Mathis, Matford
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Ettore Bugatti (à gauche) et Emile Mathis à bord d'un prototype de leur conception en 1902. Quand la famille De Dietrich renonce en 1904 à l'automobile, les deux jeunes hommes sont remerciés. Emile Mathis puise dans ses économies, et fonde sa propre entreprise. Il embarque dans cette nouvelle aventure Ettore Bugatti. Un contrat d'association est signé le 1er avril 1904 pour une durée de deux ans. Un certain Ernest Friederich les rejoint en tant que mécanicien. C'est en 1905 que débute véritablement la construction d'une voiture née de cette collaboration, sous le nom d'Hermès Simplex. Elle est animée par un gros 4 cylindres faisant appel à la robuste construction des premières voitures conçues par Ettore Bugatti. Les Hermès Simplex sont assemblées à Illkirch-Graffenstaden, à huit kilomètres de Strasbourg. Mathis s'y rend en voiture, Friederich en tramway, et Bugatti ... à cheval.
En plus de son intérêt pour la technique et l'automobile, Ettore Bugatti est passionné par les chevaux. La voiture reçoit un très bon accueil lors de sa présentation au Salon de Berlin, puis à celui de Paris. Le nombre exact d'exemplaires fabriqués diffère selon les sources, mais n'aurait pas excédé quelques dizaines. A l'issue des deux années prévues au contrat, Bugatti et Mathis se séparent. Les deux hommes ont un tempérament fort. Des divergences de point de vue les opposent. Mathis pense que les automobiles grosses et lourdes mènent à une impasse. Mais pour l'instant, Ettore Bugatti insiste sur la solidité et la résistance, sans s'inquiéter du poids. Curieusement, Bugatti, après cette séparation, va rejoindre le point de vue de Mathis avec ses châssis légers, qui seront produits à Molsheim. Un froid s'est pourtant installé de manière durable entre les deux hommes.
Ettore Bugatti conduit une Hermès Simplex. Sur cette photo, on peut aussi identifier de nombreuses personnalités, dont Emile Mathis, Ernest Friederich, Vincenzo Lancia, Rembrandt Bugatti et Giovanni Agnelli. Cette collaboration a constitué une sorte de banc d'essai pour Emile Mathis et Ettore Bugatti. Emile Mathis se consacre alors au développement de ses affaires commerciales, tandis qu'Ettore Bugatti s'installe à son propre compte pour produire des voitures de course. Ernest Friederich poursuit ses travaux avec Ettore Bugatti. Il deviendra concessionnaire Bugatti à Nice en 1924, et restera l'homme de confiance du " Patron ". Emile Mathis fonde en 1905 Auto-Mathis-Palace, un garage installé rue Finkmatt, à Strasbourg. L'ensemble s'étend sur quatre étages. Un ascenseur permet de monter les voitures jusque sur la terrasse d'exposition. C'est à sa création le plus grand garage d'Europe, et le troisième du monde. Outre la vente des Hermès Simplex, Emile Mathis dispose de multiples concessions prestigieuses. Il représente les marques Lorraine Dietrich, Panhard & Lavassor, Rochet Schneider, Richard Brasier, Sizaire & Naudin, Minerva et Fiat. Pour certains constructeurs, il a le monopole de distribution en Allemagne et dans les pays frontaliers. Ce sont plus de 500 voitures, châssis nus ou automobiles carrossées, qu'il vend en 1906. Emile Mathis exploite par ailleurs un vaste réseau de succursales, agences et filiales à travers l'Empire allemand, la Suisse et l'Europe Occidentale.
Des automobiles sont exposées sur le toit de l'Auto-Mathis-Palace. Ce garage propose en exclusivité des accessoires, qu'il s'agisse des articles de voyage Louis Vuitton, des phares Blériot, des avertisseurs Cobra, des bougies Pognon ... Un atelier de carrosserie permet d'habiller des châssis Fiat et Stoewer. Emile Mathis fait fonctionner son imposant carnet d'adresses. Il entretient depuis toujours des liens étroits avec la haute bourgeoisie et la noblesse. Cette clientèle ne manque d'ailleurs pas de se manifester lors des nombreux concours d'élégance qui émaillent cette époque. Entre 1908 et 1912, Emile Mathis engage en course quelques prototypes dont l'architecture générale est proche de celle des Bugatti. En-dehors de l'automobile, Mathis fabrique aussi des véhicules à vocation industrielle, des fourgons de livraison et des camionnettes. Le 3 mai 1910, un avion Mathis est le premier appareil français à survoler la cathédrale de Strasbourg, à 242 mètres d'altitude, dans une ville toujours occupée par les Allemands. La population locale exulte ! 1911, l'usine de Strasbourg Animé par une ambition dévorante de rivaliser avec les grands noms de l'industrie automobile de son époque, Emile Mathis, tout en poursuivant ses activités de distribution, mûrit patiemment son projet de devenir un vrai constructeur automobile. En mars 1911, il lance l'édification de l'usine de la Meinau, quartier de Strasbourg, où il souhaite rassembler toutes ses activités. L'industriel qui a toujours une longueur d'avance a fait l'acquisition des terrains depuis 1905. Parallèlement, Emile Mathis cède en 1911 l'Auto-Mathis-Palace. Ce garage sera oublié de tous jusqu'en 1974, quand il sera vendu en vue d'une destruction, pour laisser sa place à un immeuble moderne de logements. Le projet est refusé au regard de l'intérêt architectural du site, avec sa façade en pierres de taille. Un nouveau projet voit le jour, en conservant la partie frontale. L'usine de la Meinau est édifiée avec une rapidité surprenante, grâce à la technique de préfabrication des éléments. Après six mois de travaux, elle ouvre ses portes. La zone industrielle où elle est installée se développe avec l'implantation d'autres usines. Toutes sont raccordées au réseau ferroviaire. L'usine Mathis est structurée autour de quatre activités : fabrication et vente des automobiles Mathis, représentation des marques Fiat, Minerva et Lorraine-Dietrich pour l'Allemagne, carrosserie, et enfin fabrication d'aéroplanes et représentation des moteurs Gnome-Rhône. Environ 600 châssis sortent de l'usine la première année pleine (1912). En 1913, la marque Mathis est représentée par 36 agences ou succursales en Allemagne, et par 47 autres à travers le monde. Les premières voitures réellement conçues et vendues par Mathis sont de petites cylindrées, les Baby, Populaire et Babylette. D'autres modèles de plus forte puissance sont bientôt inscrits au catalogue. Ces modèles de grosse cylindrée sont fabriqués sur commande, et personnalisés selon les exigences des clients. Ainsi, Emile Mathis dispose d'une gamme complète pouvant satisfaire n'importe quelle demande.
Mathis Baby Depuis sa séparation avec Ettore Bugatti, Emile Mathis accorde sa confiance à Heinrich Esser, un ancien des usines De Dietrich, qui prend en charge dès 1907 la direction d'Auto-Mathis-Palace, puis en 1911 celle de l'usine de Meinau. Sur le plan privé, Emile Mathis épouse Jeanne Boyer le 25 juin 1913, fille d'un procureur de la République. Alors que Strasbourg est encore annexée à l'Allemagne, le mariage civil a lieu à la mairie du 16ème arrondissement de Paris, en présence de nombreuses personnalités, de la famille, et de la haute bourgeoisie parisienne. Gaston Doumergue, futur président de la République (1924/1931), fait partie des invités. À l'aube du premier conflit mondial, le site industriel Mathis s'étend sur un vaste terrain de 125 000 m², dont 40 000 m² sont dédiés à la production. Avec l'entrée en guerre, l'usine réoriente ses activités. La production automobile civile laisse place à la fabrication de châssis industriels et d'ambulances, indispensables à l'effort de guerre allemand. De 1913 à 1915, d'interminables convois de véhicules militaires quittent ainsi les chaînes de montage de la Meinau. Chargé par les Allemands d'une mission d'achat de matériel militaire en Suisse en 1916, Émile Mathis saisit l'opportunité de faire défection et de rejoindre la France. Cette trahison n'est pas oubliée par les autorités allemandes qui, en représailles, s'emparent de ses biens et cèdent son usine en 1917 à la société Lanz, spécialisée dans les machines agricoles.
