Chenard & Walcker, l'aigle de Gennevilliers.

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Concernant Chenard & Walcker, je recherche des documents d'époque libres de droit pour illustrer la période antérieure à 1914. Merci. marioboano@gmail.com


Fondée par Ernest Chenard et Henry Walcker en 1899, la marque automobile Chenard & Walcker devient le quatrième constructeur français en 1922, et le premier au classement des 24 Heures du Mans en 1923. Son succès commercial est assuré par ses victoires en course, ses automobiles de sport et de tourisme. La firme est reprise par Chausson en 1936.


Les débuts de la marque Chenard & Walcker


L'entreprise Chenard est fondée à Asnières en 1888, au 7 rue de Normandie, par Ernest Chenard, 27 ans, né en 1861, pour la fabrication et la vente de cycles. Cet atelier est par ailleurs spécialisé dans la taille d'engrenages. Ernest Chenard a débuté sa carrière en tant que dessinateur à la Compagnie des Chemins de Fer de l'Ouest. Sa maison a bonne réputation, et Ernest, brillant et déjà tourné vers les techniques du futur, réfléchit à l'avenir qu'il pourrait donner à son affaire.

C'est ainsi qu'il s'intéresse aux tricycles et quadricycles, et qu'il souhaite les motoriser. De nombreux brevets sont déposés dans ce sens. Il vend son premier quadricycle à un Anglais en 1896. Chenard, pour se faire connaître, s'engage dans la course Paris-Dieppe qui se dispute le 21 août 1898. Ses amis et clients qui apprécient la qualité de son travail l'incitent à se lancer dans la production de véritables automobiles.

Parmi ceux-ci figure René Donnay, fondé de pouvoir à la banque Victor, aussi doué sur les questions financières que commerciales ou techniques. Un des autres contacts d'Ernest Chenard est un certain Henri Walcker, né en 1873, qui fréquente régulièrement sa maison de cycles, et qui sort tout juste de l'Ecole des Mines de Paris. Il occupe un poste de secrétaire technique à l'ACF. Nous sommes en 1898, et le jeune homme est donc bien placé pour savoir ce qui se passe et ce qui se prépare dans cette nouvelle industrie qu'est l'automobile.

Douze ans séparent Chenard et Walcker. Chenard est déjà installé à son compte, Walcker débute dans la vie professionnelle. Les deux hommes sympathisent, et Chenard finit par proposer à Walcker de s'associer avec lui, au sein d'une société qu'ils baptisent simplement Chenard & Walcker. Walcker, fort de ses contacts et de ses compétences, apparaît comme le partenaire idéal. Les deux compagnons ont bien conscience qu'une page se tourne. Le cycle a atteint son apogée. L'avenir est à l'automobile.

C'est en janvier 1899 qu'est officiellement fondée la " Société en Commandite des Etablissements Chenard & Walcker ". Elle construit toute d'abord quelques tricycles à moteur De Dion. Le plus souvent, lorsque deux hommes s'associent pour créer une entreprise, comme cela a été cas pour de Dion-Bouton (1883) et le sera pour Rolls-Royce (1904), l'un apporte les compétences techniques, l'autre les capitaux. Mais dans le cas qui nous intéresse, nous avons affaire à deux techniciens. Chenard peut faire valoir sa déjà longue expérience professionnelle, tandis que Walcker apporte ses connaissances théoriques acquises à l'Ecole des Mines.

Côté finance, Chenard a vendu aux Britanniques quelques brevets. Walcker lui n'a pas d'autre choix que d'emprunter à sa famille, à ses amis. René Donnay, grâce à ses relations professionnelles, leur apporte son soutien. En attendant une future automobile, le quadricycle de Chenard permet d'engranger quelques revenus réguliers. Le développement du projet se poursuit. Une automobile contrairement à un cycle n'a pas besoin de l'assistance de pédales. La transmission se fera grâce à un système de courroies et de poulies. Pour être totalement indépendant, le moteur sera de fabrication maison.


La première automobile Chenard & Walcker


La première automobile produite par Chenard & Walcker sort de l'usine d’Asnières en 1901. Cette 12 HP est exposée au Salon de Paris. Ce n'est ni plus ni moins qu'un cadre de vélo renforcé par un avant-train directeur, au milieu duquel trouve place un siège pour un ou deux passages, et un moteur disposé entre les roues arrière. Ce moteur, de fabrication maison, est à lanceur manuel et refroidissement liquide, accouplé à une boîte deux vitesses.

La 12 HP présente des solutions déjà archaïques pour l'époque, et d'autres totalement nouvelles. Le dispositif d'allumage et de carburation permet d'obtenir la combustion complète d'un mélange très pauvre en essence, source d'économies de carburant. Sur l'essieu arrière, les fonctions porteuses et motrices sont séparées afin d'éviter les fréquentes ruptures d'arbres de roues. Le constructeur ne cherche pas à séduire une clientèle riche et versatile. Il vise des acheteurs sérieux, comme le sont leurs voitures.

En 1902, Henri Walcker triomphe dans le concours de consommation organisé par le journal " l'Auto-vélo ". Ce résultat excite la jalousie de ses concurrents qui émettent des doutes sur les performances de la Chenard & Walcker. Un mois après, l'épreuve est de nouveau disputée, et aucune contestation n'est possible, parce qu'à bord de chaque voiture prend place un contrôleur d'une marque concurrente.

Chenard & Walcker, pour se faire connaître, multiplie ses participations à différentes épreuves de régularité ou de consommation. La marque n'insiste pas sur les courses de vitesse. Elle déclare que celles-ci sont gourmandes en capitaux, et ne correspondent en rien aux modèles proposés en série. Sur les nombreux concours de consommation, Henri Walcker devient la personnalité dont la présence est indispensable, et largement relayée.

Les deux associés se partagent les responsabilités. Ils étudient ensemble les sujets techniques, et les grandes orientations. Chenard s'occupe essentiellement de la fabrication, tandis que Walcker se consacre plus à la partie commerciale et aux finances. On reconnaît sur leurs voitures, à la fois la patte du constructeur mécanicien qu'est Chenard, et celle de l'ingénieur des Mines qu'est Walcker. Ils forment un binôme efficace.


Une gestion économe, sans sacrifier à la qualité


L'évolution des modèles inscrits au catalogue se poursuit selon une politique bien définie. Il faut faciliter la fabrication, éviter de se disperser, maintenir un prix de revient maîtrisé, pour bien se placer sur le marché. Les pièces doivent être simples de conception, pour ne pas générer des coûts de main d'oeuvre excessifs. Cette obsession du détail, cette volonté de rationaliser donne vite des résultats. Mais la simplification n'empêche pas Chenard & Walcker d'innover. Le sérieux et la gestion saine de l'affaire, deux valeurs reconnues par le public, permettent à la marque de se développer, avec sérénité.

Chenard & Walcker gère sa communication de manière efficace, sans excès de dépenses. Les associés se contentent d'appointements modestes. Les marges accordées aux intermédiaires en charge des vente est contenue. Il n'est pas question de faire la culbute comme certains distributeurs le font, tuant par eux-mêmes, et sans s'en rendre compte, la poule aux oeufs d'or. Sans tapage, sans fortune, Chenard & Walcker parvient à se faire une place enviable sur le marché, grâce à des méthodes de travail adaptées, et à des produits qui plaisent. Le constructeur prend sereinement son envol.

Depuis leurs débuts, Ernest Chenard et Henri Walcker sont aidés de manière fort discrète par René Donnay, devenu au fil des années un ami. Il sait les conseiller, et il les aide à résoudre les problèmes d'ordre financier qui ne manquent pas de se poser. Né en 1868, René Donnay est d'origine belge, et il a choisi de faire sa carrière en France. Son âge le situe à mi-chemin entre les deux associés, ce qui facilite peut-être sa compréhension de leurs préoccupations et de leurs besoins.


1906


Au Salon de l'Automobile de 1906, Chenard & Walcker expose ses premières automobiles dotées d'un châssis en tôle d'acier emboutie. Les capacités du site d'Asnières sont insuffisantes. Pour faire face au développement régulier des ventes, il faudrait une nouvelle usine. Faire l'acquisition de terrains autour du site existant n'est pas envisageable. Le tissu industriel environnant s'est densifié depuis l'implantation en 1888.

La solution d'un déménagement pur et simple dans une nouvelle usine qu'il resterait à construire apparaît de plus en plus comme une évidence. Encore faut-il en avoir les moyens. Une ouverture du capital à des actionnaires extérieurs s'impose. Cela tombe bien, les milieux financiers sont de plus en plus enclin à investir dans cette nouvelle industrie prometteuse. La production automobile est passée de 5 000 unités en 1900 à 22 000 en 1904, et la progression ne ralentit pas.

René Donnay s'occupe des formalités pour transformer l'entreprise en " Société anonyme des anciens établissements Chenard & Walcker ". Il utilise son carnet d'adresses pour séduire des investisseurs. C'est le groupe Victor, dirigé par Charles Victor, dirigeant de deux banques d'affaires, qui souscrit le plus grand nombre d'actions. La volonté des uns et des autres est de développer prudemment l'affaire, avec des modèles pas trop coûteux, mais de qualité. Cela va demeurer une constante dans l'histoire de l'entreprise. Pour autant, les sujets financiers prennent désormais un aspect tout aussi important. Le cours de l'action est suivi de près.


1907


L'apport de capitaux frais permet de construire de nouveaux ateliers à Gennevilliers, rue du Moulin de la Tour. Asnières et Gennevilliers étant limitrophes, l'incidence pour le personnel est mineure, et l'entreprise ne perd pas son personnel qualifié. La nouvelle usine ouvre le 1er mars 1907. Ces bonnes nouvelles font monter la côte du titre en bourse. De nouvelles actions sont émises en octobre 1907, et leur placement ne soulève aucune difficulté. La question est de savoir quelle est la volonté des nouveaux actionnaires. Cherchent ils à rémunérer leurs capitaux ou à développer l'entreprise ...

La publicité en est encore à ses débuts, et les encarts dans la presse sont particulièrement sobres, sans illustration, et n'occupent que des 1/4 ou des 1/8 de page. Chenard & Walcker est toujours à Asnières, mais plus pour longtemps. Source : Omnia, 23 mars 1907.

Alors que le site d'Asnières ne permettait de produire qu'une cinquantaine de châssis par mois, celui de Gennevilliers pourra en assembler entre 200 et 250. Et c'est heureux, car entre 1906 et 1907, le nombre de commandes double. Paradoxalement, les concurrents font grise mine, handicapés par leurs prix de revient élevés, et les marges mal maîtrisées de leurs revendeurs. Chenard & Walcker exporte. Il est représenté par des agents exclusifs dans de grandes capitales : Londres, Vienne, Amsterdam, Moscou, Barcelone, Porto, et même Calculta. L'usine compte environ 250 salariés.

Les Chenard & Walcker sont des voitures à deux, trois ou six places. Ce sont des bicylindres de 10/12 HP ou des quatre cylindres de 20/24 HP. La firme fournit le châssis, à charge du client de le faire habiller chez un carrossier. Les moteurs sont estampillés Chenard & Walcker, quand l'usage chez nombre de concurrents est encore à cette époque de faire appel à des fournisseurs extérieurs, notamment De Dion-Bouton


1908


L'essor rapide de l'automobile au début du XXe siècle attire de nombreux entrepreneurs. En France, le marché des voitures de luxe, par nature limité, est saturé, ce qui profite à Chenard & Walcker, positionné sur une clientèle moins fortunée. Cependant, l'entreprise est touchée dès 1908 par la crise économique. Les agents, en difficulté financière, ne peuvent honorer leurs commandes de châssis, entraînant une réduction de la production à Gennevilliers. Les actionnaires n'ont plus autant le sourire, les dividendes ayant baissé. Derrière l'image de bonne gestion de l'affaire affichée auprès des investisseurs, se cache une situation financière fragile, que la baisse du cour des actions reflète.

Lors du Salon de Paris en 1908, Chenard & Walcker marque une étape importante en présentant ce qui peut être considéré comme une ébauche de gamme de véhicules utilitaires. Bien que basés sur des châssis de tourisme adaptés, ces premiers modèles ouvrent une nouvelle ère pour la marque. Ces véhicules, qui ne sont pas encore des camions à proprement parler, mais plutôt des camionnettes, offrent une polyvalence intéressante puisqu'ils peuvent être utilisés comme voitures familiales en fin de semaine. La lignée des véhicules utilitaires n'est pas prête de s'éteindre. Elle se poursuivra même après l'arrêt de la production automobile.


1909


En 1909, Chenard & Walcker innove avec la création du Comptoir Automobile, une solution de location pour les clients, particuliers ou entreprises, n'ayant pas les moyens d'acquérir un véhicule. Cette initiative stratégique permet d'écouler une partie de la production et d'éviter le surstockage des modèles invendus. Parallèlement, pour dynamiser les ventes, Chenard & Walcker élargit sa gamme de modèles, pour mieux couvrir tous les segments du marché. À Gennevilliers, cette stratégie se traduit par une orientation vers le haut de gamme, ce qui peut sembler paradoxal compte tenu de la politique précédente axée sur une offre simple de voitures légères et abordables.
Les pouvoirs publics soutiennent la production de véhicules utilitaires en accordant des subventions aux industriels et commerçants qui en font l'acquisition. Cette mesure s'inscrit dans une perspective de potentielle réquisition de ces véhicules en cas de conflit.

Pour accompagner cette expansion et répondre aux exigences du marché, Henri Walcker recrute trois ingénieurs aux compétences spécifiques : Jean Retel prend la direction commerciale, Henri Toutée est chargé de la conception des nouveaux modèles, et Georges Deman supervise les approvisionnements. Charles Victor, outre son métier de banquier, exploite un journal boursier. Il s'engage activement dans la promotion de Chenard & Walcker auprès des investisseurs. Il met en avant les succès commerciaux, les perspectives de développement et les résultats financiers de l'entreprise. En avril 1909, son magazine annonce une production de 75 voitures par mois, On est encore loin des capacités de 200 à 250 unités annoncées lors de la création de l'usine. 

Malgré son essor, Chenard & Walcker est déjà devancé par des concurrents tels que Renault, Peugeot et Panhard. Les actions entreprises en 1909 s'avèrent toutefois bénéfiques, permettant la distribution d'un dividende substantiel par action en fin d'exercice. L'atmosphère est de nouveau au beau fixe à Gennevilliers, les ventes progressent, de nouvelles machines sont acquises, et un nouvel administrateur, Eugène Henry, ancien officier de cavalerie, rejoint l'équipe. Il jouera un rôle clé dans la création de nouvelles filiales, et prendra d'ailleurs la présidence du conseil d'administration du Comptoir Automobile.


1910


Chenard & Walcker s'engage résolument dans une production de plus en plus industrialisée, cherchant à optimiser son intégration en réduisant au maximum la sous-traitance. Cette démarche vise à accroître l'efficacité et à maîtriser les coûts de production. Cependant, la fabrication des carrosseries demeure externalisée, Chenard & Walcker préférant se concentrer sur son cœur de métier. Parallèlement, le réseau de distribution de Chenard & Walcker se densifie, avec l'ouverture de nouvelles agences et succursales tant en France qu'à l'étranger. Le constructeur fait une incursion remarquée dans le secteur des taxis en introduisant notamment ce type d'automobile à Londres.

Seules les " grandes " marques (Brasier, Unic, Delaunay Belleville, Aries ... ) ont les moyens de s'offrir une pleine page de publicité en couverture de l'hebdomadaire automobile de référence Omnia. Source : Omnia, 23 avril 1910

Sur le plan financier, le chiffre d'affaires de Chenard & Walcker connaît une nouvelle progression significative de près de 40 %. Toutefois, l'augmentation du chiffre d'affaires ne se traduit pas par une hausse proportionnelle des bénéfices. En effet, Chenard & Walcker doit faire face à des investissements importants, notamment pour moderniser son outil de production et développer de nouveaux modèles. Ces investissements, bien que nécessaires pour assurer la croissance future de l'entreprise, pèsent sur les résultats à court terme. Au Salon de Paris, Chenard & Walcker marque une étape importante en présentant son premier " vrai " camion. Ce véhicule utilitaire, doté d'un poste de conduite avancé au-dessus du moteur, et de roues arrière jumelées, témoigne d'une évolution majeure par rapport aux précédents modèles, qui étaient davantage des adaptations de châssis de voitures particulières.


