Voitures de rêve
Tout le monde rêve. Les humains, les animaux et même les constructeurs d'automobiles. Pour exister dans un monde où sa légitimité est de plus en plus remise en question, l'automobile est condamnée à l'imagination. Un salon de l'automobile est le lieu idéal pour que les constructeurs nous dévoilent des véhicules des temps nouveaux appelés aujourd'hui concept car, expression anglaise qui a remplacé dream car. " Une voiture de rêve est une voiture qui fait rêver " expliquait simplement et humoristiquement Sergio Pininfarina lorsqu'on lui posait la question sur l'utilité de ce style de véhicule. Pour rêver uniquement, nous séduire également, même si généralement de sublimes créatures au corps de rêve entourant le véhicule sur un stand sont là pour capter notre attention. Les constructeurs utilisent le concept car, projection de l'imagination enfin libérée des stylistes qui s'en donnent à coeur joie, pour de nombreuses raisons avouables et inavouables : faire parler d'eux dans un salon où ils n'ont pas de grandes nouveautés à présenter en sachant que ces photos seront publiées dans la presse, attirer le chaland sur le stand, tester son attitude face à des lignes inédites, parfois dérangeantes et qui explorent de nouveaux concepts stylistiques qui seront extrapolés sur les futurs modèles de série.
Vauxhall SRV, 1970 La Buick Y Job De quand date le premier concept car ? Il faut remonter au milieu des années 30 pour en retrouver la trace même si des véhicules aux formes s'éloignant de celles de la série avaient déjà vu le jour. Il s'agissait plus de voitures hyper innovantes pour leur temps qui n'ont généralement pas marché que de véhicules de rêve proprement dit, qui eux ne sont pas destinés à la vente comme le veut la définition du dream car. Dès les années 20, le patron de la puissante General Motors, Alfred P. Sloan, s'était rendu compte qu'il fallait susciter le désir de l'acheteur pour que celui-ci change sa voiture le plus souvent possible. D'où, entre autres, l'idée de dévoiler des dream cars. Leur mission était de montrer à quoi rassembleraient les futurs véhicules GM, et surtout à tester les acheteurs et voir s'ils étaient prêts à accepter des démarches esthétiques audacieuses. Le célèbre Harley Earl, patron du style de la GM engagé par Sloan en 1929 pour dessiner la magnifique Cadillac La Salle, révolutionna le design auto par ses idées. Dès 1933, il dessina une Cadillac spéciale aux formes originales fast-back qui fut exposée à la Foire Mondiale de Chicago. Par rapport à la La Salle, cette Cadillac n'était pas à vendre. Sa mission était simplement de faire rêver et d'attirer le plus de monde possible sur le stand de la marque.
Cadillac Fleetwood 2-door Aerodynamic Coupe 1933 C'est de nouveau l'équipe de Earl qui réalisa en 1938 la fameuse Buick Y-Job. On peut considérer cette voiture comme l'ancêtre de tous les concept cars. Elle innovait notamment au niveau de sa silhouette aux ailes incorporées et par ses nombreux gadgets comme une capote électrique ou des phares rétractables. Les lignes de la Y-Job influenceront tous les modèles GM de l'après guerre et bien entendu la concurrence.
Buick Y-Job, 1938 Dès 1947, toujours sous l'initiative de Earl qui restera à son poste jusqu'en 1959, la GM multiplia les concept cars. Ils rencontraient tant de succès que la puissante firme automobile décida de les balader dans les grandes villes des Etats Unis à travers de gigantesques expositions itinérantes appelées Motorama qui attiraient plusieurs millions de visiteurs ébahis par les formes osées des prototypes. Ceux-ci faisaient la une des revues spécialisées.
