Triumph, concurrente des MG


Triumph était une marque britannique rachetée par Standard en 1945, qui finit par évincer sa marque propriétaire en 1963. Passée sous le contrôle de Leyland en 1960, Triumph devenait une des nombreuses marques du groupe BLMC lorsque celui-ci était créé en 1968 par la fusion de BMH et de Leyland. La marque Triumph, spécialisée dans les modèles sportifs, concurrente des MG, disparaissait en 1984. 


Fondée à Coventry en 1885 par le citoyen allemand Siegfried Bettmann, la firme Triumph commence à produire des bicyclettes puis des motocyclettes à partir de 1902, avant d’aborder l’automobile en 1923. Jusqu’au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale en 1939, les automobiles Triumph ne connaissent que peu de succès, malgré les qualités intrinsèques des modèles proposés : freins hydrauliques, lave-glaces, direction réglable, phare de recul, double circuit de freinage, graissage automatique du châssis, etc ...

Le modèle Dolomite lancé en 1936 est sans doute le modèle le plus emblématique de la marque avant-guerre. Il s’agit d’un roadster conçu par Donald Healey, doté d’un moteur suralimenté à 8 cylindres de 2,0 litres et double arbre à cames en tête développant 140 ch, qui atteint 200 km/h. Ce modèle, inspiré par l’Alfa Romeo 8C 2300 contemporaine, peut prétendre égaler les meilleures voitures de sport de l’entre-deux-guerres. Mais son prix trop élevé l'empêche de connaître le succès. Les Triumph Dolomite vendues entre 1937 et 1939 sont dotées de moteurs plus modestes, de 1,5 litre, 1,8 litre (4 cylindres) et 2,0 litres (6 cylindres).

La berline Triumph Dolomite commercialisée entre 1937 et 1939 est disponible avec un moteur 4 cylindres de 1,5 ou 1,8 litre ou un moteur 6 cylindres de 2,0 litres. Le constructeur reprendra cette idée du 6 cylindres de 2,0 litres au début des années 60 sur la berline Triumph 2000.

Le problème de Triumph réside dans une concurrence pléthorique présente sur le marché britannique, qui s'avère souvent plus compétitive. De plus en plus en difficulté, Triumph doit se séparer de sa branche motocyclettes - qui existe encore aujourd’hui - ce qui n’empêche pas la marque de se retrouver sous administration judiciaire à partir de 1939.

Rachetée par l'industriel T.W. Wards, Triumph fabrique pendant la guerre les fameux chasseurs bombardiers Mosquito sous licence De Havilland. A la fin des hostilités, victime des bombardements allemands sur Coventry, l’usine Triumph est totalement détruite. Le directeur de la firme Standard, Sir John Black, rachète la marque Triumph moribonde, avec pour objectif de concurrencer les voitures de sport Jaguar, ex-Standard Swallow, qui lui achète des moteurs depuis les années trente, et lui restera fidèle jusqu’en 1948. N’ayant pu racheter Jaguar, Sir John Black a eu l’idée de créer une marque concurrente, en l'occurrence Triumph.


1946 : Triumph 1800


En 1946, apparaît la première Triumph de l’après-guerre, dénommée 1800. Il s’agit d’une luxueuse berline de 4,52 mètres de long affichant d’étonnantes lignes taillées à la serpe, dans le style des Rolls-Royce et Bentley de l’époque. On retrouve son 4 cylindres de 1,8 sur une berline Jaguar. La concurrence est on ne peut plus frontale. La Triumph 1800 s’attaque également à la sportive et luxueuse Sunbeam Talbot du groupe Rootes, au style voisin. La carrosserie en aluminium montée sur un châssis en bois est une réminiscence des années trente. La cylindrée est porte à 2,0 litres, et la Triumph 1800 devient alors Triumph 2000. En 1949, le modèle reçoit le châssis de la Standard Vanguard, et se fait appeler Triumph Renown.

Dévoilée en 1946, la Triumph 1800 qui évolue en 2000 puis en Renown, prend la suite des anciennes Dolomite d’avant-guerre. Son style " razor edge " et sa calandre verticale évoquent manifestement les berlines britanniques de haut de gamme de cette époque.

La Renow, qui atteint 125 km/h, est commercialisé jusqu’en 1954, époque à laquelle son style dit " razor edge " apparaît désormais complètement démodé. Au total, les Triumph 1800, 2000 et Renown se sont écoulées à 15 491 exemplaires entre 1946 et 1954, une performance bien modeste. Des versions Roadster à deux places sont commercialisées, 2 500 unités avec le moteur 1,8 litre et 2 000 unités avec le moteur 2,0 litres. On peut les considérer comme les lointaines ancêtres des Triumph Stag.