1911


Eugène Henry prend en 1911 la présidence du conseil d'administration de Chenard & Walcker, en plus de celle du Comptoir Automobile. Pour autant, ce sont toujours Ernest Chenard et Henri Walcker qui gèrent l'exécutif, en supervisant les études, la fabrication et la commercialisation. René Donnay n'est jamais très loin pour prodiguer ses conseils. La Type U, une 14 CV, sort cette année-là. Elle est couramment considérée comme étant le chef d'oeuvre d'Ernest Chenard, même si Henri Toutée a apporté sa contribution, en raison des prérogatives qui lui sont déléguées.

Comme ses confrères, Chenard & Walcker laisse ses clients choisir le carrossier de leur choix. Les tarifs pratiqués s'entendent pour le châssis seul. Source : Omnia, 9 décembre 1911.

Cette même année 1911, une grève de cinq semaines conduit à l'arrêt de toute production à Gennevilliers. Autre difficulté, le marché des taxis s'effondre. Plusieurs constructeurs ont vu là une possibilité de générer des volumes. Mais ils sont trop nombreux à s'être engagés dans cette voie, pour une part de gâteau trop petite. Le Comptoir Automobile, fournisseur régulier des compagnies de taxi, doit revoir sa stratégie. La location d'utilitaire se présente comme une alternative possible Chenard & Walcker développe donc son offre sur ce créneau. Décision est prise de fusionner la Société anonyme de anciens établissements Chenard & Walcker avec le Comptoir Automobile. La première est en recherche de capitaux pour accompagner l'évolution de son chiffre d'affaires, des capitaux dont dispose le Comptoir Automobile, qui a peu dépensé ces derniers mois en raison de la chute du marché des taxis. Ce faisant, le constructeur peut utiliser les locaux du loueur, et y déplacer son atelier de réparation et une partie de son magasin de pièces de rechange.


1912


L'usine Chenard & Walcker, qui employait initialement 200 ouvriers lors de son ouverture à Gennevilliers, en compte à présent près de 500. Son chiffre d'affaires a été multiplié par quatre depuis son déménagement d'Asnières, dans un contexte de faible inflation. La direction poursuit activement sa politique d'intégration, cherchant à mieux maîtriser ses approvisionnements, que ce soit par des productions internes ou par l'intermédiaire de filiales. Chenard & Walcker livre des châssis motorisés. Certains agents, qui sont également carrossiers, peuvent prendre en charge l'habillage. L'acheteur a cependant toute liberté de faire appel au carrossier de son choix. La demande pour un produit entièrement fini à l'usine tend à croître. Henri Walcker collabore avec des sociétés telles que le carrossier Kelsch, de Levallois. Lorsque ce dernier manque à un engagement sur une commande, Henri Walcker est amené à faire appel à la SPCA, la Société Parisienne de Carrosserie Automobile, fondée en 1902 et installée à Neuilly.

À la suite des recommandations de René Donnay, Chenard & Walcker, compte tenu de la réactivité et de la qualité du travail de la SPCA, propose à Paul Beckerich, co-fondateur et dirigeant de cette entreprise, de devenir le carrossier exclusif de Chenard & Walcker. Dans cette optique, Chenard & Walcker acquiert une participation majoritaire dans la SPCA. Chez le constructeur de Gennevilliers, on est conscient que l'avenir du marché s'oriente vers la commercialisation d'automobiles entièrement carrossées dès la sortie de l'usine. Paul Beckerich accepte la proposition tout en conservant la direction de son entreprise. Cet accord renforce de manière significative la position de Chenard & Walcker sur le marché. L'exercice 1912 s'achève sur un bénéfice record pour l'entreprise.

En 1912, un événement tragique survient : Henri Walcker décède en juin, à l'âge de 39 ans, des suites d'une opération de l'appendicite. Cette perte est d'autant plus difficile que l'entreprise repose depuis ses débuts sur la complémentarité de ses deux fondateurs, et que sa disparition n'était pas prévue. Henri Walcker s'éteint alors que son entreprise est en pleine croissance, avec des perspectives prometteuses. Ce décès aurait pu être un coup fatal pour le constructeur. Cependant, un nouveau duo de grande envergure se forme, assurant la continuité et le dynamisme de la marque. Ernest Chenard, le fondateur visionnaire, et Eugène Henry, le président du conseil d'administration, choisissent unanimement René Donnay pour remplacer Henri Walcker. René Donnay, dont la modestie n'a d'égale que ses compétences, est vivement sollicité et finit par accepter, quittant ainsi le monde sécurisé de la finance pour celui de l'automobile. Ce choix, guidé par la passion plutôt que par la raison, s'avèrera judicieux tant pour lui-même que pour Chenard & Walcker. Il est nommé administrateur délégué en septembre 1912.

Alors qu'il n'était qu'administrateur, René Donnay avait l'habitude de se rendre quotidiennement à l'usine. En devenant l'égal d'Ernest Chenard, il ne fait finalement que formaliser les missions qu'il assurait jusqu'alors bénévolement. Outre ses compétences et ses conseils avisés pour la gestion financière de l'entreprise, il avait endossé le rôle de chef des essayeurs. Il prenait la route avec les châssis qui sortaient de production, démontrant ainsi sa passion pour les produits. La prise de contrôle de la SPCA permet à Chenard & Walcker d'offrir un choix varié de finitions. Les prix des châssis s'échelonnent de 4 975 à 11 500 francs, et celui des carrosseries de 1 325 pour le torpédo deux places à 5 200 francs pour le coupé-chauffeur. Ces prix s'entendent avec quatre roues, mais sans les pneus.


1913


Les affaires de Chenard & Walcker sont toujours florissantes. La marque est au huitième rang des constructeurs français, avec environ 1 500 unités produites sur l'année, derrière Peugeot et Renault, qui sont en tête avec près de 5 000 unités chacun, mais aussi derrière Darracq, Berliet, De Dion-Bouton, Panhard & Levassor et Unic. Des constructeurs comme Clément-Bayard, Delahaye et Delaunay-Belleville affichent à peu près les mêmes performances que Chenard & Walcker. Ernest Chenard est un des membres du comité d'organisation du Salon de Paris. A 52 ans, il fait désormais partie des personnalités qui comptent dans la profession. Ses mérites sont d'ailleurs reconnus en haut lieu, puisqu'il se voit décerner la Légion d'honneur.

Chenard & Walcker, s'il met régulièrement en avant sa 12 HP, dispose d'une vaste gamme, qui va de la 8 HP à la 20 HP. Source : Omnia, 11 octobre 1913.

La Société Auxiliaire de Crédit, anciennement banque Victor, vit mal la récession qui en 1913 succède à la croissance des années 1909/1912. En spéculant, elle a perdu beaucoup d'argent. La banque s'effondre, et sa faillite fait quelques remous. Les liens qui l'unissent avec Chenard & Walcker sont bien connus. Heureusement, le constructeur n'a pas d'argent placé auprès de cet organisme financier.


1914


En 1914, la gamme Chenard & Walcker comporte cinq modèles à quatre cylindres et un modèle à six cylindres. L'aspect des différents modèles est remodelé. Alors que la mode est aux radiateurs " coupe-vent ", ceux de la marque restent plats, mais plus hauts que précédemment et de forme oblongue, entourés d'une calandre à bords arrondis.

Un slogan simple et efficace : " La voiture de grande marque au meilleur prix ". Source : Omnia, 20 décembre 1913

Chenard & Walcker entretient des liens étroits avec les milieux bancaires et boursiers. Ses actionnaires, dans une vision à long terme, privilégient le développement de l'entreprise plutôt que des profits immédiats. Lors de la crise de la Société Auxiliaire de crédit, certains actionnaires, inquiets de la légère décote du titre, ont cédé leurs actions. Cependant, cette décision s'est avérée hâtive car le titre s'est redressé rapidement.

Grâce à une gestion financière rigoureuse, les dirigeants de Chenard & Walcker acquièrent de nouveaux terrains à Gennevilliers, contigus aux propriétés existantes. L'entreprise finance cette opération de manière autonome, de l'acquisition des terrains à la construction des bâtiments et à l'achat des équipements. Cet investissement est motivé par la volonté de Chenard & Walcker de devenir un véritable constructeur de poids lourds. Malheureusement, la guerre vient contrarier ce projet et l'ensemble des développements en cours.


Pendant la guerre


La guerre éclate le 28 juillet 1914, entraînant la mobilisation d'une grande partie du personnel de Chenard & Walcker, ainsi que d'une partie de sa clientèle. Comme la plupart de ses concurrents, l'entreprise suspend sa production et ferme son usine, dans l'attente des directives des autorités pour organiser l'effort de guerre. Alors qu'André Citroën se lance dans la production d'obus et Louis Renault dans celle de chars, Chenard & Walcker se voit confier par les autorités plusieurs marchés pour la production d'automobiles. Ces véhicules sont destinés aux officiers de l'aviation et servent de véhicules de liaison. Dans un premier temps, Chenard & Walcker écoule ses stocks, parvenant à faire sortir environ 80 voitures de son usine de Gennevilliers jusqu'en 1916. Cette activité reste cependant marginale.

Parallèlement, la Défense nationale sollicite l'industriel pour d'autres activités plus directement liées à l'effort de guerre. À partir de 1915, l'entreprise se lance dans la production d'obus à Gennevilliers, atteignant un rythme de 2 400 pièces par jour dès 1916. Pour gérer cette activité, une filiale est créée, la Société des Forges et Fonderies de Gennevilliers. À titre de comparaison, à la même époque, Citroën produit 10 000 obus quotidiennement. Cette activité permet à Chenard & Walcker de se développer considérablement, avec une surface d'usine quadruplée et un nombre de machines-outils décuplé.

De plus, Chenard & Walcker est jugé par les pouvoirs publics suffisamment qualifié et équipé pour assembler des moteurs conçus par Hispano-Suiza. L'armée française commande 800 de ces moteurs, tandis que le gouvernement britannique en commande 200. Paul Clouet, gendre d'Ernest Chenard et centralien de formation, dirige cette activité dans le cadre d'une nouvelle société créée en 1916, les Ateliers Mécaniques et Électriques de Gennevilliers (AME). À la signature de l'armistice, les commandes ne sont pas terminées. Sur les 800 moteurs commandés par l'armée française, 550 sont produits à partir de l'automne 1917 et ce, jusqu'en juin 1919. En parallèle de ces activités principales, Chenard & Walcker se voit confier d'autres missions au gré des besoins : réparation de moteurs, production de pièces de rechange, et divers travaux de sous-traitance pour les arsenaux, Renault et Salmson.


1918


Chenard & Walcker, devenue une entreprise d'envergure, doit négocier avec les autorités fiscales le montant des impôts sur ses bénéfices de guerre. Cette question concerne tous les industriels ayant participé à l'effort de guerre, et chacun cherche à minimiser sa contribution. René Donnay s'investit pleinement dans cette tâche, s'efforçant de convaincre les experts en fiscalité au service de l'État. Parallèlement, à partir de 1918, l'usine doit se reconvertir à sa production d'avant-guerre. L'entreprise emploie alors près de 1 000 personnes.

A la fin de la Première Guerre mondiale, Chenard & Walcker détient des participations dans plusieurs entreprises dont les activités sont complémentaires à la sienne. Parmi elles figurent le Comptoir automobile (depuis 1909), la SPCA (depuis 1912), la Société des Forges et Fonderies de Gennevilliers (fondée en 1915 pour la production d'obus) et les Ateliers mécaniques et électriques de Gennevilliers (créés en 1916 pour la production de moteurs Hispano-Suiza). Afin de faciliter la distribution des produits de ces différentes entités, Chenard & Walcker fonde en octobre 1917 la Société industrielle et commerciale de Gennevilliers, permettant ainsi à cette structure de commercialiser divers produits auprès de concurrents qui n'auraient pas souhaité s'approvisionner directement auprès de la maison mère. Par ailleurs, à la fin de la guerre, Chenard & Walcker acquiert une participation de 20 % dans la SA des Hauts-fourneaux et fonderies de Brousseval, ainsi que dans les Établissements Grosselin pères & fils à Sedan, spécialisés dans la fabrication de machines pour l'industrie textile. Bien que le groupe diversifie ainsi ses activités, ces investissements hors du secteur automobile ne seront pas renouvelés, Chenard & Walcker choisissant de se concentrer exclusivement sur la production d'automobiles, de véhicules utilitaires et de poids lourds.


1919


Chenard & Walcker, résolument engagée dans sa croissance, entreprend la reconversion de ses ateliers et de ses machines pour reprendre la production automobile. L'entreprise modernise ses équipements afin d'accroître sa productivité et de réduire ses coûts, anticipant une concurrence accrue. Ses investissements dans des sociétés en amont de la chaîne de production s'avèrent judicieux, facilitant ses approvisionnements et lui conférant un avantage sur ses concurrents. Les premières voitures d'après-guerre sortent de l'usine en mars, marquant la reprise de l'activité. Cependant, cette reprise est rapidement perturbée par des mouvements sociaux, notamment une grève de quatre semaines, conséquence notamment de l'augmentation du coût de la vie supérieure à celle des salaires.

Souhaitant rattraper son retard dans le secteur des véhicules utilitaires et des poids lourds, où des marques comme Aries et Berliet dominent le marché, Ernest Chenard fonde la société FAR (Fritz, André, Raymond), en référence aux initiales des prénoms de Fritz Glaszmann, André Lagache et Raymond Glazmann. André Lagache a notamment conçu un système d'attache breveté pour relier une remorque à un tracteur. Ce dispositif offre plusieurs avantages par rapport aux solutions antérieures, comme celles développées par Latil : il permet une connexion plus rapide, réduit la longueur du tracteur et améliore la stabilité de l'ensemble en transférant une partie du poids de la remorque sur le tracteur.

André Lagache au volant d'une Chenard & Walcker. Source : Source : . Source : Gallica

Dans cette configuration, Chenard & Walcker se charge de la production des tracteurs, tandis que FAR se consacre à celle des remorques. Une nouvelle entité juridique est créée pour gérer cette collaboration : la SA des Trains Chenard & Walcker FAR. Les dirigeants de Chenard & Walcker choisissent de laisser le marché des camions à leurs confrères et concurrents, préférant se positionner sur le marché encore vierge des tracteurs tirant une remorque, en utilisant l'invention d'André Lagache. Ce dernier a compris avant les autres qu'un camion immobilisé pendant les opérations de chargement et de déchargement ne génère aucun revenu pour son propriétaire. En dissociant la partie chargée de la partie motorisée, cette dernière peut être utilisée plus efficacement, en allant déposer ou récupérer d'autres remorques. L'ensemble ainsi conçu est réceptionné par le service des Mines en octobre 1919, marquant le début de sa commercialisation.

 

 

Tracteur Chenard & Walcker, remorque Lagache & Glaszmann. Copyright

Au Salon de Paris, Chenard & Walcker occupe deux stands distincts : l'un est dédié à ses modèles de tourisme, tandis que l'autre présente sa gamme de véhicules utilitaires. Les modèles de tourisme exposés sont deux voitures à 4 cylindres : la 10/12 HP type TT de 2 litres avec un empattement de 2,86 mètres, et la 15/18 HP type U de 3 litres, disponible avec un empattement de 2,95 mètres ou 3,32 mètres. Chenard & Walcker compose encore avec deux modèles déjà anciens, apparus en 1912.

Publicité presse d'octobre 1919. © : L'Illustration (www.lillustration.com)


1920


En 1920, une nouvelle société, " Accessoires pour automobiles et carrosseries ", voit le jour. Son objectif est de fabriquer des serrures, des pare-brises, des charnières, etc. Cette création repose sur la reprise d'une entreprise appartenant à Georges Thiérard. Ce dernier rejoint alors le conseil de direction de Chenard & Walcker, aux côtés d'Ernest Chenard, René Donnay, Eugène Henry et les deux fondateurs de la SPCA. On peut parler désormais du "groupe Chenard & Walcker".

Jusqu'à présent, Chenard & Walcker n'a jamais participé à des compétitions automobiles. L'entreprise change de stratégie. Henri Toutée et le jeune ingénieur Georges Ravault veulent démontrer que le constructeur peut être aussi performant en course que dans la production en série. Georges Ravault, affecté chez Chenard & Walcker pendant la guerre pour la production d'obus puis de moteurs d'avion, a constamment de nouvelles idées qu'il consigne dans un carnet. Avec Henri Toutée, ils forment une équipe très efficace qui tire l'entreprise vers le haut sur le plan technique. L'engagement de Chenard & Walcker dans la course automobile pourrait être lié à Lucien Chenard, le fils d'Ernest. Né en 1894, il a été récompensé pour ses exploits de pilote pendant la guerre. A cette époque, les liens entre l'aviation et l'automobile sont étroits. Une équipe est constituée en juin 1920 avec deux pilotes : André Lagache, bien connu (le "A" de FAR), et René Léonard, un metteur au point qui deviendra plus tard le responsable des essayeurs de la firme. Les frères Glazmann apportent également leur aide, et Christian Dauvergne, un gentleman driver, complète l'équipe. Les premiers résultats sont très encourageants.

