Sunbeam, la marque sportive du groupe Rootes


Sunbeam-Talbot construisait les versions de sport haut de gamme du groupe Rootes entre 1938 et 1954. Rebaptisée Sunbeam en 1955, la marque devenait la branche sportive du groupe Rootes avant d’être supprimée par Chrysler en 1976.


Clément-Talbot Limited fabrique des voitures de luxe à Londres depuis 1902. Le constructeur est rachetée par les frères Rootes en 1935, qui le réorganise pour produire des voitures de luxe sous la marque Talbot. En 1937, Sunbeam crée en 1905 est racheté à son tour par les frères Rootes. Ces derniers décident de fusionner les deux constructeurs en 1938, afin de créer une marque de modèles de haut de gamme sous le nom de Sunbeam-Talbot.

Les premières Sunbeam s'inspirent des Berliet françaises. En 1904 apparaît le premier modèle de conception originale, qui est la deuxième 6 cylindres au monde après la Spyker hollandaise. Ce n'est toutefois qu'en 1906 que le succès sourit vraiment à ce constructeur avec la 16/20 HP (photo), plus modestement animé par un quatre cylindres de 3,4 l.

Ce regroupement est en réalité un retour aux sources, puisque de 1920 à 1934, les marques Talbot et Sunbeam faisaient partie d’un consortium connu sous le nom de STD. qui signifie Sunbeam-Talbot-Darracq. Ce consortium est né en 1920 grâce au rachat par Darracq de Clément-Talbot et de Sunbeam Motors. Ebranlé lors de la crise économique du début des années 30, le groupe STD a donc été racheté par morceaux, et reconstitué en partie par les frères Rootes. A ce moment-là, la marque britannique Talbot n’a plus rien de commun avec son homologue français Talbot qui suit son propre chemin, sous l’autorité d’Anthony Lago depuis 1935.

A la fin des années 30, le groupe Rootes, composé des marques Hillman, Humber et Sunbeam-Talbot pour les voitures particulières, tente de rationaliser sa production en partageant de nombreux composants des trois marques. Ainsi est lancée en 1938 la Sunbeam-Talbot Ten qui est une version luxueuse de l’Hillman Minx. Jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, les Sunbeam-Talbot sont produites dans l'usine Clément-Talbot à North Kensington (Londres). Après la guerre, la production est transférée dans l’usine de Ryton, lieu de production historique des Hillman.

Le groupe STD - Sunbream Talbot Darracq - tombe dans l'escarcelle des frères Rootes en 1935. La Sunbeam-Talbot Ten est commercialisée en 1938. Il s'agit en fait d'une Hillman Minx mieux équipée et mieux finie. La stratégie du " badge engineering " est lancée dès les années 30.

Sunbeam-Talbot reprend après-guerre la production de ses Ten et 2 litres. Ce sont toujours des modèles Hillman modifiés, portant la calandre et la marque Sunbeam-Talbot. La 2 litres est issue de la Ten, et surnommée " l’Hillman Minx en habit de gala ". Elle est équipée d'un moteur de 1 944 cm3 - celui de l’Hillman Fourteen et de la future Humber Hawk - et non pas du 1 185 cm³ à soupapes latérales de la Minx. Les Ten et 2 litres sont fabriquées jusqu’en 1948. Les plus gros modèles d’avant-guerre, les 3 litres et 4 litres, ne sont pas repris après 1945.

La Sunbeam-Talbot 2-litre est une Hillman Minx en habit de gala dotée du moteur de l’Hillman Fourteen. Ce modèle est lancé en 1938 et commercialisé après la guerre sans changement jusqu’en 1948.