Les Triumph 1800 et 2000 sont disponibles dans cette élégante version découvrable, à l’instar de leur concurrente principale la Sunbeam Talbot 90 du groupe Rootes. Ces modèles seront balayés par le succès immédiat des roadsters Triumph TR commercialisés à partir de 1953.


 1949 : Triumph Mayflower


En 1949, la Mayflower élargit la gamme Triumph vers le bas, ciblant ainsi les petites Austin et Morris. Son moteur est un 4 cylindres de 1,25 litre lui permettant d’atteindre péniblement les 105 km/h, ce qui l’éloigne définitivement des Jaguar. Son style est repris de celui de la Renown avec un dessin taillé à la serpe et une calandre verticale. Aucune voiture aussi courte - 4 mètres - n'a ainsi adhéré au style " razor edge ", et il en résulte des lignes heurtées et peu harmonieuses. Du coup, la Mayflower n’a aucun succès en dehors de la Grande-Bretagne, où seule sa population est habituée à ce style très " insulaire ".

La Triumph Mayflower lancée en 1949 est une tentative de la marque pour investir le bas de gamme, avec un style " razor edge " et une calandre verticale qui détonnent sur un tel modèle. La Mayflower est globalement boudée par le public.

Le premier modèle Triumph à caisse autoporteuse ne s’écoule qu’à 34 990 exemplaires entre 1949 et 1953, ce qui dans l’absolu n’est pas catastrophique, mais eu égard au segment visé, ce n’est pas non plus un score triomphal. Son prix de 505 £ est bien supérieur à celui d’une Morris Minor dotée de quatre portes et d’un style bien plus moderne pour 382 £.

Surtout, la Mayflower rate complètement son entrée sur le marché américain visé par les concepteurs du modèle. Au regard de l'échec patent, l’état-major de Standard-Triumph décide de changer complètement la stratégie de positionnement de Triumph, dont l'une des missions est de conquérir le marché américain coûte que coûte. La Mayflower est remplacée en 1953 par des modèles de marque Standard, les Eight et Ten, d’un aspect beaucoup plus moderne.


1953 : Triumph TR2


Sir John Black, le patron du groupe Standard Triumph, est très impressionné par la réussite aux USA du roadster Jaguar XK 120 lancé en 1948. Il est convaincu que le succès de Triumph dans ce pays doit passer par le lancement d’un roadster, moins sophistiqué et moins cher que la Jaguar. La catégorie visée est celle des petits roadsters Morgan et MG, dont les origines remontent à 1936, mais qui connaissent un certain succès, en Angleterre et à l’étranger. La carrosserie de la future Triumph devra être toutefois plus moderne que ces deux modèles au style d’avant-guerre.

Sir John Black avait envisagé un nouveau rachat, quelques années seulement après avoir acquis la marque Triumph. MG faisait partie du groupe Nuffield composé des marques Morris, MG, Riley et Wolseley, et était donc intouchable. Par contre, Morgan est un constructeur indépendant. Sir John Black propose donc à la famille Morgan de racheter la marque, à qui il vend par ailleurs des moteurs. Mais devant leur refus catégorique, il change ses plans et se lance avec sa propre marque Triumph sur le marché du petit roadster.

Issue d’un prototype dévoilé en 1952, qui ressemble beaucoup à une Jaguar XK120 en réduction, le roadster Triumph TR2 est lancé en 1953 et connaît un succès immédiat. Le moteur est un Standard Vanguard de 2 litres de cylindrée qui lui permet d'atteindre 172 km/ht

Au Salon de Londres 1952 apparaît la Standard Vanguard 20TS, un petit roadster sympathique qui devient la Triumph TR2 l’année suivante, après quelques modifications, les lettres TR signifiant Triumph Roadster. Le style dû à Walter Belgrove s’inspire ouvertement de la Jaguar XK 120. Offrant un rapport prix/performances imbattable, la Triumph TR2 connaît un succès immédiat, notamment aux Etats-Unis qui vont absorber plus de 70 % de la production. Le modèle de 3,84 mètres de long est doté d’un 4 cylindres de Standard Vanguard - monté également sur les tracteurs Ferguson - de 1 991 cm3, d’une puissance de 90 ch, permettant d'atteindre 172 km/h. La Jaguar roule jusqu'à 200 km/h, mais avec un 6 cylindres de 3,4 litres de 160 ch. Au total, la TR2 va s’écouler à 8 636 exemplaires entre 1953 et 1955.


