Voisin, l'anti-conformiste
Voisins Automobiles, affiche par Charles Loupot, 1923 Copyright. Ce site est gratuit et sans publicité. Je n'en retire aucun bénéfice financier. C'est le fruit d'une démarche totalement désintéressée. Si vous êtes détenteur d'un copyright non mentionné, je vous invite à me contacter. Ce fait est involontaire. Le document en question sera immédiatement retiré. Merci donc pour votre indulgence, pour ce qui n'est qu'un travail amateur. La marque Voisin a fait l'objet, depuis plus de 50 ans, de nombreux articles dans la presse spécialisée. Quelques livres ont été publiés. Certaines informations divergent selon les sources. Vos corrections seront donc les bienvenues. Ce tableau de synthèse pourra vous guider dans les méandres d'une gamme particulièrement complexe. On y distingue les 4 cylindres, 6 cylindres et les V12, les voitures de course, les Imperia à carrosserie Voisin, les Voisin à moteur Graham ... Pour toute correction : marioboano@gmail.com. Merci.
Gabriel
Voisin a publié deux ouvrages de référence concernant sa vie et ses
réalisations, aux Editions de La Table Ronde, dans la collection
L'ordre du jour. Gabriel Voisin a d'abord œuvré comme constructeur d'avions avant de se tourner vers l'automobile, produisant des voitures entre 1919 et 1939. Son héritage est celui d'un fabricant de voitures avant-gardistes, dont la conception s'inspirait directement de l'aéronautique. Les automobiles Voisin comptent d'ailleurs parmi les plus originales et luxueuses de la première moitié du XXe siècle. Gabriel Voisin naît le 5 février 1880 à Belleville-sur-Saône, dans le département du Rhône. C'est une époque de profonds bouleversements techniques qui ouvre une période économique prospère. Deux industries vont bientôt se développer : l'aviation et l'automobile. Georges, son père, dirige une fonderie, comme l'a fait son grand-père Jean avant lui. Mais les affaires périclitent, et les tentatives de diversification sont infructueuses. Gabriel est l'aîné d'une fratrie de quatre enfants : deux garçons (Gabriel et Charles) et deux sœurs (Carmen et Aimée). Leur père se suicide en 1888. Dès lors, son grand-père maternel, Charles Forestier, tient le rôle du patriarche. Il assure l'éducation des deux garçons avec une rigueur toute particulière, se montrant sévère sur les questions de morale, de discipline, sur les études et les activités de loisirs. En dépit de leurs personnalités turbulentes, Gabriel et Charles finissent par devenir de bons élèves. La passion des cerfs-volants Après la mort de Charles Forestier en 1893, Gabriel et sa mère s'installent dans l'appartement qu'il leur a légué. Gabriel poursuit ses études à Lyon. Il s'entend parfaitement avec son frère Charles, né en 1882. Tous deux se passionnent pour les cerfs-volants. Les vallées de la Saône constituent un territoire favorable pour leurs essais, avec ses vents puissants. Ensemble, ils commencent par assembler de simples cerfs-volants de leur conception. Ceux-ci sont réalisés avec la minutie la plus extrême, soignés dans leur charpente, leur forme et leurs détails. Gabriel fait ses "premières armes" avec un fusil fabriqué clandestinement depuis la crosse jusqu'au mécanisme dans son entier. Deux tubes à gaz façonnés à la main, travaillés à la lime, constituent les parties métalliques. Les deux frères construisent un voilier. La coque est métallique et déjà Gabriel Voisin s'intéresse au " centrage " des masses. Ce centrage sera une des clés de ses futures victoires aéronautiques et automobiles. Un jour, Gabriel tombe par hasard sur un ouvrage touchant aux travaux de Lawrence Hargrave (1850/1915), pionnier australien en aéronautique. Cet homme a introduit en Occident le cerf-volant cellulaire connu depuis 500 ans en Chine et au Japon. Gabriel décide avec Charles d'en construire un. En 1897, Gabriel s'inscrit à l'École des Beaux-Arts de Lyon, en section architecture. Dans la nouvelle propriété familiale acquise par leur mère Amélie, les deux frères laissent libre cours à leur passion pour l'invention et le bricolage. Gabriel conçoit, Charles exécute. Ils construisent leur propre voiture en 1899, à partir de pièces détachées achetées chez le constructeur lyonnais Audibert et Lavirotte (1894/1901), et d'un moteur 5 CV de marque Aster (1900/1910). Leur voiture se brise lors d'une malencontreuse rencontre avec un cochon, et interdiction leur est signifiée après un conseil de famille de poursuivre leurs projets automobiles.
Gabriel et Charles Voisin au début du siècle. Gabriel a la faculté d'inventer des mécanismes complexes qu'il traduit sur le papier, puis dans la matière, en formes simples et pures. Un accident automobile à bord d'une Bugatti coûte la vie à Charles en 1912. Il n'a alors que 30 ans. Source : https://levillagedebillancourt.fr En 1900, Gabriel Voisin monte à Paris pour trouver un emploi. Il parfait ses connaissances en travaillant dans divers ateliers d'architectes de valeur inégale. Pour gagner un peu plus d'argent, il trouve un emploi à la préparation de l'Exposition Universelle de 1900. Un jour, le hasard le conduit dans une galerie où il découvre avec stupéfaction l'avion avec lequel l'ingénieur français Clément Ader (1841-1925) a volé à Satory en 1897. Gabriel a la chance d'approcher l'ingénieur, de discuter avec lui des avancées techniques qu'il a mises en œuvre. Cette découverte le passionne immédiatement. Il la partage avec Charles et décide d'interrompre ses études d'architecture pour se consacrer à sa première machine volante, inspirée des travaux d'Otto Lilienthal, pionnier allemand de l'aéronautique. De retour dans sa région natale, Gabriel et Charles s'initient aux secrets des forces aérodynamiques. En 1900, ils énoncent leur ambition : quitter le sol, de manière autonome, en un point déterminé à l'avance, avec un homme à bord de l'appareil volant, puis évoluer en altitude et en changeant de direction, et finalement revenir au point de départ sans accident. Ce programme, qui est en fait un cahier des charges, Gabriel et Charles Voisin vont mettre huit ans pour le réaliser.
Le hall consacré à l'aviation lors de l'Exposition Universelle de 1900. Source : https://www.blissfrombygonedays.com Son intérêt pour l'aviation naissante En 1901, Gabriel Voisin hérite de son grand-père Jean, ancien directeur des aciéries de Longwy, et s'installe confortablement à Paris, profitant pleinement de la vie dans la capitale avec ses amis. Il reprend avec son frère Charles l'étude du planeur qu'ils avaient initiée. Les essais se révèlent longs, difficiles et souvent décevants, mais la persévérance des deux frères ne faiblit pas. À force de tentatives, ils finissent par concevoir un planeur d'une parfaite stabilité en vol. Fin 1903 marque une rencontre significative pour Gabriel Voisin : celle de Charles Renard (1847-1905), militaire, ingénieur et inventeur français, figure pionnière de l'aviation. Renard fait autorité dans le domaine aéronautique, ayant notamment résolu les problèmes cruciaux de centrage et d'empennages sur les aéronefs. C'est une période d'exploration empirique où l'on cherche encore à comprendre les principes fondamentaux de l'aérodynamique, tels que la portance et la traînée. Le colonel Renard introduit Gabriel Voisin à une autre personnalité essentielle de l'aviation naissante : Ernest Archdeacon (1863-1950). Ce juriste d'origine irlandaise, passionné d'automobile, est également le cofondateur de l'Aéroclub de France en 1898 avec Albert de Dion. Archdeacon vient d'acquérir un planeur et Gabriel Voisin propose ses compétences pour mener les essais. Il renforce la structure de l'appareil. Ces expériences accroissent considérablement la notoriété de Gabriel Voisin. Ernest Archdeacon fonde en 1904 le Syndicat de l'Aviation et confie à Gabriel Voisin l'unique poste créé au sein de cette structure, celui d'ingénieur, assorti d'un salaire.
Henri Farman et Ernest Archdeacon, le 30 mai 1908. Source : Gallica Fort de ses relations, Ernest Archdeacon obtient du ministère de la Guerre l'autorisation d'utiliser le terrain militaire d'Issy-les-Moulineaux pour des essais de vol. Conscients des risques inhérents à ces tentatives, il suggère de les poursuivre au-dessus de l'eau afin de minimiser les dangers. Gabriel Voisin se lance alors dans la construction de son premier biplan à flotteurs. Le 8 juin 1905, un essai concluant a lieu sur la Seine : l'appareil, remorqué par un canot automobile de course, décolle sur plusieurs centaines de mètres avant d'atterrir sans incident. Cet exploit, auquel assistent Alberto Santos-Dumont et Louis Blériot, marque le début de la collaboration entre Gabriel Voisin et Louis Blériot. Gabriel Voisin décide de quitter Ernest Archdeacon et son Syndicat de l'Aviation.
Gabriel Voisin poursuit ses essais sur l'eau, une surface jugée moins dangereuse. Copyright La courte association entre Blériot et Voisin La société Blériot-Voisin est créée à Billancourt. Les deux hommes sont aussi intransigeants l'un que l'autre. Ils se heurtent à de nombreux problèmes techniques, dont ils tirent des conclusions si opposées que leur collaboration devient de plus en plus difficile. Leurs caractères trop entiers rendent tout travail en commun impossible. Ils restent néanmoins en bons termes, et Gabriel Voisin reprend et rachète les parts de Blériot, et devient l'unique patron de l'atelier installé rue de la Ferme à Billancourt. Leur association n'a duré que seize mois.
Louis Blériot. Source : http://detallesdelahistoria.com Billancourt, puis Issy-les-Moulineaux En 1907, Gabriel et Charles Voisin fondent rue de la Ferme à Billancourt la société " Appareils d'aviation - Les frères Voisin ".
Les installations des frères Voisin à Billancourt, au 4 rue de la Ferme. Source : https://levillagedebillancourt.fr Un premier prototype est construit pour le constructeur de dirigeables Henry Kapférer. Lors du premier essai, les 20 ch du moteur sont insuffisants pour décoller. Une deuxième commande est passée par le sculpteur Léon Delagrange. Après plusieurs échecs, l'avion vole enfin le 15 mars 1907 au-dessus des pelouses de Bagatelle sur une distance de 80 mètres. Charles Voisin pilote l'avion et devient ce jour-là le premier Français a accomplir un vol mécanique avec un aéroplane muni d'un moteur à explosion. Le 5 novembre, Léon Delagrange pilote lui-même son avion sur une distance de 300 mètres. Le troisième avion construit par les frères Voisin est commandé par Henri Farman. Henri Farman a déjà une belle expérience de la conduite automobile. Il a participé au fameux et tragique Paris-Madrid de 1903. Puis il a disputé cette même année la quatrième coupe Gordon Bennet. Avec ses frères Maurice et Richard, ils exploitent un grand garage pour la vente des automobiles Panhard & Levassor. Henri Farman s'intéresse aussi à l'aviation naissante. Il prend possession de son avion Voisin en août 1907. L'engagement de Gabriel Voisin pour être intégralement payé est que l'engin en question puisse parcourir un kilomètre en ligne droite. Le 13 janvier 1908, Henry Farman, flegmatique, grimpe dans son appareil et Gabriel Voisin lance lui-même l'hélice à la main. Le pilote fait un signe, l'appareil démarre et prend l'air rapidement. Il passe entre les deux poteaux de départ et vogue vers son destin. A l'autre poteau au bout du champ, à peine visible, un virage maîtrisé, un retour rapide, un atterrissage sans histoire. C'est une ère nouvelle qui vient de s'ouvrir. C'est en effet la première fois dans l'histoire de l'homme qu'un avion décolle, vire et se pose là où il a décollé, sans dommage et devant des témoins. Jusque-là, les avions se déplaçaient en faisant des sauts de puce en avant. L'épopée a duré une minute et vingt-huit secondes. Delagrange, Blériot, Santos-Dumont, Archdeacon et des contrôleurs de l'Aéro-Club ont assisté à cet exploit.
L'accueil triomphal réservé à Henri Farman après avoir volé sur plus d'un kilomètre. Copyright Farman et les frères Voisin remportent ainsi le prix Deutsch (de la Meurthe) Archdeacon, les deux généreux mécènes qui se sont engagés à offrir la somme de 50 000 francs aux premiers qui auraient réussi ce kilomètre en circuit fermé. Après ce vol historique, Farman est fêté comme il se doit. Mais on a tendance à oublier les concepteurs de son avion. Il est vrai que les deux frères Voisin ne font rien pour se faire valoir, vêtus d'une cotte bleue hiver comme été, et du matin au soir, à tel point qu'on les baptise les " frères menuisiers ". Au grand désespoir de Gabriel Voisin, les feux se braquent souvent vers les performances des frères Wright en 1903, qui, contrairement aux Voisin autonomes, ont eu besoin d'une catapulte pour décoller. Le jour où l'Aéro-Club de France décerne son prix à Farman, le ministre Barthoux leur dit à la fin de son discours pour ne pas vouloir les oublier : " Je me tourne enfin vers ces deux ouvriers qui honorent leur profession, et dont l'application, le travail, ont permis à Henry Farman... ". Pourtant, celui-ci sans les frères Voisin ne serait pas à l'honneur. Heureusement qu'ils s'en consolent en obtenant, comme Gabriel Voisin l'aura écrit lui-même, de " solides profits ". Cela leur permet aussi d'engranger de nouvelles commandes. Confrontée à un espace insuffisant, l'entreprise transfère ses activités au 34 rue du Point du Jour, à Billancourt, où elle met en place une soufflerie aérodynamique de conception simple. L'accroissement constant du carnet de commandes est directement lié au record établi le 13 janvier 1908 et aux multiples succès enregistrés durant l'année.
L’atelier du 34 quai du point du jour. Source : https://levillagedebillancourt.frLe 30 octobre, Henri Farman réalise un vol historique en reliant Mourmelon à Reims (27 km parcourus en 20 minutes à 40 mètres d'altitude, soit 95 km/h de moyenne), marquant ainsi le premier déplacement aérien entre deux villes. En 1909, Henri Farman prend son indépendance pour devenir constructeur d'aéroplanes. L'industrie de l'aviation est lancée. Le nombre de meetings aériens se multiplie. La même année, Gabriel Voisin est honoré en étant nommé Chevalier de la Légion d'honneur à l'âge de 29 ans. Fin janvier 1910, la crue de la Seine provoque des dégâts considérables à l'usine de Billancourt, contraignant les frères Voisin à chercher un nouveau site pour leurs activités. Ils établissent alors une nouvelle usine à Issy-les-Moulineaux, à proximité du terrain où ils ont effectué leurs premiers essais en vol. Nieuport et Caudron s'installent à Issy-les-Moulineaux avant la Première Guerre mondiale. Issy-les-Moulineaux est considérée comme le berceau de l'aviation mondiale, où Farman, Blériot et Voisin ont effectué leurs premiers vols. Le terrain d'aviation d'Issy-les-Moulineaux deviendra l'héliport de Paris en 1956.
La crue de la Seine de janvier 1910 inonde massivement Paris et sa banlieue, affectant des milliers de bâtiments. Cette catastrophe a causé des dégâts matériels considérables, et a servi de leçon pour la gestion des risques d'inondation - Copyright Conscients de la montée en puissance de nouveaux concurrents, les frères Voisin comprennent la nécessité d'innover et introduisent la technique des charpentes métalliques tubulaires, une avancée qui rend obsolètes les avions traditionnels à structure en bois. Charles prend la décision de quitter Gabriel pour entreprendre un tour du monde avec sa nouvelle compagne, l'aviatrice Elisa Laroche, une initiative durant laquelle il participe activement à diverses actions de promotion pour l'aviation. Peu de temps après son retour en France, Charles Voisin décède tragiquement dans un accident de la route le 26 septembre 1912. Son Hispano-Suiza percute une Darracq à un croisement. Sa compagne est blessée. La disparition de son partenaire a un impact profond sur Gabriel Voisin, qui est devenu le premier industriel français de l'aviation. Cependant, malgré ce deuil, les activités de l'entreprise continuent de se développer favorablement, en particulier grâce à l'intérêt croissant de l'armée pour les conceptions de Gabriel Voisin. Ces dernières présentent deux atouts majeurs aux yeux des militaires : d'une part, leur structure métallique élimine les problèmes liés à l'humidité, permettant un stationnement en extérieur sans souci, d'autre part, leur train d'atterrissage robuste leur confère la capacité d'atterrir sur des surfaces non aménagées.
/ Fin 1912, il sort des ateliers Voisin le premier avion géant. Il s'appelle Icare, pèse plus de deux tonnes, et possède un moteur de 200 ch. Copyright À l'approche de la Première Guerre mondiale, Gabriel Voisin s'est hissé au rang de grand industriel, son usine d'Issy-les-Moulineaux employant près de 1 250 personnes. Le 3 août 1914 marque l'entrée en guerre de l'Empire allemand contre la France, et dès le 14 août suivant, deux avions Voisin sont utilisés pour bombarder l'usine Zeppelin de Metz-Frescaty. La Grande Guerre Suite à une requête du ministère de la Guerre, une décision est prise d'unifier l'aviation militaire. Le Grand Quartier Général sélectionne alors un modèle Voisin biplace, destiné à l'observation et au bombardement, pour être assemblé par divers constructeurs. Dans un élan patriotique, Gabriel Voisin choisit de ne percevoir aucune rémunération ni redevance de licence, considérant l'hommage rendu à son travail comme une récompense suffisante. L'usine d'Issy-les-Moulineaux devient ainsi le principal centre de production d'avions militaires en France. Cependant, Gabriel Voisin doit faire face à de vives animosités de la part de certains officiels et concurrents, alimentées par la jalousie. Lorsque les performances des avions Voisin sont égalées puis surpassées par la concurrence, une campagne de dénigrement intense se développe à l'encontre du constructeur d'Issy-les-Moulineaux. Le 5 octobre, un avion Voisin abat, grâce à sa mitrailleuse, un avion allemand Aviatick construit en Alsace, alors sous domination allemande. L'appareil est piloté par Joseph Franck, pilote d'essai chez Voisin, qui a été affecté à une escadrille de l'armée française au début du conflit. Les avions Voisin participent à un nombre considérable de bombardements nocturnes, équipés de moteurs de diverses provenances : Canton-Unné, Renault, Peugeot, Fiat et Panhard. Au total, plus de 10 000 avions sont produits durant la guerre. André Lefèbvre (1894/1964) intègre la prestigieuse Ecole Supérieure de l'Aéronautique et de Construction Mécanique (Supaéro) en 1911, obtenant son diplôme en 1914. A cette époque, le nombre d'ingénieurs aéronautiques diplômés est restreint. Les autorités estiment que son expertise sera plus précieuse au service de l'effort de guerre en contribuant à l'industrie aéronautique plutôt qu'en étant simple soldat, voire pilote. C'est ainsi qu'André Lefèbvre est embauché chez Voisin le 1er mars 1916. Son talent et son engagement lui permettent de gravir rapidement les échelons : dès l'année suivante, il est nommé à la tête du Laboratoire Voisin, une équipe composée de huit mécaniciens qualifiés. Ayant grandi dans l'atmosphère stimulante de l'essor simultané de l'aviation et de l'automobile, André Lefèbvre deviendra une figure centrale de l'aventure automobile de Gabriel Voisin, qui lui confiera l'étude des voitures destinées à la compétition et à la conquête de records.
