Ford Cortina
Avant la Cortina Construite par la filiale anglaise du géant américain, la Cortina n’est pas la Ford la plus produite de l'histoire de la marque. Il est difficile d’égaler le record détenu par le légendaire modèle T et ses 14 482 040 exemplaires construits , mais avec plus de 4 millions de véhicules diffusés sous ce nom, toutes générations confondues, entre 1962 et 1982, c’est à coup sûr un best-seller qui mérite que l’on se penche sur sa longue histoire … Voici le portrait d'une lignée qui pendant vingt ans domina le marché anglais, et fit plus que de la figuration ailleurs dans le monde, malgré une fiche technique qui, à priori, ne révélait pas grand-chose de sensationnel. Si, au tout début des années soixante, le Royaume-Uni ne connaît pas encore la " Beatlemania " (comprenons par là l’engouement des foules pour quatre garçons dans le vent originaires de Liverpool), en revanche il est en pleine " Minimania ", depuis qu’Alec Issigonis a eu l’audace de concevoir une étonnante petite traction avant à moteur transversal. Cependant, si astucieuses et habitables qu’elles soient, les Austin Seven et Morris Mini Minor apparues en août 1959 emportent à leurs débuts surtout un succès d’estime, avec seulement 20 000 voitures vendues dans les huit premiers mois de commercialisation. Souffrant d’un handicap de coffre minuscule, elles ne peuvent satisfaire les besoins de l’automobiliste anglais " de base ", qui n’est pas d’ailleurs forcément prêt à adopter la traction avant.
Austin Seven (1959/2000) En revanche, surtout quand il est chargé de famille, il peut compter sur les tarifs abordables de Ford et acquérir une rustique mais fiable Popular, vendue 20 % moins cher que la nouvelle BMC, ou craquer pour la toute dernière Anglia dont la lunette arrière inversée et le moteur culbuté – après des générations de vieux moteurs à soupapes latérales – ont au moins l’attrait de la nouveauté.
Ford Popular (1959/62)
Ford Anglia (1959/67) Cette clientèle populaire plutôt traditionaliste est acquise à " Ford of Britain " depuis de nombreuses années. Fondée en 1911, la filiale anglaise avait d’abord assemblé des Ford T, avant de construire l’unité de Dagenham en 1931 et de lancer l’année suivante la fameuse " Y " qui lui avait permis de se hisser – et de se maintenir à la troisième place du marché, derrière Austin et Morris.
Ford Y (1932/37) A la fin des années cinquante, l’état-major de la firme, dirigée par sir Patrick Hennessy, un ami personnel de Churchill très bien introduit dans tous les milieux, bénéficie encore d’une large autonomie vis-à-vis des Américains et de l’autre filiale européenne de Ford, basée à Cologne. Les résultats commerciaux sont encore satisfaisants, mais, le coup d’audace de l’Anglia mis à part, le reste de la gamme commence à cette époque à dater sérieusement et présente en outre un trou important entre la vieille Prefect -heureusement dotée depuis le millésime 1960 du moteur culbuté de l’Anglia – et l’antique Consul Mk II de 1703 cm3, trou qui n’existait pas en 1950 à l’apparition de la première Consul, alors dotée d’un 1200 cm3. Si on veut que la clientèle populaire, lorsqu’elle montera en gamme, reste chez Ford, il est clair qu’il faut lui proposer à brève échéance un modèle intermédiaire d’apparence moderne.
Ford Prefect (1953/61)
Ford Consul Mk II (1956/62) Le renouvellement de la Consul est sur les rails : ce sera la Consul Classic 315, dont le toit reprend la même ligne que l’Anglia, et qui sera lancée avec un quatre cylindres de 1340 cm3. Cependant, le prix de revient des études et de l’industrialisation de ce modèle a quelque peu échappé au contrôle de Ford, et il n’est pas question de réitérer l’expérience avec la future " nouvelle Prefect ", comme on l’appelle alors dans le bureau d’études.
Ford Consul Classic 315 (1961/63) Il est donc créé un service " Plan produit " qui au bout de quelques mois est confié à la direction de Terry Beckett, qui prend pour adjoint dans le domaine des petites voitures un certain Hamish Orr-Ewing, un enthousiaste de la chose automobile. Au début de l'année 1960, le cahier des charges se dessine peu à peu, et un certain nombre de lignes de force apparaissent. La future Prefect devra fournir le maximum de prestation pour un prix serré, se montrer plus spacieuse que l'Anglia mais bien plus légère que la Consul Classic, et surtout ... être très rentable ! D'autant que se profilent à l'horizon deux traction avant redoutables, qui s'adressent exactement au même public que la future Prefect : la future BMC 1100 (vendue sous les marques Austin et Morris) et une ... Ford innovante, à l'étude depuis un an déjà, conçue par Ford Allemagne mais destinée à être vendue aux Etats-Unis. Cette voiture, la future " Taunus 12 M " type P4, est pour l'instant connue sous le nom de " Cardinal ", et inquiète fort la filiale anglaise.
Austin 1100 (1962/74) Hennesy n'a pas été consulté par les Américains à propos de ce programme qui risque de porter un coup fatal aux exportations de Ford Angleterre, dont les produits sont, dans la plupart des pays d'Europe, vendus dans les mêmes concessions que les Ford " made in Germany ". Hennesy décide d'accélérer son propre programme. Il faut battre les Allemands sur leur terrain, et proposer un produit meilleur marché et plus performant. Humour britannique oblige, le programme prend un nom symbolique : puisqu'ils étudient la " Cardinal " (en fait, ce nom est en l'occurrence choisi en référence à un passereau originaire d'Amérique, ainsi nommé en raison de son plumage rouge), et bien ... on va leur mettre un " archevêque " (archbishop, en anglais) en travers de la route, disent les Anglais. Il faut faire vite, moins de deux ans ! Pour contrer l'Austin Morris 1100, dont les gens de Dagenham - espionnage industriel oblige - savent qu'elle souffrira d'un coffre minuscule, tout comme ses petites soeurs, il est décidé que la future Ford bénéficie d'une largeur confortable et soit clairement définie comme une trois volumes, avec une malle arrière très logeable. Cependant, le prix affiché par la BMC lors du lancement des Mini Minor et Austin Seven étonne et inquiète beaucoup l'état-major de Ford qui se demande comment " ils " font pour produire une traction avant à ce tarif. Gare aux déconvenues si les futures 1100 sont aussi compétitives ! Pour en avoir le coeur net, Dagenham achète et désosse entièrement une des toutes premières Mini ... et les ingénieurs s'aperçoivent alors que, étant donné sa complexité mécanique, elle est nécessairement vendue à perte, et ce malgré le démenti formel de Sir Georges Harriman, un des directeurs de BMC ...