1955 : Triumph TR3


La Triumph TR3 apparue en 1955 est une simple évolution de la TR2. Le modèle se différencie essentiellement par sa petite calandre grillagée qui remplace l’ancien trou béant surnommé " trou de bombe " par les Britanniques, et par une puissance accrue à 95 ch. Pour autant, la vitesse maximale reste identique à celle de la génération précédente en raison de plusieurs éléments décoratifs chromés qui alourdissent un peu le modèle.

La Triumph TR3 est produite à 13 377 exemplaires entre 1955 et 1957, date à laquelle elle est remplacée par la TR3A qui se caractérise essentiellement par une large grille en aluminium encadrant les clignotants, et par un moteur poussé à 100 ch. Ce modèle connaît un énorme succès puisqu’il s’en vend 58 236 exemplaires entre 1957 et 1962. Les exportations représentent maintenant 95 % de la production, dont une grande majorité à destination des Etats-Unis.

Lancée en 1955, la Triumph TR3 est une évolution de la TR2. La TR3A qui lui succède en 1957 est reconnaissable à sa large calandre grillagée. Il s’agit de la plus connue et de la plus vendue des TR2/TR3. Sa carrière se poursuit jusqu’en 1962.

Au total, les Triumph TR2, TR3 et TR3A se sont écoulées à 80 249 exemplaires. Le succès de Triumph dans la catégorie des roadsters est donc incontestable. Avec ses XK 120, XK 140 et XK 150, Jaguar n’a atteint qu'un volume total de 30 321 ventes entre 1948 et 1961, avec des voitures certes plus chères et plus performantes. Par contre, MG fait mieux que Triumph, avec 101 321 ventes pour sa MG A commercialisée entre 1955 et 1962.


1961 : Triumph TR4


En 1961, un an après son rachat par Leyland, Triumph lance la TR4 qui succède aux TR3 et TR3A. Présentée au Salon de Londres, la TR4 dessinée par Giovanni Michelotti adopte un profil tendu et anguleux, à l’opposé des lignes arrondies de ses devancières. Sa longueur atteint 3,96 mètres. Son moteur est un 4 cylindres de 2 138 cm3 et 105 ch. Elle atteint 190 km/h. Ce moteur est par ailleurs, monté sur une petite série baptisée TR3B, fidèle à l’ancienne carrosserie, que réclame une partie de la clientèle américaine assez rétive au début au style jugé " trop moderne " de la TR4.

Lancée en 1961, la Triumph TR4 adopte une toute nouvelle carrosserie dessinée par Giovanni Michelotti (1921-1980). A ses débuts, ce style plait moins au public américain, qui met un certain temps à s'y habituer.

La TR4 connaît immédiatement un grand succès en Europe, mais le marché américain est moins séduit. La concurrence s’est en effet réveillée, notamment italienne avec Alfa Romeo, Fiat et Lancia. Mais le fait le plus important est certainement l’arrivée de la MG B en 1962, dont le style s’avère plus consensuel. La MG B connaît un succès fulgurant aux Etats-Unis, ce qui a un effet nocif sur les ventes de TR4. Au total, 40 253 exemplaires sont écoulés entre 1961 et 1965, soit deux fois moins que de MG B. En 1965, la Triumph TR4A succède à la TR4, avec un nouveau châssis et une suspension arrière à roues indépendantes. Cette fois, le confort et la tenue de route sont à la hauteur de la concurrence.  


1967 : Triumph TR5


La Triumph TR5 succède en 1967 aux TR4 et TR4A. Esthétiquement semblable aux modèles précédents, la TR5 se singularise par son moteur 6 cylindres à injection mécanique de 2 498 cm3 et 150 ch. Elle roule jusqu'à 209 km/h. Ce nouveau positionnement permet de mieux la différencier de la MG B qui n’a le droit jusqu'en 1972 qu’à un 4 cylindres. La Triumph TR5 ne connaît cependant qu’une diffusion relativement modeste, puisqu’elle est produite à seulement 11 431 exemplaires entre 1967 et 1969, dont 75 % à destination des Etats-Unis. En 1969, elle est remplacée par la Triumph TR6.


