Citroën 2 CV Fourgonnette
La 2 CV Berline est présentée au Salon de Paris en octobre 1948. En période de reconstruction, la demande pour ce modèle économique dépasse largement l'offre. Citroën saisit la balle au bond pour ne pas perdre le bénéfice de la nouveauté, et alors que l'on croise les premières 2 CV Berline sur nos routes, le bureau d'études peaufine l'étude d'une 2 CV Fourgonnette. Comme pour la Berline, Pierre Boulanger souhaite un véhicule simple et rudimentaire. D'autres constructeurs proposent déjà avec plus ou moins de succès ce type de véhicule : Peugeot 202, Renault Juvaquatre, Panhard Dyna X ... Pour chacun de ces modèles, on a conservé la cellule avant, à laquelle on a simplement greffé une caisse carrée d'utilitaire. Citroën suit la même démarche. La 2 CV Fourgonnette est donc la première Citroën à être ainsi habillée. La présente étude se limite aux modèles commercialisés en France. Type AU, 375 cm3, 1951/54 C'est au 37ème Salon de Paris qui se tient du 5 au 15 octobre 1950 que Citroën expose le prototype de la 2 CV Fourgonnette, l'utilitaire léger que le constructeur s'apprête à commercialiser, alors qu'il n'a pas encore été réceptionné par le Service des Mines. La 2 CV Fourgonnette est présentée non pas avec le 375 cm3 de la Berline, mais avec un nouveau 425 cm3. Aucun tarif n'est encore annoncé. C'est cette année-là la seule nouveauté Citroën au Grand Palais.
La Citroën 2 CV Fourgonnette est présentée au Salon de Paris 1950. En arrière-plan, Renault dévoile son nouvel utilitaire Colorale Prairie. Dans le carré blanc, on devine la présence de Pierre Jules Boulanger qui présente la 2 CV Fourgonnette à Vincent Auriol. Pierre Boulanger se tuera dans un accident de la route quelques semaines plus tard. La voiture est finalement homologuée le 16 février 1951 sous la désignation 2 CV type AU. Citroën s'en tient pour le moment au 375 cm3 de la 2 CV Berline, qui ne développe que 9 ch. Sa consommation est modérée, environ 5 à 6 litres aux 100 km. Ce petit moteur doit prendre en charge le poids supplémentaire de la caisse, 495 kg au total, mais aussi les 250 kg de charge utile potentielle. Face à l'anémie de cette mécanique, les professionnels et la presse font grise mine. La 2 CV Fourgonnette ne dépasse pas les 65 km/h sur le plat, et au moindre raidillon, il n'est pas rare de rouler sur le premier des quatre rapports pour pouvoir encore avancer dans un vacarme épouvantable.
La 2 CV Fourgonnette est encore plus chiche que la Berline côté équipement. Il n'y a pas de rétroviseur intérieur, mais la loi impose la présence d'un rétroviseur du côté conducteur. Citroën le fixe sommairement sur l'aile avant. La 2 CV Fourgonnette mesure 3,78 mètres de long, 1,48 mètre de large et 1,60 mètre de haut. Le volume utile de la zone de chargement est de 1,88 m3. Le châssis est identique à celui de la 2 CV Berline. Citroën reprend du type H commercialisé depuis juin 1948 le principe d'un habillage en tôle ondulée, ce qui contribue à la rigidification de la caisse. La partie supérieure du toit est arrondie. A l'arrière, le plancher plat répond parfaitement aux besoins d'une population de livreurs, boutiquiers, artisans et agriculteurs. On y accède par deux portes symétriques disposant chacune d'une vitre ovale. La roue de secours est installée verticalement derrière une trappe sur le flanc gauche. Le réservoir vient se nicher exactement de l'autre côté, ce qui contribue à l'équilibre des masses. La commercialisation débute effectivement en mai 1951, et comme pour la 2 CV Berline, il faut faire preuve de patience avant d'être livré. D'abord fixé à 273 300 francs, le prix de la 2 CV Fourgonnette atteint 353 569 francs en fin d'année 1951. Face à la demande, Citroën ne se prive pas d'améliorer ses marges.
Le premier dépliant publicitaire présente la voiture sous l'appellation commerciale Camionnette 2 CV Traction Avant. Très vite, la Camionnette se fait appeler Fourgonnette. Elle ressemble en effet plus à un petit fourgon qu'à un petit camion. Trois hommes ont joué un rôle primordial dans la naissance de 2 CV Fourgonnette. Si Pierre Jules Boulanger, ex-Michelin et successeur d'André Citroën à la présidence du constructeur, porte le projet d'une telle automobile, c'est l'équipe du bureau d'études dirigée par André Lefebvre qui la met au point, tandis que le dessin de la caisse est l'oeuvre de Flamino Bertoni, seul véritable styliste de la maison qui règne en maître absolu sur ce département.