André Lefèbvre - Copyright En 1917, une proposition financière considérable arrive à Gabriel Voisin : un homme d'affaires offre huit millions de francs pour acquérir son entreprise. Cette somme, représentant une véritable fortune à l'époque, est acceptée sans hésitation par Voisin, qui y voit l'opportunité de se consacrer pleinement à ses projets inventifs. La vente conclue, il établit un modeste atelier sur le site d'Issy-les-Moulineaux, qu'il baptise son " Laboratoire ". Cependant, cette nouvelle liberté est de courte durée. Peu après la cession, une délégation d'ouvriers et d'anciens fournisseurs le contacte instamment, le suppliant de reprendre les rênes de l'entreprise. Le nouvel acquéreur, en effet, se révèle totalement inexpérimenté dans la gestion d'une usine de cette nature. Reconnaissant ses propres limites, c'est finalement ce dernier qui propose à Gabriel Voisin de réintégrer l'affaire, à condition qu'il réinvestisse six millions de francs. Se sentant moralement engagé envers ses anciens employés, Voisin accepte cette proposition. L'homme d'affaires se révèle rapidement malhonnête : quelques mois plus tard, il détourne une partie des six millions vers d'autres comptes pour financer ses autres entreprises. Gabriel Voisin engage alors une action en justice et obtient gain de cause, étant déclaré seul propriétaire de son entreprise en novembre 1918. À 38 ans, animé d'une fierté intacte, jouissant d'une excellente santé et doté d'un talent pour le dessin technique, il est de surcroît entouré d'une équipe de collaborateurs loyaux. La reconversion vers l'automobile Anticipant la diminution des commandes d'avions militaires dès avant l'armistice de 1918 et profondément affecté par les pertes humaines liées à ses productions, sans oublier les exigences insupportables de l'administration militaire, Gabriel Voisin explore diverses pistes de diversification, allant des avions civils de grande taille aux bicyclettes motorisées et aux cyclecars. Après avoir un temps envisagé l'exploitation de hangars pneumatiques utilisés pendant la guerre et renoncé à la production en série de maisons préfabriquées, il se tourne vers un projet qu'il mûrît depuis plusieurs années. Suivant l'exemple d'André Citroën, il transforme son usine dédiée à l'effort de guerre en une usine automobile, un secteur qu'il juge plus porteur.
Projet de maison préfabriquée Voisin - Source : https://www.rustandglory.com Plusieurs autres entreprises issues de l'aviation empruntent cette voie, à l'instar de Farman et Hispano-Suiza en France, BMW et Maybach en Allemagne, et Armstrong Siddeley en Angleterre. La majorité de ces constructeurs se positionnent sur le segment haut de gamme, valorisant leurs moteurs d'exception, héritage de leur savoir-faire aéronautique. La singularité de Voisin réside dans l'application des concepts de l'aéronautique à la carrosserie, à la structure et à l'esthétique de ses automobiles, ce qui le propulse rapidement au rang de constructeur novateur. Gabriel Voisin Gabriel Voisin est un homme à la silhouette fine et nerveuse, d'une énergie communicative et d'une personnalité affirmée. Esprit indépendant, volontiers critique et contestataire, il sait se montrer séduisant, notamment auprès des femmes jeunes et attirantes, ainsi qu'aimable avec ses clients, amis et pairs. Son langage direct et sans détour sont notoire. Cependant, il se distingue par une droiture scrupuleuse, tant dans ses transactions commerciales que dans ses rapports avec ses employés. Voisin attend de son entourage une loyauté et une fiabilité équivalentes à la sienne. Sur le plan technique, il possède un talent exceptionnel, doublé d'un esprit anticonformiste qui le pousse à concevoir " différemment ". Il estt fermement convaincu de la supériorité de ses solutions, souvent originales. En revanche, il reconnait ses limites dès qu'il s'agit d'enjeux politiques ou commerciaux. C'est une personnalité dominante de la vie parisienne au temps des Années Folles. Dans cette époque qui savoure la paix retrouvée et l'illusion de la prospérité économique, l'industriel promène sa silhouette aiguisée chez Maxim's. Ce dandy hédoniste organise des soirées dans son appartement du 16ème arrondissement, qui laissent derrière elles une réputation sulfureuse et quelques époux délaissés. Son cercle intime est composé d'artistes de son temps, dont certains deviennent occasionnellement ses clients.
Gabriel Voisin. Source : https://alchetron.com Paul Morand décrit ainsi son ami Gabriel Voisin dans le second tome de son " Journal inutile " : " Le goût. La sûreté de ses dessins mécaniques, l'élégance, une continuelle invention : l'aérodynamisme des lignes, la malle arrière, le pneu de secours, l'abaissement du centre de gravité, les " bains de pieds " pour les pieds des voyageurs, l'arbre central surélevé, l'usage de l'aluminium, l'influence de l'avion sur la voiture. Adoré et admiré des ouvriers... Inventeur comme Vinci. Il peignait, dessinait, sculptait. Il s'est ruiné dix fois ". Puis il poursuit : " Gai, violent, coléreux, adoré des femmes, emmerdé par leur jalousie. Il avait trois ménages, il déjeunait deux fois avec deux femmes différentes. Rusé, roublard, Don Juan, Burlador ; doué d'une puissance physique prodigieuse, se tuant au lit et à l'usine. Un des plus beaux, des plus complets types humains qui traversèrent ma vie ".
Gabriel Voisin, par Legat. Source : Automobilia n° 250, octobre 1927 Gabriel Voisin racontait n'avoir jamais obtenu son brevet de pilote. Il expliquait qu'à l'aube de l'aviation, pionniers dans l'exploration des principes du pilotage et de la conception aéronautique à travers ses appareils novateurs, ils avaient en quelque sorte établi les bases sur lesquelles les règles du brevet furent ultérieurement définies. Fort de cette conviction, il supposait qu'aucun examinateur n'avait jamais osé remettre en question sa légitimité à piloter, partant du principe que les fondations de l'aviation lui devaient tant.
Gabriel Voisin. Copyright En 1968, Gabriel Voisin évoque avec le collectionneur Lucien Loreille (1926/2012) l'histoire de la cocotte. " Je discutais un jour sur les insignes de radiateur que l'on voyait naître timidement. Nous avions fait des essais plus ou moins malheureux, le lapin, le poisson, l'éléphant, la petite " oeuvre d'art " avaient successivement défilé sur nos bouchons sans grand succès, lorsqu'un de mes amis, le peintre Marcel Lejeune, donna son avis sur la question : " Un motif de radiateur doit être un motif mécanique. Coupez donc dans du métal des formes choisies, assemblez-les par des rivets apparents et vous obtiendrez certainement une forme satisfaisante ". Je dessinais immédiatement la " cocotte ". Je fis exécuter la pièce et le jour même, j'avais sur mon capot les deux ailes d'aluminium qui sont maintenant connues du public. Cette petite plaisanterie ne m'avait pas satisfait. Elle n'avait d'ailleurs satisfait personne, mais deux jours après trois clients la demandaient et malgré mes protestations, je dus m'exécuter. Huit jours plus tard, nous en fabriquions 50. En 1928, nous en avions sorti 5 000 et malgré mes efforts la cocotte demeure plantée sur nos bouchons. Puis les taxis copièrent la cocotte que nous avions naturellement déposée. Il nous fallut engager des procès, que nous avons gagnés, pour empêcher que la cocotte ne devînt l'instrument de toutes les plaisanteries ... "
Cocotte Voisin - Source : https://en.wheelsage.org Les automobiles de tourisme, 1919/1935 1919 Fort de son expérience au volant des voitures qu'il a eues l'occasion de conduire depuis le début du siècle, Gabriel Voisin a une vision assez précise du modèle qu'il souhaite produire. L'expérience des voitures à vapeur lui a inculqué le goût du silence de fonctionnement. Il a tout d'abord conduit une Stanley américaine, suivie par une Gardner-Serpollet, et enfin une Weyher & Richemont. Puis, lassé par les contraintes de la vapeur, il s'est tourné vers les marques Rochet-Schneider et Lorraine-Dietrich, avant de conduire une Métallurgique, une Mercedes et enfin une Panhard & Levassor à moteur sans soupapes type Knight. Pendant ces années, il a accumulé des notes et envisagé des solutions pour remédier aux problèmes et désagréments rencontrés. Deux ingénieurs, anciens de chez Panhard, Louis Dufresne et Ernest Artault, mettent au point avant la fin de la guerre le projet d'une automobile. Ce projet est proposé à Robert et Léon Morane, créateurs avec l'ingénieur Saulnier de la firme aéronautique Morane-Saulnier, qui étudie pour l'après-guerre toutes les possibilités de diversification. C'est particulièrement Léon Morane qui est en charge du développement de ce projet. Ernest Artault est par ailleurs le représentant en France du brevet Knight des moteurs sans soupapes. La disparition de Léon Morane lors d'un combat aérien en 1918 met un terme au projet. Son frère Robert n'en veut pas. Artault et Dufresne proposent alors leur automobile à André Citroën, qui lui aussi a pour ambition de passer de la production d'obus à celle d'automobiles. Quatre prototypes sont fabriqués, mais Citroën préfère s'orienter vers un modèle plus économique. Il demande donc à l'ingénieur Jules Salomon, le père des petites Zèbre d'avant-guerre, qu'il a recruté en février 1917, d'étudier sa future 10 HP. André Citroën connaît l'ambition de Gabriel Voisin de se lancer lui aussi dans la production automobile. Il le met en relation avec Artault et Dufresne. Voisin, fortement intéressé, rachète les liasses de plans de l'étude et les prototypes existants. Artault et Dufresne sont recrutés chez Voisin.
Voisin C1 Torpédo Sport, 1920 - Copyright Voisin termine le développement de la voiture qui lui est proposée. C'est un torpédo à moteur 4 cylindres sans soupapes (brevet Knight) de 3 969 cm³. Ce type de motorisation, où des fourreaux coulissants remplacent les traditionnelles soupapes d'admission et d'échappement, n'est d'ailleurs pas une nouveauté, puisque Panhard explore également cette voie. Voisin aménage son usine d'Issy-les-Moulineaux pour lancer la production de son premier modèle. La voiture, initialement baptisée M1, est prête en janvier 1919, et est soumise aux tests des Mines. Bien que conforme aux standards de l'époque, le perfectionniste Voisin sollicite son équipe, menée par Lefèbvre, pour corriger les ultimes imperfections. Les essais se poursuivent jusqu'à l'été. Au Salon de Paris en octobre 1919, la voiture est finalement dévoilée sous la désignation C1. Quatre exemplaires de la Voisin C1 sont présentés : un châssis nu et trois carrosseries différentes. Le développement a été si rapide que la " Société des Automobiles Voisin " n'a pas encore vu le jour, et c'est sous la marque " Avions Voisin " que la C1 est présentée. L'origine de cette lettre " C " reste sujette à interprétation : les initiales de Charles, ou une référence au châssis ? Son moteur de 80 chevaux lui permet d'atteindre 120 km/h. Gabriel Voisin n'est pas le seul acteur de l'aéronautique à opérer cette transition. Au Salon de Paris de 1919, sous les fastueux lustres du Grand Palais décoré par André Granet, quatre autres marques issues de l'aviation exposent leurs nouvelles productions automobiles : Blériot et Salmson, qui misent sur les cyclecars, ainsi que Gnome & Rhône et Farman, qui s'orientent vers le segment du luxe. L'armistice est encore récent, et bien que le traité de Versailles ait laissé un goût amer, le Salon de Paris se veut une vitrine de renouveau et de prospérité retrouvée.
Voisin C1 Présidence Coupé de Vile, 1921. Source : https://en.wheelsage.org Fin 1919, Gabriel Voisin recrute Marius Bernard, né en 1894 (comme André Lefèbvre), ingénieur des Arts et Métiers, ex-Panhard & Levassor, pour prendre en charge le développement de ses futures voitures de production. Les deux hommes se sont rencontrés fortuitement en 1917. Marius Bernard s'occupait alors de la mise au point des moteurs d'avion Panhard. Un soir qu'il revenait de mission, son avion a raté son atterrissage à Villacoublay. Gabriel Voisin, qui se trouvait là par hasard, est venu à son secours. Le duo Voisin/Lefèbvre s'avère particulièrement efficace. Voisin, technicien de génie mais avec une approche souvent intuitive, trouve en Lefèbvre, ingénieur au solide bagage scientifique, un collaborateur brillant capable de traduire ses intuitions en solutions techniques concrètes. Voisin, n'ayant qu'une fille, considère Lefèbvre comme un fils spirituel. Fort de sa vision précise de l'automobile idéale, forgée par son expérience dans l'aviation, Gabriel Voisin accorde une importance primordiale au centrage, tant pour une répartition optimale des masses que pour une aérodynamique efficace. Selon lui, un bon centrage est fondamental pour la maîtrise d'un véhicule. Il établit ainsi des principes directeurs stricts, tels qu'un centre de gravité aussi bas que possible et positionné en avant du milieu de l'empattement, ou encore la concentration de la masse du moteur et de la boîte de vitesses à l'intérieur de l'empattement. Ces règles doivent impérativement être respectées par les carrossiers. A l'opposé de la majorité de leurs concurrents, souvent issus du monde des motoristes et davantage focalisés sur la vitesse et la performance, Voisin et Lefèbvre placent la sécurité et la fiabilité au cœur de leurs préoccupations. Au Salon de Paris 1919, Voisin présente la 18 CV C1, un modèle à 4 cylindres de 3 969 cm³ développant 76 chevaux réels (23 CV fiscaux), vendu 40 000 francs en châssis nu et entre 52 000 et 56 000 francs avec une carrosserie d'usine (torpédo, coupé-limousine, conduite intérieure). 1920 L'austère Voisin C1 séduit une clientèle raffinée, souvent fortunée et éprise de technologie, qui la considère comme une voiture de " connaisseur". Elle est particulièrement appréciée pour sa conduite précise, sa douceur, son silence et ses excellentes reprises. Au cours de l'année, sa puissance sera d'ailleurs portée à 100 ch. A cette époque, Voisin ne dispose pas encore de son propre atelier de carrosserie. Les châssis sont donc habillés par les grands noms de l'époque, tels que Labourdette et Manessius. Gabriel Voisin aborde la nouvelle décennie avec optimisme. Sa fortune, bâtie sur la production aéronautique, lui a permis de moderniser ses usines pour l'automobile, dotées d'outillages de pointe. Il s'est entouré d'une équipe compétente et dynamique, avec des collaborateurs fidèles comme Lefèbvre et Bernard, également ses amis, qui savent tempérer son ardeur. Artault et Dufresne sont toujours présents. Bien que Gabriel Voisin ait débuté dans l'automobile en s'appuyant sur une étude externe, ce qui lui a fait gagner un temps précieux et permis des économies, il souhaite désormais s'affranchir de la conception un peu trop " Panhard " de la C1. Seul le principe du moteur sans soupapes, reconnu pour son silence et sa souplesse, sera conservé. Avec la C2, Gabriel Voisin se lance dans la conception d'une automobile d'exception, sans trop se soucier des coûts. Son objectif est de créer une voiture offrant un silence et une souplesse inégalés, à l'image des meilleures voitures à vapeur américaines comme les Doble et Stanley, mais sans leurs contraintes. La C2 doit incarner sa vision et sa philosophie mécanique. Voisin souhaite également se débarrasser de deux éléments qu'il déteste : l'embrayage et la boîte de vitesses. Il juge l'embrayage fragile, coûteux et délicat à utiliser. Quant à la boîte de vitesses, dont le principe n'a pas évolué en vingt ans, il la considère comme une simple " barre de ferraille enjolivée d'un bouton en plastique déplaçant des engrenages taillés à prix d'or ". Le développement d'un moteur V12 doit permettre de s'affranchir de ces deux accessoires, une configuration déjà réussie par Packard depuis 1916. Allant plus loin, et s'inspirant de son passé aéronautique, Gabriel Voisin conçoit un moteur léger, compact et rigide, d'une pureté de ligne absolue. Ce V12 de 7 237 cm3 est composé de deux blocs de 6 cylindres Knight sans soupapes en alliage léger. Un prototype est construit et testé longuement avec une puissance bridée à 80 chevaux, un choix délibéré pour les essais. Ce moteur, d'une grande régularité et flexibilité, permet en effet de se passer de l'embrayage. La boîte de vitesses est remplacée par un démultiplicateur à deux rapports, similaire à ceux des voitures à vapeur, permettant de passer d'une conduite " plaine " à une conduite " montagne ". La Voisin C2, présentée au Salon de Paris en octobre, a été l'une des principales attractions, bien que son prix n'ait pas été divulgué. Gabriel Voisin a rapidement compris que commercialiser cette voiture pourrait s'avérer ruineux. Son prix aurait été prohibitif pour une clientèle réticente à adopter autant d'innovations, potentiellement génératrices de pannes. La C2 est donc restée un véritable laboratoire roulant. Bien que Voisin ne participe pas directement aux compétitions, de nombreux clients, à bord de C1, hissent régulièrement le nom de Voisin au sommet des classements, que ce soit lors de challenges, de coupes, de raids, de rallyes, de critériums de consommation ou de courses de côte. Gabriel Voisin encourage vivement ces initiatives. On voit apparaître des C1 en tenues super allégées, de vraies sportives. Mais l'ensemble de ces victoires n'apporte qu'une notoriété assez limitée. Gabriel Voisin comprend bien qu'une moisson diffuse de titres de suffit plus. Il importe de se concentrer sur les épreuves majeures. A la fin de l'année, 140 Voisin C1 ont été vendues. C'est une performance encourageante pour cette voiture de luxe, dont le prix est deux fois et demie supérieur à celui de la Citroën Type A. La personnalité hors du commun de Gabriel Voisin, avec ses excès, attire le gotha européen vers ce modèle si abouti. La clientèle Voisin compte un nombre impressionnant de souverains, de princes, d'écrivains et d'artistes. La Voisin est même choisie par l'Élysée, et sa réputation dépasse les frontières, s'étendant jusqu'à Hollywood. En 1920, l'Exposition des Arts Décoratifs rend le Grand Palais indisponible, annulant ainsi le Salon de l'Automobile à Paris. Voisin reconduit son offre pour 1921. La C1 s'améliore grâce à des perfectionnements de détails, tels que des freins arrière de plus grand diamètre et un meilleur équipement électrique. À la fin de l'année, environ 950 C1 ont quitté l'usine, ce qui représente un volume important pour un tel modèle, soit environ cinq châssis par jour. 1921
Publicité Voisin. Source : Omnia n° 17, octobre 1921 Le constructeur Voisin étoffe sa gamme et présente au Salon de Paris 1921 un catalogue plus fourni pour le millésime 1922. - La C1 poursuit sa carrière sans changement majeur. L'offre de carrosseries s'élargit, avec six modèles, de 63 000 francs pour la torpédo à 71 000 francs pour la conduite intérieure 6 places. De nombreux suppléments viennent se greffer au catalogue. - La C2 précédemment décrite. - La C3 Court, qui succède à la C1, se distingue par ses performances améliorées, offrant 90 ch contre 76 pour sa devancière. Plus courte, son empattement est réduit de 3,46 mètres à 3,29 mètres, et elle bénéficie de perfectionnements au niveau des suspensions. Ses freins, réglés avec une pression plus forte à l'avant, évitent les déports intempestifs lors des freinages brusques. Bien que sa production ne débute qu'un an plus tard, ce modèle affirme la position de Voisin comme un constructeur de voitures puissantes, stables sur route, confortables et dotées d'un freinage adapté. La C3 Court demeure, comme la C1, un véhicule destiné à une clientèle d'élite.
