Cunningham


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Cunningham est une marque automobile américaine qui a fabriqué des voitures de sport en petites quantités entre 1951 et 1956. Elle est surtout connue pour ses différentes participations aux 24 Heures du Mans dans les années 50. Elle a été la première marque américaine à s'engager véritablement dans cette course mythique, avant l'arrivée de Ford dans les années 60.


Avant guerre


En 1837, Briggs Cunningham Senior, un riche financier de Cincinatti dans l'Ohio, a l'heureuse idée de soutenir financièrement deux jeunes patrons, William Procter, un fabricant de bougies, et James Gamble, un savonnier, qui créent cette année-là leur entreprise. A ce titre, il devient l'actionnaire principal de Procter & Gamble, futur leader mondial des produits d'hygiène et de beauté. L'un des deux fondateurs devient le parrain de Briggs Swift Cunningham junior, né en janvier 1907. Ce dernier n'a pas d'inquiétude à se faire sur son avenir financier à la mort de son père en 1914.

Durant ses études à Yale de 1927 à 1929, Briggs Cunningham se montre très éclectique dans la pratique des activités sportives, qu'il s'agisse de golf, de boxe, d'athlétisme, ou de yatching. Bien plus tard, en 1958, il est d'ailleurs vainqueur de l'America Cup sur son yatch Columbia à l'issue d'une course exemplaire. Cunningham veut devenir ingénieur, mais il est avant tout un sportman. En 1928, il est pressenti pour représenter son pays sur 110 mètres haies aux Jeux Olympiques d'Amsterdam, mais il décline cette sélection. La famille traverse la crise de 1929 sans être ébranlée grâce à de judicieux investissements.

Sa première voiture alors qu'il est encore étudiant est une Packard Coupé de Ville de 1929 qu'il modifie en prototype sport avec une carrosserie ouverte. Cunningham est l'un des membres de l'Automobile Racing Club of America. Il y fait la connaissance de George Rand, son président, qui lui met le pied à l'étrier en le faisant courir sur une MG Midget. Sa deuxième voiture en 1940 est un modèle original, qu'il dénomme Bumerc, composé d'un châssis et d'un moteur Buick, et d'une carrosserie de Mercedes SSK qu'il découvre dans les ateliers new-yorkais du carrossier Le Baron. Avec son ami Miles Colliers, Briggs effectue quelques courses au volant de la Bumerc.

Durant la guerre, Cunningham est engagé dans la Civil Air Patrol. Il mène des missions anti-sous-marines le long de la côte Est des Etats-Unis. Après-guerre, il devient le premier Américain à posséder une Ferrari, acquise auprès de Luigi Chinetti.


1950, Cadillac


La paix revenue, Briggs Cunningham se fixe un objectif ambitieux, courir les 24 Heures du Mans. Il participe à d'autres courses, mais c'est l'épreuve mancelle qui fera le plus pour sa notoriété grandissante. Son projet initial est d'associer une carrosserie Ford avec une mécanique Cadillac (après la Bumerc, la Fordillac...). Mais les dirigeants de l'Automobile Club de l'Ouest, alertés de l'idée de cet Américain de faire courir ce type de véhicule, le dissuadent. Ils acceptent d'accueillir Cunningham, mais " avec de vraies autos ".

Les deux voitures de Cunningham pour les 24 Heures du Mans 1950, l'une avec une carrosserie d'origine, l'autre surnommée " Le Monstre ". Copyright

Cunningham s'intéresse au moteur V8 5,4 litres à soupapes en tête regorgeant de puissance et de couple que vient de présenter Cadillac. Il fait l'acquisition de trois Cadillac Coupé de Ville et de quelques moteurs de rechange. Les bonnes relations qu'entretient Cunningham avec Ed Cole, le patron de la marque, facilitent les opérations. L'une des Cadillac conserve sa carrosserie d'origine tandis que la seconde est déshabillée pour recevoir une enveloppe simplifiée et pas vraiment gracieuse. Le surnom de " Le Monstre " lui est attribué à juste titre.

