Morris Marina
L'étude d'une nouvelle berline Morris La Morris Marina n'a pas laissé un souvenir impérissable dans la mémoire collective. Une ligne plutôt banale, une technique que l'on peut qualifier d'éprouvée, et une carrière sans relief sont autant d'éléments qui peuvent sans doute expliquer ce constat. Et pourtant, l'histoire de ce modèle ne manque pas d'intérêt. Pur produit du marketing, cette Marina avait une grande ambition : détrôner sur le marché britannique une certaine Ford Cortina de plus en plus gourmande. La Marina marque aussi la fin d'une marque célèbre et se signale par quelques étonnantes versions dérivées. De groupements en absorptions et fusions, l'industrie automobile britannique ne compte plus, à la fin des années soixante, que quatre constructeurs principaux : Ford, Vauxhall (General Motors), Rootes (propriété de Chrysler, sera cédé à Peugeot en 1978), et enfin la BLMC (British Leyland Motor Corporation) née en 1968. Un bref retour en arrière s'impose pour expliquer ces différents regroupements : - 1952 : fusion du groupe Nuffield fondé avant-guerre
(Morris, Wolseley, Riley, MG) et d'Austin (propriétaire de Vanden Plas
depuis 1946). Une nouvelle marque rejoint le groupe cette même année :
Austin Healey. Cet ensemble de sept marques constitue la BMC, pour British
Motor Corporation Limited. Si l'on excepte les très petits constructeurs spécialisés comme Reliant, Aston Martin, Rolls Royce ... c'est donc l'ensemble de l'industrie automobile britannique que l'on retrouve sous l'étiquette British Leyland Motor Corporation, face aux trois constructeurs à capitaux américains. Le constat du nouveau patron de la BLMC, Sir Donald Stokes (ex Leyland), une fois l'état des lieux dressé, est assez accablant : ce " grand machin " regroupe une foultitude de marques et de modèles qui se cannibalisent plus ou moins, et peu de projets existent pour renouveler les gammes vieillissantes. La stratégie du badge engineering initié par la direction de la BMC a fait la preuve de ses limites : les mêmes modèles sont déclinés sous plusieurs marques et vendus par des réseaux de distributeurs concurrents, avec parfois des différences insignifiantes entre les voitures. Tout cela apparaît finalement bien peu rationnel, et la clientèle moyenne a bien du mal à s'y retrouver.
Donald Stokes (1914/2008) fut à la tête de la BLMC de 1968 à 1975 Dans le créneau des voitures moyennes et moyennes inférieures, la BLMC propose les 1100/1300 à traction avant et suspension Hydrolastic, lancées en 1962, qui se vendent encore relativement bien avec 133 455 exemplaires écoulés sur le marché britannique en 1969. Mais il n'existe pour ce modèle aucun projet de renouvellement.
Morris 1100/1300 L'acheteur rebuté par cette mécanique d'avant-garde peut encore se tourner vers l'antique Morris Minor 1000, toujours recherchée par une certaine clientèle. Après vingt ans de carrière, 28 729 exemplaires sont encore fabriqués en 1969, dont 16 859 pour le marché national.
Morris Minor 1000
Austin A60 Cambridge Un cran au-dessus, les " Farina " 1600 (Austin A60 Cambridge, Morris Oxford, MG Magnette ...) âgées de dix ans et complètement dépassées résistent comme elles peuvent aux assauts des Ford Corsair et Cortina, Vauxhall Victor, Hillman Minx et Hunter. Nombre de ces voitures concurrentes aux lignes assez classiques et à la technique sans grande recherche remportent un énorme succès sur le marché des flottes d'entreprise, extrêmement important aux Royaume-Uni, puisqu'il constitue pas loin de la moitié du parc automobile. Enfin, chez Triumph, il subsiste une Herald en fin de carrière et la 1300 à traction avant lancée en 1966, qui trouve 21 932 clients Outre-Manche en 1969.