1948 : Sunbeam-Talbot 80/90


Les nouveaux modèles Sunbeam-Talbot 80 et 90 sont présentés durant l'été 1948, et fabriqués dans l’usine Rootes de Ryton. Ils adoptent la même nouvelle carrosserie avec les ailes avant fluides dans lesquelles sont intégrés les phares. La calandre est toujours verticale, mais son dessin est modernisé. La 80 est dotée de l'ancien moteur des Ten et Minx, mais cette fois avec une culasse à soupapes en tête. La 90 est eéquipée d’une version légèrement modifiée du 4 cylindres Humber Hawk à arbres à came en tête de 2 litres de cylindrée. Les deux modèles sont disponibles en carrosserie berline assemblée par British Light Steel Pressings, ou drophead coupé produit par Thrupp & Maberly.

Les Sunbeam-Talbot 80 & 90 lancées en 1948 sont bien plus modernes d'aspect que les Ten et 2-Litre qu'elles remplacent, grâce à un style semi-ponton avec phares intégrés. Mais elles conservent le dessin particulier des vitres latérales arrière qui est alors une caractéristique de la marque.

La Sunbeam-Talbot 80 est supprimée en 1950, alors que la 90 survit jusqu’en 1956, après le lancement d’une Mk II comportant un nouveau châssis et une suspension avant indépendante. Les phares sont relevés de trois pouces pour répondre à la réglementation américaine, et les feux de position avant sont remplacés par une paire de petites grilles d'admission d'air. La Mk II est aussi dotée d’un moteur à soupapes en tête dont la cylindrée est portée à 2 267 cm3. La Mk IIA arrive en 1952, la principale mise à jour sur ce modèle étant la suppression des caches roues arrière, ce qui lui procure une allure moins guindée.

Le style des Sunbeam 90, ici une Mk III, est assez éloigné de ce que propose la concurrence. Triumph vient d'adopter le style " Razor Edge " très conservateur. Austin pour sa part expérimente avec son A 90 Atlantic le design " baignoire " importé des Etats Unis, et appliqué notamment par Hudson, Nash et Packard.

La Mk III lancée en 1954 n’apporte pas de grands changements techniques ou esthétiques, mais elle abandonne le nom Talbot pour ne conserver que celui de Sunbeam. Au total, la Sunbeam-Talbot 80 s’écoule à 3 500 exemplaires entre 1948 et 1950, la Sunbeam-Talbot 90 à 20 381 exemplaires entre 1948 et 1954, la Sunbeam 90 à 2 250 exemplaires entre 1954 et 1956, soit 26 131 unités pour l’ensemble de ces trois modèles.


1952 : Sunbeam-Talbot Alpine


L'Alpine est au départ un roadster deux places spécialement développé pour le rallye par George Hartnell, concessionnaire Sunbeam-Talbot à Bournemouth. Le modèle dérive de la berline Sunbeam-Talbot 90, et pour cette raison, il est familièrement appelée " Talbot " Alpine. Annoncé dès 1951, il fait ses débuts en 1952 et reçoit son nom définitif en référence au succès des Sunbeam-Talbot sur la Coupe des Alpes de 1952 à 1954.

La Sunbeam-Talbot Alpine est dérivée étroitement du cabriolet 90. Mais le pare-brise et les portières sont différents, et il s’agit surtout d’une deux places et non plus d’une quatre places. La voiture est aussi plus basse.

L’Alpine est motorisée par le 4 cylindres de 2 267 cm3 développant 97,5 ch issu de la berline 90, mais dont le taux de compression a été augmenté. En tant que roadster deux places, le pare-brise est plus bas et les portières n’ont pas de poignées d'ouverture, contrairement à la version cabriolet moins sportive et plus bourgeoise. L’Alpine est fabriquée artisanalement, comme le cabriolet 90, par le carrossier Thrupp & Maberly, entre 1952 et 1955. Sur les 1 582 exemplaires assemblés au total, 961 ont été exportés vers les Etats-Unis qui sont le premier marché de l’Alpine.

