Hispano-Suiza, franco hispano suisse
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Publicité des débuts pour Hispano-Suiza : " La dama del visón " de l'artiste espagnol Ramón Casas. Copyright " La Hispano-Suiza Fabrica de Automoviles SA " voyait le jour à Barcelone le 14 juin 1904, et ne tarda pas à prospérer. Birkigt en prenait la direction technique. La famille du businessman Damion Mateu, un des créanciers de Castro, était présente au conseil d'administration. Birkigt, soutenu par Alphonse XIII qu'il rencontrait fréquemment, allait enfin pouvoir mettre en oeuvre de manière durable ses propres conceptions de l'automobile. La petite structure de départ était désormais gérée de manière plus rigoureuse, et avait enfin les moyens de répondre à la demande croissante des automobiles Hispano-Suiza, dont le prestige progressait d'année en année, grâce à ses moteurs et ses châssis de plus en plus perfectionnés, et à une finition impeccable. Birkigt imaginait et construisait des voitures de A à Z. Il était capable de dessiner une machine dans ses moindres détails. Il laissait peu d'initiative à ses collaborateurs qui lui étaient cependant dévoués sans réserve. Travailleur acharné, dès lors qu'il s'attaquait à un problème, il s'y consacrait totalement. Il pouvait réaliser à une allure foudroyante un avant-projet détaillé. Cette faculté à concevoir entièrement le complexe ensemble mécanique que constitue une automobile était un point commun que Birkigt partageait avec quelques uns de ses contemporains, en particulier Gabriel Voisin et Ettore Bugatti. La technique était son affaire, préférant déléguer à d'autres l'administration générale de la firme. Bien que décisionnaire ultime, il demeurait attentif aux souhaits du service commercial, et assurait des fabrications qui répondaient à la demande réelle du marché. Mais derrière sa courtoisie naturelle se cachait au final un patron plutôt autocratique. Plutôt que de s'aventurer dans des solutions qui n'avaient pas encore fait leurs preuves, Birkigt préférait perfectionner jusqu'au raffinement des techniques plus classiques, et concentrait ses efforts sur les châssis et les moteurs, laissant à des entreprises indépendantes l'habillage des châssis. La 20 CV dont l'étude avait été terminée en 1904 en pleine tourmente était enfin mise en vente. Marc Birkigt avait imaginé une voiture équilibrée, performante, dotée d'un châssis léger et d'un moteur puissant, facile d'entretien et de réparation. Elle pouvait recevoir des carrosseries suffisamment spacieuses. Alphonse XIII fut l'un des premiers clients de Birkigt à la fin de 1905. Outre les aristocrates espagnols, les Hispano-Suiza commençaient à séduire des clients étrangers qui après avoir pris possession de leur châssis à l'usine de Barcelone le ramenait dans leur pays pour le carrosser. Une 40 CV capable de recevoir des carrosseries plus lourdes et plus luxueuses secondait bientôt la 20 CV. Les 20 CV et 40 CV étaient exposées au Salon de Paris en 1906, puis à celui de Birmingham en 1907. Le marché espagnol étant restreint, exporter était une obligation. Bientôt une gamme plus étoffée allait être présentée au public (12 CV, 30 CV ...), qui bénéficiait à chaque fois des innovations imaginées par Birkigt. En dehors de cette offre bien établie, Hispano-Suiza était capable sur demande spéciale de clients fortunés d'assembler quelques monstres, comme la 60 CV d'une cylindrée de 11 150 cm3. 1909, les débuts en compétition Alphonse XIII était persuadé que la compétition automobile était le meilleur moyen pour promouvoir l'industrie automobile naissante de son pays. Il fut à l'initiative de la naissance en 1909 de la Coupe de Catalogne, réservée aux voiturettes. Hispano-Suiza, plus grande firme automobile d'Espagne, qui jouissait d'une faveur toute particulière auprès du roi, se devait d'honorer l'occasion qui lui était offerte, et décidait de présenter trois engins. Le 20 mai 1909, les premières Hispano de course étaient au départ de cette compétition. Malgré les premiers résultats décevants, Birkigt décidait de persévérer. Un mois plus tard, trois Hispano se présentaient sur la ligne de départ de la Coupe des Voiturettes du journal l'Auto à Boulogne. A défaut de victoire immédiate face aux plus grandes marques européennes du moment, les voitures espagnoles brillaient par une régularité de marche exemplaire dans les compétitions les plus prestigieuses. Hispano-Suiza démontrait là sa double capacité à construire des voitures performantes et d'une bonne sécurité de marche. Le célèbre journaliste Charles Faroux de " La Vie Automobile " ne tarissait pas d'éloge pour les productions de Birkigt. Il entreprit à plusieurs occasions des essais pour son magazine. Après plusieurs tentatives infructueuses, Hispano remportait sa première victoire lors de la Coupe de l'Auto à Boulogne en 1910, avec la pilote Paolo Zuccarelli.