L'usine Ford de Dagenham Ford abandonne alors toute idée de roues antérieures motrices, que la firme de surcroît n'est pas prête à industrialiser, bien que des prototypes à traction avant aient circulé outre-Manche. L'outillage coûte cher, et ce serait au détriment du budget de lancement et du prix de revient du véhicule. La future Cortina, par ailleurs, doit pouvoir être facilement assemblée dans d'autres pays du Commonwealth, que ce soit en Afrique du Sud ou en Australie (environ 250 000 unités de la Cortina série I y seront ainsi envoyées en CKD). Au Royaume-Uni, c'est dans l'usine de Dagenham, dans une extension toute nouvelle inaugurée par l'Anglia, que naîtront les Cortina. Les études se poursuivent, sous la direction de Roy Brown, un jeune ingénieur originaire des Etats-Unis, auquel on doit les lignes de la Ford Edsel (ce qui n'est pas nécessairement une référence) et d'Alex Trotman, qui parviendra ensuite au sommet de la hiérarchie de la filiale anglaise.
Roy Brown, 1916-2013
Alex Trotman, 1933-2005
La ligne fait l'objet d'âpres discussions entre les tenants d'un style
américanisé et ceux qui préféreraient un aspect plus sobre. La synthèse
qui en résultera sera plutôt plaisante. De plus, la structure de la caisse
autoporteuse bénéficie de l'expérience du chef du département carrosserie,
l'ingénieur Don Ward, et de son second Dennis Roberts, qui ont tous les
deux travaillé chez Bristol Aviation et réussiront à alléger la Cortina de
80 kg par rapport à la Consul Classic 315, pour un encombrement identique
! C'est d'ailleurs bien là le hic : de même qu'à Rome il y avait deux
consuls, chez Ford en 1962 il y aura bientôt la Consul Classic et ... la
Consul Cortina qui, surtout dès qu'elle sera dotée d'un moteur 1500, ne
tardera pas à cannibaliser sa collègue, laquelle disparaîtra en septembre
1963, après moins de trois années d'existence ... quelles moeurs ... !
Ford Consul Classic 315 (1961/63) Mk I, octobre 1962 Cortina, tel est le nom de la voiture, qui fait référence à la station de ski italienne de Cortina d'Ampezzo, située dans les Dolomites et où se sont tenus les jeux olympiques d'hiver en 1960. Bien entendu, Ford a demandé l'autorisation à la municipalité, qui s'est empressée de l'accorder et se réjouit de cette publicité gratuite et roulante. La Cortina est présentée au public en septembre 1962, et fait comme la Taunus M ses débuts au Salon de Paris. Sir Hennessy a donc gagné son pari, d'autant que la 12 M, bien que saluée comme la première traction avant de Ford, déçoit à l'usage, avec une tenue de route satisfaisante mais une direction imprécise offrant en outre un braquage insuffisant, et surtout un moteur rugueux et mal équilibré, à la nervosité " inexistante ", dixit l'Auto Journal, qui obtient 44 secondes aux 1000 mètres départ arrêté.
Ford 12 M type P4 (1962/66)
Ford Cortina Mk I (1962/66) Malgré ses solutions conventionnelles, les journalistes doivent bien reconnaître que la Cortina offre finalement des prestations globalement plus satisfaisantes, y compris en tenue de route mis à part quelques délestages à l'arrière sur route humide, avec un braquage nettement plus convaincant, et un silence très supérieur. C'est en matière de style extérieur et intérieur que les ressemblances entre les deux voitures sautent le plus aux yeux, du moins si on s'en tient à la Cortina deux portes, l'Allemande n'offrant initialement ni berline quatre portes ni break à la convoitise de l'acheteur. L'une et l'autre se caractérisent par de vastes surfaces vitrées, un traitement des flancs qui leur donne un aspect dynamique (avec dans le cas de la Cortina, un " coup de gouge " en creux très réussi), et en général par une allure nette et sobre, un peu trop peut-être en matière de finition intérieure. En effet, dans les deux cas, le tableau de bord et les garnitures ont plutôt dépouillés.
Les premières Cortina disposent d'un tableau de bord allongé
Une des originalités stylistiques de la Cortina : ses feux arrière Initialement présentée avec une seule motorisation, mais en deux carrosseries (deux et quatre portes) et deux finitions différentes (Standard disponible seulement en Grande-Bretagne et De Luxe), les premières " Consul Cortina " type 113 E sont animées par un moteur de 1198 cm3 caractérisé par son architecture moderne, héritée de celle des moteurs de l'Anglia, de type " super carré ", à soupapes en tête (mais à arbre à came latéral). Ce groupe est doté d'un vilebrequin à cinq paliers et fournit la puissance relativement modeste de 48,5 bph, valeur exprimée en " british horse power " à peu près équivalent aux chevaux Din. Cela permet à la voiture d'accrocher les 125 km/h. La Cortina étonne aussi agréablement par sa boîte entièrement synchronisée, au maniement tellement doux qu'elle est qualifiée de " boîte velours " sur le catalogue français ! Pour satisfaire toutes les clientèles, cette boîte est commandée au choix par un levier au volant (avec dans ce cas une banquette pour les passagers avant) ou au plancher (avec le montage de deux sièges séparés).
Dans le cas présent, le levier est installé au plancher Un autre atout de la voiture est son faible poids : 806 kg à vide pour la version quatre portes. Pour le reste, malheureusement, la lecture de la fiche des caractéristiques n'a pas de quoi enthousiasmer les journalistes ou les amateurs de technique, surtout quand ils découvrent quelques stands plus loin une séduisante BMC 1100 à traction avant, moteur transversal et suspension " Hydrolastic ". Si la suspension avant à roues indépendantes fait appel au système " Mac Pherson ", avec deux ressorts hélicoïdaux complétés par une barre anti-roulis, à l'arrière la liaison au sol est assurée par d'antiques ressorts à lames longitudinaux. La direction n'est pas à crémaillère, mais à " recirculation " de billes. Le pont arrière est désespérément rigide, et ce sont évidemment les roues arrière qui sont motrices. Quant au freinage, qui se révèlera insuffisant sur les premières versions, défaut partagé avec la Taunus 12 M, il est assuré partout par des tambours. Les concessionnaires britanniques en particulier sont affolés. Comment vendre " ça ", quand la concurrence offre des arguments de plus en plus affûtés ? Prix bas aidant, le décollage immédiat des ventes va heureusement démentir ces sombres prédictions. A son apparition en France, à la fin de l'hiver 1962/63, la Cortina en version 1500 est vendue 8 595 francs, c'est-à-dire dans la même catégorie de prix qu'une Panhard PL 17 Grand Standing Tigre à 8 500 francs ou qu'une Simca 1300 GL à 8 400 francs.
