Excelsior, le luxe belge au plus haut niveau


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Excelsior est une marque automobile belge créée en 1903 par Arthur De Coninck. Spécialisée dans le grand luxe, la firme connaîtra une carrière discrète, à l’ombre des autres grandes marques de luxe, même si elle innova sur de nombreux points techniques. Elle est rachetée par Imperia en 1929 et disparaît en 1930.


Les origines de la firme Excelsior


Arthur De Coninck, né à Mont-Saint-Amand en 1876, fait ses études à l'université de Gand. En 1900 et 1901, il suit son père médecin qui exerce en Afrique du Sud. Arthur y travaille dans l'industrie du cycle. Intéressé par l'automobile naissante, à son retour en Belgique, il s'installe modestement dans un garage situé au 4-6 avenue de Tervuren à Bruxelles. De cet atelier sortent à partir de janvier 1904 les premières Excelsior. Ce nom ne doit rien au hasard, il fait référence à l'excellence des automobiles qui seront produites sous ce nom.

Les premières voitures sont dotées d’un châssis en bois et d’un moteur français de marque Aster, et sont livrables en plusieurs versions, pour toucher une clientèle assez large : monocylindre, bicylindre et quatre cylindres. Accessoirement, Excelsior vend des moteurs Aster pour autos et pour bateaux, et représente en Belgique la marque automobile parisienne Cornilleau-Sainte-Beuve (1904/1909).

En 1905, Arthur De Coninck présente trois nouveaux modèles Excelsior, désormais dotés d'un châssis en acier embouti. Pas tout à fait véritable constructeur, Excelsior est encore un assembleur de pièces achetées pour l'essentiel en France. Les moteurs proviennent toujours de chez Aster, les châssis de chez Arbel et les transmissions de chez Malicet-Blin. Ces 16 CV, 22 CV et 30 CV sont représentatives du haut de gamme de la production belge.

Arthur De Coninck doit cependant lutter avec deux autres marques nationales, Imperia et Minerva, qui ont les mêmes ambitions qu'Excelsior. Pour mieux s'affirmer, il va réaliser ses propres moteurs et ses propres châssis. Pour atteindre ses objectifs, Arthur De Coninck fonde avec Lucien Chaussette le 1er janvier 1907 la Société A. De Coninck & Cie. Les ateliers sont transférés au 90/92 rue de Turquie, dans la banlieue de Bruxelles.

En 1907, Excelsior dévoile son premier modèle entièrement maison, le type B, une 14/16 CV à moteur quatre cylindres, soupapes latérales et transmission par cardan. Le constructeur complète en 1909 son offre avec une 14/20 CV de 2 540 cm3, équipée d'un embrayage métallique à disques. Le châssis est facturé 7 500 francs, contre 6 000 francs pour la 14/16 CV. Il s'agit de la première Excelsior à être engagée dans une course automobile nationale. Sa cylindrée est portée à 2 950 cm3 en 1910

En janvier 1910, l’entreprise change une nouvelle fois de raison sociale et devient la SA des Automobiles Excelsior. Cette appellation semble plus appropriée pour attirer la clientèle huppée que vise le constructeur. En 1910 et 1911, le capital ne cesse de croître, passant de 123 000 francs lors de la constitution à 1 million de francs en juillet 1911. La place manque. Excelsior rachète en juillet 1910 l'usine et les machines de la Société des Automobiles Belgica à Zaventem, près de Bruxelles, une société alors en pleine déconfiture. Excelsior restera à cet endroit jusqu’à son extinction en 1930. Le site offre une surface de travail de 6 000 m2.

Belgica produit des cycles à partir de 1885. La première voiture à moteur thermique, une deux cylindres, apparaît en 1901. La marque monte ensuite en gamme, avec des quatre et six cylindres. L'usine est rachetée en 1910 par Excelsior. Copyright.