 1969 : Triumph TR6


Lancée en 1969, un an après la fusion de Triumph et de Rover avec le groupe BMH (Austin, Morris, Austin Healey, MG, Riley, Wolseley, Vanden Plas, Jaguar, Daimler) qui donne naissance à la BLMC, la Triumph TR6 est une évolution de la TR5, dont les parties avant et arrière sont complètement redessinées et modernisées par le carrossier allemand Karmann. Les lignes sont plus simples, plus consensuelles et finalement plus élégantes, ce qui est grandement apprécié par la clientèle. Ce modèle connaît un large succès, avec 94 619 ventes réalisées entre 1969 et 1976, dont 90 % en dehors de Grande-Bretagne. Aucune TR n'a fait aussi bien auparavant. Seule la TR 7 fera mieux ensuite. Le moteur est toujours le 6 cylindres de 2 498 cm3 de 150 ch de la TR5, mais une version " dépolluée " de 125 ch est disponible, celle-ci ne dépassant pas les 194 km/h.

Un nouveau chapitre de la saga des TR s'ouvre avec la TR6 dévoilée en janvier 1969. Elle reprend la mécanique de la TR5. En revanche son style est modernisé par Michelotti, à l'avant avec un capot plat et une large calandre noire, à l'arrière avec des formes plus rectilignes. La TR6 devient la plus vendue des TR jusqu’à l’arrivée de la TR7.


1975 : Triumph TR7


La Triumph TR7 succède à la TR6 en 1975. Sa ligne en coin avant-gardiste due à Harris Mann est aussitôt critiquée par la presse, jugeant la voiture aux antipodes du style classique de la TR6. Pourtant, la TR7 connaît un succès immédiat, surtout aux Etats-Unis qui absorbe 60 % de sa production. Le nouveau roadster Triumph est en réalité un coupé à toit fixe de 4,06 mètres de long. Il revient au moteur 4 cylindres de 2 litres de cylindrée, avec le 1 998 cm3 monté sur bon nombre de modèles du groupe BLMC qui développe 105 ch ou 127 ch avec l’injection. La vitesse maximale atteint 177 km/h pour la version la plus puissante. La TR7 bénéficie pour la première fois d’une structure monocoque et de phares rétractables. Malheureusement, le bois présent dans l’habitacle sur le tableau de bord, ou les contre portes de toutes les précédentes Triumph disparaît au profit du plastique.

Lancée en 1975, la Triumph TR7 adopte un nouveau style avant-gardiste avec une ligne en coin, déjà abordée sur la berline Princess (1975-1981). En outre, la TR7 est dotée de phares rétractables, et il ne s’agit plus d’un roadster à proprement parler mais d’un coupé compact à toit fixe.

Le cabriolet est lancé en 1979, et beaucoup considèrent qu’il s’agit de la plus belle des TR7. Cette série est toutefois stoppée en 1981, sans être remplacée, ce qui condamne logiquement la survie de la marque Triumph. Cet arrêt de la production de la TR7 est à replacer dans le contexte de l’époque, quand le groupe BLMC en quasi-faillite cherche désespérément à se délester d’un maximum de marques et de modèles. Le bilan commercial de la TR7 s’avère toutefois très bon, avec un total de 141 232 ventes réalisées entre 1975 et 1981. Une version dotée d’un moteur Rover de 3,5 litres et baptisée TR8 est commercialisée en petit nombre aux Etats-Unis entre 1979 et 1981. 


1959 : Triumph Herald


De 1955 à 1958, la série TR constitue l’essentiel de la production de la marque Triumph, et les ventes progressent d’année en année. La marque Standard voit parallèlement ses ventes stagner en raison de l’accueil mitigé réservé à ses petites berlines Eight et Ten lancées respectivement en 1953 et 1954. Le patron du groupe Standard Triumph décide, en voyant le bon accueil réservé aux modèles Triumph, de lancer la remplaçante des Eight et Ten sous cette marque.

Dessinée par l’italien Giovanni Michelotti, la berline Triumph Herald apparaît en 1959. Dotée de deux portes, contrairement aux Standard Eight et Ten qui en possédaient quatre, la nouvelle Triumph est animée par le moteur de 948 cm3 de la Ten. Sa carrosserie de 3,89 mètres de long est toutefois très différente, caractérisée par des angles vifs qui contrastent avec les rondeurs de la Ten mais aussi avec celles de la Triumph TR3.

Lancée en 1959, la Triumph Herald succède aux Standard Eight et Ten (1953-1959). Sa carrosserie anguleuse est signée Michelotti. L’Herald connaît un certain succès, surtout en Grande-Bretagne. Sa carrière se poursuit jusqu’en 1971, sous diverses carrosseries.

