Turin 1953
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Dodge Firearrow - CopyrightFiat est de loin, en Italie, le plus gros producteur de voitures. A lui seul, il assure près de 80 % des volumes fabriqués. De fait, il occupe à Turin un vaste stand qui peine à contenir les nombreux modèles qu'il commercialise et leurs variantes : 500, 1100, 1400, 1900, 8V et Campagnola. Le public s'attarde volontiers autour de la nouvelle 1100 qui est extrêmement bien accueillie, même si on la connaît déjà depuis le Salon de Genève. D'ailleurs, on aperçoit en ville les premières Fiat 1100. Elle succède à la première génération de 1100 apparue en 1939. Au prix de 975 000 lires, elle s'annonce très compétitive sur son marché.
Fiat 1100 - Copyright Mais pour nouvelle que soit la 1100, Fiat n'en est pas resté là. On connaît depuis 1950 la Fiat 1400. Il s'agit d'une vaste berline quatre places de ligne ponton. Fiat vient d'en extrapoler une version Diesel, qui adopte un ... 1 901 cm3 de 41 ch, déjà vu sur le camion 615 N et sur le 4 x 4 Campagnola. La 1400 Diesel peut rouler jusqu'à 100 km/h, en ne consommant que 6 litres aux 100 km. C'est la première voiture italienne destinée aux particuliers proposée avec un moteur fonctionnant au gas-oil. Elle ne correspond peut-être pas aux goûts de certains conducteurs italiens fanatiques de mécaniques brillantes, mais il est probable que son économie d'usage la fasse apprécier des grands rouleurs (taxis, représentant de commerce ...). En Europe, il n'y a à ce jour que Mercedes et Borgward à s'intéresser à ce type de motorisation.
Fiat 1400 Diesel - Copyright Giacinto Ghia, né en 1887, ouvre son premier atelier pendant la Première Guerre mondiale. Il acquiert une belle réputation grâce à ses travaux sur châssis Fiat, Lancia, Itala ou Isotta-Fraschini. A sa mort en février 1944, Mario Felice Boano, l'un de ses fournisseurs, est contacté par la famille pour prendre la relève. Giacinto Ghia l'a désigné de son vivant comme étant son successeur ... La période est difficile pour les carrossiers, les châssis disponibles se raréfient. A l'issue d'un travail acharné, Boano parvient à repositionner Ghia parmi les artisans qui comptent. La Fiat Abarth 103 GT exposée à Turin est moderne d'aspect, voire franchement avant-gardiste. Elle semble avoir puisé des idées dans le domaine de l'aviation. Le style est franchement épuré. Pour créer la 103 GT, Abarth a confié à Ghia un châssis 205A de compétition. Le moteur est celui de la Fiat 1100, boosté par 2 carburateurs Weber 32 double corps, afin d’en tirer 64 ch.
Fiat 1100 Abarth 103 GT - Copyright Serafino Allemano fonde son affaire de réparation en tôlerie automobile en 1928 à Turin. En 1935, il crée sa première carrosserie complète. Son usine est détruite pendant la guerre. A la fin des années 40, Allemano fait partie des nombreuses petites entreprises qui nourrissent le marché parallèle de la " fuoriserie ", c'est-à-dire des production hors-série, spécialité italienne. C'est alors un de ces professionnels qui oeuvrent dans l'anonymat. Cette année, il entreprend de se faire connaître sous son nom, avec deux carrosseries inédites sur base Fiat 1100, un coupé et un spider. Ceux-ci sont caractérisés par une face avant pointue, dotée d'une sorte de bec flanqué de prises d'air, à l'intérieur desquelles sont intégrés les phares. A l'avant, des feux sont positionnés à la base des ailes saillantes.