Coupe de Boulogne, 1910. Copyright
L'Hispano-Suiza du pilote Paolo Zuccarelli remportait la Coupe de l'Auto 1910. Copyright
Coupe de Barcelone, 1911. Copyright Désormais, plutôt que de créer des châssis spécifiques destinés à gagner des courses, Birkigt avait opté pour le perfectionnement dans le moindre détail des châssis de production. Ce choix allait contribuer à la suprématie ultérieure des produits de la marque. Le catalogue du constructeur s'orientait plus nettement au début des années 10 vers des voitures à hautes performances. 1911, l'installation en France Birkigt entretenait à cette époque de nombreux contacts avec plusieurs industriels français. L'hexagone ne lui était pas inconnu. Notre pays occupait alors une position stratégique dans l'industrie automobile européenne. A partir de 1911, afin de répondre à une demande croissante, mais aussi pour être plus proche de la clientèle potentielle plus nombreuse en France et pour se rapprocher de ses fournisseurs hexagonaux, l'entreprise s'installait dans un ancien dépôt de Tramway, rue Cavé, à Levallois Perret. Ce faisant, Hispano-Suiza rejoignait le club restreint des constructeurs ayant une implantation industrielle à l'étranger. L'épouse de Birkigt et ses deux enfants, Louis et Yvonne, emménageaient aussi en France. Plus qu'une simple filiale ou une cession de licence, l'entreprise se dédoublait. Sous l'autorité de Birkigt, chaque pays avait son propre bureau d'études, son outil industriel, et sa force de vente. Levallois se concentrait sur la production automobile. Birkigt s'entourait de gens compétents en France, en particulier Louis Massuger pour la mise au point et Ferdinand Fouré pour le bureau d'études.
Publicité signée René Vincent. Copyright Birkigt, mettant à profit sa victoire à Boulogne, dessina une version client de la voiture gagnante. En l'honneur du roi d'Espagne, il l'appela type Alphonse XIII. Ce fut la première Hispano-Suiza vraiment célèbre, et elle demeure encore de nos jours comme étant la voiture de référence de la marque avant 1914. Marc Birkigt favorisait les échanges réguliers entre les deux usines du groupe. Parallèlement aux automobiles, l'usine espagnole Hispano-Suiza poursuivait la production de bus, de camions et de moteurs pour l'industrie et la marine. Ces activités généraient des profits utiles au maintien des fabrications des automobiles plus prestigieuses. Mais les productions automobiles réalisées en Espagne se contentaient de mécaniques plus modestes et de carrosseries plus austères. En France, Hispano-Suiza s'appuyait sur un réseau de concessionnaires dans différentes villes de province. Mais les personnalités les plus en vue pouvaient aussi s'adresser directement à l'usine. Les volumes de production ne permettaient pas à Hispano-Suiza d'envisager de travailler en série. Le constructeur fabriquait donc " par rafale ", c'est à dire que selon les prévisions commerciales, il lançait une série de X châssis, qui pouvait en fonction de la demande être doublée, triplée ... puis on passait à une nouvelle rafale d'un autre modèle, etc ... Trop à l'étroit à Levallois, Birkigt fit construire une nouvelle usine à Bois Colombes. Elle était prête à entrer en production quand éclata la guerre en 1914.
Extrait du catalogue 1914. Copyright 1914/1918, Hispano-Suiza pendant la première guerre L'Espagne avait déclaré sa neutralité, ce qui permettait à son industrie automobile de poursuivre ses activités, même si son niveau s'en trouvait restreint, et si l'offre se concentrait pour un temps sur des modèles plus économiques. Pour Hispano-Suiza très dépendant des grands marchés à l'exportation, faute de débouché pour ses automobiles de luxe, la cessation d'activité aurait pu constituer une issue. Pour les historiens de l'automobile, Hispano-Suiza serait devenue une estimable mais confidentielle marque d'ancêtres. Bien au contraire, durant cette période trouble, c'est dans les airs que le nom d'Hispano-Suiza allait obtenir une renommée internationale et atteindre pour la première fois une dimension légendaire, en devenant à jamais liée à celui du Capitaine Guynemer et à celui de nombreux autres héros de l'aviation alliée. En effet, ceux-ci signèrent leurs exploits aux commandes d'avions équipés de moteurs Hispano-Suiza. La supériorité technique, la fiabilité et la légèreté des mécaniques conçues par Marc Birkigt étaient telles que les armées alliées décidèrent unanimement de les monter sur leurs aéroplanes. Quelque 50 000 moteurs furent construits dans ce but, dans les usines espagnole et française de la marque, mais aussi sous licence chez d'autres industriels. La quasi totalité de ce qui fut fabriqué par Hispano à Bois Colombes entre fin 1914 et fin 1918 fut destiné à l'aviation. Birkigt avait acquis une parfaite maîtrise dans les moteurs à haut rendement, et la firme, à cause de la guerre, ou plutôt grâce à la guerre, était devenue l'une des plus puissantes de France. Cette notoriété de la marque Hispano-Suiza allait bien évidemment être mise à profit pour mieux vendre des automobiles. Birkigt avait su prendre en main au bon moment les destinées de son entreprise. La cigogne Guynemer, Fonck et Bucciali, qui roulaient tous trois en Alphonse XIII quand ils ne volaient pas, avaient apporté au nom Hispano-Suiza un prestige incontestable. La cigogne en plein vol était la mascotte de l'Escadrille de ces trois pilotes. Elle ornait en particulier l'avion de Guynemer.