Voisin C3 Cabriolet Transformable par Rothschild et Fils, 1925 - Source : https://en.wheelsage.org - La Voisin C4, un modèle plus compact classé 8 CV, est équipée d'un modeste moteur de 1 243 cm3. Sa création répond à une demande pressante du service commercial, qui souhaite une voiture de luxe à cylindrée réduite, capable de conserver les qualités de la 18 CV (C1/C3). Pour Gabriel Voisin, il s'agit davantage d'une adaptation aux exigences du marché que d'un choix personnel. Elle est présentée en version berline quatre portes. Faisant contre mauvaise fortune bon coeur, Gabriel Voisin vante le rendement thermique de sa 8 CV : son rendement thermique, son confort de suspension, sa tenue de route et son freinage de haut niveau. Il n'hésite cependant pas à mettre en garde sa clientèle : ces qualités s'estomperont si le propriétaire ne prend pas le soin nécessaire de l'ensemble de haute précision qu'il vient d'acquérir. De plus, il est hors de question d'habiller cette 8 CV d'une carrosserie de 18 CV, un risque qui pousse d'ailleurs Voisin à proposer ses propres carrosseries. Par rapport aux modèles concurrents, la C4 8 CV est très basse. Sa silhouette, volontairement anguleuse, optimise l'espace habitable, avec des surfaces planes et découpées de manière géométrique. L'étude de la C4 a été confiée lors de son arrivée chez Voisin à Marius Bernard, une décision qui déplaît à Louis Dufresne et qui l'encourage à proposer ses services ailleurs. Il embarque avec lui son ami Ernest Artault et rejoint Peugeot, avec sous son bras les plans de la C3. Quelques mois plus tard naîtra la Peugeot 174 Sport, nettement inspirée de la Voisin. La C4 a été produite à 900 exemplaires jusqu'en 1925.
Voisin C4 Coupé de Ville - Copyright 1922 Sur le plan personnel, Gabriel Voisin est un séducteur invétéré dont la réputation n'est plus à faire au sein de la haute société parisienne. Il nourrit une affection particulière pour les danseuses de l'Opéra. Néanmoins, il s'efforce également de construire une vie de couple plus "conventionnelle", menant de fait une double existence qu'il dissimule avec une discrétion toute relative.
Gabriel Voisin croqué par Géo Ham en 1922. Pour couronner cette année faste, Gabriel Voisin est promu à 42 ans Officier de la Légion d'Honneur. Source : Automobilia, n° 125, juillet 1922 Alexandre Millerand, président de la république de 1920 à 1924, arrive au Grand Palais à bord d'une C3 Long. Fervent amateur de la marque Voisin, il a d'ailleurs commandé plusieurs véhicules pour la présidence. Sur son stand, Gabriel Voisin est fier de lui présenter la C3 victorieuse à Strasbourg. Une C4 est également exposée. Elle conserve sa caisse anguleuse, ici habillée de motifs écossais. Ce modèle, qui allie l'austérité de ses formes rigides au chatoiement de sa décoration, symbolise la personnalité paradoxale de Gabriel Voisin. Cette dualité s'inscrit parfaitement dans le bouillonnement culturel des Années Folles, rythmées par le style Art déco.
La Voisin C4 présentée au Salon de Paris 1922 - Copyright La Voisin 18 CV C1 n'est plus présente au Grand Palais, laissant progressivement la place aux nouvelles générations. Produite à 1 334 exemplaires, elle est désormais remplacée par la C3 Court et la C3 Longue, homologuée en juin 1922. Les deux modèles partagent une cylindrée de 3 969 cm3. La C3 Court développe 90 ch et la C3 Longue 80 ch. Le choix des carrosseries varie en fonction du châssis sélectionné.
Salon de l'Automobile, octobre 1922 - Source : L'Anthologie Automobile n° 31, 1973 La gamme proposée pour 1923 est la suivante : - 18 CV C1, dont c'est la dernière année de production. 45 000 francs pour le châssis nu, 67 000 francs pour la seule carrosserie qui reste encore disponible, le Coupé de Ville. - 18 CV C3 Court, 90 ch, de 52 000 francs pour le châssis nu à 70 000 francs pour la Torpédo sport type Grand Prix de l'ACF. - 18 CV C3 Long, 80 ch, de 45 000 francs pour le châssis nu à 73 000 francs pour la berline 6 places. - 8/10 CV C4, 30 ch, de 22 000 francs pour le châssis nu à 39 500 francs pour la berline 4 glaces.
Gabriel Voisin, Salon de Paris 1922 - Source : Automobilia n° 130, octobre 1922 1923 Les publicités Voisin dégagent toujours un parfum particulier, qu'il s'agisse des annonces de presse ou des affiches. Quand une voiture apparaît, elle est tout juste stylisée.
Affiche Voisin Automobile, 1923. Elle est déclinée en publicité magazine pour promouvoir les 8 et 18 CV - Copyright Une soixantaine de C1 sont encore vendues au titre de l'année 1923.
Publicité presse Voisin, style Art Deco. Gabriel Voisin provoque la rencontre entre l'industrie et le monde de l'art. Source : Automobilia n° 146, juin 1923 Au Salon de Paris, la gamme exposée compte trois modèles : - C3 Long, elle poursuit sa carrière. De 53 000 francs pour le châssis nu à 83 000 francs pour la berline 6 places.
Voisin C3 Long, 1923 - Copyright - La C4 devient C4S, nouvelle cylindrée de 1 328 cm3 pour 33 ch, de 26 800 francs pour le châssis nu à 45 800 francs pour la berline 4 glaces. - La C5 Sport apparue au printemps 1923 remplace la C3 Court, produite à seulement 190 exemplaires. Elle conserve son 4 cylindres en ligne de 3 969 cm3 poussé à 90 ch. la C5 Sport séduit de nombreuses personnalités, dont Mistinguett et Rudolph Valentino. Ce modèle répond à la demande d'une nouvelle clientèle, jeune, ardente et fortunée. Avec la C5 Sport, Voisin étend son travail de conception à la carrosserie, offrant une caisse de torpédo sport très effilée avec quatre places confortables. L'ensemble est surbaissé et les commandes sont modifiées en raison de l'étroitesse de la caisse. C'est sur la C5 Sport que l'on découvre les premières " cocottes ailées " sur les radiateurs. Ce modèle contribue grandement à affirmer l'image de marque de Voisin. Les tarifs sont de 58 000 francs pour le châssis nu et de 84 000 francs pour l'unique carrosserie, le Torpédo Sport.
Rudolph Valentino à bord de la C5 qu'il a acheté pour assurer ses déplacements en France lors de ses tournages. Il possédera cinq Voisin - Copyright
Publicité presse - Source : Automobilia, n° 153, septembre 1923 En 1923, E. Pepinster, journaliste pour le magazine Automobilia, visite l'usine Voisin. Il y dépeint Gabriel Voisin comme un directeur actif et compétent, aussi habile sur la route qu'à l'atelier, et qui ne se repose jamais sur ses lauriers. L'usine dégage une saine atmosphère de travail. Son architecture est sobre, dénuée de tout faste comme les vestibules en fausse pierre ou les colonnes en simili marbre. En revanche, elle est pensée pour optimiser l'efficacité de chaque effort.
Un incendie a détruit une partie des ateliers de carrosserie Voisin, occasionnant de lourdes pertes.. Source : Automobilia, n° 159, décembre 1923 1924 On découvre, lors d'un inventaire, qu'une voiture ultra-légère Voisin 10 CV, préparée par Lefèbvre, a disparu ; un administrateur apprend par hasard qu'elle a été vendue à prix d'or à Renault, ce qui surprend Gabriel Voisin, car cette pratique déloyale n'est pas dans les habitudes de Louis Renault, avec qui il entretient des relations d'estime depuis la guerre. Louis Renault, contrarié que sa probité soit mise en doute, mène l'enquête et découvre que la voiture, proposée à quatre grands constructeurs français, a été acquise par son bureau d'études qui a fait la meilleure offre, mais qu'elle a malheureusement déjà été démontée par les ingénieurs de Billancourt pour en percer les secrets !
Voisin C4S - Source : Omnia n°47, avril 1924 Au Salon de Paris, le style des Voisin change radicalement. De face, la caisse se plie au niveau de la ceinture pour se resserrer à hauteur du pavillon. Ce type de carrosserie est proposé sur tous les modèles de la gamme. Ces caisses originales de forme prismatique reflètent les conceptions de Voisin pour la diminution du maître couple, l'abaissement du centre de gravité et l'amélioration de la tenue de route. Gabriel Voisin adopte les habillages allégés promus par l'aviateur et ingénieur Charles Terres Weymann (1889-1976). Très répandu sur les automobiles de luxe des années 1920 et au début des années 1930, cette technique est ensuite supplantée par les carrosseries tout acier embouties, plus résistantes et permettant des formes plus fluides. Le principe des carrosseries Weymann repose sur une structure en bois flexible, assemblée par des joints souples, puis recouverte de tissu ou de simili-cuir tendu. Cette conception offre une légèreté remarquable, un silence de fonctionnement inédit en évitant les grincements, et un confort accru grâce à l'absorption des vibrations, le tout pour un coût de fabrication inférieur aux carrosseries métalliques traditionnelles. Cependant, les carrosseries Weymann présentent une résistance limitée aux intempéries : le tissu se dégrade avec le temps et nécessite un entretien rigoureux, une mauvaise étanchéité pouvant entraîner la pourriture du bois. De plus, elles offrent une protection moindre en cas d'accident grave par rapport à une carrosserie métallique rigide.
En toute humilité ... - Source : Omnia n°54, novembre 1924 Gabriel Voisin, de plus en plus réticent à voir ses châssis carrossés à l'extérieur, propose ses propres habillages. Il déplore les carrosseries jugées trop lourdes qui, malgré une apparence invulnérable, se désintègrent en cas d'accident, causant décès et blessures. Au Salon de Paris, la gamme présentée compte quatre modèles : - La puissance de la C3 Long passe de 80 à 85 ch. Les prix varient de 61 000 francs pour le châssis nu à 97 000 francs pour la version Conduite intérieure route 4/6 places. - Les tarifs de la C4S s'étendent de 29 500 francs pour le châssis nu à 51 500 francs pour le Coupé de Ville. - La C5 Sport voit sa puissance légèrement augmentée et est disponible avec une nouvelle carrosserie Berline Sport en complément du Torpédo. Le châssis nu est à 65 000 francs, la Berline Sport à 93 000 francs, et le Torpédo à 95 000 francs. - La C7 présentée en début d'été est destinée à remplacer progressivement la C4S. Elle est disponible en version Court avec un empattement de 2,88 mètres, et Long avec un empattement de 2,98 mètres. Des personnalités comme Paul Morand et Maurice Chevalier en font l'acquisition. Son moteur 4 cylindres de 1 551 cm3 et 40 ch est plus performant que celui de la C4S, répondant aux attentes de ceux qui trouvaient cette dernière juste suffisante pour les parcours urbains, sans être pour autant un foudre de guerre. Les prix débutent à 36 000 francs pour le châssis nu de la C7 Court et atteignent 60 000 francs pour la Conduite intérieure route 6 places de la C7 Long
Voisin 10 CV C7 - Source : Omnia, n° 53, octobre 1924
Voisin 18/23 CV C3 Long - Source : Omnia, n° 53, octobre 1924 La réputation des Voisin est désormais bien établie. Les modèles 18 HP (C1, C3, C5) ont ouvert la voie au succès de la plus économique 8 CV C4S, et c'est à présent au tour de la 10 CV C7 de prendre le relais. Le réseau routier français s'améliore constamment, et les Voisin figurent parmi les routières capables de maintenir des moyennes très élevées. Voisin intègre aussi dans son catalogue 1925 les Petit Laboratoire et Grand Laboratoire. -
Petit Laboratoire,
10 HP, C10, 1 551 cm3, au prix de 90 000 francs. Une vingtaine de voitures de ce type, inspirées des voitures ayant participé au GP de l'ACF de Lyon, sont fabriquées (y compris celles destinée aux courses) durant l'année 1924. Il ne s'agit donc pas d'une véritable commercialisation à grande échelle. En 1924, Voisin a produit un total de 855 voitures, dont 350 C4, 383 C3 Long et 125 C5 (ce chiffre inclut les unités produites fin 1923). 1925 L'année 1925 n'a pas vu de Salon de l'Automobile à Paris, car le Grand Palais est entièrement réquisitionné par l'Exposition internationale des Arts décoratifs et industriels modernes, qui se tient d'avril à octobre. Malgré cette absence notable, le cycle de l'année automobile démarre comme de coutume en octobre. C'est ce moment-là que Gabriel Voisin choisit pour présenter deux nouveautés. La première innovation est une carrosserie largement vitrée, baptisée Lumineuse. Initialement adaptée au châssis de la 10 CV C7, elle suscite quelques sarcasmes, les plus suspicieux la qualifiant de " cercueil Voisin ". Cependant, fidèle à sa philosophie, Gabriel Voisin la commercialisait comme une voiture complète. Il se méfie en effet des carrossiers extérieurs, qu'il juge peu soucieux du poids, à l'exception notable de Charles Weymann. A bord de la Lumineuse, l'accent est mis sur la visibilité et la lumière. Les montants du pare-brise, les piliers de portes et même les panneaux de custode sont si fins qu'ils réduisent drastiquement les angles morts, inondant l'habitacle de clarté. Sur les portières, Gabriel Voisin a conçu un système ingénieux : deux glaces coulissantes montées sur une équerre à branche centrale de guidage, supprimant ainsi le mécanisme traditionnel du lève-vitre et les encadrements. Cette simplification, tant pour la construction que pour l'usage, incarne l'une des règles fondamentales du design moderne selon Voisin. L'intérieur, bien que fonctionnel avec ses quatre sièges identiques, ne rime pas avec austérité. Le constructeur propose des garnitures très gaies en tissu écossais, s'inscrivant parfaitement dans le style Arts décoratifs. Ce choix offre un contraste saisissant avec les intérieurs souvent sobres de la concurrence. Pour le côté pratique, de grandes malles sont fixées à l'arrière ou sur les marchepieds, apparaissant parfaitement intégrées au style de la voiture.
Voisin C7 Lumineuse - Source : https://en.wheelsage.org La seconde nouveauté de Gabriel Voisin pour cette fin d'année 1925 est la 14 CV C11, dotée du premier moteur 6 cylindres proposé en série par le constructeur (2 327 cm3 et 60 ch). Son châssis, très similaire à celui de la 10 CV C7, se distingue principalement par ses dimensions naturellement plus importantes. Pour le reste, elle reprend les mêmes conceptions techniques éprouvées, que ce soit pour le moteur, la transmission, les suspensions ou la direction.
Voisin 14 CV C11 Transformable - Source : Automobilia n° 220, juillet 1926 Gabriel Voisin est un homme méticuleux, un adepte des carnets de notes où il consigne scrupuleusement les résultats de toutes ses expériences. Il perçoit clairement les limites des moteurs 4 cylindres, notamment leur relative rudesse. Le confort des 6 cylindres, déjà présents sur quelques voitures françaises ou importées d'Amérique, le convainc de l'intérêt de ces mécaniques. La gamme pour 1926 prend de l'ampleur, et compte désormais cinq modèles : - La C3 Long poursuit sa carrière, de 68 000 francs pour le châssis nu à 108 000 francs pour la conduite intérieure.
Voisin 18 CV C3 Long - Source : Omnia n°57, février 1925 - La C4S est en fin de carrière, sa production cesse avant l'hiver. Elle coûte 32 000 francs en châssis nu et 52 000 francs en torpédo. - Les tarifs de la C5 Sport s'échelonnent de 72 000 francs pour le châssis nu à 112 000 francs pour la Berline Sport. - Sur la C7, les tarifs vont de 37 500 francs pour le châssis nu de la C7 Court à 63 500 francs pour la C7 Long à carrosserie Conduite intérieure route six places. - La mise au point de la nouvelle 14 CV C11 n'est pas encore terminée. Elle sera effectivement disponible au début de l'été 1926, d'abord avec une carrosserie de type Sulky, avant de disposer des mêmes carrosseries que la C7. E. Pepinster essaye pour Automobilia en juin 1925 (n° 194) une C7 Longue à carrosserie de type Lumineuse. Concernant la carrosserie et l'aménagement intérieure, il précise : " Le radiateur en coupe-vent obtus, légèrement incliné en arrière, précède un capot très haut qui a permis d'installer le réservoir d'essence sous l'auvent, bien que sa capacité ne soit pas minuscule. La conduite intérieure Voisin, taillée à facettes, comme un diamant, est bien connue de tous les gens qui ont plus ou moins mis le pied ou la roue dans une rue parisienne ou sur une route de France. Avec l'esprit de dénigrement préalable qui caractérise beaucoup de nos concitoyens, on l'a d'abord attribuée au caprice de quelque jeune homme en mal de singularité, on l'a comparée à ces cloches à melons perfectionnées, formées de vitres assemblées. Puis, peu à peu, en y regardant de plus près, on s'est aperçu que l'idée n'était pas baroque, que l'emploi des surfaces planes offrait une grande facilité de construction, supprimait les emboutissages coûteux, donnait lieu à une articulation très robuste des portières, permettait une visibilité excellente, que la section trapézoïdale allie l'aisance des coudes avec la modestie du maître couple. A l'intérieur, on y trouve maint détail ingénieux. C'est le miroir rétroviseur placé au-dessus du pare brise et permettant de voir ce qui se passe par la lunette arrière, large à souhait ; c'est la réglette pousse glace permettant de décoller la demi-glace fermée quand on veut l'ouvrir ; c'est l'ouvre-porte à came et à lanière plus simple et plus pratique que n'importe quelle poignée à manette ; c'est le pare-brise inclinable avec sa boule de serrage, permettant de conduire par la pluie ; c'est le caisson arrière renfermant les accus et supportant la roue de rechange, que la plaque de police permet de condamner et de cadenasse ; ce sont enfin les sièges avant indépendants et les strapontins à fosse qui s'effacent si discrètement quand l'on n'a pas besoin d'eux ".