Publicité parue dans l'Action Automobile d'avril 1963 De plus, alors que les clients ayant commandé une Austin Morris 1100 ne parviennent pas à se faire livrer, des Cortina sont immédiatement disponibles dans le réseau Ford, ce qui est une première au lancement d'une voiture. Pour ne rien gâcher, les prestations sont à la hauteur. La plupart des journalistes français qui découvrent la Cortina sur le circuit de Monaco font état d'impressions favorables. " Dans l'ensemble, cette voiture est très agréable à conduire, son brio est fait d'une grande maniabilité, servie par une bonne direction et de bonnes accélérations. La suspension est un compromis, ni très dure ni très souple, elle confère à la Cortina une bonne tenue de route " écrit ainsi André Nebout dans l'Automobile. Dans le même magazine, JP Thévenet confirme un an plus tard : " La Cortina tient bien et même très bien la route. Elle a un comportement sain et des réactions très franches en toutes circonstances ".
En France, la Cortina affronte les Panhard PL 17 et Simca 1300 GL De plus, la gamme se diversifie rapidement. Dès janvier 1963 apparaît une Consul Cortina 1500 en version berline , dotée d'un moteur de 1498 cm3, dit " Super Typhon ", offrant la puissance de 60 bhp, et propulsant la voiture à 133 km/h. Concurremment est proposée avec ce moteur une finition " Super " un peu plus soignée. L'instrumentation de bord ne change pas, mais on note la présence d'un avertisseur deux tons, de cercles de roues, de baguettes latérales soulignant la moulure en creux, etc ... Malheureusement, les freins à tambour restent au programme. En France, c'est avec cette 1500 9 CV, en version quatre portes, que l'importation commence vraiment, la 1200 7 CV n'ayant initialement pas été disponible pour ne pas gêner la Taunus 12 M. Cependant, devant les performances anémiques de cette dernière, les Cortina 1200 seront mises au programme dès l'été 1963, d'abord en version deux portes, et par la suite en quatre portes. Les premières berlines Cortina 1500 livrées dans l'Hexagone ne sont disponibles qu'avec la finition " De Luxe ". En février, c'est au tour du break d'apparaître. De même longueur que la berline (4,27 contre 4,267 mètres), il offre quatre portes et une finition soignée. Contrairement aux berlines, il est disponible en version 1500 Le Luxe et 1500 Super, qui diffèrent seulement par leur aspect extérieur. La moulure latérale du modèle De Luxe est peinte comme le toit d'une couleur différente du reste de la caisse (mais on peut sur demande s'en tenir à une peinture monocolore), et soulignées par les mêmes baguettes que les berlines Super, tandis que le break Super se caractérise par sa décoration façon " hickory " (dixit le catalogue) sur les flancs et le hayon. Il peut sur option recevoir un toit d'une couleur différente de la caisse. C'est une belle trouvaille que cette décoration bois qui donne à la Cortina l'aspect d'un " woody " traditionnel et lui donne la " touch of class " typiquement british qui manque aux berlines.
Le break Cortina De Luxe est caractérisé par sa découpe bicolore (flanc et toit) Sur le marché français, la Super reçoit d'origine un levier au volant et une banquette, tandis que la De Luxe se contente d'un levier au plancher et de sièges avant séparés. Dans les deux cas, on peut opter pour la solution inverse, sans supplément quand il s'agit de la Super. A noter que la De Luxe peut en option recevoir elle aussi le moteur 1500. C'est le break De Luxe qui sera, et de loin, le plus produit, avec 108 000 exemplaires contre 7800 environ pour le break Super. Dans les deux cas, le break, qui reçoit des amortisseurs à levier moins encombrants que les amortisseurs télescopiques de la berline, présente l'avantage d'un plateau de chargement régulier et assez long (1,97 m), qui permet le cas échéant de dormir à l'arrière, banquette abaissée.
Banquette rabattue, le plancher est plat, mais on peut déplorer l'absence de protection de tôle La gamme Cortina se complète encore au début du mois d'avril 1963 avec la Cortina GT, type 118 E. Les décideurs de Ford Angleterre hésitent d'autant moins à commercialiser ce modèle qui risque de faire de l'ombre à la future Consul ... Corsair, programmée pour l'automne qu'en juin 1962 Henry Ford en personne a montré son enthousiasme pour ce modèle, encore à l'état de prototype, lors d'une présentation conjointe des Taunus 12 M et des Cortina aux cadres de l'entreprise sur l'autodrome de Montlhéry loué pour la circonstance. A Dieu vat. Ford va bientôt être présent sur le marché avec quatre 1500 différentes, alors quelle importance que s'y ajoutent encore d'autres variantes ? Pourtant, ces quatre 1500, à savoir la Taunus 12 M TS, la Consul Cortina 1500, la Consul Classic et la Consul Corsair, ne vont-elles pas s'entre dévorer joyeusement ? Chez Ford, on a beau jeu de répondre d'une part que la Corsair, modèle dont la technique et le soubassement s'inspirent largement de la Cortina, est destinée à remplacer la Classic, et d'autre part que la Cortina GT surclasse le modèle normal.
Couverture du dépliant Ford Cortina GT Sur ce modèle GT, disponible en berline deux ou quatre portes, la puissance du moteur 1500 a été portée à 78 bhp (75,5 ch Din) grâce à l'adoption d'un nouvel arbre à cames et d'un carburateur double corps Weber. La mise a point de ce nouveau groupe est le résultat d'une collaboration entre Ford et Cosworth, collaboration qui en l'occurrence n'est certes pas la dernière. La suspension a été durcie, et la GT bénéficie enfin des freins avant à disques qui manquent tant aux autres modèles, ainsi que de tambours arrière plus gros. L'augmentation de puissance s'accompagne aussi de renforts de structure, réclamés par l'usine Ford de Geelong, en Australie, car les autochtones trouvent la caisse de la Cortina un peu frêle au regard des conditions locales. Hélas, la capacité du réservoir d'essence (36 litres) reste vraiment trop faible, il faut ravitailler tous les trois cents kilomètres en utilisation sportive. Extérieurement, seul l'écusson " GT " permet de reconnaître les premières GT, dont la finition de base se rapproche de celle des De Luxe, mis à part l'instrumentation comportant un compte-tours, un thermomètre d'eau et un manomètre de pression d'huile, disposés respectivement sous le compteur et sur une console centrale ad hoc. Ces différents compteurs gagneront un emplacement plus orthodoxe lors du restylage du tableau de bord pour le millésime 1965. Les vitesses sont commandées au plancher, par un court levier bien plus direct que sur les autres Cortina. A partir du Salon 1964, la GT, dont le caractère sportif est réellement affirmé et qui atteint facilement les 153 km/h, supplantera la normale sur le marché français, au point que la seconde n'y sera plus livrée que sur commande spéciale.
