Steyr, au pays de Sissi


Steyr, constructeur autrichien, a produit des automobiles de sa conception jusqu'en 1941. En 1934, il a fusionné avec le groupe Austro-Daimler-Puch, lui-même créé en 1928. Ce nouvel ensemble est alors baptisé Steyr-Daimler-Puch AG. Après-guerre, les Steyr deviennent des Steyr-Fiat, grâce à un accord de licence passé par le géant italien. A partir de 1959, le groupe se lance dans le développement de véhicules tout-terrain, avec le Haflinger puis le Pinzgauer. Reprise en 2001 par l’équipementier canadien Magna, la marque automobile Steyr est devenue une coquille vide, car plus aucun modèle ne porte ce nom. Le nom de Steyr est désormais plus connu pour sa marque de tracteurs agricoles, intégrée au groupe Case New Holland (CNH).


Les débuts


Les établissements Steyr sont fondés en 1864 par Josef et Franz Werndl. Il s'agit d'une fabrique d'armes de chasse. Le sigle de la marque représente une cible de tir stylisée. Les débuts sont laborieux avec une demande qui est faible. La déclaration de guerre de la Prusse et de l'Italie contre l'Empire d'Autriche en 1866 amène aux frères Werndl les commandes tant attendues. Ceux-ci imposent sans trop de difficultés leurs nouvelles armes chargées par la culasse, qui permettent de tirer plus vite que les armes alimentées par le canon. Les commandes des autorités se succèdent. Les usines grossissent, et bientôt exportent à travers le monde. Hélas, au bout d'une dizaine d'années, une fois tous les clients pourvus d'armes à culasse, le marché se tarit.

Joseph Werndl, né en 1831 à Steyr et mort dans cette même ville en 1889, est un inventeur et industriel autrichien qui s'est distingué dans le secteur de l'armement, en fondant la Manufacture d'armes autrichienne de Steyr.

En-dehors de la fabrication d'armes qui n'est pas abandonnée, les Werndl doivent chercher d'autres débouchés. Ils s'orientent vers tout ce qui se rapporte à l'électricité. C'est la première mutation économique pour cette entreprise, qui commence à percer dans l'éclairage. Mais le marché n'est pas encore assez mature. Josef Werndl meurt à 58 ans en 1889. La société prend définitivement le nom de Steyr, ville de son implantation. Opportunistes, ses dirigeants s'orientent vers la production de bicyclettes. La fabrication est intégrée, tout étant fabriqué sur place, du cadre à la chaîne. Pendant la Première Guerre mondiale, Steyr redevient l'une des plus importantes usines d'armes en Europe. L'industriel emploie au plus fort jusqu'à 14 000 salariés, produisant 4 000 armes par jour. Le traité de paix de Saint-Germain signé en 1919 impose à l'Autriche une réduction de ses productions d'armes.

Steyr produit ses premières bicyclettes en 1894. Cette activité est reprise après la Seconde Guerre mondiale, soit sous la marque Steyr-Puch, soit sous celle d'autres distributeurs, notamment Sears. Cette activité va se poursuivre à Graz en Autriche jusqu'au rachat de cette activité par Piaggio en 1987.


1920/1928 - 6 cylindres II, V, VI, VII et XIV


Pendant la Grande Guerre, la firme réfléchit à sa future reconversion. Pour cela, elle embauche en 1917 l’ingénieur automobile le plus en vue de l’Empire austro-hongrois, Hans Ledwinka. Celui-ci a débuté sa carrière chez le fabricant de matériel ferroviaire Nesselsdorfer Waggonbau installé à Nesselsdorf. Plusieurs ingénieurs, parmi lesquels Ledwinka, proposent aux dirigeants du groupe de s'intéresser à l'automobile naissante. Les premières voitures sont assemblées au début du siècle sous la marque Nesselsdorf. Ledwinka repart sur Vienne, et travaille avec deux ingénieurs sur la technique de la motorisation à vapeur. Il se rend vite compte des limites de ce type de motorisation. En 1905, il revient chez Nesselsdorf en tant que directeur du département automobile.

