Turin 1968


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Le Salon de l'automobile de Turin célèbre sa cinquantième édition, un anniversaire marquant pour l'industrie automobile italienne. Soixante-huit ans après ses modestes débuts en avril 1900 (neuf mois après la fondation de Fiat) sur les rives du Pô avec seulement 25 exposants sur 800 m2, l'événement connaît une expansion spectaculaire. Cette année, il s'étend sur 28 000 m2 et accueille 496 exposants provenant de 14 nations.

Ce Salon offre à l'industrie automobile italienne l'opportunité de dresser un bilan positif, influencé non seulement par l'accord Fiat-Citroën, mais également par les tendances actuelles du marché. Sur la période des huit premiers mois de 1968, Fiat a détenu 67,86 % du marché italien, suivi par Alfa Romeo avec 5,92 %, Innocenti avec 4,25 %, Autobianchi avec 3,68 %, et Lancia avec 3,27 %. Les chiffres pour Ferrari, Maserati, Lamborghini, Iso, Bizzarrini et De Tomaso demeurent bien plus modestes. Les importations représentent 14,75 % des immatriculations. Les marques allemandes sont dominantes, précédant les marques françaises qui réalisent un score honorable de 46 802 immatriculations, loin devant les 5 233 immatriculations de voitures britanniques. Cette part des importations est en nette augmentation, grâce à une diminution des taxes résultant d'une évolution de la réglementation au sein de la CEE.

Fiat représente environ 5 à 6 % de la production mondiale et 21 % de celle du Marché Commun. Le constructeur exporte près d'un tiers de sa production, sans compter les milliers de voitures produites sous licence dans de nombreux pays. Les statistiques des sept premiers mois de 1968 en Italie révèlent une production automobile en hausse de 2,8 %. Cette progression modérée découle d'une dynamique contrastée : un marché intérieur atone, avec une baisse des immatriculations d'environ 3 %, et une concurrence accrue des importations. Heureusement, cette situation est compensée par une forte croissance des exportations, qui ont bondi de 35,8 % sur cette période.

Du côté des carrossiers, ils sont tenus d'abandonner les méthodes dépassées pour cultiver leur art. D'ailleurs, ceux qui ne s'adaptent pas à cet impératif disparaissent. Produire avec un bon niveau de productivité constitue une condition de survie. Il y a huit ans, le pavillon des carrosseries spéciales accueillait une vingtaine d'artisans. Aujourd'hui, plus de la moitié d'entre eux ont disparu. Paradoxalement, le nombre de carrosseries spéciales produites sur la même période est passé de 26 600 unités à 46 000 unités. Cependant, ce sont principalement Pininfarina et Bertone qui ont préempté ce marché, grâce à leur capacité à investir dans des outils modernes.


Au Salon, Fiat présente les versions Special des modèles 124 et 125, illustrant sa nouvelle stratégie qui consiste à proposer systématiquement une déclinaison plus puissante et mieux équipée pour chaque nouveau véhicule. La 124 Special se distingue en adoptant le moteur de 1 438 cm³ et 70 ch des versions Sport et Spider, remplaçant ainsi le bloc de 1 197 cm³ et 60 ch de la version de base. Esthétiquement, les modifications incluent des poignées de porte encastrées, l'ajout de butoirs de pare-chocs et un nouveau dessin ajouré pour les jantes.

Fiat 124 Special

De son côté, la 125 Special se positionne comme une berline élégante, avec la probabilité d'empiéter sur les ventes des modèles 6 cylindres 1800 et 2300, en attendant l'arrivée annoncée de la future 130. Son niveau d'équipement intérieur est plus étoffé avec des sièges plus épais et un revêtement en simili noir qui remplace l'imitation bois sur le tableau de bord. Esthétiquement, elle se distingue de la version de base par l'ajout de chromes et le déplacement du jonc latéral sous les poignées de porte. Contrairement à la 124 Special, la cylindrée du moteur reste à 1 608 cm3, mais sa puissance augmente de 90 à 100 ch Din. Cette augmentation s'accompagne de l'adoption d'une boîte de vitesses à cinq rapports, dont le cinquième est surmultipliée.

Fiat 125 Special - Source : https://en.wheelsage.org

De nombreux constructeurs et carrossiers ont réalisé ces dernières années des études de véhicules typiquement urbains, bien qu'aucun lancement en série n'ait encore concrétisé ces recherches. Sur le plan du design, des similitudes entre les différentes réalisations sont monnaie courante. Malgré des dimensions plus importantes, la ressemblance entre la Fiat 850 City Taxi présentée cette année à Turin et la Daf City d'Osi, dévoilée sur ce même Salon il y a deux ans (et dont on n'entend plus parler) est saisissante.