La Triumph Herald est très vite proposée dans d’autres versions : coupé, cabriolet, break et même fourgonnette. En 1961, un moteur de 1 147 cm3 s’ajoute au 948 cm3. En 1962, une version 6 cylindres de seulement 1 596 cm3 est lancée sous le nom de Vitesse. Il s’agit alors d’un des plus petits 6 cylindres du marché. En 1966, la Vitesse Mk II reçoit le moteur 6 cylindres de 1 998 cm3 de la berline Triumph 2000 lancée en 1963. Ce moteur lui permet d’atteindre une vitesse maximale de 160 km/h, contre 150 km/h pour la Mk I. La Triumph Vitesse se différencie extérieurement de l’Herald par sa partie avant qui reçoit quatre phares et une calandre spécifique. En 1967, alors que le 948 cm3 n’existe plus depuis trois ans, la gamme Herald est complétée par un 1 296 cm3 qui provient de la berline Triumph 1300 lancée en 1965.

Les différentes versions de la Triumph Herald sont produites à près de 300 000 exemplaires entre 1959 et 1971, auxquels il faut ajouter 51 212 Vitesse. Le total est finalement très proche du volume total de production des Standard Eight et Ten qui est de 351 727 unités. Mais pour l’état-major du constructeur, ce n’est pas un problème, car la gamme Herald avec son châssis indépendant a permis de créer deux nouveaux modèles plus ludiques, les Spitfire et GT6, qui connaissent un  large succès. Autre avantage, la structure à châssis séparé de l’Herald lui permet de s’imposer sur le marché du CKD (assemblage de véhicules à l’export à partir de pièces détachées). C’est ainsi qu’une version indienne à quatre portes est assemblée en Inde sous le nom de Standard Gazel jusqu’à la fin des années 70. On estime que le volume de production des Triumph Herald et Vitesse incluant toutes les versions dérivées produites en CKD dépasse le demi million d’exemplaires. 

Alors que la marque Standard disparaît en Europe en 1963, elle survit en Inde jusqu’en 1987. La Standard Gazel est une berline quatre portes dérivée de la Triumph Herald, qui connaît un certain succès en Inde entre 1965 et 1979.


1962 : Triumph Spitfire


En octobre 1962, Triumph lance le petit roadster Spitfire pour concurrencer les Austin Healey Sprite et MG Midget apparus un an plus tôt. La Spitfire, qui reprend le nom d’un célèbre avion de chasse britannique de la Seconde Guerre mondiale, est dotée du 4 cylindres 1 147 cm3 monté sur la Triumph Herald depuis 1961. Son châssis provient d’ailleurs de l’Herald, si bien que les commentateurs de l’époque parlent de la Spitfire comme d’une Herald recarrossée. Les deux carrosseries ont été dessinées par Giovanni Michelotti, bien qu’il n’y ait eu aucune pièce commune entre elles.

Au cours de sa longue carrière qui va s'écouler jusqu'en 1980, la Spitfire voit sa cylindrée augmenter à 1 296 cm3 en 1967, puis à 1 493 cm3 en 1974. En outre, un coupé baptisé GT6, basé sur la Spitfire, est lancé en 1966 avec le 6 cylindres de 1 998 cm3 monté sur la Triumph 2000. Ce modèle est commercialisé jusqu’en 1973. Au total, la Spitfire s'est écoulée à 314 332 exemplaires, dont 83 162 avec le moteur 1,1 litre, 135 341 avec le moteur 1,3 litre et 95 829 avec le moteur 1,5 litre. Le coupé GT6 a été produit quant à lui à 40 926 exemplaires.

Lancée en 1962, la Triumph Spitfire est la réponse de la marque à la MG Midget (1961-1980). Basée sur l’Herald, sa carrosserie est complètement différente, même si elle est toujours signée Michelotti. La Spitfire est un roadster deux places bien moins coûteux que les TR, ce qui facilite sa carrière qui se prolonge jusqu’en 1980.

Pendant toute sa carrière, la Spitfire reste sensiblement la même voiture, si ce n'est un changement esthétique important qui intervient en 1970 avec des parties avant et arrière redessinées, deux ans après la fusion de Leyland avec le groupe BMH. Les Spitfire et les TR cohabitent jusqu’en 1980 sans qu’il y ait eu de phénomène de cannibalisation, chacune s’adressant à une clientèle bien différente en raison de leur prix bien spécifique. La majorité des Spitfire est exportée vers les Etats-Unis, mais ce sont finalement les nouvelles réglementations drastiques imposées par ce marché qui mettent un point final à sa carrière, comme à celle des MG Midget qui ne connaît pas non plus de descendance. Triumph a vendu finalement plus de Spitfire que MG de Midget, puisque cette dernière n'a pas dépassé les 260 000 exemplaires assemblés. 


