Metallurgique, la dame de fer
Métallurgique (puis Auto-Métallurgique) est une marque automobile belge issue d’un important constructeur de locomotives, wagons et tramways qui présente ses premières voitures en 1901. Rachetée par Imperia, la marque disparaît en 1927. Les origines de la marque Métallurgique La Société Anonyme La Métallurgique construit des charpentes métalliques et du matériel roulant de chemins de fer et de tramways depuis 1880 dans ses usines de Tubize, Nivelles et Marchienne-au-Pont, en Belgique. A partir de 1898, la direction de l’entreprise commence à s’intéresser à l’automobile et charge la division de La Sambre installée à Marchienne-au-Pont d'étudier deux véhicules : un modèle de forte cylindrée et une voiturette. L'étude du gros modèle est rapidement abandonnée alors que celle de la voiturette est menée à son terme par l'ingénieur Edmond Heirman. De nouveaux locaux sont construits à Marchienne-au-Pont. Il ne faut que dix-huit mois entre la prise et décision et la mise en service de l'usine qui est opérationnelle dès la fin de l’année 1900. La voiturette 2 cylindres 4 CV à moteur 726 cm3 carrossée en vis-à-vis est disponible avec une transmission par engrenage ou par chaîne. Métallurgique développe par ailleurs un second modèle 4 cylindres 8 CV. Le 15 janvier 1903, l'ingénieur allemand Ernst Lehmann né en 1870 - à ne pas confondre avec le capitaine de Zeppelin du même nom - prend la direction technique de Métallurgique. Il est fort d'une expérience dans des usines de machines à vapeur, de charpentes métalliques et de cycles. Il a aussi travaillé pour la Daimler Motoren, touchant là au secteur automobile. Fin connaisseur des matériaux, il veille à ce que Métallurgique choisisse toujours les meilleurs aciers. Ernst Lehmann, véritable capitaine d'industrie, fait progresser Metallurgique, avec des voitures de plus grosse cylindrée, à la finition luxueuse, et aux mécaniques d'avant-garde. En 1903, le constructeur propose deux modèles, une 2 cylindres 8 CV et une 4 cylindres 16 CV. La gamme se développe en 1904, avec de nombreuses variantes 2 et 4 cylindres, de 7/8 CV jusqu'à 20 CV. Ces modèles de luxe à tendance sportive sont presque tous carrossés par Vanden Plas, partenaire privilégié de Métallurgique. En effet, l’usine ne livre que des châssis nus.
En janvier 1905, le constructeur dépose un nouvel emblème. Il s'agit d'une étoile à six branches contenant les lettres MM, pour Métallurgique Marchienne. Il évoque l'étoile de David reprise par la religion judaïque. En 1905, les moteurs à 2 cylindres sont arrêtés et tout l'effort se porte sur les 4 cylindres dont la réputation grandit. Produites sous licence Le constructeur français Gillet-Forest qui construit depuis 1900 des véhicules à moteur horizontal achète la licence des moteurs Métallurgique en 1904, qu'il exploite jusqu'à la fin de son activité en 1907. Entre 1909 à 1915, puis de 1920 à 1922, la firme de matériel électrique berlinoise Bergmann produit des modèles Métallurgique sous licence, sous la marque Bergmann-Metallurgique, et développe même des versions pour la course. La filiale autrichienne des moteurs Deutz achète la licence de fabrication de trois modèles Métallurgique qu'elle utilise en 1910 et 1911. En Angleterre, Métallurgique fonde des filiales qui à coté de la production en série réalisent leurs propres modèles de compétition.
Le constructeur automobile berlinois Bergmann produit les modèles Métallurgique sous licence. On reconnaît la calandre typique des Métallurgique. Ce modèle numéroté semble être un taxi. Le constructeur se distingue de ses concurrents belges (Imperia, FN, Minerva et Excelsior) par une activité sportive intense. Les Métallurgique remportent de nombreuses épreuves locales en Belgique, Allemagne et Angleterre, mais en dépit de leurs qualités, elles ne parviennent pas à s'imposer dans les grandes manifestations internationales. Au palmarès du constructeur, citons quelques participations : la Coupe Herkomer en Allemagne de 1905 à 1907, la Coupe Liedekerke en 1906, le Tourist Trophy en 1907 et 1908, le Circuit des Ardennes et Brooklands en 1907, la Coupe Prince Henry en 1910, le Tour de France en 1912 et 1913, le Circuit du Maroc en 1912, le Grand Prix de Russie en 1914 et le Grand Prix de Belgique en 1922. L’apogée de Métallurgique En 1907, la firme prend le nom d'Auto-Métallurgique pour se différencier de l'usine de matériel ferroviaire dénommée Métallurgique. Jamais la gamme n'a été aussi vaste, avec une 2 cylindres et six modèles 4 cylindres. Cette même année, la marque étend son champ d'action en proposant des véhicules utilitaires. Monsieur Germanès en devient l'administrateur délégué. Georges Marquet est président du conseil d'administration. Le fameux radiateur en coupe-vent apparaît en 1908 sur les modèles de haut de gamme. Il est généralisé sur toutes les voitures à partir de 1909. Agréable à l'oeil, il procure une impression de vitesse, et se veut efficace sur le plan aérodynamique. A partir de 1912, de nombreuses marques imitent le radiateur Metallurgique, ce qui conduit la firme à communiquer dans la presse sur la protection couvrant ce radiateur breveté. Elle précise que toutes les contrefaçons feront l'objet de poursuites judiciaires. Métallurgique se penche sur la question de la production de moteurs d'avions, mais sans suite. L'usine produit environ 250 châssis par an. Ce nombre après agrandissement de l'usine est porté à près de 1 000 unités avant la guerre, dont près de 75 % sont exportés. Les Métallurgique ont bonne presse en Angleterre, leur principal marché, où elles sont considérées comme d'excellentes automobiles.