Fiat 1100 Coupé par Allemano - Copyright La maison Savio a vu le jour à Turin en 1919. Les deux frères Antonio et Giuseppe, anciens ouvriers de la carrosserie Alessio, en sont à l'origine. Après des débuts dans le négoce du bois et le travail de celui-ci pour des maisons comme Ghia, Farina ou Boneshi, ils s'orientent eux-mêmes vers la production de carrosseries sur base Fiat, Isotta-Fraschini, OM, Alfa Romeo et Lancia. Dans les années 30, ce sont des précurseurs en matière d'aérodynamisme. En 1944, Antonio Savio prend sa retraite. Giuseppe poursuit seul l'aventure. Il produit des ambulances ou des véhicules adaptés aux besoins de la RAI, sans renoncer au métier de carrossier sur mesure, le plus souvent sur base Fiat. Cette année, il présente à Turin une Fiat 1100 Sport, à partir d'un dessin de Franco Scaglione. Celle-ci est habillée d'un capot moteur et d'un coffre en aluminium afin de minimiser le poids, tandis que la mécanique est entièrement revisitée pour offrir plus de performances.
Fiat 1100 par Savio, dessin de Franco Scaglione - Copyright Alfredo Vignale, né en 1913, exerce sous sa marque le métier de carrossier depuis 1946, après avoir travaillé pour les Stabilimenti Farina. Il s'est bâtit une réputation enviable chez Farina qui lui a ensuite ouvert des portes. Il travaille notamment pour Cisitalia. Mais il construit aussi des pièces uniques sur châssis Fiat ou Lancia. Pour mener à bien ses travaux, il collabore avec le talentueux Giovanni Michelotti. Celui-ci est né en 1921. A seize ans, passionné de dessin, il fait ses premières armes au sein des Stabilimenti Farina en tant qu'apprenti. Ses qualités de dessinateur sont remarquées par Mario Revelli de Beaumont, alors responsable du style chez Farina. Depuis la fin de la guerre, Michelotti signe des carrosseries pour Vignale, mais aussi Bertone et Allemano. La collaboration avec Michelotti permet à Vignale de monter en gamme, et d'habiller des voitures pour une clientèle plus aisée. Depuis 1950, Vignale travaille pour Ferrari. Avec Michelotti, ils sont à l'origine de plusieurs dizaines de carrosseries pour le constructeur de Maranello. Vignale expose à Turin ce coupé Fiat 1100 Coupé signé Michelotti. Le designer a créé une ligne élégante, avec un toit bas et des pointes arrondies prononcées à chacune des quatre extrémités. Le capot court jusqu'à la calandre de forme assez verticales, tandis que les phares sont placés très bas dans des ouvertures oblongues en tunnel. Le pare-chocs avant est en deux parties, protégeant mal la calandre.
Fiat 1100 Coupé Vignale / Giovanni Michelotti - Copyright Le Salon de Turin est décidément incontournable pour les grandes maisons de carrosserie. Vignale y expose par ailleurs ce coupé réalisé sur la base d'une Fiat 1900 Granluce. Incontestablement, Vignale et Michelotti forment un tandem performant.
Fiat 1900 Coupé Vignale/Miche. © Archiv Automobil Revue Pietro Frua expose à Turin un coupé Fiat 1900 de facture classique, sobre, mais non dénué d'élégance.
Fiat 1900 Coupé Frua - Copyright En Italie, on hésite encore parfois entre le style ampoulé d'avant-guerre et la nouvelle vague au style épuré dont le plus digne représentant est Pinin Farina. Mario Felice Boano chez Ghia a clairement opté pour la seconde solution. Fiat a lancé en 1952 son modèle 1900 pour seconder la 1400 apparue en 1950, critiquée par de nombreux conducteurs pour son manque de puissance. C'est cette Fiat 1900 qui sert de base à un élégant cabriolet exposé à Turin.
Fiat 1900 Cabriolet Ghia - Copyright Alfonso Balbo ouvre en 1914 son atelier de carrosserie. A ses débuts, Il travaille surtout sur des châssis Lancia, et se fait un nom grâce à son système de toit escamotable, qui transforme de manière fort habile des cabriolets en conduites intérieures. Il décède en 1926. La direction de l'entreprise est reprise par un de ses proches collaborateurs, Carlo Follis. Avant la guerre, Balbo fait partie du gratin de la carrosserie italienne. Il oeuvre comme ses confrères sur base Fiat, Lancia et Alfa Romeo. L'usine est détruite pendant la guerre. Depuis, le carrossier tente de se relancer avec de nouvelles réalisations, essentiellement sur base Fiat. Il semble toutefois actuellement dans la tourmente sur le plan économique. Cela ne l'empêche pas d'exposer à Turin cet élégant coupé sur base Fiat 1900.