Ford Corsair
Ford Cortina
Vauxhall Victor
Hillman Hunter
Triumph 1300 Du côté du bureau d'études, Lord Stokes n'a trouvé qu'un seul projet viable, codé AD014, dont l'étude est en phase terminale. Lancé au mois d'avril 1969, l'Austin Maxi est une traction avant à hayon et suspension Hydrolastic, animée par un moteur de 1485 cm3 entièrement nouveau. Séduisante sur le papier, cette Renault 16 à la sauce anglaise manque pourtant de saveur dans la pratique, et la presse ne manque pas de la juger sévèrement : moteur mou, boîte rugueuse, ergonomie insuffisante, style peu convaincant. La voiture comble certes un trou entre les 1300/1500 et les 1800, dont elle adopte la sophistication technique, mais elle ne semble pas capable d'attirer la clientèle traditionnelle, qu'elle est pourtant censée remplacer. Au contraire, vis-à-vis du marché des flottes et de cette clientèle qui apprécie tant la robuste Morris Minor, la sophistication technique apparaît plutôt comme un défaut, nécessitant un entretien coûteux et cause de pannes diverses, une réputation pas toujours usurpée d'ailleurs, car la vie des propriétaires des 1100/1300 et 1800 n'a pas forcément été exemple de soucis.
Austin Maxi Contre l'avis d'une partie du comité de direction, qui trouve prioritaire le remplacement des 1100/1300 et trouve inadéquate la confrontation directe avec Ford, Donald Stokes prend alors très vite la décision logique de faire étudier un nouveau modèle qui répond précisément à ce cahier des charges : récupérer la clientèle de la Morris Minor, des modèles Farina et capter celle attirée par les Ford Cortina, Hillman Hunter et autres Vauxhall Victor. Cela signifie en clair adopter une ligne classique à trois volumes de dimensions généreuses, un moteur avant, des roues arrière motrices, des suspensions classiques, etc ... Dès le mois de mai 1968, l'étude AD028 est lancée sur cette base, avec pour objectif une présentation au Salon de Londres au mois d'octobre 1970. Le temps presse en effet, car si l'ensemble des ventes du groupe représente encore bon an mal an environ 40 % du marché britannique, la lutte avec les constructeurs anglo-américains et les marques importées (dont la part de marché passe de 5,1 % en 1965 à 10,4 % en 1969) va clairement aller en s'intensifiant. C'est l'ingénieur Harry Webster, jusque-là à la tête du bureau d'études de Triumph, et à qui l'on doit notamment la 1300 à traction avant, qui est chargé de mener le projet à bien. Le projet AD028 ne donne pas dans la sophistication technique, mais il souffre pourtant d'autres contraintes : celles de l'urgence et de la nécessité d'un prix de revient le moins élevé possible. Au départ, on envisage de reprendre comme base la Morris Minor, mais sa conception trop ancienne fait bientôt abandonner cette idée. La nouvelle venue devra ratisser large. Deux mécaniques sont retenues pour le lancement : le 1275 cm3 bien connu des BMC 1300, et le 1798 cm3 monté sur les 1800 et MGB. Côté boîte, on puise aussi dans la banque d'organes du groupe, et c'est finalement l'ensemble étudié pour la Triumph 1300 qui est retenu. La suspension avant et le système de freinage proviennent bien de la Morris Minor, mais sont sensiblement modifiés. Pour le style, Harry Webster charge Roy Haynes (débauché en 1967 de chez Ford, qui lui doit la carrosserie de la Cortina Mk II) de tracer les lignes d'une berline qui doit être assez élégante, esthétiquement comparable à ses rivales désignées et relativement grande, de façon à ce que le client ait le sentiment " qu'il en a beaucoup pour son argent ". Hayne dessine la berline demandée et un coupé qui reprend l'essentiel des emboutis (entre autres les portes avant), mais dont la ligne plus " excitante " est susceptible de plaire à un public plus jeune. Il a travaillé vite, car dès le 5 août 1968, son projet est confronté à deux autres propositions venant d'Italie : celle de Pininfarina qui collabore avec la BMC depuis l'Austin A40 de 1958, et celle de Michelotti, styliste attitré chez Standard Triumph depuis 1958. Ces deux propositions sont jugées trop coûteuses à fabriquer, et sont écartées au profit de celle de Haynes. La stratégie mise en place par Stokes assigne un rôle plus clair à chacune des marques. Austin proposera désormais les véhicules à contenu technologique élevé, et Morris se cantonnera plutôt dans le créneau des voitures familiales robustes, ce qui correspond finalement bien à l'image que William Morris s'était jadis attaché à donner à sa production. L'AD028 sera donc clairement une Morris, encore faut-il lui trouver un nom : Monaco, Mirage, Major ou Maori ? Ce sera finalement Marina, dont la consonance rappelle d'ailleurs Farina et surtout ... Cortina ! Avril 1971 Contrairement à ce que Lord Stokes espérait, la Marina ne sera pas présentée au Salon de Londres d'octobre 1970, mais six mois plus tard, exactement le 27 avril 1971.