L'inflation galopante fragilise les constructeurs automobiles. Chenard & Walcker enregistre des commandes, mais ne peut plus vendre les voitures au prix initialement convenu sans sacrifier toute sa marge, voire plus. Une autre difficulté surgit : un nouveau constructeur, André Citroën, s'implante à Paris et bouleverse le marché. Son ambition est de produire un modèle accessible en grande série, en s'inspirant des méthodes d'Henry Ford aux États-Unis. Les apparences sont trompeuses. Si le chiffre d'affaires de Chenard & Walcker augmente, c'est surtout à cause de l'inflation plutôt que d'un carnet de commandes bien rempli. Les résultats sont en baisse et les stocks augmentent. Pire, les fournisseurs ne parviennent plus à livrer le constructeur aux conditions négociées, toujours à cause de l'inflation. L'usine doit faire face à des ruptures d'approvisionnement et les livraisons prennent du retard. La plupart des constructeurs sont dans la même situation.

Le Salon de Paris n'a pas lieu cette année. Officiellement, cela est dû à la tenue du Salon des Arts décoratifs au Grand Palais. Ce prétexte semble arranger tout le monde, car en période de baisse des ventes, les constructeurs n'ont pas vraiment envie d'engager des dépenses importantes pour ce type d'événement.


1921


Aujourd'hui, la plupart des voitures sont vendues carrossées dès la sortie de l'usine. La SPCA ne dispose pas des capacités suffisantes pour répondre à cette évolution de la demande. Afin d'accroître ses capacités, Chenard & Walcker entre au capital du carrossier Kelsch. Eugène Henry et Clément Kelsch sont nommés administrateurs de la SA créée à cette occasion. Lucien Chenard et Jean Donnay (le fils de René), qui représentent la nouvelle génération au sein du groupe, rejoignent le conseil d'administration de Kelsch. Au sein de la SPCA, des mesures sont prises pour mieux répondre à la demande de carrosseries. L'entreprise abandonne son usine de Neuilly pour s'installer à Gennevilliers, en face de Chenard & Walcker. La tendance chez tous les constructeurs importants est de posséder leurs propres ateliers de carrosserie, et Chenard & Walcker ne fait pas exception.

Lucien Chenard assure la continuité du nom dans les conseils d'administration de Chenard & Walcker et de ses filiales. Il dirige le service technique de l'entreprise, responsable de la conception et de la fabrication des voitures. À l'origine de plusieurs services, méthodes, outillages et systèmes d'ordonnancement, il apporte un nouveau dynamisme à l'entreprise. Jean Donnay, né en 1893 à Paris, est, comme Lucien Chenard, diplômé de l'IDN de Lille. Il termine la guerre en tant que lieutenant dans un régiment d'artillerie automobile, et sa conduite lui vaut plusieurs décorations. Chez Chenard & Walcker, il occupe des responsabilités administratives et commerciales. Très proche de son père René, qui l'a formé selon ses principes, il entretient des relations amicales avec Lucien Chenard.

Le Salon de Paris se déroule fin octobre. Le marché ne parvient pas à absorber l'offre pléthorique des nombreux constructeurs. Pour tenter de relancer les ventes, Chenard & Walcker, comme ses concurrents, fait des concessions sur les prix. Cependant, l'entreprise est incapable de s'aligner sur les tarifs pratiqués par Citroën. Les entreprises les plus fragiles sont contraintes de renoncer. Les difficultés se concentrent surtout dans les catégories des cyclecars et du très haut de gamme. Les voitures de moyenne gamme, plus en phase avec la demande du marché, résistent assez bien, et ce sont les marques déjà établies qui s'en sortent le mieux. Paradoxalement, c'est le moment que choisit Chenard & Walcker pour présenter sa nouvelle 3 Litre Sport, le modèle qui lui permet de se lancer dans la compétition automobile. Cette voiture est un condensé de ce qui se fait de mieux sur le plan technique.

La gamme présentée au Salon de Paris comprend quatre modèles 4 cylindres : la nouvelle 8 HP de 1,5 litre sur un empattement de 2,83 mètres, la 10 HP de 2 litres sur un empattement de 2,86 mètres, la 15 HP de 3 litres sur un empattement de 3,07 mètres ou 3,32 mètres, et la 3 Litres Sport sur un empattement de 3,07 mètres, dérivée de la 15 HP, avec des freins sur les quatre roues.


1922


Alors que l'entreprise avait su rebondir après la disparition d'Henry Walcker, la voici de nouveau dans la tourmente. Ernest Chenard meurt d'une crise cardiaque le 28 mai 1922, à l'âge de 60 ans. L'un de ses fils, Maurice, pilote d'avion comme son frère Lucien, est mort pendant la guerre. Son autre fils Lucien a terminé ses études d'ingénieur interrompues par la guerre à l'Institut Industriel du Nord . Il est nommé administrateur. Ernest Chenard laisse après lui une entreprise saine, et une équipe de direction solide. Raymond Walcker, le fils d'Henry, a désormais l'âge et les qualifications requises pour intégrer l'entreprise. Mais il estime qu'avec l'équipe en place, il va avoir du mal à trouver sa place. Il préfère tenter sa chance ailleurs.

Ernest Chenard. Copyright

Chenard & Walcker propose une gamme d'utilitaires légers dérivés de ses voitures de tourisme. La plupart des constructeurs généralistes procèdent ainsi. La concurrence est particulièrement rude sur ce créneau. des marques comme Unic, Berliet ou La Licorne sont même plus visibles sur ce marché que sur celui des modèles classiques. Citroën propose sa " Normande ", une torpédo aménagée à l'arrière pour recevoir des marchandises, à 13 500 francs, quand l'équivalent chez Chenard & Walcker exige de dépenser 17 475 francs pour le châssis, plus 3 500 francs pour la carrosserie.

Cette publicité ne met pas avant un modèle particulier. Chenard & Walcker fait déjà de la communication " corporate ". Le constructeur joue un peu sur la réalité des dates, en affirmant que les Chenard et Walcker font l'administration des connaisseurs depuis plus de trente ans. Source : Omnia, octobre 1922

La gamme des voitures de tourisme au Salon de Paris compte désormais cinq modèles : 8/10 HP de 1,5 litre, une 2 litres à haut rendement avec ACT, une 2 litres plus sage avec arbre à cames latéral qui remplace la  10/12 HP, les 3 litres Sport et 15 HP déjà connues, qui feront parler d'elles au Mans l'année suivante.


1923


Chenard & Walcker, ce sont désormais 10 hectares de terrains, dont 2,5 hectares couverts. Le chiffre d'affaires double entre 1921 et 1923, atteignant 70 millions de francs. A titre de comparaison, celui de Berliet est de 125 millions, ceux de Peugeot, Citroën et Renault sont proches des 400 millions.

En 1923, Chenard & Walcker présente trois voitures à la première édition des 24 Heures du Mans qui se tient les 26 et 27 mai. Sur des routes en terre et sous la pluie, la marque s'adjuge les deux premières places avec deux 3 litres Sport, tandis qu'une 15 HP de tourisme prend la septième place. La voiture victorieuse a roulé à la moyenne de 92 km/h, devant ses concurrentes Excelsior, Bentley et Lorraine-Dietrich. Les vainqueurs André Lagache et René Léonard battent le record du monde des 24 heures sur route en couvrant 2 209 kilomètres et 536 mètres.

Les trois Chenard et Walcker au Mans en 1923. De gauche à droite, les numéros 9, 11 et 10. La numéro 9 remporte la course. La numéro 10 est deuxième. La numéro 11 qui se distingue par sa calandre moins haute termine septième. Source : https://www.24h-lemans.com

Il est dommage que Ernest Chenard et Henri Walcker n’aient pas pu vivre assez longtemps pour apprécier cette superbe performance qui apporte une nouvelle notoriété à la marque. De 1923 à 1926, l'écurie de courses Chenard & Walcker s'imposera régulièrement en tête des compétitions dans lesquelles elle s'engagera.

Celui que l'on appelle alors le Grand Prix International d'Endurance des 24 Heures n'a pas encore acquis ses lettres de noblesse. Normal, c'est sa première édition. Le constructeur Chenard & Walcker grave son nom dans l'histoire de celle qui va devenir la plus grande course d'endurance au monde. Source : Omnia, juillet 1923

Les 2 209,536 km parcourus par la Chenard & Walcker victorieuse au Mans représentent une distance supérieure à celle entre Paris et Kiev ... Source : Omnia, août 1923

Robert Sénéchal, pilote d'avion durant la guerre 1914-1918, est responsable après le conflit de la vente des surplus militaires. Il gagne dans cette activité suffisamment d'argent pour racheter en 1921 le petit constructeur de cyclecars Eclair. L'affaire prend son nom. Il conçoit lui-même de nouveaux modèles, qui remportent un joli succès commercial, aidé par leurs performances en course. Ses ateliers de Courbevoie ne suffisent pas à satisfaire la demande. Robert Sénéchal sollicite Chenard & Walcker qui accepte de prendre en charge à Gennevilliers la construction et la vente de ses cyclecars, via la Société industrielle et commerciale de Gennevilliers créée en 1918.

Sénéchal à bord d'une voiture de sa fabrication, 1923. Source : Gallica

Cela permet à Chenard & Walcker de compléter son offre avec des véhicules plus accessibles, là où il ne propose aucun modèle. Une Sénéchal vaut entre 10 700 et 13 900 francs, alors que la gamme Chenard & Walcker débute à 19 900 francs. L'époque des cyclecars bricolés à la va-vite appartient au passé. C'est encore plus vrai quand Sénéchal décide d'en confier la production à Chenard & Walcker. Sous le contrôle de la firme de Gennevilliers, les cyclecars deviennent progressivement des voiturettes, puis des voitures. Robert Sénéchal est par ailleurs pilote pour la firme de Gennevilliers.

Sénéchal sur Sénéchal, circuit des routes pavées, septembre 1924. Source : Source : Gallica

Chenard & Walcker, fort de ses succès sportifs et commerciaux, affiche un chiffre d'affaires en hausse et des bénéfices substantiels pour ses actionnaires. Cette prospérité profite également aux employés, qui jouissent d'une stabilité d'emploi enviable à une époque où la protection sociale en cas de chômage est rudimentaire. L'entreprise de Gennevilliers se distingue par une politique sociale avant-gardiste. Elle octroie des suppléments de salaire aux familles nombreuses, offre des soins médicaux gratuits, encourage l'épargne salariale et propose des prêts avantageux aux salariés qui font construire leur logement. De plus, elle facilite la construction de logements à proximité de l'usine pour les familles nombreuses. Les dirigeants de Chenard & Walcker, animés d'une véritable fibre sociale, ont instauré un climat de confiance et de satisfaction parmi leurs employés. Cette politique contribue à la sérénité de tous et au bon fonctionnement de l'entreprise.

L'offre de Chenard & Walcker ne cesse de s'étendre. Au Salon de Paris, elle compte sept modèles, entre 19 900 francs et 69 000 francs, dont quatre voitures de tourisme à moteur 4 cylindres et trois versions sportives, en 4 cylindres pour d'eux d'entre elles, et en 8 cylindres pour la dernière :

- 8/10 HP de 1,5 litre, empattement de 2,83 mètres
- 10/12 HP de 2 litres, empattement de 2,835 mètres
- 11 HP de 2 litres, empattement de 3,06 mètres
- 15/18 HP de 3 litres, empattement de 3,075 mètres
- 2 litres sur empattement de 2,96 mètres
- 3 litres sur empattement de 3,075 mètres
- 4 litres, 8 cylindres, sur empattement de 3,715 mètres

La présentation du châssis 8 cylindres est une surprise pour les visiteurs du Salon de Paris, d'autant plus que la firme de Gennevilliers ne fait aucune publicité à son sujet, et le mentionne à peine sur son catalogue et dans les communiqués de presse. Ce châssis est imposant, avec sa voie de 1,45 mètre et son empattement de 3,75 mètres. Le compteur de vitesse va jusqu'à 150 km/h, pour une vitesse maximum effective de 130 km/h.


1924


Chenard & Walcker, fort de sa victoire en 1923 au Mans, engage six voitures pour l'édition de 1924, avec l'ambition de réitérer son succès. La production de la marque a augmenté, passant d'environ 230 à 300 véhicules par mois entre 1922 et 1924, incluant les cyclecars Sénéchal. L'équipe, menée par René Donnay et Lucien Chenard, est confiante. Cependant, la concurrence s'avère redoutable. Bentley remporte la course, suivi par deux Lorraine-Dietrich et deux Chenard & Walcker. L'épreuve connaît un dénouement inattendu : à 16h00, heure prévue de l'arrêt de la course, aucune voiture n'est en état de rouler. Le classement final est établi en fonction de la distance parcourue par chaque véhicule.

Publicité parue dans l'Illustration du 10 mai 1924 © : L'Illustration (www.lillustration.com)

Au Salon de Paris 1924, le stand Chenard & Walcker récolte le fruit de ses victoires en compétition. Les affaires y sont très prospères. Six voitures sont présentées, dont cinq 4 cylindres et une 8 cylindres :

- 10 HP type Y2 de 1,5 litre, empattement de 2,83 mètres
- 11 HP type T4 de 2 litres, empattement de 3,06 mètres
- 11 HP à soupapes en tête, empattement de 2,96 mètres
- 15/18 HP de 3 litres, empattement de 3,07 mètres et 3,22 mètres
- 3 litres, empattement de 3,07 et 3,22 mètres
- 4 litres, 8 cylindres, sur empattement de 3,32 mètres

Chenard & Walcker a beaucoup investi depuis la fin de la guerre. Face à André Citroën qui ne cesse d'innover et de surprendre, à Louis Renault qui surveille de près son voisin de Javel, et à Peugeot qui avance seul et fort, pour Chenard & Walcker, c'est grandir ou mourir, asphyxié par plus grand que soi.


1925


Les 20 et 21 juin, aux 24 heures du Mans, deux 4 litres sont engagées. Si elles sont efficaces au début de la course, elles sont hélas contraintes à l'abandon, victimes de problèmes de refroidissement. Deux autres voitures sont inscrites, ce sont des 1 100 cm3, dont l'étonnante carrosserie profilée n'est pas sans évoquer les tanks Bugatti de 1923. Elles terminent 10ème et 13ème au classement général, et première et deuxième de leur catégorie.

La Chenard & Walcker n° 2 pilotée par André Lagache et René Léonard est contrainte à l'abandon au 90ème tour en raison d'une surchauffe moteur. Source : Gallica

D'une part, les 4 litres issues de la gamme Chenard & Walcker, d'autre part, les tanks 1 100 cm3. Source : Gallica

Trois semaines après le Mans, Chenard & Walcker est en Belgique, pour une autre épreuve de 24 heures, avec des résultats probants. Source : Omnia, août 1925.

En décembre, de nouvelles dispositions fiscales font que les transactions entre entreprises d'un même groupe sont taxées, sans possibilité de récupération (la TVA ne sera instituée qu'en 1954). Cela remet en question la politique des filiales instaurée dans le groupe depuis sa création, en grevant les prix de revient. Chenard & Walcker prend ses dispositions pour atténuer les conséquences internes de cette nouvelle loi.

Le marché automobile français a connu une croissance remarquable entre 1913 et 1925. La production a été multipliée par plus de quatre, passant de 45 000 à 200 000 voitures, tandis que le parc automobile a presque quintuplé, atteignant 474 000 véhicules. Cette expansion profite à différents constructeurs, avec en tête Citroën, Renault et Peugeot (respectivement 67 500, 45 000 et 20 000 unités produites en 1925), suivis par Mathis, Donnet et Berliet (environ 8 000 unité pour chacun), puis par un ensemble de marques telles que Chenard & Walcker, Panhard & Levassor, Talbot, de Dion-Bouton, Delahaye, Delage et Unic. Enfin, les constructeurs de voitures de luxe, Voisin, Lorraine-Dietrich, Hispano-Suiza, Farman et Rochet-Schneider, conservent une production plus confidentielle. Près de 57 000 voitures sont exportées, quand en parallèle, ce sont près de 16 000 voitures qui rentrent dans l'Hexagone, majoritairement depuis les États-Unis.