Ford Cortina GT La GT n'est pourtant pas la seule Cortina sportive. En janvier 1963, en même temps que la Cortina Super, apparaît un engin dont la dénomination officielle " Consul Cortina Sports Special ", cède rapidement le pas à un nom bien plus évocateur. Celle que, même chez Ford tout le monde appelle désormais la Lotus Cortina, est une " GTI " avant la lettre, et plus encore, c'est celle qui va donner à la Cortina l'image de marque qui lui manquait. Ce modèle à double arbre à cames en tête a été étudié en étroite collaboration avec Colin Chapman pour faire gagner la Cortina en rallye. Mission accomplie : 140 victoires en course et en rallye, voilà le palmarès dont pourra s'enorgueillir la Cortina en octobre 1964, dont le fameux East Africa Safari lors de l'édition 1964 et la Coupe des Alpes la même année. Nous y reviendrons ... A la fin du millésime 1963, la gamme Cortina est désormais plus que complète. on va la peaufiner encore. En septembre, pour la nouvelle année modèle, le compteur allongé cède la place à un ensemble de deux cadrans ronds encastrés dans une garniture façon bois. A gauche sont regroupés les voyants, l'indicateur de charge et la jauge, et à droite on trouve le tachymètre désormais gradué jusqu'à 180 km/h. Ces instruments sont complétés sur les modèles sportifs par d'autres cadrans placés au centre du tableau de bord. Parallèlement, la 1500 peut désormais recevoir en option une boîte Borg Warner.
Le nouveau tableau de bord du millésime 1964 Depuis la mort de David Ogle en 1962, la firme qui porte son nom ne produit plus de voitures mais consacre ses activités au design et à la construction de prototypes. Ogle Design présente au Salon de Londres 1963 un coupé " fastback " dérivé de la Cortina GT, à la calandre agressive mais à l'arrière assez lourd. Bien que parrainée par le pilote Stirling Moss, qui paraît-il, " en rêve ", cette réalisation ne sera pas commercialisée. En revanche, le carrossier Crayford va produire une version cabriolet des Ford Cortina et Corsair.
Ford Cortina par Ogle, 1963 Ford fait valoir dans l'une de ses brochures publicitaires le titre de " Voiture de l'année " remporté par la Cortina. C'est surprenant quand on sait que ce trophée accordé pour la première fois en 1964 est revenu cette année-là à une autre voiture britannique, la Rover P6.
Ford Cortina, " Voiture de l'année " 1964 selon la brochure publicitaire, info ou intox ? Mk I, restyling, octobre 1964 La Cortina Mk I entame sa troisième année d'existence, et comme il était prévu dès l'origine, Ford la fait bénéficier de modifications assez importantes pour le millésime 1965. Le signe distinctif de plus visible est la calandre élargie, qui englobe de nouveaux ensembles clignotants & feux de position blanc et orange. On note aussi l'inscription " Cortina " (et non plus Consul) sur la fausse prise d'air du capot. Le confort et la finition sont grandement améliorés par l'apparition d'un nouveau tableau de bord avec cadrans à visières et d'un nouveau système de ventilation, baptisé " Aeroflow ", avec des aérateurs orientables au tableau de bord et une sortie d'air à dépression, ce qui entraîne l'apparition de grilles d'extraction d'air sur les panneaux de custode. Mécaniquement, les moteurs bénéficient d'une augmentation de leur taux de compression. De 8,3 : 1, il passe à 9 : 1. Les freins à disques à l'avant sont enfin généralisés sur toute la gamme. En outre, la suspension de la GT bénéficie de bielles de poussée destinées à dompter les coups de raquette du train arrière.
On distingue ici la nouvelle calandre de la Cortina 1965 Pour 1966, dernier millésime des Cortina Mk I, la gamme est un peu simplifiée avec la disparition du modèle " Standard " qui n'était plus guère vendu qu'au Royaume-Uni, ainsi que de l'option " levier de vitesses au volant ". Enfin, le break Super perd sa décoration bois. A la fin du millésime, la Cortina Mk I franchit la barre symbolique du million de véhicules vendus. Sans avoir démérité, la voiture qui n'était de toute façon programmée que pour quatre millésimes laisse donc sa place à la Cortina Mk II, construite sur le même soubassement. Si en Europe, les années cinquante marquent la démocratisation de l'automobile, encore alors considérée comme un objet utilitaire, les années soixante sont celles où la voiture cristallise une passion qui n'est pas encore considérée comme politiquement incorrecte. Jeune ou moins jeune, chacun rêve de posséder un coupé italien, une petite anglaise rageuse ou une puissante berline allemande. Hélas, pour qui ne dispose que d'un budget moyen, il y a loin du rêve à la réalité et les constructeurs généralistes vont s'efforcer de rendre accessible ce rêve de performances, en proposant des mécaniques très affûtées sous l'habillage anodin de berlines de grande série. A ce titre, on peut saluer comme véritablement géniale l'initiative de Renault de faire de la R8 Gordini un modèle à part entière, parfaitement intégré dans la gamme à partir du printemps 1965. Mais Renault n'est pas un précurseur en la matière. Dès juillet 1961, la BMC lançait une Austin Cooper, qui dans sa première version, voyait sa cylindrée passer de 848 à 997 cm3 et bénéficiait d'une puissance de 56 ch, contre 34 pour le modèle de base. Emboîtant le pas un an et demi plus tard, en janvier 1963, Ford dévoile et commercialise dans son réseau sa " Cortina Sport Spéciale ", autrement dit une Cortina " revisitée " par Lotus, qui développe rien moins que 106 ch réels, contre 60 ch pour la 1500 " de base ".