On peut voir une Sunbeam-Talbot Alpine dans le film d'Alfred Hitchcock " La Main au collet " (1955), dans une scène célèbre avec Cary Grant et Grace Kelly. L’actrice conduit la voiture à vive allure sur une route de la Côte d’Azur, anticipant étonnamment son dramatique accident qui allait lui coûter la vie en septembre 1982, alors qu’elle conduisait une Rover 3500. L’actrice allait devenir en 1956 la princesse de Monaco, suite à son mariage avec le prince Rainier.

La Sunbeam Alpine apparaît en 1955 dans le film " La Main au collet " d'Alfred Hitchcock. Grace Kelly roule à vive allure sur la Moyenne Corniche en direction de Monaco avec Gary Grant à ses côtés. Ils sont poursuivis par une Traction Avant noire de la police française.


1955 : Sunbeam Rapier Audax


En octobre 1955 apparaît la nouvelle Sunbeam Rapier, un coupé deux portes sans montant central à la mode américaine, basé sur la Hillman Minx, dont elle reprend le moteur 4 cylindres à soupapes en tête de 1 390 cm3. Sa puissance est portée à 62 ch, contre 43 ch sur la Minx, ce qui lui permet de dépasser sans difficultés les 130 km/h. La Sunbeam Rapier est dessinée par l’équipe londonienne du célèbre designer franco-américain Raymond Loewy. La voiture évoque ainsi une Studebaker Starliner en réduction. Cette carrosserie baptisée Audax en interne est généralisée à l’ensemble des gammes Hillman et Singer à partir de 1956.

Sans être une vraie sportive, la Rapier est plutôt une voiture de grand tourisme abordable susceptible de réaliser de bonnes moyennes en rapport aux routes de l’époque, dans des conditions de confort relativement bonnes. La finition de l’habitacle est très soignée, les sièges étant garnis de cuir véritable. Le tableau de bord doté de cadrans ronds, est très complet. Seul le chauffage dégivrage reste en option. En octobre 1956, le moteur voit sa puissance portée à 67,5 ch, ce qui autorise une vitesse maximale de 135 km/h.

La Sunbeam Rapier lancée en 1955 fait entrer la marque dans l’ère moderne. Le modèle se présente sous la forme d’un élégant coupé de grand tourisme dessiné par l’équipe londonienne des studios du designer Raymond Loewy.

En février 1958, apparaît la Sunbeam Rapier Série II, qui reçoit une calandre carrée et des ailerons arrière incurvés, mais le plus important est le montage d’un moteur de 1 494 cm3 développant 68 ch. Le levier de vitesses est au plancher et non plus sur la colonne de direction, accentuant ainsi le côté sportif de l’engin. Les sièges perdent leur revêtement en cuir pour du simili, mais le modèle s’enrichit d’une version décapotable.

En 1958, la Sunbeam Rapier Mk II reçoit de petits ailerons à l’arrière et une calandre carrée rappelant les calandres traditionnelles des anciennes Sunbeam-Talbot. La découpe de couleur bi-ton de la carrosserie est nouvelle.

En septembre 1959, la Sunbeam Rapier Série III voit la puissance de son moteur portée à 73 ch. En avril 1961, elle devient Série IIIA en recevant un moteur de 1 592 cm3 qu’adopteront trois mois plus tard les Hillman Minx et Singer Gazelle. Sur la Rapier, ce moteur développe 73 ch, alors qu’il est limité à 56,5 ch sur les Minx et Gazelle, ce qui affirme la vocation sportive de Sunbeam au sein du groupe Rootes. Cette vocation est encore plus affirmée depuis l’apparition du cabriolet Sunbeam Alpine en 1959, qui a inauguré le moteur 1 592 cm3. En 1963, le cabriolet Sunbeam Rapier est supprimé.