Fiat 850 City Taxi - Copyright

Conçue par le centre de Style Fiat, la 850 City Taxi est un prototype utilisant la mécanique de la 850 Spéciale automatique. Elle se caractérise par une porte coulissante, située côté passager, tandis que celle du conducteur reste conventionnelle. La banquette arrière peut accueillir trois personnes et dispose, à l'arrière, d'un espace pour les bagages accessible par la lunette, au-dessus du compartiment moteur. À l'avant, le siège passager a la forme d'un strapontin, libérant ainsi de l'espace pour des bagages supplémentaires une fois replié. La disposition des portes entraîne une asymétrie notable des six vitres.

Fiat 850 City Taxi - Copyright

Considérablement étoffée en mars 1967 au moment du Salon de Genève, la gamme Fulvia s'élargit une nouvelle fois et compte désormais un total de neuf versions, dont :

- 3 berlines : 2C (1 091 cm3 / 71 ch Din), GT (1 231 cm3 / 80 ch Din) et GTE (1 298 cm3 / 87 ch Din)
- 6 coupés : 1200, Rallye 1300, Rallye 1300 S, Rallye 1300 HG, Rallye 1600 HF et Sport 1300 S

La berline GTE figure parmi les quatre nouveautés dévoilées à Turin. Elle intègre le moteur de la Lancia Fulvia Coupé Rallye 1300, ce qui améliore naturellement ses performances, avec une vitesse maximale qui dépasse désormais les 160 km/h. Le système de freinage est adapté à cette puissance accrue, et le niveau d'équipement est rehaussé, incluant un allume-cigare électrique, un support d'essuie-glace anti-reflet, de nouvelles poignées de porte intérieures et des enjoliveurs de roue inédits ornés de l'écusson de la marque. Le levier de vitesse au plancher, proposé en option sur la GT, est désormais de série sur la GTE.

Lancia Fulvia GTE - Source : https://en.wheelsage.org

La Fulvia Sport, assemblée par Zagato et initialement présentée à Turin en 1965, figure au catalogue de Lancia, qui la commercialise en parallèle de ses propres modèles. Bénéficiant de la même mécanique que le coupé Lancia, elle reçoit désormais le moteur V4 de 1.3 litre développant 90 ch. Plus légère et dotée d'un meilleur profil aérodynamique que le coupé, la Fulvia Sport 1.3 en version S se révèle plus rapide et atteint une vitesse de 180 km/h. Sur le plan esthétique, elle se différencie de la version 1.3 par ses nouveaux enjoliveurs, ses monogrammes avant et arrière, ainsi que par ses essuie-glaces antireflet.

Lancia Fulvia Sport 1.3 S - Source : https://en.wheelsage.org

Lancia Fulvia Sport 1.3 S - Copyright

Partant de la base de la Fulvia 1300 Sport, Zagato vient de concevoir un spider qui en conserve les lignes générales. La longueur totale est réduite de 15 cm, tandis que l'empattement demeure inchangé. Actuellement à l'état de prototype, Zagato envisage de commercialiser ce cabriolet. Il ne dispose pas encore de hard-top, mais la capote se dissimule intégralement à l'arrière dans un logement masqué par un couvercle situé juste devant le coffre à bagages. La finition est améliorée grâce à des sièges spécifiques avec appuie-tête intégrés, de la moquette, un volant Zagato à trois branches, des vitres à commande électrique, des ceintures de sécurité, une console centrale, de larges jantes en alliage et un embout d'échappement chromé. À l'avant, contrairement au modèle de série, les phares sont carénés. La carrosserie est entièrement réalisée en Peraluman, un alliage d'aluminium. Les feux arrière proviennent de la Peugeot 204.