Briggs Cunningham à bord de la Le Monstre. Copyright

Dès 1950, l'écurie, avec ses moyens mesurés, s'inscrit donc à l'épreuve mancelle. " Le Monstre " à défaut d'être belle, est efficace. Cunningham a chargé Howard Weyman, un spécialiste de l'aéronautique, employé chez Grumman Aircraft, de dessiner cette carrosserie façon " tank ". Elle atteint 210 km/h dans la ligne droite des Hunaudières, quand la version Coupé de Ville se contente de 185 km/h. Les deux voitures terminent respectivement aux onzième et dixième places. Briggs Cunningham pilote " Le Monstre ". Durant les 24 heures, les voitures connaissent les pires difficultés, fuite, boîte délabrée, ensablement ... Malgré les ricanements des spécialistes, Cunningham est le premier constructeur américain d'après-guerre à défier les Européens au Mans.


1951, les C1 et C2 R


En septembre 1950, Cunningham s'établit à West Palm Beach en Floride. C'est dans cette nouvelle usine que voit le jour la première vraie Cunningham au début de 1951, la C1. Cet élégant roadster, qui préfigure en quelque sorte l'AC Cobra de 1962, s'inspire des barquettes Ferrari de Touring. Le moteur et les freins proviennent de chez Cadillac, la direction de chez Chrysler, les suspensions avant de chez Ford ... Seuls le châssis tubulaire et l'essieu arrière De Dion sont inédits.

Le roadster Cunningham C1 est la première voiture de la marque. Briggs Cunningham, Walters, G. Briggs Weaver et Bob Blake ont participé à sa conception.  Une seule C1 a été construite, avec le numéro de série 5101. Copyright

Mais la C1 n'est qu'un premier brouillon produit en un seul exemplaire. La compétition demeure plus que tout l'objectif majeur, et la course du Mans le point d'orgue pour Cunningham. A la General Motors, l'appui d'Ed Cole à Cunningham et à ses amis sportifs commence à irriter certains dirigeants, qui ne souhaitent pas le moins du monde voir impliqué Cadillac, la division de prestige du groupe, dans une aventure sportive aussi hasardeuse. Mieux vaut anticiper une éventuelle rupture.

La C2 R est mise en chantier en mars 1951. La mécanique Cadillac cède sa place à un bloc Chrysler de 180 ch, poussé pour la compétition à 230 ch. Cunningham ne perd pas au change, puisque Chrysler lui fournit discrètement une assistance sous forme de pièces détachées spécialement sélectionnées, d'utilisation de bancs moteurs (les moteurs sont testés au banc à l'usine durant plus de 100 heures à plein régime), d'entretien ... Trois voitures sont engagées au Mans.

 La Cunningham C2 R succède à la C1. Trois voitures sont construites, adaptées à la course automobiles. Copyright

Le Mauretania aborde les côtes françaises avec trois C2 R de course, un mulet et tout le matériel pour le Mans. L'arrivée de l'équipe américaine ne passe pas inaperçue, avec ses nouvelles voitures et un équipement de pointe. C'est beau, neuf, fonctionnel, bref américain ! Mais Cunningham demeure inquiet. Ses voitures sont lourdes, les pilotes manquent d'entraînement, quatre d'entre eux débutent au Mans...

Cunningham C2 R. Elles utilisent des éléments Ford (suspensions avant), Oldsmobile (suspensions arrière), Cadillac (système de freinage) et Chrysler (motorisation). Copyright

Les craintes de Cunningham sont fondées. A minuit, deux des trois voitures ont déjà abandonné. Par contre le binôme Walter / Fitch se retrouve au petit matin au second rang. Durant six heures, la Cunningham conserve la deuxième place derrière une Jaguar C. Un peu avant midi, un bruit moteur inquiétant et une dégringolade régulière au classement laissent craindre le pire. La dernière Cunningham en course termine à la 18ème place.