Paris 1971, la Marina dans sa version haut de gamme 1800 TC Ce jour-là, la presse est conviée à Cannes pour une séance d'essais, mais quelques journalistes triés sur le volet ont déjà pu conduire la Marina au début de l'année, et leurs conclusions sont unanimes : la voiture souffre d'une tendance exagérée au sous-virage, en particulier la version la plus puissante. Webster admettra finalement le problème et fera monter une barre anti-roulis à l'avant sur toutes les versions 1.8. Les voitures déjà fabriquées seront modifiées avant d'être livrées.
Berline et Coupé Marina, en version de base De Luxe, avec une calandre scindée en deux parties
Le manque d'inspiration du designer paraît évident quand on observe le coupé Marina. La tâche n'était toutefois pas aisée en conservant la porte avant de la berline. Le modèle de teinte blanche est une version Super De Luxe identifiable à sa calandre sans séparation centrale.
Au premier plan, le coupé Morris Marina en impose un peu plus dans cette version 1.8 TC Trois moteurs sont proposés : 1300 (1275 cm3) de 57 ch Din, 1800 (1798 cm3) de 78 ch Din et 1800 TC (1798 cm3) de 87 ch Din obtenus grâce à deux carburateurs. Ceux-ci sont associés à deux carrosseries (berline et coupé) et à trois niveaux de finition (De Luxe, Super De luxe et TC). La gamme Marina compte d'entrée de jeu dix modèles. L'accueil est relativement bon auprès de la presse britannique, mais en France, la conception classique, pour ne pas dire vieillotte, passe mal. L'Action Automobile présente ainsi la Marina dans son numéro de juin 1971 : " Quand on a conduit une Escort ou une Avenger, on a l'impression de connaître la Marina depuis toujours ... la direction est précise et légère, les freins satisfaisants, le confort relatif et le niveau sonore très accusé dès que l'on cherche à rouler vite. Le comportement foncièrement sous vireur donne toute confiance mais le train arrière s'éprend de liberté aux moindres irrégularités de la route. Il suffit d'avoir un peu pratiqué le réseau routier anglais pour comprendre que les ingénieurs d'Outre-Manche ont le plus grand mal à " penser " une voiture pour la Grande Bretagne et le Continent. " Le même mensuel lors de la commercialisation de la voiture en France en mai 1972 évoque son aspect extérieur et intérieur : " Du point de vue de la présentation extérieure, la simplicité confine ici à l'austérité. Les lignes ne manquent pas d'une certaine élégance mais les roues de petit diamètre semblent perdues dans de trop généreux passages d'ailes. Plus intéressante est la présentation intérieure, bien que certains détails de finition mériteraient d'être revus ... qui est traitée de façon très convenable et l'équipement donne satisfaction ... "
Publicité presse pour le marché français, octobre 1973 Objectivement, la Marina se défend par sa bonne habitabilité, des performances honnêtes, une consommation raisonnable, et surtout un prix intéressant, son principal argument. En France, la berline 1300 vaux 12 990 francs, soit à peu près le prix d'une Peugeot 104 GL, d'une GS Confort ou d'une Renault 12 L. Toutes les Marina vendues sur le Continent sont assemblées en Belgique, dans l'usine Leyland de Seneffe, ce qui explique peut-être en partie ce prix.
Le site de la British Leyland à Seneffe en Belgique vers 1977 Octobre 1972 Au mois d'octobre 1972, la gamme s'élargit avec l'arrivée d'un break cinq portes, dans un premier temps proposé uniquement avec le moteur 1800 de 78 ch Din. Il faut attendre le mois de mars 1976 pour que le break soit proposé avec le moteur 1300.
Dans la famille Marina, c'est sans aucun doute le break qui présente le profil le plus équilibré Octobre 1975 A l'occasion du Salon de Londres d'octobre 1975, la Marina fait l'objet d'une réelle mise à niveau, principalement dans le domaine des suspensions et du comportement routier, ce qui n'est pas un luxe. Une barre anti-roulis est désormais montée à l'avant comme à l'arrière, et la direction est modifiée. La 1.3 bénéficie maintenant comme la 1.8 de freins à disques à l'avant.