En 1916, la division automobile de Nesselsdorf est fermée. De nouveau Hans Ledwinka repart sur Vienne où il est recruté par le groupe industriel Steyr. Sa mission est de concevoir une voiture qui rappelle le moins possible la technique des modèles d'avant-guerre.

Parallèlement, le site de Nesselsdorf, où une nouvelle équipe de dirigeants a repris les commandes, reconsidère sa décision, et décide de renouer avec la production automobile. Désormais, les voitures porteront la marque Tatra. Hans Ledwinka est sollicité par la nouvelle équipe. Il accepte de revenir à Nesselsdorf, à condition de pouvoir mener parallèlement une activité de consultant pour Steyr. Il tiendra ses engagements vis à vis du constructeur autrichien tout au long des années 20.

Hans Ledwinka (1878-1967) débute sa carrière chez Nesselsdorf, futur Tatra. Entre 1917 et 1921, il passe quatre années chez Steyr, avant de revenir chez Tatra jusqu'à la guerre. Accusé de collaboration avec les forces allemandes, il passe cinq ans en prison en Tchécoslovaquie jusqu'en 1951, puis se retire à Munich en Allemagne où il décède en 1967.

La première Steyr est produite en 1920, la Type II appelé Waffenauto, une six cylindres à la carrosserie élégante. Elle pose déjà les bases de la bonne réputation de la marque. En 1921, Hans Ledwinka rejoint Tatra, mais conserve des liens étroits avec Steyr durant les années 20. En partant, il laisse des plans et des schémas qui permettent aux ingénieurs autrichiens de réaliser des automobiles pendant encore quelques années. Les principes adoptés sur la Type II vont longtemps influencer la production Steyr.

La Type II lancée en 1920 que l'on connaît aussi sous l'appellation 12/40 HP utilise un six cylindres à arbre à cames en tête. Pour un coup d'essai, c'est techniquement et commercialement un coup de maître.

Les Types V de 50 ch, VI à la cylindrée portée à 4 litres, VI Klausen Sport de 4,9 litres et 145 ch, VII de 55 ch équipée en 1925 de freins sur les quatre roues et XVI de 70 ch s'inspirent toutes des concepts développés sur la Type II. Avec les Types VI et VI Klausen Sport, le constructeur Steyr remporte de nombreux succès sportifs dans son pays d'origine et à l'étranger.

Peu d'informations sont disponibles sur la Type VI, la presse de l'époque passant sous silence ce modèle. Ces illustrations sont extraites d'une brochure de 1927.


1920 - 4 cylindres IV 6/20


Quelques semaines après la Type II, Steyr propose la type IV, équipée d'un 4 cylindres latéral de 1,75 litre de 20 ch, puis bientôt d'un 1,8 litre de 23 ch. Ce modèle ne convainc guère le public.


1925/1930 - 6 cylindres XII 6/60 PS et XX 6/40 PS


Steyr semble être plus à son aise avec ses six cylindres, ce qui en fait finalement un constructeur de voitures de luxe, un cran en dessous toutefois que des marques comme Austro-Daimler ou Gräf & Stift. La politique suivie par Steyr est plutôt de rendre accessible les moteurs six cylindres, ce qui lui réussit assez bien. Le modèle XII connaît un grand succès, même s'il s'agit de l'un des plus petits 6 cylindres du marché, avec seulement 1 560 cm3 et 35 ch. La rationalisation de la production et un assemblage sur chaîne permettent de réduire les coûts. Il est produit à 11 124 unités de 1926 à 1929. Voiture très fiable, on trouvait encore de nombreuses XII dans les rues de Vienne dans les années 50.

La Steyr XII, modèle de tourisme de taille moyenne, est lancée en octobre 1925 à l'Olympia Show de Londres. 11 124 exemplaires de ce véhicule sont produits jusqu'en 1929.

La Steyr XX est présentée à Paris et à Londres en 1928. Ses livraisons débutent au printemps 1929. Avec son moteur de 2 litres, elle se situe un cran au-dessus de la XII, mais elle ne se vend pas aussi bien.