La cigogne sur l'avion du Capitaine Guynemer. Copyright A la fin de la guerre, à une époque ou l'esprit patriotique primait, l'accessoire à la mode était le bouchon de radiateur qui rappelait si possible la victoire. Louis Massuger eut l'idée de faire de la cigogne l'emblème de la marque. Il chargea un jeune sculpteur né en 1897, Français Bazin, d'en exécuter les formes. Le fameux oiseau échassier ornait ainsi le bouchon de radiateur de la première voiture d'après guerre présentée au salon de Paris en 1919, la 32 CV (fiscaux), sur châssis H6 (6 cylindres), d'une cylindrée de 6597 cm3 et d'une puissance réelle de 135 ch. 1919, la 32 CV, châssis H6 et H6B Birkigt n'avait pas attendu la fin des hostilités pour penser à l'après guerre. D'emblée, la H6 32 CV, une machine pourtant complexe, se révéla à peu près parfaite. La nouvelle Hispano-Suiza ne se rattachait quasiment en rien à ce qu'avait produit le constructeur avant 1914. Ce choix permettait d'éviter de ressasser les idées d'avant guerre. Le public était admiratif devant cette automobile à l'équilibre parfait qui allait être à la base des quinze prochaines années de production pour son constructeur. Birkigt et son conseil d'administration avaient choisi de positionner leur nouveau modèle au sommet de la hiérarchie automobile. Le cahier des charges était draconien : tenue de route sans faille, même avec des carrosseries lourdes et sur les chaussées défoncées de l'après guerre, silence de fonctionnement, confort d'assise impeccable, durée de vie des organes au prix d'une entretien régulier, remplacement aisé des pièces, garantie de bon fonctionnement quelque soit les conditions d'utilisation, etc ... Avant la guerre, les voitures de prestige étaient conduites le plus souvent par des chauffeurs experts installés à l'air libre. Les voitures de sport ne faisaient pour leur part aucune concession au luxe. Elles étaient lourdes à piloter et souvent brutales dans leur comportement ... Avec la 32 CV, la conduite d'une voiture de luxe n'était plus une affaire de spécialiste. Elle était menée avec une aisance remarquable, grâce notamment à la direction légère et directe et au couple énorme qui permettait de se dispenser à peu près complètement de l'utilisation de la boîte de vitesse. Son servofrein était d'une efficacité redoutable et d'un grand confort d'utilisation. La 32 CV venait d'inventer un nouveau concept, celui des GT, mariant puissance, légèreté et facilité de conduite. Le poids du châssis tout équipé n'excédait pas 1250 kg, contre plus de 1600 pour une Isotta Fraschini ou près de 2 tonnes pour une Rolls-Royce ou une Renault 40 CV. A lui seul, le moteur en alliage pesait deux ou trois fois moins que celui de ses rivales. Même en partant d'une feuille blanche, la nouvelle Hispano-Suiza bénéficiait de presque vingt ans d'expérience automobile, et du savoir faire et de la précision du constructeur dans le domaine aéronautique.
Publicité Presse, Hispano-Suiza, 1927. Copyright La réputation du châssis H6 32 CV attira quelques conducteurs sportifs fortunés. Le record de vitesse sur la distance Paris Nice fut un enjeu entre plusieurs pilotes. D'autres s'essayèrent aux courses de côte. Mais c'est surtout à partir de 1921 sur le circuit de Boulogne sur Mer dans une épreuve combinant vitesse et régularité que la H6 acquit définitivement ses titres de noblesse. Hispano-Suiza avait désormais sa place sur un marché évidemment dominé par les marques populaires comme Peugeot, Renault, Citroën, Mathis .... Mais au sommet de la hiérarchie, la 32 CV régnait presque en souveraine, avec à ses côtés les Voisin, Bugatti, Isotta Fraschini, Rolls-Royce .... Il s'agissait de la bonne voiture au bon moment, et il fallut attendre la fin des années 20 pour voir apparaître des machines capables d'égaler la H6. Elle trouva une clientèle toute prête, celle des nouveaux riches apparus au lendemain de la guerre qui souhaitaient acquérir une voiture plus jeune et plus dynamique que ce qui se faisait avant 1914. La clientèle restreinte d'Hispano-Suiza ne connaissait évidemment pas les problèmes de fin de mois. L'acquisition et l'entretien d'une telle automobile devait s'inscrire dans l'ensemble d'un train de vie réservé à une élite.
Les Hispano-Suiza étaient surtout appréciées par les têtes couronnées, certains sportifs et les grandes fortunes : le Roi d'Espagne déjà cité, Louis Blériot, René Lacoste, Jean Borotra, Jean Patou, Lord Mounbatten, Marcel Boussac, les familles Rothschild (elle posséda 18 Hispano-Suiza entre 1920 et le début des années 30), Cointreau, Hennessy, André Dubonnet, les frères Michelin, André Citroën, Lucien Rosengart, Emile Mathis, Edsel Ford, Joséphine Baker, Peter Ustinov, Greta Garbo, Pablo Picasso, Albert Einstein, etc ... Avec une telle clientèle, la firme n'avait pas vraiment besoin de faire recours à la publicité. Les maharadjahs indiens furent aussi à l'origine d'un nombre conséquent de commandes à partir de 1921. L'un d'entre eux, le maharadjah d'Alwar, en acheta six d'un coup. Certaines furent carrossées pour la chasse au tigre ...
Hispano-Suiza H6B Cabriolet DeVille, 1923. CopyrightUn service spécial de l'usine s'occupait des célébrités, mais la grande majorité des acquéreurs passait par le réseau des distributeurs. Ceux ci étaient sélectionnés selon des critères particulièrement sévères, et se devaient d'avoir une foi totale envers la marque qu'ils représentaient, sans toutefois en faire de trop envers cette clientèle avisée. Durant les années folles (de 1920 à 1929), les artistes carrossiers les plus célèbres, Labourdette, Letourneur et Marchand, Weymann, Kellner, Binder, Vanden Plas, Freestone et Webb, Weymann, Farina, Vanvooren, Saoutchick, Darrin, etc ... transformèrent les châssis Hispano-Suiza en de véritables oeuvres d'art.
Hispano-Suiza H6B Coupe Chauffeur par Kellner, 1925. CopyrightLes carrosseries destinées aux châssis H6 suivaient deux orientations principales : d'une part des caisses à vocation grand tourisme, voire sport, représentées par de nombreuses voitures ouvertes avec capote (les torpédos), d'autre part des voitures de maître englobant des formes de coupé, landaulet ou limousine.
