Londres 1970


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Traditionnellement moins international que les salons de Paris, Genève ou Turin, le Salon de Londres voit rarement les constructeurs étrangers y présenter leurs dernières nouveautés, se contentant par ailleurs souvent de stands modestes. Cependant, cette tendance pourrait évoluer, car la part des importations automobiles progresse significativement en Grande-Bretagne, pour approcher les 15 %, suscitant une inquiétude croissante chez les constructeurs britanniques. Leur production est en baisse depuis quatre ans, et cette régression semble inexorable. Plusieurs facteurs expliquent cette situation préoccupante.

Un grand nombre d'usines britanniques sont vétustes, conçues de manière peu rationnelle et équipées de machines obsolètes. Une modernisation de ces outils de travail nécessiterait des investissements considérables, une démarche entreprise par Lord Stokes à la tête de British Leyland. Toutefois, la capacité à investir dépend des ventes, qui elles-mêmes sont tributaires de la production, laquelle est fréquemment entravée par une véritable " maladie " de l'industrie automobile britannique : les mouvements sociaux. Des arrêts de travail spontanés et incontrôlables paralysent l'activité industrielle à intervalles de plus en plus rapprochés. Ces perturbations affectent inévitablement la capacité des constructeurs à renouveler leurs gammes. Ils se retrouvent à proposer des modèles vieillissants, tandis que les constructeurs allemands, italiens et français sont particulièrement dynamiques en matière d'innovations. Dans ce contexte, la progression des ventes de voitures étrangères, n'est pas surprenante.

La chute de production est alarmante : 100 000 voitures de moins ont été produites entre 1968 et 1969. Les huit premiers mois de 1970 ont enregistré une nouvelle baisse de près de 100 000 unités. Sur les six premiers mois de 1970, British Leyland, Vauxhall et Chrysler affichent un résultat négatif. Seul Ford semble pour l'instant tirer son épingle du jeu. Le malaise est profond et dépasse les difficultés individuelles des constructeurs. Seule une prise de conscience nationale et une normalisation des relations sociales au sein de l'industrie pourraient inverser cette tendance. Une promotion du " buy british " serait utile, mais aurait forcément ses limites, à une époque ou la Grande-Bretagne frappe à la porte du Marché Commun. . Les marques étrangères profitent de cette conjoncture : Renault développe son réseau de distribution, enregistrant une augmentation de plus de 50 % de ses ventes sur les six premiers mois de l'année. Simca, Citroën et Peugeot, dans l'ordre leur importance sur le marché, se positionnent également pour tirer parti de cette situation.


En avril 1969, British Leyland dévoile l'Austin Maxi, un modèle venant se positionner entre la 1300 et la 1800. Elle reprend de ses devancières une carrosserie et une architecture générale caractérisées par la traction avant et un moteur transversal. Afin de dynamiser l'attrait de la Maxi, Austin propose un second moteur de 1 748 cm³, venant s'ajouter au 1 485 cm³ existant. Cette nouvelle cylindrée est obtenue par une simple augmentation de la course, passant de 81 à 95 mm. Il en résulte une puissance accrue, grimpant de 75 à 85 chevaux Din accompagnée d'un couple moteur plus généreux. L'habitacle bénéficie également d'améliorations avec des sièges et des garnitures de portes redessinés.

Austin Maxi 1750 - Source : https://fr.wheelsage.org

Le vedette sur le stand Triumph est sans conteste la Stag, dévoilée en juin. Cette élégante sportive 2+2 se distingue par son arceau de sécurité et son toit rigide escamotable, mariant ainsi protection et plaisir de conduite. Son V8 de 2 997 cm³ développe 145 chevaux Din. Il surprend par sa faible cylindrée unitaire de 375 cm3 par cylindre. Cette particularité s'explique par l'assemblage de deux blocs quatre cylindres, ceux produits par Triumph pour la Saab 99. Fidèle à son habitude, Triumph a confié le design de ce modèle à Giovanni Michelotti, dont le style rappelle celui de la berline 2000/2.5 PI. Cependant, bien que séduisante, la ligne de la Stag, présentée onze ans après l'Herald du même Michelotti, manque d'une réelle fraîcheur stylistique.

