Dany Brawand
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Giovanni Michelotti et Dany Brawand. Source : " Vignale, Ferrari and all the others ", par Alfredo Zanellato Vignale, Societa Editrice Il Cammelo, 2015. Au-delà de sa formation technique, Dany Brawand est rapidement initié aux arcanes du design automobile, en côtoyant les plus grands noms de l'époque. Felice Mario Boano (1903/1989) travaille pour le carrossier suisse. C'est là aussi qu'il rencontre Giovanni Michelotti (1921/1980), un styliste déjà réputé, qui voit en lui un talent prometteur, et lui propose de le suivre. Séduit par cette opportunité, Dany Brawand quitte la Suisse cette même année 1952 pour Turin, véritable centre névralgique du design automobile italien. Ce qui devait être un stage de six mois va se transformer en une collaboration fructueuse de douze années, au cours desquelles Dany Brawand collaborera à de nombreux projets d'envergure, apprenant aux côtés d'un maître incontesté. Des centaines de dessins sortis de chez Michelotti, il est aujourd'hui difficile de déterminer quelles sont les oeuvres intégralement réalisées par le maître, et quelles sont celles qui peuvent être attribuées à Dany Brawand. De gauche à droite, Dany Brawand, Giovanni Michelotti, Paolo Martin, Giuseppe Pasta, en charge de la comptabilité et de l'administration du Studio Michelotti (information Laurent Missbauer). Source : Car Design Archives En 1964, Dany Brawand, devenu un styliste automobile accompli, décide de voler de ses propres ailes en quittant le studio Michelotti. Il sait que le milieu est assez fermé. Aussi, il ne s'interdit pas de proposer ses services sur d'autres thèmes. Après une brève incursion dans le design industriel, il est sollicité par Giovanni Moretti. Dany Brawand a déjà collaboré avec Moretti sur divers projets lorsqu'il travaillait avec Michelotti, et leurs relations professionnelles s'étaient révélées fructueuses. A cette époque, Moretti, ce sont 145 salariés et 1 500 voitures par an qui sortent d'une usine de 9 000 m2. Dany Brawand signe dans un premier temps les lignes du nouveau coupé Fiat 1500/1600S. Il ne touche ni aux flancs ni à la poupe, mais intervient sur la face avant, en redessinant la calandre, désormais d’un seul tenant et très basse. L’identité de la voiture est rajeunie, et cela la repositionne complètement dans son époque. Présentée au Salon de Turin 1965, cette série est la seule sur laquelle les crayons de Michelotti et de Brawand se sont croisés. Ce modèle reste en production jusqu’en 1967, quand il est remplacé par un nouveau coupé sur base Fiat 125. Ce travail, mené de main de maître, permet à Dany Brawand de prouver à tous que sans l'assistance de Michelotti, il est capable de mener à bien un projet de cette envergure. Fiat 1500/1600 S Coupé Moretti. Copyright Dany Brawand a par ailleurs commencé à travailler sur le projet du coupé Fiat 500 lancé en mars 1965 alors qu'il était encore indépendant. Ce coupé de Brawand remplace une première version de Michelotti qui est commercialisée depuis 1961. La difficulté pour un projet de ce type est de dessiner un ensemble équilibré sur un empattement extrêmement réduit. Le designer s'est parfaitement bien tiré d'affaire en dessinant des porte-à-faux très longs, et une ligne tendue. La similitude de style avec le coupé Fiat 850 Moretti signé Michelotti, lancé quelques mois plus tôt saute aux yeux. Rien n'interdit de penser que Dany Brawand a lui-même dessiné cette 850, quand il travaillait pour le compte de Michelotti.
