatorzième position parmi les constructeurs américains, devançant largement Pierce-Arrow qui ne dépasse pas les 3 135 unités cette année-là. 

Peerless Model 56 4-door Roadster 1920. En l'espace d'une décennie, les ventes de la marque ont triplé. Elle n'ont pas encore atteint leur point culminant.


L’apogée de la firme Peerless


A la fin des années 1910, les Peerless demeurent des voitures rapides et confortables, et leurs carrosseries sont abaissées et arrondies, suivant la mode du moment. Elles ressemblent alors beaucoup aux Cadillac contemporaines. Au début des années 20, Peerless augmente son rythme de production, fabriquant 3 568 voitures en 1921, 3 958 en 1922, 5 775 en 1923 et 3 926 en 1924. Ces voitures sont toutes des six cylindres et des huit cylindres, la marque ayant supprimé ses quatre cylindres, car elle souhaite rester uniquement dans le haut de gamme afin de réaliser du profit en vendant des voitures chères en quantités suffisamment importantes.

Peerless 1924. Le constructeur de Cleveland invite ses clients à partir à l'assaut des collines grâce à ses automobiles puissantes, silencieuses, douces et fiables. 

En 1924, la gamme Peerless est repensée : les nouveaux modèles ressemblent cette fois aux Marmon et aux Stutz, autres marques américaines renommées. La production fait alors un bond, passant à 4 755 unités en 1925 et 10 437 en 1926. Peerless se situe alors en dix-huitième position parmi les constructeurs américains, toujours devant son concurrent Pierce-Arrow.  


Le déclin de la firme Peerless 


Les années suivantes seront malheureusement plus difficiles pour la marque Peerless qui voit son volume de production reculer à 9 872 unités en 1927 et 7 748 en 1928. Après une remontée sur les trois premiers trimestres de 1929, la marque Peerless subit de plein fouet le krach boursier d’octobre 1929 et les ventes s’effondrent à partir de ce moment-là. Un volume de 8 318 voitures est toutefois produit sur l’ensemble de l’année, et il est probable que Peerless aurait battu son record de production cette année-là sans la catastrophe de Wall Street.

Peerless Touring Phaeton 1924. Les Peerless s'adressent à une élite. Avec notamment Packard et Pierce-Arrow, elles représentent pendant plusieurs années ce qui se fait de mieux parmi les nombreux constructeurs américains.

En réalité, la marque rétrograde entre 1928 et 1929 de la 25e à la 28e place parmi les fabricants d’automobiles américains et elle perd encore deux places en 1930. Le Comte Alexis de Sakhnoffsky est engagé par la marque pour concevoir la gamme 1930. De toutes les voitures produites jusqu’alors par Peerless, celles-ci sont assurément les plus belles et les plus désirables. Elles représentent l’apogée de la marque, volontiers comparées aux prestigieuses Packard et Pierce-Arrow, qui représentent alors le nec plus ultra en Amérique du Nord. Mais avec le début de la crise économique survenue au lendemain du krach boursier d’octobre 1929, la firme Peerless décline rapidement dans les ventes. La production s’écroule à 3 642 unités en 1930 et 1 249 en 1931.

Peerless 1929. " La direction de Peerless a dépensé un million de dollars pour mettre au point sa Six-61 Standard Sedan. Prenez place à bord, et vous constaterez que l'argent a été bien utilisé ! "


 La disparition de la firme Peerless 


Au début de 1931, la firme tente de reconquérir ses anciennes positions en présentant un nouveau modèle de prestige, doté d’un moteur à seize cylindres en V, dont le style rappelle celui des Cadillac V16 et Marmon V16. C’est la Peerless V16, dont le seul modèle construit existe encore de nos jours. C’est l’un des grands classiques américains et sans doute la plus belle des voitures Peerless. Son moteur de 7,6 litres développe une puissance peu commune de 173 ch, tandis que sa carrosserie de type limousine est dessinée par le carrossier Murphy, l’un des plus grands carrossiers américains. La fabrication de ce modèle prévue pour 1932 devait viser le marché du très haut de gamme, disputé alors par Packard, Cadillac, Marmon et Duesenberg.

La Peerless V16 fabriquée en grande partie en aluminium reste l’une des voitures les plus extraordinaires qu’ait jamais produite l’industrie automobile américaine à cette époque et par la suite.

La production des voitures Peerless cesse le 30 juin 1931. Les usines sont alors achetées par le producteur de bière Carling, qui les transforme deux ans plus tard en brasserie, la prohibition ayant alors été abrogée par le nouveau président Franklin D. Roosevelt. Une vraie mise en bière pour la firme Peerless.

Texte : Jean-Michel Prillieux
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