Morris Marina coupé et berline Ces Marina 2 disponibles en berline, coupé et break se reconnaissent aussi à leur nouvelle grille de calandre. Concernant la berline, la 1.3 (57 ch Din) est disponible en version De Luxe et Super, la 1.8 (72 ch Din) en Super et Special (toit vinyle), et les 1.8 HL et GT (85 ch Din) remplacent l'ancienne TC. Sur les Special, HL et GT, la calandre intègre des phares à iode. Le tableau de bord a été complètement redessiné, et adopte en face du passager avant un arrondi qui dégage l'habitacle de façon assez spectaculaire.
Le tableau de bord des premiers modèles
Le tableau de bord est largement dégagé devant le passager à partir d'octobre 1975 Octobre 1978 Au mois d'octobre 1978, les moteurs 1.8 sont remplacés par le moteur de la série " O " de 1700 cm3 à culasse en alu et arbre à cames en tête déjà vu sur les Princess 2. Le tableau de bord est modifié, tout comme le pédalier, et on note la présence d'un nouveau volant à quatre branches en H incliné, sur le modèle de celui inventé par Porsche ... La Marina modèle 1979 se reconnaît aussi à ses nouveaux pare-chocs intégrant à l'avant les clignotants, aux feux arrière de plus grandes dimensions, et à ses répétiteurs de clignotants sur les ailes.
A partir du modèle 1979, les pare-chocs avant intègrent les clignotants, et la Marina possède une nouvelle calandre à quatre phares. Sur la berline, le toit vinyle est réservé à la version HL. Elle existe en version 1300 (1275 cm3) de 57 ch Din et 1700 (1698 cm3) de 79 ch Din, l'une et l'autre en finitions de base, L et HL. Le coupé n'existe plus qu'en version 1300, avec les finitions de base et L, et semble-t-il seulement pour le marché local. Toutes possèdent la calandre à quatre phares, mais le toit vinyle est réservé aux berlines HL, cette dernière définition étant la seule à proposer les sièges en velours, un compte-tours et des filets décoratifs sur la carrosserie.
En fin de carrière, le 1.8 est remplacé par un nouveau 1.7. Ici la version Estate. Sous d'autres latitudes A côté de ces versions proposées sur nos marchés, d'autres mécaniques ont trouvé refuge sous le capot de la Marina. A Singapour, par exemple, c'est la version Diesel qui a la côte. En effet, Lord Stokes, de passage là-bas à la fin de l'année 1971, constate qu'un grand nombre de taxis locaux sont des Oxford Diesel. Dès son retour à Longbridge, il donne l'ordre de faire construire deux prototypes de Marina à moteur 1500 Diesel, qui sont ensuite envoyés à Singapour. Par la suite, l'usine d'assemblage locale et celle de la Malaisie voisine montent ce moteur en série sur des voitures envoyées d'Angleterre en CKD. Au Portugal, l'usine de Setubal fera de même.
Taxi Morris Marina en Malaisie (source : https://www.flickr.com) En Australie, on aime plutôt les six cylindres. La filiale locale de Leyland imagine donc de loger sous le capot de la Marina un tel moteur, en fait le moteur de l'Austin Maxi 1750 doté de deux cylindres supplémentaires, ce qui donne 2623 cm3. La Leyland Marina (ici, elle ne s'appelle par Morris) existe aussi en quatre cylindres, mais pas avec les mêmes moteurs qu'en Europe. Les moteurs 150 OHC (1485 cm3) et 170 OHC (1748 cm3) sont en fait ceux que l'on trouve en Angleterre sous le capot de l'Austin Maxi. Entièrement fabriquées sur place, ces Marina australiennes sont mises sur le marché en 1973. Elles ont la même carrosserie que leurs homologues européennes, mais diffèrent par certains détails, notamment la suspension, et extérieurement, la calandre et quelques décorations de carrosserie. Hélas, Leyland Australie va mal, et pour ne rien arranger, ces Marina n'ont pas trouvé leur public, pas plus que la grande P76 dessinée et fabriquée sur place. Dès 1974, la production de ces modèles est arrêtée et l'usine fermée.