L'ingénieur Max Troesch avec l'un des prototypes Steyr Type XX en 1929.


1929 - 8 cylindres Austria


En 1923, Ferdinand Porsche est nommé directeur technique chez Austro-Daimler, filiale de Daimler Allemagne. Six ans plus tard, sa position s'est affaiblie au sein du groupe. Depuis la fusion avec Benz en 1926, il n'a plus le droit de décider seul de la ligne produit à tenir. Il aimerait créer une petite voiture accessible au plus grand nombre, ce que son employeur lui refuse. Les divergences entre les dirigeants de Daimler-Benz et le célèbre ingénieur s'accroissent. En 1928, il finit par claquer la porte. Les techniciens du calibre de Porsche sont rares, et de nombreuses firmes sont intéressées par ses services. L'ingénieur de 53 ans peut choisir parmi de nombreuses offres. Il refuse notamment la proposition de Skoda, mais opte pour celle plus attractive de Steyr, qui souhaite lui confier la responsabilité technique globale de sa division automobile.

En acceptant de travailler pour Steyr, Ferdinand Porsche retourne dans son pays d'origine. Il est nommé chef des études, et siège au Comité de direction. C'est dans une entreprise prospère que rentre Porsche le 4 janvier 1929, avec un salaire à la hauteur de sa réputation. Ferdinand Porsche reçoit un accueil jubilatoire à son retour en Autriche … et à juste titre. Sa renommée internationale ne peut que rejaillir sur les produits de la marque.

Ferdinand Porsche teste la Type XXX durant l'automne 1929 à travers le Katchberg, un col des Alpes situé dans le nord du Land de Carinthie en Autriche.

Ferdinand Porsche apporte avec lui l'étude du modèle XXX, et s'efforce de moderniser la technique des créations de Hans Ledwinka. Le moteur de la XXX va servir de base à toutes les autres Steyr six cylindres construites jusqu'au début de la Seconde Guerre mondiale. On doit aussi à Ferdinand Porche la naissance de la seule Steyr à moteur huit cylindres, l'Austria de 5,3 litres et 100 ch. L'avant série ne compte pas plus de trois voitures et c'est au volant de l'une d'entre elles que le professeur Porsche se rend au Salon de Paris. Ce cabriolet à roues à rayons y fait sensation, jusqu'à faire de l'ombre aux belles voitures américaines. Mais l'Austria n'atteint pas le stade de la production en série.

Seule voiture à 8 cylindres de la marque Steyr, l'Austria conçue par Ferdinand Porsche lors de son passage chez Steyr ne connaîtra pas les honneurs de la série.

Le passage de Ferdinand Porsche chez Steyr est de courte durée. La crack boursier de 1929 à des répercussions jusqu'à atteindre les institutions financières autrichiennes. La banque de Steyr vient d'être avalée par la Kreditanstalt am Hof, la banque de Daimler Benz, que Porsche à quitté il y a à peine un an. Les actionnaires de cette banque sont les mêmes que ceux qui ont conduit Porsche à sa démission, et surtout ils ne veulent pas de l'Austria, qui pourrait concurrencer l'Austro-Daimler ADR8. Ferdinand Porsche fait à ce moment-là le choix de l'indépendance, et ouvre à Stuttgart son propre bureau d'études.


1930/1941 - 6 cylindres 30, 40, 45, 430, 530, 630, 120 Super, 125 Super et 220.


La crise de 1929 incite le constructeur Steyr à fabriquer des modèles moins puissants et donc moins chers. Sa survie en dépend, car la clientèle est devenue à la fois moins nombreuse et moins fortunée. Karl Jenschke (1899-1969) occupe alors une place de choix chez Steyr. Pilote d'avion durant la Première Guerre mondiale, il reprend le cours de sa formation pour obtenir en 1921 son diplôme d'ingénieur en mécanique. En 1922, il commence à travailler comme ingénieur chez Steyr sous l'autorité de Hans Ledwinka. Puis en 1929, il se retrouve sous la direction de Ferdinand Porsche. Il lui succède après son départ. Il poursuit le développement de l'économique Steyr 30 de 2 076 cm3 et 40 ch initié par Porsche sous la désignation XXX, et lance l'étude des Steyr 40, 430 et 530. En 1935, il quitte Steyr pour Adler.