 

 

Cunningham C2 R au Mans en 1951. L'épreuve d'endurance des 24 Heures du Mans est déjà mythique, et y participer est indispensable pour se faire un nom. Copyright

En novembre 1951, trois Cunningham C2 " de route " sont livrées à des clients, très proches esthétiquement de la C1 initiale. Un premier dépliant publicitaire accompagnait ce lancement. Copyright


1952, les C3 et C4R


Le nouveau règlement des 24 Heures du Mans 1952 impose à toute marque désireuse de s'inscrire une production minimale annuelle de 25 exemplaires du même modèle. L'objectif est d'écarter les " marginaux ". Afin de répondre à cette exigence, Cunningham met alors en chantier une version routière de la nouvelle C3. En parallèle, il prépare une C4R pour revenir sur le circuit Sarthois.

Cunningham C3 Continental prototype 1952. Vingt-sept C3 sont construites. Une source mentionne  18 coupés et 9 cabriolets. Une autre rapporte 20 coupés et 5 cabriolets avec des carrosseries Vignale, plus 2 voitures carrossées à l'usine de West Palm Beach. Copyright

Briggs Cunningham et la C3 Continental 1953. Copyright

Tant qu'à produire une automobile, Cunningham souhaite lui donner une image internationale. Depuis la fin de la guerre, les carrossiers italiens, par leur style dépouillé et leur méthodes de fabrication, imposent sans réelle concurrence leur vision du design automobile. Ghia, Touring et Pinin Farina sont les maîtres incontestés. Quelques outsiders savent aussi se faire remarquer. Giovanni Michelotti en fait partie. C'est lui qui signe le dessin de la C3 Continental. La fabrication de la carrosserie est confiée à Vignale à Turin. Le premier exemplaire est terminé en février 1952.

Cunningham fait confiance à Chrysler pour la fourniture du moteur qui affiche 220 ch en 1952, puis 235 ch en 1953. Cunningham expose sa nouvelle voiture au Salon de Paris en 1952. Ses deux participations au Mans lui ont déjà apporté une certaine notoriété dans la capitale. En mars 1953, à Genève, Cunningham présente une C3 en version décapotable.

Page de couverture du dépliant publicitaire Cunningham C3. Copyright

Les productions civiles de Cunningham demeurent toujours très confidentielles. Briggs Cunningham ne souhaite pas devenir un commerçant, il a simplement besoin de rentrer dans la catégorie des constructeurs à part entière. En fabriquant la carrosserie en Italie pour l'assembler avec des éléments mécaniques d'origine américaine, il n'a pas fait le choix de la facilité. La navette d'un continent à l'autre grève les coûts, et le prix de vente s'en ressent, pour des automobiles sans noblesse mécanique particulière.

Malgré cela, 28 voitures, dont cinq cabriolets sont tout de même vendues entre 1951 et 1956. Ces productions civiles n'enthousiasment pas Cunningham outre mesure, même si ses clients se montrent satisfaits du résultat. Les Cunningham sont de loin les voitures américaines les plus chères de l'époque. Seules les grandes fortunes du moment, les Rockfeller ou Vanderbild, peuvent s'offrir un tel bijou. Au tarif affiché, la vente d'une C3, à défaut de gagner de l'argent, permet juste à son constructeur de ne pas en perdre.

Ce qui intéresse vraiment Cunningham, c'est la compétition, et essentiellement les 24 Heures du Mans. La C4R de la saison sportive 1952 est conçue pour une utilisation strictement sportive. Le temps des demi-mesures est révolu. Le moteur Chrysler développe maintenant 300 ch. Par rapport à la C2 R, 180 kg sont économisés sur le poids total. Au Mans, trois voitures sont engagées, deux C4R et une C4R-K.