Lancia Fulvia Sport Spider par Zagato - Photo Pablo Rivas

La Fulvia Coupé Rallye 1.3 S se positionne au-dessus de la Rallye 1.3 en fin de production, et affiche une puissance de 90 ch au lieu de 87 ch. Le modèle le plus abouti de la gamme Lancia Fulvia, le coupé Rallye 1.6 HF, succède à la Rallye 1.3 HF, produite à 882 exemplaires depuis 1967. La cylindrée augmente à 1 584 cm³, et la puissance passe de 101 à 115 ch Din. Ce modèle inaugure une nouvelle boîte de vitesses à cinq rapports. Les jantes larges inédites en alliage nécessitent un élargissement des passages de roues. Bien qu'aucun chiffre officiel n'ait été communiqué concernant la vitesse, compte tenu du poids qui, grâce à l'utilisation de plusieurs éléments en plastique (capot moteur, coffre ...) ne dépasse légèrement que les 800 kg, elle devrait atteindre les 200 km/h sans difficulté majeure. Lancia annonce un temps de 29,7 secondes au kilomètre départ arrêté. Les freins à disque, la suspension avant, la direction et l'essieu arrière sont renforcés. Désormais, tous les espoirs sportifs de la marque reposent sur ce modèle.

Lancia Fulvia Coupe Rallye 1.6 HF - Source : https://en.wheelsage.org

Alfa Romeo ne présente aucune nouveauté à Turin et choisit de mettre en avant ses voitures de compétition 33, qui ont brillamment participé aux 24 heures du Mans. Les observateurs attendent de ce constructeur l'arrivée d'une petite voiture plus populaire, produite dans une usine entièrement nouvelle située près de Naples. Ce modèle représente l'outil du gouvernement de Rome pour dynamiser l'emploi dans le sud de l'Italie et concurrencer la domination de Fiat dans le segment des petites cylindrées. Actuellement, le modèle phare de la marque demeure la Giulia 1300 Ti.

Ce prototype à moteur central, dont l'étude initiale a été menée par Autobianchi avant d'être reprise par Fiat et de demeurer inachevée, semble davantage destiné à susciter l'intérêt du public sur le stand Autobianchi qu'à une commercialisation immédiate. Dessiné par Pio Manzù, qui travaille au sein du centre de style de Fiat, son statut provisoire est souligné par un panneau " défense d'ouvrir les portes " apposé sur le modèle exposé. Des rumeurs malveillantes ont suggéré que les portes étaient simplement collées, à l'instar des roues, voire que leur forme n'était qu'un dessin sur la tôle. Cependant, il est avéré que les roues sont fonctionnelles. Pour justifier la présentation hâtive de cette maquette non motorisée, Autobianchi avance son intention d'évaluer les réactions du public face à un tel concept avant d'envisager une éventuelle production.

Autobianchi Studio coupé - Source : https://en.wheelsage.org

Ce coupé est néanmoins conçu pour accueillir le moteur de la Fiat 125, monté en position arrière. Lors de la conception de l'habitacle, une attention particulière a été accordée à l'étude des éléments contribuant à la sécurité passive. Le tableau de bord, les garnitures de portes, le ciel de toit, les montants et l'ensemble de l'habitacle sont recouverts de panneaux en mousse de polyuréthane. La carrosserie en polyester offre deux places avant, équipées d'appuie-tête, ainsi qu'une banquette arrière, proposant l'espace habituel d'un modèle 2+2. Les phares sont escamotables et les pare-chocs sont gainés de caoutchouc.

Autobianchi Studio coupé - Source : https://en.wheelsage.org

Les essuie-glaces, au repos, se dissimulent sous le capot. Le panneau arrière constitue un hayon, et la vitre est protégée par des lamelles évoquant un store vénitien. Les fentes d'aération latérales servent d'un côté de sortie d'air et, de l'autre, d'entrée d'air. Il s'agit malheureusement de l'ultime création de la Carrosserie Osi, qui cesse ses activités automobiles. Mise en production par un autre acteur, ce coupé Autobianchi posséderait de nombreux atouts face à une concurrence dont le caractère se révèle le plus souvent superficiellement sportif.

Autobianchi Studio coupé - Source : https://www.archivioprototipi.it

Présentée au Salon de Paris 1967, I'lso 4 places carrossée par Ghia prenait la désignation de S-4. Elle est désormais appelée S-4 Fidia, un changement qui s'accompagne de quelques modifications intérieures notables. Contrairement à la version précédente où la console centrale s'étendait jusqu'à la banquette arrière, recouvrant intégralement le tunnel de transmission, sur la Fidia S4, elle s'arrête au niveau des sièges avant, offrant ainsi trois places confortables à l'arrière. Le bois disparaît de la console et des portières, au profit d'un nouveau revêtement, tandis qu'à l'arrière, le cuir recouvre entièrement les montants du pavillon. Iso a renforcé le garnissage entourant la planche de bord, qui présente un léger décrochement central. Une boîte à gants supplémentaire fait son apparition sous le tableau de bord, côté passager. Les boutons intérieurs de verrouillage des portes sont désormais en métal au lieu de plastique. L'Iso S-4 Fidia est propulsée par un moteur V-8 Chevrolet de 5,3 litres développant 300 ch, avec la possibilité d'opter pour une version plus puissante de 350 ch.