Emile Mathis est né le 15 mars 1880 à Strasbourg. Ses parents sont les propriétaires d'un des grands hôtels de la ville. C'est là qu'il aperçoit ses premières automobiles de luxe, et que lui vient cette passion qui le guidera toute sa vie pour ce mode nouveau de locomotion. Copyright La victoire alliée de 1918 et le retour de l'Alsace-Lorraine au sein de la France marquent un tournant décisif pour Émile Mathis. Son usine de la Meinau, épargnée par les affres de la guerre, lui est restituée en 1919 par le tribunal de commerce de Strasbourg. Reprenant rapidement la production, l'industriel alsacien, désormais de nationalité française, s'installe à Paris tout en conservant un lien étroit avec sa région d'origine. 1919/1930, l’âge d’or de la marque Mathis Dès 1919, Mathis propose des modèles s'inspirant étroitement de sa gamme d'avant-guerre. Le type SB 10 HP, lancé en 1920, marque un retour en force de la marque. Fort de ce succès, Emile Mathis enregistre d'importants bénéfices, et ouvre un prestigieux magasin d'exposition sur les Champs-Élysées, réaffirmant ainsi son statut d'acteur majeur de l'industrie automobile française. Le passage à la législation française en 1922 transforme l'entreprise Mathis en une société familiale, où les membres de la famille occupent tous les postes-clés. Cette nouvelle organisation soulève la question de savoir si ce choix, motivé par des raisons personnelles, ne risque pas de freiner le développement de l'entreprise face à une concurrence plus agressive, plus ouverte aux idées venant de l'extérieur. La Meinau ne brille pas par ses ateliers de carrosserie et ses chaînes. Ses équipements sont plus rudimentaires que ceux des Citroën, Renault ou Peugeot. L'ensemble apparaît très hétéroclite. Par contre, les installations de forge, de fonderie et d'usinage sont modernes. Mathis profite comme Peugeot de la proximité des hauts-fourneaux de Thionville, du textile de Mulhouse, des facilités de transport par voie fluviale, ainsi que de la présence d'une main d'oeuvre moins chère qu'en région parisienne. En contrepartie, Mathis est éloigné de la plupart de ses autres fournisseurs, et des administrations installées à Paris. " Le slogan "Le poids, voilà l'ennemi", affiché par Mathis lors du Salon de l'auto de 1922, résume la volonté de l'entreprise de répondre aux attentes d'une clientèle soucieuse de modernité. Face à la démocratisation de l'automobile et à la concurrence féroce de Citroën, Renault et Peugeot, Mathis propose des modèles réellement performants et confortables. "' Si beaucoup de marques offrent des avantages, seule la Mathis les réunit tous " est un autre slogan utilisé par le constructeur. Le lancement des six cylindres en 1923 marque une nouvelle étape dans cette stratégie. La Légion d'honneur décernée à Émile Mathis en 1925 récompense son parcours et son apport à l'industrie nationale.
En 1925, Mathis présente le Type GM, une 10 CV qui permet de renouveler son offre. Pour promouvoir les qualités de solidité et de fiabilité de ce nouveau modèle, la marque organise un raid d'endurance spectaculaire : six pilotes se relaient pendant 30 jours pour couvrir 30 000 kilomètres. Cette opération est destinée à attitrer l'attention d'une clientèle en quête de fiabilité, et à renforcer l'image de Mathis. L'usine de la Meinau a été construite de manière très rationnelle. C'est selon le célèbre journaliste Charles Faroux certainement l'une des mieux organisées, des plus rationnelles en Europe. Les voies séparant les différents locaux portent des noms de constructeurs : avenue Panhard, Ford, Fiat, Renault, Citroën, Peugeot, Bollée, De Dion, et bien sûr Mathis. Ce fait est révélateur du respect qu'à Emile Mathis pour ses confrères.
Au Salon de Paris 1926, la gamme se modernise et s'appuie sur la MY (annoncée dès juin 1926). C'est une 4 cylindres 8 CV, commercialisée jusqu’en 1930 à 15 544 exemplaires. A l'échelle du constructeur, c'est un immense succès. Un nouveau slogan accompagne son lancement " La voiture qui manquait ". Charles Faroux la décrit en ces termes : " La Mathis MY a été la première voiture sur le marché qui puisse prétendre pouvoir répondre aux goûts variés de la clientèle et réunir sur une voiture économique tous les avantages qui étaient primitivement l'apanage exclusif des voitures de luxe ". La production quotidienne passe de 12 voitures en 1920 à progressivement une centaine en 1924. Le capital de Mathis SA augmente considérablement, passant de 1,75 million de francs fin 1922 à 20 millions de francs fin 1924. Il sera porté à son maximum, 40 millions de francs, en juillet 1928. Mathis prospecte dans de nombreux pays pour trouver des agents. En France, on en compte près de 400 en 1925. Soucieux d'améliorer sans cesse ses méthodes de production, Emile Mathis investit régulièrement dans l'extension et dans la modernisation de ses ateliers. Inspiré par ses voyages aux États-Unis, où il observe de près les avancées de l'industrie automobile américaine, il adapte les techniques les plus pertinentes au contexte français. Conscient des différences culturelles entre les ouvriers américains et français, Emile Mathis met en place des méthodes de management adaptées aux spécificités de sa main-d'œuvre, révélant ainsi ses talents de psychologue.
L'EMY6, une 6 cylindres comme son nom l'indique, est présentée en mai 1927. Avec cette voiture, les publicitaires reprennent un slogan déjà utilisé en 1922, " Le poids, voilà l'ennemi ". Quatre moteurs vont équiper les châssis EMY6 jusqu'en 1929, d'une cylindrée comprise entre 1 696 et 2 179 cm3. Une éphémère 8 cylindres en ligne, la LH, est dévoilée en 1925. Peu performante, elle ne reste qu'un an au catalogue. En 1929, Mathis acquiert un terrain de 80 000 m2 en Gennevilliers. Il y construit un hall de 5 000 m2 pour accueillir des ateliers de réparation. Des réserves foncières sont constituées pour l'installation d'une éventuelle unité de montage. Cette usine travaille progressivement pour l’industrie aéronautique. L'annexe de Levallois-Perret, ouverte en 1924, est fermée, et ses activités commerciales sont recentrées sur Gennevilliers. Grâce à une gamme développée et à des modèles de qualité proposés à des prix compétitifs, Mathis est bien installé à la quatrième place des constructeurs français, derrière Citroën, Renault et Peugeot, mais devant Rosengart. Emile Mathis, reparti de zéro au lendemain de la Première Guerre mondiale, fait désormais travailler jusqu'à 3 800 personnes dans ses usines. Au total, avec la sous-traitance, il emploie indirectement près de 12 000 personnes dans l'agglomération strasbourgeoise, soit plus du quart de la population active locale. Cette réussite témoigne de la vision et du dynamisme d'Émile Mathis, qui a su transformer une petite entreprise en un acteur majeur de l'industrie automobile française. 1930/1934, les premiers signe de fébrilité Entre 1930 et 1934, Mathis propose une gamme de modèles extrêmement variée, avec des quatre, six et huit cylindres. Plus que jamais, les associations entre les moteurs, châssis et carrosseries sont nombreuses. Cette diversité est rendue possible par une grande modularité des composants. De nombreux éléments mécaniques, tels que les pistons, les bielles ou les soupapes, sont communs à plusieurs modèles. Cette standardisation permet non seulement d'optimiser la production en réduisant le nombre de pièces à gérer, mais aussi de simplifier la logistique et de contenir les coûts. La chaîne de plus de 850 mètres de long est alimentée par des ateliers spécialisés (châssis, direction et essieux, moteur et boîte, carrosserie) et la voiture sort en bout en état de marche. Mais cette offre pléthorique a un revers, elle tend à égarer les clients.