La Cunningham C-4R succède à la C-2R. Trois châssis sont construits, deux habillés en spyder et un en coupé. Ces voitures sont propulsées par un V8 Chrysler de 5,5 litres. Copyright

La C4R-K est dotée d'une carrosserie fermée dessinée par l'aérodynamicien d'origine allemande, Wunibald Kamm (d'où le K), promoteur des lignes arrière à pan coupé. Seule une des trois Cunningham, une C4R, pilotée par Briggs lui-même, termine en quatrième position, frôlant ainsi les marches du podium.

Les Cunningham C4R impressionnèrent le public par leur aspect brutal, leur calandre agressive, les passages de roues avant très échancrés, le bruit rauque du V8 et leur vitesse de pointe. Copyright

L'Auto Journal donnait la parole à Briggs Cunningham dans son numéro 56 du 15 juin 1952, peu avant la course des 24 Heures :

" Par ce matin brumeux, dans une ville qui s'éveille, nous avons saisi Briggs Cunningham, entre un petit déjeuner rapidement englouti et un appel téléphonique. Vêtu d'un veston de tweed gris, la chemise largement échancrée, armé d'un large sourire, Cunningham nous emmène dans le salon de son hôtel, pour nous parler de la nouvelle voiture. " Pour nous américains, commence t'il, la course est chose très difficile. Nous n'avons pas, comme les Français, les Italiens, les Allemands ou les Anglais, des usines qui mettent leurs services techniques à la disposition de la compétition. Toutes les voitures américaines sont des " compound " mélangeant moteur d'une marque, châssis d'une autre, carrosserie d'une troisième, le tout cimenté d'une part plus ou moins grande d'initiative personnelle. Sur ce plan, nous sommes incontestablement désavantagés vis-à-vis de nos amis européens ... Mes adversaires les plus dangereux seront certainement Mercedes, Ferrari, Jaguar et Talbot. De cette dernière, je ne sais presque rien, mais la voiture a fait ses preuves d'endurance et sa nouvelle carrosserie ne peut que l'avantager encore. Gordini ne m'effraye pas, sa mécanique est trop fragile. Je me méfierai, évidemment de Jaguar, mais surtout de Mercedes. Ce n'est pas une marque à se lancer à la légère dans la bagarre ... Indépendamment de la compétition, nos usines ont reçu commande de trente voitures. Nous espérons pouvoir les livrer avant Noël. Vous savez, l'ennui vient de ce que nous ne sommes qu'une trentaine. Aussi au début enverrons-nous les châssis nus en Italie pour être carrossés par Vignale qui habille déjà des Ferrari. Plus tard, quand le pli sera pris, les carrosseries nous seront directement envoyées aux USA ... " Dans les hangars voisins, nous avons vu les quelque soixante caisses de pièces de rechange, les 25 roues montées, les deux moteurs de réserve. Rien ne semble laissé au hasard. Briggs Cunningham a compris que l'organisation était le premier facteur de la victoire "

Briggs Cunningham. Copyright

Briggs Swift Cunningham (1907/2003) est un navigateur, pilote automobile et propriétaire d'une écurie américain. Il remporte la Coupe de l'America en 1958 avec le defender Columbia, et invente un dispositif de réglage de voile qui porte son nom, destiné à augmenter la vitesse d'un voilier. L'écurie de Briggs Cunningham est une des premières à gagner avec des voitures à rayures longitudinales bleues sur fond blanc. Ces couleurs sont considérées comme les couleurs nationales des Etats-Unis, et sont reprises par Shelby.


1953


La période de rodage et de reconnaissance est maintenant terminée, et toute l'activité de la jeune firme est orientée vers un seul but : Les 24 Heures du Mans. C'est une véritable colonie américaine qui débarque dans la Sarthe. Même la ... cuisinière familiale a effectué le déplacement.