Voisin C7 Longue 10 CV, essayée par E. Pepinster, pour Automobilia. Source : Automobilia n° 194, juin 1925. Durant cette année 1925, Voisin a produit 925 voitures, dont 180 C4S, 500 C7 (250 Courte et 250 Longue) et 245 18 CV, C3 L et C5 confondues. 1926 Les carrosseries de type Lumineuse sont déclinées sur les C7, C11 et C14 entre 1926 et 1930.
Voisin 10 CV C7, cabriolet 2 portes 4 glaces Sulky. Source : Gallica Dans la gamme présentée au Salon d'octobre 1926, la C4S a disparu. Le coeur de la gamme est inchangé, avec les C3 Long, C5 Sport, C7 et C11. La nouveauté au Salon de Paris et la C12, une 6 cylindres de 4 530 cm3 et 105 ch. Elle n'est disponible qu'en châssis nu.
L'habitacle se resserre dans la partie haute. Source : Automobilia n° 216, mai 1926
Voisin 10 CV C7. La publicité presse se fait plus informative. Source : Omnia n° 73, juin 1926 Les modèles pour 1927 sont donc : - La C3 Long, en fin de carrière. Production totale de 1 750 exemplaires - La C5 Sport, en fin de carrière. Production totale de 500 exemplaires - La C7, 4 cylindres de 1 551 cm3 - La C11, 6 cylindres de 2 327 cm3. C'est un succès commercial. - La C12, nouveau modèle 6 cylindres de 4 530 cm3 et 105 ch. Elle atteint 150 km/h, une performance rare à l'époque, comparée aux 115 km/h de la C11. L'empattement est à la hauteur de cette mécanique, 3,58 mètres de long. La C12 rivalise avec des marques prestigieuses telles que Farman, Hispano-Suiza et Renault (40 CV), mais ne trouvera que soixante acquéreurs entre 1926 et 1933.
Publicité Voisin, 1927 Gabriel Voisin tente une normalisation des appellations de ses automobiles. Pour un modèle donné, le châssis porte un code. Ensuite, chaque carrosserie est identifiée avec un nom qui lui est propre. Ainsi un châssis nu de C7 s'appelle Chasteness, un châssis court de C11 Chassidim, mais la carrosserie d'un Coupé de Ville prend le nom de Chasseur, quel que soit le châssis que la reçoit.
Citroën, De Dion, Voisin et Brasier vus par SIL- Source : Automobilia n° 224, septembre 1926 1927 Sur ce Salon, les évolutions de la gamme sont relativement mineures : - La C7, 4 cylindres 1 551 cm3, est produite jusqu'en fin d'année 1927. Elle totalisera durant sa carrière 1 350 unités. Gabriel Voisin ne proposera plus de mécaniques de ce type, et fait le choix s'orienter ses études vers les 6 cylindres et plus. Il affirme ainsi le caractère haut de gamme de la marque. Les tarifs s'échelonnent de 43 000 francs pour le châssis nu à 72 000 francs pour le Coupé de Ville. - La C11, 6 cylindres de 2 327 cm3. Son succès confirme le bon positionnement du modèle sur le marché. De 58 000 francs pour le châssis nu à 87 000 francs pour le Coupé de Ville.
Voisin 14 CV C11, berline 4 portes 4 glaces. Source : Gallica - La C12 est proposée, outre le châssis nu, avec deux carrosseries d'usine, une berline 4 portes et une conduite intérieure 7 places. Le châssis nu est facturé 125 000 francs. Les tarifs des deux carrosseries usine sont sur devis.
Voisin 24 CV C12 - © : L'Illustration (www.lillustration.com) 1928 Pour le dixième anniversaire de son entrée dans le monde de l'automobile, Gabriel Voisin a fait redessiner toutes ses carrosseries, à l'exception de la Lumineuse. Contrairement à ses habitudes, lui qui déteste les réalisations trop lourdes et sans finesse des carrossiers, Voisin intègre à son catalogue deux carrosseries fabriquées par Manessius, reconnaissant à ce dernier une propension à l'allègement. Les nouvelles Voisin se caractérisent par leur toit abaissé.
Publicité Kervoline. Source : Automobilia n° 270, août 1928. On reconnaît de gauche à droite une Delage, une Voisin et une Hotchkiss. La gamme présentée au Salon de Paris compte trois modèles : C12, C14 et C15 - La C12 poursuit sa carrière confidentielle. - La C14, introduite après la production de 2 130 exemplaires de la C11, à laquelle elle succède, n'est pas révolutionnaire, mais correspond plutôt une série de perfectionnements. Bien qu'elle conserve le même moteur 6 cylindres sans soupapes de 2 326 cm³ que la C11, sa puissance réelle est légèrement augmentée. Un changement notable est son passage à une puissance fiscale de 13 CV, contre 14 CV pour sa devancière. La production de la C14 s'arrêtera en 1932, avec 1 795 exemplaires fabriqués, mais les châssis restants en stock seront vendus jusqu'en 1935. - La 13 CV C15 est une variante de la 13 CV C14. Son empattement est ramené de 3,22 mètres à 2,98 mètres.
Voisin C14 Chartre - Source : https://en.wheelsage.org
Voisin C14 Chartéorum - Source : https://en.wheelsage.org L'année 1929 est marquée par un événement dévastateur pour Gabriel Voisin : l'incendie de son usine d'Issy-les-Moulineaux. Cet incident a de graves répercussions sur la production de ses automobiles, d'autant plus que l'usine est mal assurée, entraînant des pertes financières importantes. Gabriel Voisin doit également faire face à une autre difficulté. Ses voitures sont certes exceptionnelles, leurs qualités mécaniques reconnues, mais elles n'offrent pas les performances des Bugatti, tandis que leurs prix dépassent souvent ceux des modèles de Molsheim. Privée de ses 4 cylindres, la production des Voisin retombe à 830 voitures. On comptabilise 500 exemplaires de la C11 (les dernières), 40 de la C12, et 290 de la nouvelle C14.
L'une des dernières Voisin C11 produite en 1928 - © : L'Illustration (www.lillustration.com) 1929 Au Salon de Paris, les modèles C12, C14 et C15 de l'année précédente sont toujours présents, mais deux nouveautés font leur apparition : les C16 et C18. - La C12 reste fidèle au poste. Ses carrosseries, parmi les plus légères au monde, bénéficient de l'expérience aéronautique de Gabriel Voisin. Elles intègrent des armatures en bois associées à des éléments en aluminium très résistant. Les prix s'échelonnent de 120 000 francs pour le châssis nu à 162 000 francs pour les modèles carrossés. - La C14 se distingue par des ailes arrière plus enveloppantes. Une avancée notable est son nouveau relais magnétique, conçu par Cotal et Voisin, qui permet de changer de vitesse en douceur, sans bruit et sans débrayage, grâce à une petite manette située sous le volant. Les tarifs varient de 59 000 francs pour le châssis nu à 89 000 francs pour les modèles carrossés les plus onéreux. - Lancée moins de deux ans auparavant, la C15 disparaît du catalogue. Seulement 45 exemplaires ont été fabriqués. Les dernières voitures sont proposées à 68 000 francs pour le châssis nu, et l'unique coupé deux glaces deux places est affiché à 98 000 franc - La nouvelle Voisin C16 est propulsée par un moteur six cylindres de 5 829 cm³ développant 130 chevaux. Elle est considérée comme l'héritière, voire la grande sœur, de la C12. Son design reste fidèle aux dernières créations de la marque : un capot arrondi se terminant par une calandre en coupe-vent surmontée de deux ailettes verticales, une carrosserie aux lignes anguleuses, un pare-brise vertical de dimensions réduites, des portes à ouverture antagoniste et de grandes roues à enjoliveurs pleins. Cet ensemble crée un style très personnel et inimitable, qui deviendra la signature de la marque jusqu'au milieu des années 1930. Les prix vont de 145 000 francs pour le châssis nu à 187 000 francs pour tous les modèles carrossés. Malgré ses qualités, la Voisin C16 ne totalisera que 77 commandes entre 1929 et 1933.
Voisin 33 CV C16 Chatelaine. Une Voisin s'adresse à priori à un connaisseur en phase avec les visions de Gabriel Voisin. Il doit en outre être doté de solides revenus ... - Copyright - Autre nouveauté du Salon de Paris, la 22 CV C18 est animée par un douze cylindres de 3 860 cm³ développant 100 ch. Gabriel Voisin avait déjà exploré ce type de motorisation en 1920 avec la C2. En cette même année 1929, une Voisin douze cylindres de records roule à Montlhéry. Lors de sa commercialisation en 1930, la cylindrée sera portée à 4 890 cm³, pour une puissance de 115 ch. Voisin est un fervent défenseur des V12, vantant leur souplesse, leur absence de vibrations, leur silence et la régularité de leur couple. Au lancement, les prix s'échelonnent de 145 000 francs pour le châssis nu à 187 000 francs pour tous les modèles carrossés, des tarifs identiques à ceux de la C16. La C18 fera l'objet de 89 commandes entre 1929 et 1933.
Voisin C18 - © : L'Illustration (www.lillustration.com) A l'issue de ce millésime 1929, Voisin a vendu 710 voitures, dont 30 C12, 650 C14 et 30 C15. 1930 Au printemps 1930, la Voisin C21 fait son apparition dans la gamme, tandis que les études des C20 et C22 sont encore en phase de finalisation. - Lancée au printemps 1930, la 28 CV C21 est le résultat de l'assemblage du moteur V12 de la C18 sur un châssis plus court de C14. Sa carrosserie de coupé 4 places se caractérise par un capot allongé et un coffre réduit, avec un habitacle nettement repoussé vers l'arrière. Sa production restera confidentielle. Elle est proposée au prix de 135 000 francs. - Annoncée dès le Salon de Paris 1929, la 28 CV C20 est toujours en cours de développement. Son design est inspiré des Voisin de record, avec un châssis surbaissé dont les longerons sont cintrés en sens inverse pour abaisser le centre de gravité. Les ressorts et l'essieu avant sont positionnés au-dessus du châssis, et non plus en dessous. Malgré sa faible hauteur (1,50 mètre), l'habitacle du prototype offre un volume équivalent à celui des grandes berlines Voisin non surbaissées. Son moteur V12 de 4 890 cm³ est poussé à 120 chevaux. - Développée simultanément à la C20, la 33 CV C22 reprend le même châssis surbaissé. Elle est équipée du moteur 6 cylindres de la C16, un 5 829 cm³ qui développe ici 135 chevaux (contre 130 chevaux auparavant). Depuis un peu plus d'un an, la marque Voisin traverse de graves difficultés financières. Cette situation est la conséquence directe du marasme grandissant qui frappe le marché de l'automobile de luxe, après l'euphorie des années 1920. Cette décennie s'achève brutalement avec le krach de Wall Street en octobre 1929. Malgré leur excellence technique et leur élégance, les voitures Voisin se vendent difficilement en raison de leurs prix trop élevés et d'une concurrence exacerbée. Les constructeurs de série ont réalisé des progrès considérables, ce qui pousse la clientèle des voitures de grand luxe, produites en très petites quantités, à se tourner vers les véhicules de grande diffusion. Ces derniers sont meilleurs d'une année sur l'autre, coûtent trois à quatre fois moins cher et sont exempts d'entretien onéreux. Ils proposent également des équipements modernes comme deux roues de secours, du chrome à profusion, une malle incorporée type Coquille, ou encore des verres de sécurité. Si l'on ajoute à cela la concurrence des voitures américaines, la situation devient très préoccupante pour des entreprises comme Voisin. Beaucoup s'épuisent et finissent par abandonner. À Issy-les-Moulineaux, les châssis invendus s'entassent, et le nombre de voitures produites ne couvre plus les frais fixes. Gabriel Voisin paie en partie le prix de sa politique axée sur la recherche et le développement, au détriment de modèles de production viables. Les investissements colossaux accordés aux C20 et C22, ainsi que les études pour les voitures de records, pèsent lourdement sur les finances de l'entreprise. Les techniques de pointe ne sont plus un argument de vente suffisant. Les financiers de l'affaire sont lassés, le réseau des concessionnaires et les responsables commerciaux s'interrogent et improvisent. Gabriel Voisin se bat seul, dos au mur, face à ses interlocuteurs habituels qui comprennent de moins en moins ses inébranlables convictions. Parmi les prototypes sans issue, on trouve l'étude d'une traction avant 3,2 litres dotée d'un V8 de près de 100 chevaux, d'une boîte Cotal et d'une carrosserie de 13 CV surbaissée. Cette étude est animée par André Lefèbvre. La traction avant permet d'abaisser le centre de gravité, elle accroît l'espace disponible dans l'habitacle, réduit le poids et diminue le prix de revient. Fin 1930 à juillet 1933 : sous administration belge La C20 12 cylindres surbaissée est disponible au Salon de Paris 1930. Par rapport au prototype, le châssis est allongé et l'essieu avant est remanié. Gabriel Voisin reste très attentif aux questions de centrage. Il propose trois carrosseries : berline 4 portes, demi-berline 2 portes et Phaéton 2 portes. Le châssis très bas permet de ramener les marchepieds à leur plus simple expression. L'habitabilité n'a rien à envier aux Voisin non surbaissées. Les berlines et demi-berlines se singularisent par des caisses à angles vifs, faites de grands panneaux lisses. Les Voisin surbaissées, même si elles sont considérées comme ce que le constructeur a jamais proposé de meilleur, ne connaissent pas le succès commercial attendu. Leur complexité et leur prix de vente, 140 000 francs pour le châssis nu et 180 000 pour les modèles carrossés, effraient les clients les plus fidèles.
Voisin 12 cylindres C20, 1930 - © : L'Illustration (www.lillustration.com) La C22 adopte les mêmes carrosseries que la C20 et est proposée aux mêmes tarifs, mais en 6 cylindres.
Voisin Type C22 Coupé - Copyright Fin 1930, Gabriel Voisin est contraint de céder sa marque à un groupe financier belge. Ce dernier projette de créer une sorte de General Motors européen, en s'appuyant sur des marques comme Imperia qu'il possède déjà, et Voisin. L'accord de vente prévoit un paiement à terme. La " Société des Aéroplanes Gabriel Voisin " devient alors la " Société Commerciale des Aéroplanes Gabriel Voisin ". Gabriel Voisin quitte son usine d'Issy-les-Moulineaux, et ouvre un bureau d'études et un petit atelier boulevard Exelmans à Paris. L'usine d'Issy-les-Moulineaux passe sous contrôle belge, ce qui entraîne une politique d'austérité et une réorganisation de la gamme Voisin. Marius Bernard conserve dans un premier temps son poste d'ingénieur en chef des services techniques. Pour sa part, André Lefèbvre, en désaccord avec la nouvelle direction, quitte l'entreprise en mai 1931 pour rejoindre Renault, sur les conseils de Gabriel Voisin. Il devient l'adjoint de Charles Serre, responsable du département Développement. Louis Renault est très conservateur dans ses choix techniques, tandis que Lefèbvre prône la légèreté et la traction avant. Le patron de Billancourt développe des tendances dictatoriales, alors que Lefèbvre est habitué aux discussions passionnées avec Gabriel Voisin. Ne trouvant pas sa place, Lefèbvre quitte son emploi chez Renault le 2 décembre 1933 pour rejoindre André Citroën. Chez Voisin, une coopération avec Imperia s'impose au niveau des produits. A Issy-les-Moulineaux, on assure l'habillage de quelques châssis Imperia 10 CV construits en Belgique. Ce type I 22 est proposé avec deux carrosseries : une berline à angles arrondis et un coach à angles vifs, vendus respectivement 52 500 et 49 500 francs. Un châssis court I 23 doit également être carrossé chez Voisin. Dans la gamme des Voisin C12, C14, C16 et C18, le choix des carrosseries se resserre. Il manque à Voisin un modèle intermédiaire capable d'assurer du volume, entre la C14 qui va bientôt s'incliner et les peu raisonnables C20 et C22 de haut de gamme, que leurs prix condamnent à rester confidentielles. Sans attendre le Salon de Paris, le constructeur Voisin sous direction belge annonce en mars 1931 une 17 CV, la C23, qui deviendra, avec ses descendantes C24 et C25, le cheval de bataille de la marque jusqu'en 1935.
Voisin Type C23 - Copyright Cette C23 est l'œuvre de Marius Bernard, qui signe là sa première réalisation intégrale, c'est-à-dire sans aucune influence ni pression de Gabriel Voisin. C'est une 6 cylindres de 2 994 cm³. Sa puissance est de 80 ch. La voiture est bien accueillie par les fervents de la marque et connaît des débuts commerciaux prometteurs, malgré un prix de vente bien plus élevé que celui de la C14, dont elle reprend divers éléments mécaniques : 69 000 francs pour le châssis nu, contre 54 000 francs pour la C14. C'est près du double des tarifs de la concurrence, même si sur le plan technique elle surclasse les Delage, Hotchkiss ou Talbot de même cylindrée. C'est une voiture bien née, une excellente routière, performante, au freinage efficace, tenant bien la route. Son moteur est endurant, sa transmission Cotal-Voisin agréable, le poste de conduite bien aménagé. Seul Bugatti vend la type 49 à un prix proche de celui de la C23. Les C12, C16, C18, C20 et C22 sont toujours inscrites au catalogue, même si la production de toutes ces 6 et 12 cylindres ralentit considérablement. On compte jusqu'en 1934 un total de 126 type C12, 77 type C16, 89 type C18, environ 15 type C20 et environ 10 type C22. Ces voitures sont devenues anachroniques en ces temps de crise économique.
Extrait du magazine Omnia N° 129, décembre 1930 La gestion belge de l'entreprise est catastrophique. Aucune décision stratégique ne permet de renouer avec les bénéfices. Malgré les ventes prometteuses de la C23, Voisin est mis en faillite. De l'extérieur, grâce aux contacts conservés en interne, Gabriel Voisin assiste impuissant au naufrage de l'entreprise qu'il a créée. Pire, il n'a pas encore été payé pour cette vente. Il porte plainte pour défendre ses intérêts, s'engageant ainsi dans un procès et de multiples péripéties judiciaires qui s'étaleront sur près de deux ans, et se termineront à son avantage au printemps 1933. Gabriel Voisin garde des contacts à l'intérieur de l'usine qui ne lui appartient plus. C'est lui qui suggère d'étudier une version surbaissée de la C23, reprenant ainsi une recette déjà utilisée sur les 12 cylindres. La C24 reprend le 6 cylindres de 2 994 cm3 de la C23, dont la puissance est portée de 80 ch à 90 ch. Cette voiture sera produite à 120 exemplaires de 1932 à 1935. Elle représente l’aboutissement du style Voisin affirmé dès les années 20.