La petite TY est présentée au Salon de Paris 1931. Cette nouvelle 5 CV, répond à la période de crise. Ce modèle passera le cap de l'alliance entre Ford et Mathis en 1934, mais sa production sera interrompue dès 1935.
Mathis PYC. En janvier 1931, l'alésage de la PY est augmenté pour donner naissance à la PYC, dont la cylindrée atteint 1 226 cm3 pour 32 ch.
Le grand immeuble de 200 mètres de façade en bordure de la route de Colmar, abritant la salle d'exposition et les services administratifs des usines Mathis à la Meinau. Derrière cet immeuble administratif se développent les usines.
L'EMY8 présentée au Salon de Paris 1931 est une huit cylindres de 3 050 cm3, un moteur issu de l’assemblage de deux quatre cylindres, carrossée en cabriolet ou en faux-cabriolet. Luxueuse et légère, elle atteint 130 km/h. Elle arrive à contretemps en période de crise. Quatre longueurs de châssis reçoivent différentes carrosseries.
Publicité de Jean Jacquelin pour Mathis, 1931, par l'agence STEP. L'EMY8 est facturée près de trois fois le prix d'une simple TY. Elle tente tant bien que mal de rivaliser avec une concurrence déjà bien implantée sur le créneau des voitures de luxe.
En octobre 1931 apparaît une nouvelle 8 CV, l’EMY4, équipée de roues avant indépendantes et de freins hydrauliques. Elle est confortable, performante et vendue à un prix très concurrentiel. Sa carrière est honorable, avec une production de 8 398 exemplaires. Mathis lance un nouveau slogan : " Suivez Mathis prenez de l'avance ". Émile Mathis n'a pas opté pour la construction de cités ouvrières. En revanche, il a mis en place un système de protection sociale pour ses employés, s'appuyant sur l'héritage social allemand. Par ailleurs, l'entreprise soutient financièrement diverses organisations caritatives. Les salariés de Mathis bénéficient de conditions de travail avantageuses, notamment en termes de rémunération.
Emile Mathis devant une EMY6 à Antibes en 1930. Son tempérament d'Alsacien, mêlant réflexion et obstination, lui permet de surmonter les obstacles qui auraient fait capituler bien d'autres industriels. Sa capacité à prendre des décisions mûrement réfléchies et à persévérer dans leur mise en œuvre est une des clés de sa réussite. Grâce à ses relations privilégiées avec l'industrie automobile américaine, notamment avec William Crapo Durant, fondateur de General Motors, Émile Mathis envisage de lancer en 1930 la production aux Etats-Unis de la PY. C'est une toute petite voiture sur un très grand marché. Ce partenariat donne naissance à l'American Mathis Inc, qui doit fabriquer la PY dans le Michigan. Outre-atlantique, la PY est surnommée " The wonder car ". En France, il s'agit de "La voiture qui a étonné l'Amérique". Les ambitions d'Emile Mathis sont grandes : produire 100 000 unités par année pleine.
Après avoir européanisé les 6 cylindres américains, Mathis pense à imposer la petite voiture aux USA, à la condition qu'il s'agisse d'une produit moderne et bien adapté. Il s'agit de la PY, une 4 cylindres de 5 CV. L'épopée américaine de Mathis, saluée par une couverture médiatique favorable, s'achève prématurément. Malgré un lancement prévu pour le 1er décembre 1930 et des attentes élevées, le projet bute sur des difficultés budgétaires. Le montage financier, jugé trop risqué par les banques américaines, n'aboutit pas. Ainsi, l'aventure outre-Atlantique de Mathis prend fin, laissant un goût d'inachevé. Un coup dur vient s'ajouter aux difficultés de Mathis. Le contrat de vente de 10 000 moteurs 6 CV à la Continental Motors Corporation, un partenaire historique, est compromis par la crise de 1929. Ce contrat prometteur aurait permis à Mathis de redresser sa situation financière. Dans l'autre sens, les moteurs Continental équipent les Mathis de moyenne et de grosse cylindrée. Ils sont importés des USA, ou construits en France sous licence. Les bénéfices de Mathis qui sont encore de 14 millions de francs en 1929 et 1930 fondent à 4,5 millions en 1931, 3 millions en 1932 et 1,5 million en 1933. En 1934, Mathis enregistre une perte de 4,5 millions. Outre la production automobile, Emile Mathis gère de nombreuses affaires annexes, telles que Crédima (crédit Mathis), Mathisville SA (société immobilière) ou la Satam (vente, réparation et pièces détachées). Cette diversification, bien que prometteuse sur le papier, s'avère coûteuse et complexe à gérer, contribuant à l'endettement de l'entreprise. Autre fragilité, l'offre pléthorique de modèles est le reflet d'une politique commerciale en déperdition. Les conséquences tardives en France de la crise de 1929 affaiblissent définitivement l'empire d'Emile Mathis. Le climat social se tend. Il devient urgent pour Mathis de trouver un partenaire financier et industriel. Cela sera Ford. Ford en France Ford crée une filiale en Grande-Bretagne en 1904, dirigée par Percival Perry. En France, la marque est représentée à partir de 1907 par un importateur, Henri Depasse, depuis son magasin des Champs-Elysées. Les Anglais débutent le montage de voitures à partir de 1911, tandis que les Français ne font qu'importer des Ford T, qui arrivent dans des caisses en bois, via le Havre. En 1914, Ford s'installe à Bordeaux, dont le port accueille un nombre important de bateaux en provenance d'Amérique. En 1916, environ 300 personnes s'attellent au déballage des caisses, puis au montage du pare-brise, de la capote, des ailes et des roues. Le siège de Ford est installé à Paris. En 1919, Ford recentre toutes ses activités sur Bordeaux, dont le site fait dès lors office de siège social. Un nouveau décret de 1920 interdit les importations de véhicules de moins de 2,5 tonnes. Ford n'a pas d'autre choix que d'engager son usine dans une voie plus industrielle. La mise en place d'une chaîne de montage permet à la marque de répondre à la demande croissante du marché français. Cette réussite incite les décideurs américains à voir plus grand. Afin de mieux s'implanter au cœur du marché automobile français, Ford quitte Bordeaux en 1925, pour s'installer à Asnières, près de Paris. Ce choix stratégique s'explique par la concentration de la demande parisienne et par la disponibilité d'une main-d'œuvre abondante près de la capitale. Cependant, l'usine d'Asnières, bien que plus vaste, reste dépendante des importations de pièces depuis les États-Unis et la Grande-Bretagne, rendant la production fragile. De plus, le vieillissement du modèle T et la hausse de la valeur du dollar fragilisent davantage la position de Ford en France. Les banques incitent Ford à faire appel à plus de sous-traitance nationale, moins onéreuse. Mais les Américains ne veulent pas remettre en cause leur schéma industriel. La société Ford SAF (Société Anonyme Française) est fondée en 1929. Le capital est dans les mains de Ford Grande-Bretagne, entité toujours dirigée par Percival Perry, qui est épaulé par quelques hommes, notamment Maurice Dollfus, homme d'affaires, administrateur d'Hispano-Suiza, ami proche d'Edsel Ford. Dollfus est nommé le 14 novembre 1930 à la tête de Ford SAF. L'avenir se place sous l'égide de la Ford A, qui remplace la Ford T à partir de 1927. Cette 12 CV est plus en phase avec la demande du marché français. Des efforts d'intégration sont réalisés, et la liste des fournisseurs et sous-traitants hexagonaux s'allonge. La crise de 1929 touche immédiatement la Grande-Bretagne. En surcapacité, l'usine britannique a un intérêt évident à devenir l'un des fournisseurs majeurs d'Asnières. La France est encore épargnée par les conséquences du krach de Wall Street. C'est donc un débouché logique. Asnières doit oublier ses velléités d'autonomie, et assurer l'avenir de Dagenham. Les sites européens de Ford ont tout intérêt à se serrer les coudes, tant en France, qu'en Allemagne, Grande-Bretagne et Belgique. Percival Perry fait livrer aux Etats-Unis plusieurs modèles européens de grande série, et demande à Détroit d'étudier une voiture de crise pour remplacer la Ford A. Ainsi apparaît la Ford Y. Elle est produite en Angleterre de 1932 à 1937, et rencontre un succès manifeste sous le nom de Ford Eight (153 117 exemplaires). On la retrouve en Allemagne de 1933 à 1936 (11 121 exemplaires) où elle est baptisée Ford Köln. Elle est aussi produite en France de 1932 à 1934 sous la désignation de Ford 6 CV, bien qu'elle appartienne à la catégorie fiscale des 5 CV. Dans l'Hexagone, la Ford 6 CV se heurte à de nouveaux droits d'importation décidés par une loi du 17 avril 1930, une initiative un peu poussée par Renault et Citroën. Entre ces droits de douane excessifs et une bataille en France sur les prix de la part de l'ensemble des constructeurs, Ford perd de l'argent avec cette petite voiture, faute d'un niveau d'intégration suffisant.
