La firme automobile américaine Marmon est créée en 1902 à Indianapolis. Elle allait devenir l’une des firmes américaines les plus prestigieuses mais l’une des plus éphémères également. En effet, elle mettra fin à la production automobile en 1933.

 Les débuts de la firme Marmon

La marque Marmon est créée en 1902 à Indianapolis par Walter (1872-1940) et Howard Carpenter Marmon (1876-1943). Cette ville située dans l’Indiana va abriter plusieurs constructeurs automobiles, ce qui en fait alors le second pôle industriel de ce secteur après Detroit dans le Michigan. En 1903, apparaissent les premières Marmon motorisées par un original V4 refroidi par air et soupapes en tête. L’année suivante, Marmon lance un V6, une rareté à l’époque. En 1907, la marque propose un V8 développant 60 ch, sans doute l’un des tout premiers V8 de la construction automobile. Cadillac ne commercialisera le sien qu’en 1914. En 1908, les acheteurs des Marmon ont le choix entre les modèles à moteur refroidi par air et ceux à moteur refroidi par eau. En 1909, la gamme Marmon comprend deux grosses quatre cylindres de haut de gamme, une 40/45 HP et une 50/60 HP. En 1911, une 32 HP à boite de vitesses située sur l’essieu arrière est ajoutée au catalogue. Les Marmon obtiennent de nombreux succès dans les courses de l’époque (entre 1909 et 1912), notamment la première course d’Indianapolis en 1911.

Nordyke fait référence à Ellison et Adisson H. Nordyke, associés à la famille Marmon depuis 1851 dans la fabrication de moulins pour les minoteries.

En 1914, Marmon présente une énorme six cylindres de 9,3 litres, dont le moteur est refroidi par eau. En 1916, apparaît une 34 HP de 5,5 litres à arbre à cames en tête et bloc six cylindres en aluminium, comme la carrosserie, le capot et la calandre, ce qui est alors une rareté. Cette voiture devient l’une des plus performantes de son époque.

Publicité de presse Marmon pour le modèle 34 habillé en torpédo, 1918. Si l'on ajoute un second pare-brise à tabatière, on obtient un " torpédo scaphandrier ".

La Marmon 34 HP est élue " Pace Car of Indianapolis " en 1920 et boucle son tour préliminaire à près de 130 km/h, ce qui est à l’époque une sacrée performance. En 1920, elle est équipée d'un allumage par bobine Delco et en 1923, les freins apparaissent sur les roues avant. Il faut préciser que tous les véhicules sont alors à propulsion et que les freins ne sont installés que sur les roues motrices, c’est-à-dire à l’arrière. Les voitures à traction avant seront lancées beaucoup plus tard.

Marmon 34 HP Touring, 1918. Les voitures qui sortent de l'usine d'Indianapolis se caractérisent par le soin particulier apporté dans leur exécution, ce qui les positionne en haut de gamme.

Marmon Limousine Town Car, 1918. Marmon produit des voitures de grande classe qui rivalisent avec les réalisations des grands noms de l'automobile américaine : Cadillac, Duesenberg, Packard ou Lincoln. L'appellation Town Car sera reprise par Lincoln en 1948.

Le modèle Marmon 34 HP vendu dix fois plus cher qu’une Ford T de base est proposée jusqu’en 1927, après avoir été doté de nouveaux perfectionnements année après année. La firme Marmon produit environ 2 500 voitures par an dans les années 20, ce qui en fait un acteur plutôt marginal sur le continent américain.

L’apogée de la firme Marmon

A partir de 1927, Marmon ne fabrique que des voitures à huit cylindres. Mais celles-ci sont chères et les ventes stagnent. Marmon doit se résoudre à proposer une huit cylindres moins onéreuse, il s’agit de la " Roosevelt " proposée en 1929.

Marmon Model 78 Straight 8 OHV Sedan, 1928. De nouvelles voitures à 8 cylindres en ligne remplacent la Marmon 34 HP  en 1928.

1930 Marmon Big Eight Coupe. D'une construction moins luxueuse et d'un prix plus concurrentiel, les nouvelles 8 cylindres permettent à Marmon dont la situation financière est précaire de rebondir.

