Paris 1961


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Pour cet ultime Salon au Grand Palais, onze constructeurs français sont de la partie. Citroën, Peugeot, Renault, Simca et Panhard sont les cinq acteurs majeurs. Alpine, Facel Vega, DB, Bossaert, Chapron et Hotchkiss occupent une place plus marginale. Cette année, les industriels hexagonaux sont parvenus à revaloriser l'intérêt de cette grande fête en lui réservant quelques nouveautés : les Renault 4, Simca 1000, Peugeot 404 Cabriolet et Facel Vega Facel II sont en effet les principales attractions de ce rendez-vous parisien. La plupart des grands constructeurs étrangers sont présents, soit directement, soit par l'intermédiaire de leur importateur, mais ne présentent pas vraiment de modèles inédits. Les nouveautés allemandes ont été présentées à Francfort il y a quelques semaines, et les Britanniques se réservent pour le prochain " Motor Show " de Londres.


Treize ans après Citroën, la Régie Renault se lance sur la voie de la voiture populaire, économique et bonne à tout faire, tracée par la 2 CV. Traction avant, sièges amovibles, commande de vitesses au tableau de bord et nombreuses possibilités sur le plan pratique sont autant de points communs entre la Renault 4 et la 2 CV. Citroën, seul jusqu'à présent sur ce créneau, peut s'inquiéter. La Renault 4 a été dévoilée à la presse en juillet, et son premier Salon est donc celui de Paris, où elle joue la vedette incontestée. Ses prix s'échelonnent de 4 800 francs pour la R3 de base à 5 940 pour la 4L Super Confort. La version Fourgonnette qui vient remplacer l'ancienne Juva n'est pas exposée, mais le public intéressé peut la découvrir au centre d'essai Renault de la porte Maillot.

Renault 4 - Copyright

Six mois après avoir supprimé son cabriolet 403, Peugeot propose de nouveau une décapotable à son catalogue : la 404 dessinée et partiellement produite chez Pininfarina. Le dessin de la Peugeot n'est pas vraiment inédit, car utilisé depuis deux ans sans grandes différences sur le cabriolet Fiat 1200. Il est toutefois bien plus fin et élégant que celui de la berline 404. Contrairement à ce qui était appliqué sur le cabriolet 403, le cabriolet 404 ne possède aucun embouti commun avec la berline. C'est la première Peugeot à porter le sigle de Pininfarina (en un mot à partir de 1961).

Peugeot 404 Cabriolet - Copyright

Commercialisée depuis six mois, c'est le premier salon parisien pour la récente Ami 6. La version exposée à Paris dispose enfin de vitres arrière qui coulissent horizontalement comme celles de l'avant, une économie dont ne s'était pas privé le constructeur de Javel sur les modèles sortis entre le printemps et l'automne 1961. Les premiers propriétaires apprécieront. Le dessin de l'Ami 6 se distingue par la présence de phares rectangulaires (fruit d'une patiente étude de Cibié), d'un capot échancré en son milieu, d'un profil sculpté, et d'un arrière du pavillon formant visière au-dessus d'une lunette inclinée. C'est en 1953 que le designer Richard Teague, s'inspirant d'une idée de Gabriel Voisin, proposa pour la première fois sur une " dream car " Packard une lunette arrière inversée. Le dessin de l'Ami 6 est signé Flaminio Bertoni, père des Traction et DS.

Citroën Ami 6 - Copyright

Panhard présente l'option Relmax qui comprend des sièges avant séparés très confortables et inclinables, qui peuvent adopter de nombreuses positions, la dernière formant couchette. La gamme des berlines se décline en PL 17 et PL 17 Grand Standing d'une part, et PL 17 Tigre d'autre part. Le moteur de la Tigre délivre 50 ch Din contre 42 pour la version standard. La combinaison Relmax et Tigre constitue désormais le haut de gamme de la marque. Panhard semble survivre sous perfusion grâce à Citroën, et le constructeur de l'avenue d'Ivry, en semi-liberté, qui ne présente plus de réelle nouveauté, semble déjà avoir renoncé à lutter pour son avenir.