Cette année, il n'y a pas de Salon de l'automobile à Paris. La nouvelle gamme présentée fin 1925 pour l'année modèle 1926 se compose des :

- 10 CV de 1,5 litre, empattement de 2,83 mètres
- 11 CV de 2 litres, soupapes latérales, empattement de 3,06 mètres
- 2 litres Sport, soupapes en tête, empattement de 3,06 mètres
- 16 CV de 3 litres, empattement de 3,22 mètres

Publicité parue dans l'Illustration du 5 décembre 1925. © : L'Illustration (www.lillustration.com)


1926


René Donnay est élevé au rang de chevalier de la Légion d'honneur, une distinction qui souligne son rôle essentiel dans la direction de l'entreprise Chenard & Walcker depuis la disparition d'Ernest Chenard en 1922. Pour célébrer cet événement, deux réceptions somptueuses sont organisées : la première réunit les collaborateurs de l'entreprise à l'Hôtel Carlton, tandis que la seconde, au Palais d'Orsay, accueille près de 300 convives, issus en grande majorité du monde automobile : confrères, fournisseurs, agents, clubs automobiles et journalistes. Les discours prononcés à cette occasion sont unanimes quant aux louanges adressées à René Donnay. Ses qualités humaines, ses compétences techniques et commerciales sont mises en avant, notamment par Eugène Henry. Il est clair que René Donnay jouit d'une grande estime auprès de ses pairs, de ses collaborateurs et de tous ceux qui ont eu l'occasion de travailler avec lui.

Cependant, la carrière de René Donnay ne s'arrête pas là. Les années à venir seront source de défis importants. Dans l'immédiat, le secteur automobile s'inquiète de la montée en puissance des constructeurs américains sur le marché français et européen. René Donnay, conscient de la nécessité d'une vision à long terme, est convaincu que la solution réside dans l'union des forces des constructeurs français pour faire face à cette concurrence étrangère. Une autre source de préoccupation pour René Donnay est la concurrence nationale. Les trois grands constructeurs nationaux, Citroën, Renault et Peugeot, représentent une menace pour les indépendants encore en lice. Là encore, seule une union des constructeurs de taille moyenne semble en mesure de garantir leur survie. L'abandon par Citroën de son modèle 5 HP au profit de la 10 HP, produite en grande quantité et vendue à des prix défiant toute concurrence, illustre parfaitement cette menace.

Chenard & Walcker gagne le Coupe Boillot pour la 4ème fois. Source : La Revue Automobile, N° 477

Malgré ces inquiétudes, la situation de Chenard & Walcker reste florissante en 1926. Le chiffre d'affaires et les résultats continuent de progresser. La faiblesse du franc favorise les ventes à l'étranger, une situation qui ne saurait durer. La SPCA tire parti de l'évolution du marché. Entre temps, la  participation au capital de Kelsch est abandonnée.

Par ailleurs, Chenard & Walcker étend son influence au-delà des frontières en vendant des licences du système FAR en Allemagne, en Angleterre et en Belgique. En situation de quasi-monopole, le train Chenard & Walcker évolue peu. L'entreprise se contente d'expérimenter la technique du gazogène, qui, grâce à l'utilisation du charbon de bois, permet de s'affranchir du pétrole importé. La liste des clients des trains FAR est impressionnante, et compte de grands noms tels que Michelin, Chausson, Fichet, Gaumont et Saint-Gobain. Fait remarquable, Citroën lui-même figure parmi les utilisateurs des trains FAR, une publicité inespérée pour la firme de Gennevilliers !

Les voitures suivantes sont présentes au Grand Palais :

- 7/8 CV de 1,3 litre, empattement de 2,55 mètres
- 10 CV de 1,5 litres, empattement de 2,83 mètres
- 11 CV de 2 litres, empattement de 3,06 mètres
- 16 CV de 3 litres, empattement de 3,22 mètres

Chenard & Walcker 16 CV- © : L'Illustration (www.lillustration.com)


1927


A l'issue de la saison 1926, Chenard & Walcker décide de se retirer des compétitions automobiles. La rumeur dit même qu'au début de l'année 1927, une délégation des autres constructeurs français aurait été reçue par les organisateurs des 24 Heures du Mans. Cette délégation aurait déclaré ne plus vouloir participer à cette compétition si Chenard & Walcker était encore en lice avec ses tanks. Les dirigeants de Chenard & Walcker, flattés par cet " hommage ", auraient finalement accepté de retirer leur engagement au Mans. Cette demande arrive à point nommé. En effet, Chenard & Walcker envisageait de toute façon d'arrêter la compétition, après en avoir retiré le maximum de bénéfices. Il faut dire que son palmarès est éloquent. Le constructeur a largement fait ses preuves depuis le début de la décennie, et n'a plus grand-chose à prouver. Son image de marque, il la doit aussi désormais à une série de triomphes retentissants.

Ces victoires sont le fruit du travail acharné de Henri Toutée et de son bureau d'étude, secondés par des pilotes engagés et talentueux. Ensemble, ils ont su concevoir des voitures de course performantes et fiables, capables de rivaliser avec les meilleures écuries européennes. L'histoire retiendra surtout la victoire de Chenard & Walcker aux 24 Heures du Mans de 1923, lors de la première édition de cette épreuve devenue depuis mythique. Même si la marque se retire de la compétition, elle continue de soutenir quelques pilotes privés jusqu'en 1931. Quelques voitures " officielles " seront confiées à de bons pilotes, dans des épreuves bien définies.

Chenard et Walcker se retire en cours d'année de la compétition officielle. Son palmarès éloquent est rappelé dans cette publicité presse. Source : Omnia, mars 1927

Les dirigeants de Chenard & Walcker, conscients des fluctuations du marché, demeurent attentifs à son évolution. Ils savent que le niveau élevé des exportations dépend en grande partie de la faiblesse temporaire du franc et qu'un retour à la stabilité monétaire aurait des conséquences négatives sur leurs ventes à l'étranger. Dans cette perspective, ils anticipent une concurrence accrue entre les constructeurs français sur le marché national, ce qui pourrait entraîner une baisse des ventes.

Jean Donnay, Lucien Chenard, Georges Ravault et deux autres collaborateurs réalisent un voyage d'étude aux États-Unis. Ce n'est pas une première pour Jean Donnay, qui a déjà eu l'occasion d'observer les pratiques américaines quelques années auparavant. Ce voyage confirme l'importance du travail à la chaîne, une méthode qui s'impose de plus en plus dans l'industrie automobile. Cependant, l'adoption de cette nouvelle organisation du travail nécessite un changement radical des mentalités et une adaptation aux nouvelles conditions de travail qu'elle implique.

Le 15 janvier 1927, un accord de collaboration est signé entre Delahaye, Unic et Chenard & Walcker, sous le nom de l'accord DUC (Delahaye, Unic et Chenard & Walcker), avec une mise en application prévue pour le 1er octobre de la même année. Ce partenariat stratégique, formalisé par un mémorandum en douze points, vise à optimiser les activités des trois constructeurs. L'accord s'articule autour de trois axes principaux : la diminution des prix de revient grâce à une rationalisation des coûts de production et une mutualisation des ressources, l'harmonisation des gammes de produits afin d'éviter une concurrence interne stérile et de proposer une offre plus complémentaire, et l'unification des réseaux d'agents pour étendre la portée commerciale et améliorer l'efficacité de la distribution. L'association de ces trois acteurs majeurs de l'industrie automobile française crée, sur le papier, le quatrième constructeur français en termes de volume d'affaires cumulé, unissant leurs forces pour mieux affronter un marché en constante évolution.

René Donnay et Charles Weiffenbach, respectivement dirigeants de Chenard & Walcker et de Delahaye, entretenaient des liens étroits bien avant la signature de l'accord de 1927. Leur participation commune au conseil d'administration d'une petite entreprise avait favorisé leur rapprochement et, au fil des ans, une solide amitié s'était développée entre eux. Partageant les mêmes préoccupations quant à l'avenir de leurs entreprises, ils étaient conscients des dangers qui menaçaient les entreprises de taille moyenne comme les leurs. Si les échanges entre Donnay et Weiffenbach ont été facilités par leur relation personnelle, les discussions avec Unic ont revêtu un caractère plus formel.

Si les trains FAR sont exclus de l'accord de collaboration, la production d'une camionnette en commun avec Delahaye représente un élément majeur du programme de coopération. Chenard & Walcker, conscient de la demande significative sur ce marché et désireux de tirer parti de son image de fiabilité, entend bien y rester présent. Cependant, la conception et la production de cette camionnette soulèvent des défis. Les discussions pour déterminer le type de moteur et la charge utile s'avèrent longues et complexes. De plus, la mise en œuvre d'une production à la chaîne chez Chenard & Walcker s'avère trop difficile à réaliser. Finalement, l'assemblage du véhicule est confié à la SPCA. Cette solution permet de contourner les difficultés rencontrées en interne tout en permettant à Chenard & Walcker de poursuivre le développement de sa propre gamme de véhicules. Dans le même temps, De Dion-Bouton, pionnier de l'industrie automobile, dépose son bilan. Cet événement souligne la fragilité des entreprises, même les plus établies, et renforce la pertinence des accords DUC. Il démontre également la capacité d'anticipation des dirigeants de ces trois entreprises, qui ont su s'unir pour faire face aux défis du marché.

Au sein du groupement DUC, des signes de désaccord apparaissent du côté d'Unic. Plusieurs agents de la marque voient d'un mauvais œil l'unification du réseau de distribution, craignant à terme la disparition de leurs propres concessions. M. Lazard, le patron d'Unic, exprime ouvertement ses inquiétudes quant à cette unification. Il semble qu'il se serait contenté d'accords portant uniquement sur le plan technique, sans aller jusqu'à une intégration commerciale complète. Cependant, ses partenaires, Delahaye et Chenard & Walcker, semblent vouloir ignorer ces objections et ne souhaitent pas aborder la question de la distribution dans l'immédiat. Cette divergence de vues et ce manque de consensus sur des questions essentielles vont finalement conduire à la rupture entre Unic et les deux autres partenaires. La séparation est actée le 8 juillet 1927.

Suite au retrait d'Unic, Chenard & Walcker et Delahaye, redéfinissent leur stratégie. Ils doivent repenser leur collaboration et adapter leurs plans initiaux pour tenir compte de l'absence d'Unic. Un nouvel accord est établi entre les deux constructeurs, prévoyant la production de plusieurs modèles : la 7 CV Chenard & Walcker, ainsi que trois autres modèles, une 10 CV, une 16 CV et une camionnette. Afin de différencier ces véhicules, seule la calandre sera spécifique à chaque marque. L'union de Chenard & Walcker et de Delahaye est officialisée lors du Salon de Paris, où quelques publicités communes font leur apparition dans la presse. Cependant, cette campagne de communication reste modeste et ne reflète pas l'ampleur du projet initial. Le renoncement d'Unic fragilise quelque peu ce projet de "General Motors à la française" et entame sa crédibilité. L'ambition de créer un groupe automobile puissant et diversifié est déjà compromise par ce départ.

Chez Chenard & Walcker, l'idée d'élargir le cercle des partenaires, au-delà de l'alliance avec Delahaye, est dans les esprits. L'entreprise s'intéresse de près à Amilcar, autre spécialiste des cyclecars avec Sénéchal, qui traverse une période difficile. En mars 1927, la liquidation judiciaire d'Amilcar est prononcée. Chenard & Walcker, y voyant une opportunité de croissance, réagit rapidement. En mai, le conseil d'administration de Chenard & Walcker valide la reprise de l'affaire.Cependant, ce projet est rapidement abandonné.  Finalement, Amilcar sera sauvé grâce à un plan de restructuration qui lui permettra de poursuivre son activité de manière indépendante.

Malgré les inquiétudes légitimes de ses dirigeants, Chenard & Walcker connaît une période de prospérité à court terme. L'entreprise, qui emploie 2 700 personnes sur son site de Gennevilliers, voit son chiffre d'affaires et ses bénéfices augmenter de manière significative durant l'exercice 1926/27, confirmant sa bonne santé financière. Le lancement de la nouvelle 7 CV, un modèle plus accessible et positionné sur un segment inférieur, s'accompagne d'une importante campagne publicitaire. Cette stratégie témoigne de la volonté du constructeur d'accroître ses volumes. Le Salon de Paris, en octobre, est l'occasion pour Chenard & Walcker de présenter ses nouveaux modèles et de recueillir un nombre important de commandes. Un succès commercial qui, paradoxalement, met temporairement le constructeur dans l'obligation d'allonger ses délais de livraison.

La gamme exposée à Paris en octobre comprend trois modèles principaux, soit deux 4 cylindres et une 6 cylindres :

- 7 CV de 1,3 litre, 4 cylindres
- 10 CV de 1,5 litres, 4 cylindres, anciennement 10 CV
- 16 CV de 2,9 litres, 6 cylindres

Chenard & Walcker 16 CV 6 cylindres- © : L'Illustration (www.lillustration.com)

En parallèle de ses modèles plus classiques, Chenard & Walcker surprend le public avec la présentation d'une voiture inédite : la Tank de type Y8. Ce modèle, pour le moins original, est équipé d'un petit moteur de 1,5 litre à culasse à " haut rendement ", une technologie qui promet une meilleure efficacité énergétique et des performances optimisées. Son châssis, court avec 2,50 mètres, et surbaissé grâce à des longerons passant sous les essieux, lui confère une silhouette distinctive et une tenue de route potentiellement améliorée. Avec un poids plume de seulement 650 kg, ce " tank de tourisme " se veut agile. La carrosserie de type " semi-ponton " contribue également à son allure moderne et aérodynamique. Deux versions sont proposées : un torpédo avec capote pour une conduite en plein air, et un faux-cabriolet à toit rigide pour un confort accru. Cependant, le pare-brise droit de cette dernière version, bien que contribuant à son esthétique, ne favorise pas vraiment ses performances aérodynamiques.

Le Tank Y8 est révolutionnaire sur le plan esthétique.  Avec son profil en aile d'avion, son pare-brise surbaissé et ses phares basculants, il démode instantanément les productions concurrentes. Source : Gallica

Chenard & Walcker 1500 Sport. Son pare-brise vertical met à mal le profilage de cette version fermée. Source : Gallica

Sur le stand voisin, sous le nom de l'éphémère marque Chenard-Sénéchal, sont exposées deux 1500 Sport semi-surbaissées, type Y7, dite Torpille. Ces voitures se distinguent par leurs ailes avant pivotantes qui accentuent leur côté sportif. Deux carrosseries sont proposées : un torpédo sport profilé de deux places à l'avant et une troisième à l'arrière, avec un pare-brise en deux parties rabattable, disponible en bleu France avec intérieur en simili cuir rouge et pouvant être choisi avec des portières et un pare-brise en une seule pièce ; et un coach deux portes et deux places avec une caisse en bois contreplaqué acajou et gainé simili cuir, facturé 31 300 francs en 1928, contre 27 700 pour le torpédo.

Chenard & Walcker ayant abandonné la compétition, ce sont des clients qui vont se charger d'engager les Y7 et Y8 dans diverses épreuves. Ces voitures sont les dernières Chenard réalisées en coopération avec Sénéchal.

Chenarrd & Walcker Torpille, lors de la course Paris / Saint Raphael, exclusivement réservée au femmes.
Source : https://www.automobielhistorie.com

En 1927, Chenard & Walcker produit environ 3 000 voitures, un chiffre modeste comparé aux géants de l'industrie automobile française : Citroën (75 000 unités), Renault (50 000) et Peugeot (24 000). Entre ces leaders et Chenard & Walcker, on trouve des constructeurs de taille intermédiaire tels que Berliet, Donnet, Mathis et Unic, dont la production oscille entre 4 000 et 8 000 véhicules. Les " autres " petits constructeurs, pris dans leur ensemble, totalisent 18 000 unités.


1928


Chez Chenard & Walcker, la nécessité d'une union entre les constructeurs automobiles de second plan est une conviction profonde, peut être perçue avec encore plus d'acuité que chez Delahaye. L'entreprise et ses filiales se mobilisent pour atteindre cet objectif. Le retrait d'Unic a toutefois piqué au vif des dirigeants de Gennevilliers, mais il est trop tard pour revenir en arrière. Chenard & Walcker est clairement le moteur de ce projet d'union, et Delahaye s'étonne de l'empressement de son partenaire. Cependant, à Gennevilliers, Il n'y a plus de place pour l'hésitation. Un débat interne subsiste toutefois quant à la réduction du nombre de modèles proposés pour baisser les coûts de production. Ce choix se heurte aux impératifs commerciaux, qui exigent une offre large et diversifiée pour satisfaire tous les besoins.