" Pour la première fois, une petite voiture est construite en grande série en tenant compte dans la plus large mesure possible des lois aérodynamiques. Des ailes avant enveloppantes au pare-chocs arrière, on ne trouve que lignes fuyantes, arrondies, profilées, autour desquelles glissent sans peine les filets d'air ". Ford SAF doit choisir. Ainsi, plutôt que d'assembler sur place des voitures économiques, il vaut mieux importer des Etats-Unis de gros modèles à moteur V8. Il s'en vendra moins certes, mais les marges seront maîtrisées. Des tensions apparaissent entre Percival Perry et Maurice Dollfus. Ce dernier plaide auprès d'Edsel Ford pour disposer d'installations industrielles dignes de ce nom, avec sa forge, sa fonderie, son matériel d'emboutissage, etc ... Dollfus présente au dirigeant de Ford des simulations de vente. Il estime à 40 000 le nombre de 5 CV que pourrait absorber annuellement le marché français, si ces voitures étaient produites à un coût raisonnable. Mais cette solution nécessiterait de gros investissements. Maurice Dollfus le sait, et plutôt que de partir d'une page blanche, il suggère de nouer un partenariat avec un constructeur français existant. Ils sont quelques-uns à subir les effets de la crise. Mathis est l'un d'entre eux. De par son positionnement sur le marché, Mathis est considéré comme un acteur sérieux au potentiel significatif. De toute évidence, Mathis a autant besoin de Ford SAF, que Ford SAF de Mathis. 1934, naissance de Matford Emile Mathis mène personnellement les tractations avec Maurice Dollfus à partir de novembre 1933. Les deux hommes rencontrent Edsel Ford à Détroit. Celui-ci écoute la proposition qui lui est faite avec beaucoup d'intérêt. Disposer de la vaste usine de Strasbourg et du réseau de distribution de Mathis comblerait les failles de Ford en France. Peu après, des cadres de Ford USA visitent l'usine de Strasbourg pour étudier les possibilités d'adaptation à de nouvelles fabrications. De retour aux Etats-Unis, ils obtiennent l'accord d'Henry Ford et de son fils Edsel. L'usine française va passer sous la tutelle des Américains, et non pas sous celle des Britanniques. Cette situation soulage Maurice Dollfus, qui a peu de sympathie pour son collègue Percival Perry, qui n'est, en effet, pas intégré au conseil d'administration de Matford, nouveau nom de la marque qui scelle l'alliance, après que l'on eût envisagé Maford et Mathford. Perry désapprouve la création de Matford. Son rêve de faire de Dagenham un Détroit européen s'éloigne. Emile Mathis ne vend pas son usine de Strasbourg. Elle demeure sa propriété. Il la loue simplement à Matford.
Mathis MU, 1933. Mathis propose toute une gamme d'utilitaires développés sur des châssis de modèles de tourisme. A partir de 1930, des châssis spécifiques aux véhicules de transport sont commercialisés. L'Action Automobile n° 14 du 1er août 1934 précise : " Il ne s'agit ni de la vente d'une industrie française de l'automobile à une industrie américaine, ni de la cessation de la fabrication d'une des plus grandes et plus populaires marques de France. C'est une alliance de Mathis et de Ford qui vient de se conclure, sous la forme d'une société nouvelle dénommée Matford, dont le Président du Conseil d'Administration est M.E.E.C. Mathis et l'objet la fabrication dans les grandes usines strasbourgeoises des voitures des deux marques ... La marque Mathis se spécialisera plus particulièrement dans les séries de 4 cylindres et la marque Ford dans celle des 8 cylindres ". L'alliance est signée pour cinq ans. Ford détient 52 % du capital, et Mathis 48 %. Les usines Mathis de Strasbourg et Ford d'Asnières sont mises à contribution.
A la veille de s'allier avec Ford, Mathis présente encore une gamme très complète, tant pour le marché des voitures particulières que pour celui des véhicules industriels. Si Emile Mathis affirme volontiers à la presse que la marque Mathis continue d'exister aux côtés de Ford et de Matford, les dirigeants de Ford SA sont plus évasifs. Entre Ford, Mathis et Matford, les vendeurs ont quelques difficultés à se positionner. La situation se clarifie enfin. Maurice Dollfus obtient avec bien des difficultés les dérogations nécessaires à l'importation de machines américaines en vue de fabriquer à Strasbourg les éléments mécaniques de la prochaine Ford V8. L'usine de la Meinau, qui compte alors près de 1 150 ouvriers, se spécialise dans l'usinage des moteurs à raison d'une soixantaine d'unités par jour, avec les boîtes et transmissions. Celle d'Asnières se consacre au montage, et emploie 500 à 700 ouvriers, selon le niveau d'activité. Chausson et Chenard & Walker viennent en appui pour la réalisation des carrosseries. La modernisation d'Asnières est aussi engagée avec de nouvelles machines. On y anticipe une possible montée en cadence. Un apport en capital de 40 millions de francs réalisé en décembre 1934 conduit à une nouvelle répartition de celui-ci, 60 % pour Ford et 40 % pour Mathis. Seul Ford est capable d'un tel apport en puisant simplement dans sa trésorerie. Mathis n'en a pas les moyens. Toujours selon L'Action Automobile n° 14 du 1er août 1934, Henry Ford aurait déclaré à Emile Mathis : " Je ne cherche pas à réaliser des bénéfices en France, ni à faire passer un seul centime de France en Amérique. Le rendement de mes usines d'Amérique me suffit, et ce n'est trahir aucun secret de dire que mon affaire de Détroit est extrêmement prospère. Par contre, je n'ai jamais rien gagné sur les Ford que j'ai fait vendre en France. Je n'ai jamais reçu d'argent de France, mais j'en ai envoyé beaucoup ... Vous avez en France de très bon ouvriers, peut-être même les meilleurs du monde. Je connais admirablement vos hommes ... Il vous manque seulement la méthode. C'est elle que je tiens à mettre à votre disposition. Il sera désormais impossible, grâce à ces éléments conjugués, que vous n'arriviez pas à construire une voiture de qualité égale sinon supérieure aux nôtres ".