Fiat 500 Coupé Moretti. Copyright Cette Maserati 3500 GT est née sous la forme d'un coupé habillé par Touring en novembre 1961. Il a été livré neuf à Copenhague en 1962. Puis la voiture a été impliquée dans un accident en 1965, moment auquel son propriétaire a choisi de la faire entièrement recarrosser, en faisant appel à Moretti. Ce modèle unique, dont le dessin est attribué à Dany Brawand, est habillé d'une carrosserie surbaissée, dotée d'un long capot et d'une splendide silhouette fastback. Avant d'être livrée à son propriétaire, la voiture est exposée au Salon de Genève 1965. On peut lui reconnaître quelques similitudes avec l'Iso Grifo A3L dévoilée au Salon de Turin 1963. Maserati 3500 par Moretti. Copyright Lorsqu'est venu le moment de réfléchir à une version sportive de la nouvelle Fiat 850, Giovanni Moretti propose à Dany Brawand de l'embaucher directement comme directeur du style de Moretti. En 1966, Dany Brawand quitte donc son statut de dessinateur indépendant. La qualité des rapports qu'il entretient avec son employeur lui permet de jouir d'une réelle liberté de création. Sa mission est donc d'étudier un nouveau coupé, dont les lignes principales seront déclinées progressivement sur les Fiat 850 et 124, puis sur la 125, bien entendu adaptées aux dimensions des châssis. Les empattements sont respectivement de 2,03 mètres, 2,31 mètres et 2,50 mètres. Le dessin de Dany Brawand présente quelques similitudes avec celui de la Fiat Dino Spider d'Aldo Brovarone qui travaille pour Pininfarina. Mais Moretti a présenté sa voiture trois mois avant Fiat. En fait, les deux designers suivent simplement les tendances du moment, qui privilégient les formes sinueuses ... Peut-être les deux hommes ont-ils eu l'occasion d'en discuter entre professionnels oeuvrant l'un et l'autre dans la région de Turin.
Fiat 850 Sportiva Moretti. Copyright Fiat 124 Coupé Moretti. Copyright Fiat 125 Coupé Moretti. Copyright En 1968, Dany Brawand développe une nouvelle carrosserie pour la Fiat 850 Sportiva, en complément du coupé original. La S4 a l'habitabilité d'une Fiat 850 de série. Esthétiquement, le résultat n'est pas très heureux, mais l'essentiel pour Moretti est d'intéresser une nouvelle couche de clients, en quête d'un peu plus d'espace habitable. Malgré les apparences, la S4 est plus aérodynamique que sa petite soeur, ce qui lui permet de gagner près de 15 km/h en vitesse de pointe, pour atteindre 150 km/h. Fiat 850 Sportiva S4 Moretti. Copyright Le coupé 850 Sportiva évolue esthétiquement en 1969. C'est toute la face avant qui est revue dans un style plus classique. De profil, on pourrait presque la prendre pour une Dino 246 GT, tandis que l'avant prend des allures d'Alfa Romeo Spider. Hélas, l'ensemble s'affadit, et perd de son attrait initial. Fiat 850 Coupé Moretti. Copyright A chaque nouveau projet chez Moretti, Dany Brawand est partie prenante, collaborant à toutes les étapes. Il participe notamment à la stratégie produit avec Giovanni Moretti et ses deux fils, Sergio et Gianni. Chaque projet est rondement mené. Il ne s'écoule en général pas plus de quatre mois entre l'idée et la réalisation du prototype. Le plus souvent, toute l'équipe est pressée par la date d'ouverture du Salon de Turin. Des esquisses sont tracées, et proposées à Giovanni Moretti. Si elles sont validées, Dany Brawand passe alors aux dessins techniques sur lesquels toutes les lignes sont cotées. Durant le processus de création, le designer doit composer avec de nombreuses contraintes. En effet, un projet, ce n'est pas qu'un dessin d'artiste. Il faut tenir compte des multiples impératifs techniques, liés au dimensionnement du châssis et au moteur. Le prix de revient doit rester contenu. Il faut choisir dans ce qui existe sur le marché, que cela soit pour les formes des caoutchoucs isolants, les poignées de porte, les phares, les matériaux intérieurs ou les teintes. Par chance, Turin est la Mecque de l'automobile italienne, et le choix des fournisseurs y est particulièrement vaste. 