Voisin C24, carrossé en demi-berline Carène - Copyright Marius Bernard n'adhère pas aux pratiques des nouveaux propriétaires. C'est un ingénieur respecté et convoité. Durant l'automne 1932, il quitte Issy-les-Moulineaux, part en mission à Turin pour préparer l'installation à Bonneuil-sur-Marne, en région parisienne, de la filiale française de Lancia. Produire les petites Lancia Augusta et Belna en France les rendrait commercialement plus compétitives, en évitant les lourds droits de douane. Pour la troisième et dernière fois, la gamme Voisin est présentée au Salon de Paris 1932 par la Société Commerciale des Aéroplanes Gabriel Voisin. La gamme est identique à celle du Salon 1931, à l'exception de la nouvelle C24. En pratique, les grosses cylindrées n'intéressent plus personne. juillet 1933 / Le retour de Gabriel Voisin aux affaires Après la liquidation de la " Société des aéroplanes Gabriel Voisin ", placée sous direction belge, Gabriel Voisin sort victorieux de son procès et reprend les rênes de son entreprise en juillet 1933. Cependant, il découvre une situation financière chaotique, héritant des dettes colossales laissées par la gestion précédente. Pour assainir la situation, deux administrateurs judiciaires sont nommés, dont Georges Héreil, futur dirigeant de Sud-Aviation puis de Simca, et M. Mauger. Ils proposent aux créanciers un moratoire de trois ans, misant sur les ventes prometteuses de la C24, un modèle très apprécié par la clientèle. Gabriel Voisin n'a donc pas les mains totalement libres. L'épisode belge a d'ailleurs terni l'image de la marque, figeant la gamme qui semble alors démodée, et semant le doute sur l'avenir de l'entreprise. A 53 ans, Gabriel Voisin fait preuve d'une force inouïe pour relancer son affaire, avec hélas une usine désorganisée et un criant manque de fonds. En 1933, aucune nouvelle étude n'est lancée. De plus, dans le cadre de la politique d'austérité imposée par les administrateurs, Gabriel Voisin renonce pour la première fois à une présence au Salon de Paris, un événement auquel il était fidèle depuis ses débuts dans l'automobile. En octobre 1933, la gamme officielle de Voisin se compose de cinq modèles à six cylindres (C14, C16, C22, C23 et C24) et d'une V12, la C18. Les prix de vente sont légèrement réduits, jusqu'à plus de 10 % pour certains modèles. Pour 1934, la C24, le modèle le plus vendu, bénéficie d'améliorations significatives, lui conférant davantage de couple et de puissance. Sur la route, la C24 masque étonnamment bien son poids. Son style intemporel, qu'il s'agisse du coach ou de la berline, devient un pur exemple de classicisme. Gabriel Voisin est parvenu à offrir une pureté de ligne exemplaire, où la beauté et la fonctionnalité se conjuguent parfaitement. Grâce à ses proportions harmonieuses, la C24 se révèle finalement plus aérodynamique que les pseudo voitures profilées qui commenceront à se généraliser sur le marché. Octobre 1934 à octobre 1935 / l'Aérodyne Au printemps 1934, Gabriel Voisin retrouve son fidèle directeur technique, Marius Bernard, qu'il convainc sans difficulté de revenir. De retour à l'usine d'Issy-les-Moulineaux, Bernard a pour mission de faire table rase du passé et de redonner vie à l'entreprise. A cette époque, l'industrie automobile est en pleine mutation, avec la déferlante des voitures aérodynamiques qui rendent obsolètes les anciennes carrosseries carrées. Les calandres s'inclinent, les carrosseries s'arrondissent, les ailes deviennent plus enveloppantes et les surfaces vitrées se réduisent. Ce mouvement, déjà perceptible au dernier Salon de Paris, est clairement incarné par le lancement de la Chrysler Airflow en 1934 et de la Peugeot 402 en 1935, ainsi que par l'audacieuse Citroën Traction Avant en 1934 qui popularise la traction avant et la ligne surbaissée sans marchepieds. Pour rester compétitif sans engager de dépenses excessives, Voisin modernise la C24 en lui offrant deux carrosseries aux lignes plus douces, les " Charmeuse " et " Caravelle ", lancées juste avant l'été 1934.
Voisin Aérodyne - Copyright En accord avec les administrateurs, Gabriel Voisin, toujours aussi audacieux, décide de frapper un grand coup en créant l'Aérodyne. Cette voiture est censée ramener Voisin à la une des journaux spécialisés et impressionner la clientèle, car le constructeur n'a d'autre choix que de faire avec les moyens du bord. L'Aérodyne, dont le nom évoque un appareil volant plus lourd que l'air, est présentée en octobre 1934 au Salon de Paris. Développée à partir d'un prototype basé sur la C24, la version de salon est un Type C25. Son moteur 6 cylindres de 3 litres, dopé par deux carburateurs Zénith double corps horizontaux, développe 90 ch, ce qui, combiné à son excellent profilage, bien que les voitures ne passent pas encore en soufflerie, lui permet d'atteindre près de 150 km/h. Un centrage des masses parfait et une garde au sol très basse lui confèrent une tenue de route remarquable. Gabriel Voisin entend bien répondre à l'engouement du public pour l'aérodynamisme, mais à sa manière, sans se laisser entraîner par les artifices d'une aérodynamique mal comprise. L'Aérodyne ne ressemble à rien d'autre, affichant un style Voisin singulier, novateur, voire déconcertant. Pour concrétiser ces formes inédites, Gabriel Voisin fait confiance au talent de son styliste, André Noël-Noël. L'Aérodyne surprend par son allure avant-gardiste, son profil fuselé rappelant une aile d'avion et son pare-brise simplement vissé sur les montants, sans encadrement supérieur, offrant une visibilité optimale vers le haut. Une innovation notable est son toit escamotable pneumatiquement jusqu'au coffre arrière, dont l'ouverture ou la fermeture prend environ deux minutes au ralenti, s'interrompant si l'on accélère. Deux haubans distinctifs relient la calandre aux ailes avant. L'habitacle est une ode au style Art Déco, avec des dossiers arrière rabattables qui anticipent de trente ans la Renault 16.
Voisin C25 Cimier. Source : https://fr.wheelsage.org Alors que la Chrysler Airflow de 1934 popularise le style Streamline, la réponse de Gabriel Voisin avec l'Aérodyne peut sembler déroutante, marquant un retour à certains principes aéronautiques. Seule sa calandre droite et verticale paraît totalement anachronique. Avant sa mise en production, la calandre de l'Aérodyne est avancée de 25 cm et son tablier élargi. Cependant, à 88 000 francs, son prix est prohibitif, surtout comparé à une Bugatti 57 Galibier, facturée 70 000 francs. Produite à seulement sept exemplaires, l'Aérodyne ne peut malheureusement pas sauver l'entreprise de Gabriel Voisin. L'ambiance à Issy-les-Moulineaux est morose. La situation financière se dégrade, les ventes chutent, et la production annuelle de Voisin tombe à moins de 150 voitures, principalement des C23 et C24. Gabriel Voisin a perdu de son panache, son humour et son arrogance ont laissé place au cynisme. Après quinze ans à fréquenter les cercles mondains, il se retrouve désormais isolé face à l'ampleur de ses dettes. Aérosport, première du nom Voisin développe deux véhicules distincts à partir de sa berline Aérodyne : la limousine Type C26, qui reste un modèle unique, et la voiture de sport Type C27. Cette dernière, produite à deux exemplaires sur un châssis raccourci de 45 cm, se décline en un roadster Figoni et Falaschi (châssis 52001) et un coupé d'usine Aérosport (châssis 52002), un nom qui sera réutilisé en 1935. Le coupé Aérosport, bien que s'inscrivant dans la continuité stylistique de l'Aérodyne, se distingue par la forme en V de la partie inférieure de ses vitres latérales. Chaque détail de ces voitures témoigne d'une conception minutieuse, les rendant véritablement somptueuses.
Voisin C27 Aérosport, châssis 52002. Source : https://fr.wheelsage.org Octobre 1935, Aérosport, la série En septembre 1934, un client exigeant commande à Gabriel Voisin une voiture rapide de moyenne cylindrée. Ses critères sont précis : trois places à l'avant, deux strapontins arrière convertibles en espace bagages, et une vitesse de pointe de 150 km/h. Pour satisfaire ces demandes, Voisin se tourne vers une optimisation aérodynamique poussée. Le résultat de ce projet est présenté au Salon de Paris 1935, sur un stand modeste et excentré, niché sous un escalier, mais qui, malgré tout, attire les foules. Deux voitures sont présentes sur ce Salon : - La berline C28 Clairière est une évolution directe de l'Aérodyne. Elle succède à la C25, offrant plus de puissance (110 ch contre 90 ch) et une cylindrée plus généreuse (3 318 cm³ contre 2 294 cm³). Cette Clairière est proposée à 96 000 francs, un prix nettement supérieur aux 83 000 francs d'une Bugatti Galibier, laquelle bénéficie pourtant d'une image de marque mieux établie et de performances supérieures (140 ch contre 110 ch).
Voisin C 28 Aérosport - Cette " numéro 7 " a été achetée en 1936 par Antoine Menier, membre de la famille du célèbre chocolatier. La voiture a été engagée au début des années 1950 en course de côte dans le midi de la France. C'est de là qu'elle a conservé son fameux numéro. Source : L'Anthologie Automobile numéro 33, 1974 - Le coupé C29 Aérosport, conçu en réponse à une commande spécifique, repose sur un châssis surbaissé et raccourci de 13 cm. C'est un véhicule révolutionnaire, adoptant la forme ponton. Bien qu'il ne soit pas le tout premier de ce type au monde, il apparaît comme particulièrement spectaculaire. La désignation C29 est officieuse, principalement utilisée par la presse. Son moteur 6 cylindres de 3 318 cm³ est poussé à 120 ch. Cette nouvelle voiture suscite l'intérêt d'autres acheteurs et est intégrée au catalogue Voisin. Gabriel Voisin a choisi une approche unique pour minimiser la résistance à l'air des roues de la C29 : il relie les roues avant et arrière par un unique long fuselage aux flancs hauts et lisses. Seuls le capot et la calandre haute traditionnelle font saillie sur ce profil, ce qui peut légèrement compromettre l'avantage aérodynamique escompté. La ceinture de caisse est particulièrement haute, tandis que le pavillon est au contraire " bas de plafond ". Comme sur l'Aérodyne, le pavillon est dépourvu d'encadrement supérieur, ce qui améliore la visibilité, surtout lorsque le toit est rétracté mécaniquement. Lors des essais, la voiture atteint 146 km/h, ce qui en fait une véritable " grand tourisme " avant l'heure. Son réservoir de 100 litres lui permet des étapes de 500 kilomètres, tout en restant très agréable à conduire en ville. La C29 Aérosport est proposée avec deux empattements : 3 mètres avec deux strapontins arrière, et 3,20 mètres avec deux vraies places arrière. Environ 14 exemplaires de l'Aérosport auraient été fabriqués. Cependant, son prix de 100 000 francs est un frein majeur. Les Voisin, en raison de leurs tarifs astronomiques, sont désormais réservées à une élite, qui, malheureusement pour Voisin, a de plus en plus tendance à se tourner vers d'autres marques. Ni la C28 ni la C29 ne peuvent empêcher la chute de Voisin. Seuls 61 châssis de C28 et 14 de C29 auraient été produits. Il est regrettable que le message de Gabriel Voisin, porteur d'une telle originalité dans ses créations, n'ait pas été entendu à son époque. Il faudra attendre les années 60/70 pour que son inventivité et son avant-gardisme soient enfin reconnus, transformant aujourd'hui ses voitures en véritables œuvres d'art. 1936, Georges Garabedian L'entreprise de Gabriel Voisin traverse une période difficile. Malgré de nombreux prototypes innovants, la situation financière est précaire, entraînant des démissions parmi les contremaîtres, inquiets pour leur emploi. Les désaccords entre Gabriel Voisin et son service financier s'intensifient. Pour tenter de redresser la barre, et une fois libéré du moratoire contraignant, Gabriel Voisin vend deux de ses entreprises, " Voisin Pièces Détachées " et " Voitures Révisées ", à Georges Garabedian durant l'hiver 1935-1936. Garabedian est un ancien collaborateur de confiance, ayant gravi les échelons, de simple comptable à un poste influent au sein de la direction financière de Voisin entre 1927 et 1935, avant de quitter l'entreprise pour ouvrir son propre garage à Boulogne.
Voisin C29 Aérosport. La C29 Aérosport est de nouveau présentée au Salon de Paris 1936, arborant des modifications notables, notamment des ailes avant entièrement redessinées, des enjoliveurs en alliage poli et des essuie-glaces à trois balais. Source : https://fr.wheelsage.org
Voisin C29 Aérosport. Source : https://fr.wheelsage.org 1936, la folie V12 Toujours en quête d'innovation, Gabriel Voisin se lance dans le développement d'un nouveau modèle équipé d'un moteur 12 cylindres en ligne. Ce n'est pas une première pour lui, qui a déjà expérimenté les 12 cylindres (en V) avec la C2 en 1921, la voiture de record de 1929 et la C18 la même année. En octobre, sa nouvelle 12 cylindres fait une apparition éclair au Grand Palais, avant d'être remplacée sur le stand par une Aérosport 6 cylindres, réussissant néanmoins à impressionner les visiteurs. Cependant, il ne faut pas s'y tromper : l'industriel n'a plus les moyens d'antan. Son 12 cylindres n'est en réalité qu'un assemblage de deux moteurs 6 cylindres maison, accolés en tandem. On peut s'interroger sur les motivations profondes de Gabriel Voisin à ce moment-là. Est-il conscient que l'avenir de sa marque est incertain, et choisit-il alors de tirer sa révérence avec un coup d'éclat ? Le 12 cylindres est installé dans un coupé dérivé de l'Aérosport, dont le capot est allongé pour accueillir cette imposante mécanique. Pour la première fois, la calandre présente une légère inclinaison. Deux exemplaires sont assemblés : le premier est équipé de deux moteurs de C14, formant un 27 CV d'une cylindrée totale de 4 654 cm3 pour 140 ch, le second, la version officiellement disponible au catalogue, utilise deux moteurs de C25. C'est donc une 34 CV de 5 988 cm3 et 180 ch. Le catalogue du Salon de 1936 propose donc trois modèles, dont deux 19 CV. Il y a d'une part la C28, disponible en châssis nu ou avec l'une des trois carrosseries listées, d'autre part la C29 Aérosport. La troisième voiture est cette fameuse étude 12 cylindres, type V 12 L, qui est également théoriquement disponible en version familiale, type V 12 LL.
Bulletin trimestriel de la Société des Aéroplanes G. Voisin, hiver 1935/36 - Copyright 1937, restructuration La restructuration de la Société des automobiles Voisin par Paul-Louis Weiller en 1937, suite à son rachat, revêt plusieurs aspects : - Réorientation stratégique vers l'activité principale de Weiller, l'aéronautique. Paul-Louis Weiller est en effet à la tête de Gnome et Rhône, l'une des plus grandes entreprises de construction de moteurs d'avion d'Europe. Cette société et le résultat de la fusion en janvier 1915 de la société des moteurs Gnome, fondée en 1905, avec son principal concurrent, la société des moteurs Le Rhône, fondée en 1897. Son intérêt pour les ateliers et le personnel qualifié de Voisin est probablement lié à la réparation de moteurs d'avion et à l'intégration des capacités de Voisin dans ses propres plans de réarmement et de développement aéronautique. En effet, l'activité de Gnome et Rhône est centrée sur les moteurs d'avion, les motos et plus tard les hélices. - Séparation de l'activité automobile. Pour que Gabriel Voisin puisse continuer à développer et à produire des automobiles, la Société Auxiliaire des Automobiles Voisin (SADAV) est créée. Cette nouvelle entité, co-fondée par Gabriel Voisin et Georges Garabedian, a pour objectif de maintenir une activité automobile distincte des intérêts principaux de Gnome et Rhône. C'est sous l'égide de la SADAV que les prochaines Voisin seront conçues. - Utilisation des infrastructures et du savoir-faire de Voisin. Plutôt que de simplement liquider Avions Voisin, Weiller voit l'opportunité d'utiliser l'expertise technique et les installations de Voisin pour ses propres besoins, tout en permettant à Gabriel Voisin de poursuivre, d'une certaine manière, son rêve automobile. Cette restructuration consiste donc à intégrer les actifs industriels et le personnel qualifié de Voisin dans le giron de Gnome et Rhône pour leurs activités aéronautiques, tout en isolant et en permettant la survie, bien que limitée, de l'activité automobile sous une nouvelle entité, la SADAV, avec l'implication continue de Gabriel Voisin. Gabriel Voisin est resté président du conseil d'administration et directeur général de la Société des Aéroplanes Gabriel Voisin, ce qui lui garantit un salaire confortable. Parallèlement, il continue de diriger le Laboratoire de Recherches Techniques de Voisin, boulevard Exelmans, où il peut se consacrer à sa passion : développer de nouvelles idées, qu'elles soient personnelles ou commanditées. 1937, Voisin C30 Au Salon de Paris en octobre 1937, une Aérodyne figure toujours sur le stand. Cependant, la véritable nouveauté réside dans la nouvelle C30, disponible en châssis nu ou en berline cinq places. En un temps record, la SADAV lance ce nouveau modèle qui intègre certains composants de l'ancienne gamme. La C30 bénéficie des dernières améliorations conçues par Gabriel Voisin, notamment en matière de rigidité des châssis et d'insonorisation. Gabriel Voisin ayant perdu son styliste Noël-Noël, il s'est chargé personnellement du dessin de la carrosserie (en aluminium), laquelle repose sur un empattement de 3,23 mètres. L'aspect général est dépouillé, à l'exception d'une calandre généreusement chromée et franchement flamboyante. Malgré cela, les proportions demeurent élégantes. La C30 impressionne par son capot moteur très déporté vers l'avant. La voiture est conçue sur une plateforme caisson, rappelant la philosophie que Citroën adoptera en 1955 pour la DS.
Voisin C30 Cabriolet. Source : https://www.carswp.com La SADAV, faute de moyens pour développer un moteur inédit, s'approvisionne aux Etats-Unis. Le choix se porte sur une mécanique Graham, un six cylindres en ligne Continental classique de 3 560 cm3, développant seulement 80 ch, mais souple et silencieux. Connaissant les réticences de Gabriel Voisin envers les productions d'outre-Atlantique, on imagine le compromis qu'il doit accepter. D'ailleurs, Gabriel Voisin émet très vite des réserves sur ce moteur poussif et sur la boîte de vitesses. Deux carrosseries sont proposées : une berline d'usine et un cabriolet carrossé par Dubos, une petite entreprise active depuis les années 1920. Hélas, à travers cette héritière quelque peu hybride, la fin d'une tradition se dessine. Si le nom de Voisin est toujours là, l'esprit maison, lui, est beaucoup moins présent.