Fiat 1900 Coupé par Balbo - Copyright La Fiat 8V, dite Otto Vu, a été lancée au Salon de Genève en mars 1952. Ce modèle marginal est né en dehors de tout programme officiel. L'un des instigateurs de cette auto est l'ingénieur Dante Giacosa. Celui-ci a étudié dès la fin des années quarante un V8 de 1 996 cm3, puis s'est lancé dans la conception d'un nouveau châssis à quatre roues indépendantes pour l'accueillir. Cette plateforme se caractérise par une position très reculée du moteur. La 8V " de série " a été dessinée par Luigi Fabio Rapi. Elle présente des formes dépouillées et aérodynamiques, mais sans aucun charme. Il n'est donc pas difficile pour les carrossiers indépendants de faire mieux. Vignale ne s'en est pas privé.
Fiat 8V Vignale - Copyright Archiv Automobil Revue
Fiat 8V Vignale - Copyright Rocco Motto, né en 1904 à Rivarossa, fait son apprentissage au sein de différents ateliers avant de prendre son indépendance en 1932. Installé à Turin, il travaille en sous-traitance pour les plus grandes maisons en leur fournissant des carrosseries brutes. Progressivement, Motto présente ses propres créations, et se spécialise dans la fabrication de carrosseries en aluminium pour voitures de sport. En 1945, l'ingénieur Dante Giacosa, momentanément employé par Cisitalia, le recrute pour travailler sur le projet de la voiture de course D46. Puis Motto s'engage auprès des frères Maserati au sein d'Osca. Les constructeurs et les carrossiers les plus importants le sollicitent volontiers lorsqu'il s'agit de produire quelques exemplaires d'une carrosserie spéciale. C'est dans ce contexte que Motto et Vignale présentent à Turin le fruit de leur travail, la Siata 208 Spider. Celle-ci emprunte sa mécanique à la Fiat 8V, dans une version plus affûtée.
Siata 208 Spider Motto / Vignale, Fiat 8V - Copyright Lancia est le deuxième grand constructeur turinois. Il présente l'Appia, une voiture moyenne de luxe, dans la lignée de l'Aurelia, tout en étant proche en dimensions de la Fiat 1100. Avec son prix de 1 331 000 lires, elle s'adresse à une toute autre catégorie d'acheteurs. Le soin apporté au montage et ses qualités techniques justifient ce prix important. Avant livraison, chaque pont, chaque boîte, chaque moteur est monté, essayé, redémonté, réessayé. Le 4 cylindres en V de 1 090 cm3 développe 38 ch. Cette disposition en V est exceptionnelle sur un aussi petit moteur. Pour la carrosserie, Lancia a travaillé à un allègement maximum par l'emploi d'alliages. Ainsi, les portes, le capot, le couvercle de coffre et les ailes arrière sont en aluminium.
Lancia Appia, source : L'Automobile Magazine Parallèlement à la berline Aurelia B10 présentée au Salon de Turin 1950, l'usine propose des châssis réservés aux carrossiers, de type B50 ou B51 (pneumatiques plus gros et rapport de transmission différent). Pininfarina, Bertone, Viotti, Ghia ou Boneschi se sont appropriés cette base. Hélas, les B50 et B51 ne brillent pas par leurs performances, car le modeste V6 de 1 754 cm3 peine à supporter des carrosseries souvent plus lourdes. Pour y remédier, Lancia a récemment lancé les châssis B52 et B53 dotés du plus puissant V6 1 991 cm3 du coupé B20 apparu en 1951. Le modèle qui nous intéresse ici est un coupé Aurélia B53 produit par Allemano à partir d'un dessin de Giovanni Michelotti. Toute en retenue, mais non dépourvue d'élégance, la carrosserie deux portes quatre places fait appel à un capot et à des portières en aluminium qui rendent la voiture plus légère et plus réactive, tandis que les deux petites entrées d'air horizontales de chaque côté de la calandre lui offrent une certaine personnalité.