Les deux C4R sont de retour, mais la nouvelle C5R habillée d'une carrosserie dessinée par Michelotti, avec une calandre basse et très évasée, qui lui vaut le surnom de " Le requin ", lui vole la vedette. La C5R se mêle à la lutte Ferrari contre Jaguar, et termine la course en troisième position, la meilleure place enregistrée jusque-là par l'équipe américaine aux 24 Heures. Les deux autres Cunningham C4R sont classées aux septième et dixième places.

Cunningham C5R au Mans en 1953. Copyright

L'AAT de mai 1953 annonce ainsi la participation de l'écurie américaine au Mans :

" Pour la quatrième fois, on reverra au Mans les voitures de Briggs Cunningham, qui défendra les couleurs américaines dans cette grande épreuve internationale. Après quatre années de travail et de mise au point, il convient de considérer cette fois la représentation américaine avec sérieux, car Cunningham, après une période d'expérience nécessaire, paraît avoir enfin réalisé les engins susceptibles de tenir la construction européenne en échec. Briggs Cunningham, âgé de 45 ans, est un homme jeune encore, dynamique et sportif que la course en automobile passionne. Il est venu à la compétition sur route en passant par la navigation automobile, spécialité dans laquelle il excelle encore d'ailleurs. C'est au début de 1950 que Cunningham commence à réaliser des voitures de sport. Il s'installa en Floride et, petit à petit, grâce à son travail infatigable et à sa connaissance, il développa son affaire qui compte actuellement 45 personnes dont 38 ouvriers et 7 ingénieurs et contremaîtres. L'usine, dont la superficie est d'environ 6000 m2, produit à peu près une voiture de sport par semaine, cadence qui convient à une demande qui n'a pas encore pris l'habitude de rechercher la production américaine dans ce domaine ".


1954


Une troisième et une cinquième places sont acquises en 1954 par deux C4R. La troisième voiture à courir sous les couleurs de Cunningham, en fait une Ferrari, abandonne durant la nuit.

Les Cunningham au Mans en 1954. Copyright

L'Auto Journal annonce ainsi l'engagement de Cunningham dans son numéro 103 du 1er juin 1954 :

" Cunningham est à peu près le seul constructeur de voitures de sport. Disposant d'une grande fortune il s'ingénie à fabriquer en petite série des modèles qui empruntent leurs moteurs à Chrysler ou à Cadillac. Ce sont donc des V8 de la plus grosse cylindrée possible. Les carrosseries sont souvent inspirées des dessinateurs italiens. Le dernier modèle commercialisé par Cunningham est le Continental Cabriolet, qui dispose d'un moteur Chrysler V8 de 223 CV et atteint 200 km/h ... Cunningham, dont la production est très limitée, vend ses voitures plus cher que les voitures de sport étrangères importées aux Etats Unis ... Cunningham s'intéresse beaucoup à la production européenne en matière de voitures de sport, et il fait appel, cette année, à un moteur italien Ferrari de 4,5 litres qui équipera une des trois voitures qu'il engage au Mans, les deux autres étant munies de moteurs Chrysler. Cunningham pilotera personnellement ".

Cunningham C4R. Copyright

C'est la dernière fois que le pilote Briggs Cunningham se classe au Mans, au volant d'une voiture portant son nom.


1955


Cunningham n'a toujours pas gagné au Mans. Les difficultés rencontrées l'année précédente par les C4R battues en vitesse pure par les Ferrari et Jaguar semblent avoir découragé le riche pilote américain. Pour fortuné et enthousiaste qu'il est, il ne peut tout de même pas rivaliser seul avec les plus grandes marques. Pourtant un effort est encore consenti et c'est une nouvelle voiture, la C6R, qui fait son apparition en 1955.