La Roosevelt qui adopte le même nom que l'ancien président Théodore Roosevelt (de 1901 à 1909) permet à la firme de reprendre des couleurs. En 1929, Marmon vend ainsi plus de 22 000 voitures, grâce à la Roosevelt, record enregistré par le constructeur et jamais égalé. La voiture est rebaptisée, car un homme politique du même nom est de nouveau en train d’émerger aux Etats-Unis. Il s’agit évidemment du démocrate Franklin Delano Roosevelt qui sera élu président le 8 novembre 1932 et qui conservera ses fonctions jusqu’au 12 avril 1945, étant le seul à avoir été élu quatre fois de suite.

Marmon et Roosevelt, 1929. La marque est représentée à Paris par M. Favrot, à la tête de Marmon France. M. Favrot, natif du Doubs, est horloger de formation. Il finira sa vie comme restaurateur d'automates. Le magasin d'exposition est situé rue Pierre Charron, près des Champs-Elysées, tandis que l'atelier de réparation se trouve rue Bayen dans le 17ème arrondissement. L'adresse postale se situe au très chic l'Hôtel Astoria.

La Marmon Roosevelt qui ne peut conserver ce nom pour des raisons de politique intérieure est donc rebaptisée Marmon R dès 1930, ce qui est un moindre mal pour la marque dont la Roosevelt a été un grand succès l’année précédente. En même temps, Marmon lance trois autres huit cylindres, affirmant ainsi son statut haut de gamme. La première est la Marmon 8-69, les deux autres sont de grandes voitures huit cylindres de 4,9 litres et 5,2 litres de cylindrée.

Le chant du cygne de Marmon sera la magnifique seize cylindres en V de 8 litres de cylindrée lancée en avril 1931, quinze mois après la Cadillac V16. La conception mécanique est due à Howard C. Marmon lui-même. Ce modèle d’une puissance peu commune de 200 ch est une imposante voiture aux très belles proportions. Le V16 de la Marmon s’affirme alors comme le plus gros moteur du marché et l’un des plus puissants de sa génération. Ainsi, une Cadillac V16 de 7,4 litres de cylindrée ne dépasse pas les 165 ch.

Au niveau des performances, on enregistre le 24 octobre 1931 sur le circuit des 500 Miles d'Indianapolis une limousine Marmon Sixteen à la moyenne de 140,8 km/h pendant 24 heures, sans compter les arrêts de ravitaillement que l'on imagine assez fréquents.

 Le déclin de la firme Marmon

Doublée en 1932 d’une huit cylindres de 125 ch baptisée 8-125, la Marmon V16 (Sixteen) rivalise avec les Packard, Peerless, Pierce-Arrow, Stutz et Cadillac. La Marmon V16 figure parmi les grands classiques américains. Les carrosseries sous-traitées à l’extérieur contribuent à en faire une voiture exceptionnelle. Aussi bien dans les versions limousines que dans les versions coupés ou cabriolets, elles offrent des lignes extrêmement élégantes, éloignées du luxe pompeux et de la lourdeur typique de la plupart des grosses voitures américaines. Mais la Marmon V16 pourtant deux fois moins chère qu’une Duesenberg ne trouve que peu de clients, 390 au total, dont 223 en 1931, 111 en 1932 et 56 en 1933.

La Marmon Sixteen à moteur V16 sera fabriquée pendant seulement deux ans, de 1931 à 1933. Malgré toutes ses qualités, bien peu d'acheteurs s'intéressent à elle. Howard Marmon tente de la remplacer par une V12 plus moderne, mais son projet reste sans suite, l'entreprise étant à bout de souffle financièrement.

En 1933, le constructeur fait faire des essais à une voiture un peu moins puissante à moteur douze cylindres en V de 150 ch qui doit épauler la V16, mais ce modèle V12 à suspension avant indépendante et essieu arrière De Dion n’est malheureusement pas commercialisé. En effet, la crise économique survenue au lendemain du krach boursier d’octobre 1929 fragilise de nombreux constructeurs et Marmon en fait partie.

La Marmon V16 est l’ultime chef d’œuvre d’Howard Marmon. Son dessin est signé du styliste Walter Dorwin Teague. Elle se singularise par sa calandre en coupe-vent constituée de fines baguettes horizontales chromées et par la chute des ailes avant vers le pare-chocs. Source : https://rmsothebys.com.