C'est le groupe Armstrong Siddeley qui assure l'assemblage de la Sunbeam Rapier - ici une Mk IIIA - jusqu'à l'automne 1964, date à laquelle le groupe Rootes est racheté par le géant américain Chrysler. Cela permet à Armstrong Siddeley, marque réputée pour son sérieux et sa rigueur, d'occuper ses chaînes de montage, la marque ayant alors mis un terme à ses propres productions.

A l’automne 1964, la Rapier adopte enfin une boite de vitesses entièrement synchronisée et devient Série IV. Enfin, en septembre 1965, la Rapier devient Série V en recevant un moteur de 1 725 cm3 développant 85 ch, contre 70 ch sur les Minx et Gazelle. Le vilebrequin repose maintenant sur cinq paliers au lieu de trois. La Sunbeam Rapier est supprimée en juin 1967, remplacée par une toute nouvelle Sunbeam Rapier issue de la gamme Arrow. Au total, la Sunbeam Rapier Audax est produite à 68 809 ventes exemplaires.

La lunette panoramique et les vitres latérales sans montant central de cette Rapier Mk IV sont inspirées des réalisations américaines, en particulier celles de Studebaker.


1959 : Sunbeam Alpine


En 1959, Sunbeam lance une toute nouvelle génération de l’Alpine. Il s'agit d'un roadster deux places faisant un usage intensif des composants d'autres véhicules du groupe Rootes, mais possédant sa carrosserie propre, très lisse et effilée, se terminant par de discrets ailerons biseautés, qui donnent naissance à des feux verticaux très fins. L’ensemble très personnel, avec une petite touche de Ford Thunderbird, évoque à la fois la sportivité et l'élégance.

En 1959 est lancée une toute nouvelle génération de Sunbeam Alpine qui n’a rien à voir avec la Rapier. Autant la Rapier est une voiture de grand tourisme, autant l’Alpine est une voiture résolument sportive.

La Sunbeam Alpine repose sur une base modifiée du break Hillman Husky. Les trains roulants proviennent de la Sunbeam Rapier, mais avec des freins avant à disques à la place des freins à tambours. Elle dispose en option d'un overdrive et de roues à rayons. La voiture est dotée d’une suspension avant indépendante à ressorts hélicoïdaux, et dispose à l'arrière d'un essieu rigide suspendu à des ressorts à lames semi-elliptiques. L’Alpine peut dépasser les 160 km/h grâce à un 1 494 cm3 de 73 ch (1959-1960), puis un 1 592 cm3 de 80 ch (1960-1965) et enfin un 1 725 cm3 de 93 ch (1965-1968). Ces différents moteurs sont issus des autres modèles du groupe Rootes, avec à chaque fois une puissance différente de celle des modèles standard.

Les lignes de l'Alpine inspirées de la Ford Thunderbird de première génération contribuent à son succès. Son dessin est l'oeuvre de Kenneth Howes, qui a fait ses classes dans les bureaux londoniens de Raymond Loewy, puis au Ford Styling Center.

Jusqu'en 1962, les Alpine sont assemblées pour le compte de Rootes par Armstrong Siddeley. Au total, la Sunbeam Alpine qui entre en concurrence directe avec les roadsters britanniques tels que les MG A et MG B, Triumph TR3 et TR4, totalise 69 251 exemplaires, dont 11 904 en version 1,5 litre, 38 225 en version 1,6 litre et 19 122 en version 1,7 litre.

On aperçoit une Sunbeam Alpine dans le film de Terence Young " James Bond 007 contre Dr No " de 1962, dans une scène célèbre, où l’agent Bond la conduit à vive allure sur une route de la Jamaïque pour échapper aux tueurs à gages qui le poursuivent à bord d'un corbillard de marque LaSalle, qui tombent finalement dans un ravin.

Avant de devenir un adepte de l’Aston Martin, James Bond a roulé en Sunbeam. Pour ce premier film de la série tournée en partie en Jamaïque, le budget est encore serré. Le modèle utilisé pour le tournage est loué à une Jamaïcaine pour 15 shillings par jour.