La création de la Société des Automobiles Ford en France date de 1916. En 1929, elle est réorganisée et devient Ford SAF (Société Anonyme Française), en étant dirigée depuis la Grande-Bretagne. De 1932 à 1934, Ford SAF produit une version française de la Ford V8 Model B. Au Salon de Paris 1934, l'EMY4 évolue en M4, arborant un nouveau capot et un moteur plus puissant de 1 524 cm³. Une version " légère " est également présentée, sur un châssis plus court, pour concurrencer la Citroën 7 CV Traction Avant. Bien que leurs prix soient similaires, la M4 ne parvient pas à rivaliser avec la modernité de la Citroën. Malgré des efforts pour proposer un véhicule compétitif, Mathis ne s'impose pas face à la concurrence, et met fin à toute production de ses automobiles en 1935, marquant ainsi la fin d'une époque.
En 1934, la M4 est proposée dans une version à empattement court, qui reprend le châssis de la TY qui vient de disparaître. Mais ce modèle ne peut lutter contre les Renault Celtaquatre et surtout Citroën 7 CV Traction Avant. En 1935, les dernières Mathis sortent de l'usine de Strasbourg. 1935, millésime de transition Pour ce premier millésime 1935 sous le nom de Matford, Mathis propose quatre modèles, depuis la 5 CV TY de 934 cm3 jusqu'à la Quadruflex type HO, équipée d'un V8 de 3 621 cm3, en passant par les M4 légère et normale. La Quadruflex résulte du mariage d'un châssis Mathis avec un V8 Ford. Elle symbolise l'union entre les deux marques. Ford pour sa part dispose de la 6 CV bien connue, de la B-40, une 4 cylindres 19 CV et 3 282 cm3, et de la V8-40, une V8 de 21 CV et 3 621 cm3. Cette gamme, dont les origines américaines remontent à 1933, n'est produite à Strasbourg que pendant quelques mois.
La V8-40 n'a rien perdu de son élégance en 1935, quand les dernières voitures de ce type sont assemblées à Strasbourg. Véritable succès mondial, nombre de fordistes regretterons sa disparition. En janvier 1935, au Salon de New York, Ford dévoile la V8-48 dont la carrosserie est entièrement redessinée. Elle remplace la V8-40. Parallèlement, chez Matford à Strasbourg, on organise la production de son équivalent français, la Matford 21 CV Alsace. L'usine s'est équipée de presses géantes, et de diverses machines en provenance des Etats-Unis. Les carrosseries sont évidemment inédites.
La Ford V8-48 est lancée au 35ème Salon de New York en janvier 1935. En mai 1935, Emile Mathis et Maurice Dollfus participent au voyage inaugural du paquebot Normandie entre le Havre et New York, qui transporte la première Matford 21 CV Alsace produite à Strasbourg. Cette voiture est équipée du V8 de 3 621 cm3 qui développe 90 ch réels. Ils doivent la présenter à Henry Ford. C'est un modèle de haut de gamme sur le marché français. Emile Mathis attend beaucoup de son nouvel associé. Ses modèles d’aspect très classique sont en fin de carrière, et son espoir est de voir Ford l’aider pour créer de nouvelles voitures. Mais Henry Ford ne l'entend pas ainsi, et fait savoir à Emile Mathis qu’aucun développement significatif n'est au programme. 1936, Ford fait peu de cas de Mathis La 21 CV Alsace est officiellement présentée au Salon de Paris 1935. Elle conserve la calandre, le capot est les ailes avant de la V8-48 américaine. A l'évidence, l'avenir va plus se dessiner sous les couleurs de Ford que sous celles de Mathis. Et effectivement, Maurice Dollfus dirige en véritable patron Matford, sans trop se soucier des états d'âme d'Emile Mathis, qui ne tarde pas à comprendre qu'il a été floué dans cette association. Dollfus regarde de plus en plus son associé comme un obstacle au développement de Matford. A ses yeux, Emile Mathis est arrogant, méprisant et autoritaire. Celui-ci, qui se voyait déjà l'égal d'un André Citroën ou d'un Louis Renault, déchante. Asnières apporte une aide efficace à Strasbourg, le gouvernement français se montre moins réticent au fur et à mesure que Ford se " francise ". On remarque en Alsace une présence accrue des techniciens américains, alors que s'éteint progressivement la fabrication des Mathis.
Lancée officiellement au Salon de Paris 1935, la berline 21 CV Matford prend le nom de V8 Alsace, tout en conservant la calandre, le capot et les ailes avant de la V 8-48 d'origine américaine. Se sachant soutenu par Henry Ford, Maurice Dollfus fait développer une version plus économique de la 21 CV Alsace. Celle-ci, dénommée 13 CV Alsace V8-62, adopte un V8 de 2 225 cm3 développant 60 ch (13 CV fiscaux). L'expérience acquise avec la 21 CV facilite la mise au point de la 13 CV, qui emprunte plusieurs principes et éléments à son aînée. Son empattement est réduit de 10 centimètres. Sa partie postérieure a une forme différente, avec une ceinture de caisse s'arrondissant vers le bas le long de l'aile arrière. A partir de février 1936, la V8 Alsace devient V8-66 en adoptant la calandre de la V8-62, son capot et ses ailes.
Publicité presse pour la Ford 21 CV Alsace V8-66 Pour le millésime 1936, Matford propose parallèlement aux V8-66 et V8-62 trois modèles importés, deux américaines, les V8-48 puis V8-68 (à partir de février 1936), auxquelles s'ajoute la petite Ford Eifel, une production Ford Allemagne de 7 CV, rebaptisée CX en France, qui n'est disponible que sous la forme d'une conduite intérieure deux portes. Mathis est présent en tant que constructeur une dernière fois au Salon de Paris 1935, parallèlement à Matford. Le triste stand de la marque ne présente plus que les EMY4 normale et légère, seules survivantes pour quelques semaines encore de la gamme Mathis. Mais leur disparition est programmée en fin d'année. Les Matford Alsace sont de grandes voitures, longues de 4,80 mètres pour la 21 CV, et de 4,60 mètres pour la 13 CV. La concurrence est rude et abondante sur ce créneau. Citons notamment les Renault Primaquatre, Peugeot 402, Panhard Dynamic, Hotchkiss 615/617/620/686 et Delage D6. Avec leur V8, les Matford ne sont pas des foudres de guerre, puisque la vitesse maximale de la 13 CV n’excède pas 120 km/h, et celle de la 21 CV 130 km/h. Les Matford sont appréciées de la clientèle pour leurs lignes modernes et sans excentricité. En outre, elles sont jugées robustes, confortables et silencieuses. Mais leur technique est archi-classique : essieux rigides avant et arrière, freins mécaniques, moteur à soupapes latérales. En 1936, Matford se maintient à la quatrième place, derrière Renault, Peugeot et Citroën, mais un nouveau venu, Simca, va très vite le supplanter.
A partir de février 1936, la V8-66 adopte une calandre en flèche inspirée de la Lincoln Zephyr contemporaine. La voiture y gagne en élégance. 1937, il y a du rififi dans l'air. Chez Ford, on se plaint des relations difficiles avec Emile Mathis, et du pilotage complexe à distance des affaires entre Strasbourg et Asnières. De son côté, Emile Mathis est dépité par l'attitude de Ford, qui à ses yeux, ne tient pas ses engagements. Maurice Dollfus et les Américains imaginent différentes solutions. La première question est de savoir s'ils doivent poursuivre leur collaboration avec Mathis ? Le 26 mars 1937, le conseil d'administration de Ford tranche en faveur de ses seuls intérêts. Maurice Dollfus est missionné pour trouver en région parisienne un terrain capable d'accueillir en un seul lieu les activités jusque-là assurées par les usines d'Asnières et de Strasbourg. Les recherches sont laborieuses. Finalement, le terrain en question est identifié. Il se trouve à Poissy. Il est situé en bord de Seine, ce qui ouvre des possibilités de transport par voie fluviale, et il est desservi par une voie ferrée, connectée à la ligne Paris-Le Havre. A l'automne 1937, des négociations sont engagées avec les propriétaires des lieux, notamment la ville de Paris, celle de Poissy, et les autorités militaires. En décembre, le projet de construction d'une usine est annoncé, avec la volonté de débuter la production automobile à partir du 1er mai 1940, ce qui correspond à l'expiration du bail de l'usine Mathis de Strasbourg. Le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale va cependant bouleverser ces plans. Au Salon de Paris 1936, les Matford changent d’aspect et d’appellations. Les ailes avant sont plus enveloppantes et les phares sont désormais intégrés dans ces ailes, ce qui marque un net progrès par rapport aux modèles précédents. La V8-62 de 13 CV devient V8-72 et la V8-66 de 21 CV devient V8-76. Le moteur de la 13 CV est maintenant fabriqué en France, grâce aux nouvelles machines financées par les Américains. L'offre de carrosserie est étendue : berline, cabriolet, limousine et coupé. La V8-68, une production américaine, conserve sa place. L'écusson Ford est simplement remplacé par celui de Matford. Elle est disponible avec huit carrosseries. La V8-78 correspond à la nouvelle Ford 1937 américaine.