En 1929 et 1930, la production de Marmon a dépassé celle de Cadillac sur le marché du luxe, mais les années suivantes ont été beaucoup plus difficiles. La production cumulée de Marmon de 1902 à 1933 a approché les 110 000 unités, soit un volume équivalent à celui de Peerless, supérieur à celui de Pierce-Arrow mais très inférieur à celui de Packard.

Disparition de Marmon et émergence de Marmon-Herrington

Marmon cesse la production de ses automobiles en 1933 mais poursuit celle de ses camions pendant plusieurs années, jusqu’au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale. Marmon rachète l’usine de son ancien concurrent Duesenberg située également à Indianapolis, après la faillite du groupe Auburn-Cord-Duesenberg en 1937. Pendant la Seconde Guerre Mondiale, la firme Marmon-Herrington créée en 1931 produit des véhicules blindés.

L'usine automobile d'Indianapolis a fermé ses portes en 1933, mais la marque Marmon survit en produisant des véhicules spéciaux à quatre roues motrices fabriqués par Marmon-Herrington, société fondée en 1932 par Howard Marmon et le colonel Arthur Herrington.

Après le conflit, subissant une chute drastique des commandes de l’armée, la marque cherche à investir d’autres secteurs d’activité. Elle conçoit et produit des trolleybus qui sont les plus modernes et les plus vendus à l’époque. La production de trolleybus Marmon-Herrington se poursuit de 1946 à 1959. Au total, 1 624 véhicules sont assemblés dans l'usine d'Indianapolis, là où étaient auparavant fabriquées les automobiles. Les derniers trolleybus Marmon-Herrington sont retirés de la circulation de San Francisco en 1976 et de Philadelphie en 1981. Certains après leur vie nord-américaine ont été vendus d'occasion au Servicio de Transportes Electricos (STE) de Mexico entre la fin des années 1960 et la fin des années 1970, et ont poursuivi leur service pendant de nombreuses années dans cette ville.

Après la Seconde Guerre mondiale, la demande de véhicules militaires baisse et la société Marmon-Herrington cherche de nouveaux secteurs d'activité, c'est ainsi qu'elle se lance en 1946 dans la production de trolleybus à caisse autoportante pour le marché nord américain.

Bien que les derniers trolleybus Marmon-Herrington sous leur forme originale soient retirés par STE en 1988, beaucoup subissent une refonte de leur carrosserie dans les années 1980 par la société mexicaine Moyada et continuent de fonctionner, les derniers de ces trolleybus ayant survécu jusqu'en 2002.

Marmon-Herrington après 1960

Au début des années 1960, la famille Pritzker achète l'entreprise. La conception des camions et la marque sont vendues. L'usine principale et le siège social de Marmon-Herrington à Indianapolis sont fermés en 1963. La production restante est devenue une partie d'une association d'entreprises qui, en 1964, a adopté le nom de Marmon Group et qui est située à Louisville dans le Kentucky.

En 1963, après que Marmon-Herrington ait cessé la production de camions, une nouvelle société, Marmon Motor Company de Denton dans le Texas a acheté et relancé la marque Marmon pour construire et vendre des modèles de camions haut de gamme que Marmon-Herrington avait prévu. Une offre très abondante sur le marché et l'absence d'un vrai réseau de distribution national ont conduit à l'échec de la marque qui a cessé toute production en 1997.

A l'époque de la guerre froide, Marmon a diversifié ses productions en ajoutant des équipements de soutien au sol pour avions, missiles et roquettes, fabriqués par sa filiale Cardair, basée à Chicago. Marmon Group et Marmon-Herrington ont été regroupés dans une société appelée Marmon Holdings. La société Marmon-Herrington poursuit aujourd'hui son activité en convertissant des camions commerciaux en véhicules à traction intégrale.

En plus de construire des kits d'installation pour la transmission intégrale, l'entreprise est également devenue un fabricant d'essieux avant et de boîtes de transfert pour le marché des camions moyens et lourds. Les essieux Marmon-Herrington peuvent encore être identifiés sur les véhicules militaires et les camions commerciaux les plus récents. En 2008, la société holding Berkshire Hathaway a acheté une participation majoritaire dans Marmon Holdings, qui comprend Marmon Group et Marmon-Herrington.

Texte : Jean-Michel Prillieux
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