Triumph Stag - Source : https://fr.wheelsage.org

Présentée au Salon de Londres en 1965, la berline Triumph 1300 à traction avant, est en fin de  carrière. Son 4 cylindres de 1 296 cm3 délivre 62 ch Din. Pour lui succéder, Triumph dévoile à Londres la Toledo. Se voulant une alternative plus abordable, elle arbore un design largement revu, mais se limite à deux portes. De manière surprenante, elle délaisse la traction avant au profit d'une transmission classique, moins onéreuse. Sous son capot, on trouve un 1 493 cm³ de 61 ch Din.

Triumph Toledo - Source : https://fr.wheelsage.org

En complément de la Toledo, et se positionnant un cran au-dessus, Triumph présente la 1500. Celle-ci conserve l'architecture à traction avant de la 1300. Son 1 493 cm3 développe 62 chevaux Din. Son design avant et arrière rappelle esthétiquement les berlines 2000 et 2.5 PI.

Triumph 1500 - Source : https://fr.wheelsage.org

Rover a vendu près de 87 000 véhicules en 1970, dont à peu près la moitié était des Land Rover. La berline actuelle de la gamme est apparue en octobre 1963 avec un moteur quatre cylindres de 1 978 cm3. Depuis avril 1968, elle existe aussi en version 3500, équipée d'un V8 d'origine Buick de 3 532 cm3 développant 151 chevaux Din. Au Salon de Londres, les berlines Rover 2000 et 3500 sont présentées avec une nouvelle calandre noir mat comportant des enjoliveurs rectangulaires, un capot plus étiré avec deux protubérances longitudinales, et des supports postérieurs de toit tendu de vinyle. Ces voitures bénéficient par ailleurs de nombreuses améliorations de détails d'aménagement intérieur.

Rover 2200 SC - Copyright

Le tout nouveau Range Rover, dévoilé en juin, fait sa première apparition au Salon de Londres. Ce grand break trois portes combine confort, performances sur route, maniabilité et d'impressionnantes capacités tout-terrain, notamment grâce à sa généreuse garde au sol. Son design, à la fois élégant et très fonctionnel, abrite le V8 de la Rover 3500, dont le taux de compression a été abaissé, réduisant ainsi sa vitesse maximale. Il développe une puissance de 156 chevaux SAE. Il mesure 4,47 mètres de long, et avec 1,78 mètre, il est aussi large que haut. . Ses quatre roues motrices sont engagées en permanence. Ce véhicule polyvalent de luxe ouvre un nouveau marché en Europe, suivant une tendance initiée aux Etats-Unis, et Rover pourrait bien en devenir l'un des acteurs majeurs.

Range Rover - Source : https://fr.wheelsage.org

La Ford Cortina, apparue initialement en septembre 1962 et profondément remaniée quatre ans plus tard, se présente dans une troisième génération au style entièrement nouveau. Arborant une forte similitude avec sa cousine allemande, hormis le galbe de la ligne de ceinture au niveau des roues arrière, cette nouvelle Cortina ne devrait pas être exportée vers la France. Disponible en berline deux ou quatre portes ainsi qu'en break (le coupé n'étant pas encore proposé), elle se décline en cinq niveaux de finition : Standard, L, XL, GT et GXL.

Ford Cortina - Source : https://fr.wheelsage.org

Quatre moteurs quatre cylindres en ligne sont proposés : un 1 298 cm³ de 57 ch Din (emprunté à l'Escort), un 1 599 cm³ de 68 ch Din (de l'ancienne Cortina), un nouveau 1 593 cm³ à ACT de 88 ch Din, et un 1 997 cm³ de 98 ch Din (que l'on retrouve sur la Taunus allemande et sur la Pinto américaine). Le modèle le plus luxueux est la 2000 GXL, avec quatre phares à iode, des roues " sport ", un volant sport gainé de cuir, des baguettes chromées, une console centrale ...