Lancia Aurelia B53 Coupe par Allemano - Source : https://amazingclassiccars.com
Lancia Aurelia B53 Coupe par Allemano - Source : https://cars.bonhams.com Gian Paolo Boano est le fils unique de Mario Felice Boano. Depuis la guerre, il collabore avec son père. Il est un peu l'homme à tout faire chez Ghia, et travaille sur les différents éléments des voitures à l'étude : pommeaux, sièges ... Il sélectionne les fournisseurs et les artisans capables de réaliser tel ou tel élément. Son implication dans les projets de Ghia est croissante. En 1951, l'accord passé entre Ghia et Chrysler apporte une bouffée d'oxygène au carrossier. Gian Paolo obtient de son père le droit d'exposer à Turin l'une de ses créations sur base Lancia Aurelia.
Lancia Aurelia par Gian Paolo Boano, pour Ghia - Copyright Pinin Farina a présenté à Turin en 1952 l'innovante PF200 assemblée sur une base de Lancia Aurelia B52. Ses formes s'inspirent des premiers avions à réaction, avec une calandre circulaire projetée en avant, des ailerons saillants et une longue échine fuyante. On retrouve de nouveau à Turin cette PF200 dans une version remaniée, avec notamment un cadre de pare-brise disposant d'un rebord supérieur. Les butoirs sont désormais positionnés sous les phares avant. La barre de calandre est horizontale, et non plus verticale.
Lancia Aurelia PF200 par Pinin Farina - Copyright Le troisième grand constructeur italien est Alfa Romeo. La firme milanaise est enfin sortie du splendide isolement dans lequel elle se complaisait jusqu'à la présentation de la 1900 au Salon de Paris 1950. Alfa Romeo a adopté avec ce nouveau modèle une vraie dimension industrielle, qui s'est traduite cependant par une mise en veille du service course. L'ingénieur Gioacchino Colombo n'a pas pour autant totalement renoncé à ses ambitions. Par augmentation de l'alésage, la cylindrée du 1 884 cm3 de la 1900 est portée à 1 995 cm3. Colombo a confié l'habillage de son projet à Touring. Cela a abouti l'an passé à la naissance d'un spider à la carrosserie inédite, constituée de deux parties superposées, séparées par une arête. Touring a appliqué à cette sportive la fameuse architecture Superleggera. Cette carrosserie qui fait résonance avec l'imagerie extraterreste qui alimente les conversations du moment a hérité du surnom de " Disco Volante ".
Alfa Romeo Disco Volante spider, 1952 - Copyright Après la version spider de 1952, Alfa Romeo présente cette année à Turin la version coupé. Le moteur Alfa Romeo de 1 995 cm3 de 130 ch permet à cette voiture mieux profilée d'atteindre 220 km/h. Ses lignes sont toutefois moins harmonieuses que celles du spider, avec un habitacle qui apparaît comme rapporté après coup. Vendue 4 millions de lires, cela ne la met pas évidemment à la portée de toutes les bourses.
Alfa Romeo Disco Volante coupé, 1953 - Copyright La carrozzeria Colli est fondée par Giuseppe Colli en 1932. Après son décès en 1936, son fils aîné Mario Colli reprend en main l'affaire. Il développe une réelle expérience dans le travail des alliages, qu'il utilise pour habiller des Fiat, Lancia et Alfa Romeo. Ses créations sont appréciées par les préparateurs et les pilotes, à la recherche de solutions innovantes et d'une approche aérodynamique, quitte à sacrifier en partie la finition. Depuis la fin de la guerre, Colli, en dehors de réalisations ponctuelles sur base Fiat, travaille surtout sur des châssis Alfa Romeo. En 1952, il est devenu l'un des fournisseurs officiels du constructeur milanais. Les deux partenaires exposent à Turin cette Alfa Romeo 1900 Primavera, à l'aspect quelque peu surchargé, ainsi qu'une limousine d'allure plus sobre.