Option Relmax proposé à partir du Salon 1961 - Copyright

Simca a réservé cinq stands au Grand Palais, chacun étant destiné à une famille de modèles (Aronde, Ariane, Vedette, Sport et 1000). Le plus imposant est celui consacré à la nouvelle Simca 1000, sur lequel trônent six voitures, dans des présentations toutes plus originales les unes que les autres. L'une de ces 1000 est recouverte d'une cloche transparente qui devait se remplir de fumée, mais le système pas très au point n'a pas été activé pendant le Salon. Pour l'instant, la 1000 n'est disponible qu'en une seule version, avec trois teintes au choix. La politique des variantes multiples pratiquée avec l'Aronde est suspendue, le temps d'analyser les premières réactions de la clientèle face à cette nouveauté. Cette clientèle sera-t-elle constituée d'anciens propriétaires d'Aronde, de Renault Dauphine, ou s'agira-t-il d'un nouveau public ? C'est la première Simca " tout à l'arrière ", et l'on peut être surpris de ce choix à contretemps au moment où la plupart des grands constructeurs s'orientent vers la traction avant. Son prix a été fixé un cran en dessous de celui de l'Ami 6, Simca souhaitant ainsi démontrer que le tarif de la 3 CV Citroën est très exagéré.

La Simca 1000 sous cloche - Copyright

Hector Bossaert aurait aimé présenter son coupés GT 19 sur base Citroën ID ou DS 19 au Salon de Paris 1960. Mais le stand demandé lui avait été refusé. Cette année, il est bien là, un peu caché cependant sous les escaliers du Grand Palais, mais cette présence même modeste consacre sa ténacité. Même s'il ne s'agit pas d'une nouveauté à part entière, attardons-nous quelques instants sur cette curieuse auto. Elle a été étudiée en collaboration avec le carrossier italien Pietro Frua. Ce coupé est court comparé à la berline, puisque son empattement est réduit de 47 cm, et il est plus bas de 7 cm. Le capot, les phares et toute la pointe avant sont repris au modèle de série. Il en est de même pour la planche de bord. Par contre, les deux larges portes, la lunette arrière et toute la partie postérieure ont été redessinés. Le garnissage et l'équipement intérieur sont assurés par Bossaert et Frua.

Bossaert GT 19 - Copyright

Charles Deutsch et René Bonnet présentent une évolution de leur cabriolet Le Mans dévoilé au Salon de Paris 1959 sous forme de prototype, puis l'année suivante dans sa version définitive, avec ou sans hard-top. Il s'agit ici d'un coupé type Grand Luxe, en fait un cabriolet Le Mans équipé d'un toit amovible plus généreusement vitré que le hard-top proposé en 1960. Cette nouvelle version dispose des projecteurs doubles récemment conçus par l'équipementier Marchal, adoptés par ailleurs par Facel Vega. Chez DB, on espère bien prendre un second départ sur le plan industriel et commercial, grâce à l'acquisition d'une nouvelle usine à Romorantin.

Feuillet publicitaire DB distribué au Salon de Paris - Copyright

Henri Chapron réalise en 1961 une limousine Rolls Royce Phantom V commandée par l'homme d'affaires turc Nuar Gulbenkian, qui avait d'abord sollicité la célèbre maison britannique Hooper. Celle-ci ayant cessé ses activités de carrossier indépendant, le projet fut transféré à Levallois. Le dessin extérieur de cette Rolls-Royce est signé Osmund F. Rivers, responsable du style chez Hooper, et demeure donc totalement britannique dans l'esprit. Par contre, le luxueux aménagement intérieur est typique du travail de Chapron. La voiture est exposée à Paris entourée de la gamme des dérivés DS.

Rolls-Royce Limousine Phantom V par Hooper et Chapron
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Facel Vega est en 1961 dans une situation financière délicate. Le constructeur souffre des déboires rencontrés avec la Facellia, pas au point techniquement et qui ont coûté une fortune à son constructeur en raison des nombreux échanges de moteurs réalisés sous garantie. L'image de la petite Facel semble définitivement ternie, et les ventes s'en ressentent. Jean Daninos, lâché par les banques, a du accepter une intervention des pouvoirs publics qui a pour conséquence de limiter ses pouvoirs au sein de son entreprise. Il démissionne finalement de son poste de PDG le 9 août 1961, mais conserve un mandat de vice-président en charge de la direction technique et commerciale. C'est dans ce contexte délicat qu'est exposée à Paris en 1961 la Facel II.

Facel Vega Facel II - Copyright

Cette nouvelle grande Facel est équipée comme ses prédécesseurs d'un V8 Chrysler. Vue de profil, elle présente des surfaces vitrées généreuses et lumineuses, avec un immense pare-brise fortement incliné, dont les montant latéraux ne reviennent plus vers l'arrière comme sur les précédentes HK. Jean Daninos espère bien tenir l'arme absolue pour retrouver le succès qu'il avait connu dans la seconde moitié des années cinquante.