Tout au long de sa longue carrière de 27 années, la 2 CV Fourgonnette va évoluer. En juin 1953, l'ovale qui entoure les chevrons est supprimé. Type AZU et 250, 425 et 435 cm3 En septembre 1954, la 2 CV Fourgonnette AZU (pour AZ Utilitaire) remplace la AU. Elle est dotée du 425 cm3 aperçu au Salon de Paris en 1950, qui développe 12,5 ch. Cette cylindrée est obtenue par augmentation de l'alésage. Le constructeur a tout de même mis quatre ans pour réagir au manque flagrant de puissance. Cette même année, Citroën commence à livrer des châssis-cabine aux carrossiers. Leur peinture mate n'est qu'un apprêt. La carrosserie définitive est peinte dans la teinte choisie par le client une fois la voiture carrossée. Plusieurs carrossiers se lancent dans diverses transformations. Le fleuriste a besoin d'un toit surélevé, l'entrepreneur d'un pick-up ou le boucher d'un fourgon bien isolé ... La puissance de l'AZU est portée à 18 ch en mars 1963. Des glaces carrées sont enfin montées en série sur les côtés du caisson et sur les portes arrière. Les panneaux latéraux supérieurs perdent leurs nervures et deviennent lisses. Cela facilite la pause de panneaux ou d'adhésifs publicitaires, ou permet de peindre plus aisément la raison sociale de l'entreprise. En août 1967, un nouveau carburateur AZU permet d'afficher 21 ch. En septembre 1970, la 2 CV Fourgonnette AZU change de dénomination commerciale. Il s'agit désormais d'une 2 CV Fourgonnette 250. A partir de janvier 1972, les nervures latérales inférieures ne sont plus arrondies, mais géométriques, comme sur la grande AK 400 commercialisée en juin 1970. En juin 1972, la 2CV Fourgonnette 250 adopte le nouveau bicylindre de 435 cm3 et 24 ch de la 2 CV 4 Berline.
La 2 CV Fourgonnette 250 dispose de plus de 250 kg de charge utile. Elle ne mesure que 3,60 mètres de long, ce qui en fait une voiture tout à fait adaptée à la circulation urbaine. Type AK 350 / AK 400 Pour répliquer à la Renault 4, en mai 1963 apparaît la 2 CV Fourgonnette type AK 350. Plus puissante, elle emprunte le moteur 602 cm3 de la récente Ami 6, ainsi que sa transmission et ses freins. Elle seconde l'AZU dans la gamme. Sa charge utile, comme son nom le laisse deviner, est de 350 kg, soit 100 kg de plus que l'AZU. La partie arrière est allongée de 20 cm au niveau du porte-à-faux. Le volume de chargement passe ainsi de 1,88 à 2,10 m3. Une demi-cloison est installée pour séparer l'habitacle de la zone de chargement. Des clignotants ronds apparaissent sur les ailes avant. L'AK 350 est remplacée en juillet 1970 par l'AKS 400, plus couramment dénommée AK 400 ou Fourgonnette 400. La charge utile est portée à 400 kg. La caisse arrière est plus haute, d'où la désignation S pour surélevé. Des nervures latérales géométriques remplacent celles de forme arrondie. Le moteur 602 cm3 développe désormais 26 ch, comme sur la récente Ami 8. Ainsi, la nouvelle venue peut rouler à 100 km/h. Elle reprend le tableau de bord à grand compteur de la 2 CV Berline.
La Fourgonnette 400 peut transporter 400 kg de marchandises. Par rapport à la 250, sa caisse est plus longue de 20 cm et son toit est surélevé de 11,5 cm. Notez les nouvelles nervures latérales géométriques. Les vitres Glaçauto La société Glaçauto installée à Levallois propose depuis 1956 des glaces offrant plus de visibilité sur les 2 CV Berline (avec une glace de custode) et Fourgonnette, et sur le type H. Toute une gamme de vitrages de différentes dimensions, fixes ou ouvrants, est disponible sur la 2 CV Fourgonnette, ainsi qu'une banquette arrière avec un plancher retravaillé pour une utilisation familiale. Il est en effet nécessaire d'aménager un emplacement pour les pieds des passagers arrière, car sur la 2 CV Fourgonnette le plancher de la surface de chargement est plus haut que celui de l'habitacle. A partir de 1960, Glaçauto devient le fournisseur " officiel " de Citroën, qui distribue ses transformations dans son réseau. Le nom de Glaçauto n'est pas toujours mentionné sur les brochures publicitaires. Le client est ainsi persuadé d'acheter un produit Citroën. Ces transformations sont disponibles sur les AZU et AK 350.