Trois autres partenaires possibles se signalent : Aries, Rosengart et Donnet.

Sous la direction du Baron Petiet, également président de la Chambre syndicale des constructeurs, Aries bénéficie d'un apport de fonds de Chenard & Walcker via sa filiale AME (Ateliers mécaniques et électriques de Gennevilliers). Cette opération voit Eugène Henry et René Donnay devenir administrateurs d'Aries, tandis que le Baron Petiet rejoint le conseil d'administration d'AME. La stratégie adoptée consisterait à transférer l'ensemble de la production de poids lourds, spécialité de l'entreprise, vers Aries. Cette mesure permettrait de libérer de l'espace à Gennevilliers, qui se concentrerait alors sur la production automobile. Cette spécialisation par usine devrait permettre d'accroître la productivité grâce à une mécanisation accrue.

Le dynamisme de Citroën dont le modèle phare est aussi une 10 CV est destructeur pour les constructeurs de taille moyenne. Chez Chenard & Walcker, on travaille avec fébrilité sur de possibles alliances.  Source : Omnia, février 1928

Fort de son expérience chez Citroën et Peugeot, Lucien Rosengart s'apprête à lancer sa propre marque automobile. Son premier modèle sera une 5 CV, une Austin Seven construite sous licence. Chenard & Walcker, par le biais de Rosengart, offre ainsi une solution à ses agents. Ces derniers, confrontés à la disparition des Sénéchal, réclament un modèle simple et économique, une " vraie voiture ". L'opération est bénéfique pour les deux parties. Rosengart profiterait du réseau d'agents de Chenard & Walcker, tandis que le constructeur l'aiderait à finaliser son tour de table en prenant une participation à son capital.

Malgré une certaine méfiance initiale de Chenard & Walcker envers Donnet, les deux entreprises décident de s'associer afin d'obtenir de meilleures conditions d'achat auprès de leurs fournisseurs. Parallèlement, Chenard & Walcker récupère les locaux de Donnet à Gennevilliers. En effet, Donnet déménage à Nanterre, après avoir racheté à Vinot-Deguingand, en difficulté, la vaste et moderne usine que ce dernier y a récemment construite. Donnet se réjouit de pouvoir compter sur le soutien financier du chef de file de cette union de constructeurs de second plan. Il informe ses agents de l'entente conclue, leur demandant de ne pas concurrencer leurs homologues de Chenard & Walcker.

Chez Delahaye, on n'apprécie pas vraiment ces initiatives de Chenard & Walcker, qui semble jouer cavalier seul. Les dirigeants de la rue du Banquier signifient à leur confrère de Gennevilliers que ce type de pratique isolée est susceptible de remettre en cause leurs accords, et qu'ils doivent en référer à leur conseil d'administration.

En octobre 1928, Chenard & Walcker alerte ses quatre partenaires sur la nécessité d'accélérer le regroupement, identifié sous le nom de l'Entente, ou de Consortium. Il propose à Delahaye, Aries, Rosengart et Donnet, de créer une société centrale, la Cofra pour COnsortium FRAnçais des constructeurs d'automobiles, dans laquelle chacun aurait une part égale, et qui serait chargée de gérer les différents problèmes communs : achat des matières premières, études et documentation, transport, aspects financiers et commerciaux, consolidation du réseau ...

Au même moment, la répartition des tâches est détaillée dans un accord au sujet de la production des utilitaires et des poids lourds. Delahaye gardera la production des véhicules d'incendie dont il est un des spécialistes reconnus, et celle des camions de plus de deux tonnes de charge utile. Chenard & Walcker conservera celle des tracteurs et des utilitaires de moins de 1,5 tonne de charge utile. La camionnette commune, d'une charge utile de 1,2 tonne et dotée d'un moteur Chenard & Walcker, serait vendue sous les deux marques. Cela remet en cause les choix initiés avec Aries.

Chenard & Walcker adopte une stratégie de communication axée sur la qualité et la fiabilité de ses produits, plutôt que de divulguer des informations sur les accords en cours. La marque met en avant le sérieux de sa production et les contrôles qualité rigoureux effectués en laboratoire, à travers des communiqués de presse. Ces communiqués sont souvent repris tels quels par des magazines tels qu'Omnia et La Vie Automobile, qui ne cherchent pas à faire preuve d'objectivité.

Au Salon de Paris, on évoque bien évidemment dans les allées le rapprochement entre Chenard & Walcker et Delahaye. Les discussions avec les trois autres partenaires restent sous silence. Dans la présentation de la gamme, Chenard & Walcker ne révèle rien sur l'identité absolue de certaines voitures, qui ne diffèrent des Delahaye que par la calandre. La gamme comporte les modèles suivants :

- 7 CV de 1,3 litre, 4 cylindres, empattement de 2,65 mètres
- 9 CV de 1,5 litre, 4 cylindres, empattement de 2,65 mètres
- 10 CV de 1,75 litre, 4 cylindres, empattement de 3,11 mètres
- 14 CV de 2,47 litres, 6 cylindres, empattement de 3,11 mètres
- 16 CV de 2,9 litres, 6 cylindres, empattement de 3,46 mètres
- 1500 Sport (9 CV), 4 cylindres de 1,5 litre, empattement de 2,50 mètres


1929


Chenard & Walcker connaît une période de succès. Le chiffre d'affaires augmente, malgré une légère diminution des bénéfices. En mai, 900 châssis sont produits à Gennevilliers. La SPCA a du mal à suivre la cadence. Pour débloquer la situation, ce ne sont plus les châssis qui vont se faire habiller dans les ateliers de la SPCA, mais les carrosseries qui sont livrées depuis la SPCA pour être montées sur chaîne. Cette nouvelle organisation ne concerne que les modèles 4 cylindres à fort volume, et non les 6 cylindres.

Le groupe Chenard & Walcker est composé de plusieurs filiales, toutes situées à Gennevilliers, dans ou à proximité de l'usine. L'entreprise est un employeur important pour la ville, avec 4 500 salariés. Le groupe détient également des participations dans plusieurs entreprises fournisseuses et collabore financièrement avec certains de ses agents.

Hélas, l'Entente patine. Les deux principaux protagonistes, Chenard & Walcker et Delahaye, en sont encore à tenter de résoudre plusieurs problèmes pratiques. De plus, l'administration fiscale s'intéresse à leurs transactions. Elle considère que les factures de rétrocession entre les deux entreprises doivent être soumises à la taxe sur le chiffre d'affaires. Il est surprenant que Chenard & Walcker n'ait pas anticipé ce problème, alors qu'il avait déjà géré une situation similaire en 1926 en mettant en sommeil une de ses filiales. L'entreprise se lance dans une bataille juridique contre le fisc qui durera 18 mois. Ces difficultés affectent le moral des dirigeants et semblent freiner leurs ambitions. L'Entente est au point mort.

Chenard & Walcker met en avant la 9 CV, disponible en torpédo, conduite intérieure, faux cabriolet et cabriolet. Source : Omnia, mars 1929

L'année se termine sans que l'Entente n'ait fait de réels progrès. Chez Chenard & Walcker, on s'interroge. Delahaye ne manifeste aucun empressement, et les relations entre les deux partenaires se détériorent. On se fait des reproches, on remet en question des décisions prises, on élabore des stratégies pour éviter la taxe sur le chiffre d'affaires, avant de les abandonner sans raison valable. Aries est une petite entreprise. Jérôme Donnet et Lucien Rosengart, contrairement à Eugène Henry ou René Donnay, manquent de la puissance et de la détermination nécessaires, et sont eux-mêmes confrontés à des problèmes financiers à court terme.

Cette situation incite Chenard & Walcker à diversifier ses alliances. Eugène Henry multiplie les contacts, notamment avec Henri-Théodore Pigozzi, responsable du développement des ventes de Fiat en France. Ils partagent la même vision de l'avenir : le seul moyen d'assurer la pérennité de l'entreprise est de se lancer dans une production en grande série. Cependant, leurs discussions sont rapidement interrompues. H.T. Pigozzi mettra en œuvre cette stratégie avec succès en fondant Simca, qui deviendra entre 1955 et 1959 le deuxième constructeur français en volume.

Vue générale des usines Chenard & Walcker, 1929. Copyright

FAR poursuit son développement dans le domaine des tracteurs. L'entreprise travaille sur des modèles équipés de moteurs diesel, un carburant nettement moins coûteux que l'essence. Michelin, de son côté, met au point des pneus basse pression plus performants que les anciens bandages, mais qui ne sont pas encore adaptés aux longues distances. Les équipes de Chenard & Walcker et de FAR se penchent sur cette question. Pour l'instant, le marché des poids lourds est moins concurrentiel que celui des voitures particulières. Les frères Glaszmann et André Lagache font le point sur les progrès réalisés en dix ans. Leur usine d'Argenteuil emploie désormais 300 ouvriers, et près de 6 000 remorques ont été vendues dans le monde entier.

Au Salon, Chenard & Walcker propose six voitures :

- 9 CV type Y6 de 1,5 litre, 4 cylindres, empattement de 2,65 mètres
- 10 CV type F1 de 1,75 litre, 4 cylindres, empattement de 3,11 mètres
- 14 CV type T8 de 2,45 litres, 6 cylindres, empattement de 3,15 mètres
- 16 CV type U8 de 2,9 litres, 6 cylindres, empattement de 3,45 mètres
- 1500 Sport (9 CV), 4 cylindres de 1,5 litre, empattement de 2,50 mètres

Une gamme parfaitement étalée, avec deux 4 cylindres, deux 6 cylindres et une Sport Source : Omnia, novembre 1929


1930


La direction de Chenard & Walcker est traversée par des dissensions internes, mettant à mal l'unité qui régnait depuis la création de l'entreprise. Cette crise se traduit par un changement des dirigeants, avec le départ de la famille Henry, tant le père, Eugène Henry, que le fils, Maurice Henry, qui exerçait certaines responsabilités dans la société. Les relations entre les filiales sont également conflictuelles, certaines d'entre elles prenant leur indépendance et établissant leur siège chez Eugène Henry.

Hélas, au moment où les choses sont sur le point de s'arranger avec le Ministère des finances, l'Entente éclate le 30 juin 1930. Chenard & Walcker signifie à Delahaye que les accords en cours prendront fin à la date du 30 septembre 1931, mais il se dit toutefois ouvert à de nouvelles discussions, mais sur des bases différentes.

Chenard & Walcker 9 CV type Y6 de 1,5 litre, 4 cylindres © : L'Illustration (www.lillustration.com)

Un châssis de 14 CV est préparé pour une tentative de record à Montlhéry. Lucien Chenard en est l'instigateur, aidé bien entendu par Toutée et son équipe. Robert Sénéchal, l'ancien pilote maison, est sollicité pour cette mission. L'idée est de gagner du temps en ravitaillant sur piste. C'est ainsi qu'une seconde 14 CV est aménagée pour servir de voiture ravitailleuse. Elle prend la piste dès que Sénéchal a besoin de faire le plein. En roulant côte à côte avec la première à 120 km/h, le transfert du carburant se fait par le biais d'un flexible, avec l'assistance de l'air comprimé. La réussite de cette expérience devra autant à la dextérité de Sénéchal, qu'à celle du pilote ravitailleur, René Léonard. Chenard & Walcker en tirera une option moteur assagie, inscrite à son catalogue sous la désignation ... Montlhéry. 

Publicité mettant en avant l'option Montlhéry sur une Chenard & Walcker. © : L'Illustration (www.lillustration.com)

En l'absence d'accords avec d'autres constructeurs, et dans un contexte de gouvernance difficile, Chenard & Walcker affronte une période d'adversité. Il participe activement au développement des transports routiers sur de longues distances. Cela fait écho à une volonté des pouvoirs publics. En effet, les grands axes sont progressivement goudronnés et entretenus. Les progrès conjugués de Chenard & Walcker, FAR et Michelin ouvrent des perspectives très intéressantes. Le marché est en berne, et cela concerne à peu près tous les constructeurs. Rosengart, l'un des partenaires de l'Entente, fait exception. Sa production passe de 2 871 unités en 1929, à 4 411 en 1930. C'est cohérent pour un constructeur en phase de démarrage.

Au Salon d'octobre 1930, Chenard & Walcker annonce la gamme suivante :

- 9 CV de 1,5 litre, 4 cylindres, empattement de 2,65 mètres
- 10/12 CV de 2,2 litres, 4 cylindres, empattement de 3,11 mètres
- 14 CV  de 2,45 litres, 6 cylindres, empattement de 3,15 mètres
- 16 CV de 2,9 litres, 6 cylindres, empattement de 3,45 mètres, en fin de carrière
- 1500 Sport (9 CV), 4 cylindres de 1,5 litre, empattement de 2,50 mètres, en fin de carrière

Chenard & Walcker, 6 cylindres, 14 CV , 2,45 litres. © : L'Illustration (www.lillustration.com)


1931


En début d'année, la SPCA fusionne totalement avec Chenard & Walcker. Deux arguments sont avancés pour justifier ce changement. La SPCA dépend quasi-exclusivement des commandes du constructeur de Gennevilliers, et cela permettra de réduire les frais généraux. Les ateliers situés en face de chez Chenard & Walcker comptent cinq grosses presses à emboutir et différents ateliers : menuiserie, peinture, chaîne de montage ... La même démarche est parallèlement entreprise avec la Société industrielle et commerciale de Gennevilliers, qui est absorbée. Cela permet de supprimer certaines enclaves au sein même des usines, et de rendre l'ensemble plus homogène, sous la coupe d'une seule direction.

Chenard & Walcker. © : L'Illustration (www.lillustration.com)

Charles Stein, le gendre d'Ernest Chenard, est administrateur depuis quelque temps. Parallèlement, il dirige ses propres affaires. Après le départ de la famille Henry, il a le souci de renouer avec l'esprit de l'Entente. Motivé, volontaire, il veut faire bouger les lignes.

En avril, Chenard & Walcker abandonne le magasin d'exposition qu'il possède en commun avec Delahaye. C'est la première traduction visible de l'abandon de l'Entente. Les relations avec Donnet n'ont toujours été que de circonstance, et ce constructeur est lui-même en perte de vitesse. Rosengart piétine, avec des résultats juste à l'équilibre, sans gain. Chenard & Walcker cherche à se désengager financièrement. Il procède de même avec Aries.

La situation économique se dégrade. La concurrence est plus âpre que jamais. Pour assurer du volume, certains constructeurs font le choix de baisser leurs prix.

Plus agréable que les banales dénominations 9 CV, 12 CV ou 14 CV, le constructeur adopte pour certains modèles des noms de stations balnéaires : Biarritz, Granville, La Baule ... L'exercice qui se termine le 30 septembre 1931 laisse encore apparaître un bénéfice, moindre qu'en 1930.

Au Salon, Chenard & Walcker propose trois voitures qui ne doivent plus rien à Delahaye :

- 8/10 CV de 1,5 litres, 4 cylindres, empattement de 2,72 mètres
- 12 CV de 2,2 litres, 4 cylindres, empattement de 2,94 ou 3,11 mètres
- 14 CV de 2,5 litres, 6 cylindres, empattement de 3,15 mètres


1932


Les difficultés internes, l'abandon de l'Entente et un contexte économique défavorable fragilisent Chenard & Walcker. L'entreprise, autrefois admirée pour sa gestion rigoureuse, ne parvient plus à se distinguer. Les commandes après le Salon d'octobre 1931 sont en net recul. Face à cette situation, Chenard & Walcker explore des collaborations extérieures, devant faire face à la concurrence de Ford, qui propose son type A à des prix compétitifs sur divers marchés européens. Le protectionnisme français permet toutefois à Chenard & Walcker d'échapper à cette concurrence sur le marché national.

La fabrication des carrosseries est une autre source de préoccupations. Les ateliers de l'ancienne SPCA, surdimensionnés par rapport aux ventes, utilisent des méthodes de production dépassées. L'arrivée des carrosseries tout acier de Citroën rend obsolètes les ossatures en bois encore utilisées à Gennevilliers. Cependant, seuls les grands constructeurs ont les moyens financiers et les volumes de production nécessaires pour amortir de tels investissements. Une union avec d'autres constructeurs, petits et moyens, pour créer une unité de production commune serait une solution, mais la fin de l'Entente témoigne de la difficulté à concrétiser ce type de projet. Poutant, des carrossiers indépendants comme Manessisu et la Sical proposent déjà des caisses tout acier à certains constructeurs.