Hispano-Suiza de 1925 habillée par Arnold de Manchester. Copyright Les Hispano H6 32 CV furent toutes assemblées à Bois Colombes. Au regard des volumes, il semblait en effet inopportun de dupliquer les moyens de production. Cela évitait par ailleurs des disparités dans les procédés. La voiture s'exportait vers l'Espagne (bien sûr), l'Italie, la Pologne, les Etats Unis, l'Amérique du Sud, l'Inde, etc ... La Tchécoslovaquie fut un cas un peu à part, car les Hispano H6 32 CV, après des importations classiques, y furent produites sous licence par le groupe industriel Skoda entre 1925 et 1929.
Škoda Hispano-Suiza H6. CopyrightOn peut au final considérer qu'à cette époque, la firme était devenue française à part entière, car les véritables Hispano sortaient de Bois Colombes.
Publicité du milieu des années 20 pour les Hispano-Suiza de chez Skoda. Copyright
Hispano-Suiza 1931, publicité de presse. Copyright Le succès de la 32 CV demeura constant tout au long des années 20. L'influence de son style se fit ressentir jusqu'aux Etats Unis, puisque Harley Earl, responsable du design de la General Motors, s'en inspira pour développer ses gammes 1929 pour Cadillac, La Salle et Chevrolet. La H6 fut imitée, mais jamais vraiment égalée. Sa production s'acheva en pratique vers 1930, bien que la voiture soit restée théoriquement disponible sur commande jusqu'en 1938.
La production de l'usine espagnole était devenue moins axée sur l'automobile. Elle fut suspendue lors de la guerre civile avant de reprendre sans conviction jusqu'en 1943. Copyright 1924, la 20 CV, châssis I6 Une nouvelle niche de marché semblait s'ouvrir dans ces années 20, celle des voiture d'un luxe extrême dans un format réduit. Rolls-Royce fut le premier à réagir en 1923. Hispano-Suiza présentait sa 20 CV au Salon de Paris de 1924, qui reprenait à une échelle moindre toutes les qualités de la 32 CV. Cette nouvelle voiture plus abordable aurait du contribuer à élargir la clientèle de la marque. Si ce fut le cas en Espagne, ce modèle fut boudé par la clientèle française. 1924, la 46 CV, châssis H6C La 46 CV, d'une cylindrée de 8 litres, sur châssis H6C, secondait la 32 CV à partir de 1924. Cette dernière adoptait dès lors la dénomination H6B. La H6C répondait à la nécessité pour Marc Birkigt de ne pas céder de terrain face aux progrès réalisés par les concurrents français et étrangers, américains notamment, mais aussi allemands et britanniques. Il importait pour rester au sommet de toujours penser à encore mieux , que cela soit dans le domaine du silence, de la souplesse de marche, du confort général, de la facilité d'entretien, de la fiabilité mécanique ... Toutes versions confondues, la production totale du châssis H6 s'éleva à 2529 exemplaires.
La 46 CV seconde la 32 CV à partir de 1924. Copyright 1928, le Duel avec Stutz A la fin des années 20, les deux pays acteurs majeurs de l'industrie automobile en plein développement, les Etats Unis et la France, campaient sur leurs positions. Chacun avait la conviction d'être le numéro un en qualité et en agrément. Mais un évènement inattendu allait remettre en cause ce statu quo. Deux capitaines d'industrie se lancèrent un défi lors d'une soirée qui se tenait durant le Salon de Londres en octobre 1927. Le hasard avait voulu que nos deux hommes se trouvent réunis à la même table. Il y avait d'une part Charley T. Weymann, d'origine américaine mais français de coeur, as de l'aviation d'avant guerre, industriel comblé, créateur des carrosseries du même nom produites sous licence par une quarantaine de constructeurs, et accessoirement client fidèle de la marque Hispano-Suiza. D'autre part, il s'agissait de F.E. Moskowicz, 100 % américain, président du prestigieux constructeur automobile Stutz installé à Indianapolis. Le journaliste Charles Faroux assistait à la scène. C'est lui qui raconta plus tard comment Moskowicz affirma qu'aucune voiture française n'était en mesure de battre son nouveau modèle Stutz. Weymann lui demanda ce qu'il était capable de parier sur ce défi. L'américain répondit : 25 000 dollars (une somme conséquente à l'époque). A la question de la durée de l'épreuve, Moskowicz précisa 24 heures, et à celle du lieu, le fameux autodrome d'Indianapolis. Autant dire que question géographie, le patron de Stutz partait avec un avantage certain. Weymann accepta de relever le défi, en affirmant qu'il irait battre Moskowicz sur son propre terrain, avec la voiture dont il se servait tous les jours, une Hispano-Suiza 46 CV. Un contrat fut rédigé en bonne et due forme pour définir les règles de ce " duel ". Weymann avait une confiance sans limite dans la mécanique de son Hispano. Il importait simplement de la mettre dans les meilleurs conditions possibles pour une ronde de 24 heures sur la dure piste de briques d'Indianapolis, afin de transformer les chances de succès en une quasi certitude. Comme l'autorisait l'accord, la carrosserie de l'Hispano-Suiza fut allégée. Une nouvelle monte de pneus fut élaborée en collaboration avec Dunlop, afin de combiner endurance et vitesse sur le difficile circuit américain. Robert Bloch, industriel connu pour ses talents de pilote, convoya l'Hispano-Suiza jusqu'en Amérique par bateau. Il s'agissait de l'un des pilotes pionniers des 24 Heures du Mans de 1923. Après avoir surmonté les tracasseries et les lourdeurs administratives lors de son arrivée aux Etats Unis, la délégation française fut cordialement accueillie par les dirigeants de Stuz, et il lui fut apporté toute l'aide nécessaire. Un stand fut notamment aménagé sur le circuit pour les recevoir. Stutz pour sa part disposait d'un véritable atelier mobile. Quelques jours avant le duel, la fièvre montait à Indianapolis. La cote des deux français était au plus bas dans les paris. Le public américain croyait fermement à la