Iso S-4 Fidia - Source : https://en.wheelsage.org

Chez Innocenti, qui assure la production sous licence de la célèbre Mini britannique depuis octobre 1965, une évolution significative est introduite avec la nouvelle version Mk 2. Bien que conservant la cylindrée de 850 cm³, le moteur de cette mouture gagne en performance, passant de 41 à 48 chevaux SAE. Cette augmentation notable de la puissance est obtenue grâce à l'adoption de pièces initialement développées pour la Mini Cooper, incluant une culasse spécifique, des soupapes de plus grande dimension, ainsi qu'un nouveau carburateur. Parallèlement à l'offre existante du modèle T, reconnaissable à sa décoration en bois, et équivalent de la version Estate britannique, Innocenti élargit son offre avec l'introduction d'une version tôlée plus dépouillée et plus accessible. Les Mini produites en Italie bénéficient d'un niveau d'équipement généralement supérieur à celui des modèles fabriqués outre-Manche.

Innocenti Mini T - Source : https://en.wheelsage.org

Forte du succès de son coupé Ghibli, dévoilé au Salon de Turin en 1966, Maserati a décidé de créer une version Spyder, dont le design a été confié au talent de Ghia. Ce projet marque l'une des dernières collaborations de Giorgetto Giugiaro avec le célèbre carrossier. La Spyder hérite de l'élégance et de la pureté des lignes du coupé, sublimée par une capote ingénieusement conçue pour se dissimuler avec fluidité sous un panneau d'acier, qui prolonge harmonieusement la ligne du coffre.

Maserati Ghibli Spyder - Copyright

Pour ceux qui le souhaitent, un hard-top optionnel, peint à la couleur de la carrosserie, transforme la version Spyder en un véritable coupé. Hormis des renforts structurels au niveau des bas de caisse et du tunnel de transmission, nécessaires à la rigidité de la carrosserie ouverte, la Ghibli Spyder conserve l'esprit et le charme de sa version fermée. La future Citroën-Maserati reste toujours dans l'ombre, d'autant qu'on ne sait pas encore ce que va devenir ce projet à la suite des accords avec Fiat, lui-même plutôt tourné vers Ferrari.

Maserati Ghibli Spyder - Source : https://en.wheelsage.org

Toujours sous l'égide de Ghia, Giorgetto Giugiaro ne rencontre pas le même succès esthétique avec la Maserati Simun, un coupé 2+2 qui s'inscrit dans l'esprit de la Ghibli, mais dont le dessin apparaît quelque peu chargé. Cette voiture représente une nouvelle évolution du langage stylistique que de designer a initié avec les Maserati Ghibli et De Tomaso Mangusta, un style que l'on retrouve également sur l'Oldsmobile Thor. Ses grandes vitres se prolongent loin à l'arrière et se terminent par une petite trappe ornée du trident, dissimulant le bouchon d'essence. Son châssis a été spécialement étudié pour cette réalisation. Le moteur est le 4,2 litres déjà connu. La Simun mesure 4,64 mètres de long, 1,82 mètre de large et 1,23 mètre de haut.

Maserati Simun, par Ghia - Source : https://en.wheelsage.org

Giorgetto Giugiaro a débuté sa carrière chez Bertone (1962/1965) avant de travailler pour Ghia (1965/1968), qu'il vient de quitter. Outre ses réalisations récentes exposées chez Ghia, il est également présent à Turin via sa nouvelle société, Ital Design. Comme Frua ou Michelotti, le fait qu'il n'emploie pas suffisamment d'ouvriers lui interdit l'accès au Salon. C'est donc sur le stand Bizzarrini qu'est présentée sa première création sous sa nouvelle enseigne : la Bizzarrini Manta. Ce prototype, dont le nom évoque une grande raie, a été conçu et construit en seulement 45 jours. Le designer a opté pour la simplicité et l'efficacité, une rapidité d'exécution qui a évité peut-être quelques surcharges inutiles.