Pour Chenard & Walcker, la priorité en ce début d'année est d'augmenter son chiffre d'affaires. Afin de compenser la baisse des ventes, l'entreprise réduit temporairement les horaires de travail à 35 heures et ajuste les salaires en conséquence. Parallèlement, Chenard & Walcker intensifie sa communication auprès du public, à travers la presse et de nombreuses brochures publicitaires. Les ateliers ABC réalisent des supports visuellement attractifs, notamment grâce à l'utilisation de la couleur.

De nouvelles appellations commerciales, telles que Aiglon, Aigle 4 et 6, sont introduites. Les calandres sont inclinées, mais ces modifications ne suffisent pas à masquer le retard de la gamme, notamment pour le millésime 1933, qui voit l'arrivée de caisses aérodynamiques chez la concurrence. Lors du Salon de Paris en octobre, la communication de Chenard & Walcker met en avant ses 45 années d'expérience, remontant aux débuts d'Ernest Chenard. Le constructeur mise également sur le patriotisme de sa clientèle, en affichant sur ses tarifs la mention " un bon français achète une voiture française ".

La gamme est composée des modèles suivants lors du Salon de Paris :

- Aiglon 8 CV, 4 cylindres, 1 470 cm3, empattement de 2,72 mètres
- Aiglon 9 CV, 4 cylindres, 1 630 cm3, empattement de 2,72 mètres
- Aigle 4, 4 cylindres, 2 180 cm3, ancienne 12 CV, empattement de 2,92 ou 3,12 mètres
- Aigle 6, 6 cylindres, 2 500 cm3, ancienne 14 CV, empattement de 2,92 ou 3,12 mètres

Chenard & Walcker Aigle 6, 6 cylindres. © : L'Illustration (www.lillustration.com)


1933


Pour rétablir son équilibre financier, Chenard & Walcker est contraint de céder certaines de ses filiales de vente, tant en France qu'à l'étranger. Les employés qui quittent l'entreprise ne sont pas remplacés. La crise mondiale a finalement atteint la France, et Chenard & Walcker se retrouve distancé par Mathis, Ford et Hotchkiss, et surtout très loin de Citroën, Renault et Peugeot, toujours leaders du marché.

Le principe des roues avant indépendantes se généralise. Le manque de renouvellement des carrosseries explique sans doute le désintérêt d'une partie de la clientèle, qui, au moment de choisir, ne prend pas seulement en compte les avantages mécaniques des Chenard & Walcker. Pour pallier le manque d'inspiration des stylistes maison, l'entreprise fait appel au carrossier Saoutchik.

Malgré la morosité du marché, l'entreprise continue de croire en son avenir. La publicité met en avant les nombreuses années d'expérience du constructeur. Cependant, si un passé est important pour une entreprise, un avenir l'est encore plus. Il devient urgent de marquer les esprits. Pour cela, une voiture fait sensation au Grand Palais : la Mistral, le premier prototype véritablement aérodynamique créé par un constructeur français.

Ce modèle est inscrit au catalogue dans la nouvelle gamme Aigle 8, à un prix élevé, proche de celui d'une Bugatti. Toute la presse, spécialisée ou non, décrit cet engin futuriste et souligne l'audace de son constructeur. Chez Chenard & Walcker, on est conscient que ce type d'automobile ne correspond pas aux attentes de la clientèle, en général discrète, mais ce n'est pas la priorité. L'objectif est surtout de faire parler de la marque, et c'est plutôt réussi.

Chenard & Walcker Mistral. Source : Gallica.

La création de la Mistral, une véritable quatre places, est née des liens étroits entre l'épouse de Jean Donnay et l'avionneur Pierre Mauboussin, un ami d'enfance de cette dernière. Pierre Mauboussin s'est illustré par ses travaux sur la résistance à l'air des aéronefs. Fort de son expérience avec les "tanks" utilisés sur piste, puis avec ceux introduits dans son catalogue, Chenard & Walcker avait déjà démontré son intérêt pour l'étude des formes aérodynamiques. Ainsi, il n'est pas demandé à Pierre Mauboussin de simplement adoucir quelques angles de carrosseries carrées, comme le font déjà Citroën, Renault, Peugeot et la plupart des autres constructeurs. Il doit concevoir des lignes entièrement nouvelles. Des travaux similaires sont en cours chez Pierce-Arrow et Chrysler. Pierre Mauboussin cède à la pression amicale de Jean Donnay.

Jusqu'à présent, la stabilité des automobiles était uniquement envisagée par un abaissement du centre de gravité et le choix de son emplacement. Pierre Mauboussin étudie les formes de la voiture de manière à ce que les flux d'air ne perturbent pas la trajectoire choisie par le conducteur. Il ne peut pas se contenter de reproduire ce qui se fait dans l'aviation. En effet, l'étude d'une automobile doit tenir compte du fait qu'elle se déplace au sol et que différents accessoires (phares, plaque de police, garde-boue, marchepieds, malle, etc.) peuvent constituer une source supplémentaire de résistances. Les roues contribuent également à perturber l'écoulement de l'air.

Chenard & Walcker Mistral. Source : Gallica.

La Mistral atteint une vitesse de pointe de 150 km/h, alors qu'avec une carrosserie conventionnelle, elle plafonnerait à 115 km/h. Cette vitesse étant difficile à atteindre sur le réseau routier des années 1930, l'accent est mis sur un autre avantage : l'économie de carburant. Grâce à sa moindre résistance à l'air, le moteur de la Mistral tourne moins vite à une vitesse donnée, réduisant ainsi sa consommation. La voiture préserve son moteur, offre une belle réserve de puissance et roule sans vibrations.

Le Salon de Paris 1933 est considéré par la presse spécialisée comme le salon de l'aérodynamisme, et la Mistral en est incontestablement la vedette. Elle devance largement ses concurrentes, même si quelques réserves sont émises quant à son design, jugé trop révolutionnaire pour séduire un large public.

Chenard & Walcker Mistral, le prototype du Salon de Paris 1933. Ses lignes futuristes ont été imaginées par l'avionneur Pierre Mauboussin. Source : Gallica.

Malheureusement, les difficultés financières de Chenard & Walcker empêchent la poursuite du développement de la Mistral. En février, elle est conduite à Montlhéry, après avoir reçu un carénage avant modifiant l'esthétique de la calandre et intégrant un phare unique. L'objectif est de battre le record de distance sur 48 heures. Cependant, à cette époque, la concurrence est rude pour ce type de record, et des constructeurs comme Hotchkiss, Renault et Delahaye, mieux équipés avec des machines plus puissantes, surpassent Chenard & Walcker. La Mistral n'a pas été conçue pour cet objectif. La voiture est remisée dans un coin de l'usine, avant d'être vendue durant l'été 1934 à Jean-Martin Binachon, un jeune industriel du Massif Central, passionné par la marque et ami de Jean Donnay. Ce dernier la fait évoluer en y apportant quelques modifications aérodynamiques. Elle devient une voiture d'usage quotidien, avant de finir chez un ferrailleur ...

Les Aiglon et Aigle sont redessinées dans un style plus à la mode, avec des calandres inclinées. La gamme se compose ainsi :

- Aiglon 9 CV, 4 cylindres, 1 630 cm3, empattement de 2,97 mètres, de 18 000 à 28 000 francs
- Aigle 4, 12 CV, 4 cylindres, 2 180 cm3, empattement de 3,12 mètres, de 27 950 à 36 000 francs
- Aigle 6, 14 CV, 6 cylindres, 2 500 cm3,  empattement de 2,92 ou 3,12 mètres, de 37 000 à 44 000 f.
- Aigle 8, 20 CV, V8 (deux 4 cylindres accolés), 3 850 cm3, empattement de 3,12 mètres, de 45 000 à 75 000 francs (Mistral)

Aigle 4, 12 CV, 4 cylindres, 2 180 cm3, empattement de 3,12 mètres, de 27 950 à 36 000 francs. Source : Gallica.


1934


En 1928, la marque française Tracta lance une voiture dotée d'une transmission avant, une véritable innovation pour l'époque. Cette configuration technique offre plusieurs avantages en termes de tenue de route et de maniabilité. Outre-atlantique, en novembre 1929, la Cord L-29, une berline de luxe à huit cylindres en ligne, devient la première traction avant produite en série, bien qu'à une échelle limitée. La crise économique de 1929 frappe de plein fouet l'industrie automobile, et la Cord L-29 est retirée du marché en 1931 après seulement 5 000 exemplaires produits. Pendant ce temps, en Europe, d'autres constructeurs s'intéressent à la traction avant. En 1931, l'allemand Stoewer commercialise la V5, un modèle haut de gamme produit à seulement 2 100 unités. L'année suivante, en 1932, c'est au tour d'Adler de présenter sa Trumpf au Salon de Genève.

En France, il faut attendre Citroën en avril 1934 pour voir apparaître la 7 CV Traction Avant. Six mois après son lancement, Chenard et Walcker dévoile sa Super Aigle 4 au Salon de Paris. Cette voiture, bien que dotée d'une transmission avant, conserve des éléments stylistiques traditionnels tout en intégrant quelques touches de modernisme.

Chenard & Walcker Aigle 4 - © : L'Illustration (www.lillustration.com

Pionnier de la traction avant avec ses Tracta, Jean-Albert Grégoire est sollicité par Chenard & Walcker pour développer leur propre modèle. Cependant, faute de moyens suffisants, il doit composer avec un moteur et une carrosserie d'un modèle déjà existant. La Super Aigle 4 qui en résulte, bien que techniquement aboutie, ne parvient pas à se distinguer face à la Citroën Traction Avant. Ce n'est pas la suppression des marchepieds qui lui permet d'affronter la voiture de Javel, totalement nouvelle, vraiment moderne et moins chère ... Si vous possédez ce qui se fait de mieux sur le plan technique, il est important que votre voisin le sache !

Même Rosengart qui produit aussi sa traction avant sous licence Adler depuis un an, propose des prix plus attractifs. Paradoxalement, alors que la Citroën rencontre des problèmes de fiabilité, la Super Aigle 4 est fiable dès sa sortie. Le public, cependant, ne voit dans la Super Aigle 4 qu'une voiture dépassée, tandis que la Citroën, malgré ses défauts, incarne la modernité. Grégoire a conçu une traction avant performante, mais le manque d'ambition de son  constructeur anéantit toute chance de réussite commerciale.

Les anciens partenaires de l'éphémère Entente sont en difficulté. Donnet cesse son activité et cède son usine à Simca. La production d'Aries est devenue dérisoire. Le chiffre d'affaires de Delahaye a été divisé quasiment par trois depuis 1930. Rosengart est dans une situation financière précaire, et Amilcar est à l'agonie. Fin 1934, le géant Citroën est lui-même en péril. Michelin vient à son secours, et termine la mise au point de la Traction. Dans ce contexte que l'on s'efforce de ne pas ébruiter, René Donnay est promu officier de la Légion d'honneur, en récompense de sa carrière et de son dévouement dans le développement de l'entreprise. Il a 65 ans.

La SPCA n'existant plus en tant qu'entreprise indépendante, cela devient difficile de fournir d'autres constructeurs en carrosseries, surtout après la disparition de l'Entente. Cette situation, conjuguée à la faiblesse des ventes, ne permet pas d'amortir les frais fixes sur un nombre suffisant d'automobile. Seule la vieille maison Delaunay-Belleville, au passé si prestigieux, se fournit encore auprès de Chenard & Walcker. Mais avec une cinquantaine de caisses par an, cela correspond à peine à une journée de travail à Gennevilliers.

En 1930, Chausson, un fabricant de radiateurs bien établi, fusionne avec son principal concurrent, Gallay. En réalité, Chausson prend le contrôle de Gallay. Celui-ci, par le biais de sa filiale anglaise, produit des malles extérieures en acier sous licence Coquille, du nom de leur inventeur. Ces malles, fabriquées grâce aux presses Budd, sont très populaires auprès des particuliers et des constructeurs automobiles. Chausson reprend leur production en France, où elles vont représenter au plus fort jusqu'à 20 % de son chiffre d'affaires.

Publicité presse pour les radiateurs Chausson, 1927

Cependant, la popularité des malles Coquille finit par diminuer, car les constructeurs ont commencé à produire eux-mêmes cet accessoire. En conséquence, Chausson a dû trouver de nouvelles sources de revenus. Fort de son expérience dans l'emboutissage de tôles acquise dans cette expérience Coquille, Chausson fonde un département de carrosserie automobile. Cette décision va s'avérer judicieuse, car Chausson va devenir en peu de temps un acteur majeur dans cette industrie.

Publicité presse pour les malle Coquille, 1930

Contrairement à Chenard & Walcker qui n'a pas concrétisé ses échanges avec le spécialiste de l'emboutissage Budd, Chausson signe un contrat avec les Américains. Chausson approche les constructeurs français de taille intermédiaire, tels que Matford, Chenard & Walcker et Simca, récemment créée, qui ne disposent pas de leurs propres moyens d'emboutissage. Budd présente par ailleurs Chausson à Ford. Chausson, avec une certaine audace compte tenu de sa seule expérience dans la production de malles Coquille, propose de réaliser la carrosserie de la première Matford.

En fin d'exercice, Chenard & Walcker annonce, pour la première fois de son histoire, une perte. Certes, pour l'instant, les profits des années passées permettent de faire face à cette situation, que l'on espère temporaire.

Bien que les Chenard & Walcker aient été redessinées par Saoutchik l'année précédente, cela n'a pas suffi à relancer les ventes. Les chaînes de production de Gennevilliers tournent au ralenti, ce qui affecte la productivité. Au Salon de Paris en octobre, le constructeur, en plus de la Super Aigle 4, insiste non pas les autres modèles de la gamme, mais plutôt sur les créations de carrossiers, notamment Chapron, Antem, Meulemeester, Van den Plas et le fidèle Saoutchik. L'entreprise explore toutes les pistes possibles pour stimuler les ventes.

La gamme 1935 est composée des modèles suivants :

- Super Aigle 4 type P, 12 CV, 4 cylindres, 2 180 cm3, empattement 3,02 mètres, traction avant
- Super Aigle 4 type N, 14 CV, 4 cylindres, 2 500 cm3, empattement 3,02 mètres, traction avant
- Aiglon, 9 CV, 4 cylindres, 1 630 cm3, empattement de 2,97 mètres
- Aigle 4 S, 12 CV, 4 cylindres, 2 180 cm3, empattement de 2,97 mètres
- Aigle 4 N, 14 CV, 6 cylindres, 2 500 cm3, empattement de 3,12 mètres
- Aigle 8, 20 CV, V8, 3 850 cm3, empattement de 3,12 mètres


1935


En janvier 1934, Chenard & Walcker enregistre 486 commandes. Ce nombre est de 248 en septembre. Ce sont seulement 79 commandes qui sont prises en février 1935. Charles Stein, le gendre d'Ernest Chenard, prend les choses en main, avec l'accord des autres administrateurs. Pour retrouver de la trésorerie, il vend certaines machines sous-utilisées, des presses et des équipements de fonderie. Les banques sont sollicitées pour obtenir des crédits. Les anciennes filiales, parfois encre détentrices d'actions Chenard & Walcker, sont appelées à la rescousse. Des voitures sont mises en gage. En février et mars 1935, des grèves viennent perturber le fonctionnement des usines, 2 500 ouvriers manifestent leur mécontentement. La direction ferme l'entreprise et licencie ses ouvriers. L'usine est occupée. Les dirigeants font appel aux forces de l'ordre pour faire cesser l'occupation. Le maire de Gennevilliers intervient auprès des grévistes pour éviter l'affrontement. Un accord sur les salaires est signé. La production reprend le 25 mars.

Chenard & Walcker Aigle 4-4, 1935 - © : L'Illustration (www.lillustration.com)

L'entreprise Chausson, qui se spécialise dans la production de carrosseries, notamment pour Matford, connait  une forte demande. Cependant, ses ateliers étaient trop petits pour y répondre efficacement. Dans le même temps, Chenard & Walcker, en difficulté financière, disposait d'ateliers de carrosserie sous-utilisés. Cette situation conduit les deux entreprises à envisager une collaboration. En juin, un accord est conclu : Chenard & Walcker loue ses ateliers à Chausson, moyennant un loyer. Cette location permet à Chausson de quadrupler sa surface de production, résolvant ainsi son problème de manque de place. Pour Chenard & Walcker, cette opération représente une source de revenus bienvenue.

Parallèlement, Chausson s'engage à fournir à Chenard & Walcker les emboutis de carrosseries dont il a besoin, à des conditions particulièrement avantageuses, identiques à celle proposées à Matford. A cette époque, d’autres constructeurs suivent une politique semblable. Renault fournit des carrosseries de Viva Grand Sport à Delahaye, Peugeot des carrosseries de 402 à Berliet, Citroën des caisses de Traction Avant à La Licorne et à Delage. Les grands constructeurs craignant que le gouvernement du Front Populaire n'envisage une nationalisation de l'industrie automobile en raison de leur situation de monopole, ont tout intérêt à aider, même artificiellement, les constructeurs de taille moyenne. Cela passe aussi par des contrats de sous-traitance.