1969 est l'année du lancement de la Fiat 128, remplaçante de la 1100-103, et première traction avant de la marque. Dany Brawand développe un nouveau coupé sur cette base. Par sa rapidité d'exécution et celle des équipes de Moretti, il prend de court Fiat qui ne proposera sa version, fort différente par ailleurs, que deux ans plus tard. D'un point de vue esthétique, le coupé Fiat 128 Moretti marque une rupture. Les rondeurs des années 60 cèdent leur place à des lignes tendues, qui nous conduisent directement dans les années 70. Malgré un empattement identique, le coupé Fiat 128 Moretti mesure 35 cm de plus en longueur que la berline, en raison des porte-à-faux qui paraissent démesurés. Le profil est allégé par des bas de caisse noirs et des pare-chocs au long retour latéral. Cette voiture est aussi proposée en version roadster dotée d'une toit targa amovible. Fiat 128 Coupé Moretti. Copyright Ce coupé 128 plaît tellement à l'importateur belge du carrossier que celui-ci demande à Moretti d'adapter la nouvelle carrosserie au châssis de la Fiat 125, à l'empattement plus long de 16 cm, et équipé d'un moteur 1,6 litre plus puissant. C'est chose faite en février 1971. La Fiat 125 Coupé Moretti est intégrée au catalogue, bien que la berline de base soit appelée à disparaître du programme de production de Fiat dès l'année suivante. Fiat 125 Coupé Moretti. Copyright Quand Fiat commercialise la 127 en 1971, Dany Brawand en profite pour élargir la gamme des " elaborata " avec une version Lusso destinée aux clients qui ne peuvent se satisfaire de l'offre de Fiat. Il étudie aussi une version 127 dotée d'un hayon, dont le succès sera limité, et qui ne présentera plus aucun intérêt quand Fiat fera évoluer son propre modèle également en trois portes, en avril 1972.
Fiat 127 Berlina Lusso Moretti. Copyright Mais sur le plan du style, la 127 la plus intéressante est le coupé Moretti, quasiment identique à la 128, adapté à des dimensions moindres. Avec le coupé 127, Moretti ne craint pas la concurrence, Fiat préférant s'en tenir à la réalisation du coupé 128. La Fiat 127 Coupé Moretti remplace son équivalent sur base Fiat 850. Plus long que la berline par allongement des porte-à-faux, 3,94 mètres contre 3,59 mètres, le coupé est aussi plus large de 7 cm et plus bas de 11 cm que le modèle de série. Dany Brawand compose avec les moyens du bord. Par souci d'économie, il puise dans le catalogue des pièces détachées de Fiat. Ainsi les clignotants avant sont empruntés à la Fiat 1500 disparue en 1967, tandis que les blocs optiques arrière sont ceux de la première série de la Fiat 124. Fiat 127 Coupé Moretti. Copyright A la fin des années 60, le marché de la carrosserie italienne subit une profonde mutation. Les mouvements sociaux de 1968 ont contribué à modifier les rapports entre les ouvriers et leurs employeurs. Dans la petite industrie italienne à laquelle appartiennent les carrossiers, ces rapports avaient toujours été directs et respectueux. Ils se sont transformés avec des vagues de revendications syndicales, qui ont parfois paralysé les usines, et on conduit à une augmentation des coûts de la main d'oeuvre. Une autre difficulté pour les petits carrossiers est la baisse de la demande pour les coupés dérivés des berlines populaires, en raison surtout de la concurrence accrue des modèles Fiat, notamment les dérivés des 850 et 124 conçus et produits en série par Bertone et Pininfarina. Les petits carrossiers doivent repenser leur stratégie. Tandis que certains s'essayent à la mode rétro, comme Vignale avec la Gamine et Siata avec la Spring, chez Moretti, on est convaincu que ce n'est qu'un courant passager, et que le nombre d'acteurs est déjà suffisant, pour une demande qui restera limitée. Dany Brawand propose quelques croquis, sans suite. La majorité des carrossiers toujours en lice anticipent un essor du marché des véhicules de loisirs, légers et à deux roues motrices, capables d'affronter les chemins de terre. La vague de contestation de la jeunesse en 1968 a conduit à une forme de diabolisation de la voiture de sport. Cette jeunesse s'intéresse désormais plus aux valeurs écologiques. Les activités de plein air connaissent un essor sans précédent. Le camping, la randonnée et les sports nautiques deviennent des loisirs populaires. Le Buggy a anticipé ce phénomène dans les années 1960, mais il manque de praticité. En France, Citroën a lancé en plein mai 1968 sa Méhari. En Italie, Osi a déjà sa Week-end sur base 850 et Savio ses Albarella et Jungla. Pour les deux décennies à venir, Moretti va devenir l'un des leaders sur ce segment, sans pour autant abandonner ses coupés. Dany Brawand, qui sait faire preuve d'éclectisme, dessine dans un premier temps la Minimaxi, qui est dévoilée au Salon de Turin 1970. C'est une carrosserie ouverte aux lignes simples sur base de Fiat 500. La Minimaxi est économique à l'usage, facile à construire, et rencontre un succès immédiat. On peut la composer sur mesure, avec ou sans portes, avec ou sans toit ... Son prix correspond à un peu plus d'une fois et demie le prix catalogue du modèle de base.