La Steyr 30 (1930-1933) est dotée d’un six cylindres de 2 076 cm3 et 40 ch, ce qui équivaut en France à une 11/12 CV, le cœur du marché européen à cette époque.

La Steyr 430/530 (1933-1936) qui succède à la Steyr 30 est le dernier rejeton de la famille des six cylindres à roues arrière indépendantes née au début des années 20.

La Steyr 120 Super est dotée d'un 1 900 cm3 de 50 ch. Ses carrosseries adoptent le style aérodynamique à la mode à partir du milieu des années 30. Elle est produite à 1 200 exemplaires de 1934 à 1936.

La Steyr 220 (1937-1940), ici en version cabriolet deux portes, est la dernière des six cylindres de la marque. Sa cylindrée est de 2 260 cm3 pour 55 ch. Elle est produite à 5 900 exemplaires de 1937 à 1941. C’est alors le modèle le plus cher de la marque. Les dernières 220 sont livrées à la Wehrmacht en 1941, avec l'aigle allemand estampillé sur la plaque signalétique du moteur.


1932- 4 cylindres Steyr sous licence Opel


En 1932, Steyr achète une licence auprès du constructeur allemand Opel pour produire une voiture économique issue de sa gamme. Cela lui permet de répondre rapidement à la crise qui gagne l'Europe et l'Allemagne en particulier. Cette quatre cylindres de 1 158 cm3 est équipée de freins mécaniques et d’une boîte de vitesses à 3 rapports. N’ayant pas trouvé son public, elle n’est fabriquée que durant une seule année.

La Steyr-Opel, surnommée " Stopel ", est un enfant de la crise. Hélas, elle n'intéresse pas le public auquel elle est destinée.


1934 à 1940 - 4 cylindres Stromlinie 100 et 200


En 1934, Steyr fusionne avec le groupe Austro-Daimler-Puch, lui-même créé en 1928. Le nouveau groupe est baptisé Steyr-Daimler-Puch AG. Dans cette entité, Steyr produit des automobiles et Puch des motos. Austro-Daimler abandonne la production des automobiles de luxe. Le groupe ainsi constitué produit aussi bien des motos que des automobiles, des camions, des autobus et des engins militaires. C'est l'une des plus grosses entreprises industrielles implantées en Autriche. Cette même année, Steyr propose la 100, une 4 cylindres dotée d'une carrosserie aérodynamique.

Apparue après la fusion, la Type 100 est une 4 cylindres économique de 1 385 cm3 et 32 ch, à la carrosserie aérodynamique. En 1936, elle est remplacée par la Type 200, d'abord avec un moteur de 1 498 cm3 de 35 ch, puis avec un 2 260 cm3. Les 100 et 200 sont produites à respectivement à 2 850 et 5 040 exemplaires.


1936 à 1940 - 4 cylindres 50 et 55


Un changement radical intervient chez Steyr avec le lancement en 1936 de la " Baby " 50. Celle-ci s’attaque à un tout nouveau marché, très peu convoité par les constructeurs européens à cette époque, celui de la petite voiture populaire à deux portes. C'est la dernière voiture originale conçue chez Steyr. Seules les marques Fiat, Simca et Rosengart proposent un tel modèle dans leur gamme. La Baby 50 occupe le terrain de 1936 à 1938, suivie par la " Baby " 55 de 1938 à 1940. Ces automobiles adoptent un style aérodynamique franchement radical, comme le binôme Fiat/Simca.

Les Steyr 50 (1936-1938) et Steyr 55 (1938-1940), dites Steyr Baby, sont dotées d’un quatre cylindres de 1,0 litre et 1,2 litre.