1963 : Triumph 2000, 2.5 PI, 2500 TC


Alors que Sir John Black a quitté la direction du groupe Standard Triumph en janvier 1954, la nouvelle équipe a concentré tous ses efforts sur la marque Triumph, jusqu'à abandonner complètement Standard. La berline Standard Vanguard dont les origines remontent à 1948 est donc remplacée par une berline de marque Triumph, la 2000. Présentée en 1963, au même moment que sa concurrente la Rover 2000 (dite P6), la Triumph 2000 également dessinée par Michelotti se présente sous la forme d’une berline moderne de 4,42 mètres de long, dotée de six glaces latérales.

Lancée en 1963, la berline Triumph 2000 succède à la Standard Vanguard dont les origines remontent à 1948. L’intérieur fait la part belle au cuir et au bois poli. La Rover 2000 est lancée la même année. Jusqu’en 1966, Triumph et Rover sont deux marques concurrentes.

Son moteur est un six cylindres de 1 998 cm3 seulement. En 1968, apparaît une version dotée d’un six cylindres de 2 498 cm3 à injection baptisée 2.5 PI. En 1969, ces berlines voient leurs parties avant et arrière redessinées, dont le dessin est repris l’année suivante sur les Spitfire et Stag. Leur longueur passe ainsi à 4,65 mètres. En 1975, les 2000 et 2.5 PI sont remplacées par la 2500 TC qui abandonne le moteur à injection pour retrouver le bon vieux moteur à deux carburateurs. Au total, les grandes Triumph sont produites à 324 652 exemplaires de 1963 à 1977, ce qui est un très bon score comparé aux anciennes Standard Vanguard, et surtout à la Rover P6 qui n'a pas dépassé les 322 302 exemplaires, toutes versions confondues. 

Le style des Triumph 2000 et 2.5 PI est typique des réalisations de Michelotti pour le constructeur britannique durant les années 60.


1965 : Triumph 1300, 1300 TC, 1500, 1500 TC


Deux ans après le lancement de la Triumph 2000, en 1965, la marque de Coventry dévoile une berline moyenne qui doit succéder à l’Herald, dont les origines remontent à 1959. Finalement, les deux modèles vont cohabiter jusqu’en 1970. La berline Triumph 1300, longue de 3,94 mètres, est encore une fois dessinée par Michelotti. Elle s’inspire fortement des formes de la Triumph 2000, mais ramenées à des proportions moindres. Le modèle est équipé d’un 4 cylindres de 1 296 cm3 que l’on retrouve sur l’Herald et sur la Spitfire en 1967. La Triumph 1300 vise avant tout les Austin/Morris 1100/1300 et Ford Cortina qui se disputent la première place sur le marché britannique.

A la différence de l’Herald, la 1300 est une traction avant. Son style dû à Giovanni Michelotti s’inspire étroitement de celui de la Triumph 2000 lancée deux ans plus tôt.

En terme de dimensions, la Triumph 1300 se situe idéalement entre ces deux vedettes du marché. Une version à deux carburateurs est lancée en 1967, baptisée 1300 TC. La Triumph 1300 est surtout la première voiture à traction avant de la marque, architecture qui sera conservée sur la 1500 qui lui succède en 1970. Cette 1500 reprend la carrosserie de la 1300, avec des parties avant et arrière redessinées, qui portent la longueur à 4,11 mètres. La 1500 est dotée d’un 1 493 cm3 que l’on retrouvera sous le capot des Spitfire en 1974. La 1500 TC à deux carburateurs (Twin Carburettor) est lancée en 1973. La traction avant laisse sa place à un mécanisme de propulsion, comme sur la Toledo (1970) et la Dolomite (1972). Au total, les Triumph 1300 sont produites à 152 026 exemplaires entre 1965 et 1970, et les Triumph 1500 à 91 902 exemplaires entre 1970 et 1976. 

Michelotti propose en 1971 ce prototype au groupe BLMC pour remplacer la gamme des Triumph 1300 et 1500. Le style évoque celui de la Fiat 132 et de la BMW Série 5 lancées toutes les deux en 1972, dans un format plus réduit. Par manque d’argent, ce projet est refusé par la direction de BLMC.


