Stutz, on ne meurt que deux fois
La firme automobile Stutz, qui deviendra l’une des plus prestigieuses marques américaines, est créée en 1911 par Harry Clayton Stutz à Indianapolis, à proximité du célèbre circuit de compétition. C’est sur ce circuit que la firme acquiert une grande notoriété, notamment avec le modèle Bearcat (1914-1917), qui sera un temps la championne américaine des voitures de course. Stutz sombre en 1934 mais ressuscite en 1968. La marque disparaît de nouveau en 1995. Les débuts de la firme Stutz Harry Clayton Stutz est né en 1876 de parents d’origine allemande. Il découvre la mécanique très jeune et réalise sa première voiture en 1898. En 1899, il fonde la Stutz Manufacturing Company qui produit des moteurs pour automobiles. Une seconde voiture est réalisée en 1900. En 1902, les dirigeants de la Lindsay Auto Parts Company, un fabricant d’accessoires installé à Indianapolis, rachètent sa société. En 1903, Stutz arrive à Indianapolis avec la ferme intention d'exercer une activité dans l'industrie automobile naissante. La capitale de l’Indiana est alors le second centre de la production automobile américaine après Detroit. Après avoir travaillé pour plusieurs entreprises de ce secteur, il fonde sa propre société en 1910, la Stutz Auto Parts Company. Puis en 1911, il conçoit une nouvelle voiture pour courir sur le circuit d'Indianapolis qui vient d'être inauguré. C’est Gil Anderson qui pilote son véhicule qui termine onzième à la moyenne de 110 km/h. La production des Stutz démarre cette année-là et augmente sensiblement, puisqu’elle atteint 266 unités en 1912. Il s’agit de Model A dotées d’un moteur quatre cylindres développant 60 ch. Elles sont vendues entre 2 000 et 2 500 dollars l’unité, disponible en cinq carrosseries différentes, ce qui en fait un modèle relativement cher.
En 1913, la société devient Stutz Motor Car Company of America et la gamme évolue avec le lancement du Model B vendu 2 000 dollars. La production atteint alors 759 voitures. En 1914, apparaît la Stutz Bearcat, un speedster deux places résolument sportif qui peut atteindre 130 km/h avec son moteur de 60 ch. La Bearcat, concurrente de la Mercer Raceabout, n’a pas de portes, ni de freins à l’avant, mais seulement à l’arrière, ce qui nécessite un apprentissage un peu plus poussé qu’à l’accoutumée. Ce modèle produit jusqu’en 1917 connaît malgré tout une certaine vogue et inscrit la marque dans la catégorie des voitures de sport. La voiture est engagée avec succès dans de nombreuses courses. Posséder une Stutz Bearcat classe son propriétaire sur l'échelle sociale. En 1914, son prix de 2 000 dollars équivaut à quatre fois celui de la Ford T de base. Cette année-là, Stutz vend 649 voitures.
Illustration de Kenneth Riley (1919-2015). La Stutz Bearcat commercialisée de 1914 à 1917 est l’une voitures de sport américaines les plus performantes de son époque. Elle rivalise avec la fameuse Mercer Raceabout qui lui ressemble beaucoup. La marque Mercer née en 1909 disparaît en 1925. En 1915, les Stutz de "’Escadron Blanc " dotées de moteurs à 16 soupapes et arbre à cames en tête, terminent 3ème, 4ème et 7ème des 500 Miles d’Indianapolis, ce qui renforce la notoriété de la marque. Stutz vend 1 079 voitures cette année-là. A partir de 1916, année durant laquelle la marque vend 1 535 voitures, Stutz est renfloué par d’importants financiers pour pouvoir se développer dans les meilleures conditions. Ceux-ci prennent de plus en plus d’importance dans l’affaire au point d’évincer en 1919 le fondateur Harry C. Stutz, qui va créer dans la foulée de nouvelles entreprises dans le domaine des véhicules de lutte contre l'incendie puis dans celui de la conception et de la fabrication de moteurs d’avions. Il décède le 26 mai 1930 à l’âge de 54 ans.