Alfa Romeo 1900 Gran Luce Primavera par Colli - Copyright
Alfa Romeo 1900 Limousine par Colli - CopyrightIl s'agit de l'une des vedettes de ce Salon de Turin 1953. Bertone présente la " Berlina Aerodynamica Technica " (BAT 5), qui prend appui sur un châssis et une mécanique d'Alfa Romeo 1900 Sprint. Les romans populaires d'anticipation auraient ils exercé une influence sur l'inspiration de Franco Scaglione, à l'origine de ce dessin extravagant ... On s'étonne de ces longues surfaces lisses, comme celles des flancs qui dissimulent les roues. On s'extasie devant les formes tourmentées de la calandre, ou face à la complexité du toit. Les ailerons qui se replient vers une lunette arrière au dessin torturé apportent la touche finale à l'aspect de cette automobile " venue d'ailleurs ".
Alfa Romeo 1900 / Bertone BAT 5 - Copyright Les Castagna construisaient des carrosses avant de se lancer dans la carrosserie automobile. A la mort du fondateur pendant la Première Guerre mondiale, le fils Ercole, né en 1885, reprend l'affaire familiale. Son jeune frère Emilio le rejoint, et dessine la plupart des modèles de l'entreprise jusqu'en 1934. Au début des années 30, Emilio prend sa retraite, passant le flambeau aux trois fils d'Ercole, qui lui-même reste actif au sein de l'entreprise. Les commandes se raréfient. Isotta Fraschini fait faillite et Alfa Romeo fait de plus en plus appel aux services de Touring. Castagna dessine des voitures pour une clientèle plutôt âgée et conservatrice. Depuis la fin des années quarante, Castagna s'est fait plus discret. Il est toutefois présent cette année à Turin avec un coupé Alfa Romeo 1900 de facture fort classique.
Alfa Romeo 1900 Coupé par Castagna - Copyright L'ingénieur Wifredo Ricart convainc la direction du groupe industriel ENASA (Empresa Nacional de Autocamiones SA) d’investir dans la production en petite série d’automobiles de prestige. Il persuade ses interlocuteurs qu'une voiture de ce type serait forcément bénéfique pour l'image de Pegaso, la marque commerciale du groupe connue pour ses poids lourds. Une voiture de sport permettrait de montrer au monde entier le haut niveau de savoir-faire atteint par l'industrie espagnole. La Pegaso Z102 fait discrètement ses premiers tours de roues en 1950. Elle est équipée d’un V8 en alliage des plus sophistiqués, qui emprunte sa technique à la course automobile. Un premier prototype est assemblé en 1950. C'est au Salon de Paris 1952 que la Z102 est dévoilée au public. Elle apparaît quelque peu brute de décoffrage. La voiture n'est pas encore au point, et il convient avant tout de remédier aux nombreux défauts de jeunesse, tant dans la mise au point du moteur qu'à ce qui touche à la tenue de route. Parallèlement, durant cette année 1952, Wifredo Ricart confie à Touring en Italie et à Saoutchik en France le soin de proposer pour la Z102 des carrosseries plus raffinées, plus élégantes et plus légères. C’est ainsi que Pegaso expose à Turin sur son stand une Berlinette Z102 Superleggera habillée par Touring.
Pegaso Z102 Berlinette Superleggera - Copyright Wifredo Ricart et Carlo Felice Bianchi Anderloni qui dirige Touring entretiennent d'excellentes relations. En effet, Ricart et la carrosserie Touring ont travaillé ensemble avant-guerre pour Alfa Romeo. Avec la Pegaso " Thrill " (frisson) exposée à Turin cette fois sur le stand Touring, la volonté de Ricart n'est pas de proposer une voiture de sport de plus, mais d'offrir ce qui peut se faire de mieux en matière de grand tourisme, le prix de vente devenant dans le cas présent accessoire. La Thrill se distingue par le traitement original de toute sa partie arrière, avec une sorte de roll-bar à l'origine de deux ailerons, et une surface vitrée généreuse au dessin complexe.
Pegaso Z102 Thrill - Copyright Siata tente sa chance sur le marché de la très petite voiture avec la Mitzi. Celle-ci est équipée à l'arrière d'un deux cylindres en ligne refroidi par air de 398 cm3 développant 10 ch. Cela lui permet d'atteindre environ 60 km/h. Il s'agit là d'un véhicule très économique qui devrait être vendu aux environs de 450 000 livres. Mais il présente le défaut d'ignorer que l'Italien moyen réclame quatre places dans son automobile. Nombre de spécialistes doutent que Siata soit en mesure de mener réellement à bien l'industrialisation de ce projet.