Lors du Salon de Paris en octobre, Chenard & Walcker présente une nouvelle carrosserie pour tous ses modèles, à l'exception de l'Aigle 4 S de base. Cette carrosserie est fabriquée par Chausson, qui possède les outils nécessaires pour produire les carrosseries Matford. Matford ayant refusé de financer l'acquisition de ces outils, Chausson est autorisé à fournir d'autres constructeurs, avec l'accord de Matford. Alors que des rumeurs de rachat de Chenard & Walcker par General Motors circulent, Ford, soucieux de ne pas voir son concurrent s'implanter sur le marché de sa filiale Matford, accepte la demande de Chausson. Chenard & Walcker peut ainsi bénéficier de caisses tout-acier modernes, identiques à celles de la nouvelle Matford Alsace V8, au lieu de simples emboutis. Seuls le capot moteur et la malle arrière différencient les deux modèles. Environ 6 000 carrosseries seront produites de la sorte jusqu'à la guerre.

Lors du Salon de Paris, seule l'Aigle 4 S conserve son ancienne carrosserie. Les modèles Aigle 18, 22 et 24, dotés de moteurs de la marque, présentent une nouvelle esthétique. Ces trois voitures sont d'ailleurs visuellement identiques. Chenard & Walcker ne renonce pas à la traction avant et propose une Super-Aigle 24 équipée d'un moteur plus puissant et d'une boîte de vitesses Cotal, une première pour une traction avant.L'empattement de l'Aigle-huit est aligné sur celui des Aigle 4 cylindres. Avec une vitesse de pointe de 140 km/h, Chenard & Walcker met en avant les performances de ce modèle dans sa communication.

La gamme pour 1936 se compose ainsi :

- Aigle 4 S, 10 CV, 4 cylindres, 1 767 cm3, empattement 2,97 mètres, volant à droite
- Aigle 18, 10 CV, 4 cylindres, 1 767 cm3, empattement de 3,025 mètres
- Aigle 22, 10 CV, 4 cylindres, 2 178 cm3, empattement de 3,025 mètres
- Aigle 24, 14 CV, 4 cylindres, 2 526 cm3, empattement de 3,025 mètres
- Super Aigle 24, 14 CV, 4 cylindres, 2 526 cm3,  empattement de 3,025 mètres, traction avant
- Aigle huit, 20 CV, 8 V8, 3 580 cm3, empattement de 3,025 mètres

L'exercice se termine avec une perte 2,5 fois plus importante que l'année passée.


1936


Cette année 1936 commence une fois de plus dans la douleur. Au début du mois de février, l'entreprise se trouve en cessation de paiement. Eugène Henry est rappelé pour siéger au conseil d'administration. Il bénéficie de la confiance des banques, connaît bien l'entreprise et ses mécanismes, et est actionnaire de l'entreprise directement, ainsi que de certaines de ses anciennes filiales, qu'il héberge à son adresse depuis son départ en 1930. Aux yeux de nombreux interlocuteurs, il apparaît comme le seul homme capable de diriger ce navire en perdition pour éviter le naufrage. Si des alliances doivent être conclues, seul un individu de sa trempe est apte à le faire.

Le dépôt de bilan a lieu le 13 juin. La priorité est de se maintenir en activité. Lucien Chenard, Jean Donnay, Charles Stein et Paul Beckerich (cofondateur de la SPCA) démissionnent du conseil d'administration. Ils sont remplacés par deux membres de la Banque de l'Union Parisienne (BUP). Chausson devient majoritaire au capital de Chenard & Walcker. Ce sont donc désormais les hommes de Chausson qui dirigent les destinées de la nouvelle Société de Constructions mécaniques Chenard & Walcker. La société Chausson, créancier principal de Chenard & Walcker, vient à son secours, tout comme Michelin l'avait fait pour Citroën.

La gamme pour 1936, telle que présentée au Salon de Paris en octobre 1935

Un concordat, accord par lequel une entreprise en cessation de paiement s'engage à régler ses dettes, en tout ou en partie, dans un délai déterminé, sous condition d'être libérée de ses obligations envers ses créanciers, est officialisé le 3 décembre 1936. La vieille entreprise de Gennevilliers peut ainsi poursuivre ses activités.

Les constructeurs de taille moyenne se raréfient. Soit ils ont disparu, soit ils sont devenus très petits. Chez Citroën, Renault et Peugeot, cette situation inquiète. Ces entreprises sont en effet en partie responsables de l'augmentation des droits de douane sur les voitures importées. Cette mesure a entraîné la création en France de Simca, filiale de Fiat, et de Matford, filiale de Ford. La rumeur d'un rachat de Chenard & Walcker par General Motors persiste. Un troisième constructeur étranger pourrait nuire à leur stratégie de développement. Eugène Henry n'a pas renoncé à l'idée d'une entente. En se rapprochant d'Aries, Unic, et en ajoutant Latil et La Licorne en remplacement de Delahaye et Rosengart, une production annuelle de 6 300 voitures, soit 4 % du marché, pourrait être atteinte, ce qui équivaut à la puissance de Matford ou de Simca à cette époque.

Publicité Chenard & Walcker, l'Illustration, 22 février 1936 - © : L'Illustration (www.lillustration.com)

La production de camionnettes et de poids lourds est abandonnée par Chenard & Walcker. Cette décision est motivée par les mesures prises depuis 1934 par le gouvernement français en faveur du transport ferroviaire, au détriment du transport routier. Les autorités cherchent à promouvoir le développement du réseau ferroviaire, considéré comme un élément essentiel de l'aménagement du territoire et de la politique de défense nationale. Les dimensions des camions sont réduites, que ce soit en longueur, en largeur, et même en charge utile. Les transporteurs se voient également limités dans leur développement, ne pouvant plus agrandir leur réseau ni augmenter le nombre de véhicules de leur flotte. Cette politique a un impact significatif sur l'ensemble du secteur du transport routier, déjà affaibli par les conséquences de la crise de 1929. Les ventes de camions neufs en France chutent considérablement, passant de 52 000 unités en 1929 à seulement 18 000 en 1935.

FAR devient une société autonome, même si les administrateurs issus de chez Chenard & Walcker conservent leur poste. On ne parle plus de Chenard & Walcker FAR, mais de la SA des Tracteurs FAR.

L'Aigle Huit atteint 140 km/h, une vitesse élevée mise en avant par la communication du constructeur. Illustration de André Dumas pour Chenard & Walcker, 14 mars 1936 - © : L'Illustration (www.lillustration.com).

Illustrations de André Dumas pour Chenard & Walcker, 28 mars 1936 - © : L'Illustration (www.lillustration.com)

Illustrations de André Dumas pour Chenard & Walcker, 11 avril 1936 - © : L'Illustration (www.lillustration.com)

Les problèmes de fond ne sont en rien résolus. Les prix de revient restent élevés, en raison d'un niveau de production bas. Les accords de Matignon ont eu pour effet une augmentation du coût de la main d'oeuvre. Au regard des tarifs pratiqués, le service commercial ne se voit pas en capacité d'écouler plus de 200 voitures par mois.

Malgré un contexte qui demeure incertain, Chenard & Walcker assure sa présence au Salon de Paris en octobre. L'inflation des coûts de production rend la plupart des constructeurs très prudents. Ils sont peu nombreux à afficher des prix fermes. Le tarif appliqué sera celui en vigueur le jour de la livraison. Chenard & Walcker qui a besoin de vendre indique pour sa part des prix valables pour toute livraison qui interviendra sur le mois d'octobre. Le constructeur a un important stock à écouler.  

Les difficultés persistent pour Chenard & Walcker. Les coûts de production restent élevés en raison d'un faible volume des ventes. L'augmentation du coût de la main-d'œuvre, due aux accords de Matignon, pèse également sur les finances de l'entreprise. Le service commercial annonce ne pas pouvoir vendre plus de 200 voitures par mois, compte tenu des prix pratiqués. C'est le chat qui se mord la queue.

Malgré ce contexte incertain, Chenard & Walcker participe au Salon de Paris en octobre. L'inflation des coûts de production incite la plupart des constructeurs à la prudence. Rares sont ceux qui affichent des prix fermes. Le tarif appliqué sera celui en vigueur le jour de la livraison. Chenard & Walcker, qui a besoin de trésorerie, et qui dispose d'un stock important sur son parc, est l'un des rares à proposer des prix valables pour toute livraison effectuée au cours du mois d'octobre.

La traction avant Super Aigle 24 n'a pas eu plus de succès que la Super Aigle 4. Elle disparaît du programme de production. La gamme présentée au Salon de Paris est simplifiée. L'Aigle 20 remplace à la fois les Aigle 4 S et Aigle 18.

- Aigle 20, 12 CV, 4 cylindres, 2 178 cm3, empattement de 2,97 mètres
- Aigle 22, 12 CV, 4 cylindres, 2 178 cm3, empattement de 3,025 mètres
- Aigle huit, 20 CV, 8 V8, 3 580 cm3, empattement de 3,025 mètres


1937


En cours de millésime, Chenard & Walcker opère un changement majeur en adoptant les moteurs Citroën et Ford à la place de ses propres motorisations. Cette décision stratégique vise à la fois à améliorer les performances de ses automobiles et à réduire les coûts de production. L'objectif de l'entreprise est désormais de produire mensuellement entre 300 et 500 voitures équipées de moteurs 4 cylindres, et entre 30 et 40 voitures avec des moteurs 8 cylindres. La direction de Chausson, maison mère de Chenard & Walcker, a dû faire preuve de diplomatie pour négocier cet accord avec Citroën et Ford. En effet, cette collaboration place Chenard & Walcker en position de concurrent potentiel, tout en maintenant des relations commerciales en tant que client pour les radiateurs. Cette situation rappelle les négociations de 1935, lorsque Chausson avait obtenu de Ford l'autorisation d'utiliser les mêmes carrosseries pour les modèles Chenard & Walcker et Matford.

Chenard & Walcker Aigle-huit. Copyright

L'Aigle-huit abandonne ainsi son moteur maison de 3 580 cm³ au profit d'un V8 Matford de 3 621 cm³, qui n'est autre qu'un V8 Ford importé des États-Unis. Cette décision, bien que difficile pour la fierté de l'entreprise, est devenue nécessaire face à la baisse des ventes et à l'impossibilité de maintenir une production de moteurs en interne. Pour minimiser l'impact sur l'image de marque, Chenard & Walcker annonce simplement la présence d'un moteur de 3 600 cm³ sous le capot, tout en conservant le nom d'Aigle 8, laissant ainsi croire au public que rien n'a changé. La voiture est officiellement présentée aux Mines le 23 février 1937.

Quelques mois plus tard, le 20 mai, Chenard & Walcker présente l'Aigle 22, équipée d'un moteur 4 cylindres de 1 911 cm³ provenant de Citroën. Il équipe les Rosalie 11 UA, le camion type 23 U et bientôt la nouvelle Traction Avant 11 CV. Michelin, qui dirige alors Citroën, a accepté de fournir ces moteurs à condition que Chausson, maison mère de Chenard & Walcker, se porte garant des paiements. L'Aigle 22 se distingue de son équivalent Matford par des différences esthétiques, notamment la forme des ailes, des phares et de la malle arrière.

Les nouveaux modèles permettent à Chenard & Walcker de redresser sa situation financière, bien que l'exercice se solde par une perte, celle-ci est considérablement réduite par rapport à l'année précédente. L'entreprise adopte une stratégie de positionnement plus haut de gamme, avec des prix de vente relativement élevés et une finition soignée, afin de se démarquer de la production de masse et d'attirer une clientèle exigeante.

Publicité Chenard & Walcker, l'Illustration, 18 mars 1937 - © : L'Illustration (www.lillustration.com)

FAR commercialise en février le " cheval mécanique ", sous licence du constructeur britannique Scammel, qui le produit depuis 1933. Avec ses trois roues, une directrice à l'avant et deux motrices à l'arrière supportant le poids de la remorque, selon un principe cher à Chenard & Walcker, la maniabilité de l'ensemble est remarquable. Il peut effectuer un virage sur place en pivotant sur l'essieu arrière de la semi-remorque. Sa largeur réduite le rend particulièrement pratique et économique en milieu urbain.

Sa vitesse est limitée à 50 km/h à vide, et réduite de moitié en charge (jusqu'à 6 tonnes) pour prévenir tout risque de renversement. Le slogan " un tracteur, trois remorques, un chauffeur " est plus que jamais d'actualité. De plus, le conducteur n'a plus besoin de descendre du tracteur pour atteler ou dételer, car le freinage et l'éclairage sont connectés automatiquement. FAR s'engage à répondre à toutes les demandes, et certains engins font l'objet d'une réception individuelle.

Au fil des ans, le nombre de versions se multiplie, la charge utile s'accroît. De grandes entreprises intègrent le " cheval mécanique " à leur flotte, notamment la Ville de Paris, les vins Nicolas, l'eau de Javel La Croix, Rhône-Poulenc, Air France, Bréguet et l'armée de l'air. Sur le plan mécanique, des moteurs Citroën, puis Panhard et Renault sont utilisés. La cabine en tôle pliée des débuts est remplacée par un ensemble plus aérodynamique avec un pare-brise en deux parties, et plus tard par une cabine avancée Saviem.

Le " cheval mécanique " FAR. Copyright

Bien que partageant des bases communes, les modèles présentés au Salon de Paris se distinguent clairement entre Chenard & Walcker et Matford. Chenard & Walcker adopte un nouveau capot " crocodile " et une calandre à lamelles horizontales, ainsi que des phares distincts, s'inspirant du style américain. Le pare-brise reste plat, contrairement à celui de Matford qui est en coupe-vent. Les ailes avant et les phares diffèrent également. Malgré ces différences, les deux modèles exposés au Salon de Paris en octobre présentent une similarité visuelle globale, témoignant de la collaboration entre les deux marques tout en conservant leurs identités propres. La gamme 1938 est composée des :

- Aigle 22, 11 CV, 4 cyl., 1 911 cm3, empattement de 2,75 mètres et 3,00 mètres, moteur Citroën
- Aigle Huit, 21 CV, V8, 3 621 cm3, empattement de 3,00 mètres, moteur Ford

L'illustration figurant sur la couverture du catalogue Chenard & Walcker du Salon de Paris 1937


1938 


Chenard & Walcker remonte la pente grâce à l'appui de Chausson. L'entreprise aborde l'année 1938 avec une situation financière assainie. Par rapport à 1937, année toutefois peu représentative vu le contexte, la production s'accroît de 60 % sur les cinq premiers mois de l'année.

Chenard & Walcker Aigle 22. A partir de l'Aigle 22 familiale à six glaces, Chenard & Walcker étudie une version commerciale qui sera peu diffusée.

Jean Donnay reprend ses fonctions de directeur commercial au sein de la nouvelle structure. Environ 680 personnes travaillent désormais sur le site de Gennevilliers. Au printemps, la gamme de carrosseries de l'Aigle 22 s'élargit, avec l'ajout de versions camionnette et commerciale présentées au Salon de Paris en octobre. L'exercice financier se clôture par un léger bénéfice. Chenard & Walcker envisage une nouvelle orientation pour les véhicules utilitaires légers, en produisant sous licence des modèles Tempo destinés aux forces armées.

L'Aigle 22 et l'Aigle Huit sont les deux piliers de la gamme 1938.

André Lagache, cofondateur de FAR, perd tragiquement la vie le 2 août 1938 lors d'une démonstration de tracteur devant des responsables militaires à Satory. Alors qu'il effectue une manœuvre périlleuse, le véhicule se renverse, l'écrasant mortellement. Au-delà de son rôle dans l'industrie des véhicules industriels, André Lagache était un pilote automobile de talent. Il a participé à trois éditions des 24 Heures du Mans, en 1923, 1924 et 1925, au volant d'une Chenard & Walcker.

La gamme des voitures présentées au Salon de Paris est identique à celle de l'année précédente, avec les Aigle 22 et Aigle 8. Les modifications se limitent à des points de détail. Elles concernent l'ouverture de la malle et l'amélioration du volume réservé aux bagages, et au montage de nouvelles flèches de direction. 