Fiat 500 Minimaxi Moretti. Copyright Au Salon de Turin 1971, sept mois après la sortie de la 127, le même thème est réinterprété sur la base de cette nouvelle Fiat. La Fiat 127 Midimaxi (prononcez midimassi), grâce à des proportions moins étriquées, apparaît encore plus réussie que la Minimaxi. L'implantation mécanique permet de libérer de l'espace à l'arrière pour les bagages. Grâce aux phares et à la calandre qui sont conservés, on reconnaît aisément la Fiat 127, ce qui est de nature à rassurer la clientèle sur la fiabilité de la proposition. Tous les autres éléments de carrosserie sont simplement fabriqués à partir de tôles d'acier pliées, de sorte que Moretti est totalement autonome au sein de son usine. La Midimaxi connaît un succès encore plus important que celui de la Minimaxi. Moretti suit en 1977 et en 1982 les évolutions de style et les progrès techniques du modèle original. La voiture est produite jusqu'en 1984, à environ 6 000 exemplaires.
Fiat 127 Midimaxi Moretti. Copyright La présentation de la Fiat 126 au Salon de Turin en novembre 1972 conduit Dany Brawand à reconsidérer le concept de la Minimaxi. Non seulement son moteur toujours en position arrière change, mais des modifications significatives sont apportées à la carrosserie. Les phares ronds de la 500 cèdent leur place à des ensembles rectangles. Le designer développe différentes options pour la partie supérieure de la carrosserie, permettant de rouler en position ouverte ou fermée, avec des formules intermédiaires. Fiat 126 Minimaxi Moretti. Copyright Les petites Moretti de loisirs suivront l'évolution des modèles Fiat sur lesquels ils sont basés : Midimaxi sur base 127 Special mieux finie en 1974 et sur base 127 de deuxième génération en 1977, Minimaxi sur base 126 Personnal en 1977... Pour mieux marquer auprès du public le lancement de la nouvelle Fiat 132, le constructeur italien sollicite quatre des derniers carrossiers italiens d'importance encore en activité. Ainsi, Moretti, Michelotti, Pininfarina et Zagato se font livrer en amont du Salon de Turin 1972 des châssis nus pour exprimer leur créativité. Fiat 132 Coupé Moretti, 1972. Copyright Dany Brawand, conscient que le prix élevé de la 132 ne permettra pas d'en dériver un coupé sportif abordable, choisit néanmoins de relever le défi. Il conçoit une voiture avant-gardiste, qui met l'accent sur la sécurité, avec une structure déformable innovante qui protège mieux l'habitacle et ses passagers en cas d'accident. Le style, résolument moderne et anguleux, s'inspire du coupé 128, mais les lignes sont encore plus angulaires. Un deuxième prototype est présenté au Salon de Turin 1973, mais le projet est finalement abandonné. Fiat 132 Coupé Moretti, 1973. Copyright Les réalités d'un marché de plus en plus difficile conduisent Moretti à s'intéresser à des productions nettement moins glamour. Ainsi, Dany Brawand dessine la 127 Paguro (crabe ermite) en 1975, un utilitaire de 350 kg de charge utile et de 2,6 m3 de volume intérieur pour sa version fermée, qui préfigure la Fiat Fiorino, que le géant italien commercialisera en 1977. Le porte-à-faux arrière est légèrement allongé. Fiat 127 Paguro Moretti. Copyright En s'appuyant sur une base technique éprouvée et en limitant les transformations, le Paguro offre un excellent rapport qualité/prix. Nul doute que chez Fiat, on ait regardé avec intérêt le travail du designer suisse, puisque le Fiat Fiorino, également sur base de 127, reprendra certains éléments de style du dessin de Dany Brawand. Hélas pour Moretti, l'arrivée du Fiorino condamne quasiment le Paguro, forcément plus cher à fabriquer de manière semi-industrielle.
