Maybach, les Zeppelin de la route


La firme Maybach est créée en 1909 par Wilhelm Maybach (1846-1929) à Stuttgart, mais elle commence à produire des voitures seulement à partir de 1921. Stoppée en 1941, la firme Maybach renaît en 2002, sous l’égide de son nouveau propriétaire Mercedes, avec pour objectif de concurrencer Bentley, alors propriété de Volkswagen, et Rolls-Royce sous la tutelle de BMW. Mais les ventes ne décollent pas et Mercedes supprime la marque en 2012. Depuis 2014, Maybach est devenu une simple appellation apposée sur les modèles les plus huppés de Mercedes.


Les débuts de la firme Maybach


Wilhelm Maybach travaille avec Gottlieb Daimler, dès la fin du XIXe siècle, à la mise au point du premier moteur à explosion. Après avoir commercialisé ce type de moteurs jusqu’en 1906 pour différentes marques automobiles, il s’associe - après un différend avec Daimler - avec le comte Ferdinand von Zeppelin pour développer des moteurs de ballons dirigeables. Tous les dirigeables Zeppelin seront dotés de moteurs Maybach. Le plus connu est le six cylindres de 22 litres de cylindrée développant une puissance maximale de 210 ch. Ce moteur monté sur les dirigeables à partir de 1913 surpassait largement la version précédente qui ne dépassait pas les 150 ch. Près de 2 000 moteurs de ce type seront construits pendant la Première Guerre Mondiale. Ils étaient renommés pour leur endurance, car ils pouvaient fonctionner sans interruption pendant 40 heures, ce qui était un record pour l’époque.

Le moteur le plus puissant (MB IVa) conçu pendant la guerre développait une puissance de 260 ch et pouvait maintenir cette puissance jusqu’à 1 800 m d’altitude, grâce à un carburateur réglable. Karl Maybach (1879-1960), le fils de Wilhelm, participait activement à l’élaboration de ces différents moteurs, depuis que la société avait quitté Stuttgart pour se rapprocher des usines du comte von Zeppelin, à Friedrichshafen, près du lac de Constance. C’était en 1912. Karl Maybach était alors devenu le directeur technique de la société fondée par son père. Pendant la Première Guerre Mondiale, Maybach conçoit également des moteurs pour avions, mais la défaite allemande de 1918 entraîne illico l’interdiction de poursuivre toute fabrication de moteurs pour avions et pour dirigeables. Dès lors, Maybach - à l’instar de Farman, Voisin ou Hispano-Suiza qui venaient également de l’aéronautique - se tourne vers l’automobile de haut de gamme dont les perspectives d’avenir sont importantes.


Les premières automobiles Maybach


Alors que Wilhelm Maybach se retire de la société qu’il avait fondée en 1909, c’est son fils Karl qui va entreprendre de se lancer dans la fabrication d’automobiles de luxe. Le premier modèle est présenté en 1919. Il s’agit de la W1 à moteur six cylindres, basée sur un châssis Mercedes, la lettre W étant sans doute un hommage à Wilhelm Maybach alors âgé de 73 ans. Ce premier modèle est suivi en 1921 par la W3 à moteur six cylindres de 5,7 litres. Cette voiture luxueuse et cossue est fabriquée à près de 500 exemplaires à Friedrichshafen, près de Constance, jusqu’en 1926.

Rapidement, la marque monte en gamme, avec le lancement en 1926 de la W5 à moteur six cylindres de 7 litres produite à près de 300 exemplaires jusqu’en 1929 puis de la DS7 en 1928, commercialisée sous le nom " Zeppelin ". Ce modèle à douze cylindres en V est non seulement la première automobile V12 de la marque mais également d’un des tout premiers modèles V12 de la production mondiale. Avec ce modèle, la firme de Friedrichshafen se plaçait au sommet de la production allemande.

La Maybach " Zeppelin " DS7 lancée en 1928 était une voiture très imposante à moteur douze cylindres en V qui poussa Mercedes à lancer en 1930 sa grande limousine 770 " Grosser " qui elle était équipée d’un huit cylindres en ligne, mais d’une cylindrée supérieure, 7,7 litres contre 7 litres pour la Maybach V12.