Bizzarrini Manta, par Ital Design - Copyright

Giorgetto Giugiaro connaît bien Giotto Bizzarrini grâce aux différentes Iso créées pour Enzo Rivolta. Il a donc naturellement sollicité l'ingénieur pour obtenir un châssis, qui lui a fourni celui de la Bizzarrini P538S à moteur central V8 Chevrolet, engagée aux 24 Heures du Mans en 1966. Outre sa teinte turquoise frappante, le styliste s’est concentré sur l'aérodynamisme. Jusqu'à présent, l'architecture automobile nous a habitué aux voitures dites " trois corps " ou " trois volumes ". Sur certaines voitures plus récentes, avec toute la mécanique concentrée à l'avant ou à l'arrière, on a observé une fusion progressive du corps arrière avec celui du centre. Giugiaro a dessiné un profil d'un seul trait, sans rupture, de la calandre au panneau arrière. Cet exercice de style n'a toutefois pas la pureté de ligne de l'Alfa Romeo 33 Carabo de Bertone, présentée il y a quelques semaines à Paris, dont l'avant est lui aussi continu.

Bizzarrini Manta, par Ital Design - Copyright

Les bas de caisse ajourés symbolisent la légèreté. Les trois ailettes situées à la base du pare-brise sont réglables de l'intérieur, et permettent d'augmenter la visibilité à allure modérée, notamment en ville. La faible inclinaison du pare-brise impose cette astuce pour voir la chaussée. A grande vitesse, leur effacement permet d'obtenir une ligne continue de l'avant au sommet du toit. Le décrochement de la poupe est à peine marqué, si bien qu'entre le sommet de la voiture, culminant à 1,05 mètre, et l'arête de la poupe, il n'y a qu'une différence de 0,137 mètre.

La lunette arrière très horizontale offre une visibilité assez réduite, qui est améliorée grâce à une vitre verticale placée dans le haut du panneau arrière. Les orifices d'échappement sont positionnés dans ce qui sert de pare-chocs, en dessous des ensembles de feux de position. Le tout concourt à donner à la Manta un aspect très massif. Trois personnes de front peuvent prendre place à bord, comme sur la Ferrari 365 P de Pininfarina (1965). Le pilote est assis au centre. Le carrossier annonce une vitesse de pointe théorique de 330 km/h. Mais en réalité, la voiture n'est pas roulante pour l'instant.

Giugiaro - Source : Ital Design Giugiaro

Présentée en 1966 par la société italienne Urbanina e Cristiani SpA, cette voiture citadine est déclinée en plusieurs carrosseries, dont un " panier " pour la plage et un nouveau landaulet au style rétro, en plus de sa version cylindrique classique dotée d'un coffre en métal. L'ingéniosité du concept réside dans le châssis pivotant, qui permet d'orienter la porte pour un accès plus aisé à l'habitacle. Les Urbanina sont propulsées par un moteur électrique.

Urbanina Landaulet - Copyright

Lamborghini présente une version " S ", abréviation de " Spinto " (poussé), dont la puissance du moteur V12 a été augmentée de 20 chevaux pour atteindre 370 ch Din grâce à de nouveaux réglages de carburation et une nouvelle pipe d'admission. Cette variante se distingue par des détails esthétiques inédits tels que des encadrements de vitres chromés et des entourages de phares en métal. L'habitacle bénéficie de contre-portes redessinées, de vitres électriques et d'un vide-poche fermant à clé sur la console centrale. La sellerie en cuir et la climatisation demeurent optionnelles.

 Lamborghini Miura S - Source : https://en.wheelsage.org

Bertone enrichit sa gamme avec une version Racer Team basée sur le spider Fiat 850. Ce modèle sportif vient s'ajouter aux Fiat 850 Racer Convertible et 850 Racer Berlinette que Bertone a lancées en mars de cette même année. La Racer Team se distingue par un équipement plus orienté vers la performance, incluant des sièges baquets inspirés de la Miura, un volant sport à branches allégées (en acajou ou en peau), un tableau de bord en métal mat (en remplacement du simili bois), des pare-chocs allégés, des phares à iode, des jantes en alliage de magnésium et des bandes décoratives colorées. La console centrale intègre une montre et la commande des phares additionnels. La Racer Team est motorisée par le nouveau bloc 903 cm3 Fiat. Les passionnés de conduite sportive peuvent confier la préparation du moteur au spécialiste Giannini.