Facel Vega Facel II - Copyright

En retrait des grandes marques françaises, Hotchkiss expose sa Jeep produite sous licence. La nouveauté de ce salon est le type type JH-102 D, équipé du même moteur diesel Indenor que celui de la Peugeot 403 diesel. Ces Jeep françaises sont produites à Saint-Denis depuis 1954, après que la marque ait abandonné la fabrication des voitures particulières. L'essentiel de la production est destinée aux militaires. Cela correspond en 1961 à 4 516 unités, contre seulement 364 Jeep civiles.

Jeep Hotchkiss JH 102 et JH 102 D - Copyright

Chez les constructeurs étrangers, l'un des évènements majeurs est la présentation en France de la VW 1500, un coach deux portes, qui prend place sur les chaînes de Wolfsburg à côté de l'ancienne Coccinelle (VW 1200), dont elle reprend l'architecture générale. En revanche, la carrosserie n'a aucun point commun avec celle de sa soeur aînée. Elle est bien plus spacieuse pour les passagers et leurs bagages. Parallèlement au coach, le constructeur allemand expose un cabriolet, un break Variant ainsi qu'un coupé et un cabriolet Karmann Ghia.

Volkswagen Karmann Ghia 1500 Coupé - Copyright

Opel, en matière d'inédit, se contente du coupé Rekord présenté en août 1961 et donc déjà vu à Francfort. Du fait qu'il conserve toute l'infrastructure de la berline mais qu'il est surbaissé, ce modèle présente un profil assez déséquilibré. Seul le moteur le plus puissant de la gamme est disponible, le 1680 cm3 de 66 ch. Autre haut de gamme de la marque, la berline Kapitän inchangée avoue son âge. C'est en effet l'une des dernières voitures du marché à se présenter avec un pare-brise panoramique, astuce de style qui après avoir fait fureur durant la décennie précédente est totalement tombée en désuétude.

Opel Rekord Coupé - Copyright

Porche est représenté par ses coupés et cabriolets, mais c'est surtout la présence de la puissante Carrera 2 litres qui attire l'attention des connaisseurs. La cylindrée a été portée par réalésage de 1582 à 1966 cm3. La puissance passe de 115 à 130 ch. La Carrera est dotée de freins à disques. On la distingue des 356 B 1600 par l'absence de grille sur les deux petites prises d'air à côté des clignotants avant.

Porsche Carrera 2 litres - Copyright

La récente BMW 1500 est très mal mise en valeur à Paris, entourée de barrières dans un minuscule enclos, alors qu'elle fut à Francfort le mois précédent l'une des vedettes du salon. Elle s'adresse à une clientèle entièrement nouvelle pour la marque, celle des classes moyennes aisées, et semble promise à un bel avenir. La carrosserie dessinée par Giovanni Michelotti inaugure un style inédit chez BMW, à mille lieux des lignes enveloppées des 2,6 et 3,2 dont la production vient de cesser.

BMW 1500 - Copyright

Glas a débuté la production automobile en 1955 avec la Goggomobile, conçue pour répondre à une forte demande de la jeune clientèle qui avait désormais les moyens, grâce à une élévation du niveau de vie, de s'offrir une petite voiture. Grâce aux soins apportés en production, le succès a été au rendez-vous. Le constructeur étoffe fin 1961 sa gamme vers le haut avec le coupé S 1004, caractérisé par un empattement court et de longs porte-à-faux. La mécanique se veut raffinée, avec un moteur à arbre à cames en tête entraîné par courroie crantée.

Glas S 1004 - Copyright

Mercedes expose sa 300 SE qui vient se positionner judicieusement au-dessus de la 220. Elle reprend de cette dernière le châssis et la carrosserie, tandis que le moteur de 160 ch est celui de la 300 " Adenauer " récemment abandonnée. L'habitacle est traité de manière fort luxueuse, avec cuir, bois et moquette épaisse à profusion. L'équipement est des plus complets. Par rapport à la 220, les chromes abondent sur la carrosserie. La 300 SE adopte des suspensions arrière pneumatiques qui lui procurent un confort exceptionnel.

Mercedes 300 SE - Copyright

Neckar (des Fiat produites sous licence en Allemagne) est en France totalement indépendant du géant italien, et André Chardonnet son importateur essaye de se faire une place parmi les grands. La seule nouveauté à Paris est le coupé / cabriolet Riviera, avec sa petite et élégante carrosserie dessinée par Vignale et réalisée par Viotti sur la base de la base Jagst 770, qui n'est autre que l'équivalent de la Fiat 600 italienne. André Chardonnet a eu quelques soucis avec la General Motors, qui n'a pas manqué de lui rappeler que le nom de Riviera était déjà porté par une Buick. Mais vu le faible volume de voitures que Chardonnet souhaitait importer, la GM a renoncé à toute poursuite.