Fiat 127 Paguro Moretti. Copyright Alors que le Range Rover règne quasiment sans partage sur le segment des 4 x 4 de luxe, à peine challengé par quelques tout-terrain importés au compte-goutte des Etats-Unis, Moretti souhaite imposer son équivalent transalpin. Basé sur la robuste mécanique de la Fiat Nuova Campagnola, ce véhicule, dessiné par Dany Brawand, se distingue par une carrosserie inédite, dans la lignée des précédents utilitaires de loisirs de la marque. Moretti Sporting 4 x 4. Copyright D'apparence moderne et plutôt élégant, le Moretti Sporting 4 x 4 est un engin non plus uniquement utilitaire, mais également raffiné et destiné à une clientèle exigeante. Le design, particulièrement soigné, témoigne malgré tout d'une volonté d'optimiser les coûts de production avec des formes qui restent simples, et en intégrant des composants issus de modèles de grande série. On remarque ainsi la calandre de la Fiat 131. Malheureusement, ce concept ne connaît qu'un succès commercial limité. Il est trop en avance sur son temps, et le nom de Moretti ne permet pas de justifier un prix aussi élevé. Il faudra attendre l'invasion japonaise des années 80 pour démocratiser le concept du SUV, avant que la majorité des grands constructeurs ne s'en empare.
Moretti Sporting 4 x 4. Copyright Dany Brawand, une fois de plus, fait preuve en 1978 d'une vision avant-gardiste en dessinant la Moretti Folk, un élégant break à tendance sportive réalisé à partir de l'Alfa Romeo Giulietta. Ce projet, précurseur des " sportwagon ", anticipe de plusieurs années les tendances du marché. Conçue pour une production en série, cette carrosserie fonctionnelle pourrait aussi séduire ceux qui sont intéressés par la Giulietta, mais que la forme haute du coffre de la berline rebute. La transformation en break supprime cet écueil. Alfa Romeo Giulietta Folk par Moretti. Copyright Malgré un accueil enthousiaste de la presse spécialisée, le public n'est pas prêt à adopter un véhicule alliant sportivité et praticité. Le concept de familiale sportive est encore trop novateur. La Moretti Folk ne dépasse pas le stade du prototype unique. En 1984, la 33 Giardinetta de Pininfarina permet d'entamer un début de démocratisation de ce type de carrosserie. Alfa Romeo fera encore plus fort en 2000 avec sa 156 Sportwagon, particulièrement réussie sur le plan esthétique. Alfa Romeo Giulietta Folk par Moretti. Copyright L'arrivée de la Fiat Panda en 1980 est un véritable catalyseur pour l'innovation pour les derniers carrossiers encore en activité. Fissore développe la Panda Penny, et Savio une nouvelle Jungla. La Panda, dont la logique minimaliste est une réelle innovation, se prête parfaitement à différentes réinterprétations. Dany Brawand ne manque pas de saisir cette opportunité. La petite Fiat tombe à point nommé pour remplacer les Minimaxi et Midimaxi, dont l'aspect commence à dater. En conservant l'essentiel de la carrosserie d'origine, ce qui permet de maintenir les coûts, Dany Brawand transforme en 1981 la Panda en un cabriolet baroudeur dénommé Rock.