Notez comme le passager de cette Cortina Lotus présente une ressemblance troublante avec Colin Chapman en personne ! Illustration issue du 1er feuillet publicitaire consacré à cette auto en 1963. Nul ne s'étonne plus aujourd'hui de la présence chez n'importe quel généraliste, de versions très sportives de modèles de grande diffusion, mais à l'époque, il est hasardeux pour un constructeur réputé traditionaliste et sérieux d'engager son image avec un tel modèle, fût-il " développé " comme disent les Anglais avec l'aide de Colin Chapman. Pourtant, alors qu'Issigonis n'avait donné que du bout des lèvres son feu vert à la version Cooper de sa " Baby ", le PDG de Ford, sir Hennessy, se lance sans trop hésiter dans l'aventure. Que l'initiative de ce modèle soir revenue à Chapman lui-même ou à Walter Hayes, arrivé chez Ford en 1962 à la tête du département des relations extérieures, peu importe finalement. Ce qui est sûr, c'est que le patron de Lotus entretient d'excellents rapports avec Hennessy. L'image trop sage de la Cortina a tout à gagner de l'existence d'une version capable d'acquérir un palmarès en compétition. De plus la Mini Cooper fait un peu trop parler d'elle, en bien évidemment, dès 1962 au rallye du Royal Automobile Club et au rallye des Tulipes, avant la victoire suprême au Monte-Carlo de 1964.
Couverture du dépliant Ford Consul Cortina Lotus 1963/64 La BMC est en ligne de mire, mais alors que la Mini compte sur son agilité intrinsèque pour marque des points, la Ford, malgré une conception de base saine, devra subir des transformations pour encaisser ses nouvelles performances. Pour l'usine, présenter la Lotus quelques mois après le modèle de série tient d'ailleurs de la gageure. Au moment où l'équipe de Chapman s'attelle à la tâche, la voiture est encore secrète ! Si bien que les premiers acheteurs qui ne seront servis que plusieurs mois après la présentation officielle, un gros travail de mise au point restant à faire, seront déçus par le manque de fiabilité de l'engin et subiront de nombreuses casses au niveau du pont arrière, l'ancrage de la nouvelle suspension en étant la cause. De plus, à ses débuts, la voiture souffre d'un survirage excessif et de problèmes de rigidité. C'est pourquoi bien des Cortina Lotus attendront un peu dans la vitrine des concessionnaires avant de trouver acquéreur.
Ambiance résolument sportive à bord de la Cortina Lotus 1963/64, avec un volant d'origine Lotus Pourtant, la mécanique a de quoi séduire. Les moteurs Ford constituent une excellente base de travail pour Harry Mundy, un ami de Colin Chapman dont la réputation n'est plus à faire. Il a travaillé pour Alvis, BRM puis Coventry Climax, et même pour le compte de Facel Vega. Chapman lui confie l'étude d'une culasse en alliage léger à double arbre à cames en tête adaptable au bloc de la Cortina 1500 qui dispose de cinq paliers. Le moteur ainsi transformé est d'abord destiné à la future Lotus Elan (qui apparaîtra avant la Cortina Lotus en octobre 1962), mais va être réalésé pour faire passer la cylindrée de 1498 à 1558 cm3.
Ford Cotina Lotus, extrait de la brochure de mars 1964 C'est sous cette forme qu'il apparaît sur la Cortina Lotus. Le bas moteur n'est pas modifié, mais le vilebrequin reçoit un traitement spécial, tandis que l'alimentation se fait par deux carburateurs double corps Weber horizontaux. A la sortie, l'échappement est à quatre branches avec résonateur, et un radiateur d'huile est disponible en option. On obtient ainsi la puissance de 106 ch à 5500 tr/mn. La vitesse maximale de 108 mph (174 km/h) et les accélérations (0 à 60 mph, soit 97 km/h en 8,3 secondes) font de la Cortina Lotus l'une des berlines les plus performantes du moment, et en tout cas la Ford Anglaise la plus rapide jamais construite.
Aucun doute ne subsiste quand à l'origine de la préparation Mais le moteur n'est pas tout. Lotus a retenu pour base la coque et la mécanique de la future Cortina GT, à laquelle certaines modifications ont été apportées. Ainsi, les panneaux extérieurs des ouvrants (portes et capots) sont-ils en aluminium, pour conserver un rapport poids/puissance favorable, et des pièces comme la cloche d'embrayage ou le carter de différentiel sont réalisés en aluminium coulé. Les Cortina Lotus n'existeront jamais qu'en deux portes. La suspension surbaissée de 9 cm fait appel à l'arrière à des ressorts hélicoïdaux et des bras de poussée ainsi qu'à un triangle central d'amarrage. On peut obtenir en option des amortisseurs réglables. A l'avant, les ressorts ont été durcis et on trouve une barre antiroulis faisant office de triangulation. Les jantes élargies sont chaussées en 6.00 x 13 et la direction plus directe est commandée par un volant en bois semblable à celui des Lotus Elan. Le freinage assisté, à disques à l'avant, se révélera excellent. La batterie a émigré dans le coffre, qui reçoit aussi la roue de secours boulonnée à plat. La Cortina Lotus bénéficie d'une commande de vitesses au plancher très directe, semblable à celle de la GT, avec des rapports de boîte plutôt longs, d'autres rapports étant disponibles selon les besoins. La finition reste soignée et le tableau de bord reçoit l'instrumentation indispensable à la conduite sportive.
Le tableau de bord des Cortina Lotus 1965/66 Tout cela se paye, et en France, la Cortina Lotus se vend 19 990 francs en 1965, contre 9 977 francs pour une 1500 GT deux portes. L'assemblage n'a pas lieu chez Ford, mais chez Lotus, à Cheshunt, dans le Hertfordshire. La fonderie des culasses est sous-traitée auprès de JAP, dont la réputation en matière de motos de sport n'est plus à faire. Les coques arrives de Dagenham peintes en blanc et sont accompagnées de certaines pièces mécaniques de série. Elles reçoivent alors leur moteur, ainsi que les sigles qui distinguent la voiture de ses consoeurs : les badges Lotus et la bande de peinture verte courant le long de la moulure en creux des flancs et jusque sous le couvercle de coffre arrière.