Voisin C30 Coupé. Source : https://auto.vercity.ru 1938, Voisin C30 S Au Salon de Paris 1938, la SADAV expose pour la troisième et dernière fois une automobile Voisin. La gamme C30 s'enrichit d'une nouvelle carrosserie : un coupé sur un châssis plus court (3,15 mètres au lieu de 3,30 mètres), ce qui confère à la voiture un comportement plus dynamique. La SADAV propose également une C30 S, dont le moteur Graham est poussé à 110 ch. La boîte de vitesse Graham à trois rapports est remplacée par une boîte Cotal électromagnétique à quatre rapports. Un seul exemplaire est construit. Au total, la SADAV a produit environ soixante C30 sur les millésimes 1938 et 1939. La société interrompt sa production au moment du déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, bien que personne ne puisse alors prévoir que cette interruption sera définitive. Gabriel Voisin est alors un homme apaisé. Il est dégagé des soucis financiers du quotidien et le renom de la marque Voisin est intact. Boulevard Exelmans, les études sont très diverses, et Gabriel Voisin s'intéresse surtout aux véhicules légers. Les 6 et 12 cylindres appartiennent définitivement au passé. Il est également promu Commandeur de la Légion d'honneur. Activités annexes à l'automobile Gabriel Voisin se tourne vers la construction de maisons préfabriquées dès 1918. Il développe ces habitations pour répondre à la crise du logement qui sévit dans les régions dévastées et les cités ouvrières après la Première Guerre mondiale, cherchant à révolutionner le marché du logement avec des solutions rapides et économiques. Ces maisons sont conçues pour être assemblées en seulement trois jours, un exploit rendu possible par leur fabrication en usine et l'utilisation de panneaux facilement manipulables. Voisin propose plusieurs superficies, allant de 35 m2 à 105 m2, et offre même des options d'ameublement complet. L'architecture de ces maisons, avec ses lignes angulaires et son approche rationnelle, reflète clairement le passé d'architecte de Voisin. Cependant, malgré leur ingéniosité, le projet rencontre l'opposition des promoteurs immobiliers et le scepticisme du public, ce qui limite leur diffusion. Le Motor-Fly de Gabriel Voisin est un kit de motorisation pour bicyclette, lancé vers 1919, dans le cadre de la reconversion industrielle de ses activités après la Première Guerre mondiale. Il s'agit d'un petit moteur à deux temps, monté sur le côté gauche d'une roue pleine, conçue pour remplacer la roue arrière d'un vélo standard et ainsi le transformer en vélomoteur. Cette innovation, bien que n'ayant été produite qu'en quelques dizaines d'exemplaires et n'ayant pas connu un succès commercial majeur, témoigne de l'esprit avant-gardiste de Voisin, préfigurant des dispositifs comme le VéloSolex.
Motor Fly Voisin. Source : https://cybermotorcycle.com En 1925, le Salon de l'Automobile est annulé, car l'Exposition internationale des Arts Décoratifs et industriels modernes occupe le Grand Palais d'avril à octobre. Cet événement majeur marque le passage d'une époque conformiste vers une ère de modernité géométrique, mettant en lumière le style Art Déco à travers des créations luxueuses et novatrices dans le mobilier, la joaillerie et l'architecture intérieure. Parmi les exposants figurent des personnalités comme Émile-Jacques Ruhlmann, René Lalique et Le Corbusier, qui présente dans son Pavillon de l'Esprit Nouveau un plan d'urbanisme partiellement financé par Gabriel Voisin, d'où son nom de " Plan Voisin ".
Le Paris de Le Corbusier - Source : https://www.parisology.net Ce plan visionnaire propose de raser une grande partie du Paris historique pour y ériger 24 gratte-ciel cruciformes de 60 étages en verre et acier, entourés de vastes espaces verts, et de réorganiser la circulation autour de voies rapides à plusieurs niveaux. L'objectif de Le Corbusier est de moderniser la ville en y apportant lumière, air et fonctionnalité, et en séparant clairement les fonctions urbaines. Naturellement, ce projet suscite de vives controverses pour son caractère destructeur du patrimoine.
Le plan d'urbanisme de Le Corbusier financé par Gabriel Voisin prévoit un réaménagement total du centre de Paris, où l'homme serait isolé de l'automobile, et jouirait des nombreux espaces verts qui lui sont réservés - Copyright Bien que Gabriel Voisin et Le Corbusier n'aient jamais directement collaboré, leur relation est façonnée par une profonde reconnaissance mutuelle et des affinités idéologiques, en particulier concernant le design épuré et l'ingénierie avancée. Ce sont deux créateurs d'avant-garde, souvent en décalage avec leur époque, mais qui partagent une vision commune sur des sujets comme le rôle de l'automobile dans la ville. Le Corbusier admire l'approche industrielle de Voisin, et son intérêt pour ses automobiles va jusqu'à dimensionner le garage de la Villa Savoye à Poissy pour accueillir l'un de ces véhicules, illustrant le respect professionnel et l'admiration entre ces deux figures influentes de la modernité française.
Autre création de Le Corbusier, la villa du couple Michael et Sarah Stein, qui cohabite avec leur amie Gabrielle de Monzi, conçue par Le Corbusier entre 1926 et 1928 à Garches, est un chef-d'œuvre de l'architecture moderniste. Elle illustre parfaitement les idées de Le Corbusier. La C7 Lumineuse est dans son élément - Copyright La course automobile Gabriel Voisin redouble d'efforts pour faire connaître sa marque. Au-delà des engagements de pilotes privés dans de nombreuses épreuves, le constructeur décide de se lancer dans les courses de haut niveau avec une équipe officielle et des voitures spécialement préparées. Cet engagement débute par l'une des courses les plus prestigieuses de l'époque : le Grand Prix de l'ACF à Strasbourg, qui se tient le 16 juillet 1922. Voisin y participe dans la catégorie tourisme. Le circuit mesure 13,38 kilomètres et doit être parcouru 53 fois. La Voisin C3 de compétition est une version améliorée de la C3 châssis court de série. Son moteur 4 cylindres de 3 969 cm3 développe environ 120 chevaux, contre 90 chevaux pour le modèle de série. Le bloc moteur est ancré plus bas, ce qui a pour effet de diminuer le centre de gravité et d'améliorer le comportement de la voiture. En ordre de marche, la Voisin pèse 1 135 kg. Le règlement de la course stipule qu'aucune voiture ne doit dépasser une consommation de 16 litres aux 100 km.
Grand Prix de l'ACF, l'arrivée du vainqueur, Henri Rougier - Source : L'Anthologie Automobile n° 32, 1973 Pour respecter le règlement qui impose une carrosserie d'une largeur minimale de 1,30 mètre à la hauteur des sièges avant, Gabriel Voisin adopte une approche astucieuse. Il conçoit un fuselage fin de 90 cm de large, auquel il greffe de chaque côté des ailes de 20 cm, rétablissant ainsi la largeur imposée. Il joue habilement avec le règlement qui mentionne seulement un " gabarit extérieur ". Les organisateurs de la course, pris à leur propre piège, sont contraints d'accepter l'inscription des Voisin. Le comité sportif de l'ACF n'apprécie que très peu cette interprétation du règlement par Gabriel Voisin, et en tiendra compte pour l'élaboration de celui de la saison suivante.
La même Voisin victorieuse sur le GP de l'ACF 1922, vue par Géo Ham. Source : Automobilia, n° 125, juillet 1922 Quatre voitures Voisin sont engagées, et elles terminent aux première, deuxième, troisième et cinquième places. C'est un triomphe retentissant. Les Voisin battent leurs principales rivales, les Peugeot 174 Sport, qui finissent quatrième et sixième. Ces voitures ont été conçues par les ingénieurs Dufresne et Artault à partir des plans de la C3 ! Gabriel Voisin peut se réjouir d'avoir fait mieux avec ses deux amis Bernard et Lefèbvre. Non seulement les Voisin sont les plus rapides, mais elles sont aussi plus économiques. A l'arrivée, elles disposent encore d'une large réserve de carburant. Ce succès, soutenu par d'autres victoires du même ordre, démontre définitivement l'excellence du 4 cylindres maison, un moteur aussi à l'aise sur un circuit de vitesse que dans la cour du Palais de l'Elysée. 1923, GP de vitesse, Tours Gabriel Voisin a déjà préparé ses voitures pour la saison 1923, réussissant à alléger leur poids d'environ 100 kg et à réduire la traînée aérodynamique grâce à un nouveau profilage de garde-boue. Cependant, l'Automobile Club de France (ACF) émet un nouveau règlement qui disqualifie d'emblée les Voisin. Agacé par cette décision qu'il juge contraire au progrès, Gabriel Voisin publie une lettre ouverte à l'ACF, dénonçant son attitude. Il se retire de GP de Tourisme, pour s'attaquer au prestigieux GP de Vitesse, une épreuve réservée aux voitures de course pures, conçues spécifiquement pour la vitesse maximale et la performance absolue, sans les contraintes de carrosserie ou de consommation imposées à la catégorie Tourisme. L'intention de Gabriel Voisin est claire : surprendre le public. Ce qui surprend d'abord son propre personnel, c'est qu'aucune étude n'est encore lancée dans cette catégorie. En seulement six mois, il demande à André Lefèbvre de concevoir une voiture entièrement nouvelle. Ce défi enthousiasme le jeune ingénieur, qui y voit une opportunité de prouver sa valeur. Voisin et Lefèbvre relèvent ce défi en puisant dans leurs nombreuses idées inexploitées et les prototypes existants. La nouvelle voiture, baptisée Voisin C6 Laboratoire, emprunte son train avant à la C3 de série, et son moteur est développé à partir de celui de la C4. Mais au-delà de ces éléments connus, cette voiture rompt avec toutes les conventions de l'époque.
Voisin C6 Laboratoire. Source : https://auta5p.eu Le moteur sans soupapes à 4 cylindres de 1 328 cm3 de la C4S est transformé en un 6 cylindres de 1 992 cm3, développant environ 80 chevaux. Ce moteur respecte la limite réglementaire des 2 litres. Voisin et Lefèbvre savent que la concurrence prépare des voitures plus puissantes. Leur seule solution est de compenser ce déficit de puissance par un poids considérablement réduit et une traînée aérodynamique minimale. Le châssis conventionnel est remplacé par une carrosserie monocoque. Le règlement n'imposant aucune contrainte sur la forme de la carrosserie, la caisse est réalisée en feuilles d'aluminium rivetées sur des membrures en frêne, une technique directement issue de l'aéronautique.
Vue du volant et du tablier de la Voisin C6 Laboratoire - Source : Automobilia n° 147, juin 1923 La Voisin C6 Laboratoire affiche un profil aérodynamique directement inspiré de l'aile d'un avion, avec une garde au sol extrêmement réduite. Le dessous du plancher est plat, dénué de toute aspérité. Les roues arrière sont carénées et des flasques recouvrent les quatre jantes à rayons. La voie arrière, réduite à seulement 0,75 mètre (contre 1,45 mètre à l'avant), permet de se passer de différentiel et de concevoir une poupe très étroite. Ainsi carrossée, la C6 Laboratoire ne pèse que 660 kg, soit seulement 10 kg de plus que le poids minimum requis par le règlement. Gabriel Voisin et André Lefèbvre ont investi toute leur expérience dans cette voiture. Par ses qualités aérodynamiques, sa légèreté et ses méthodes de construction, la Voisin C6 est clairement l'œuvre d'un avionneur.
La Voisin C6 Laboratoire vue de l'arrière - Source : Omnia n° 39, août 1923. Quatre Voisin C6 Laboratoire prennent le départ sur le circuit de Tours, un tracé triangulaire fermé de 22,83 kilomètres à parcourir 35 fois. Ces voitures peuvent atteindre 200 km/h en ligne droite. L'impact promotionnel de cette course est alors comparable à celui d'une victoire en Formule 1 de nos jours, et la compétition s'annonce féroce avec la participation des meilleures équipes et des meilleurs pilotes européens.
Voisin C6 sur le Circuit de Tours. Source : https://auta5p.eu Malheureusement, les résultats de la course sont très décevants pour Voisin. Malgré leur excellent profilage, les C6 Laboratoire manquent de puissance pour rivaliser avec les Rolland-Pilain (100 ch), Delage V12 (105 ch), Sunbeam (100 ch) ou Fiat (90 ch). De plus, Bugatti a engagé son étonnant Type 32 Tank (environ 100 ch), tout aussi révolutionnaire que la Voisin par sa carrosserie compacte qui enveloppe complètement les roues et repose sur une plateforme en tôles embouties. Cependant, Ettore Bugatti, moins familiarisé avec les questions aérodynamiques, a commis quelques erreurs de conception : bien que ses tanks opposent une faible résistance à l'air, ils ont tendance à " décoller ", devenant instables à grande vitesse.
Geo Ham illustre en 1923 le duel Bugatti / Voisin lors du GP de Tours. Source : Automobilia, n° 148, juillet 1923 Seule la Voisin C6 Laboratoire numéro 5, pilotée par André Lefèbvre, termine la course. Elle se classe cinquième et dernière, arrivant une heure et quinze minutes après le vainqueur. Sur les 18 inscrits, on compte 13 abandons ou disqualifications. Sunbeam domine l'épreuve en décrochant les deux premières positions et la quatrième, tandis que Bugatti s'intercale à la troisième place. Gabriel Voisin avouera plus tard dans ses mémoires avoir été trop ambitieux face à une concurrence mieux armée. Un bon travail sur l'aérodynamisme n'avait pas suffi à combler l'écart de puissance. Aucune des Voisin C6 Laboratoire n'a survécu à cette époque.
Grand Prix de l'ACF 1923, André Lefèbvre (au premier plan) et son mécanicien Raphaël Fortin. Ce sont les pilotes de la seule Voisin a avoir passé la ligne d'arrivée. Source : Gallica Après une expérience décevante au Grand Prix de Vitesse de 1923, Gabriel Voisin décide de revenir à la catégorie Tourisme pour l'année 1924. Son regard se tourne vers le Grand Prix de Lyon, prévu les 2 et 3 août sur un circuit routier de 24,5 km. Deux épreuves distinctes sont au programme. Le 2 août, il s'agit du Grand Prix de tourisme, une course d'endurance de 8 heures, dont la moitié se déroule de nuit. Le règlement est strict, définissant les distances à parcourir, les vitesses moyennes à respecter et les limites de consommation en fonction du poids des véhicules, répartis en trois catégories : 400 à 1000 kg, 1000 à 1400 kg et plus de 1400 kg. Cette épreuve est moins axée sur la vitesse pure que sur la fiabilité, l'efficacité et l'endurance, ce qui a parfois été source de scepticisme pour une partie de la presse. Le 3 août, il s'agit du Grand Prix de l'Europe, une épreuve de vitesse pure de 810 kilomètres, avec un handicap basé sur les résultats de la course d'endurance. Voisin aligne quatre voitures :
- C10, voiture légère 400/1000 kg, une
engagée
André Morel au volant de la 18 HP Voisin C8, catégorie 1000/1400 kg, GP de Lyon 1924 - Document Agence Rol, Paris Particulièrement prometteuses, les Voisin C9, équipées d'un moteur de 18 HP de 3 969 cm³, dont la puissance est poussée à 110 chevaux, sont considérées comme les grandes favorites. Les C10 et C8L affichent également de bonnes chances de succès. Les voitures doivent impérativement être de véritables 4 places, avec des voies avant et arrière de largeur sensiblement égale, et être équipées de garde-boue. Pour cette épreuve, André Lefèbvre, l'ingénieur de Voisin, développe des monocoques révolutionnaires. Construite à partir de lamelles de bois collées et renforcées par des éléments métalliques, elles sont ensuite recouvertes de panneaux d'aluminium vissés et rivetés pour une résistance optimale. L'absence d'un châssis classique provoque un véritable scandale dans la presse spécialisée. Cependant, l'Automobile Club de France (ACF), souhaitant rester ouvert aux conceptions avant-gardistes et désireux d'éviter un nouveau conflit avec Gabriel Voisin, décide de passer outre les contestations. Sur le plan esthétique, Lefèbvre a privilégié la fonctionnalité des formes à leur grâce, rendant ces Voisin particulièrement peu élégantes.
André Morel, sur Voisin, sortant du virage des Esses. Dans le bas côté, la Steyr qui en est trop sortie après son accident - Source : Automobilia n° 174, aooût 1924. Malgré leur potentiel apparent, la fortune ne sourit pas à l'équipe Voisin. Une série de malchances frappe les voitures, se soldant par des abandons, des sorties de piste et, au mieux, de simples places d'honneur. La déception de Gabriel Voisin est immense au soir de cette épreuve éprouvante. Profondément amer, il déclare qu'on ne l'y reprendra plus, renonçant définitivement à ce type de compétition. La mauvaise foi des concurrents, l'espionnage industriel, et le manque de loyauté qu'il perçoit l'exaspèrent. Pour lui, tant de travail de préparation ne peut pas être réduit à néant pour quelques secondes d'écart, et l'incertitude inhérente à ces courses ne justifie plus les efforts consentis. Dès lors, Gabriel Voisin décide de concentrer toute son énergie sur l'établissement de records du monde de vitesse, une voie où il va exceller. Les records 1925 Suite à sa déception au Grand Prix de Lyon, Gabriel Voisin se tourne résolument vers la conquête des records de vitesse pure et d'endurance. C'est une stratégie en vogue à l'époque, car elle offre une publicité inestimable : les noms des fournisseurs (huiles, pneumatiques, bougies, accessoires) s'affichent fièrement dans la presse, et ceux-ci n'hésitent pas à s'offrir des pages entières de publicité à ces exploits. Des constructeurs comme Panhard, Renault et Rolland-Pilain s'adonnent volontiers à cette pratique. L'inauguration du circuit de Montlhéry en 1924 ouvre de nouvelles perspectives pour ces tentatives de record. Conçu pour permettre à une automobile de 1000 kg d'atteindre 220 km/h sans risque de dérapage grâce à l'angle calculé de ses virages relevés, le circuit de 2,5 kilomètres de long se révèle néanmoins redoutable. A 200 km/h, la piste devient une véritable mer agitée. Les puissantes vibrations peuvent venir à bout des essieux, des suspensions, de la direction, des roues et des pneus en moins d'une heure.
L'anneau de Montlhéry - Copyright Pour sa première voiture de record, André Lefèbvre utilise intelligemment des éléments provenant de la voiture qui a terminé le GP de l'ACF à Lyon l'année précédente, ainsi que des pièces issues de la Voisin C5 de série, démontrant l'ingéniosité et la réutilisation des ressources. Dans une quête de légèreté, plusieurs choix radicaux sont faits : pas de démarreur (la voiture est poussée pour démarrer), ni de boîte de vitesses, ce qui représente une économie de poids substantielle. La carrosserie est entièrement en aluminium. Par contre, le radiateur, tout aussi haut et vertical que sur les Voisin d'usine, nuit à l'aérodynamisme. Les premiers essais sont catastrophiques. La voiture devient rapidement dangereuse à piloter. Les ingénieurs se rendent compte que leurs calculs sont erronés, n'ayant pas pris en compte la surcharge causée par la force centrifuge sur les suspensions. Il devient impératif d'alléger la voiture, d'augmenter sa puissance et d'adapter en urgence ses suspensions. A cette époque, la résolution des problèmes est majoritairement empirique. On constate les défaillances et on les corrige au fur et à mesure. Les voies avant et arrière sont ramenées à 1,10 mètre, et les essieux sont raccourcis, renforcés et allégés, ce qui réduit également leur surface frontale. Au niveau des suspensions, des ressorts à lames supplémentaires sont ajoutés pour entrer en action lorsque la force centrifuge devient trop élevée. La première Voisin de records adopte la forme d'un fuselage effilé se terminant par une pointe arrière. Le radiateur est aligné avec l'arrière des roues avant, tandis que le pilote est assis presque au niveau du pont arrière. Son moteur 4 cylindres sans soupapes de 3 969 cm3 développe entre 110 et 120 chevaux. Le 22 septembre 1925, plusieurs records tombent. Trois pilotes, Marchand, Lefèbvre et Julienne, surnommés les " tourneurs de ciment " en référence à la matière de la piste, se relaient pour ces exploits. Gabriel Voisin admettra que ces succès n'ont eu que peu d'incidence sur les ventes, mais cela ne l'empêche pas de rester déterminé à poursuivre l'aventure. Il est convaincu que de nombreux autres records, notamment celui des 24 heures, sont à portée de main. Voisin et Lefèbvre savent qu'en établissant un tableau de marche plus ambitieux, ils peuvent reprendre certains records détenus par Renault.