Ford Cortina GXL - Copyright

Chez Chrysler United Kingdom, nouvelle appellation du groupe Rootes, la gamme des Sunbeam 1250/1500, introduite en début d'année et commercialisée en Grande-Bretagne sous le nom de Hillman Avenger, s'enrichit d'une version GT. Son moteur de 1 498 cm3, alimenté par un double carburateur, gagne 12 chevaux pour atteindre 76 ch Din. La GT se distingue par ses doubles phares, un bandeau noir courant le long du bas de caisse et des montants centraux de portières assombris. Par ailleurs, Chrysler expose à Londres la 180, produite en France, sans toutefois prévoir sa commercialisation au Royaume-Uni. Bien que plus longue de 35 centimètres (4,45 mètres contre 4,10), elle pourrait en partie concurrencer l'Avenger, dont elle partage une certaine ressemblance, fruit du travail du même styliste.

Sunbeam 1500 GT - Source : https://fr.wheelsage.org

Dans un souci de simplification de l'offre, les Hillman Minx (1 496 cm³, 64 ch SAE), Hillman Hunter (1 725 cm³, 80 ch SAE) et Sunbeam Vogue (1 725 cm³, 74 ch Din), trois modèles de Chrysler United Kingdom, sont remplacés par une gamme unique de Hillman Hunter, déclinée en trois versions distinctes : De Luxe, équipée du moteur 1 496 cm³ développant 54 ch Din, Super, avec le moteur 1 725 cm³ de 61 ch Din, et Grand Luxe, propulsée par le 1 725 cm³ de 67 ch Din. Sur le plan esthétique, ces trois finitions se différencient par la présence et le nombre de baguettes chromées ornant la carrosserie.

Hillman Hunter - Source : https://fr.wheelsage.org

Lancée en 1963, la gamme des petites Vauxhall Viva a connu un renouvellement complet de sa carrosserie en octobre 1966, s'accompagnant d'une augmentation de la cylindrée de 1 056 cm³ à 1 159 cm³. Au Salon de Londres, la Viva arbore une nouvelle silhouette, caractérisée par une ligne de ceinture de caisse désormais horizontale, rompant avec les formes arrière arrondies de la génération précédente. Le moteur de 1 159 cm³ et 50 ch Din est désormais épaulé par une version 1600 de 1 599 cm³ développant 70 ch Din, dont le bloc est directement issu de la Vauxhall Victor.

Vauxhall Viva 1300 L - Source : https://fr.wheelsage.org

En complément des versions deux et quatre portes de la Viva, les visiteurs du salon ont pu admirer un break trois portes au style particulièrement réussi. L'élégance de sa ligne de toit et la longueur remarquable de ses vitres latérales arrière contribuent grandement à son attrait. Une fois la banquette arrière rabattue, le volume de chargement atteint 1,46 m3. La Viva Estate se présente ainsi comme un véritable " shooting brake " à vocation économique.

Vauxhall Viva Estate - Source : https://fr.wheelsage.org

L'autre point d'orgue du stand Vauxhall est le concept car SRV, acronyme de Styling Research Vehicle, une voiture expérimentale aux lignes futuristes. A l'instar des créations similaires présentées à Detroit, elle intègre des solutions techniques séduisantes mais dont l'adoption en série semble improbable. Les sièges avant sont fixes, tandis que le pédalier est ajustable. Malgré son allure, il s'agit bel et bien d'un véhicule quatre places. Son moteur transversal est installé en position centrale, derrière l'habitacle. Ses dimensions sont impressionnantes : 5,08 mètres de long, 1,94 mètre de large et seulement 1,05 mètre de haut. Les voies avant et arrière affichent respectivement 1,59 mètre et 1,32 mètre.