Jagst 770 Riviera - Copyright

Sur le stand Mercedes, Auto Union, propriété de la firme à l'étoile depuis 1958, expose sa nouvelle Junior De Luxe, qui esthétiquement se distingue de la version de base par la présence de baguettes chromées sur les flancs et de phares cerclés du même métal. La cylindrée progresse à 796 cm3, contre 741 cm3. Les Junior possèdent enfin depuis leur présentation au Salon de Francfort un mélangeur huile-essence automatique.

DKW Junior De Luxe - Copyright

Les Anglais ont à Paris les yeux tournés vers le prochain Salon de Londres. Par conséquent, il y a très peu de choses intéressantes chez les constructeurs britanniques. La BMC prend tout de même la peine de dévoiler durant les derniers jours du salon et en avant-première ses modèles du millésime 1962. On fait ainsi connaissance avec l'Austin A60 Cambridge (ex A55) et sa soeur jumelle la Morris Oxford (dans sa version Mk VI) à carrosserie Pininfarina légèrement adoucie, avec une nouvelle calandre et un nouvel arrière sur lequel les ailerons sont abandonnés.

Morris Oxford Mk VI - Copyright

La Vauxhall Victor, entièrement redessinée, est dotée d'une carrosserie au goût du jour qui donne un coup de vieux à nombre de ses concurrentes. Elle marque clairement l'entrée de la filiale britannique de la GM dans la nouvelle décennie. Mais hélas, sur le plan technique, elle fait du sur place en reprenant nombre des principes utilisés sur le modèle initial né en 1957, déjà très conservateur (trains roulants avec essieu arrière rigide, freins à tambour ...).

Vauxhall Victor - Copyright

Chez Ford Dagenham, le succès de l'Anglia devrait se prolonger avec la Consul 315 conçue sur le plan esthétique dans le même esprit, mais à la finition plus élaborée, " à l'américaine ", avec des doubles optiques et des étoiles sur la calandre. Il est intéressant de noter que les deux filiales européennes de Ford ne craignent pas de se concurrencer étroitement avec deux modèles - la Taunus côté allemand - qui s'adressent à la même classe de clientèle.

Ford Consul 315 - Copyright

Le groupe Rootes a aussi fait un effort à Paris en révélant la nouvelle Hillman Super Minx, cousine de la Singer Vogue établie sur la même base. Elle reste une voiture très classique et tout à fait dans la tradition de la maison, mais ses phares, surmontés d'une protubérance faisant fonction de clignotant, risquent d'être difficilement appréciés sur le continent. Parviendra-t-elle à se faire une place dans la catégorie déjà bien fournie des 1500 ...

Hillman Super Minx - Copyright

Sur le stand Chrysler, l'attention est évidemment attirée par la présence du concept car Turboflite, une voiture de rêve qui dépasse le stade de la maquette puisqu'elle est fonctionnelle. Elle est mue par une turbine de 140 ch. Les ingénieurs de Chrysler, qui travaillent sur cette technique depuis seize ans, prétendent être parvenus à l'adapter aux nécessités de l'automobile. Le toit constitué par une coupole de verre se soulève et s'abaisse d'une pièce lorsque l'on ouvre ou ferme une porte. Dessiné chez Chrysler, le concept car a été réalisé chez Ghia.

Chrysler Turboflite - Copyright

Il y a peu de vraies curiosités sur ce salon 1961. Raison de plus pour conclure cette page en évoquant le cas de la Kelly. Gordon Kelly, le dessinateur de cette Corvette Gran Turismo, a imaginé ce coupé sportif en s'inspirant des coupés italiens compacts et sportifs du début des années cinquante. Il aurait été difficile d'habiller de manière plus serrée ce V8 de 4640 cm3 et 315 ch. La carrosserie tout acier a été réalisée par Vignale.

Vignale Kelly - Copyright

Le Grand Palais, édifice datant de la fin du 19ème siècle, est devenu au fil des années trop petit pour accueillir un nombre toujours plus important de constructeurs et de visiteurs. Il sera remplacé en 1962 par le parc des expositions de la Porte de Versailles où la place ne manque pas, et qui est déjà connu des organisateurs puisque le salon des utilitaires et celui des deux roues se tiennent là depuis quelque temps.


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