1970 : Triumph Toledo


Triumph dévoile la Toledo en septembre 1970. La carrosseries est empruntée à la 1500, tandis que le moteur est un 1300. Surtout, la Toledo revient à la propulsion. Etonnant retour en arrière, mais qui s’explique par le fait que le constructeur veut à la fois remplacer l’Herald par un modèle aussi rustique, et rivaliser avec la Ford Cortina qui est une propulsion. Lancée en 1971, la Morris Marina, elle aussi à propulsion, devient une sérieuse concurrente pour la Toledo au sein du même groupe BLMC.

Lancée en 1970, la Triumph Toledo qui revient à la propulsion est la vraie remplaçante de l’Herald. Sa carrosserie est celle de la 1500 apparue la même année.

La Toledo reprend la carrosserie de la 1500 avec une partie avant modifiée dotée de deux phares rectangulaires et non pas de quatre phares ronds. Autre changement, la Toledo est disponible en version deux portes, en plus de la version quatre portes, ceci pour se rapprocher encore plus de l’Herald. Surtout, la Toledo est moins chère que la 1500, ce qui ne se traduit hélas pas par des ventes beaucoup plus importantes. En effet, 113 294 Toledo sont produites entre 1970 et 1976, auxquelles il faut ajouter 5 888 unités équipées du moteur de la 1500.


1970 : Triumph Stag


En 1970, Triumph complète sa gamme déjà vaste avec un coupé découvrable de grand tourisme basé sur la berline 2.5 PI. Il est doté d’un V8 de 2 997 cm3 spécialement conçu pour ce modèle, et bien adapté aux contraintes du marché américain. Ce moteur va hélas s’avérer assez peu fiable. Ce coupé découvrable de 4,41 mètres de long, baptisé Stag, est encore une fois dessiné par Michelotti dans un style rappelant la 2.5 PI. La Stag se distingue par la présence d'un arceau de sécurité fixe, ce qui l’a fait surnommer " la Targa anglaise ".

Lancée en 1970, la Triumph Stag est un cabriolet avec arceau de sécurité fixe. Son style dû à Michelotti s’inspire de la Triumph 2000 restylée de 1969. Son moteur est un V8 spécialement conçu pour le marché américain. La Stag n’y rencontre toutefois qu’un succès d’estime.

Ce modèle élitiste - c’est le plus cher de la gamme - marque l’apogée de Triumph qui commence à décliner durant la seconde moitié des années 1970, avant que  la marque ne disparaisse pitoyablement au début des années 80. La Stag n'a pas connu une carrière triomphale, juste un succès d’estime : 25 939 exemplaires entre 1970 et 1977, malgré la promotion qui en a été faite dans le film " Les diamants sont éternels " de 1971, quand Sean Connery alias James Bond conduit une Triumph Stag. 


1972 : Triumph Dolomite


En 1972, Triumph relance la dénomination commerciale Dolomite. La carrosserie est celle de la 1500, avec quatre phares ronds et un toit vinyl. C'est une propulsion, comme la Toledo. Le moteur est un 4 cylindres de 1 850 cm3 développant 91 ch, contre 61 ch pour la Triumph 1300 et 75 ch pour la Triumph 1500. La Dolomite atteint 160 km/h, contre 140 km/h pour la 1300 et 150 km/h pour la 1500. En réalité, la Dolomite va aussi vite qu’une Triumph Vitesse, qui rappelons-le est une Herald dotée d’un moteur 6 cylindres de 2 litres, un modèle abandonné en 1971. La Dolomite est en quelques sorte celle qui succède à la Vitesse, mais avec la carrosserie " recyclée " de la grande famille des 1300, 1500 et Toledo.

La Dolomite Sprint est dotée du 4 cylindres de 1 998 cm3, fort ici de 127 ch, ce qui lui permet d'atteindre 190 km/h. Elle est lancée en juin 1973, pour concurrencer les versions les plus sportives de chez BMW ou Alfa Romeo. Ce modèle extrêmement performant est commercialisé jusqu’en 1980, alors que la Dolomite " de base " est arrêtée en 1976. Cette même année, Triumph propose les Dolomite 1300, Dolomite 1500 et Dolomite 1850, qui reprennent une nouvelle fois la carrosserie connue depuis une décennie. Ces trois modèles identiques extérieurement succèdent en réalité aux Toledo, 1500 et Dolomite.

Lancée en 1972, la Triumph Dolomite reprend la carrosserie de la 1500. Le projet proposé par Michelotti en 1971 a en effet été refusé par Lord Stokes, patron du groupe. La Dolomite poursuit donc sa carrière jusqu’en 1980 avec cette carrosserie un peu désuète dont les origines remontent à 1965.