La marque Glaçauto n'est que discrètement mentionnée sur ce feuillet publicitaire de 1969 qui comporte par ailleurs les traditionnelles mentions Citroën. Qu'il s'agisse de l'AZU ou de l'AK 350 , différentes formules vitrées sont proposées. La voiture du facteur Depuis sa mise en place en 1830, la distribution postale s'est faite à pied, à cheval, puis plus tard à bicyclette, sur des parcours quotidiens de plusieurs dizaines de kilomètres. Un siècle plus tard, la situation a peu évolué. Les conditions de travail sont difficiles, et la capacité d'emport de chaque facteur est forcément limitée. Les Postes, Télégraphes et Téléphones (PTT) sont depuis les années 1930 à la recherche du véhicule idéal pour améliorer cette distribution, notamment en milieu rural. Après la guerre, l'accélération du rythme des échanges rend incontournable la modernisation de ce service public par un recours plus massif à l'automobile. L'administration des Postes, qui utilise déjà quelques rares Simca 5 et 8, Peugeot 202, Renault Juva 4 et 4 CV Commerciale, dresse plusieurs impératifs. Il faut améliorer la qualité du service, assurer une bonne régularité, réduire le prix de revient, rendre les conditions de travail moins pénibles, augmenter la productivité et limiter les risques d'accidents inhérents aux véhicules motorisés.
Les PTT cherchent à améliorer l'efficacité de la distribution du courrier en milieu rural, et mettent en service leurs premières 2 CV Fourgonnette en 1954. Elles peuvent le cas échéant disposer d'un porte-vélos. Le facteur peut ainsi convoyer deux collègues sur leur lieu de distribution. La 2 CV Berline apparue en 1948 ne retient pas l'attention des PTT, qui la jugent trop fragile et doutent de sa fiabilité pour les missions qui pourraient lui être confiées. Cette administration revoit son jugement à la naissance de la 2 CV Fourgonnette, et mène quelques expériences dans diverses circonscriptions postales. Les résultats s'avèrent concluants. La première tournée réalisée en 2 CV Fourgonnette a lieu dans le Tarn le 1er février 1954. L'administration de Postes semble pleinement satisfaite de son choix. La voiture est facile d'utilisation et est à son aise sur les routes de campagne. Pour autant, la généralisation de l'usage de la 2 CV Fourgonnette va s'effectuer lentement. Tous les employés des Postes n'ont pas leur permis de conduire, et les crédits alloués à la motorisation demeurent mesurés. L'usage de la 2 CV Fourgonnette prend vraiment de l'ampleur dans les années 1960. A la même époque, la petite Citroën est rejointe par la Renault 4 Fourgonnette.
Les 2 CV Fourgonnette des PTT sont identifiables à leur teinte " vert wagon ". Le jaune ne sera généralisé qu'à partir de 1962, avec un logo bleu représentant un oiseau stylisé, dessiné par l'affichiste Guy Georget. Les Fourgonnettes de l'Avenue d'Ivry Durant l'été 1955, la fabrication de la 2 CV Fourgonnette est transférée de Levallois à l'avenue d'Ivry à Paris, chez Panhard. L'ancienne maison éprouve quelques difficultés financières. C'est un " petit constructeur " avec 14 000 voitures assemblées en 1954, alors que Renault, Citroën, Simca/Ford et Peugeot en sortent respectivement 202 000, 154 000, 112 000 et 105 000. Chez Panhard, on cherche un soutien financier extérieur, les banques refusant désormais de suivre. Cela ne rentre pas dans les missions de Renault qui est nationalisé. Simca, qui vient d'absorber Ford France, n'en a pas à ce moment-là les moyens, et Peugeot refuse. Panhard s'associe finalement avec Citroën, qui prend part à son capital. Les deux entreprises ont quelques points communs : une touche d'originalité dans leurs produits, le moteur flat-win refroidi par eau, la traction avant, les carrosseries légères ... Les discussions commencent fin 1954, entre d'une part Paul Panhard (1881/1969) et son fils Jean (1913/2014), et d'autre part Pierre Bercot (DG, 1903/1991) et Antoine Brueder (DG adjoint) de chez Citroën. Un accord est signé le 4 avril 1955, qui prévoit la fabrication en exclusivité par Panhard de la 2 CV Fourgonnette, et l'usinage de pièces détachées pour la 2 CV Berline.