Le nom du modèle rend un vibrant hommage au comte von Zeppelin (1838-1917) disparu une douzaine d’années plus tôt et qui avait toujours été fidèle aux moteurs Maybach. L’un des principaux concurrents allemands de Maybach attendra 1931 pour sortir son propre modèle V12, il s’agit de la Horch 600/670 à moteur 6 litres. Le moteur V12 Maybach est lui un 7 litres développant 150 ch, un moteur très puissant pour l’époque. Appelé DS7 en interne, un nom en rapport avec sa cylindrée, ce modèle est remplacé par la DS8 en 1930 qui sera équipée d’un V12 de 8 litres développant 200 ch  ce qui en faisait l’une des voitures de série les plus puissantes de l'époque. En fonction de la carrosserie, dans tous les cas très imposante, elle pouvait atteindre la vitesse maximale de 170 km/h.

Le cabriolet Maybach " Zeppelin " DS8 est l’un des principaux concurrents des cabriolets Mercedes 500K/540K à moteur huit cylindres et des cabriolets Horch 670 à moteur douze cylindres ainsi que des cabriolets Horch 853 à moteur huit cylindres.

Parmi les voitures allemandes les plus luxueuses (Maybach, Mercedes, Horch), la Maybach était de loin la plus chère mais également la moins diffusée, puisque l’on dénombre seulement 2 300 voitures produites au total depuis 1921 dont près de 200 " Zeppelin " produites de 1928 à 1934.


Les dernières Maybach d’avant-guerre


Les années 30 connaissaient une forte dépression économique et l’époque ne se prêtait plus vraiment aux voitures de prestige ni même aux voitures de grand luxe. Pour tenter de sauver sa branche automobile, la firme Maybach, qui se situait à l’époque au sommet des marques allemandes les plus prestigieuses, présenta des modèles un peu moins élitistes. Alors que les DS7 et DS8 à moteur douze cylindres sont supprimées en 1934, faute de commandes suffisantes, Maybach lance de nouveaux modèles six cylindres, d’abord les W6 en 1931, puis les DSH en 1934, SW35 en 1935 et SW38 en 1936 qui seront les seules voitures produites à Friedrichshafen jusqu'à la fin des années 30.

Maybach comme tous les autres constructeurs doit arrondir les angles de ses véhicules à partir du milieu des années 30, pour des raisons liées à l’aérodynamisme.

La W6 qui prenait la suite de la W5 reprenait le moteur six cylindres de 7 litres développant 120 ch de cette dernière ainsi que les carrosseries et l’empattement des DS7 et DS8. Henri Théodore Pigozzi avec son Ariane à moteur Aronde et carrosserie Versailles n’a rien inventé ! Une centaine d’exemplaires de la W6 sont sortis des lignes d’assemblage de Friedrichshafen. Elle est remplacée en 1934 par la DSH produite jusqu’en 1937 qui reprend le châssis de la W6 mais son moteur est tout nouveau. Il s’agit d’un six cylindres de 5,2 litres développant 130 ch, plus petit et plus puissant que le six cylindres précédent, qui permet à la voiture d’atteindre la vitesse maximale de 135 km/h. Une centaine d’exemplaires de la DSH sortent des lignes d’assemblage de Friedrichshafen.

La SW35 lancée en 1935 poursuit ce qu’on appellera beaucoup plus tard le " downsizing ", c’est à dire la réduction de la cylindrée du moteur sans perte de puissance. La SW35 est dotée en effet d’un six cylindres de 3,5 litres développant 140 ch qui permet à la voiture d’atteindre la vitesse maximale de 140 km/h. La SW38 lancée en 1936 est dotée du même moteur réalisé à 3,8 litres sans augmentation de puissance. Ce moteur avait l’avantage de fonctionner avec de l’essence de mauvaise qualité qui était souvent le lot quotidien des automobilistes allemands de la seconde partie des années 30, résultat d’une politique de distribution pratiquée par le gouvernement nazi. En 1939, la SW42 remplace les SW35 et SW36, avec un moteur réalésé à 4,2 litres sans augmentation de puissance.

Deux Maybach SW42 , à priori recarrossées après la guerre. En  1941, Maybach a cessé la production automobile pour se concentrer sur la fabrication de moteurs de chars.

La production des automobiles Maybach est stoppée en 1941, en raison du durcissement de la guerre déclenchée deux années plus tôt. Après avoir vaincu la Pologne, la France, la Belgique et les Pays-Bas, l’Allemagne se retourne contre l’URSS et cette attaque demande un effort de guerre maximal. Les constructeurs automobiles sont invités à participer activement à cet effort de guerre. Les Maybach SW35, SW38 et SW42 ont été fabriquées au total à 1 100 exemplaires de 1935 à 1941, soit le meilleur chiffre de la marque.