victoire de leur marque nationale, même s'il avait négligé que tenir 24 heures était bien plus complexe que de remporter une épreuve classique. Le rendez-vous pour le départ de la course fut fixé au 18 avril 1928 à 16 h 00. Robert Bloch et Charley T. Weymann allaient être les deux pilotes de l'Hispano-Suiza. Cela en dit long sur l'esprit sportif de Weymann, qui tout PDG qu'il fut, s'engagea personnellement dans ce défi. Moskowicz qui paraissait plus à sa place à l'arrière d'une limousine qu'au volant d'un de ses " speedsters ", confia le volant de la Stutz à deux anciens pilotes professionnels en fin de carrière : Tom Rooney et Gil Anderson. Ceux ci n'avaient plus couru à Indianapolis depuis 1919. La course en raison d'une météo incertaine, et d'un commun accord, démarra vers midi. Dès le septième tour, l'Hispano-Suiza avait pris un tour d'avance sur la Stutz. Le calvaire ne faisait que commencer pour l'équipage américain, qui supportait de graves ennuis, et multipliait les arrêts. Pendant ce temps l'Hispano-Suiza enchaînait les tours de piste avec une régularité éreintante pour son challenger. La course ne fut pas menée à son terme. L'équipe pilotant la Stutz jetait l'éponge avant l'expiration de la vingtième heure. A ce moment là, l'Hispano avait 1005 kilomètres d'avance sur sa concurrente, qui avait été retenue au stand pendant 9 h 23 minutes. Il ne fut jamais nécessaire d'ouvrir de capot de la voiture française durant la course. Seul un changement de pneus (contre cinq pour Stutz) fut entrepris quand la pluie commença à tomber. Pour faire le show face au public, Weymann accepta de terminer la course contre une Stutz de remplacement. Lui et son coéquipier avaient fait la preuve de la supériorité de la voiture française sur une piste qu'ils ne connaissaient pas. L'Hispano-Suiza avait triomphé sans mal d'une rivale moins bien préparée. L'orgueil débordant du constructeur américain en avait pris un coup. Il ignorait sans doute à quel point les Hispano-Suiza étaient depuis de longues années des automobiles ayant fait leurs preuves, que cela soit en compétition ou au quotidien auprès d'une clientèle très exigeante. La presse américaine tenta de minimiser l'échec de la Stutz, en critiquant la médiocrité des pilotes, en arguant du fait qu'il s'agissait d'un combat de David contre Goliath, etc ... Stutz représentait pourtant la voiture de luxe made in USA sophistiquée et bien au dessus de la technologie moyenne en 1928. Le retentissement de ce match gagné de haute lutte, avec une sportivité totale, fut énorme. L'accueil réservé aux deux vainqueurs fut délirant et commença à leur descente du paquebot au Havre. A Paris, place de la Concorde, au siège de l'Automobile Club de France, c'est la foule des grands jours qui salua les deux héros d'Indianapolis. L'évènement fit la une des journaux.
Marc Birkigt vers 1930. Il est l'actionnaire majoritaire d'Hispano-Suiza France depuis 1923, indépendamment de la maison mère espagnole. Copyright La modestie de Weymann, tant lors de son arrivée à Indianapolis, qu'après la fin de la course, impressionna Moskowicz qui, mettant très vite un terme à l'invocation de la malchance, perçut très vite le sens du message venu d'Europe. Les sévères avaries durant le duel précipitèrent la mise en application des modifications souhaitées par les techniciens de Stutz, mais qui étaient demeurées jusqu'alors dans les tiroirs. Au Mans, en juin, deux mois après le fameux match, une Stutz pilotée par ... Robert Bloch assisté d'Edouard Brisson terminait en deuxième position, derrière une Bentley. Elle avait aussi bien tourné sur le circuit sarthois que ne l'avait fait l'Hispano-Suiza quelques semaines auparavant à Indianapolis. La marque américaine venait d'effacer une partie de l'affront subi sur son territoire. Bon joueur, et convaincu par l'esprit sportif et loyal de Stutz, Weymann passa même commande à Stutz d'un de ses châssis. La rivalité entre Weymann et Moskowicz se mua en une association sous forme de licence de fabrication de caisses légères. A partir de 1929, les trois gammes Stutz étaient disponibles avec une carrosserie Weymann. Ce fut le début d'une collaboration durable. 1930, la HS26, ou Hispano Junior Fin 1930 débutait l'étude d'un nouveau modèle plus léger que le H6. Cette nouvelle voiture n'était pas un produit 100 % Hispano-Suiza, puisqu'elle résultait du rachat de la firme Ballot.
Publicité pour le constructeur automobile Ballot. Copyright La crise de 29 et ses conséquences à retardement en Europe avaient eu raison de la santé financière de Ballot, fabricant d'automobiles depuis 1919. Hispano-Suiza rachetait l'ensemble de l'entreprise, en particulier son usine parisienne, ainsi que tout le stock de pièces et de véhicules en cours de montage. Le repreneur décidait de faire vivre l'usine Ballot, en l'orientant vers la production d'un modèle spécifique, la nouvelle HS26. A cette période, Hispano-Suiza était déjà largement préoccupé par la mise au point de ses modèles haut de gamme. Le rachat de Ballot imposait dès lors de mener deux projets en parallèle, situation inédite pour les dirigeants de Bois Colombes. Un cahier des charges était rapidement rédigé, qui précisait que la nouvelle petite Hispano-Suiza ne devait en rien s'écarter des exigences qui avaient fait la réputation de la marque, tant au niveau des performances que du confort, de la fiabilité ou même de l'élégance. Dans ce cadre, l'étude de la nouvelle voiture, dont le nom de Ballot était initialement conservé, fut menée rondement. Un savant travail de mécano conduisait à la naissance de la HS26, assemblage d'un châssis Ballot partiellement modifié (il demeurait des stocks invendus dans l'usine Ballot) et d'un ensemble moteur d'origine espagnole d'une cylindrée de 4,5 litres, réduction à l'échelle du moteur 32 CV.