Stutz G Touring de 1918. Le Stutz Series G est l'une des dernières voitures de la marque conçue par Harry Stutz avant qu'il ne soit écarté de son entreprise. Animée par un moteur Wisconsin, elle développe 60 ch, et dispose d'un énorme couple. En 1917, la Stutz Bearcat est totalement redessinée et reçoit un cockpit fermé avec des portes et pare-brise, ainsi qu’un moteur plus puissant de 80 ch doté de 16 soupapes. Les prix s'échelonnent alors de 2 500 à 2 800 dollars. La marque vend 2 207 voitures cette année-là. En 1919, le prix d’une Bearcat atteint 3 250 dollars, équivalent à 50 000 dollars en 2021, poussant la marque vers le haut de gamme. En 1920, le prix passe à 3 900 dollars, mais la voiture devient de plus en plus difficile à vendre. Le modèle le plus charismatique du constructeur disparaît en 1924. Il réapparaîtra en 1931. D'année en année, la marque Stutz consolide sa position dans le haut de gamme avec des modèles vendus aux alentours de 5 000 dollars.
Illustration de Warren Baumgartner, 1923. Stutz est à la croisée des chemins. Ses 4 cylindres sont dépassés. Tous ses concurrents ont opté pour des 6 ou des 8 cylindres. Faute de ressource pour étudier un nouvel ensemble, Stutz s'adresse au motoriste Weidely. Ses moteurs ne sont pas époustouflants, mais ils offrent des performances suffisantes et sont fiables. Pour les plus exigeants, Stutz développe une version plus puissante du moteur Weidely, le Speedway Six. La combinaison d'un moteur raffiné, d'un châssis exceptionnel et d'une carrosserie légère type roadster font de la Stutz une automobile agréable à piloter. A partir de 1925, un ingénieur de talent, Frederick E. Moskovics, ex-directeur des ventes de Marmon, prend la direction de la marque Stutz. Celui-ci, aidé par deux anciens ingénieurs de Marmon, Edgar S. Gorrell et Charles Greuter, oriente la marque vers la production de voitures de luxe plutôt que vers la compétition qui coûte très cher au constructeur, sans que le retour sur investissement soit garanti. C’est ainsi qu’apparaissent de nouveaux modèles huit cylindres en ligne à arbre à cames en tête dont le moteur de 4,7 litres développe 92 ch.
Publicité de 1927. Jusqu'en 1923, la plupart des Stutz étaient des voitures ouvertes. Frederick E. Moskovics, nouveau directeur, part d'une page blanche et d'un budget conséquent pour transformer la marque et ses produits. Il renonce aux modèles existants, et demande à ses équipes d'étudier une nouvelle automobile. Il s'agit de la Vertical Eight. Son 8 cylindres développe initialement 92 ch. Le nouveau châssis permet d'adopter des carrosseries basses et élégantes. Le verre du pare-brise est renforcé par du fil, ce qui donne encore un peu plus de crédit à la désignation " Safety Stutz ". Les Stutz sportives des débuts ont été remplacées par des modèles plus raffinés, plus élégants. En 1927, la cylindrée de ces moteurs passe à 4,9 litres et leur puissance à 95 ch. L’accueil du public est enthousiaste puisque 5 000 voitures sont vendues en 1926, un record qui restera inégalé. Le carrossier français Weymann ouvre alors une filiale à Indianapolis et développe pour Stutz une gamme complète de carrosseries qui portent les noms évocateurs d’Aix-les-Bains, Biarritz, Chamonix, Chantilly, Deauville, Monaco, Versailles… Ces appellations ronflantes seront d’ailleurs reprises en France par d’autres constructeurs comme Hotchkiss ou Ford SAF. L'apogée de Stutz En 1928, la gamme Stutz comporte 25 modèles différents à moteur huit cylindres en ligne, dont les prix s’échelonnent de 3 500 à 6 500 dollars. Un modèle Speedster baptisé Blackhawk apparaît cette année-là, qui reprend l’esprit des anciennes Bearcat abandonnées en 1924. Le modèle vendu de 2 000 à 2 800 dollars est équipé soit d’un 6 cylindres de 4,0 litres de 85 ch, soit d’un huit cylindres de 4,4 litres de 90 ch. Extérieurement, la Blackhawk est dotée d’une partie arrière tronquée très particulière. Un exemplaire termine en seconde position aux 24 Heures du Mans de 1928. L'exploit n'est pas renouvelé en 1929 avec " seulement " une cinquième place.