Ford Cortina Lotus 1965/66 La Cortina Lotus évoluera au cours de sa carrière en même temps que le reste de la gamme et bénéficiera du restylage apparu sur les modèles 1965, tableau de bord compris. Mais elle devra encore subir des renforts de structure et diverses modifications mécaniques pour correspondre aux standards de fabrication habituels de Ford. C'est ainsi qu'en juillet 1964, elle reçoit un arbre de transmission en deux parties et perd la plupart de ses éléments de carrosserie en aluminium. En juin 1965, les ressorts hélicoïdaux arrière sont remplacés par des ressorts classiques à cinq lames. Contre toute attente, ce qui pouvait apparaître comme une régression mécanique donnera de bons résultats sur la route, et rendra la voiture bien plus fiable. Enfin, en octobre de la même année, les rapports de boîte sont modifiés, et quelques voitures à conduite à gauche sont finalement construites. En effet, jusque-là, elle n'était livrable qu'en conduite à droite, pour des raisons d'encombrement de certaines pièces (boîtier de direction, échappement).
Le surbaissement de la Lotus est nettement visible sur cette version 1965/66 Après des débuts difficiles, la production a mis un an à prendre son rythme de croisière, cette première génération de Cortina survitaminées qui s'éteint à l'automne 1966 atteindra tout de même les 3 306 exemplaires. Dans ce nombre, on trouve une série limitée de 30 Cortina Groupe 2 d'une puissance de 140 ch, et un certain nombre de voitures client, dites à " équipement spécial ", dont la puissance a été portée à 115 ch. C'est au milieu de 1962 que la firme de Dagenham se lance résolument dans un programme de compétition ambitieux. La Cortina en rallye va reléguer aux oubliettes les " vieilles " Zéphyr, bien lourdes au demeurant malgré leur puissance. L'équipe compétition, désormais dotée de ses propres locaux, à Boreham, non seulement prépare les voitures " usine ", mais fournit aux clients privés des accessoires homologués. En fait, il apparaît rapidement que la Lotus n'est pas encore suffisamment au point et que c'est à une autre version qu'il faudra d'abord confier le soin de défendre les couleurs de la marque en rallye. Les toutes premières Cortina de compétition sont donc des 1200 dûment gonflées, mais c'est avec la 1500 GT que Ford emporte ses premiers succès. Celle-ci va s'illustrer sur les plus grandes épreuves du moment, qu'il s'agisse de la Coupe des Alpes, du rallye du RAC ou de la très dure épreuve de l'East African Safari. Entrée en piste plus tardivement, la Lotus Cortina n'est homologuée qu'en septembre 1963. Pendant cinq ans, de 1963 à 1967, les Lotus Cortina Mk I puis Mk II permettront à Ford d'emporter 42 trophées au BRSCC (British Saloon Car Championship), qu'il s'agisse de victoires de classe ou de victoires absolues, et de remporter ce championnat en tant que constructeur en 1964 et 1966, succès auxquels il faut ajouter le championnat d'Europe des voitures de tourisme en 1965.
La Cortina Lotus est aussi à l'aise sur circuit que sur les rallyes, illustration de Michael Turner Mais la Lotus Cortina n'est pas destinée qu'aux circuits. En 1965, la police du Sussex en commandera quelques exemplaires, pour lutter à armes égales avec les malfrats ou les chauffards les plus rapides.
La Cortina Lotus permit de remplacer à moindre coût
plusieurs Jaguar Mk II Mk II, octobre 1966 C'est à l'automne 1966 que Ford présente une seconde génération de Cortina, d'apparence très différente. La carrosserie a été redessinée dans un style moderne et net, avec des lignes proches de celles des Hillman Hunter apparues à la même époque. En revanche, la conception d'ensemble et le soubassement sont les mêmes que sur la Cortina Mk I. On retrouve donc sans plaisir la suspension arrière archaïque à ressorts à lames (Ford rééditera l'exploit avec l'Escort deux ans plus tard) et, mise à part la présence de voies élargies et de freins à disques à l'avant sur tous les modèles, la nouvelle venue ne peut se prévaloir que d'un espace habitable et d'une qualité de fabrication accrus. On a généralisé le levier au planchet et les sièges séparés, sauf sur les De Luxe où ils sont en option. D'autre part, Ford modifiera la boîte pour éliminer le " trou " gênant qui, depuis les origines, existe entre les second et troisième rapports.
La Ford Cortina Mk II dans sa version Australienne L'achat d'une Cortina, fût-elle " nouvelle ", est loin de constituer une aventure. Les lignes sont plutôt anonymes, mais agréablement proportionnées. Carrosseries, niveaux de finition et étagement de gamme, rien ne change dans l'offre Ford, sauf que le modèle de base n'est plus une 1200, mais une 1300, dotée d'un moteur de 1297 cm3 offrant 51 ch Din. Le client peut toujours choisir entre des berlines deux et quatre portes, qui seront épaulées par un break dès février 1967. Deux moteurs sont disponibles, 1300 ou 1500 cm3, et deux exécutions, Deluxe ou Super. A ces versions s'ajoute une berline GT dotée du moteur 1500 de la GT Mk I, qui développe comme par le passé la puissance de 75,5 ch Din grâce à son carburateur double corps.
Ford Cortina GT Mk II Par la suite, il existera aussi une Cortina 1100 pour certains marchés d'exportation. Il faut attendre le printemps 1967 pour que sorte avec la nouvelle caisse une Cortina Lotus qui connaîtra elle aussi le succès en compétition. Malheureusement pour Chapman, Ford en reprend à son compte la fabrication, qui sera plus soignée que celle de sa devancière. La bande de couleur sur les flancs devient une option, et la voiture est livrable avec un choix étendu de couleurs. Finis les panneaux en alliage léger ou les pièces mécaniques en aluminium, mais le moteur est livré en série en version 115 ch. Il est presque identique à celui de la future Escort Twin-Cam qui détrônera la Cortina à son apparition en 1968.