Oldsmobile Rock, Motorama 1956 Destination lune ! A cette époque, les Américains ne rêvaient que de conquête spatiale et d'aller sur la lune, ce qu'ils firent seulement en juillet 1969. Le bureau de style de GM imagina des prototypes délirants faisant songer à des fusées ou aux nouveaux avions à réaction, voire à des soucoupes volantes dont on parlait beaucoup avec les fameux Martiens depuis l'affaire de Rosswell en 1946. Dévoilée en 1951, la Buick Le Sabre donnait un avant goût du style des américaines de la seconde moitié des années 50 avec ses imposants ailerons, son pare-brise panoramique aux montants inversés qui fut repris sur les voitures de série dès 1955, sa carrosserie en magnésium, son moteur à compresseur et surtout ses gadgets du futur, notamment ses sièges chauffants et sa capote qui se fermait dès la première goutte de pluie. La Le Sabre fut longtemps la voiture personnelle de Earl, qui récidiva avec des concept cars encore plus délirants comme la lignée des Firebird dont la première mouture vit le jour en 1954, et qui s'inspirait des chasseurs de l'US Air Force avec leurs deux cockpits transparents et leurs incroyables dérives arrière de fusée. Il ne manquait que le siège éjectable !
Buick Le Sabre, 1951 La Cadillac Cyclone de 1959 montrait davantage de sobriété ce qui ne l'empêchait pas d'avoir des ailes en nez de chasseur à réaction cachant des radars anti-collision et de posséder une bulle transparente coulissant électriquement pour libérer l'accès aux sièges. Face à l'accueil suscité par les concept cars et les Motorama de GM, Ford et surtout Chrysler répliquèrent avec des show cars tout aussi délirants.
Cadillac Cyclone, 1959 Dévoilée au Salon de Chicago 1954, la Ford FX Atmos concrétisait d'après son constructeur l'une des voies possibles du stylisme du futur, en ressemblant à un véhicule de science fiction hésitant entre la fusée et l'auto. Ce style osé fut repris par la Lincoln Futura et d'autres modèles aussi surréalistes que la Packard Predictor 1956 ou la Chrysler Norseman dessinée par le flamboyant Virgil Exner, qui comme Earl ne faisait absolument pas dans le discret.
Ford FX Atmos, 1954 De la lune à la piste Fin 1957 le lancement par les Russes du premier satellite Spoutnik troubla singulièrement les Américains qui virent leurs rêves s'écrouler en même temps que leurs illusions. Ils se rendirent compte qu'ils n'étaient plus les leaders en matière de conquête spatiale comme ils l'imaginaient. Ils prirent de nouveau un autre gros coup sur la tête quand les Russes envoyèrent dans l'espace un astronaute, Youri Gagarine. Du coup, la fin des rêves de conquête spatiale marqua l'arrêt de mort de ces délirants dream cars en forme de vaisseau spatial à roues. Il faut dire qu'en 1959 le départ à la retraite de Earl remplacé par Bill Mitchell marqua une évolution significative du style de la GM vers plus de sobriété. Dans les années 60, les concept cars devinrent plus sages et moins flamboyants grâce au talent de nouveaux designers moins démonstratifs que Earl ou Exner. Dorénavant, ces voitures d'anticipation ressemblaient plus à des voitures de course qu'à des fusées pour aller sur la lune. En effet, les trois grands constructeurs américains qui avaient signé en 1958 un pacte pour ne pas participer à des compétitions automobiles se rendirent compte que la course était excellente pour l'image et surtout pour concurrencer les marques européennes présentes dans cette discipline. C'est la GM qui attaqua la première sous la houlette de Bill Mitchell et de Arkus Zora Duntov en dévoilant des versions fort spéciales de la Corvette, notamment la spectaculaire XP 700 de 1960 puis la XP 755 de 1962 dont la silhouette en forme de requin préfigurait la future Sting Ray.
Chevrolet XP 755, 1962 A partir de la Corvair à moteur arrière, la GM extrapola quelques concept cars sportifs au demeurant fort réussis qui rencontrèrent un bel accueil au début des années 60 dans divers salons internationaux. L'un des plus réussis reste la Monza dévoilée en 1963. Produite en petite série, la Monza aurait pu rivaliser avec les sportives européennes à condition qu'elle abandonne son pavillon s'ouvrant vers l'avant qui semblait incompatible avec la série et la hauteur des garages. Exit les fusées sur roues, bonjour la course.