Extrait du catalogue HS 26 de 1932. Copyright La HS 26 était présentée au salon de Paris en octobre 1930. Tout avait été mis en oeuvre pour donner l'impression que la marque Ballot allait survivre, même dans le cadre d'une collaboration étroite avec Hispano-Suiza. La calandre allégée de style Hispano-Suiza comportait le sigle Ballot complété par la mention " Licence Hispano-Suiza ". Mais après le salon, l'appellation Hispano-Suiza HS 26 s'imposa face à Ballot. Ce modèle, maladroitement baptisée Hispano Junior parvenait à séduire une part de la clientèle traditionnelle de la marque. Sa production s'échelonna jusqu'en 1934. 1931, la 54 CV, châssis J12 Durant les années 20, l'activité de l'usine de Bois Colombes était répartie entre la production de moteurs d'avions et la fabrication de châssis automobiles. Dans le premier domaine, Hispano-Suiza bénéficiait d'une notoriété éclatante, grâce à l'extraordinaire fiabilité de ses mécaniques. Le V 12 Hispano était la référence depuis 1927. La production automobile allait bénéficier de ce savoir faire. Sur la route, l'exigeante clientèle d'Hispano-Suiza souhaitait davantage de performances, et un confort encore accru. La 46 CV de 1924 avait constitué une première réponse. Cela n'était pas suffisant. Face à un tassement des ventes du à une concurrence affûtée, Hispano-Suiza devait créer l'évènement comme en 1919 avec la 32 CV, en proposant un produit inédit, supérieur à celui de ses challengers. Ces considérations aboutirent à l'étude à partir de 1929 d'un nouveau châssis. Hispano-Suiza allait mettre à profit les enseignements de plus de dix ans de production de la H6. Chaque composant de celle-ci avait été repensé et modernisé.
Publicité de presse, dessin de Alex Kow, 1932. Copyright Birkigt se tenait régulièrement informé des études et des réalisations de ses concurrents européens et américains. Parmi ceux ci, Duesenberg et Cadillac faisaient figure de leaders. Ce dernier avait récemment commercialisé un remarquable V 16. Birkigt avait pour sa part opté pour un 12 cylindres en V. L'augmentation de la cylindrée demeurait le moyen le plus commode pour gagner de la puissance. On avait vu large avec 9420 cm3. Le soin apporté à l'étude du V12 et la précision accordée à sa fabrication n'avaient rien à envier aux productions aéronautiques. Au salon de Paris de 1931, Marc Birkigt dévoilait le résultat de ses travaux. La J12 pouvait prétendre être au point dès son apparition. Le V12 Hispano était un véritable chef d'oeuvre d'esthétique mécanique. Pas un concurrent français ne lui arrivait à la hauteur, et à l'étranger la nouvelle J 12 ne craignait la comparaison avec aucune rivale, pas même Rolls-Royce. Son silence de fonctionnement approchait la perfection. Toutes les sources de vibration avaient été traquées, et non pas combattues par des artifices divers. Pour les amoureux de l'esthétique mécanique, ce moteur était un enchantement de part le soin apporté à son apparence : pièces émaillées noir ou en acier chromé, carter en alliage léger ... Ce V 12 était constamment en tenue de soirée, comparé aux tenues de sport de ses concurrents. Avec 220 ch, la nouvelle Hispano-Suiza atteignait 150 km/h avec ses carrosseries les plus lourdes, et 170 km/h pour les modèles les plus légers destinés au grand tourisme. Le constructeur était parvenu à proposer un châssis de faible poids pour la catégorie. A carrosserie équivalente, une J12 pesait entre 500 et 1000 kg de moins que ses concurrentes directes. Au début des années 30, et malgré les conséquences de la crise de 1929, une part importante de la clientèle avait conservé à la fois son opulence financière et son attachement à la marque. Il était naturel que celle-ci soit sensible au lancement d'une nouvelle génération de voitures Hispano-Suiza. Dès le salon de 1931, le carnet de commande se garnissait de noms déjà connus parmi l'élite. Le catalogue présentait son modèle 12 cylindres dans ces termes : " Toutes les races, toutes les espèces, toutes les créations humaines ont leur aristocratie de sélection ou de perfection. Il y a le cheval et le pur sang, le chien et le lévrier, le bateau et le yacht, l'aéroplane et l'avion de chasse. Il y a de même l'automobile et l'Hispano-Suiza ... " Construites de 1931 à 1938, les 12 cylindres Hispano-Suiza ont traversé une période de profonde évolution du style automobile. La voiture se montra cependant plus difficile à habiller que la H6, avec un capot et un radiateur aux proportions plus massives. Les carrosseries plus sobres, façon complet veston, se prêtaient mieux aux formes de la J12.
Hispano-Suiza, publicité presse pour la 12 cylindres, 1931. Copyright A partir de 1932, les angles vifs disparaissaient des carrosseries. Dès 1934, les caisses s'adaptaient à la mode des formes aérodynamiques, même si aucune étude sérieuse ne venait valider l'intérêt de ces lignes sur le plan de la pénétration dans l'air. En 1936, on vit apparaître des carrosseries très profilées, le plus souvent signées par Figoni et Falaschi, ou Fernandez et Darrin. 120 exemplaires de la J12 furent construits. Ce chiffre est finalement modeste, mais dès les années 30, l'usine de Bois Colombes concentrait ses efforts sur la production de moteurs d'avions et d'armement pour répondre aux incitations du gouvernement.