Maybach pendant et juste après la Seconde Guerre Mondiale


Durant la Seconde Guerre Mondiale, Maybach devient le principal fournisseur de moteurs pour les chars allemands. Ses moteurs HL120 TRM équipent les Panzer III et Panzer IV tandis que les HL230 équipent notamment les Panzer V " Panther " et Panzer VI " Tigre ". Le HL230 est le plus puissant moteur de char produit en série durant la guerre, un V12 de 23,8 litres développant 700 ch. Les 250 premiers exemplaires du " Tigre " reçurent également le moteur HL120 TRM. La capitulation en mai 1945 a interrompu la mise au point du moteur HL234 qui devait remplacer le HL230 sur les nouveaux chars, sa puissance devant atteindre 900 ch ! Avec un tel palmarès, la firme Maybach se voit interdite de poursuivre une activité dans le domaine de la production de moteurs dès 1945.

La marque est donc mise en sommeil jusqu’en 1960, date à laquelle disparaît Karl Maybach. La firme qui avait toutefois redémarré dans les années 50 une activité de réparation et même de fabrication de moteurs diesel pour navires et locomotives - les Alliés jugeant cette activité comme utile dans le contexte de reconstruction de l’Allemagne - est alors rachetée par Daimler-Benz qui la rebaptise MTU (Motoren und Turbinen Union). Notons que cette acquisition a lieu deux ans après le rachat en 1958 du groupe Auto-Union par Mercedes.


La nouvelle génération des Maybach


En 1997, à la surprise générale, apparaît au Salon de Tokyo un concept-car Mercedes qui entend ressusciter la marque Maybach à court terme. Encore doté de la calandre surmontée de l’étoile de la marque de Stuttgart, ce modèle se présente sous la forme d’une limousine de 5,77 m de long basée sur une Mercedes Classe S (W140). La carrosserie de cette voiture sera reprise quasiment intégralement sur la Maybach de série dévoilée cinq ans plus tard, en 2002.

La marque Maybach renaît en 2002, sous l’égide de DaimlerChrysler, avec le lancement de la limousine 57 longue de 5,70 m soit 15 centimètres de plus que l’ancienne Mercedes 600 produite de 1963 à 1981.

Mercedes, alors associé au groupe Chrysler au sein du groupe éphémère DaimlerChrysler, veut cibler Rolls-Royce et Bentley avec sa nouvelle limousine de marque Maybach. Le modèle qui reprend la carrosserie du concept-car de 1997 - sauf pour certains détails comme les phares - est disponible en deux empattements différents. La Maybach 57 mesure 5,70 mètres de long alors que la Maybach 62 mesure 6,20 mètres. Ces dimensions gigantesques dépassent même celles des limousines Maybach d’avant-guerre, qui mesuraient près de de 5,50 mètres.

La Maybach 62 est la version longue de la 57, qui atteint 6,20 m, soit quasiment la longueur d’une Mercedes 600 Pullman produite de 1963 à 1981. En créant les Maybach 57 et 62, Mercedes a manifestement pensé à la succession de ses 600 et 600 Pullman.

Comme les anciennes DS7 et DS8, la nouvelle Maybach est dotée d’un V12, cette fois d’origine Mercedes, celui monté sur les Classe S depuis 1991. D’une cylindrée de 6 litres, il développe plus de 400 ch, mais dès 2005, le constructeur propose une version encore plus puissante (57S et 62S) de plus de 600 ch … Initialement, DaimlerChrysler prévoyait un volume de 2 000 Maybach vendues dans le monde chaque année, dont 50 % à destination des Etats-Unis. Ce volume de ventes correspondait peu ou prou au niveau de ventes annuel de Rolls-Royce, marque appartenant à BMW depuis 1998. En fait, les ventes ne vont jamais décoller et il se vendra au total 3 000 Maybach de 2002 à 2012, date à laquelle Mercedes délesté de Chrysler depuis 2007 supprime la marque, un peu à contrecœur, faute de commandes suffisantes.

En 2007, Maybach dévoile la version Landaulet de la limousine 62. Cette version fait référence évidemment à la version Landaulet de l’ancienne Mercedes 600 Pullman produite en quantités limitées dans les années 60 et 70. Maybach commercialise aussi à partir de 2009 une série spéciale « Zeppelin » qui reprend le nom des anciennes DS7 et DS8.