Coupé Marina " Red Six " proposé sur le marché australien, le six cylindres est d'origine locale
L'autre échec de Leyland en Australie, la P76 La Marina six cylindres est ensuite récupérée par l'usine sud-africaine, où elle sera produite pendant quelques années. Avant cet épisode, c'est une Marina aux standards anglais (mais dotée d'une calandre originale) qui était proposée à la clientèle d'Afrique du Sud, mais sous le nom d'Austin ... Deux autres versions inédites sont à porter au crédit de l'usine sud-africaine : un pick-up appelé " Marina Bakkie ", style de carrosserie très prisé par la clientèle locale, et une voiture de compétition très spéciale dotée d'un V8 de 3,5 litres développant 136 ch (le moteur de la Rover 3500) engagée en 1974 dans le Rallye Total. Conduite par Eric Fletcher et Geoff Mortimer, cette voiture est malheureusement accidentée et doit abandonner. L'expérience ne sera pas renouvelée. Aux Etats Unis et au Canada, les Marina 1.8 sont diffusées depuis le mois de février 1973 sous la marque Austin, plus connue que Morris et donc jugée plus commerciale. Devant leur succès plus que modeste, leur carrière s'arrête là-bas dès 1975. Les derniers modèles devront d'ailleurs être bradés.
Page de couverture du catalogue Marina pour le marché américain, janvier 1973 Dérivés La conception classique de la Marina se prête tout à fait à la réalisation d'un utilitaire léger, et Leyland entend bien ne pas abandonner ce créneau à ses concurrents. Dès l'été 1972, une fourgonnette 7/10 cwt apparaît sur le marché. Vendue indifféremment sous les marques Morris et Austin, et au début avec les moteurs 1098 cm3 ou 1275 cm3, cet utilitaire sera diffusé ultérieurement sous la marque Austin Morris, à la fois en fourgonnette et en pick-up, avec le moteur le plus puissant. A partir de 1978, ce modèle reçoit une nouvelle calandre et devient la Morris Marina Van, carrossée en fourgonnette normale ou surélevée.
Austin Morris Van Plus surprenantes, en revanche, sont les deux Marina SRV présentées pendant l'été 1974 : la Phase 1 réalisée à partir du coupé et la Phase 2 qui dérive de la berline, et qui sera exposée au Salon de Londres au mois d'octobre suivant. Porté par la mode sécuritaire qui touche la plupart des constructeurs à l'époque, le groupe Leyland imagine ainsi plusieurs prototypes sur la base des Mini, 1800 et Marina, cette dernière étant sans doute la plus aboutie dans sa Phase 2. Comme à l'habitude sur ce genre de prototypes, différentes solutions sont proposées pour améliorer la protection des piétons en cas de choc, et celle des passagers de la voiture en cas d'impact ou de tonneau.
Morris Marina SRV2
Morris Marina SRV2 Grâce à Crayford, le carrossier anglais qui décapsule la plupart des modèles populaires ou propose des versions breaks, la Marina peut être transformée en cabriolet. Le prototype est présenté au Salon de Londres en 1973, mais la voiture est finalement commercialisée à partir de l'année suivante par Mumford, un important concessionnaire du sud de l'Angleterre. Réalisée à partir du coupé, la transformation ne brille pas par son élégance. L'utilisation des étroites portières de la berline sur le coupé a en effet imposé l'installation d'une petite vitre latérale supplémentaire au niveau de l'arceau de sécurité. Par rapport au coupé Marina Super De Luxe tarifé à 1481 £, la Mumford convertible réclame 660 £ hors taxes en plus, ce qui fait tout de même assez cher pour rouler cheveux au vent ... ce qui est préférable, car au-dessus de 120 km/h, les bruits aérodynamiques deviennent insupportables une fois la voiture capotée, comme le rapporte le banc d'essai effectué par la revue Motor en 1974. C'est ce qui explique sans doute que peu d'exemplaires ont été fabriqués.