1939


Eugène Henry et la société Chausson s'efforcent de redresser la situation financière en remboursant leurs dettes. Bien que l'entreprise reste rentable, les volumes de production ont connu une baisse constante au cours des huit dernières années. Chenard & Walcker se retrouve désormais à la huitième place des constructeurs français, avec une production annuelle d'environ 1 700 unités.La déclaration de guerre vient bouleverser la donne et remet tout en question.

La brochure 1939 des Aigle 22

Un nouveau projet de fourgon est en cours de développement, explorant l'utilisation de carrosseries tout acier, une technique encore inédite pour les utilitaires en France, mais maîtrisée par Chausson.

Chenard & Walcker Aigle 1939 - © : L'Illustration (www.lillustration.com)

FAR tente de pénétrer le marché militaire, en répondant à un appel d'offres pour un véhicule tout-terrain destiné à tracter des canons antichars. Face aux exigences du cahier des charges, FAR développe le TT3, un engin à six roues motrices. Cependant, ce modèle n'est pas retenu face à la concurrence de constructeurs plus expérimentés tels que Laffly, Latil et Somua. Le TT3 a été jugé trop lourd, trop encombrant, moins rapide et plus gourmand en carburant que ses concurrents.

 

FAR TT3. Les roues centrales procurent au TT3 une esthétique très particulière. C'est un six roues motrices. Copyright


1940/42


Le 15 février 1940, l'État français acquiert les 100 dernières voitures Aigle de Chenard & Walcker, stockées depuis le début de la guerre. Cette action permet au constructeur d'écouler ses invendus et de libérer de l'espace pour les commandes militaires, tandis que les armées peuvent s'équiper de véhicules de liaison neufs, évitant ainsi les réquisitions, une mesure impopulaire auprès de la population.

Le fourgon en développement, connu sous le nom de T60, suscite l'intérêt des autorités à la recherche de véhicules sanitaires. Cependant, Chenard & Walcker se trouve dans l'incapacité de démarrer rapidement sa production. Parallèlement, Citroën se montre plus réactif et propose dès décembre 1939 de lancer la fabrication en série de son modèle TAMH. Malgré cela, Chenard & Walcker poursuit le développement de son utilitaire à traction avant. Les autorités allemandes qui occupent la France depuis l'armistice du 22 juin 1940, conscientes de ce projet, tolèrent sa poursuite, y voyant un potentiel intérêt pour leurs propres besoins futurs. Un nouveau prototype est assemblé et présenté aux Mines, donnant naissance en mars 1941 au type CHE, une version civile améliorée du T60.

Le type CHE se caractérise par une carrosserie à cabine avancée offrant une excellente visibilité, un plancher plat et une traction avant. Avec un poids à vide de 986 kg, il propose une charge utile de 1 500 kg, surpassant ainsi son concurrent direct, le Citroën TUB, limité pour l'instant à 850 kg. Son cahier des charges met l'accent sur l'optimisation de la charge utile et du volume dans un espace minimal. La motorisation, un bicylindre deux temps de 720 cm³ développant 20 ch, conçue en interne, peut sembler insuffisante pour la charge transportée. Cette limitation de puissance est délibérée, afin de ne pas concurrencer les autres constructeurs, qui proposeront des véhicules plus puissants après la guerre. La réduction du poids est obtenue grâce à l'utilisation d'alliages légers et robustes, et le châssis traditionnel est remplacé par deux longerons en U solidaires d'un caisson formant la carrosserie.

Chenard & Walcker T60. Copyright

FAR enregistre plusieurs commandes. Dans le cadre du programme de guerre, Citroën est tenu de lui fournir 40 moteurs par mois, destinés aux tracteurs et au " cheval mécanique ". Ces engins sont largement utilisés sur les aérodromes, notamment pour le remorquage d'avions et le transport de matériel sur de courtes distances. Pendant l'occupation, Chenard & Walcker est contraint à des travaux de sous-traitance pour l'industrie allemande, et assure l'entretien des véhicules de l'occupant.

En 1941, quelques fourgons Chenard & Walcker sont livrés à Sovel, qui les équipe de moteurs électriques. Il entame ainsi sa carrière civile sous l'occupation. Environ 200 exemplaires sont produits en 1942, destinés à une clientèle restreinte disposant d'Ausweis ou de tickets d'essence. Ce qu'il reste de la presse automobile de l'époque salue les qualités de ce véhicule, soulignant sa légèreté, sa compacité et ses capacités de transport. Chenard & Walcker doit cependant composer avec les restrictions de matières premières imposées par les autorités, ce qui limite de toute façon les volumes de production.


1943/45


Sept ans après son dépôt de bilan, Chenard & Walcker a réussi à rembourser intégralement ses dettes. Lucien Chenard quitte l'entreprise pour rejoindre Jean-Albert Grégoire chez Simca, où il participe à la conception du prototype Aluminium français-Grégoire. Il prendra ensuite la direction d'une entreprise de réparation de carrosseries et de mécanique à Courbevoie. L'année 1943 est marquée par le décès d'Henri Toutée, une figure importante pour l'entreprise. Cette disparition survient pendant une période sombre de l'Occupation. Puis, début 1945, René Donnay disparaît à son tour. En avril 1945, le fourgon type CHT, une évolution des T60 et CHE, est homologué par les Mines. Son moteur bicylindre est porté à 1 021 cm³ et développe désormais 25 ch.


1946


Le fourgon CHT, avec ses lignes peu esthétiques, est remplacé par un modèle au design plus arrondi et attrayant, inspiré des autocars Chausson. Cette nouvelle version, homologuée sous la désignation CHV, arrive à un moment opportun. Le plan Pons, qui régit la production automobile à la fin des années 40, accorde à Chenard & Walcker l'exclusivité de la fabrication des camionnettes de 1500 kg.

La nouvelle carrosserie permet d'augmenter le volume utile de 0,3 m³, passant de 6,5 à 6,8 m³. Le pare-brise en une seule pièce est remplacé par un modèle en deux parties, plus économique à produire. L'utilitaire CHV est également disponible en version plateau. Le constructeur propose des aménagements spécifiques sur demande, tels que des ambulances, des omnibus d'hôtel ou des fourgons mortuaires. Les difficultés d'approvisionnement en matières premières limitent la production, avec seulement 400 exemplaires vendus en 1946, un chiffre bien inférieur aux capacités de l'usine.

Chenard & Walcker doit impérativement réagir face à la concurrence de Citroën, qui, conscient des limites de son TUB en termes de charge utile, prépare le lancement d'un utilitaire plus performant, le futur type H. Bien que le design du fourgon CHV ait été amélioré, il conserve un moteur bicylindre insuffisant, ce qui freine les ventes. Il est donc urgent pour Chenard & Walcker de remédier à cette situation

Le fourgon Chenard & Walcker CHV

Pierre Chausson conçoit, pour l'après-guerre, une voiture adaptée à la reprise économique : simple et économique à produire, elle nécessitera une production en série. L'étude est lancée discrètement pendant l'occupation, sans éveiller les soupçons, avec Chenard & Walcker en charge de la partie mécanique. À la fin de la guerre, le plan Pons, appliqué dès janvier 1946, accorde à Chausson l'agrément pour produire camionnettes et autocars. Cependant, le prototype CHS est ignoré par les planificateurs, qui attribuent la production de ce type de véhicule à Panhard et Renault. Malgré cela, Chausson présente son prototype au Salon de Paris en octobre 1946. Cette voiture, qui aurait pu porter le nom de Chenard & Walcker, ne verra jamais le jour en production.

Tom Delaney au volant de la CHS. Son épouse est à gauche. Tom Delaney est le fils de Luke Delaney, fabricant entre autres de radiateurs automobiles sous licence Gallay, société reprise par Chausson. Impressionné par le potentiel de la CHS, il essayera de la diffuser au Royaume-Uni, en vain. Source : https://chausson-chs.com


1947/49


En 1947, Chenard & Walcker poursuit la production du fourgon CHV, écoulant 1 000 exemplaires supplémentaires, toujours équipé de son moteur bicylindre maison. Cependant, ce modèle reste handicapé par la faiblesse de sa motorisation. Conscient de cette lacune, le constructeur conclut un accord avec Peugeot en avril 1947. Peugeot accepte de fournir le moteur 4 cylindres de 1 133 cm³ et 30 ch de la Peugeot 202, en remplacement du bicylindre maison jugé anémique. Cette décision n'est pas due à un manque de compétences en ingénierie à Gennevilliers, mais plutôt à des contraintes financières. Le moteur Peugeot, quant à lui, offre toutes les garanties en termes de puissance et de fiabilité. Cette version est connue sous la désignation CPV.

Chausson et Chenard & Walcker, deux marques qui auparavant ne s'affichaient jamais en même temps. Octobre 1949.

Le fourgon de type CPV est exposé au Salon de Paris en octobre 1947. Il est immédiatement identifiable à la proéminence visible sur la face avant, que le grand public baptise bientôt du sobriquet de "nez de cochon". Ainsi grimé, le CPV a un air de famille évident avec les cars Chausson. Cette proéminence permet d'intégrer le moteur de la 202 plus volumineux. L'ensemble Peugeot est de nature à rassurer la clientèle. Il est en effet plus aisé de trouver à peu près partout des pièces de rechange à prix modéré. Le poids à vide passe de 1260 à 1300 kg et la longueur de 4,25 à 4,40 mètres. La puissance fiscale demeure inchangée à 6 CV. Plusieurs sortes de carrosseries sont proposées, des omnibus, ambulance, break ...

Cette remise au goût du jour n'est toutefois pas suffisante pour relancer les ventes. Toute l'industrie reste pénalisée par les difficultés d'approvisionnement en matières premières. Mais surtout, le fourgon Chenard & Walcker est cher, plus cher que ses concurrents, le Renault 1 000 kg (mai 1945) et le Citroën H (juin 1948), avec des prix qui ne cessent de s'envoler en raison d'une inflation galopante. De 1947 à 1950, par année civile, le niveau de production s'élève à (respectivement) 1013, 1242, 2532 et 1898 fourgons CPV.

Chenard & Walcker en sollicitant Peugeot s'est mis dans une position inconfortable, à la merci du bon vouloir de son fournisseur. La situation devient embarrassante pour la firme de Gennevilliers quand le constructeur sochalien décide de mettre fin à la production de la 202, qui prend effet en juillet 1949. Chenard & Walcker aimerait bénéficier du nouveau moteur de la 203. Peugeot répond par la négative. Le constructeur n'a pas envie de partager ses avancées techniques dans le cadre d'un simple marché de fourniture. On imagine alors à Gennevilliers différentes alternatives, comme l'utilisation d'une ancienne mécanique des années 30.

En fait, Peugeot a une autre idée. Il aimerait intégrer cet utilitaire au sein de sa gamme, en le dotant effectivement du moteur de la 203, un 4 cylindres de 1 290 cm3, et en le distribuant dans le réseau Peugeot sous la marque ... Peugeot. Le constructeur sochalien ne dispose pas en effet de fourgonnette dans sa gamme. Il n'est pas pour autant question pour Peugeot de prendre part au capital de Chenard & Walcker, qui conserve la fabrication du véhicule, et devient un simple sous-traitant.


1950


En juin 1950, les actionnaires de Chenard & Walcker sont informés d'un changement majeur : la vente de la camionnette CPV par le réseau de la marque est sur le point de s'arrêter. Cette décision marque le début de la fin pour le constructeur. Parallèlement, une opération d'absorption pure et simple par Chausson est planifiée. Cette fusion, qui se concrétise en octobre 1950, entraîne la disparition de la marque automobile Chenard & Walcker. Eugène Henry est nommé liquidateur pour superviser la dissolution de l'entreprise. Son expertise est ensuite reconnue par Chausson, qui l'intègre peu après à son conseil d'administration.

Cette camionnette Chenard & Walcker lancée en 1946 sera plus connue sous la marque Peugeot qui la commercialisera de 1950 à 1965 sous les appellations D3 (moteur de la 203) puis D4 (moteur de la 403). La calandre saillante du modèle rappelle celle des autocars Chausson de l’époque.

Avant sa disparition complète, une cinquantaine de fourgons Chenard & Walcker de type CP3 sont équipés du moteur de la Peugeot 203, marquant une transition vers le Peugeot D3A en octobre 1950. Peugeot assure la continuité de la production à Gennevilliers, préservant les emplois, tout en remplaçant toute mention de Chenard & Walcker par son propre sigle. La charge utile est ajustée à 1 400 kg, maintenant le D3A dans la catégorie des camionnettes accessibles à un large public. Ce modèle sera commercialisé jusqu'en 1955.

Lors de la présentation de sa nouvelle berline 403 en avril 1955, Peugeot initie une montée en gamme, et dès 1956, le fourgon bénéficie de cette évolution en adoptant le moteur plus puissant de la 403, un 1 468 cm³, devenant ainsi le D4A et intégrant une boîte à quatre rapports issue de la berline. Afin d'élargir son offre, Peugeot propose également à partir de 1960 une version diesel, équipée d'un moteur Indenor de 1 816 cm³, une filiale de Peugeot située près de Lille.

L'arrivée de la Renault Estafette en septembre 1959, avec son style moderne, met en évidence le vieillissement du Peugeot D4A. Face à cette concurrence, Peugeot réagit rapidement en lançant le D4B en janvier 1960. Ce modèle bénéficie d'améliorations techniques au niveau de la transmission et du freinage, ainsi que d'un rayon de braquage réduit. Le chauffage et le dégivrage sont proposés en option.

Les Peugeot D3A et D4A et D4B seront fabriqués à un total de 75 881 exemplaires de 1950 à 1965. C’est en quelque sorte le plus gros succès de Chenard & Walcker !

Peugeot D3A, 1955

FAR poursuit indépendamment ses activités. Le constructeur est pénalisé par des prix de revient élevés. Ses volumes mesurés ne le mettent pas en situation de force pour négocier ses achats. Il fait beaucoup appel à la sous-traitance. Le système FAR semble avoir vécu. L'avenir est aux semi-remorques. FAR se fournit en moteurs bicylindre auprès de Panhard. Seulement 111 véhicules sont livrés en 1950.

FAR développe son offre avec le nouveau " poney mécanique ". Comme son nom le laisse deviner, c'est un engin plus petit que le " cheval mécanique ". Toute une gamme sera développée durant les années 50, avec des moteurs Panhard, mais aussi Renault. Le " poney mécanique " est surtout destiné à la distribution sur de courtes distances ou à la gestion des flux internes à une usine.


1965, le Peugeot J7


Peugeot, souhaitant remplacer son D4B, confie initialement à Chausson l'étude du futur Peugeot J7, mais insatisfait de la proposition, il décide de confier le projet à son propre bureau d'études à La Garenne. Toutefois, Chausson est retenu pour la production du J7, qui débute en juin 1965 à Gennevilliers, un site qui emploie 3 467 personnes en 1972, témoignant de l'importance de cette production. Néanmoins, l'usine Chausson de Gennevilliers connaît une baisse d'activité dans les années 80, ce qui conduit à sa transformation en filiale, ETG (Emboutissage Tôlerie Gennevilliers), en 1996, avant sa fermeture définitive en 2007.

Le Peugeot J7 est produit à Gennevilliers à partir de 1965. Copyright


1972


À la fin des années 1960, l'évolution des réglementations urbaines, visant à réduire l'encombrement des véhicules de livraison, porte un coup fatal aux tracteurs FAR, dont la conception n'est plus adaptée aux contraintes des centres-villes. Malgré une production qui se maintient à un niveau modeste (entre 106 et 160 unités par an de 1968 à 1971), l'entreprise ne parvient pas à s'adapter et est finalement mise en liquidation en août 1972. Ainsi, l'histoire de Chenard & Walcker, débutée en 1896 avec la fabrication de tricycles motorisés, s'achève soixante-seize ans plus tard avec la disparition de ses tracteurs à trois roues ...


Sources :

- Chenard & Walcker FAR, l'Empire disparu de Gennevilliers, Histoire et Collection, Claude Rouxel, Jacques Dorizon, Marc Clouet et François Clouet, 1998.
- Les Peugeot J7 et J9 de mon père, ETAI, Antoine Grégoire, 2016.
- Type Chausson CHS, le témoin retrouvé d'une épopée industrielle, Montsambert, Christophe Chausson, 2016.

- Retroviseur n° 376, Jean-Paul Decker
- LVA, 26 mai 1988, Alexis
- Automobilia, N° 1, 9 et 12, Claude Rouxel
- Fanatique de l'Automobile, N° 67, 73 et 122
- Gazoline, N° 25, Eric Fabre
- l'Illustration
© : L'Illustration (www.lillustration.com)
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Omnia

Texte : André Le Roux / Jean-Michel Prillieux
Reproduction interdite. Merci.

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