Le 31 juillet 1891, Émile Levassor et René Panhard ouvrent la première usine automobile au monde, précisément au 16 de l’avenue d’Ivry, à Paris. 64 ans plus tard, Citroën en manque de capacité sur son site de Levallois confie à la doyenne des marques l'exclusivité en France de la fabrication de la 2 CV Fourgonnette. Cela permet d'abord à la firme de Javel de contrôler de loin un de ses concurrents, mais aussi et surtout de répondre, sans avoir à investir outre mesure, à la demande de la clientèle qui ne supporte plus les années d'attente avant de se faire livrer. Chacun des deux constructeurs poursuit indépendamment ses propres fabrications et ses activités commerciales. Cela concerne pour Panhard la Dyna, les camions et les engins militaires. A première vue, les deux parties sont gagnantes. La production dans le 13è arrondissement débute en septembre 1955, au rythme de 100 2 CV Fourgonnette par jour, en complément des 80 Panhard quotidiennes. Citroën choisit en 1961 de démarrer la production de l'Ami 6 sur les chaînes de l'avenue d'Ivry, avant que cette mission ne soit définitivement confiée à l'usine de Rennes-La Janais, alors en construction. La place manque chez Panhard, et on décide de délocaliser la production de la 2 CV Fourgonnette sur trois sites : l'usine Panhard de Choisy, l'usine Citroën belge de Forest et chez Velam à Levallois, qui produit déjà la petite Isetta, et qui assemble par ailleurs des 2 CV Berline pour soulager le site de Levallois. Fin 1959, la 2 CV Fourgonnette est produite entre ces différents sites à environ 190 exemplaires par jour. Les évolutions En juillet 1961, la 2 CV Fourgonnette s'équipe d'un nouveau capot moteur, plus moderne avec ses cinq grandes nervures, apparu sur la Berline en décembre 1960. La calandre est constituée de cinq lames horizontales, au centre desquelles sont installés les chevrons. Cela apporte une touche de modernité à un modèle qui en a bien besoin. Citroën propose aussi pour sa 2 CV Fourgonnette de nouvelles teintes qui lui sont spécifiques.
Le nouvel habillage en juillet 1961 apporte à la 2 CV Fourgonnette une touche de modernité dont elle a bien besoin. En septembre 1965, l'avant de la 2 CV Fourgonnette bénéficie d'un troisième lifting. Les chevrons sont positionnés sur le capot, et la calandre ne comporte plus que trois lames horizontales. Le pare-chocs avant est recouvert d'un plastique noir, et les butoirs avant sont protégés par une bande en caoutchouc. Enfin, Citroën renonce aux portes suicide. Durant l'été 1970, les 2 CV Fourgonnette abandonnent les tôles ondulées au profit de nervures géométriques. En janvier 1974, sur le marché français, les glaces latérales des AZU 250 et AKS 400 sont supprimées en série. Elles restent disponibles en option et pour l'exportation. Les règles fiscales ont évolué, et pour éviter le taux de TVA à 33 % affecté aux voitures de tourisme, la 2 CV Fourgonnette doit abandonner ses glaces. En septembre 1977, Citroën renonce à cet avantage fiscal, et les glaces latérales refont leur apparition. En effet, le public a boudé la version totalement tôlée.
En septembre 1974, la 2 CV Fourgonnette est équipée de phares rectangulaires. La 2 CV Fourgonnette sera peu préservée, et vite remplacée par l'Acadiane puis la C15, ce qui en fait de nos jours une automobile rare en collection. En France, la 2 CV Fourgonnette quitte la scène courant 1978. L'Acadiane prend le relais. Mais sa carrière sera écourtée avec l'arrivée en octobre 1984 de la C15, les dernières 2 CV Berline étant même produites après le retrait de l'Acadiane. En réalité, Citroën a poursuivi la fabrication de la 2 CV Fourgonnette jusqu'en 1981, afin d'une part d'honorer les dernières commandes de la Poste et d'EDF, d'autre part de livrer les marchés étrangers, qui ne découvriront l'Acadiane qu'un peu plus tard. Citroën a produit près de 1 250 000 exemplaires de la 2 CV Fourgonnette.
Le carrossier italien Caselani propose depuis 2017 des kits pour donner un air de Citroën Type H néo-rétro aux fourgons de la marque aux chevrons, qu'il commercialise sous licence officielle. L'entreprise italienne propose par ailleurs depuis le 1er octobre 2022 une réinterprétation de la Citroën 2CV Fourgonnette. |