Chevrolet Corvair Monza GT Pour tester la désignation Mustang, Ford dévoila en 1962 un petit concept car à moteur central animé par un V4 1500 européen, puis un magnifique coupé sport baptisé Cougar doté d'une V8 de 428 CI développant 405 ch. En fait, tous ces prototypes au parfum de compétition préparaient la mode des Muscle Cars qui virent le jour au milieu des années 60 dans la continuité de la Mustang.
Ford Mustang, 1962
Ford Cougar, 1962 La vieille Europe attendit le début des années 50 pour se lancer dans le concept car sous un angle différent. Certes, il y avait eu la fameuse Peugeot 402 de Jean Andreau exposée au Salon de l'Auto de 1936, que l'on peut considérer comme l'ancêtre français de ce genre de voitures, bien que le constructeur de Sochaux ait imaginé de la vendre.
Peugeot 402 Andreau, 1936 La Panhard Dynavia vue au Salon de Paris de 1948 était un vrai concept car. Ses étonnantes formes aérodynamiques avouant un hallucinant coefficient de pénétration dans l'air de 0,26 préfiguraient la silhouette de la Dyna de 1953. Exceptées ces deux voitures, à la différence des USA, ce ne sont pas les constructeurs automobiles européens plutôt frileux qui dévoilaient des dream cars, mais les carrossiers qui pour survivre devaient prouver leur imagination aux constructeurs qui pouvaient faire appel à leurs services pour assembler de petites séries sur des produits de niche.
Panhard Dynavia, 1948 Au début des années 50, en France, seuls des carrossiers comme Saoutchick ou Figoni s'essayèrent aux voitures de rêve, hélas, sans talent évident, voir même avec une certaine maladresse. Ils imaginaient des lignes pesantes et déjà datées, surchargées de chromes qui habillaient des châssis démodés de Talbot ou Delahaye. Non seulement, ces pseudos concept cars qui n'en avaient pas le nom ne faisaient rêver personne au plan stylistique, mais surtout ils n'avaient aucune suite commerciale, en raison de l'utilisation de pièces de marques déjà agonisantes, du manque de capacité industrielle des créateurs, et de l'absence d'aspect pratique de ces automobiles. Les BAT, c'est bath ! Ce n'était absolument pas le cas en Italie grâce aux nombreux carrossiers indépendants. Par rapport aux français, les carrossiers italiens avaient su rajeunir leur outil de production et l'adapter aux contraintes de la construction industrielle. Pinin Farina, Ghia, Michelotti, Bertone, Vignale ou Touring se livraient un combat serré pour dénicher des commandes de la part de Fiat, Alfa Romeo, Lancia et des autres constructeurs européens, voir américains. D'ailleurs, Volkswagen fit appel à Ghia pour sa Karmann Ghia, tandis que Peugeot restait fidèle à Pinin Farina depuis la 403. Chrysler choisit Ghia pour réaliser ses concept cars. On lui doit notamment la fameuse K-310 en 1951 suivie par la SS (pour Styling Special) présentée au Salon de Paris 1952 avouant des formes moins extravagantes et surtout plus latines que les modèles américains style avion de chasse.
Chrysler K-310, 1951 Au Salon de Turin 1953, il y avait du monde sur le stand de Bertone pour découvrir l'ahurissante BAT (Berline Aérodynamique Technique) dessinée par la flamboyant Franco Scaglione, auteur par ailleurs de nombreuses voitures dont la sculpturale Alfa SS de 1959 et surtout la magique 33 Stradale de 1967 qui fut l'une de ses ultimes créations. Scaglione, dessinateur maudit, décédé en 1993, était un pur génie. Réalisée sur une base d'Alfa 1900, la BAT faisait davantage songer à une chauve souris qu'à une fusée. Pourtant, elle s'inspirait des concepts de l'aéronautique avec ses ailerons recourbés enserrant la carrosserie, ses roues carénées et une réelle agressivité de ses formes. La BAT suscita un tel accueil que son employeur Bertone demanda à Scaglione de la décliner dans d'autres versions qui attirèrent beaucoup de visiteurs sur le stand les années suivantes. C'était l'une des missions du concept car, véritable vitrine du savoir faire des carrossier.