Le pilote Franck Lockhart et le président de Stutz depuis 1925, Frederick E. Moskovics, posent avec un Speedster Blackhawk. Moskovics décide d'engager une Stutz aux 24 Heures du Mans en 1928, où elle termine à une très honorable deuxième place grâce au talent conjugué des pilotes franco-argentin Edouard Brisson et français Robert Bloch. L’année 1929 est bien sûr marquée par le krach boursier fin octobre qui va fortement perturber l’économie mondiale durant toutes les années 30. La marque Stutz voit ses ventes s’effondrer et pour tenter de remédier à cette situation, lance une version d’entrée de gamme à 2 000 dollars. Cependant, le modèle le plus cher de la marque s’affiche encore à 7 500 dollars. Moscovics démissionne de l’entreprise à la suite de problèmes judiciaires et est remplacé par son vice-président Edgar S. Gorrell. De l’année 1929 on retient le lancement de la Stutz Model M, surnommée la " Splendid Stutz ", qui est une grande huit cylindres de 5,3 litres de 113 ch disponible en un grand nombre de variantes (berline, coupé, cabriolet, speedster, limousine) souvent habillées à l’extérieur par des carrossiers de renom tels que Brunn, Fleetwood, Murphy, Derham, Fleetwood, Le Baron, Rollston, Waymann ... Le speedster avec son arrière en pointe de bateau, dit boat tail, sera copié par certains concurrents comme Auburn. Stutz propose sur son nouveau modèle une version à compresseur qui délivre une puissance maximale de 143 ch. Avec le Model M, Stutz se place au sommet de la hiérarchie des marques automobiles américaines, comme Peerless, Packard, Pierce-Arrow, Marmon et Duesenberg. Le nouveau modèle se caractérise par une ligne surbaissée, qui procure à cette voiture une grande élégance.
Lancée en 1929, la Stutz Model M surnommée la " Splendid Stutz " entre dans la catégorie des voitures de luxe américaines qui sont fort nombreuses à l’aube des années 30. Mais la Grande Dépression va faucher la plupart des marques de luxe, dont Stutz. Pour 1930, la Stutz est rebaptisée SV-16, une manière de prétendre que la voiture est une concurrente des modèles 16 cylindres alors présents sur le marché américain. En réalité, cette appellation fait référence au moteur 8 cylindres à 2 soupapes par cylindre, soit 16 soupapes au total (SV = single valve). Toutefois, ce moteur bien que performant est surclassé par les V12 et V16 de Cadillac, Lincoln, Auburn, Packard, Marmon et Pierce-Arrow, sans parler du huit cylindres en ligne de Duesenberg. Le volume de production de Stutz ne dépasse pas les 1 500 unités en 1930. Le déclin de la firme Stutz Etant dans l’impossibilité de s’offrir un réoutillage complet pour produire des moteurs à douze ou seize cylindres, notamment en raison de problèmes de coûts, Edgar S. Gorrell demande à son ingénieur en chef Charles Greuter de redessiner entièrement le huit cylindres maison, en lui greffant une culasse à 4 soupapes par cylindre et deux arbres à cames en tête. Baptisé DV-32 (DV = double valve), le moteur huit cylindres développe 156 ch. Le châssis de la Stutz DV-32 est présenté en 1931. Sa version nue est vendue 3 200 dollars et le client peut choisir entre 30 types d'habillages, réalisés par les carrossiers les plus réputés du moment. La moins chère des DV-32 carrossée débute à 4 000 dollars, le prix moyen de la voiture s’établissant à plus de 5 000 dollars. Une Weymann Monte Carlo atteint la coquette somme de 9 000 dollars. Les Stutz DV-32 sont des voitures très performantes puisqu’elles peuvent atteindre une vitesse maximale de 145 km/h et se conduire confortablement à une vitesse de croisière de 100-110 km/h.
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