Vauxhall SRV - L'Automobile Magazine, n° 294, nov.  1970

Vauxhall SRV - Copyright

Gilbern, unique constructeur automobile gallois, commercialise depuis le Salon de Londres 1966 son coupé Génie, produit à un rythme de 200 à 250 unités annuelles. En 1969, l'Invader, succède à la Génie. Esthétiquement, elle diffère peu de sa devancière. Son châssis est toutefois considérablement modifié. Cette année, le petit constructeur présente une version break de son Invader, adoptant le style " shooting brake " popularisé par la Reliant Scimitar GTE. Avec ce nouveau type de carrosserie, Gilbern ambitionne de doubler sa production. La motorisation demeure le V6 de 2 994 cm³ développant 143 ch Din, emprunté à la Ford Zodiac. La carrosserie est réalisée en fibre de verre.

Gilbern Invader Estate
Source : L'Automobile Magazine, n° 294, novembre 1970

Avec des volumes de production similaires à ceux de Gilbern, Ginetta présente la G21, qui succède à la G4. Ce coupé au profil extérieur très aérodynamique propose deux motorisations au choix : un quatre cylindres Ford Cortina de 1 599 cm3 développant 86 ch Din, ou un V6 Ford Zodiac de 2 994 cm3 produisant 128 ch Din. Sa carrosserie en polyester repose sur un châssis tubulaire à poutre centrale. La G21 est disponible en kit à assembler soi-même ou entièrement montée, prête à rouler. Elle affiche des dimensions compactes : 3,98 mètres de long, 1,60 mètre de large et 1,17 mètre de haut.

Ginetta G21
Source : L'Automobile Magazine, n° 294, novembre 1970

Fondée par Jem Marsh et Franck Costin, la marque Marcos a d'abord produit des accessoires avant de se lancer dans la fabrication automobile avec sa première voiture en 1959. La 1600, lancée en 1964, a marqué leur premier modèle véritablement produit en série. Marcos continue de proposer des voitures en kit, mais à une échelle qui dépasse celle de la plupart des petits constructeurs artisanaux britanniques. Le design de cette nouvelle Marcos Mantis est signé Denis Adam, un styliste anglais. L'harmonie de ses lignes peut être sujette à débat. La Mantis rappelle la silhouette de la Probe 16, du même designer, présentée l'année dernière. Elle affiche des dimensions imposantes : 5,10 mètres de long, 1,78 mètre de large et 1,12 mètre de haut, pour un poids légèrement supérieur à la tonne. Fidèle à la tradition Marcos, sa carrosserie est réalisée en matière plastique. Elle est propulsée par un moteur six cylindres Triumph de 2 498 cm³ développant 134 ch Din. Contrairement à d'autres modèles de la marque, la Mantis n'est pas proposée en kit.

Marcos Mantis - Source : https://fr.wheelsage.org

Les coupés Trident Venturer V6 (moteur V6 Ford de 2 994 cm³, 146 ch SAE) et Clipper V8 Super (moteur V8 Ford de 4 728 cm³, 275 ch SAE), dont le design initial est attribué à Trevor Fiore, sont désormais dotés d'un châssis renforcé et redessiné. L'allongement de l'empattement de 13 cm et l'élargissement de la voie de 6 cm favorisent la tenue de route. La Trident Clipper V8 se distingue par des performances remarquables, se montrant plus rapide que la Lamborghini Miura sur le 400 mètres départ arrêté, et atteignant une vitesse de pointe de 255 km/h.

Trident Clipper V8
 Source : Revue Automobile Suisse, 1971

L'atmosphère au Salon de Londres était empreinte de morosité. Les grèves incessantes fragilisent l'industrie automobile britannique. L'inquiétude grandit chez certains constructeurs anglais face à la progression constante des importations, à l'image des ventes de la vieille Coccinelle qui viennent de doubler. Paradoxalement, Jaguar et Rolls-Royce, victimes de leur succès, peinent à satisfaire la demande et annoncent des délais de livraison particulièrement longs !


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