Publicité de Métallurgique datant de 1911. Comme pour Minerva et Imperia, le marché britannique est un marché important pour Métallurgique, d’autant plus que les voitures belges sont construites à cette époque avec la conduite à droite, comme beaucoup de voitures du continent européen. Vanden Plas carrosse la plupart les châssis Métallurgique. La firme est tellement sûre de la qualité de ses voitures qu'elle accorde une garantie de deux ans sur ses châssis, fait exceptionnel à l'époque. La gamme 1914 comporte des modèles 4 cylindres en 14, 18, 26 et 40 CV, avec des versions Sport pour les 18, 26 et 40 CV. Metallurgique qui bénéficie d’une excellente réputation de fiabilité et de robustesse est alors à son apogée, même si la marque se situe derrière Imperia et Minerva en volume de ventes. L'étude d'une version 8 cylindres est lancée avec une commercialisation prévue pour 1915. Mais la guerre remet en question ce projet.
Cette élégante limousine sport 40 CV date de 1913. Avec ce modèle, Métallurgique entend concurrencer les voitures de luxe comme la Renault 40 CV. Le déclin de Métallurgique Dès le début de la guerre, Ernst Lehmann est rappelé en Allemagne alors que la production d'Auto-Métallurgique est complètement arrêtée, et les locaux réquisitionnés par les Allemands. A la fin des hostilités, l'usine se retrouve dépourvue de la plupart de ses machines, emportées par l'occupant. Les Allemands refuseront de payer le moindre dommage de guerre, arguant du fait que ces déménagements ont été réalisés à la demande des actionnaires, nombre d'entre eux étant allemands. Malgré cela, Auto-Métallurgique est une des premières marques belges à redémarrer sa production après la guerre. La firme finira par obtenir réparation en 1922, à l'issue d'un long procès. Dès 1919, sous la direction du comte Jacques de Liedekerke, aidé de Paul Bastien comme ingénieur principal, l'usine ressort quelques châssis 14 et 18 CV assez semblables à ceux d'avant-guerre en s'appuyant sur un stock de pièces de rechange. Près de 200 unités sont livrées en 1919. Deux nouveaux modèles plus économiques sont proposés, une 3 litres et une 1,9 litre dotée d’un arbre à cames en tête, perfectionnement encore assez rare à cette époque. Au cours de 1920, les cadences redeviennent quasiment normales.
Ce coupé de ville Métallurgique date de l’immédiat après-guerre. Il arbore toujours la fameuse calandre en coupe-vent caractéristique de la marque. Les années 20 sont difficiles pour la firme belge qui est rachetée en 1927 par Imperia et disparaît dans la foulée. Le début des années 20 est marqué par l’arrivée de nouveaux constructeurs - comme Citroën - qui se lancent dans la grande série pour répondre à une volonté de démocratisation de l’automobile. Les petits constructeurs de voitures de luxe en font les frais. C’est ainsi qu'Auto-Métallurgique commence à connaître de graves difficultés financières. André Leroux (!), ancien de Métallurgique, et André Pisart, homme d'affaires belge, s'associent en 1909 et fondent la marque Leroux-Pisart. Ils lancent un modèle de luxe qui s'avère être un gouffre financier, en raison d'une mauvaise évaluation de son prix de revient. Des investisseurs s'intéressent à leur voiture, et fondent la Somea. A la tête de la Somea, on retrouve Monsieur Germanès, ancien administrateur de la Métallurgique. Une usine est construite à Vilvorde. Le départ d'André Leroux conduit à recruter Paul Bastien, ex Métallurgique, qui dessine un nouveau modèle deux litres qui attire l'attention du public lors du Salon de Bruxelles en 1921. Quelques voitures sont vendues, mais l'affaire est mise en liquidation en 1923. En 1923, Monsieur Germanès reprend la direction d'Auto-Métallurgique, et apporte dans ses bagages cette fameuse voiture deux litres conçue pour la Somea. Cette 4 cylindres d'environ 45 ch devient le modèle unique d'Auto-Métallurgique courant 1923. Il s’agit de la plus performante des 2 litres belges, capable d'atteindre 120 km/h. Cependant, cette voiture sportive ne peut pas être construite en assez grand nombre pour être rentable. Disparition de Métallurgique Le marché britannique, excellent débouché pour la marque belge avant la guerre, s’est réduit considérablement en raison de l’arrivée de plusieurs nouveaux constructeurs concurrents. Le marché belge en lui-même est très limité. Les ventes d'Auto-Métallurgique ne cessent de décliner. Des discussions sont menées avec Minerva, Georges Marquet ayant des intérêts dans les deux sociétés. Finalement, c'est la marque Imperia dirigée alors par Mathieu van Roggen qui rachète l'usine de Marchienne-au-Pont en 1927. Celui-ci souhaite constituer un groupe automobile belge en réunissant plusieurs marques différentes, sur le modèle de la General Motors. Mais le projet échoue et la firme Auto-Métallurgique disparaît après le démontage de ses outillages qui viennent renforcer les moyens de l'usine Imperia de Nessonvaux. Finalement, l’usine automobile où étaient produites les Auto-Métallurgique est revendue à Minerva, marque elle-même rachetée par Imperia en 1935.
Texte : Jean-Michel Prillieux / André
Le Roux |
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