Le projet de la Baby a été approuvé en 1935 par Karl Jenschke avant son départ chez Adler, mais le modèle n'est officiellement présenté au public qu’au Salon de Berlin de 1936. La 50 est dotée d’un moteur 4 cylindres à plat de 984 cm3 qui délivre 22 ch, autorisant une vitesse maximale de 90 km/h. Sa longueur atteint 3,61 mètres, soit tout de même 40 centimètres de plus qu’une Fiat Topolino, mais 40 de moins que la KDF Volkswagen. Malgré sa longueur mesurée, la petite Steyr offre un meilleur espace pour les passagers et les bagages que les premiers prototypes KDF, et évidemment que les petites Fiat, Simca et Rosengart.

Elle est considérée comme la " Volkswagen autrichienne ", ce qui ne lui attire pas particulièrement la sympathie d’Adolf Hitler, plus préoccupé par le lancement de la " voiture du peuple " allemande, la KDF, future Coccinelle, étudiée par Ferdinand Porsche. Le dictateur en est à conditionner son peuple pour l’achat par anticipation de cette voiture grâce à des coupons ... la suite de l'histoire est bien connue.

Malgré les rumeurs, Ferdinand Porsche n'a pas été impliqué dans la conception de la Steyr 50, pas plus que Hans Ledwinka, parti chez Tatra. La Steyr dispose de freins hydrauliques, au lieu de freins à câbles sur les premières Volkswagen. Ses phares intégrés dans la partie avant lui procurent un aspect plus moderne que celui des Fiat Topolino et Simca 5..

La carrière de la Steyr 50/55 est perturbée par l'ambition d'Hitler de proposer sa KDF comme étant la voiture du peuple allemand et autrichien.

En 1938, la Steyr 55 reçoit un moteur de 1 158 cm3 comme la Steyr-Opel de 1932 - la fameuse Stopel - avec une puissance portée à 25 ch, autorisant une vitesse de 95 km/h. La longueur passe à 3,67 mètres grâce à un empattement plus long, l'habitabilité y gagnant au passage. La 55 est produite jusqu'en 1940. Au total, environ 13 000 Steyr Baby sont assemblées, sur un total d'environ 35 000 voitures Steyr produites de 1920 à 1940. Steyr demeure ainsi le plus important constructeur autrichien de l'entre-deux-guerres devant Puch, Austro-Daimler et Gräf & Stift.


La guerre


L’année 1938 est marquée par l’annexion de l’Autriche par l’Allemagne hitlérienne, ce qui entraîne l'intégration de Steyr dans le " Reichswerke Hermann Göring ", conglomérat industriel de l'Allemagne nazie. En 1939, l'état-major du Reich constate que les constructeurs nationaux produisent une trop grande variété de véhicules, ce qui nuit à la productivité globale de l'industrie automobile. Un plan de limitation des productions est instauré. Celui-ci attribue à chaque constructeur un ou plusieurs véhicules.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, l’entreprise Steyr qui est liée à Austro-Daimler-Puch depuis 1934, participe activement à l’effort de guerre allemand. Elle fabrique notamment les camions tout-terrain 1500A.

Ainsi, Steyr se voit confier comme ses confrères Honomag et Opel l'assemblage de camions polyvalents à quatre roues motrices, d'une charge utile de 1 500 kg. Steyr pour concevoir cet engin a fait appel à une ancienne connaissance, Ferdinand Porsche. Le premier prototype du Steyr 1500A est présenté courant 1940, et la production en série est lancée en septembre 1941. Ce camion est mu par un V8 de 3,5 litres et 85 ch. Il mesure 5,08 mètres de long, et pèse 2 485 kg.

Ce sont 12 450 Steyr 1500A qui sont produits chez Steyr jusqu'en mars 1944, plus 5 600 autres unités au sein d'Auto Union.