Le nom Dolomite généralisé à toute cette gamme permet d’apporter une image de sportivité et de prestige, issue de la Dolomite Sprint. La difficulté à venir est que tous les projets de remplacement ont été invalidés en raison des graves difficultés de la British Leyland, qui ne cessent de s'accentuer depuis 1971. A partir de la nationalisation du groupe en 1975, la survie de la marque Triumph n’apparaît plus comme une priorité. Wolseley vient d’être sacrifiée, et d’autres marques du groupe semblent menacées de mort. Triumph en fait partie. La marque voit ses grandes berlines disparaître en 1977, la nouvelle direction du groupe ayant décidé de remplacer ces voitures et la Rover P6 par un seul et même modèle : la Rover SD1.

La carrière commerciale des Dolomite s’arrête en effet en 1980, après 204 003 exemplaires produits depuis 1972. La Spitfire disparaît également en 1980, après dix-huit ans d’une carrière exceptionnelle. La TR7 reste alors le seul modèle figurant au catalogue de la marque. Plus pour très longtemps. 


1981 : Triumph Acclaim


Un ultime projet de Michelotti pour remplacer la Triumph Dolomite ayant été refusé faute de moyens, les décideurs se tournent vers Honda pour profiter d’une solution la moins coûteuse possible, afin de lancer sur le marché une nouvelle berline moyenne de marque Triumph. Cette voiture commercialisée en 1981, baptisée Acclaim, est une simple Honda Ballade rebadgée. Il s’agit d’une berline quatre portes de 4,09 mètres de long, à traction avant comme la Dolomite, dotée d’un 4 cylindres de 1 335 cm3 de 70 ch, autorisant une vitesse maximale de 154 km/h. Par ses dimensions et ses prestations, l'Acclaim ne s’éloigne pas trop des Dolomite. Son dessin par contre est plus insipide.

La remplaçante de la Triumph Dolomite n’est autre qu’une Honda Ballade rebadgée. Ce modèle, qui n’a plus rien d’une Triumph à part le logo, est vendue  jusqu’en 1984, date à laquelle la marque Triumph disparaît définitivement.

La Triumph Acclaim est produite en Angleterre dans l’ex-usine Morris située à Oxford. Contre toute attente, le modèle obtint un certain succès, principalement en Grande-Bretagne, avec 133 626 exemplaires produits entre 1981 et 1984. Malgré ce bon chiffre, le groupe BLMC devenu Austin Rover en 1982 décide de tuer la marque Triumph en 1984, et de remplacer l’Acclaim par une berline Rover dérivée d’un autre modèle Honda.

La stratégie du groupe britannique est  désormais de concentrer sa production à partir de deux marques : Austin et Rover. Cette nouvelle stratégie " défensive " impose de supprimer les marques Morris et Triumph, les noms de MG et Vanden Plas ayant déjà été abandonnés, après tant d'autres, en 1980. Quant aux marques Jaguar et Daimler, elles sortent du groupe en 1984, et retrouvent leur indépendance, avant d’être rachetées par Ford en 1989. 


Epilogue


La marque Triumph a produit au total près de 2,2 millions de voitures entre 1946 et 1984. Sur ce nombre, on compte 368 000 roadsters de type TR, soit un chiffre très inférieur à celui réalisé par les MG A et MG B, avec près de 600 000 exemplaires vendus entre 1955 à 1980. Malgré cela, les Triumph laissent le souvenir de petites voitures sportives sympathiques, typiques d’une certaine époque où les Britanniques démontraient leur savoir-faire en la matière.

Aujourd’hui, les droits d’utilisation du nom Triumph concernant les voitures appartiennent à BMW qui a pris le contrôle de Rover en 1994. Le constructeur allemand a en effet refusé de vendre le nom Triumph lors du rachat de MG Rover en 2000 par le groupe Phoenix Venture Holdings, ce qui permet d’espérer qu’un modèle sportif portant ce nom puisse à nouveau voir le jour dans le futur. La marque MG a ainsi ressuscité en 1995, passant sous contrôle chinois en 2005. Mais au lieu de petits roadsters, cette marque produit désormais des berlines et des SUV … électriques.

Texte : Jean-Michel Prillieux / André Le Roux
Reproduction interdite, merci.

Voir aussi :
http://leroux.andre.free.fr/britishmayflower.htm

http://leroux.andre.free.fr/britishtriumphtr.htm
http://leroux.andre.free.fr/britishherald.htm
http://leroux.andre.free.fr/xxx117.htm
http://leroux.andre.free.fr/britishstag.htm

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