La voiture des records de Voisin en août / septembre 1925 à Montlhéry. Le circuit ouvert en 1924 a été financé par Alexandre Lamblin, industriel et homme de presse, directeur du journal Aero Sports - Copyright Les pilotes retournent sur la piste le 6 novembre 1925. Ils améliorent leurs performances sur 1000 km par rapport à septembre. En roulant jusqu'à la sixième heure, la Voisin s'attribue de nouveaux records, sous l'œil vigilant des chronométreurs de l'ACF. Durant l'hiver 1925-1926, le moteur est retravaillé pour atteindre 140 chevaux, permettant de battre de nouveaux records le 22 février 1926. Face à la rude concurrence de marques comme Miller, Renault et Panhard, Gabriel Voisin décide de revoir sa copie pour 1926. Il charge André Lefèbvre de concevoir une toute nouvelle voiture, dotée d'un moteur plus puissant et d'une carrosserie encore plus profilée. 1926 Le 11 octobre 1926, alors que le Salon se tient au Grand Palais, une nouvelle voiture de record Voisin fait ses débuts sur la piste de Montlhéry. Cette monoplace, dont le châssis est particulièrement court, étroit (1,10 mètre de voie) et surbaissé (passant sous les essieux), se distingue par une carrosserie en aluminium profilée et une face avant plus fine et inclinée, intégrant un radiateur Voisin masqué. Dans une démarche de réduction de poids, la voiture se passe de freins à l'avant. Elle est animée par un moteur 6 cylindres de 4 880 cm³ développant 150 ch. Bien que sa cylindrée soit supérieure, ce moteur est étroitement lié à celui de la C12. Malgré un profil prometteur, cette nouvelle voiture s'avère moins rapide que sa devancière. Néanmoins, Césard Marchand à son volant, y met en pratique les découvertes en aérodynamisme de Lefèbvre et établit trois nouveaux records internationaux sur de courtes distances : 50 km, 50 miles et 100 km, reprenant ainsi des records détenus par Panhard.
La Voisin des records 6 cylindres pour 1926. Le radiateur reçoit un carénage - Copyright 1927
Le 13 avril 1927, Césard Marchand prend le volant à Montlhéry et bat immédiatement les records des 100 km et des 100 miles. Le 27 mai, devant l'état-major d'Issy-les-Moulineaux, il s'illustre en enlevant le record de l'heure à Miller, parcourant 206,553 km.
Morel battant un record la nuit à bord d'une Voisin, par Geo Ham - © : L'Illustration (www.lillustration.com) Le 12 juillet, Césard Marchand et André Morel se relaient toutes les 90 minutes sur l'anneau de vitesse. Les arrêts aux stands sont minutieux : changements de pneus, ravitaillement en essence, et remplacement d'huile préalablement chauffée à la bonne température. Malgré la rudesse des raccords de ciment, la voiture enchaîne les succès, faisant tomber de nouveaux records sur 500 km, 1 000 km, 500 miles, 3 heures et 6 heures. Insatiable, Gabriel Voisin vise désormais le prestigieux record des 24 heures pour le prochain Salon de l'Auto. Le 26 septembre à 14h53, Césard Marchand, André Morel et Serge Kiriloff s'élancent. L'organisation à Montlhéry est celle d'un véritable camp militaire, avec la présence des officiels de l'ACF, des chronométreurs, et des techniciens des principaux fournisseurs : Yacco pour l'huile, Dunlop pour les pneus, Ponsot pour les bougies et Zenith pour les carburateurs. Une vitesse de croisière légèrement plus basse est adoptée pour préserver la mécanique. Après 24 heures d'efforts intenses, la Voisin parcourt 4 383,851 km, décrochant une victoire éclatante et battant par la même occasion les records des 2 000 km, 3 000 km, 4 000 km, 1 000 miles, 2 000 miles et 12 heures.
Au Salon de l'automobile 1927, la voiture des record trône sur le stand Voisin - Copyright 1928 Le 25 juillet 1928, un grave accident interrompt une séance de roulage à Montlhéry. Césard Marchand, au volant d'un nouveau prototype de Voisin des records, tourne à une vitesse impressionnante, frôlant les 230 km/h. Alors qu'il est en avance sur ses temps habituels, un pneumatique éclate à très haute vitesse. La voiture dérape violemment, arrachant une cinquantaine de mètres de balustrade en bois avant de s'immobiliser, son pilote ayant été éjecté. Miraculeusement, Césard Marchand survit à l'impact, s'en tirant avec trois côtes cassées, une fracture de la clavicule, une plaie à l'épaule et un poumon perforé. Après un mois d'hospitalisation, il est prêt à reprendre la piste. Mais pour Voisin, la saison des records est terminée. 1929 Fidèle partenaire de Gabriel Voisin, Yacco, fournisseur de lubrifiants, tire un immense bénéfice publicitaire de chaque record battu. Apprenant que Voisin envisage d'abandonner la partie, Yacco propose de co-financer une nouvelle voiture. Parallèlement, la Société du Gaz de Paris entre en scène. Souhaitant promouvoir le benzol, un carburant novateur issu du goudron de houille, elle conditionne son engagement à l'utilisation partielle (70 % essence, 30 % benzol) de ce carburant dans la future voiture de record. Gabriel Voisin confie alors à Lefèbvre et Bernard la tâche d'intégrer l'utilisation du benzol dans leur étude. L'objectif est colossal : parcourir 40 000 km, l'équivalent d'un tour du monde, en quinze jours à une moyenne de 160 km/h sur l'anneau de Montlhéry. Pour ce défi, une Voisin V12 de 11 660 cm3 est développée, assemblée à partir de deux 6 cylindres de la 33 CV C16. Sa puissance est estimée à 250 ch. Fidèle aux pratiques des Voisin des records, elle est dépourvue de boîte de vitesses grâce à l'énorme couple moteur. Des essais aérodynamiques sont menés pour optimiser la carrosserie. Les premiers tests intègrent une longue pointe arrière, mais celle-ci s'avère trop sensible au vent, conduisant à un retour à une forme plus classique avec un arrière court et plongeant. La face avant est très enveloppante et le châssis, plus que jamais, est abaissé au maximum. Deux phares sont également installés.
Voiture de record, 1929 - Source : Omnia n° 114, novembre 1929 - Copyright Le 16 septembre 1929 à 14h00, la Voisin s'élance sur l'anneau de Montlhéry. La préparation a été méticuleuse et d'un grand professionnalisme. Plusieurs groupes électrogènes éclairent la piste, deux équipes de mécaniciens veillent au suivi de la voiture et aux ravitaillements, et un poste médical avec lits de repos est aménagé pour les quatre pilotes : André Morel, Césard Marchand, Serge Kiriloff et Le Roy de Presale. Pour préserver les pneumatiques et limiter la consommation, les pilotes maintiennent le régime moteur sous les 1 800 tours/minute. Les records tombent un à un. Dix-sept sont déjà validés lorsque, le 25 septembre, après avoir parcouru 31 965 km, la jante d'une roue avant se brise. Le pilote Serge Kiriloff est éjecté, mais s'en tire heureusement avec des blessures légères. La tentative de record des 40 000 km est malheureusement annulée.
Bien avant l'ultime tentative de septembre 1929, Voisin se sert de ses exploits pour mettre en avant la marque. Publicité Voisin. Source : Automobilia n° 289, juin 1929 Pour faire taire les détracteurs, Gabriel Voisin invite la presse à assister au démontage de la voiture dans ses ateliers d'Issy-les-Moulineaux. L'examen révèle qu'un dérayonnage est à l'origine de l'accident, tandis que tous les autres éléments mécaniques sont en parfait état. Une fois remontée, la voiture est exposée au Grand Palais, témoignant de sa robustesse. 1930 L'échec du record des 40 000 km en 1929 est une pilule difficile à avaler pour l'équipe d'Issy-les-Moulineaux. Malgré des ressources financières limitées, Gabriel Voisin, obsédé par l'idée de réitérer l'exploit, et même de le dépasser en visant les 50 000 km, est déterminé. Cette quête est vitale pour la publicité de sa marque et est devenue une affaire très personnelle. Heureusement, son ami Jean Dintilhac, président de Yacco, partage son enthousiasme. Yacco décide d'acheter un châssis à Voisin et de prendre en charge toutes les dépenses liées à cette nouvelle tentative. Lefèbvre est chargé de préparer une 22 CV C18.
Yacco et Voisin, une longue fidélité - Source : https://lautomobileancienne.com Pour des raisons pratiques et commerciales, cette voiture de record est conçue pour ressembler davantage à un modèle de production Voisin. L'expérience de 1929 ayant prouvé qu'une bonne vitesse de croisière prime sur une vitesse de pointe élevée, le V12 de 4 890 cm³ de série est légèrement modifié. Il est notamment adapté pour utiliser à nouveau le mélange essence/benzol, grâce au parrainage renouvelé de la Société du Gaz de Paris. La carrosserie est spécifiquement adaptée à l'épreuve : le coupé deux places de série est allégé, débarrassé de ses ailes et de ses marchepieds. La malle arrière est remplacée par deux énormes réservoirs d'essence pour une autonomie maximale, et les tubes d'échappement traversent ostensiblement le capot.
Pour son ultime tentative, une 12 cylindres Voisin C18, soutenue par Yacco, bat de nombreux records - Copyright Du 7 au 25 septembre 1930, quatre pilotes se relaient sur la piste de Montlhéry. Leur régularité est exemplaire et, à partir de 35 000 km, les records commencent à tomber les uns après les autres. Après 417 heures de course, la voiture atteint finalement les 50 000 km, à une moyenne ide 119,948 km/h. Ce succès retentissant permet à Gabriel Voisin de détenir tous les records de durée (entre 1 heure et 17 jours) et de distance (entre 500 et 50 000 km). Cette dernière performance marque la fin de l'engagement de Voisin dans ce type de conquête, sa renommée internationale étant désormais acquise.
La Voisin C18 est dépouillée de ses marchepieds et de ses garde-boue, et l'on remarque ses impressionnantes sorties d'échappement - Copyright La Coccinelle Lors du Salon de Paris 1934, Gabriel Voisin expose une maquette à échelle réduite de sa voiture de l'avenir, baptisée projet Coccinelle. Cette étude, menée avec sa petite équipe du boulevard Exelmans, propose une disposition révolutionnaire en losange : trois roues sont regroupées à l'arrière et une seule à l'extrême avant. Cette dernière, ainsi que la roue arrière extrême, sont toutes deux directrices. Voisin a été inspiré par la maniabilité et la facilité de correction de cap des chariots à trois roues disposées en losange qu'il a observés dans des usines.
La maquette de la voiture de l'avenir de Gabriel Voisin - Copyright Autour de cette base novatrice, Gabriel Voisin dessine une carrosserie ovoïdale très profilée. L'accessibilité est préservée grâce au report vers l'arrière des roues latérales. L'habitacle est conçu pour six places, avec le conducteur au centre, légèrement décalé vers l'avant. Le moteur est logé à l'arrière, entre les deux roues latérales motrices. Il présente la particularité d'avoir ses cylindres disposés en étoile, un clin d'œil aux anciens avions de Gabriel Voisin. Pour ce moteur, l'ingénieur pousse l'étude très loin, allant jusqu'à la réalisation d'un prototype grandeur nature : un sept cylindres de 4 litres, refroidi par air, développant environ 100 ch. Ce bloc serait capable de propulser la voiture de 1 200 kg à 180 km/h ! Il tourne au banc pour la première fois le 26 janvier 1935. Puis Il est monté à l'arrière d'une ancienne C11 de 1927, légèrement modifiée pour s'adapter au surbaissement envisagé. Des essais routiers sont planifiés pour juillet 1935, mais le projet est compromis par les administrateurs judiciaires. L'affaire tourne court en effet lorsque ceux-ci découvrent que Gabriel Voisin a développé sa voiture de l'avenir aux frais de la Société des Aéroplanes G. Voisin. Cette pratique est en violation des accords du moratoire de 1933 qu'il a lui-même signé, interdisant toute nouvelle étude coûteuse sans l'approbation des administrateurs. La voiture, qui devait être présentée au Salon de Paris 1935, ne sera malheureusement jamais achevée.Pendant la Seconde guerre En 1928, Gabriel Voisin fonde un chantier naval à Villefranche-sur-Mer. Juste avant le début de la Seconde Guerre mondiale en 1939, il cède l'affaire à ses deux neveux, Georges et Bernard Voisin. Le chantier est occupé par les Allemands à partir de septembre 1943. Cette occupation, paradoxalement, permet de maintenir le personnel sur place, évitant ainsi le STO (Service du Travail Obligatoire) en Allemagne. Cependant, en août 1944, avant leur départ, les Allemands dynamitent les installations. Elles seront reconstruites et l'activité se poursuivra jusqu'en 1988. Gabriel Voisin se concentre sur les activités de son bureau d'études, la Compagnie Aéromécanique, boulevard Exelmans. Il peut vivre sereinement, ses revenus sont assurés par Gnome et Rhône, repreneur de ses activités aéronautique en 1937. Voisin poursuit ses recherches en toute discrétion pendant la guerre. Il travaille même pour la Direction des Études et Fabrications d'Armement (DEFA) sur un projet de moteur à vapeur associé à une chaudière à gas-oil pour des chars Hotchkiss. Cette étude est interrompue par l'exode vers le sud de la France, ce qui ramène brièvement Voisin sur les bords de Saône, sa terre natale. Après l'armistice du 22 juin 1940, l'usine Gnome et Rhône d'Issy-les-Moulineaux est réquisitionnée par les Allemands. Paul-Louis Weiller ayant fui au Canada, le gouvernement du maréchal Pétain exige que Gabriel Voisin en reprenne les commandes, en réintégrant l'équipe de direction et le personnel. Voisin doit également rapatrier de Limoges les machines qui y avaient été transférées au début de la guerre. Pendant quatre ans, à l'instar de Louis Renault, Voisin fait tourner l'usine au ralenti, avec pour seul objectif de maintenir les emplois. L'usine produit alors, à la demande de l'occupant, des pièces de rechange pour l'aviation allemande, notamment des vilebrequins et des pignons de distribution pour les moteurs BMW. Toujours en quête d'innovations, Gabriel Voisin recherche des solutions de déplacement alternatives face à la pénurie d'essence. Fin 1940, il conçoit un cyclecar monoplace à pédales qu'il nomme le Vélogab. Le pédalier traditionnel y est remplacé par un système à poussoirs unique. En mai 1941, cet engin est équipé d'un moteur électrique, en réalité un démarreur de Voisin C14. Avec cette transformation, le Vélogab pèse 35 kg. Sa calandre est surmontée de la célèbre " Cocotte Voisin " en aluminium, une présence plutôt incongrue ! Il possède des roues à rayons très fines et un petit pare-brise, mais ni porte ni capote. Cet exemplaire est resté unique.
Le Velogab, un exemplaire unique conçu pendant la guerre En 1942, Gabriel Voisin, toujours inventif, conçoit une voiturette dotée d'une disposition originale : ses quatre roues sont en losange et sa carrosserie, entièrement enveloppante, est fermée par deux portes. Une maquette est fabriquée. L'année suivante, en 1943, il imagine une trottinette carénée, équipée de deux roues de vélo complétées par deux roulettes latérales, et animée par un moteur de 100 cm3. Parallèlement, il travaille sur la conception d'un petit bicylindre à vapeur alimenté par du charbon, moteur qui équipera quelques véhicules. Retour en temps de paix A la Libération, de nombreuses personnalités ayant dirigé des entreprises qui ont travaillé pour l'Allemagne sont accusées de collaboration économique. Le cas de Gabriel Voisin, ainsi que celui de Louis Renault ou de Louis Berliet, illustre le difficile choix auquel étaient confrontés les industriels français : soit cesser toute production, risquant ainsi le licenciement massif de leurs employés et le transfert des usines en Allemagne, soit continuer à produire, même pour l'ennemi, dans l'espoir de sauver l'outil industriel et les emplois. Finalement, Gabriel Voisin et la direction de l'usine d'Issy-les-Moulineaux sont blanchis de toute accusation. Gabriel Voisin confie la direction de la Compagnie Aéromécanique à son fidèle collaborateur, Marius Bernard. L'entreprise se diversifie alors, se lançant dans la fabrication d'écrémeuses, de groupes industriels Bernard, puis de moteurs MAP pour tracteurs agricoles. Par la suite, elle reprend la réparation et la fabrication de pièces de rechange pour moteurs d'avions. La direction technique de la SNECMA s'engage à confier suffisamment de projets à la Compagnie Aéromécanique pour assurer la pérennité de ses activités. Pour Nord-Aviation, Gabriel Voisin participe même à la conception du chasseur supersonique Griffon, renouant ainsi, par un heureux hasard, avec ses premières passions aéronautiques. Sur un tout autre plan, Gabriel Voisin travaille également sur un projet de voiturette.
Dans son numéro spécial Salon de l'Automobile d'octobre 1949, le magazine " France Illustration / Le Monde Illustré " donne la parole à Gabriel Voisin. L'ancien constructeur y met en lumière deux facteurs clés pour améliorer la stabilité des voitures : la position de leur centre de gravité et celle du centre des pressions aérodynamiques. Fidèle à lui-même, Voisin exprime ses idées sans détour, n'hésitant pas à fustiger les ingénieurs responsables de la conception automobile.. Gabriel Voisin, 1949 - © : L'Illustration (www.lillustration.com) Voisin Biscooter Face aux difficiles conditions de vie, Gabriel Voisin se penche dès 1945 sur les nouveaux besoins en transport. Il pressent une forte demande pour de petits véhicules et entreprend de concevoir un engin qui combinerait les avantages de la moto (prix abordable, légèreté, faible consommation) avec ceux de l'automobile (deux ou quatre places, stabilité, protection contre les intempéries). Ce projet, très éloigné de ses luxueuses voitures d'avant-guerre, est baptisé Type 31 dans sa nomenclature.