Le concept-car Maybach Exelero


Le concept-car Exelero dévoilé en 2005 est un cas à part, puisqu’il a été fortement médiatisé dans le monde entier, ce qui pouvait laisser penser que Maybach souhaitait lancer une version coupé de ses grandes limousines. Avec le recul, on peut regretter que le constructeur n’ait pas commercialisé ce modèle qui aurait rajeuni l’image de marque de Maybach, d’autant plus que l’Exelero était tout à fait désirable et industrialisable. Pour comprendre l’origine de ce concept-car tout à fait impressionnant avec sa carrosserie aérodynamique longue de 5,89 mètres, son moteur V12 de 6 litres développant 700 ch, sa vitesse maximale de 350 km/h pour un poids dépassant les 2,6 tonnes, il faut remonter à 1938. Cette année-là, Fulda fit appel à Maybach pour développer une voiture capable d'établir de nouveaux records, comme dépasser les 200 km/h, avec ses pneumatiques. Une version particulière de la Maybach SW38 fut créée et dotée d’un moteur six cylindres de 140 ch et d’une carrosserie aérodynamique. Elle atteignait la vitesse de 200 km/h.

En 2005, Maybach stupéfie le monde avec son concept-car Exelero qui se présente sous la forme d’un coupé de 5,89 m de long à la forme très aérodynamique et capable de filer à 350 km/h. Malheureusement, ce magnifique coupé ne sera pas commercialisé.

Dans le but de commémorer cette coopération et les 100 ans de la marque, Fulda sollicite à nouveau Maybach pour réaliser un projet similaire, un coupé sportif haut de gamme, et expérimenter un pneu haute performance dénommé " Carat Exelero " pouvant supporter les 350 km/h. Maybach développe ainsi, en deux ans, ce modèle basé sur la Maybach 57 et nommé " Exelero . Klaus Ludwig a été le pilote d'essai de Fulda pour ce modèle d’exception. Fulda a créé pour le modèle des pneus mesurant 315/25 montés sur des jantes de 23 pouces signées Ronal, une roue complète pesant 46 kg. Le prix de la voiture estimé au départ à quatre millions d'euros a coûté en réalité huit millions d’euros ! En 2011, le rappeur américain Birdman a acheté l'unique exemplaire de ce concept-car.


Maybach devient en 2014 une finition de prestige des Mercedes


Alors que la nouvelle génération de la Mercedes Classe S (W222) est lancée en 2013, qui remplace l’ancienne Classe S de 2005 mais aussi les Maybach 57 et 62, le constructeur de Stuttgart envisage de reprendre le nom de la firme de Friedrichshafen pour les finitions les plus huppées des Classe S. Une version Maybach de la Mercedes Classe S 600 V12 apparaît donc en 2014, sur la base de la génération lancée en 2013. La partie arrière est différente, avec la présence d’une troisième petite vitre latérale de chaque côté, qui change la physionomie du modèle. L’empattement est aussi plus long que la version d’origine.

En 2014, Maybach devient une finition de très grand luxe de Mercedes. La Classe S de 2013 est donc proposée avec cette finition de très haut de gamme, agrémentée d’une petite troisième glace latérale de chaque côté de la carrosserie. L’empattement est plus long que celui de la Classe S limousine.

Ce modèle est renouvelé en 2020 lorsqu'apparaît la nouvelle génération de la Classe S (W223). L’empattement est allongé de 18 cm par rapport à la Classe S limousine dont l’empattement est déjà allongé de 11 cm par rapport à la Classe S normale. La Classe S Maybach s’étire donc sur 5,47 mètres de long et sa calandre bénéficie d’un dessin différent mais elle est toujours surmontée de l’étoile Mercedes et non pas du logo Maybach comme les limousines 57 et 62 du début des années 2000. Par contre, l’option bicolore disponible sur les anciennes 57 et 62 est proposée sur les nouvelles Classe S Maybach.

La Mercedes Classe S Maybach de 2020 se différencie davantage de la Classe S normale. Empattement allongé, partie arrière spécifique, carrosserie bicolore, calandre personnalisée et aménagement intérieur au luxe incomparable, digne des anciennes Maybach 57 et 62.

La finition Maybach est également proposée sur le SUV GLS avec la calandre spécifique et l’option bicolore. Inutile de dire que l’aménagement intérieur de ces modèles de classe supérieure est traité avec un luxe inouï et sans égal. Ces finitions Maybach ont d’ailleurs donné des idées à Audi qui propose à partir de 2021 une finition de prestige Horch sur ses A8 à empattement long, Horch qui était un concurrent direct de Maybach dans les années 30.

La Mercedes GLS Maybach est la finition de très haut de gamme du plus gros SUV de la marque de Stuttgart. Elle se distingue par sa carrosserie bicolore, sa calandre spécifique et un aménagement intérieur de grand standing. 

Texte : Jean-Michel Prillieux
Reproduction interdite, merci.

Voir aussi :  http://leroux.andre.free.fr/revivalmaybach.htm

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