1967 : Sunbeam Rapier Arrow


Dévoilé en octobre 1967, le nouveau coupé Sunbeam Rapier basé sur les berlines Arrow lancées un an plus tôt, mais qui n’en reprend aucun embouti, présente des lignes très inspirées de la Plymouth Barracuda commercialisée depuis 1964. Questionné sur ce point, le designer Roy Axe dément alors catégoriquement toute influence extérieure, allant même jusqu’à affirmer ignorer l’existence de la Barracuda à l’époque, ce qui semble difficile à croire, étant donné que le groupe Chrysler a déjà mis un pied dans le groupe Rootes depuis 1964, et qu’il est donc difficile d’ignorer les différents produits Chrysler au sein du groupe britannique.

La Sunbeam Rapier de 1967 possède une vraie parenté avec la Plymouth Barracuda, puisque le constructeur britannique est depuis 1964 sous le contrôle de Chrysler, et que Plymouth est en Amérique l'une des trois composantes (avec Dodge et Chrysler) du groupe Chrysler. La Rapier peut en quelque sorte être assimilée à une Barracuda " made in England ", même si Roy Axe qui l'a dessinée a toujours démenti toute influence extérieure.

La Sunbeam Rapier Arrow est comme son ancêtre Audax plus une voiture de grand tourisme à prix abordable qu’une voiture sportive. Son moteur est le 1 725 cm3 monté sur les berlines Hunter, Vogue et Sceptre, mais dont la puissance est portée à 94 ch. A l’automne 1968, une version plus sportive est lancée, reconnaissable à ses bandes latérales, il s’agit de la Rapier H 120. Le préparateur Holbay en tire 111 ch, d’où le H de H 120. La Rapier H120 atteint 175 km/h, contre 165 km/h pour la Rapier de base.

Au salon de Londres de 1968, Sunbeam présente une variante plus performante de la Rapier, la H 120. Son moteur est préparé par Holbay, un spécialiste des mécaniques de Formule 3. La H 120 se reconnaît à ses bandes latérales, sa calandre noir mat et ses roues ajourées. Un becquet sur le coffre arrière permet d'améliorer l'aérodynamique.

La Rapier Arrow termine sa carrière en 1976, après 46 204 unités vendues. Une version simplifiée dotée du 1 725 cm3 avec 74 ch est proposée à partir d'octobre 1969, sous le nom de Sunbeam Alpine, un an après l’abandon du roadster du même nom.

Cette photo de la Sunbeam Rapier Arrow montre le traitement particulier de la partie arrière qui fait irrémédiablement penser au coupé Plymouth Barracuda de 1964.


1967 : Sunbeam Imp


En octobre 1967 apparaît la plus petite Sunbeam de l’histoire, le coupé Stiletto basé sur le coupé Hillman Imp Californian, lui-même dérivé de l’Hillman Imp, petite citadine à moteur arrière de 3,53 mètres de long lancée en 1963. Le coupé Stiletto se différencie extérieurement du coupé Californian par ses doubles phares et son toit en vinyle. Intérieurement, il comporte un tableau de bord à cadrans ronds, un volant gainé de noir et une finition plus soignée.

Le coupé Sunbeam Stiletto lancé en 1967 est une variante à tendance sportive de l’Hillman Imp Californian. Les Imp Sport et Stiletto sont les plus petites Sunbeam jamais produites.

En avril 1970, la berline Sunbeam Sport prend la suite de la berline Hillman Imp Sport. Elle est dotée de quatre phares comme le coupé Stiletto, alors que la Imp Sport n’en comportait que deux. Elle prend en quelque sorte la suite de la petite berline Singer Chamois abandonnée en 1970. La Stiletto est supprimée en 1972 et la Sunbeam Sport en 1976, après une carrière fort discrète, puisque l’on dénombre environ 8 000 Stiletto écoulées au total, et environ 12 000 Sunbeam Sport, soit moins de 5 % des ventes de la gamme Imp et dérivés.