En quelques années, toute l'industrie automobile est passée des caisses carrées aux lignes aérodynamiques. Mieux encore, les phares s'intègrent aux ailes avant, comme sur les Matford de 1937. L’année 1937 marque un record pour la jeune marque, avec 13 849 véhicules produits, soit une moyenne de 70 unités par jour travaillé. Citroën assemble la même année 61 136 véhicules, Renault 56 216, Peugeot 46 883 et Simca 13 243.
Du 19 au 29 mai 1937, avec l'appui de Yacoo, quatre femmes, Simone des Forest, Odette Siko, Claire Descollas et Helle Nice, battent de nombreux records mondiaux à bord d'une Matford V8, surnommée " Claire ", en parcourant 30 000 km à une moyenne de 140 km/h. La voiture a été préparée par César Marchand, l'homme des records sur Citroën Rosalie. 1938, un dernier virage Emile Mathis intente un procès à Ford SAF. Le constructeur américain accepte de négocier, et propose au constructeur strasbourgeois de lui racheter le solde des actions qu'il détient dans Matford 30 % plus cher que le cours, et même de renouveler le bail de la Meinau. S'agit-il d'une reconnaissance de responsabilité de Ford, ou cela tient-il plus d'un calcul intéressé, afin d'attendre sans heurt la fin de la construction de l'usine de Poissy ? Emile Mathis de l'entend pas ainsi. Il réclame à Ford d'importantes indemnités. Une longue procédure judiciaire est lancée. Ford peu à l'aise tente d'éviter une trop grande médiatisation de l'affaire. Selon les attendus du jugement qui intervient en 1939, la société Mathis SA va bénéficier d'un dédommagement conséquent. La somme qui revient à Emile Mathis lui ouvre de nouvelles perspectives d'investissement : projet de voiture économique, développement de l'activité aéronautique ... La société Matford sera officiellement dissoute en 1941. La 21 CV V8-76 devient V8-F81, puis V8-F81A. La 13 CV devient V8-F82, puis V8-F82A. Matford offre en 1938 à la 21 CV une carrosserie inédite. Les formes arrière sont effilées, dans l'esprit de la Lincoln Zephyr américaine. Les quatre portes ouvrent enfin dans le bon sens, offrant un accès à un habitacle plus spacieux. Plat jusqu'alors, le pare-brise devient bombé, et se divise en deux parties. C'est aussi le cas pour la lunette arrière. Cette nouvelle carrosserie n'est partagée par aucun autre modèle, et encore moins par un autre constructeur, contrairement à celle de la 13 CV qui est aussi utilisée par Chenard & Walcker. Sur la 13 CV V8-F82/82A, la calandre est agrandie, et compte quatre fines barrettes chromées. Les ouïes latérales du capot moteur sont inclinées. Les phares, moins complexes qu'en 1937, affichent un bel arrondi. Les pare-chocs sont plus rectilignes, et le pare-brise est aussi en deux parties. Les évolutions stylistiques mettent en valeur la différence de positionnement entre les deux modèles, et renforcent l'identité de chacun. La 21 CV est en effet 30 % plus chère que la 13 CV. Cela doit se voir.
La calandre en flèche de la Matford 13 CV de 1938 ne manque pas d'élégance. Les carrosseries sont sous-traitées chez Chausson et Chenard & Walcker.
Matford s'inspire des réalisations américaines, où les woodies sont très à la mode. Ce break de chasse sur châssis V8-F81A est habillé d'une caisse en bouleau verni. Sa réalisation est assurée par un carrossier extérieur à l'usine. Début 1938, Matford introduit dans sa gamme la nouvelle Ford 21 CV présentée aux Etats-Unis le 27 octobre 1937. Dénommée V8-81 A en France, il ne faut pas la confondre avec la V8-F81A. Si les mécaniques sont voisines, les carrosseries sont totalement différentes.
La couverture de la brochure de la Matford V8-81A. Ce modèle est proposé en coach 4 places, en coupé club, en conduite intérieure transformable (découvrable) et en conduite intérieure quatre portes et six glaces. 1939, dernière année Matford Les Matford du millésime 1939 s'inscrivent dans la continuité des modèles 1938. Les quelques différences portent sur les motifs latéraux de capot, la calandre avec des lamelles élargies et le centre des roues entièrement chromé. Matford est le seul constructeur avec Chenard & Walcker et son Aigle 8 à proposer des automobiles animées par un V8. Une dernière fois les appellations évoluent. La V8-F82A devient V8-F92A, et la V8-F81A devient V8-F91A.
Matford vante les mérites du V8 de 2 225 cm3 qui associe la puissance et la souplesse avec l'économie en carburant, car ses huit petits cylindres ne consomment pas plus de carburant que quatre gros. La Seconde Guerre mondiale vient brutalement interrompre l'ambitieux projet initié à Poissy. Bien que les travaux ne soient pas achevés, l'usine est déjà partiellement opérationnelle. Parallèlement, Dollfus fait déménager vers cette nouvelle usine certaines des machines et outillages très performants installés à Strasbourg depuis 1934. Placée sous l'autorité d'un administrateur allemand le 14 juin 1940, puis bombardée à cinq reprises, l'usine de Poissy connaît une période sombre. Reconstruite par Ford, elle renaît de ses cendres en 1946. Sa cession à Simca en 1954 marquera la fin de l'aventure industrielle du constructeur automobile Ford en France.