Bertone BAT A partir du milieu des années 50, le Salon de Turin fut le paradis du concept car européen, et tout particulièrement italien. Citons l'hallucinante Ferrari 410 Superamerica 1956 de Ghia déjà auteur de la fantastique Streamline X sur base Ford l'année précédente, et surtout de la novatrice Selene, sorte de monospace six places au moteur central arrière vue en 1959.
Ghia Streamline X, 1955 Il ne faut pas oublier les recherches de Pininfarina (en un seul mot à partir de 1961) en matière aérodynamique avec la PF X mono volume qui se singularisait par la disposition rhomboïde de ses quatre roues. La version Y qui lui succéda revint à une implantation traditionnelle du train roulant. Ces voitures furent largement disséquées dans toutes les revues automobiles de l'époque.
Pininfarina PF X Simca, le premier Pour qu'un concept car attire l'oeil du visiteur et celui des photographes spécialisés pour séduire les rédacteurs en chef des revues, il devait être le plus voyant possible et surtout offrir le maximum d'évolutions, voir de révolutions techniques pour frapper l'imagination. Au coeurs des années 60, le rétro n'était pas encore de mode, et l'on ne voyait qu'à travers l'avenir dont on n'attendait que des bienfaits. En matière de ridicule, le français Simca frappa fort avec sa Fulgur présentée au Salon de Genève 1958 où la marque à l'hirondelle n'avait rien de nouveau à faire découvrir aux visiteurs. Simca exposait une drôle de voiture fusée déjà d'un autre temps dont la poupe était ornée de dérives obliques genre Fouga Magister. Si les dream cars américains étaient équipés de gadgets fonctionnels, ce n'était pas le cas de la fameuse Fulgur qui annonçait tout et n'importe quoi, puisque ce qui était promis ne pouvait pas fonctionner. En effet, il ne s'agissait que d'une maquette.
Simca Fulgur Simca prétendait que ce véhicule qui préfigurait la voiture de l'an 2000 était animé par des moteurs électriques composés de piles à radicaux libres fonctionnant par induction par le biais d'un rail planté dans la chaussée. Un cerveau électronique renseigné par un radar dirigeait le véhicule qui se singularisait pas son absence de roues. En effet, le plus sérieusement possible, Simca précisait qu'à partir de 150 km/h, les roues se relevaient tandis que des gyroscopes assuraient l'équilibre de la voiture suspendue à bonne hauteur de la chaussée par une suspension électromagnétique !
Simca Fulgur Si l'Auto Journal s'en moqua beaucoup, la Fulgur attira beaucoup de monde, en particulier les enfants sur les stands Simca des salons où elle fut exposée, de même qu'à Poissy où un vaste hall d'exposition était réservé à l'histoire de la marque. Simca récidiva en 1959 avec un autre concept car un peu moins révolutionnaire nommé Star Six, dessiné cette fois par Virgil Exner Jr, fils du célèbre styliste de chez Chrysler. Ses formes inspirées des concept cars de la General Motors du début des années 50 prenaient appui sur la plate forme de la vieille Aronde Etoile 6 ! Les formidables italiennes des seventies Les carrossiers italiens détrônèrent les américains en matière de concept car dans les années 60/70. Il faut rappeler que les carrossiers de talent disposaient surtout de châssis magnifiques dotés de mécaniques emblématiques à habiller, produits bien sûr par Fiat, mais aussi par Alfa Romeo, Lancia, Ferrari et Maserati, ce qui manqua aux carrossiers français. Pininfarina signa quelques chefs d'oeuvre qui furent déclinés sur des voitures de production. Citons par exemple la sculpturale Dino Berlinetta Speciale de 1965 dont les formes furent reprises sur la Dino 206 GT de série, notamment sa curieuse lunette concave.