En 1966, la Sunbeam Imp Sport, basée sur l’Hillman Imp, est une réponse à la BMC Mini Cooper, mais aussi aux NSU TT/TTS à moteur arrière. La Imp Sport possède quatre phares au lieu de deux sur l’Hillman Imp.

La création de ces petits modèles sous la marque Sunbeam a sans doute été une fausse bonne idée, car l’image de cette marque, autrefois prestigieuse, a été franchement galvaudée en raison de cette brutale descente en gamme. Le groupe Rootes a commis la même erreur que le groupe BMC en rationalisant les gammes à l’extrême via la politique du badge engineering, et en démocratisant à marche forcée les marques de luxe tout en diluant leur image. Cette stratégie a été l’une des causes de la chute des groupes BMC et Rootes.


1967 : fausses Sunbeam


A partir d’octobre 1966, le groupe Chrysler devenu propriétaire du groupe Rootes, décide que sur les marchés extérieurs à la Grande-Bretagne, les Hillman Minx et Hunter, ainsi que les Singer Gazelle et Vogue, seront commercialisées sous la marque Sunbeam, plus connue à l’étranger.

L'amateur qui consulte les brochures publicitaires d'époque doit bien avoir à l'esprit que le nom de Sunbeam, plus connu à l'exportation que ceux d'Hillman, Humber ou Singer du même groupe Rootes, est largement dévoyé sur plusieurs marchés pour désigner de " fausses " Sunbeam.

Sur le marché américain, l’Hillman Hunter est la seule version disponible et se nomme Sunbeam Arrow. Cette politique est appliquée scrupuleusement jusqu’en 1976, année cruciale où la marque Chrysler se substitue à l’ensemble des marques du groupe Rootes qui disparaissent. Les Sunbeam Hunter et Avenger deviennent donc des Chrysler Hunter et Avenger, tandis que les Sunbeam Imp, Sceptre, Rapier et Alpine sont supprimées. Les Chrysler Hunter et Avenger sont commercialisées jusqu’en 1979. La Hunter disparaît à ce moment-là, alors que l’Avenger poursuit une courte carrière sous la marque Talbot, ressuscitée par PSA en juillet 1979.

Le groupe Rootes, devenu Chrysler UK en 1970, est encore composé au début de cette décennie de trois marques : Hillman (populaires), Humber (luxe) et Sunbeam (sportives). La marque Singer positionnée entre Hillman et Humber vient de disparaître en 1970. Il s'agit alors de la première victime de la politique de nouveau propriétaire américain, qui va ensuite abandonner ces trois marques en 1976, pour ne conserver que " Chrysler UK ", ce qui explique la présence du Pentastar sur cette Hunter née Hillman en 1966 dont la carrière sera prolongée jusqu'en 1979.


1976 : Chrysler Alpine


Avec les seules Hunter et Avenger vieillissantes à son catalogue en 1976, Chrysler UK semble en bien mauvaise posture, notamment face à ses concurrents directs Ford UK et Vauxhall. L’absence d’investissements pour relancer Chrysler UK semble évidente. En réalité, la stratégie de Chrysler à la suite du premier choc pétrolier de 1973/1974, qui lui a causé d’énormes pertes financières, a évolué. Désormais, le constructeur américain considère le pôle français - Chrysler France - comme le seul maître d’œuvre de toute la future gamme du groupe en Europe. Ainsi, tous les investissements iront dans cette direction, tandis que les filiales britanniques et espagnoles ne feront qu’assembler les modèles conçus en France.

Première concrétisation de cette stratégie : la Simca Chrysler 1307/1308 lancée en 1975 en France, sous la forme d’une berline cinq portes à traction avant, est assemblée en Grande-Bretagne à partir de 1976 sous le nom de Chrysler Alpine, reprenant ainsi le nom des anciennes Sunbeam roadster (1959-1968) et coupé (1969-1976). La Chrysler Alpine est autrement plus sophistiquée en terme de technique que les Hunter et Avenger, berlines archi-classiques à propulsion.