Cabriolet Hispano-Suiza 54 CV habillé par Franay, 1935. Copyright 1934, la 30 CV, châssis K6 La K6 était présentée au Salon de l'Automobile de Paris en 1934, et commercialisée l'année suivante. Elle succédait à la Junior, et se caractérisait extérieurement par un châssis abaissé lui procurant un centre de gravité très bas. Il ne s'agissait en rien d'un modèle économique, puisqu'en 1937 le châssis nu valait douze fois le prix d'une Peugeot 402 bien habillée ! Son nouveau 6 cylindres de 5,2 litres était l'oeuvre de Marc Birkigt. Les 120 ch de la K6 lui procuraient des performances similaires à celles de la 32 CV, avec un silence et une douceur de fonctionnement supérieurs. C'était une embarcation luxueuse et paisible, taillée pour les promenades sur la Riviera. Mais elle souffrait de la concurrence de sa grande soeur, la J12. Les carrossiers l'avaient habillé sans génie, sans la moindre excentricité ou trait de modernisme, mais avec élégance et conformisme. Sa production était arrêtée en décembre 1937 sur instruction du Ministère de la Guerre qui souhaitait voir Hispano-Suiza concentrer ses forces pour la fourniture de matériel destiné aux armées. C'était peut être finalement une aubaine pour la marque qui sans cette salutaire décision aurait été contrainte de concevoir une automobile nouvelle et plus moderne. 204 châssis K6 furent produits jusqu'en 1937.
Hispano-Suiza aviation. Copyright 1935, le début de la fin Marc Birkigt n'avait que faire des courants de la mode. Hispano-Suiza demeurait l'ultime constructeur français de voitures de prestige. L'industrie du luxe avait été balayée. Ballot, Rochet Schneider, Lorraine Dietrich, Sizaire ... avaient été emportés dans la tourmente qui avait suivi la crise de 1929. Les survivants étaient à la peine. Delahaye reprenait en main les affaires de Delage, Talbot était secouru par Anthony Lago, Gabriel Voisin survivait jusqu'en 1938, etc ... Hispano-Suiza avait survécu car le groupe avait d'autres cordes à son arc. La branche aéronautique se portait bien et le marché des moteurs de Micheline (Birkigt s'était associé à Michelin dans ce domaine) occupait une large part des ouvriers. En 1936, le gouvernement de Léon Blum souhaita nationaliser l'usine française, comme elle le fit pour toutes les usines d'armement. Hispano-Suiza échappa à cette nationalisation, en raison notamment de l'appartenance de la firme à des Espagnols et à Marc Birkigt, qui avait conservé sa nationalité suisse. Cette année fut celle du dernier Salon de Paris pour Hispano-Suiza. Les volumes de production des automobiles devenaient bientôt insignifiants. Un nouveau PDG fut nommé en la personne de Raoul Dautry, ex directeur des Chemins de Fer et futur ministre de l'Armement. Celui ci décidait d'arrêter la production automobile dès 1937, sans omettre auparavant d'acquérir pour son compte l'une des dernières voitures à sortir de l'usine. Sa mission était de se concentrer sur l'effort d'armement. Dès le début de 1938, il apparaissait clairement que l'Europe, et peut être le monde, allaient être engagés dans une guerre quasi inévitable. Hispano-Suiza représentait pourtant un important élément de promotion pour les produits français à l'étranger. D'autres constructeurs comme Rolls-Royce parvinrent à la même époque à satisfaire simultanément aux besoins des productions aéronautiques et automobiles. Marc Birkigt refusa de se soumettre aux directives du gouvernement de Vichy. Il quitta la France, pour oeuvrer à l'étude de moteurs Diesel pour des camions sur le site de Barcelone. Le personnel fut contraint de travailler avec et pour les forces d'occupation, mais une forme de résistance passive ralentissait les productions de l'usine de Bois Colombes. L'encadrement encore en place s'attelait à protéger à la fois les infrastructures et les employés. Après la guerre En 1945, une fois l'état major de la firme reconstitué, tout était à reprendre à zéro. L'usine de Bois Colombes bombardée plusieurs fois par les alliés était en ruine. Celle de Barcelone était nationalisée et rebaptisée Enasa. En parallèle aux utilitaires et aux camions, Enasa présentait en 1951 la voiture de sport Pegaso, motorisée par un V8 conçu par Wilfredo Ricart.
Pegaso Z 102 Berlinetta, 1950. Copyright En 1948, Hispano-Suiza avait obtenu du Ministère de la Défense un contrat pour l'étude et la réalisation d'un char. Mais le gouvernement fit volte face. L'équipe fut alors affectée à l'étude d'une nouvelle voiture Hispano-Suiza destinée à l'exportation. La marque était encore toute auréolée de son riche passé d'avant guerre. De nombreuses voitures continuaient de rouler, preuve de leur extraordinaire fiabilité. Hispano-Suiza avait fait le choix de rester dans son domaine de prédilection, la voiture de luxe d'avant garde. La conception du nouveau modèle fut confiée à l'ingénieur Rudolph Hermann, avec qui Birkigt avait travaillé à Barcelone. Il était assisté d'une douzaine de personnes. L'étude de Hermann était en rupture totale avec les méthodes de Birkigt. Elle adoptait de nouvelles conceptions techniques plus largement développées après guerre, comme les roues avant motrices. Au début de l'étude, les essais routiers du prototype équipé d'un V8 emprunté à une Matford démontrèrent un comportement remarquable. Jean Albert Grégoire, ingénieur français de renom, fit de nombreux déplacements à Asnières pour concevoir un original système de suspensions, qui s'adaptait à la charge. La voiture roulait sous la forme d'un châssis dès 1949. Plusieurs stylistes furent consultés, et c'est finalement le projet d'un spécialiste espagnol qui retint l'attention. Pour poursuivre les essais, la nouvelle Hispano-Suiza était habillée d'une carrosserie dans le plus pur style américain de l'époque. L'avant avouait un énorme porte-à-faux, qu'habillait une calandre traditionnelle à la manière des Mercedes ou Rolls-Royce. La puissance insuffisante du 13 CV Matford fut à l'origine de son abandon. Il fut remplacé par une V8 Ford de 23 CV.