1910, le premier modèle six cylindres


Fin 1910, Excelsior lance sa première six cylindres. Jusqu'à cette date, nombreux sont les constructeurs à avoir tenté leur chance avec ce type de moteur, pour des résultats souvent médiocres. Il s'agissait le plus souvent de quatre cylindres auxquels avait été ajouté deux cylindres, sans se soucier des questions d'équilibrage et de vibration.

Arthur De Coninck repart d'une page blanche, et conçoit un six cylindres exempt de toute vibration. Son moteur fait vite référence dans la catégorie. La nouvelle D-6 18/24 HP dispense 66 ch. Son architecture reste assez proche la celle de la quatre cylindres, qui désormais adopte la dénomination D-4. Excelsior offre de fait une véritable gamme. Les quatre et six cylindres Excelsior ont une réputation de souplesse, d’endurance et de tenue de route exemplaire. La marque est à son apogée.

Les Excelsior bénéficient d’une technique peu ordinaire concernant leur châssis. Celui-ci est doté d'un système original de graissage des articulations. Ce graissage ne fait pas appel à de la graisse consistante, mais à de l'huile. Toutes les articulations sont munies d'un petit réservoir que l'on remplit de temps en temps, où trempe une mèche qui maintient l'articulation en humidité grasse. Par contre, la lubrification du moteur se fait sous pression, grâce à une pompe à engrenage amenant l'huile aux coussinets des bielles, système diminuant le risque d'encrassement des bougies, des soupapes et de la chambre de compression.

A partir de 1911, tous les modèles, sauf le type B des débuts, sont munis de roues démontables, ce qui facilite le travail des chauffeurs en cas de crevaison. Il suffit en effet de quelques minutes pour changer une roue. Ces roues, selon un concept imaginé par Excelsior, prennent le nom d'Adex (pour Arthur De Coninck et EXcelsior).

Publicité presse, Omnia, N° 408, 25 octobre 1913. Le constructeur met en avant ses roues démontables.

Excelsior ne peut pas ignorer la course automobile pour se faire un nom, tant dans son pays qu'à l'étranger. Mais il n'est pas question pour le constructeur belge de produire de véritables engins de compétition, réalisés sur mesure pour tel ou tel circuit, comme le font des firmes à la surface financière plus importante comme Sunbeam, Peugeot, Fiat ou Benz. La sérieuse maison Excelsior préfère miser sur des modèles de série, en apportant selon les besoins quelques améliorations ou modifications. Si les Excelsior parviennent effectivement à faire preuve de régularité, grâce à une fiabilité rarement prise en défaut, elles n'ont aucunement l'intention de battre des records de vitesse. Elles atteignent bien l'arrivée, mais rarement aux premières places.


1912, le type F, dit " Roi des Belges "


La qualité des Excelsior est telle qu'elle s'attire les faveurs de la famille royale de Belgique. C'est une incroyable publicité gratuite pour la marque. La gamme des D-4 et D-6 est complétée fin 1912 par un nouveau modèle, le type F, dit justement " Roi des Belges ". Cette voiture, une 30/50 CV, rehausse encore un peu plus le prestige d'Excelsior.

Le type F débute sa carrière sous la forme d'un modèle de course. Au GP de l'ACF 1911, sur le circuit de Dieppe, la voiture cube 9,1 litres, et développe 170 ch. Ce jour-là, seules treize voitures sur les quarante-six engagées terminent la course. L'Excelsior est sixième. Une fois la saison achevée, la voiture est rapatriée à l'usine pour être inspectée. Tous les organes ont résisté aux 11 000 km de course.

L'ingénieur maison, Joseph Christiaens, la fait embarquer quelques jours plus tard en direction de Brooklands, où elle bat le record du monde des 50 miles à une moyenne de 164,697 km/h. Après les succès rencontrés avec ce type F, chez Excelsior, on décide d'en dériver une version plus paisible, destinée à un usage routier. Son six cylindres est constitué de deux blocs de trois cylindres. C'est une 6,1 litres.