Dino Berlinetta Speciale, 1965, concept car
Dino 206 GT de série, 1967 Nous pouvons aussi évoquer la Ferrari P6 de 1968 dessinée par Leonardo Fioravanti dont s'inspirera beaucoup la BB de 1972 et l'Alfa Romeo 33 de 1969. Bertone ne fut pas en reste avec quelques créations magistrales comme l'Alfa Romeo Conguro exposée au Salon de Paris en 1964. Il s'agissait d'un chef d'oeuvre de pureté et de beauté, tout comme la fantastique Carabo de 1968, qui faisait songer à un scarabée par sa couleur verte fluo et ses portes en élytre.
Alfa Romeo Canguro, 1964 Il y a aussi le premier prototype cunéiforme de la Stratos dévoilé à Turin en 1970, dans lequel on pénétrait par la porte avant, et pas mal d'autres telle la sublime Lamborghini Marzal de 1967. Nous pourrions aussi citer les voitures signées Giugiaro avec L'Alfasud Caimano ou la Maserati Boomerang sur base Bora vue à Genève en 1972, et beaucoup d'autres signées Ghia essentiellement sur base Ford qui avait annexé ce carrossier.
Alfa Romeo Alfasud Caimano, 1971 Exotiques Il y a eu les concept cars exotiques dévoilés par des constructeurs ou par des designers indépendants pour se faire de la publicité. Raymond Loewy qui était déjà l'auteur des formes de plusieurs Studebaker se fit beaucoup de publicité en dévoilant au Salon de New York de 1957 une étonnante BMW 507. Réalisée en France par le carrossier Pichon Parat, cette BMW offrait de nombreuses innovations au plan esthétique, comme ses portes autoclaves débordant sur le pavillon, ses projecteurs rectangulaires, ses curieuses sorties d'échappement ou sa calandre en forme de bouche. Cette recherche stylistique conciliait les exigences américaines et la relative sobriété européenne.
BMW 507 par Raymond Loewy, 1957 L'américain Virgil Exner poursuivi sa carrière dans le style néo rétro avec une Mercer Cobra dévoilée au Salon de Paris de 1964, un an avant la fameuse Bugatti 101 réalisée sur un ancien châssis datant de 1951.
Bugatti 101 par Virgil Exner, 1965 Vauxhall, marque réputée sérieuse, présenta un véhicule futuriste dessiné par Wayne Cherry, styliste de la GM, qui fit le tour des salons en 1966 afin de dynamiser le stand du constructeur anglais un an après que Opel ait fait la même chose avec le concept car de sa future Opel GT présenté fin 1968. Pour répliquer à la De Tomaso Pantera de Ford, GM ressortit aussi des prototypes de Corvette à moteur central atmosphérique et Wankel, qui ne virent jamais le jour en série.
Chevrolet Corvette XP 897 GT, 1972 Mercedes utilisa beaucoup la C111 à moteur rotatif dont la mission était double : faire rêver la clientèle et défricher de nouvelles voies qui hélas n'aboutirent pas. Le moteur rotatif était portant unanimement considéré comme une technique d'avenir à la fin des années 60.
Mercedes C111, 1970 Au Salon de Paris de 1972, le public se pressait nombreux sur le stand BMW autour d'un fantastique coupé de couleur rouge orange aux portes s'ouvrant en ailes de mouette. Ses formes extraordinaires étaient signées Paul Bracq qui était depuis 1969 directeur du style chez le constructeur munichois. Sur la base d'une BMW 2002 Turbo, Bracq avait dessiné un étonnant coupé autant au plan du style que de la sécurité active. C'est une GT qui aurait pu avoir un suite commerciale si la crise de l'énergie fin 1973 n'avait pas jeté le trouble dans le monde automobile.
BMW Turbo, 1972 Nous pouvons aussi évoquer le taxi Alfa Romeo d'Ital Design de 1976, la jolie Peugette Pininfarina sur base 104, la Lancia Megagamma et tant d'autres ... D'ailleurs, ces années là virent apparaître de nouveaux styles de concept cars tournés davantage vers l'écologie et l'économie de carburant, et surtout la sécurité, un sujet qui manque un peu de sex-appeal pour être développé ici. Certaines de ces voitures offraient des silhouettes hideuses bardées d'énormes pare-chocs.