Les côtes principales des anciens modèles sont conservées mais la C6R apparaît plus basse, mieux profilée et comme les Jaguar, elle est équipée d'une dérive se confondant avec le repose tête. Cunningham a abandonné les moteurs Chrysler pour une mécanique Meyer Drake. La mise au point de la voiture est à peine terminée quand débutent les premiers essais. Après avoir un instant occupé la 13ème place, la numéro 22 se retire. La transmission vibre et le moteur s'essouffle. Une page se tourne.

Cunningham C6R au Mans en 1955. Copyright

A défaut de victoire, les courageuses tentatives de Cunningham dans la Sarthe lui valent de connaître une extraordinaire popularité en Europe. Les vraies Cunningham participent cinq fois au Mans, de 1951 à 1955, en laissant une empreinte indélébile dans l'histoire de cette compétition. Seul Ford, parmi les constructeurs américains, mais avec des moyens d'une autre ampleur, parvient à faire parler de lui dans la Sarthe durant les années 60 en remportant la course à quatre reprises.

Cunningham englouti dans la compétition une partie de sa fortune. Il déclarE son département de course automobile comme étant une activité professionnelle. Mais au regard des déficits déclarés, le fisc requalifie cette activité comme étant un loisir. Fiscalement, les pertes ne peuvent pas être défalquées des impôts. Dès lors, il est pour lui devenu inenvisageable de poursuivre un engagement au Mans.


Après 1955


Briggs Cunningham ne construit plus aucune voiture sous son nom après la C6R. Il fait par contre courir au Mans jusqu'au début des années 60 des Chevrolet, Maserati et Jaguar, avec des fortunes diverses. Fort d'une certaine renommée, Cunningham devient après 1955 distributeur officiel de Jaguar et de Maserati, puis de Porsche, dans l'Etat de New York et de la Nouvelle Angleterre. A titre personnel, il pilote jusqu'en 1965, année durant laquelle il court sa dernière épreuve à Sebring sur une Porsche 904.

Chevrolet Corvette sous les couleurs de Cunningham au Mans en 1960. Copyright

Le magazine l'Automobile consacre en juin 1966 un article à l'aventure des voitures américaines au Mans, et revient notamment sur la carrière de Briggs Cunningham :

" 59 ans bientôt, la stature d'un shérif distingué, le teint et le regard de ces hommes qui aiment et hantent la mer, une élégance discrète et pourtant remarquée, beaucoup de dollars, trois enfants et trois passions : la voile, l'automobile et Le Mans, tel se présente Briggs Swift Cunningham, industriel, pilote, jadis constructeur, conservateur de musée et ... citoyen d'honneur de la capital sarthoise. Fils d'un spécialiste dans le conditionnement des aliments, qui, un beau jour, s'était senti une vocation de ... banquier, Briggs Cunningham fut d'abord - et l'est encore - un marin. La fameuse Coupe America, l'intéressait alors beaucoup plus que Le Mans. La voile, le large lui faisaient oublier ses débuts de pilote quand, à 16 ans à peine, avec la complicité du chauffeur de la maison, il s'était essayé aux commandes d'une Dodge puis à celles de tous les camions du garage paternel. L'automobile, il l'aimait, bien sûr, comme on aime un beau meuble, un beau livre, une belle toile. Un voyage (de noces) en Europe lui fit découvrir une Mercedes S, à son retour, pour elle il créa un musée qui maintenant abrite 100 modèles. C'est d'ailleurs ce goût du beau qui devrait conduire Cunningham à s'offrir un jour une Ferrari. C'est son goût du risque qui bientôt lui fit essayer la merveille. L'année 1948 alors s'achevait, 18 mois plus tard Cunningham abordait l'aventure Mancelle ... Le 25 mars dernier, à Sebring, Cunningham courait encore ..."

Briggs Cunningham en 1962, source AAT Mai 1962. Copyright


Son musée


Après la guerre, Briggs Cunningham commencE une collection de voitures anciennes. En 1963, il épouse Laura Elmer. C'est elle qui l'incite à regrouper ses voitures dans un musée. Celui-ci ouvre en 1966 à Costa Mesa en Californie, où il est désormais installé. Le musée regroupe en permanence environ 80 voitures de la collection personnelle de Briggs Cunningham, plus quelques autres prêtées en dépôt par des amis.