La Chrysler Alpine lancée en 1976, année de la disparition de la marque Sunbeam, reprend le nom des anciens roadsters Sunbeam, mais il ne s’agit que d’une berline Simca 1307/1308 rebadgée.

Grâce aux ingénieurs de Poissy, qui sont partis d’une base de Simca 1100, la Chrysler Alpine permet à Chrysler UK d’entrer dans l’ère de la modernité. Ce modèle est également assemblé en Espagne sous le nom de Chrysler 150. Le succès de la Chrysler Alpine est indéniable avec 112 000 ventes en 1977, mais bref. En effet, un nouveau modèle est lancé en 1977, toujours de conception française et offrant des prestations très proches pour un prix moindre, la Chrysler Horizon, qui lui prend une bonne partie de ses clients. 


1977 : Chrysler Sunbeam


La Simca Chrysler Horizon, qui succède en France à la Simca 1100, est assemblée en Grande-Bretagne à partir de 1977, d'abord sous le nom de Chrysler Horizon, puis à partir de juillet 1979 sous celui de Talbot Horizon.

La filiale britannique de Chrysler assemble à partir de juillet 1977 un modèle spécifique, la Chrysler Sunbeam, qui est en quelque sorte une Horizon dotée de trois portes, d’une technique simplifiée, sur base de Hillman Avenger. Ce modèle est sensé succéder à la petite berline Imp supprimée en 1976. Il est d’ailleurs fabriqué dans la même usine, à Lindwood en Ecosse. Le terme Sunbeam est donc devenu par un tour de passe-passe un nom de modèle et non plus une marque. Un choix qui peut laisser perplexe ! La Chrysler Sunbeam est commercialisée de 1977 à 1979, date à laquelle le modèle devient Talbot Sunbeam jusqu’à sa disparition en 1981.

La Chrysler Sunbeam lancée en 1977 dont la ligne rappelle la Simca Horizon, devient Talbot Sunbeam en 1979. Elle est supprimée en 1981, remplacée par la Talbot Samba.

Le moteur de la Chrysler Sunbeam est un 928 cm3 dérivé du 875 cm3 de l’Hillman Imp. Les versions les plus chères sont dotées des moteurs 1300 et 1600 de l’Avenger. En dehors de cela, la plupart des composants sont identiques à ceux de l'Avenger. La carrosserie dessinée par Roy Axe est en phase avec le nouveau style angulaire international de Chrysler, inauguré sur les Simca 1307/1308 en 1975, puis repris sur l'Horizon deux ans plus tard.

La Chrysler Sunbeam entre en concurrence avec la Vauxhall Chevette sur le marché britannique, qui elle aussi est une berline compacte archi-classique à trois portes. Pour réduire la concurrence interne, les versions deux portes de l’Avenger sont supprimées en même temps sur le marché britannique.

Au sein du même groupe, pour éviter toute concurrence contre-productive, l'arrivée de la Chrysler Sunbeam trois portes sonne la fin de la partie pour la version deux portes de l'Avenger, dont la version quatre portes poursuit sa carrière jusqu'en 1981 sous la marque Talbot.


1979 : Talbot Sunbeam


Malgré la volonté de maintenir à flot ses trois filiales européennes, l’américain Chrysler continue d’enregistrer des pertes abyssales en Europe et aux Etats-Unis, suite au choc pétrolier de 1973/1974 qui a provoqué la chute des ventes de ses voitures dans le monde. Face à la possibilité de déboucher sur une faillite complète, le constructeur décide de se séparer de Chrysler France, Chrysler UK et Chrysler Espana. Des négociations avec le groupe PSA aboutissent en 1978 à la vente de ces trois entreprises au constructeur français. PSA reprend ainsi non seulement les modèles de la gamme européenne de Chrysler, mais également les usines de Poissy (France), Ryton et Linwood (UK), et Villaverde (Espagne).