Ford Cortina Lotus Mk II Le succès continue. 100 000 Cortina sont vendues durant les quatre mois qui suivent la présentation. Ce succès, il convient de l'amplifier. Poursuivant une politique d'amélioration constante de ses produits, Ford propose du neuf dès le millésime 1968. L'équipement marque des progrès, la De Luxe recevant comme les autres modèles un tableau de bord vermiculé, un allume-cigare et de la moquette. Mais c'est surtout l'adoption de nouveaux moteurs qui retient l'attention. Alors que Ford Allemagne s'aventure dans la voie des 4 cylindres en V, les Anglais préfèrent perfectionner leur 4 en ligne, et présentent les moteurs " Kent ", dont la carrière se poursuivra jusqu'en, 1983. La cylindrée des 1300 ne change pas, mais leur puissance passe à 54 ch, avec un couple et des performances améliorés pour une consommation inchangée. Fait intéressant, le moteur 1500 est remplacé par un 1600 (1599 cm3) qui développe 64 ch Din. Quant à la GT, qui sera sur commande spéciale livrable en break à partir du milieu de 1968, elle est équipée du même moteur, mais avec son carburateur double corps, elle n'offre pas moins de 82 ch Din. Avec ses 1588 cm3, la Lotus n'est plus la Cortina offrant la plus forte cylindrée. Qu'elles soient GT ou Lotus, les Cortina performantes se caractérisent par une présentation ordinaire qui ne leur permet pas de rivaliser avec les berlines sportives et soignées que sont les BMW 1600 et Alfa Romeo Giulia 1300. Ford présente donc au Salon de Paris 1967 une Cortina 1600 E, pour " Executive ", dotée d'une finition exceptionnelle : tableau de bord et moulures de portes en bois, sellerie spécifique (avec une banquette arrière à deux places séparées dans le style de celle de la Rover 2000), volant sport, moquette épaisse et insonorisation renforcée. Extérieurement, la présentation est sportive avec des jantes légères " Roystle ", des phares longue portée et une calandre noire mate. Mécaniquement, la 1600 E s'apparente à la fois à la GT, avec laquelle elle partage moteur, freins et transmission, et à la Lotus dont elle reprend les suspensions surbaissées. C'est une voiture pour PDG pressé mais discret. Elle est vendue 12 350 francs à l'automne 1968, contre 13 500 francs par exemple pour une Alfa Giulia 1300 Ti.
Ford Cortina 1600 E Les Cortina ont donc le vent en poupe, et à l'extérieur de l'usine Jeff Uren, un préparateur artisanal installé à Hanwell, à l'Ouest de Londres, propose depuis 1967 une Cortina " Savage " dans laquelle il a installé le moteur V6 de la Zephyr Six. Si Ford ne garantit pas la mécanique, la conversion ne déplaît pas aux décideurs de la maison, qui voient là une bonne occasion de faire parler de la voiture, d'autant que les liens d'Uren avec la marque ne datent pas d'hier : vainqueur du championnat BRSCC en 1958 avec une Zéphyr, il a dirigé l'équipe sportive de la marque entre 1960 et 1962
Ford Cortina Savage par Jeff Urne Au total, plus de 1700 Savage seront construites entre 1967 et 1969. Nombreux d'ailleurs sont les autres préparateurs qui se sont intéressés à la Cortina, avec des gains de puissance variables selon les techniques employées. Comme la Mk I, la Cortina Mk II subit une remise à niveau après deux ans d'existence. Les modèles 1969 et 1970 offrent donc la finition améliorée, un levier au plancher même sur les De Luxe, et se distinguent par des mesures intéressant la sécurité, avec des accessoires non contondants, une colonne de direction déformable et un volant rembourré. Sur les GT, 1600 E et Lotus, les cadrans additionnels sont intégrés dans la planche de bord. Extérieurement, seule la nouvelle calandre permet d'identifier ces MK II " et demi ", qui se maintiendront jusqu'à la fin aux premières places des ventes outre-Manche. Ford en effet fournit une 1600 E à chaque joueur de l'équipe de football nationale, alors championne du monde, au moment où se déroule en Angleterre la coupe du monde 1970. Les Anglais perdront, mais la Cortina est associée à la sympathie des supporters pour leurs joueurs.
Ford Cortina, publicité magazine, 1969 Si la Cortina rencontre le succès commercial, ce n'est pas le cas de la Taunus allemande à traction avant. Jusqu'au milieu des années soixante, la politique du constructeur avait été de laisser coexister sur certains marchés des Ford anglaises et allemandes finalement concurrentes, tandis que dans d'autres pays on assistait à la domination des unes et à l'abandon total de la place par les autres. Cette rivalité sournoise est à l'origine d'une certaine confusion et se révèle nuisible. Henry Ford décide donc de créer une entité unique, appelée " Ford Europe ", et de rationaliser les moyens d'études et de production. Si les Anglais détiennent une supériorité certaine dans le domaine des moteurs, les Allemands ont un bon savoir-faire en matière de qualité. La transition se fait donc sans trop de dégâts pour les susceptibilités individuelles, d'autant plus que le directeur de la nouvelle entité, l'Américain John Andrews, choisit pour quartier général le nouvel immeuble de Ford UK, situé à Warley dans l'Essex. Mk III, octobre 1970 Si la conception de la première Ford Escort, lancée et produite simultanément en Angleterre et en Allemagne, est à porter au crédit de Ford UK, c'est la Capri qui représente la première création commune des deux filiales. La Cortina Mk III sera la seconde. Il devient urgent, en effet, de remplacer un modèle étriqué dont la plateforme remonte à la fin de 1962. Les études commencent en 1967, sous le nom de code " TC " (Taunus Cortina). Raconter la genèse de la Cortina Mk III revient donc à retracer celle de la Taunus allemande, jusque-là rivale. Cette fois, les deux voitures qui seront présentées simultanément en octobre 1970 partagent soubassement, structure de caisse, suspensions, trains avant et arrière, et jusqu'aux panneaux intérieurs de portes ainsi qu'un grand nombre d'accessoires. Standardisation oblige, la Cortina doit donc se convertir au système métrique. La " TC " remplacera à la fois la Cortina Mk II, la Taunus 12 M à traction avant et la 17 M classique. La guerre est terminée. Qui l'a gagnée ? Techniquement, et commercialement, ce sont les conceptions des Anglais qui semblent avoir prévalu. L'expérience de la traction avant sur deux générations de Taunus 12 M n'a pas été concluante, et il faudra attendre la Fiesta de 1976 pour qu'une Ford fasse de nouveau appel aux roues antérieures motrices. Un fait est cependant à méditer : l'ingénieur qui a supervisé le travail, Harley Copp, n'est pas Anglais, mais ... Américain ! Mécaniquement, tout est nouveau, même si la conception reste classique. On note en particulier une direction enfin à crémaillère, une suspension avant par leviers triangulés, une suspension arrière à ressorts hélicoïdaux, un pont arrière " Salisbury ", rigide mais contrôlé par quatre bras, des voies élargies, bref un confort et une sécurité accrus. La volonté a été de créer une voiture cossue et spacieuse, valorisante pour la clientèle quelle que soit la motorisation retenue. Le prix à payer est un alourdissement généralisé, de l'ordre de 50 kg par rapport à la Mk II.