L'usine Ford de Poissy en 1950, cédée à Simca en 1954, regroupe les activités de production et les services administratifs. Emile Mathis s'installe aux Etats-Unis Emile Mathis, qui suit de près l'évolution défavorable du contexte international, organise peu avant la déclaration de la guerre son déménagement vers Gennevilliers, en région parisienne. L'usine de la Meinau n'est qu'à quelques encablures du Rhin. Depuis sa désertion durant la Première Guerre, Emile Mathis n'est pas en odeur de sainteté auprès des autorités allemandes. Puis l'usine de Gennevilliers déménage de nouveau vers Athis-de-l'Orne. Emile Mathis fuit vers les Etats-Unis en juin 1940 à partir du Portugal, alors que la France, vaincue par la Wehrmacht, s’apprête à signer l’Armistice. Pas rancunier envers le peuple américain après l'échec de la PY aux Etats-Unis, et après ses démêlés avec Ford, Emile Mathis a de grands projets. L'usine de Strasbourg est réquisitionnée par les nazis, qui y exploitent les compétences de ses ouvriers et anciens collaborateurs. Deux nouvelles unités sont destinées aux essais et au montage en série de moteurs d'avion Junkers, et de réacteurs de fusées V1. Depuis quelque temps déjà, l'usine de Gennevilliers a étudié dans le plus grand secret, à la demande des autorités françaises, la possibilité de produire des obus. Au moment de son départ outre-Atlantique, les plans d'Emile Mathis sont fin prêts pour lancer une production en série. Ses efforts ne seront pas vains. En octobre 1940, il crée à Long Island, dans la banlieue de New York, la société Matam (MAThis AMerica), dont la vocation est justement de produire des obus pour l'armée alliée. Son premier contrat est signé en mai 1941. Il porte sur 2,5 millions de pièces. Son usine va employer jusqu'à 2 000 personnes à la fin de la guerre. Elle tourne 160 heures par semaine. Emile Mathis est sans cesse en quête de performance industrielle, et s'intéresse à toutes les avancées technologiques. Matam a produit près de 220 millions d'obus entre mai 1941 et septembre 1945. A sa manière, l'industriel a participé au débarquement allié du 6 juin 1944, par l'intermédiaire de ses millions d'obus chargés à bord des unités de la Navy. Cette participation à l'effort de guerre est récompensée en 1945 par la plus haute distinction, le fameux " E " de la Navy, une décoration jamais accordée auparavant à un étranger. A l'issue de la guerre, Matam est démilitarisé. Pour sauvegarder les emplois, l'usine se reconvertit dans la production de fers à repasser de marque Matmatic ... Ford reprend la production des Matford d'avant-guerre Maurice Dollfus se rend aux Etats-Unis dès décembre 1944. Il est inquiet au sujet de Poissy, et s'interroge sur les réelles ambitions de Ford en France, d'autant plus qu'il a perdu son meilleur soutien à Détroit, en la personne d'Edsel Ford décédé en 1943. Ses inquiétudes sont légitimes. Aucune politique précise sur le devenir des filiales européennes n'est clairement définie. Il doit donc convaincre les Américains de ne pas abandonner purement et simplement Poissy. Les nouveaux décideurs de Détroit n'ont aucune ambition pour Ford SAF, sous perfusion depuis des années. Cette filiale coûte plus qu'elle ne rapporte. Dollfus ne voit qu'une seule issue, lui trouver un acquéreur. Mais aucune solution à court terme ne tient la route. Poissy reste donc dans les mains de Ford SAF, sans véritable programme industriel. L'usine reprend en 1945 l'assemblage de camions pour aider à la reconstruction, ceci au rythme des approvisionnements en matières et en énergie. En 1946, Ford SAF dévoile sa première voiture d’après-guerre sous sa propre marque. La Ford V8-F472 est dérivée de la Matford V8-F92A d’avant-guerre. Le silence et la souplesse de fonctionnement sont ses principaux atouts comparés aux petites cylindrées. Elle est dotée de freins hydrauliques, et reçoit une commande de vitesses au volant à partir du 300e exemplaire, devenant ainsi la Ford F-472A.
L'usine Ford de Poissy est de nouveau prête à fonctionner fin 1945. Parallèlement à une gamme de poids lourds importés du Canada, Ford reprend la fabrication de la 13 CV d'avant-guerre, en y apportant quelques retouches cosmétiques. Même si son confort fait la différence, sa consommation constitue un obstacle en période d'austérité. Les F-472 et F-472A possèdent un nouveau motif chromé en haut de la calandre, des baguettes latérales de capot, des pare-chocs plus épais et des flèches de direction. Une centaine d’exemplaires baptisés V8-998A sont dotés d’un V8 de 3 923 cm3 de 95 ch (22 CV), plus gros donc que l’ancien 21 CV de 90 ch d'avant-guerre. La V8-998A atteint 140 km/h, contre 130 km/h pour la 21 CV d'avant-guerre, et 120 km/h pour la F-472A. Ford propose également une version commerciale V8-F472C, qui conserve le capot et la calandre d'avant-guerre, carrossée à l'extérieur de l'usine en fourgonnette tôlée, en pick-up et en break décoration bois. Au total, les Ford F472 et F472A sont produites à 7 293 unités entre 1946 et 1948. Elles sont remplacées en 1948 par la toute nouvelle Ford Vedette.
Parallèlement à sa berline 13 CV, Ford commercialise un châssis commercial apte à recevoir tout type de carrosserie : fourgonnette, pick-up, ambulance, etc ... En 1947, il propose à son catalogue un break de chasse dont la production est sous-traitée à l'extérieur de l'usine. Ce modèle fait un large usage du bois, plus facile à cette époque à obtenir que la tôle d'acier. Le retour d'Emile Mathis en France L'occupation allemande s'est terminée dans la douleur pour le site de la Meinau. L'aviation américaine connaissant son importance stratégique l'a bombardé à de multiples reprises, portant le coup de grâce le 24 mai 1944. C'est Emile Mathis en personne qui a renseigné les alliés sur les points névralgiques qu'il convenait de détruire ... Des usines strasbourgeoises, il ne reste que la façade et le hall d'exposition. Les bunkers fabriqués par les Allemands pour leurs essais de moteurs sont intacts, mais d'aucune utilité. Toutes les verrières ont été soufflées par les explosions. Dès 1945, près de 600 ouvriers dégagent les gravas, tôles et poutrelles. Il faut ensuite remettre en service les installations électriques. Le site est rendu à la vie civile en avril 1946. De retour en France en juillet 1946, Emile Mathis retrouve une affaire en difficulté, à la situation financière désastreuse. Il ne veut pas du provisoire. On restaure si c'est encore possible, ou un élève de nouveaux bâtiments. Il faut remplacer les machines pillées ou détruites. L'usine redémarre avec des productions très diverses, sans logique globale. La priorité est de lui redonner vie, et d'assurer les emplois. Mathis remet en état des Jeep, répond à des commandes d'armement et de la SNCF, produit des pièces pour Citroën et Renault ... Elle acquiert la licence de fabrication du tracteur agricole Minneapolis-Moline, qui devient le Mathis-Moline. La plupart des éléments sont sous-traités, puis assemblés à Strasbourg. A partir de 1950 et jusqu'en 1952, quasiment toute la production est finalement intégrée sur place. Mathis produit aussi des charrues.
Mathis diversifie ses activités avec la production de tracteurs et de charrues de marque Mathis-Moline. Le site de Gennevilliers, épargné par la guerre, est resté opérationnel. Il prend en charge la réfection de moteurs américains Hercules, monte des moteurs Bernard, assemble des camions américains Mack, poursuit ses activités aéronautiques avec des moteurs d'avions. La production des fers à repasser Matmatic y est relancée. Mathis étudie le scooter Bernardet à moteur Mathis ... Mathis 333 En mai 1940, avec l'aval du gouvernement français, Mathis peaufine l'étude à Gennevilliers d'une petite voiture de grande diffusion pour l'après-guerre. Les conditions d'exploitation étant axées sur l'économie, il apparaît nécessaire de choisir une capacité de charge moindre que dans les usages. Une étude dévoile en effet que dans 80 % des cas, le conducteur est seul à bord, et que dans 90 % des cas, il y a au mieux deux personnes. La bonne disposition consiste alors selon Mathis à trois vastes places, avec 40 kg de bagages, ou deux places occupées et 100 à 110 kg de charge supplémentaire. Ce projet trouve ses origines en 1935. Emile Mathis prête un oeil intéressé au concours de la SIA, la Société des Ingénieurs de l'Automobile, destiné à définir le prototype idéal de la petite voiture. De nombreux ingénieurs de renom y participent, dont Jean Albert Grégoire et Jean Andreau. Ce dernier commence à se faire un nom en tant qu'aérodynamicien. Il présente trois projets, dont l'un concerne une voiture profilée à trois roues, à laquelle Emile Mathis s'intéresse. Mathis encourage Andreau à développer ses idées, ce qui aboutit à la naissance d'un prototype roulant en 1939. Pour diversifier ses sources, Mathis sollicite d'autres stylistes sur ce projet de véhicule à trois roues. L'un d'eux est Flaminio Bertoni, qui a étonné le monde en imaginant les formes de la Traction Avant Citroën. Ces contacts ne dépassent pas le stade de la consultation ou de l'élaboration de plans. Jean Andreau reste bien le seul maître à bord. Grâce à l'apport financier issu du procès gagné contre Ford, Emile Mathis a bien l'intention de construire cette voiture. Mais son départ précipité pour les Etats-Unis bouscule ses ambitions. Il n'en reste pas moins que Jean Andreau poursuit à Gennevilliers, dans le plus grand secret, le développement du prototype. Tous les accessoires sont étudiés en vue de leur allègement. Le prototype répond parfaitement au slogan publicitaire utilisé depuis 1922 : " Le poids, voilà l'ennemi ". Evidemment, une structure à trois roues est plus légère que s'il y en a quatre. Le gain est d'environ 25 %. Par ailleurs, l'optimisation de la finesse aérodynamique (Cx de 0,20) entraînent une diminution d'au moins 1/3 de la consommation. Emile Mathis découvre physiquement la voiture lors de son retour en France.