Siata Mitzi - Copyright On sait que l'Italie est le pays d'adoption du scooter. Dérivé de cet engin à deux roues, mais représentant tout de même une voiture " avec le confort moderne " comme son constructeur se plait à l'affirmer, la minuscule Isetta a obtenu un joli succès de curiosité. Son promoteur, l'industriel italien Renzo Rivolta, qui a fait fortune dans les réfrigérateurs et les scooters, a acheté le brevet de cet engin ovoïde auprès de l’ingénieur Ermenegildo Preti. Il s'agit d'une voiturette deux places, avec une porte unique s'ouvrant sur le devant, quatre roues dont les deux postérieures sont très rapprochées. L'Iso Isetta est munie à l'arrière d'un moteur deux cylindres deux temps de 198 cm3, qui développe 9,5 ch. Le châssis est en tubes d'acier particulièrement robustes. Avec une consommation proche de 3,3 litres aux 100 km, l'Iso Isetta atteint 85 km/h.
Iso Isetta - Copyright Outre son coupé sur base Fiat 1900, Balbo présente la B400, une petite automobile équipée d'un moteur deux cylindres deux temps de 398 cm3 et 14,9 ch, monté à l'arrière. Il se caractérise par sa peinture bicolore, et un ornement chromé sur la face avant qui n'est pas sans rappeler les récentes créations de Raymond Loewy pour Studebaker.
Balbo B400 - Copyright Les frères Maserati ont ouvert leur atelier de mécanique en 1914. La première voiture à porter leur nom est apparue en 1926. Leur credo, c'est la course, pas les automobiles de route. Ils vendent leur affaire en 1937 à Adolfo Orsi, un industriel de Modène, qui poursuit le développement de l'entreprise sous l'angle de la course, tout en ne s'interdisant pas quelques réalisations destinées à un usage plus " touristique ". Dix ans plus tard, les frères Maserati fondent la marque concurrente Osca. Maserati expose à Turin une Grand Sport, dérivée de la voiture de course qui a gagné le GP de Syracuse le 22 mars de cette année, devant une ... Osca pilotée par le français Louis Chiron. Elle est équipée d'un 6 cylindres de 1 988 cm3 dont la puissance se situe entre 165 et 170 ch. Cette voiture peut atteindre 230 km/h.
Maserati Grand Sport - Copyright La victoire de Paolo Marzotta sur Ferrari aux Milles Miles pendant le Salon a attiré sur le stand de la marque tout ce que le monde automobile compte de sportifs et d'amateurs de belles mécaniques. C'est Pinin Farina qui s'est chargé de développer un coupé sport adapté à la course. Le résultat est peut-être moins élégant que d'autres créations du maître turinois sur châssis Ferrari, mais ici on a privilégié l'efficacité. La Ferrari 250 MM Berlinetta combine des formes très aérodynamiques avec une excellente visibilité dans toutes les directions, grâce notamment à une lunette arrière panoramique. Le montant entre le pare-brise et la vitre de porte est extrêmement fin. Un déflecteur est positionné sur le capot moteur. Ce capot s'ouvre de l'avant vers l'arrière, et il est sécurisé par de petites lanières de cuir. A l'avant, deux décrochements sous les phares laissent arriver l'air sur les freins avant, tandis qu'à l'arrière, deux fentes au-dessus des roues assurent la même fonction.
Ferrari 250 MM Berlinetta - CopyrightLa Ferrari 212 Inter apparue en 1951 doit sa désignation à sa cylindrée unitaire. Le tandem Vignale/Michelotti a été le premier à l'habiller. Depuis, une majorité de châssis Ferrari 212 sont passés dans les ateliers d'Alfredo Vignale, plus que chez ses concurrents directs. Chaque voiture est unique par son dessin, au minimum dans les détails. Giovanni Michelotti et Vignale ne ménagent pas leurs efforts. L'inépuisable variété de leurs exécutions est bien là pour en attester, même si depuis peu, ils doivent concéder un peu de terrain à un nouveau venu sur ce créneau, Pinin Farina. Michelotti et Vignale présente à Turin une élégante Ferrari 212, dont la ceinture de caisse est plus haute que par le passé, et la surface vitrée moindre. Les phares sont logés entre les ailes et l'agressive calandre inclinée. Sous celle-ci, le pare-chocs est réduit à une simple lame. Une protection supplémentaire est assurée sur la pointe des ailes par deux butoirs horizontaux qui se prolongent sur les flancs par deux baguettes chromées. A l'arrière, un pare-chocs enveloppant disposé à la même hauteur double la lame inférieure.