Lancia Megagamma par Ital Design, 1978 Le retour des français Après Simca qui avait tenté seul le concept car à la fin des années 50, au début des années 80 les constructeurs français se rendirent compte du bien fondé de ce style de véhicules porteurs pour leur image de marque. Il n'était plus question de science fiction à deux balles, autres temps, autres moeurs. Les concept cars étaient plutôt orientés vers les domaines de recherches de leur époque, c'est à dire l'aérodynamique remis à la mode avec la deuxième crise de l'énergie, la sécurité passive ou l'allègement. L'esthétique n'était plus la seule raison d'exister pour ces prototypes. Rappelons nous de la curieuse Citroën Karin cunéiforme signée Trevor Fiore, designer qui dirigea brièvement le style chez Citroën. Son principal mérite fut de relancer la mode des concept cars chez les constructeurs français puisque Renault rétorqua avec le prototype Eve de 1981, véhicule de recherche sur l'économie d'énergie, qui aura une descendante avec la Vesta de 1982.
Citroën Karin, 1980 Peugeot attendra 1984 pour frapper un grand coup avec la Quasar sur la base de la 205 T16, en revenant sur le thème du spectaculaire et de la vitesse. Il s'agissait d'un sublime concept car dont l'extérieur était signé Gérard Welter et l'intérieur Paul Bracq travaillant alors pour la firme de Sochaux, qui ne saura hélas pas exploiter au mieux ses talents. Le constructeur au lion ira plus loin avec la fantastique Proxima à moteur V6 dévoilée en 1986.
Peugeot Quasar, 1984 Concept cars d'après demain Depuis, à chaque grand salon, tous les constructeurs français dévoilent des concept cars. Ils ont toujours une double mission : nous faire rêver comme ceux de hier et surtout nous préparer au futur de la marque en étant beaucoup plus proche de la voiture finalisée. Par exemple, le concept car de la Viper vu en 1987 a donné le jour à la voiture de série trois ans plus tard, tentative réussie de nouveau avec la Chrysler Crossfire, ou avec la Cadillac XLR s'inspirant fortement du superbe spider Evoq que la GM avait baladé durant quelques années dans tous les salons.
Chrysler Crossfire, du concept car en 2001 à la production en 2003 Les constructeurs européens font de même. Avant de lancer sa C3 Pluriel, Citroën avait dévoilé un minuscule spider utilisant déjà ce nom et ses formes en 1999, tout comme Peugeot avec Sésame aux portes coulissantes qui a donné le jour à la 1007, ou Ford et Ghia au Salon de Turin en 2000 avec un petit spider appelé StreetKa produit plus tard en série ...
Citroën concept car Pluriel, 1999
Ford StreetKa concept, 2000 On peut dire que les japonais sont plus pragmatiques puisqu'à travers ce type de voitures ils visent davantage de nouvelles niches de clientèle. L'exemple du concept car Toyota RSC de 2002 est significatif car il s'agit d'un coupé sportif typé 4 x 4, ce qui pouvait sembler antinomique, mais qui fut pourtant à l'origine d'un nouveau segment de marché, avec notamment le Range Rover Evoque.
Toyota RSC, 2002 Quelquefois, les constructeurs vont encore plus loin que le futur proche. C'est le cas de l'Audi RSQ vue au Salon de New York en 2004 qui préfigurait une Audi de ... 2035. En fait, c'était surtout la future vedette automobile du film américain appelé I, Robot avec Will Smith.
Audi RSQ, 2004 Renault avait déjà testé cet axe en 1992 avec Reinastella, voiture du futur de 2038, roulant, pardon, volant car elle n'avait pas de roues ...
Renault Reinastella, 1992
Texte : Patrice Vergès, 2005 -
Adaptation 2014 / Carcatalog |