A l'époque du Salon de 1946, cette publicité est diffusée dans de nombreux magazines. La VL333 est finalement dévoilée au Salon de Paris 1946, le premier de l'après-guerre. Elle est motorisée par un deux cylindres à plat de 707 cm3. 333 correspond à 3 places, 3 roues et 3 CV fiscaux. C'est une traction avant, dont la carrosserie en Duralinox ne pèse que 78 kg. Le poids total du véhicule en ordre de marche est de 387 kg. Il ne consomme que 3 litres aux 100 km, à 95 km/h. Avec son réservoir de 18 litres, la 333 dispose d'une autonomie de 500 kilomètres. La Mathis 333 est un exemple frappant de la façon dont les décisions politiques peuvent influer sur le destin d'un projet automobile. Le principe des bons matière, mécanisme de soutien public, est au lendemain de la guerre déterminant pour obtenir les ressources nécessaires à la production. Or, Mathis n'a pas réussi à convaincre les décideurs de l'intérêt de son projet. Dans le cadre du plan Pons, qui vise à redynamiser l'industrie automobile française en évitant toute forme de concurrence contre productive, cette petite voiture se trouve marginalisée. Privée des appuis politiques indispensables, elle ne dépasse pas le stade expérimental, avec seulement neuf prototypes assemblés.
Une Mathis 333 dotée de pneumatiques aux flancs blancs fait le plein de carburant dans la capitale.
Jean Andreau pose à côté de sa création, haute de 1,42 mètre. Mathis 666 La 666 est une aussi une traction avant, mais plus haut de gamme, présentée au Salon de Paris 1948. Son nom fait référence à ses principales caractéristiques : 6 places, 6 cylindres et 6 vitesses. Elle a des cotes d'habitabilité intérieure proches de celles d'une voiture américaine, avec deux banquettes de trois places. Emile Mathis, alors âgé de 68 ans, est convaincu de posséder avec la 666 la voiture de demain, qui allie les qualités d'endurance et de puissance avec les principes d'économie propres au marché européen de l'après-guerre. Il a la conviction qu'une voiture, pour durer, ne doit que très rarement utiliser sa puissance maximale. La voiture économique n'est pas celle de la moindre consommation, mais celle qui peut rouler longtemps sans révision, à l'image de la plupart des voitures américaines. L'usure représente un budget important sur une automobile, et les économies d'essence, quand elles sont poussées à l'extrême, peuvent conduire à une usure prématurée des moteurs. Une cylindrée généreuse offre par ailleurs un bruit de fonctionnement moindre. Le moteur est construit par la Mecamat, filiale de Mathis, qui bénéficie d'une excellente réputation dans la construction aéronautique. Ce 6 cylindres de 2 480 cm3 affiche 80 ch réels. C'est une 16 CV fiscaux. La 666 consomme environ 9 litres aux 100 kilomètres, et pèse 1 050 kg. Avec son réservoir de 85 litres, son autonomie est supérieure à 600 km.
Mathis 666. L'ambition d'Emile Mathis est de construire une voiture française de classe internationale. On remarque sur ce prototype usine une vaste surface vitrée dépourvue de montants. L'installation du pare-brise, des glaces latérales et de la lunette arrière est réalisé selon le brevet Vutotal, déposé avant-guerre par le carrossier Henri Labourdette. Le pavillon n'est ainsi relié à la caisse que par les panneaux de custode. Le montage des glaces se fait bord à bord, sans avoir recours au moindre joint. La structure protégeant les passagers peut être plus résistante sur une grosse voiture. Dans le cas présent, le cadre (non visible) ceinturant les flancs de la 666 constitue un bouclier assurant la sécurité des personnes à bord sous tous les angles. Ce cadre est de manière évidente plus solide que les simples longerons d'une petite voiture économique. Les espoirs d'Emile Mathis sont immenses. Mais de nombreux problèmes techniques et financiers doivent être solutionnés, avant d'atteindre, comme avant-guerre, une production quotidienne de 50 à 60 voitures. La carrosserie usine type Vutotal n'est pas d'une grande élégance. Henri Chapron imagine sur le châssis de la 666 un cabriolet 6 places, à capote à compas, baptisé Dandy. Saoutchick lui répond avec un cabriolet aux lignes très fluides. Au total, six prototypes sont mis en chantier. Hélas, jamais la 666 n'atteindra le stade de la série.
Pendant le Salon de Paris 1949, Mathis distribue ce dépliant quatre pages imprimé en sépia. Il donne une idée assez précise de la carrosserie qui aurait pu être retenue pour une production en série, qui n'arrivera jamais, malgré le réalisme de cette dernière proposition. Jeanne Mathis, née Boyer, décède en janvier 1950 au Maroc. En seconde Noce, Emile Mathis épouse Jeanne Donnefort le 30 novembre 1950 à Strasbourg. Elle décédera en 1980. Emile Mathis se lance dans un ultime projet, l'élaboration d'un 4 x 4 destiné à l'armée, dans l'esprit de la Jeep, mais avec de qualités routières bien supérieures, grâce à son 6 cylindres boxer et à sa suspension à quatre roues indépendantes. Mais l'idée fait long feu. Epilogue Emile Mathis, âgé et sans descendant, se résigne à abandonner la partie. L'échec de Matford, le séquestre de son usine après la guerre, la liquidation de Matam aux Etats-Unis, les retards dans le versement des dommages de guerre ont atteint son moral et ses finances. Il confie la direction de son affaire à des hommes extérieurs à la famille. Mais face aux difficultés, le turn-over des dirigeants est important. Mathis SA décline, jusqu'au dépôt de bilan, suivi en 1953 par la liquidation judiciaire. Tous les créanciers seront indemnisés. Ainsi disparaît un précurseur qui, tout en rêvant de révolutionner l'automobile, s'est heurté aux limites d'une ambition démesurée : rivaliser avec les plus grandes marques. Pourtant, pendant trois décennies, les voitures Mathis ont été synonymes d'innovation mesurée, avec des solutions techniques audacieuses comme l'allègement extrême, le pont hypoïde ou les freins hydrauliques. Émile Mathis, qui a souvent eu une longueur d'avance sur son temps, meurt le 3 août 1956. Sa mort dans des circonstances troubles a jeté une ombre sur la fin de sa carrière. Son corps a été retrouvé au pied du balcon de son hôtel à Genève, laissant planer un doute sur les causes exactes de son décès. Il est inhumé au cimetière de Passy, à Paris. La société disparaît en 1974, mais ce n'est qu'à la mort de sa seconde épouse Jeanne Donnefort, qu'elle est radiée du registre du commerce de Strasbourg.
Texte : Jean-Michel Prillieux / André Le Roux. Sources principales : travaux de Pierre Dumont, Jean-François Blattner, René Bellu, Jean-Louis Loubet et Nicolas Hatzfeld. Reproduction interdite, merci. |
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