PSA prend officiellement le contrôle de Chrysler Europe à compter du 1er janvier 1979. A partir du 1er août 1979? tous les produits de Chrysler Europe sont renommés Talbot. La marque Talbot est en effet la propriété de PSA depuis son rachat par Simca en 1959. En outre, Talbot avait aussi une branche en Angleterre liée au groupe Rootes à partir de 1935, qui donna naissance aux Sunbeam-Talbot commercialisées de 1938 à 1954. Talbot est donc un nom à la fois français et anglais. Ce choix peut sembler pertinent en 1979 pour rebaptiser les produits de Chrysler Europe, fabriqués et vendus des deux côtés de la Manche.

Le 10 juillet 1979, Chrysler Europe devient Talbot. Il est évident que pour Peugeot, repreneur des filiales européennes du constructeur américain, il est inconcevable de conserver le nom de Chrysler. La marque Talbot est réputée britannique outre-Manche, et française dans l'Hexagone. Cela tombe bien, les deux parties ont raison.

La Chrysler Sunbeam devient donc une Talbot Sunbeam. Une version sportive élaborée avec Lotus est commercialisée sous le nom de Talbot Sunbeam Lotus, qui connaît un certain succès en Rallye, si bien qu’en 1981 ce modèle apporte le titre de championnat des constructeurs à Talbot. Mais ce succès est le chant du cygne pour la Talbot Sunbeam qui est supprimée en 1981, en même temps qu’intervient la fermeture de l’usine de Lindwood.

La Chrysler Sunbeam Lotus est dévoilée au Salon de Genève en avril 1979, mais la version routière de la voiture de rallye n'est prête à être livrée au public qu'après le changement de marque. Elle est ainsi arrivée sur le marché sous la désignation Talbot Sunbeam Lotus.

Dans le catalogue PSA, la Talbot Sunbeam est remplacée à l’automne 1981 par la Talbot Samba, basée sur la Peugeot 104. Au total, les Chrysler Sunbeam et Talbot Sunbeam ont été écoulées à 203 000 exemplaires entre 1977 et 1981.


Epilogue


L’assemblage des Horizon, Alpine et Solara (version trois volumes de l'Alpine apparue en 1980) passées de la marque Chrysler à la marque Talbot en 1979, se poursuit jusqu’en 1987 sur le site de Ryton. Mais le volume de production de ces modèles décline rapidement après 1983 : 95 000 unités en 1984, 64 000 en 1985, 13 000 en 1986 et 3 000 en 1987.

Commercialisée en avril 1980 en France, la Solara apparaît deux mois plus tard en Grande-Bretagne. Avec son profil trois volumes, côté image, elle se positionne un cran au dessus de l'Alpine plus familiale. Toute la partie avant est intégralement reprise de sa grande soeur. Une voiture sans surprise, mais sans grand succès non plus.

Dès 1983, le groupe PSA, propriétaire de l’usine de Ryton depuis 1978, y démarre la production de modèles de la marque Peugeot. Cette politique est aussi appliquée sur le site de Poissy qui abandonne progressivement la production des modèles Talbot pour se concentrer sur des modèles Peugeot. L’usine de Ryton fabriquera des Peugeot jusqu’en 2006, date de sa fermeture par le groupe PSA. Au total, les Alpine, Horizon et Solara ont été fabriquées à 722 000 exemplaires entre 1976 et 1987 sous les marques Chrysler et Talbot. Une version Jubilé de ces modèles a été commercialisée en 1982 pour fêter les 50 ans de la formation du groupe Rootes.

Texte : Jean-Michel Prillieux / André Le Roux
Reproduction interdite, merci.

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