Cunningham (à gauche) accueillait en 1970 Louis Chiron (ici au volant d'une Delage) dans son Musée. Copyright

Ce musée regroupe des voitures du début du 20ème siècle jusqu'aux années 70. Les choix réalisés résument parfaitement l'évolution de la technique automobile et du style en trois quarts de siècles. Bien évidemment, les Cunningham ne sont pas oubliées. Ce musée qui ne compte que des voitures en état de marche est en son temps l'un des plus intéressants des Etats-Unis, avec celui de Bill Harrah. A l'approche de ses 80 ans, Cunningham fait le choix de vendre sa collection à Miles Collier Junior, fils de Miles Senior, l'ami de Briggs Cunningham décédé en 1954. La collection Collier installée en Floride n'est plus accessible au public.

Briggs Cunningham, Automobiles Classiques N° 11, hiver 1985. Copyright

Le gentleman driver nous quitte en juillet 2003.


Revival


En 1993, Lawrence (Larry) Black, écrivain, entrepreneur et sportif, constate que les Etats-Unis ne comptent plus aucun constructeur de GT digne de ce nom, et songe à la faire construire lui-même. Il faut une marque à cette automobile. Celle de Cunningham semble la plus opportune, tant son prestige résonne encore aux oreilles des amateurs.

Afin de trouver les capitaux nécessaires à l'étude du prototype, Black s'approche de Stephen Norman, propriétaire d'une concession BMW à Seattle. Black doit néanmoins s'assurer des droits d'utilisation de ce nom devenu mythique. Briggs Cunningham III, le fils unique du fondateur de la marque Cunningham, est si intéressé par cette idée qu'il rachète la participation de Norman dans ce projet.

Cunningham C7. Copyright

Black contacte Bob Lutz, président de Chrysler, par l'intermédiaire du journaliste automobile David E. Davis. Lutz se montre séduit par le projet, et s'y engage financièrement. Chrysler a un passé commun avec Cunningham, pour avoir été son fournisseur de moteurs à partir de 1951. Ce nouveau rapprochement, près d'un demi-siècle plus tard, semble donc approprié. Il s'avère également que Lutz est passionné par l'histoire des Cunningham. Il possède d'ailleurs dans son bureau une photo d'une C4R K.

Chrysler propose un moteur pour la nouvelle Cunningham, un V12 constitué par deux V6 accolés. L'enthousiasme est de mise au départ du projet. Ce que personne n'a su anticiper, ce sont les conséquences de l'union entre Mercedes et Chrysler en 1998. Les Allemands considèrent que la Cunningham peut constituer une menace pour leur projet Maybach. Par ailleurs, Bob Lutz, principal supporteur de ce projet, quitte Chrysler cette même année.

Cunningham C7. Copyright

L'affaire ayant capoté côté Chrysler, Black, toujours avec l'appui de David E. Davis, prend contact avec les dirigeants de la General Motors. L'aventure Cunningham en compétition a bien commencé en 1950 avec deux Cadillac ! Le designer Steward Reed est consulté pour dessiner la nouvelle GT. Le prototype C7 est présenté au Salon de Détroit en janvier 2001. La production doit débuter en 2004. Seules les Chevrolet Corvette et Dodge Viper peuvent constituer une concurrence " made in USA ". Mais ces deux voitures sont plus résolument tournées vers les performances, alors que la Cunningham vise plus le Grand Tourisme, à la manière des Ferrari 456 GT ou Aston Martin. Mais le projet ne sera hélas jamais mené à son terme.

Cunningham C7. Copyright

Texte : André Le Roux / Jean-Michel Prillieux
Reproduction interdite, merci.

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