Bertone Racer Team - Copyright

Comme de coutume, ce sont les stands des carrossiers qui font l'actualité de ce Salon. Sur le plan de la création pure, Bertone marque le pas après la Carabo. Pininfarina est le plus prolifique, avec trois créations originales. Il joue à fond son rôle d'ambassadeur de la carrosserie italienne aux quatre coins du globe. Son stand, composé d'un imposant tapis noir sur lequel se détachent, peintes uniformément en un délicat gris perle, sept de ses plus récentes créations, est de bon goût. Parmi ces créations, trois constituent des nouveautés absolues.

Première de ces trois voitures, l'Alfa Romeo P/33 a été dessinée par Paolo Martin. Dévoilée après la Ferrari P5 Pininfarina (Genève en mars) et exposée près de la Ferrari P6 du même carrossier (ci-dessous), cette création surprend par son esthétique aux lignes acérées et minimalistes, qui tranche radicalement avec les courbes sensuelles des Ferrari P5 et P6. Un développement précipité aurait-il bridé le potentiel de ce roadster ?

L'identité visuelle de la P/33 est marquée par une signature lumineuse distinctive : une barre intégrant six phares Carello à iode, combinant deux feux de croisement et quatre feux de route pour une visibilité optimale. L'arceau de sécurité, bien plus qu'un simple élément de protection, se révèle multifonctionnel. Il accueille un aileron stabilisateur dont l'angle est ajustable hydrauliquement, et intègre également le radiateur d'huile. L'absence de portes conventionnelles est compensée par deux petites ouvertures à pivot vertical, facilitant l'accès à l'habitacle.

Alfa Romeo P/33 par Pininfarina - Source : https://en.wheelsage.org

La silhouette en coin, nouvelle tendance inspirée du championnat CanAm (Canadian-American Challenge Cup), est ici interprétée sans fioritures. Le petit pare-brise panoramique, qui tient plus lieu de saute-vent, est situé dans le même plan que le capot. Deux ailerons ajustables, discrètement intégrés aux ailes avant, permettent d'affiner l'équilibre aérodynamique. L'arrière, tronqué presque verticalement, comprend en son centre la sortie des six tuyaux d'échappement. L'intérieur, d'une sobriété rigoureuse, met l'accent sur l'ergonomie avec des sièges baquets épousant la morphologie du conducteur et du passager. En dépit de ses solutions techniques originales, le style de cette P/33 paraît assez décevant, particulièrement en comparaison avec l'audace stylistique de la révolutionnaire Carabo.

Alfa Romeo P/33 par Pininfarina - Source : https://en.wheelsage.org

La deuxième création de Pininfarina prend le nom de Ferrari P6. C'est Leonardo Fioravanti qui est au crayon. C'est une coquille vide dont les accessoires ont été pensés en vue d'une réalisation possible. L'une de ses originalités réside dans son châssis formé d'une grosse poutre centrale de section carrée, dont la cavité intérieure est exploitée pour véhiculer l'air nécessaire depuis la calandre vers le compartiment moteur situé derrière les passagers. Cet air sert aussi à la ventilation de l'habitacle.

Ferrari P6 par Pininfarina - Copyright

L'autre innovation, c'est justement la présence théorique d'un V12 Colombo derrière le cockpit. Ainsi, le constructeur de Maranello se prépare à répondre à l'offre de GT à moteur central arrière, comme la Lamborghini Miura ou la De Tomaso Mangusta. Les interrupteurs de bord sont remplacés par des " pastilles capacitives ", qui répondent au toucher grâce à la capacité électrostatique du corps humain.

Ferrari P6 par Pininfarina - Copyright

Parmi les trois nouveautés présentées par Pininfarina à Turin, l'étude de voiture aérodynamique sur la base d'une BLMC 1100 apparaît étant la plus concrète. Elle présente de nombreuses similitudes avec la BLMC 1800 dévoilée ici même l'année précédente, bien que son format diffère sensiblement. Plus courte de 48 cm et moins large de 15 cm, mais gagnant 6 cm en hauteur, la BLMC 1100 Pininfarina arbore une allure plus compacte. Elle hérite cependant des mêmes qualités aérodynamiques que sa devancière. Une moulure latérale vient affiner sa ligne, tandis que les pare-chocs se prolongent jusqu'aux passages de roue. Un système de verrouillage centralisé permet de condamner les quatre portes simultanément depuis un interrupteur installé sur le tableau de bord, ou en utilisant la clé sur la seule porte conducteur. Cette proposition de style du maître italien a suscité un vif intérêt chez les Anglais présents, qui espèrent voir leur principal constructeur adopter un tel modèle.