Ford Cortina GXL Mk III, 1970/73 Cependant, la standardisation a ses limites et chaque filiale garde certaines spécificités, d'abord en matière de style extérieur. La Cortina III se distingue de la Taunus par un traitement différent de certains éléments de la " peau " extérieure, dans un style qui n'a plus rien à voir avec celui des deux générations précédentes malgré une longueur inchangée (4,27 m). Les lignes marquent une américanisation certaine, en particulier au niveau de la poupe et de la remontée des vitres arrière, avec pour résultat une allure sportive qui, dixit le dossier de presse, se veut le " reflet de l'implication de la marque en compétition ". Le tableau de bord et les garnitures sont eux aussi d'inspiration transatlantique. Autre différence par rapport à la Taunus, les moteurs, chaque filiale ayant été autorisée à choisir les siens. Comme par le passé, on trouve en bas un 1300 et un 1600 cm3 issus de l'ancienne gamme, mais améliorés et dont la puissance passe à 57 ch et 68 ch Din, puis un 1600 GT de 86 ch Din, qui n'est pas celui de la Cortina Mk II, mais un groupe à arbre à cames en tête déjà vu sur les Escort et Capri. A présent, la gamme est coiffée par un nouveau moteur deux litres de 98 ch Din, qui n'est autre que celui de la " subcompacte " Ford Pinto américaine, ici associé à la boîte des Taunus 20 M. La transmission automatique est disponible sur toutes les versions, sauf la 1300. D'emblée, la gamme est forte de 35 modèles, mais ne comprend plus de version " Lotus ". Comme dans le cas des Capri, la clientèle à la possibilité de " bâtir " sa Cortina selon une architecture baptisée " Custom Plan ". Les appellations des finitions, graduées suivant leur niveau de luxe (L, XL, GT, GXL ...) sont désormais les mêmes pour toutes les productions de Ford Europe. Dans la pratique, si on veut vraiment obtenir la voiture de son choix, on doit accepter des délais de livraison à rallonge, d'autant que l'acheteur se voit également proposer une liste impressionnante d'options. Heureusement, la gamme sera un peu simplifiée au fil des années, avec la suppression successive de la 2 litres " de base ", des deux portes et des breaks en finition L, des XL 1300, des breaks 1300, et enfin des deux portes GXL et GT ... La voiture connaît aussi une remise à niveau à l'automne 1973, trois ans après son lancement. Le moteur 1600 " Kent " disparaît au profit d'une version 1600 du Pinto. On note des rapports de boîte modifiés et l'adoption d'une barre antiroulis à l'avant sur tous les modèles. L'extérieur reste inchangé, mis à part l'adoption de phares rectangulaires (au lieu des doubles phares) sur les modèles supérieurs. En revanche, à l'intérieur, un pas supplémentaire vers la standardisation est franchi, avec l'adoption d'un tableau de bord identique à celui qui est apparu sur les Taunus du même millésime. On note aussi la sortie d'une 2000 E, qui n'existe qu'en quatre portes et en break, et qui est traitée dans l'esprit de l'ancienne 1600 E Mk II, avec des garnitures cossues, un tableau de bord et des contre-portes en noyer véritable, un toit en vinyle et la radio en série. Le clientèle ne semble d'ailleurs pas dérangée par le caractère " germano-anglais " de la Cortina, et maints utilisateurs à Londres ne se doutent même pas qu'ils roulent presque dans la même voiture qu'Herr Müller, de Cologne ! Ainsi va la Cortina, pendant quatre ans de suite, qui va être la voiture la plus vendue sur le marché anglais. A l'exportation, il n'est plus question pour elle de rouler sur les plates-bandes de la Taunus. La voiture n'est pas vendue en France, mais on en trouve en Belgique et en Suisse. En revanche, elle fait un tabac sur les marchés du Commonwealth, en particulier en Afrique du Sud et en Australie, pays pour lesquels sera étudié un pick-up, qui sera produit à 4855 exemplaires dans l'usine sud-africaine de Port Elisabeth. En Europe, il faudra attendre juillet 1982, quelques semaines avant la fin des Cortina, pour qu'apparaisse sur le marché le pick-up " P100 ", construit sur la base de la Mk IV. Les Australiens auront également le privilège de pouvoir rouler avec des Cortina équipées du moteur 6 cylindres en ligne de la Ford Falcon, dont la cylindrée de 4,1 litres laisse songeur.
Ford Cortina Pickuup produit en Afrique du Sud Mk IV, octobre 1976 La quatrième génération de Cortina va apparaître en octobre 1976, quelques mois après la présentation des nouvelles Taunus apparues en janvier, et ce pour des raisons d'industrialisation. Cette fois, les deux voitures sont vraiment semblables, bien que certaines différences de motorisation subsistent.
Ford Cortina Mk IV Par exemple, la Cortina 1300 conserve le moteur " Kent ", tandis que la Taunus correspondante fait appel à un " Pinto " d'une cylindrée légèrement inférieure. Une Cortina à moteur V6 apparaîtra en septembre 1977, avec le 2300 connu depuis longtemps à Cologne. Ford a réemployé l'infrastructure de la troisième génération, avec une nouvelle superstructure. Les Anglais avaient un temps envisagé de conserver leur style propre, mais il est clair qu'ils ne sont plus les maîtres du jeu, bien que leur part de marché intérieur soit en constante progression. Elle avoisinera les 30 % à partir de 1977, alors que Ford Allemagne stagne à la même époque à 15 % du marché allemand. Les Américains imposent à Dagenham ce que la General Motors mettra un peu plus de temps à faire admettre à Vauxhall, à savoir un alignement sur les produits Opel. Le Royaume-Uni n'intéresse plus les géants américains pour sa matière grise, mais pour ses installations industrielles, qu'il convient de rentabiliser ... quand les conflits sociaux et l'inflation en laissent la possibilité. Entre 1967 et 1975, une partie de la production avait d'ailleurs été délocalisée à Amsterdam, et depuis 1977 des Cortina / Taunus sont montées à Genk en Belgique et Cork en Irlande.
Ford Cortina Mk IV, après restyling d'octobre 1979 C'est en octobre 1979 qu'intervient un ultime rajeunissement. Sous un aspect presque inchangé, cette dernière Cortina cache d'importantes retouches sur tous les plans, puisque seuls les panneaux de portes sont exactement les mêmes que sur la version précédente. Ici encore, les motorisations s'échelonnent de 1300 à 2300 cm3. Petit à petit, la Cortina a changé de carrure, au point que la voiture qui va lui succéder à la fin de sa carrière, en juillet 1982, sera la Sierra, qui elle-même sera remplacée par une Mondéo à traction avant clairement positionnée dans le segment des moyennes supérieures.
La Sierra succède aux Cortina et Taunus |