Morris Marina Convertible par Crayford Mumford (devenue ensuite Torcars) offre aussi une autre version typée loisirs à partir de la Marina, mais cette fois plus familiale. Dérivée de la fourgonnette, elle existe en simple break vitré (Utility) ou en version adaptée au camping (Suntor). Surfant sur une vague qui connaît à l'époque un succès certain Outre-Manche sur des bases diverses, notamment Bedford et Volkswagen, ces variantes bénéficieront au contraire d'une diffusion raisonnable. Juillet 1980 Déjà pas très moderne à son lancement en 1971, la Marina est devenue franchement obsolète à la fin de la décennie. En attendant une nouvelle génération de modèles, il lui faut pourtant encore assurer une présence sur le marché, quitte à subir un énième lifting, et à changer de nom. Le 2 juillet 1980, la nouvelle Ital succède donc à la Marina sur les chaînes de l'usine de Cowley. On retient surtout d'adoption d'une nouvelle calandre arborant fièrement le nouveau logo d'Austin Morris. Elle est encadrée par de grands phares rectangulaires et des clignotants aux extrémités. L'arrière, rehaussé grâce au couvercle de malle redessiné, adopte de gros blocs lumineux suivant la mode alors en vigueur. Les pare-chocs plus massifs et plus enveloppants sont garnis à l'avant d'un spoiler en plastique noir. Les poignées de portes, les baguettes latérales et les enjoliveurs de roues sont également nouveaux.
Morris Ital D'après les brochures publicitaires, ce chef-d'oeuvre serait le fruit du travail de Giorgetto Giugiaro, patron d'Ital Design, d'où le nouveau nom de baptême. Il se chuchote qu'en réalité, c'est Harris Mann qui a planché sur ce dessin dans son studio de Longbridge, et que l'avis de Giugiaro n'a été sollicité qu'au titre de consultant, et l'homme aurait, semble t il, apprécié que très modérément de voir son nom ainsi associé à cette ... chose. L'Ital apporte tout de même un peu plus qu'une carrosserie rajeunie. Les nouveaux sièges améliorent le soutien latéral, et cette nouvelle version reçoit des feux antibrouillard à l'arrière et un nouveau pommeau de levier de vitesses. L'insonorisation a fait l'objet d'un soin tout particulier, tout comme le traitement anti-rouille appliqué sous la voiture. Enfin, le fonctionnement de l'embrayage a été amélioré. La voiture est toujours proposée en versions 1.3 (61 ch) et 1.7 (79 ch), mais l'ancien moteur 1275 cm3 hérité des Mini et 1300 est ici remplacé par le moteur dit A+ de même cylindrée, récemment dévoilé sur l'Austin Allegro. Plus silencieuse, moins sujette aux vibrations, cette mécanique retravaillée est aussi plus économique. Hélas, cette Marina revisitée conserve son principal défaut. Sa suspension arrière reste inconfortable et peu sûre dès que le revêtement se dégrade. Elle n'est plus maintenant disponible qu'en berline et en break, en trois degrés de finition : L, HL et HLS. En France, il faut attendre 1981 pour acheter une Ital, dans la seule version 1.3 berline.
Morris Ital Ce replâtrage de la Marina ne permettra pas de booster les ventes. La voiture ne peut plus cacher ses rides et ses principaux arguments restent plus que jamais la simplicité d'emploi et l'économie à l'achat et à l'entretien. La Morris Ital poursuivra sa carrière sans changement jusqu'en 1984. Epilogue La sortie de l'Austin Montego, au mois d'avril de cette année-là, lui permettra de prendre une retraite bien méritée. Avec la disparition de l'Ital, c'est aussi la fin de la marque Morris. Devenu Austin Rover, le groupe Leyland fait ainsi le ménage parmi ses marques sans trop se soucier du passé. Le nom survivra pourtant encore quelques mois, sur une variante utilitaire de l'Austin Metro, avant de tomber définitivement aux oubliettes.
Austin Montego La variété de modèles fabriqués en Chine à partir des années 90 est peu connue en Europe. L'Ital en fait pourtant partie. En effet, en 1998, elle est ressuscitée là-bas par le groupe FAW (First Auto Works) de Chengdu, en versions break, fourgonnette et pick-up, sous le nom poétique de Huandu CAC6430. Au total, la Marina n'a pas été une si mauvaise affaire pour le groupe Leyland. La voiture s'est bien vendue sur le marché anglais, parfois autant que la Ford Cortina, et nettement mieux en tout cas que les Austin Maxi et Allegro qui chassaient dans la même catégorie. Cette remarque ne vaut pas pour le marché français, qui lui a nettement préféré l'Allegro, question de culture automobile certainement. Il fut produit 1 163 116 Marina et 175 276 Ital, nombres à comparer aux 667 192 Allegro et 486 273 Maxi. |