Ferrari 212 par Vignale
sur un dessin de Michelotti Piero Dusio, industriel Turinois de renom, fonde en 1939 la Consorzio Industriale Sportiva Italia - Cisitalia - afin de produire des accessoires et des vêtements de sport. Désireux d'accompagner le renouveau économique de l'après-guerre et de satisfaire sa passion pour le sport automobile, il se lance dans la construction d'une monoplace de course, qu'il veut économique, et qui pour cela utilise un maximum d'éléments de série puisés chez le géant Fiat. Pour mener à bien ce projet, il s'assure les services de Dante Giacosa. La monoplace qui apparaît en 1946 prend le nom de D 46. D'un prix modéré et d'un entretien facile, elle attire de nombreux pilotes, inconnus ou célèbres (Sommer, Nuvolari, Chiron, Tarufi ...). Le projet suivant pour Dusio porte le code 202, sur les mêmes bases, mais avec un châssis élargi pour loger deux sièges. Cela a été une nouvelle aventure, avec pour point d'orgue l'exposition depuis 1951 d'une Cisitalia 202 au MoMA de New York. Revenons à Turin en ce mois d'avril 1953. La Cisitalia exposée est une 33 DF Voloradente Spider, réalisée sur une base de Fiat 1100 à la mécanique améliorée. Voloradente signifie littéralement " vol rasant ". Quant aux lettres DF, elles correspondent à " Derivata Fiat ". Le modèle présenté à Turin a été dessinée par Aldo Brovarone. La carrosserie est en aluminium.
Cisitalia 33 DF Volo Radente spider - Copyright Moretti conçoit ses propres moteurs. Son nouveau 750 cm3 anime toute une gamme de véhicules. La Moretti 750 Gran Sport qu'il présente à Turin est construite comme une voiture de sport. Le dessin de la carrosserie aux porte-à-faux quasi-inexistants est signée Michelotti. Réalisée en aluminium, elle repose sur un châssis tubulaire. Le quatre cylindres développe 58 ch. L'habitacle, soigné mais pourvu du strict minimum, demeure celui d'une authentique GT.
Moretti 750 Gran Sport - Copyright Giovanni Savonuzzi est recruté en 1939 chez Fiat Aviation. Il y effectue des recherches dans le domaine de l'aérodynamisme et dans celui des moteurs à turbine. En 1945, Dante Giacosa, qui vient de quitter Cisitalia pour rejoindre Fiat, recommande Savonuzzi à Piero Dusio pour le remplacer au poste de directeur technique. En 1948, Savonuzzi s'installe à son compte. Sa sensibilité vis-à-vis des formes, tant sur le plan esthétique que sur celui de l'efficacité aérodynamique, séduit ses clients. Il travaille pour Ford, et entame une relation durable avec Ghia. C'est un homme de réseau, ses contacts sont multiples dans le milieu automobile, qu'il s'agisse de Dante Giacosa, de Ferry Porsche, de Carlo Abarth, de l'ingénieur Rudolf Hruska ou du pilote Tazio Nuvolari. A la demande de son ami Virginio Conrero, Giovanni Savonuzzi travaille à la commande d'un client suisse qui souhaite se faire construire une voiture spéciale afin de participer aux Milles Miles. L'engin doit être futuriste, d'inspiration aéronautique. Cette collaboration débouche sur la voiture présentée à Turin, animée par un moteur Alfa Romeo 1900 porté à 2 litres par Carlo Abarth, et mis au point par Conrero. En-dehors du moteur, certains éléments mécaniques sont empruntés à la Fiat 1400 et à la Lancia Aurélia. Ghia a assuré la réalisation de la carrosserie.