BLMC 1100 par Pininfarina - Source : https://en.wheelsage.org

Alors que l'année dernière, les coupés Fiat étaient courants chez les carrossiers, leur présence a quasiment disparu cette année. Cette situation résulte notamment de la volonté de Fiat de centraliser sa production, limitant fortement ses collaborations externes et la fourniture de plateformes, hormis avec Pininfarina et Bertone. Malgré cette nouvelle orientation, Scioneri, Savio et Moretti font de la résistance.

Deux ans après avoir dévoilé son coupé Fiat 124 à Turin, Scioneri présente une évolution significative de sa carrosserie. L'adoption de doubles phares entraîne un rétrécissement de la calandre. Le capot moteur s'est aplati à l'avant et les vitres latérales arrière se sont horizontalisées. Ces modifications esthétiques sont également annoncées pour le coupé 125. L'habitacle bénéficie également d'une refonte avec des sièges redessinés, une nouvelle visière améliorant la lisibilité des instruments (compte-tours et tachymètre), l'ajout d'un cendrier, la suppression du vide-poches traversant au profit d'un rangement plus discret, etc ...

Fiat 124, par Savio - Copyright

Sur une base de Fiat 125, Savio dévoile un prototype de break dont la carrosserie très distinctive ne semble avoir aucun lien avec la berline d'origine. Rompant avec les solutions habituelles telles que le hayon vertical ou l'arrière fastback, le carrossier a opté pour une ligne cassée originale. Le compartiment à bagages, dissimulé par un plancher léger, révèle des dimensions modestes, accentuées par la présence des passages de roues et d'un volumineux réservoir d'essence, ainsi qu'un seuil de chargement élevé. Ces caractéristiques orientent davantage ce modèle vers un usage de loisirs, façon break de chasse, plutôt que vers une vocation d'utilitaire. L'utilité des deux grilles ajoutées à la base du pare-brise, alourdissant visuellement le capot avant, suscite l'interrogation.

Fiat 125, par Savio - Copyright

Le coupé 124 dévoilé ici l'année dernière a bénéficié de quelques améliorations esthétiques. A l'avant, la calandre troque son motif nid d'abeilles pour des barres horizontales, et l'écusson migre de la calandre vers l'extrémité du capot. Le pare-chocs a été redessiné pour intégrer les clignotants, dont la nouvelle position semble plus vulnérable aux chocs. Le reste de la carrosserie demeure inchangé. L'intérieur évolue également avec le remplacement des inserts en bois du tableau de bord par une finition peinte, dont la surface n'est plus plane mais légèrement incurvée. Enfin, les trois cadrans ronds sont désormais protégés par une visière discrète. Ce modèle est uniquement produit sur commande.

Fiat 124, par Savio - Source, l'Automobile, décembre 1968.

Fidèle à sa démarche de décliner les berlines Fiat en versions sportives, Moretti enrichit sa gamme avec un coupé quatre places basé sur la 850, venant compléter le coupé deux places présenté à Turin en 1966. Le nouveau modèle conserve la ligne caractéristique des créations Moretti et évoque, notamment au niveau du dessin des déflecteurs arrière, le coupé 125 apparu en 1967. Il est propulsé par le moteur de 843 cm³ développant 47 chevaux. Ce Coupé 850 affiche des dimensions de 3,76 mètres de long, 1,50 mètre de large et 1,30 mètre de haut.

Fiat 850, par Moretti - Copyright

Glasurit, un fabricant de peinture renommé, expose sur son stand l'Erina, un cabriolet au style résolument rétro. Conçu par le carrossier Fratelli Zanella de Parme, ce modèle repose sur le châssis et la mécanique de la Fiat 500. La partie arrière de l'Erina rappelle la Vignale Gamine. L'avant s'inspire des années 30, avec des ailes proéminentes, des phares indépendants, un pare-brise inclinable et un radiateur strictement ornemental surmonté d'un motif. Les marchepieds, les aérations latérales du capot et leurs fixations conservent un charme authentique. L'habitacle biplace propose des sièges en skaï, tandis que le tableau de bord en bois arbore un unique cadran central et une poignée de maintien côté passager. La roue de secours est fixée à l'extérieur, à l'arrière du véhicule. L'Erina est en production depuis quelques mois.