Joseph Christiaens sur Excelsior, 1912. Source : http://www.delcampe.net

Les plus grands carrossiers habillent les Excelsior, comme d'Ieteren et Van den Plas en Belgique, ou Binder en France. Avec environ 250 châssis produits par an à partir de 1913, Excelsior exporte vers l'Angleterre, son plus important marché, une partie non négligeable de sa production. A cette époque, un châssis nu de D-4 vaut 8 000 francs, un de D6 11 500 francs, et un de type F 16 000 francs. Les affaires sont prospères. Arthur De Coninck est toujours aussi assidu. Tous les matins, son chauffeur le conduit depuis Bruxelles où il réside jusqu'à son usine de Zaventem. C'est un gros travailleur, aussi à l'aise sur les sujets touchant à l'administration de son affaire qu'à la technique.


La guerre


L'usine est réquisitionnée par les Allemands pendant la guerre. Arthur De Coninck n'a plus le droit d'y accéder, ce qui ne l'empêche pas de roder autour pour tenter de deviner ce qui s'y trame. Prévoyant, avec deux dessinateurs, il s'installe dans la région. Il s'agit de préparer l'après-guerre. Lorsque le président français Raymond Poincaré rend visite au Roi Albert 1er (1875/1934) sur le front de l'Yzer en octobre 1914, c'est à bord d'une torpédo six cylindres Excelsior que les deux hommes se déplacent pour inspecter les troupes.


1919 : Excelsior Adex B


En 1918, Arthur De Coninck récupère son usine saccagée et vidée par les Allemands. Ceux-ci ont emporté la plupart des machines et des équipements nécessaires à la reprise d'activité. Quelques machines seront récupérées ultérieurement en Allemagne. Il faut attendre 1919 pour que la production automobile reprenne, avec un nouveau modèle, la 30 CV Adex B, animée par un six cylindres de 4 764 cm3, étroitement dérivé de la D-6 de 1914. Arthur De Coninck a durant ces quatre années eu tout le temps d'étudier de nouvelles solutions techniques en vue de la reprise de la production.

Deux innovations majeures apparaissent chez Excelsior. Il s'agit d'abord du freinage équilibré sur les quatre roues avec une interconnexion en diagonale par sécurité. Ce système apporte une intensité égale de freinage sur chacune des quatre roues, quels que soient l'angle de braquage et les mouvements de la suspension. L'autre innovation est l'installation d'un stabilisateur qui permet de mieux guider le pont arrière. Il élimine les mouvements parasites du châssis, et offre à l'Adex B une extraordinaire stabilité, qui donne l'impression de rouler sur des rails. Le brevet sera repris par d'autres constructeurs.

Coupé De Ville carrossé par d'Ieteren en 1921, sur châssis Adex B de 1920. Copyright


1922 : Excelsior Adex C


La présentation de l'Adex C en octobre 1922, dont l'empattement est identique à celui de l'Adex B, correspond à la disparition de la D-4, confirmant si cela est encore nécessaire la volonté d'Excelsior de monter en gamme. L'Adex C fait beaucoup parler d'elle, grâce à sa technique de haut vol, alliée à un nouveau moteur six cylindres de 5 332 cm3 en un seul bloc, à arbre à cames en tête, qui développe 110 ch, et permet à une Excelsior carrossée en conduite intérieure de rouler à 140 km/h. L’architecture de ce moteur rappelle les travaux de Bentley, et sa cylindrée est proche de celle de l’Hispano-Suiza. Les cibles sont clairement identifiées ! L’Excelsior Adex C se situe sans conteste au niveau des meilleures routières des Années folles.

Sa majesté la Reine Elisabeth descendant de son coupé Excelsior Adex carrossé par d'Ieteren Frères, à l'occasion d'une visite officielle au Royal Leopold Club. Source : Automobilia, N° 139, 28 février 1923

Excelsior fait un retour vers la compétition, mais il n'est toujours pas question pour le constructeur belge de fabriquer des voitures pour la vitesse pure. Avec ses moyens modestes, il préfère miser sur la fiabilité de ses mécaniques, et poursuit ses participations à des épreuves d'endurance avec des automobiles à peine modifiées. Aux 24 Heures du Mans 1923, les deux voitures engagées terminent cinquième et neuvième, des performances honorables pour des autos pesant 2 200 kg, capable d'un modeste 160 km/h en pointe, avec une moyenne de 100 km/h sur la durée de l'épreuve. 