Fiat Panda Rock Moretti. Copyright La structure est renforcée là où c'est nécessaire. Ce modèle, qui allie l'aspect pratique et l'esprit de liberté initiés par les Minimaxi et Midimaxi, permet à Moretti d'entamer les années 80 sans trop de difficultés. La Panda Rock séduit même Giovanni Agnelli, qui s'en offre une. Les concurrentes Penny et Jungla, trop complexes à produire et donc plus coûteuses, ne rencontrent pas le même succès. De nouveau Dany Brawand a visé juste. Fort de ce succès, le designer décline le concept sur la base de la Fiat Uno, donnant naissance à la Moretti Folk, qui sera moins diffusée que la Panda.
Fiat Uno Folk Moretti. Copyright Moretti propose durant les années 1970 les séries Lusso sur base Fiat 126, 127, 128 et 131, des versions personnalisées des modèles de série, luxueusement ou sportivement améliorées, correspondant aux " elaborata " des années 50/60. A la fin de la décennie apparaissent les 127 VIP et Ritmo Gold. Même si ces réalisations connaissent un certain succès, elles ne suffisent plus à maintenir l'équilibre financier de l'affaire familiale. Dans ce domaine aussi, les grands constructeurs ont investi toutes les niches de marché. Fiat propose désormais pour un même modèle une multitude de carrosseries, plusieurs niveaux de finition, une liste d'options de plus en plus conséquente, et un vaste choix de moteurs. C'est ainsi que la raison d'être des " elaborata " disparaît progressivement. Elles sont incapables de lutter sur le plan tarifaire. Fiat 128 Lusso Moretti. Copyright Les mouvements sociaux au sein des usines ont des effets sur la qualité des produits fabriqués par Fiat. Volontairement, certains ouvriers sabotent leur travail. Au pire de la crise, jusqu'à 70 % des voitures sortant d'usine doivent être corrigées. Moretti avec ses Lusso s'attache donc à améliorer la finition usine, ce qui n'est en effet pas très difficile. De nouvelles teintes de toit contrastées, des bandes adhésives bien placées permettent de rendre plus attrayante une Fiat ordinaire. Mais c'est surtout sur le confort que Moretti porte ses efforts, avec des sièges anatomiques dotés d'appuie-tête, une sellerie de meilleure qualité, un plus grand choix d'équipements ... Le simple fait pour une Fiat de passer par les ateliers Moretti est de nature à rassurer la clientèle. Pour Dany Brawand, on imagine que ces travaux de cosmétique sont moins palpitants à gérer que de dessiner des carrosseries nouvelles, mais ils permettent pour l'instant de maintenir Moretti à flot. Fiat Ritmo Gold Moretti. Copyright Les carrossiers italiens indépendants disparaissent les uns après les autres, emportés par la hausse du prix de la main d'oeuvre, la concurrence des grands constructeurs, et les contraintes de plus en plus nombreuses en matière d'homologation, même pour les petites séries. Moretti n'y échappe pas. Giovanni Moretti décède en 1981, à 77 ans. L'entreprise perd son fondateur, le coeur et l'âme de Moretti. Ses deux fils Sergio et Gianni, qui travaillent avec lui depuis une vingtaine d'années, doivent surmonter l'épreuve. Mais ils sont contraints, comme les autres, de cesser leurs activités en 1989. Dany Brawand quitte Moretti. Il n'est pas pris au dépourvu, et ouvre un cabinet de conseil, ce qui le conduit à collaborer avec Fiat au milieu des années 90 à l'étude du châssis " space frame " de la Multipla. Il n'a plus cependant de fonctions liées au style en lui-même. Il décède de maladie en 2012. Un grand merci à Silvio Cibien, collectionneur d'automobiles Moretti, et défenseur indéfectible de la marque. Silvio Cibien et Dany Brawand. Document Silvio Cibien
" Dany Brawand, designer ", un livre indispensable si vous vous intéressez au
design automobile.
Les adresses pour se procurer cet ouvrage auquel Silvio Cibien a
collaboré : https://www.gilena.it,
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