Fratelli Zanella Erina - Copyright

À l'occasion de leurs débuts cette année, Mario Gatto et Gino Marega, fondateurs d'Eurostyle, dévoilent à Turin deux créations automobiles. Le coupé City 125, dérivé de la Fiat 125, et potentiellement optimisé par Conrero, côtoie le coupé Hidalgo 1000. Celui-ci, au design plus abouti avec un long capot et des phares rectangulaires protégés par un cache en plexiglas, bénéficie d'une motorisation portée à 1 litre (70 ch) à partir du 903 cm³ Fiat, avec une version plus puissante de 110 ch annoncée. Son poids de seulement 630 kg contribue à son comportement dynamique.

Eurostyle Hidalgo 1000 - Copyright

L'écurie de courses du comte Giovanni Volpi di Misurata, un ami d'Alejandro De Tomaso (propriétaire de Ghia depuis 1967), s'est déjà manifestée avec son prototype Jungla apparu dans le paddock des 24 heures du Mans en 1966, puis avec l'Agena 3,5 litres qui n'a débouché sur aucune production en série. Le coupé Ghia GT de teinte vert pomme présenté à Turin apparaît plus comme un compromis entre un concept car et un futur modèle de production. Propulsé par un V8 de 3 470 cm³ conçu par Alberto Massimino, et équipé d'un châssis central inspiré de la De Tomaso Mangusta, son dessin pour Ghia est signé Tom Tjaarda, successeur de Giorgetto Giugiaro. On peut lui trouver quelques similitudes de style avec le concept car Chevrolet Astro II.

Serenissima GT, par Ghia - https://mycarquest.com

Serenissima GT, par Ghia - Source : https://en.wheelsage.org

En 1965, une Ferrari 330 GT 2+2 neuve a été exportée aux États-Unis pour Luigi Chinetti Motors, l'importateur basé dans le Connecticut, avant de devenir la propriété de Luigi Chinetti Jr. Parallèlement, face au refus d'Enzo Ferrari de produire un break de chasse, le styliste américain Bob Peak s'est adressé à Chinetti pour réaliser son idée. Ensemble, ils ont sollicité Alfredo Vignale, qui a accepté de métamorphoser la 330 GT 2+2 en un break exclusif. Le résultat est une transformation radicale, ne conservant aucun élément de la carrosserie initiale, avec des phares dissimulés derrière des grilles et un imposant arceau divisant le toit.

Ferrari 330 GT Break de Chasse, par Vignale - Copyright

Le même Vignale présente une étude de style sur une base Maserati. Le constructeur de Modène aurait commandé 1 500 carrosseries. Un nouveau V8 de 4,2 litres est pressenti pour motoriser ce coupé, qui pourrait remplacer la vieillissante Sebring, bien que des rumeurs évoquent une possible motorisation Citroën-Maserati. Preuve de l'avancement du projet, les boulons de roues arborent déjà le célèbre trident.

Maserati par Vignale (version définitive de l'Indy, 1969) - Source : https://en.wheelsage.org

Le panorama italien des petits véhicules tout-terrain est en pleine effervescence et s'élargit avec l'arrivée d'une proposition absolument non conventionnelle du constructeur Delta : le Yeti 850. La principale caractéristique de ce véhicule réside dans ses quatre roues motrices et directrices, l'essieu arrière étant débrayable pour faciliter la conduite sur les routes normales. Pour les manœuvres sur terrains difficiles, son rayon de braquage n'est que de 5,20 mètres. Sa structure se compose d'un cadre apparent en profilés d'acier à section rectangulaire, galvanisé pour une meilleure résistance aux intempéries. La carrosserie est constituée de panneaux en tôle d'aluminium, rivetés à la structure porteuse. Le moteur est celui de la Fiat 850, dans une version tropicalisée pour une meilleure résistance à la poussière. Il est associé à une boîte de vitesses à quatre rapports avec réducteur, offrant ainsi huit vitesses avant et deux vitesses arrière. De cette manière, la vitesse maximale dépasse les 100 km/h. Le Yeti se présente comme un véhicule incroyablement spartiate, avec seulement une banquette deux places et un espace de chargement arrière. En option, il est possible d'ajouter des portes, une protection en toile, une banquette arrière et un système de chauffage.

Yeti 850 - Copyright

Pour son cinquantième anniversaire, le Salon de Turin a fait de nouveau la preuve de la vitalité de l'automobile italienne, non seulement grâce à Fiat qui poursuit sa progression, mais aussi grâce aux carrossiers autorisés à exposer, qui restent sans rivaux dans le monde entier.

Merci à Alberto Mastelli pour son aide à la réalisation de cet article.

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