Les Excelsior N° 1 et 2 au Mans en 1923, lors du premier Grand Prix d'endurance des 24 Heures du Mans.
Source : https://www.classiccourses.fr. Copyright
ACO

Noté, important actionnaire depuis 1918, et Raoul de Thier, directeur commercial, aimeraient malgré tout remporter au moins en Grand Prix. Cette victoire intervient finalement en 1926 sur le Circuit des Routes Pavées, aussi appelé GP de Lille, grâce au talent du chef essayeur Nicolas Caërels.

Excelsior Adex Phaéton par D'Ieteren Frères, 1924 - Source : https://fr.wheelsage.org - photo Sbocha


1925 : L’apogée de la marque Excelsior


Arthur De Coninck, quelque peu usé par les années à la tête de son affaire, a perdu de son enthousiasme. Il préfère se reposer sur les compétences de son adjoint, l'ingénieur suisse Paul Jaccard. La marque Excelsior se concentre sur le seul modèle Adex C, disponible en trois variantes : châssis long à moteur à un carburateur (100 ch, 120 km/h), châssis court à trois carburateurs (120 ch, 145 km/h) et version Super Sport à châssis court (150 ch, 175 km/h). En 1926, apparaît une version modernisée de l'Adex C, le Type Albert Ier. Deux variantes sont disponibles, la Tourisme développe 110 ch et la Sport 130 ch. Le dessin du radiateur est affiné, l'écusson est modifié, et il porte désormais les armes de la Belgique.

En 1927, une Excelsior Adex Sport d'usine pilotée par Robert Sénéchal et Nicolas Caërels remporte sous une pluie battante les 24 Heures de Spa-Francorchamps, à 92 km/h de moyenne.


La fin d’Excelsior


Entre 1920 et 1925, Excelsior produit une centaine de châssis par an. Ils sont magnifiques, mais coûtent une petite fortune. L'utilisation de matériaux nobles comme le maillechort (un alliage inaltérable de cuivre, de zinc et de nickel qui imite l'argent) et l'aluminium alourdissent la facture. Les frais fixes sont répartis sur un nombre trop limité de voitures. Excelsior a de moins en moins d'arguments à faire valoir face à la concurrence.

Sur le très étroit marché belge, la clientèle est limitée, et à l'exportation, les Excelsior se heurtent aux nombreuses grandes marques européennes de luxe. Pour ne rien arranger, un tarif douanier plus favorable ouvre les portes du marché belge aux marques américaines, ce qui insidieusement contribue à fragiliser les marques nationales. Les voitures d'outre-Atlantique sont certes moins élaborées techniquement, mais sont tout aussi confortables, et surtout moins chères à l'achat et à l'entretien.

Excelsior est mal en point. Mathieu Van Roggen, patron de la marque concurrente Imperia, tente alors de regrouper la modeste industrie automobile belge sous sa bannière. En 1927, il rachète à Arthur De Coninck, en le payant sous forme d'actions Imperia, la marque Excelsior, l'usine de Zaventem et le stock des pièces. Excelsior est présent pour la dernière fois au Salon de Bruxelles en décembre 1930. Les pièces sont ensuite expédiées vers l'une des usines de Van Roggen, à Liège. Quelques ultimes châssis Imperia sont assemblés jusqu'en 1931. L'usine de Zaventem est utilisée pour la fabrication des carrosseries destinées aux Imperia jusqu'en 1933, puis revendue. Arthur de Coninck se reconvertit en tant qu'ingénieur-conseil. Il décède durant la Seconde Guerre mondiale.

Principales sources : http://mini.43.free.fr, Le Grand Livre de l'Automobile Belge
Texte : Jean-Michel Prillieux / André Le Roux.
Reproduction interdite, merci.

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