Alfa Romeo Abarth Conrero 2000 - Copyright L'école italienne de la carrosserie est très appréciée outre Manche. Ainsi Bertone et ses confrères sont régulièrement sollicités, soit par des constructeurs, soit par des clients financièrement privilégiés qui souhaitent s'offrir une automobile réalisée selon leurs goûts. Dans le cas présent, c'est l'industriel Stanley “ Wacky ” Arnolt’s qui a passé commande à Bertone d'un habillage spécifique sur un châssis de Bentley Type R. La carrossier italien semble avoir cédé du terrain sur ce qui caractérise le style britannique, et les rondeurs de cette Bentley sont effectivement à contre-courant des lignes italiennes. L'imposante mais fine calandre verticale est l'aboutissement naturel du long capot avant. Les portes s'ouvrent en armoire. La face avant apparaît inutilement surchargée. L'ensemble n'apparaît pas d'un bon goût évident.
Bentley par Bertone - Source : https://rememberroad.com Nous avons ici affaire à une autre collaboration entre un constructeur britannique et un carrossier italien. Les deux protagonistes sont Rover et Pinin Farina. En novembre 1951, Rover a expédié au carrossier italien un châssis du modèle 75. Plus d'une année de travail a été nécessaire pour créer ce cabriolet destiné à attirer l'attention du public lors de ce Salon de Turin.
Rover par Pininfarina - Copyright Au début des années 50, Fred Monroe Zeder, fils de Frederic Zeder, personnage clef dans la naissance du groupe Chrysler, outre ses activités dans la publicité, pilote en course une Allard Chrysler. Un jour, il est battu par Briggs Cunningham qui conduit une voiture de sa conception. Zeder estime qu’il est aussi compétent que son adversaire, et se lance dans la fabrication de sa propre automobile. Grâce à ses relations chez Chrysler, il obtient un châssis spécifique sur lequel il fait monter un V8 Dodge de 260 chevaux. La fabrication est confiée à Bertone à partir d'un dessin de Michelotti. La Dodge Zeder possède une carrosserie interchangeable, et peut se vêtir soit de sa carrosserie à usage civil en aluminium, soit de son habillage compétition, plus léger car en fibre de verre. Le retrait de quatre écrous permet de passer d'une carrosserie à l'autre.
Dodge Zeder, 1953 - Copyright Enrico Nardi après une expérience de préparateur et de pilote moto rentre au service d'essais prototypes de Lancia en 1930, sous l'autorité directe de Vincenzo Lancia. A partir de 1937, on le retrouve au essais chez Alfa Romeo, puis au sein de la Scuderia Ferrari qui utilise des Alfa Romeo. Il se lie d'amitié avec Enzo Ferrari. Quand celui-ci fonde sa propre marque en 1947, il engage Nardi, qui peut se vanter d'être son premier collaborateur. Nardi se lance ensuite dans la fabrication de volants. Avant Nardi, les volants en bois étaient dangereux en cas de bris de la jante, formant autant de poignards. Nardi invente une nouvelle technique de fabrication qui va faire sa renommée, en éliminant ce danger. Enrico Nardi produit parallèlement des voitures sur mesure, qui dans tous les cas adoptent un châssis tubulaire extrêmement léger et rigide. La disponibilité des moteurs Panhard permet à Encico Nardi de s'exprimer avec cette mécanique. Il expose à Turin un coupé doté d'une motorisation française.
Nardi à carrosserie Frua et moteur Panhard - Copyright En résumé, le trente-cinquième Salon de Turin a brillé par la personnalité de l'industrie italienne qui se manifeste sur son terrain avec un brio que chacun s'accorde à reconnaître. Les constructeurs sortent de nouveaux modèles, et ces modèles sont tous destinés à élargir le champ commercial de l'automobile, aussi bien du côté populaire que du côté des voitures de luxe et de sport. Le marché italien a beau être restreint, les constructeurs de ce pays qui travaillent en étroite collaboration avec les carrossiers continuent à oeuvrer dans un esprit de large progrès technique et économique. Certes, les voitures italiennes sont toujours chères à l'exportation, mais elles ont leur public. |