La voiture roulait sous la forme d'un châssis dès 1949. Copyright La carrosserie comportait à la fois des parties en acier et en bois. La cigogne et la calandre étaient toujours en bonne place, intégrées assez maladroitement dans une carrosserie de style ponton. Trois personnes pouvaient prendre place de front sur la banquette avant. Cette imposante automobile pesait deux tonnes.
La nouvelle Hispano-Suiza fut habillée d'une carrosserie façon woodies. Copyright Cependant, les dirigeants d'Hispano-Suiza semblaient à l'époque avoir d'autres priorités dans les activités plus rémunératrices liées à l'aviation et à l'industrie. Le projet automobile mené en marge des autres métiers fut abandonné en 1950, et la voiture stockée, avant d'être détruite deux ans plus tard. Celui qui fut à l'origine de la marque Hispano-Suiza, Marc Birkigt, mourrait le 15 mars 1953 dans sa maison natale au bord du lac Léman.
Publicité Hispano-Suiza, source AAT, octobre 1950. Copyright
Publicité Hispano-Suiza, source AAT, octobre 1951. Copyright Une marque en sommeil L'industrie aéronautique a fait depuis les années 60 l'objet d'une multitude de rapprochements, rachats et fusions. Hispano-Suiza appartient depuis 2005 au groupe Safran, issu de la fusion de la Snecma et de Sagem. Hispano était depuis 1970 intégré à la Snecma. 2000, le retour chez Mazel Au Salon de Genève en mars 2000, le groupe Mazel, société espagnole de design et d'engineering, dont les compétences s'étendent tant à l'automobile qu'à l'aéronautique, présentait le concept car Hispano-Suiza HS 21, doté d'un V10 de 5 litres d'origine Renault, en alliage léger, installé en position centrale, et annoncé pour 500 ch.
Hispano-Suiza HS 21. Copyright Un an plus tard, au Salon de Genève 2001, un nouveau projet K8 avait l'allure d'une berline sportive, équipée d'un V8 Audi de 4,2 litres et 360 ch.
Hispano-Suiza K8. Copyright Après la HS 21 et la K8, la HS 21 GTS, version compétition de la HS 21 venait en 2002 clore la série des prototypes de salon Hispano-Suiza présentés par le groupe Mazel. Au programme, un V8 7 litres de 600 ch. Avec le recul, on peine à trouver une certaine légitimité à cet emprunt d'un nom aussi prestigieux. Mais ce n'était pas fini ... Hispano-Suiza HS 21 GTS. Copyright 2010, Hispano-Suiza Granturismo Au Salon de Genève de mars 2010, le nom d'Hispano-Suiza faisait son retour avec une nouvelle voiture de sport. Ce projet, développé à partir d'une Audi R8, n'avait rien à voir avec les précédentes réalisations du groupe Mazel. A la manoeuvre, on trouvait Erwin Himmel, ancien responsable du centre de design Volkswagen en Catalogne, Roland Mayer qui assurait la direction technique, et Marta Pou Portus pour le marketing et les ventes ... La puissance du V10 emprunté à l'Audi R8 était ici poussée à 750 ch par l'adjonction de deux compresseurs. Cela devait permettre à la Granturismo d'atteindre 330 km/h. Un projet encore plus ambitieux prévoyait une version hybride totalisant 900 ch. Les dirigeants de l'affaire ne prétendaient à aucun héritage " légal " vis à vis de la marque Hispano-Suiza . Dans l'absolue, il ne s'agissait donc pas d'un revival ... La société constituée pour ce projet était basée à Lugano. Il était prévu que l'assemblage soit réalisé dans une usine à construire en Allemagne près de Munich. Cette voiture, comme dans les années 30, ne devait être réservée qu'à une élite, à raison de 25 à 50 unités par an au maximum, pour un prix proche de 700 000 euros, soit cinq fois le prix d'une banale Audi R8. Sans aucune fausse modestie, la nouvelle Hispano-Suiza souhaitait chasser sur les terres de la Bugatti Veyron. Mais le beau rêve avait du plomb dans l'aile. La polémique gonflait peu après le salon de Genève. Le groupe Safran et une petite société espagnole qui a conservé la désignation de 1904 , " La Hispano-Suiza Fabrica de Automoviles ", sont les propriétaire des droits sur la marque Hispano-Suiza, l'une dans le domaine aéronautique, l'autre pour la production automobile. Ces sociétés n'ont jamais donné leur autorisation pour l'utilisation du nom Hispano-Suiza, et des poursuites furent engagées pour usage abusif de la marque et tromperie. Le différent portait sur un détail, l'absence de tiret dans le nom. Le logo de la marque ne laissait pourtant planer aucun doute, ni la présence d'une véritable Hispano-Suiza des années 30 sur le stand du Salon de Genève. Le dossier de presse lui même contenait un historique des origines de la marque.
Hispano-Suiza Granturismo. Copyright Texte : André Le Roux /
Jean-Michel Prillieux |
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