Gabriel Voisin et le Biscooter - Copyright En juin 1956, un facteur de l'Ain s'intéresse au Biscooter, y voyant une solution pour améliorer ses tournées. Il suggère à Gabriel Voisin qu'un tel véhicule le protégerait mieux des intempéries et des chutes, avec quatre roues, un pare-brise et une capote. Inspiré, Voisin développe une version spécifique pour les postes et la présente à la direction des PTT, qui se montre intéressée. L'idée est de motoriser les facteurs des régions vallonnées, ce qui leur éviterait ainsi de devoir pousser leur bicyclette la moitié du temps. Un prototype est confié à un facteur de Pontoise pour une phase de test. Ce dernier doit consigner quotidiennement sa consommation de carburant et ses observations. Son rapport s'avère assez défavorable. Convoqué par les PTT, Gabriel Voisin se voit demander des modifications : meilleure protection latérale de la capote, garde au sol insuffisante, etc ... Bien que ces requêtes soient pour certaines justifiées et réalisables, Gabriel Voisin les prend très mal. Furieux, il insulte ses interlocuteurs et quitte la réunion en claquant la porte. Sans surprise, le projet n'aura pas de suite. Les dirigeants de la SNECMA n'ont aucune intention de soutenir le projet de Gabriel Voisin et refusent après de longues discussions de mettre le Biscooter en production . Pire, dès 1951, ils tentent de le contrer en développant un véhicule minimaliste concurrent à moteur arrière, qu'ils exposent au Salon de l'Automobile de Paris en octobre 1952 sous la marque... Voisin. Ce véhicule utilise toujours un moteur Gnome et Rhône de 125 cm3. Une seule roue motrice élimine le besoin de différentiel. Toutefois, cette nouvelle proposition ne suscite que peu d'intérêt public, générant à peine une dizaine d'inscriptions sur une liste d'attente.
En 1969, Gabriel Voisin et son coéquipier de rallye Pierre Bouillot, chez Gabriel Voisin. Le biscooter oublié dans une grange depuis plusieurs années a démarré au quart de tour. Document Maurice Goddet. Source : Autopoche n°14, juin 1969 Malgré ces obstacles, Gabriel Voisin ne lâche rien et continue d'améliorer son Biscooter. Il envisage son implantation dans plusieurs pays comme l'Angleterre, la Suisse, le Portugal, les Etats-Unis, le Mexique, l'Argentine et Porto Rico. Il développe des versions adaptées pour la police, les postiers, et le propose même au Pentagone comme voiture de liaison militaire ou au marché du Maghreb sous le nom " Watani ". Le Biscooter se prête à toutes les transformations : traction avant ou intégrale (quatre roues motrices), direction sur les quatre roues, version amphibie, mono, bi ou quadriplace. Finalement, Gabriel Voisin parvient seulement à vendre son projet à une compagnie espagnole. Autonacional Biscuter Au début des années 50, l'Espagne, sous le régime franquiste, est confrontée à un isolement politique et économique sévère. Pays pauvre, la plupart des Espagnols ne peuvent s'offrir une voiture. Le marché est dominé par les motos de faible cylindrée et quelques rares voitures d'importation réservées aux plus fortunés. C'est dans ce contexte que Damien Casanova, un ingénieur ayant étudié en France et dirigeant de la firme barcelonaise Autonacional, fondée en avril 1951, remarque le projet de Gabriel Voisin.
Le Biscuter fait partie du paysage espagnol des années 1950. Source : https://www.reddit.com Une usine moderne est construite à Sant Adrià de Besòs. En juin 1953, le Biscuter est présenté à la Foire de Barcelone et attire une foule impressionnante. Boudé en France, cet engin rudimentaire devient l'un des acteurs majeurs du développement de la motorisation ibérique. Sa carrosserie en aluminium, plus enveloppante que celle du Biscooter original, donne l'illusion de posséder et de conduire une " vraie " voiture, tout en conservant la légèreté du concept initial. Le nom de Voisin apparaît clairement sur les brochures et, pour suivre le lancement de sa création, Gabriel Voisin s'installe provisoirement près de Barcelone. L'aspect atypique du Biscuter lui vaut rapidement le surnom affectueux de " Zapatilla ", la pantoufle. Le Biscuter se distingue de ses concurrents Kapi, David, Orix, Clua, PTV, Isetta ou Goggomobile par une politique commerciale ambitieuse et des méthodes de production modernes, ce qui lui permet d'être fabriqué en quantités bien supérieures à celles de ses rivaux. Autonacional développe même son offre avec une variante break dotée de panneaux en bois.
Le Biscuter Voisin - Copyright Cependant, la situation change avec l'arrivée de concurrents plus conventionnels. La Renault 4 CV, produite par FASA Renault à Valladolid à partir d'août 1953, puis la SEAT 600, assemblée à Barcelone et commercialisée en mai 1957, affaiblissent progressivement les positions du Biscuter. L'automobiliste espagnol a désormais accès à de " vraies voitures ". Autonacional tente de réagir en proposant des versions plus spacieuses : une variante à quatre places, la 200-C surnommée " Rubia " (la blonde) en raison de ses panneaux latéraux en bois, et son dérivé commercial la 200-I. Une version plus confidentielle, la 200-F, surnommée "Pegasín" car elle ressemble à une Pegaso en miniature, est également développée. Malgré ces efforts, la fabrication du Biscuter cesse à l'aube des années 60. Environ 38 000 exemplaires de la Biscuter sont sortis d'usine, en faisant le plus grand succès commercial de Gabriel Voisin.
Le Biscuter Voisin dans le rues espagnoles. Source : https://www.carjager.com Roger Brioult (1921/2012), " journaliste mécanicien ", à l'origine en 1947 avec l'éditeur Jean Châtelain de la création des RTA, rencontre en 1962 Gabriel Voisin dans sa résidence de Villars, en bord de Saône. Les deux hommes se connaissent depuis 1956. Dans l'Anthologie Automobile en 1968/69, puis dans l'hebdomadaire LVA en 1987, il rend compte de ses échanges avec l'industriel. Voici comment Gabriel Voisin a perçu la fin du Biscuter en Espagne. - A propos du biscooter, que
devient donc leur fabrication en Espagne ?
La fin d'une ère Le directeur de l'usine SNECMA d'Issy-les-Moulineaux, irrité par l'accord du Biscooter avec les Espagnols, décide de supprimer l'allocation de Gabriel Voisin, qui lui permettait de payer une partie de ses salaires. Peu après, la pression s'accentue avec la mise en vente des installations de la Société Immobilière d'Exelmans. Fin 1955, Gabriel Voisin est contraint de s'installer avec quelques fidèles collaborateurs dans un minuscule local au 6 rue des Pâtures dans le 16e arrondissement de Paris. Grâce à des marchés obtenus auprès de la SNECMA et du Ministère de l'Air, la Société des Aéroplanes Gabriel Voisin parvient à survivre jusqu'au décès de Marius Bernard le 16 juillet 1957, à l'âge de 63 ans. Cinq mois et demi plus tard, le 3 janvier 1958, la SNECMA liquide l'entreprise. Ironiquement, dix jours après la dissolution de sa société, l'armée rend hommage à Gabriel Voisin en le nommant à 77 ans Grand Officier de la Légion d'honneur, un demi-siècle exactement après l'exploit d'Henry Farman. L'ingénieur ne manque pas de souligner, avec amertume, que ceux qui lui remettent cette distinction appartiennent aux mêmes sphères gouvernementales qui l'ont inculpé quelques années plus tôt pour atteinte à la sûreté de l'État.
Au Salon de Paris 1957, Gnome et Rhône expose à côté de ses deux roues une camionnette à six roues avec une cabine avancée. Cet engin étudié par Gabriel Voisin reprend les principes de légèreté, simplicité et économie chers à l'ingénieur. C'est semble t'il la dernière réalisation à pouvoir se prévaloir de la Compagnie des aéroplanes Gabriel Voisin à l'adresse d'Issy-les-Moulineaux - Copyright Les jours s'écoulent paisiblement pour Voisin dans son modeste local de la rue des Pâtures, qu'il partage avec son ami Jean Bertin. Ce dernier gagnera bientôt une renommée mondiale grâce à son célèbre Aérotrain, dont les premiers essais auront lieu en 1965 sur une piste dédiée de 18 km, construite dans le Loiret entre Saran et Ruan. Les deux hommes s'étaient rencontrés à la SNECMA, où Bertin travaillait. Auprès de Bertin et de ses équipes, Gabriel Voisin retrouve une nouvelle vitalité, prodiguant volontiers ses conseils et partageant son expertise. En 1958, Gabriel Voisin, toujours en quête d'innovation, conçoit un autre véhicule très léger : un biplace en tandem. Sa faible largeur doit lui permettre de se faufiler aisément dans la circulation urbaine. Il propose cette traction avant de 125 cm3 à la Préfecture de Police et au Ministère des PTT, mais sans succès. L'année suivante, Voisin participe à un projet d'avion de tourisme. Cependant, faute de crédits, ce projet ne dépasse pas le stade d'une maquette au 1/20e, malgré sa très belle exécution. Gabriel Voisin, en retrait Gabriel Voisin travaille à la rédaction de ses mémoires. Les Editions de la Table Ronde publient " Mes 10 000 cerfs-volants " en 1960, et deux ans plus tard " Mes mille et une voitures ".
Gabriel Voisin. Source : http://www.avions-voisin.net En 1960, à l'âge de 80 ans, Gabriel Voisin quitte Paris pour s'installer au bord de la Saône. Là, il continue de dessiner des plans, notamment ceux d'une voiturette de 850 cm3 pour l'Inde (1961) et d'une voiture en losange (1967) dont les roues latérales motrices seraient entraînées par un moteur flat-twin d'Ami-6. De tous les biens dont il a été propriétaire par le passé, il ne lui reste plus grand chose. Mais il possède toujours d'indéfectibles amitiés avec ses camarades de lutte, et l'affection de sa femme et de sa belle-soeur avec qui il partage désormais son existence. Toujours actif malgré l'âge, une opération et quelques problèmes cardiaques, Gabriel Voisin construit un bateau et s'occupe de l'aménagement de son Moulin d'Ozenay, où il se retire définitivement à la fin des années 60. En 1962, il cède ses intérêts dans la Compagnie Aéromécanique à Jean Bertin. Gabriel Voisin affirme ne pas craindre la mort, regrettant seulement de ne pas pouvoir poursuivre ses travaux. De nombreux amis et admirateurs viennent le retrouver dans son havre de paix, tous repartant impressionnés par sa vivacité et sa jeunesse d'esprit, loin de l'image d'un octogénaire affaibli. Un jour de juillet 1967, son ami Georges Héreil, le père de la Caravelle et alors successeur de H.T. Pigozzi à la tête de Simca, lui fait l'honneur de lui présenter en première mondiale la Simca 1100, la première traction avant de Simca. Voisin apprécie la conception et le comportement de la voiture. Le 2 février 1969, à 89 ans, Gabriel Voisin est l'invité d'honneur du Lycée Technique de Tournus, où une cinquantaine d'élèves l'ont choisi comme parrain de leur promotion. Le regard vif, la silhouette mince, Gabriel Voisin a conservé sa verdeur et sa légendaire vivacité d'esprit. En 1972, il fait une apparition émouvante à la télévision. Gabriel Voisin s'éteint le jour de Noël 1973. Conformément à sa volonté, son décès n'est annoncé par la presse, la radio et la télévision que plusieurs jours après sa disparition. Il repose au cimetière de Villars.
Gabriel Voisin en 1969 montrant la maquette d'un de ses tout premiers appareils. Source : Autopoche n° 11, 1969 Anecdotes de Roger Brioult Nous devons à Roger Brioult ces quelques autres anecdotes. Un dimanche matin à Paris, sur la Seine, Gabriel Voisin effectue des essais avec un nouvel hydravion de sa conception. Après plusieurs décollages et amerrissages, l'appareil se retourne, laissant Voisin la tête dans l'eau. Des spectateurs sur les rives réagissent avec stupéfaction. Un homme se jette alors à l'eau et parvient à extraire Voisin, inconscient. Après avoir été ranimé par les pompiers, Voisin cherche son sauveteur, qui s'est discrètement retiré. Exprimant sa gratitude, Voisin invite l'homme à le rencontrer à son usine le lendemain. Lors de cette rencontre, l'homme explique sa situation professionnelle précaire, suite à des difficultés avec ses affaires près de la place Blanche. Il s'est fait " piquer quatre filles par les Corses ". Touché par son geste, Voisin lui propose un poste de confiance et de directeur à l'usine, car il cherche quelqu'un de débrouillard et d'énergique. Cependant, six mois plus tard, en raison de son absentéisme et de son comportement improductif, Voisin doit s'en séparer. Douze ans plus tard, les affaires de Voisin sont en déclin, avec des difficultés financières croissantes. Un homme fait irruption dans son bureau à Issy-les-Moulineaux et se présente comme celui qui l'a sauvé de la Seine. Apprenant les difficultés de Voisin, il lui propose une aide financière, expliquant son succès dans diverses entreprises en Algérie et à Marseille. Grâce à cette intervention inattendue, la situation financière de Voisin s'améliore, à la stupéfaction douloureuse de plusieurs banquiers qui, bien sûr, ont perdu un client. Des ouvriers travaillaient tardivement pour finir une voiture destinée à l'anniversaire de Gabriel Voisin. Informé, ce dernier s'installe au volant pour un essai. Pourtant, au démarrage, la voiture recule au lieu d'avancer. Inversement, enclenchée en marche arrière, elle part vers l'avant. Cette curieuse anomalie est due à une erreur de montage de la couronne du pont arrière, qui a inversé le sens des vitesses. Afin de ne décevoir personne et de transformer cet incident en plaisanterie, Voisin décide d'effectuer l'essai en marche arrière. Il découvre alors une efficacité de freinage étonnante, les roues arrière agissant désormais comme des roues avant lors du freinage. Cette expérience marquera Voisin, le poussant à privilégier par la suite un freinage avant plus puissant sur ses voitures. Cette caractéristique contribuera à leur excellente réputation en matière de freinage, même si les systèmes utilisés étaient conventionnels. Cette conception sera d'ailleurs progressivement adoptée par d'autres constructeurs. Un client, fier propriétaire d'une Voisin cabriolet flambant neuve, entre dans l'un des ateliers de l'usine d'Issy-les-Moulineaux. Dans un coin, un homme en bleu de travail s'active devant son établi. Le client, s'adressant à un employé, se plaint bruyamment du manque de puissance de sa voiture, la qualifiant de " veau ". L'homme à l'établi, ayant tout entendu, dépose ses outils et propose au client de prendre sa voiture pour un essai. Le long des quais de la Seine, Gabriel Voisin en personne (car c'était bien lui à l'étau) prend le volant. Il enchaîne les montées et rétrogradages de vitesses, les accélérations et les freinages, sans un mot, ignorant les questions du client. Après quelques kilomètres, il s'arrête, rend le volant au client et l'observe conduire. Trois minutes plus tard, il demande à revenir à l'usine. Le trajet du retour se fait toujours dans un silence pesant. De retour à l'usine, Voisin invite le client à le suivre à la caisse et, s'adressant simplement à son employé, déclare : " Remboursez donc sa voiture à monsieur. Il ne sait pas conduire et n'est pas digne d'avoir une Voisin !" Il est évident qu'un tel comportement serait fatal à de nombreuses entreprises automobiles. Et, de fait, c'est précisément ce qui lui est arrivé, et à plusieurs reprises ! Cette anecdote illustre parfaitement le caractère intransigeant et unique de Gabriel Voisin. A Paris, lors de la réunion annuelle des " Vieilles Tiges " (l'Association des anciens pilotes d'avions de guerre), Gabriel Voisin, malgré son aversion pour les mondanités, accepte par courtoisie de participer à l'inauguration d'un musée d'automobiles anciennes. Pendant l'événement, en présence de personnalités locales et départementales, un conseiller municipal reconnaît Voisin, alors octogénaire, comme l'un des pionniers de l'aviation. L'élu exprime sa fierté d'avoir accompli un Paris-Cannes l'année précédente, avec une moyenne de 72 km/h à bord d'une voiture Voisin de 1925. Voisin, après avoir demandé l'âge de son interlocuteur (soixante ans), lui reproche de s'intéresser à de " vieux tacots " à cet âge, suggérant plutôt des activités plus appropriées comme " les filles ou les fusées ". Le conseiller, visiblement embarrassé sous les rires de l'assistance, tente d'expliquer que sa Voisin a bien fonctionné à l'aller, mais qu'il n'a pas réussi à redémarrer le moteur au retour. Voisin, perdant patience, l'interrompt avec des propos d'une rare véhémence : " C'est de votre faute ! dit Voisin, vous êtes un c ... ! Vous b ... votre grand-mère et vous vous plaignez d'être em... ! " Cette réaction provoque l'hilarité dans la salle d'exposition. Epilogue Gabriel Voisin était un homme vraiment hors du commun, un authentique génie dont la personnalité a laissé une empreinte indélébile sur tout ce qu'il entreprenait. Ce fut un véritable pionnier de l'aviation, celui qui a construit le premier avion au monde capable de décoller par ses propres moyens et qui a fondé la première usine d'avions sur la planète. Son génie ne s'est pas limité aux airs, puisqu'il a également conçu l'une des premières voitures au style " ponton " et a compris, avant tout le monde, l'importance cruciale de la réduction du poids des automobiles.
Quelques-unes des Voisin réunies entre 1945 et 1970 par le collectionneur Robert Cornière : 17 CV C23 Chartreuse de 1931, 17 CV C24 Caravelle de 1936, 17 CV C25 Aérodyne de 1933, 23 CV C3L Chapron de 1923 et 20 CV C30 Goélette de 1936 - Copyright Gabriel Voisin était un esprit véritablement brillant. Sa capacité exceptionnelle à saisir et analyser les concepts complexes pour les expliquer clairement se manifestait dans toutes ses inventions, qu'elles soient aéronautiques ou automobiles. Ses solutions étaient toujours ingénieuses et pratiques. Voisin était un individualiste et anticonformiste assumé. Il n'hésitait jamais à défendre ses idées, même si elles s'opposaient aux conventions, et à contester les règlements qu'il jugeait être des entraves au progrès, souvent édictés par des fonctionnaires qu'il qualifiait de " bouchés ". Son franc-parler et son vocabulaire parfois fleuri contrastaient avec son élégance naturelle, son charme et sa sensibilité. Au-delà de ses passions pour l'aviation, l'automobile et les femmes, Voisin était un homme cultivé et sensible. Il excellait en peinture, adorait la musique et était profondément lié à la nature, en particulier à la Saône, rivière de son enfance. Malgré une carrière trépidante qui l'éloigna souvent de ses rives, il garda un attachement profond pour ce lieu. Si les pionniers de l'aéronautique et de l'automobile voyaient leurs œuvres célébrées au sein de diverses associations, il n'existait en France aucune organisation dédiée à la mémoire de Gabriel Voisin. Ce vide a été comblé en 1986 avec la création de l'association " Les Amis de Gabriel Voisin " Son objectif principal est de faire connaître la place historique de Gabriel Voisin en tant que créateur et capitaine d'industrie dans les secteurs aéronautique et automobile, tout en apportant son soutien aux propriétaires de véhicules Voisin. Vous êtes aussi invité à consulter l'excellent site de Thierry Auffret, consacré aux Automobiles Voisin.
Texte : André Le Roux / Jean-Michel Prillieux
Sources :
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