Différentes carrosseries sont fabriquées, en fonction des usages : véhicule de commandement, transport de troupe, véhicule sanitaire ... Les qualités du Steyr 1500A en font un véhicule très apprécié des militaires, et on le retrouve sur tous les terrains, dans l'Europe occupée, sur le front russe, et surtout en Afrique du Nord où ses capacités de franchissement sont tout particulièrement adaptées aux terrains difficiles du Sahara. Une fois la paix retrouvée, nombre de Steyr 1500A entament une seconde carrière, tant pour la reconstruction des infrastructures que pour des activités agricoles.


Les Fiat sous licence


Jusqu'en 1939, l'Autriche figure en bonne place parmi les sept grands pays producteurs de voitures. Les automobiles Steyr ont acquis une juste réputation dans le monde entier. Les conditions économiques de l'après-guerre ne permettent pas au pays de reprendre rapidement un rythme de production soutenu. Steyr préfère signer des accords avec Fiat pour produire localement différents modèles sous le nom de Steyr-Fiat, d'abord à destination du marché autrichien.

Steyr fabrique dans un premier temps les Fiat 1100 et Fiat 500 C dont les origines remontent aux années d’avant-guerre. Ces modèles munis d’un châssis séparé, de roues avant indépendantes, de freins assistés hydrauliquement et d’une boîte de vitesses à 4 rapports sont produits respectivement de 1948 à 1952 et de 1949 à 1954.

La gamme Steyr Fiat de 1954 est particulièrement vaste, depuis la 500 C issue de l'avant-guerre jusqu'aux 1100/1400 et 2000 au style ponton plus moderne.

La collaboration entre Fiat et Steyr s’intensifie à partir de 1951 sous la forme de modèles plus modernes munis d’une carrosserie ponton et autoporteuse remplaçant les anciens modèles à châssis séparé. Ils sont tous issus des modèles Fiat correspondants, avec des mécaniques Fiat : Steyr-Fiat 1400 (1951-1958), Steyr-Fiat 1100 (1953-1962), Steyr-Fiat 600 (1955-1969), Steyr-Fiat 600 Multipla (1956-1959), Steyr-Fiat 1200 (1957-1961), Steyr-Fiat 1800/2100 (1959-1963), Steyr-Fiat 1100 D (1962-1966), Steyr-Fiat 2300 (1963-1968), Steyr-Fiat 2300 S Coupé (1964-1968) Steyr-Fiat 1100 R (1966-1969) dérivés de la Fiat 1100 R.

La Steyr-Fiat 1100 est commercialisée de 1953 à 1969, en suivant les différentes évolutions proposées par Fiat : 1100 type 103 en 1953, 1100 D en 1962 et 1100 R en 1966.

Par ailleurs, Steyr produit sous licence les cabriolets Fiat 1100, 1200, 1500, 1500 S et 1600 S de 1955 à 1966. Curieusement, Steyr n'assemble aucun dérivé des berlines et breaks Fiat 1300/1500 (1961-1966).

La Steyr-Fiat 2300 commercialisée de 1963 à 1968 reprend la carrosserie de la Fiat 2300 ainsi que son moteur six cylindres de 2,3 litres développant 105 ch.

La gamme Steyr-Fiat peut se comparer à celle de Seat en Espagne, de Neckar en Allemagne ou de Zastava en Yougoslavie, tout en tant plus riche. Il faut se souvenir qu’à l’époque Fiat est l'un des plus importants constructeurs en Europe, grâce à ses nombreuses filiales étrangères disséminées sur tout le continent, jusqu’en Pologne (FSO) et même en Russie (Lada).


Steyr 2000


Au salon de Vienne en mars 1954, Steyr annonce son retour en tant que constructeur à part entière, avec la présentation de la Steyr 2000. Le moteur, un 4 cylindres de 1997 cm3, est de conception autrichienne, et moulé dans de l'acier autrichien ! Seule la carrosserie, celle de la Fiat 1900, est importée de Turin. La plupart des équipements sont de fabrication autrichienne. La Steyr 2000 peut afficher avec fierté sur son capot l'insigne bien connu de la marque. On voit avec ce modèle à quel point Steyr ne veut pas perdre complètement son identité, en se souvenant qu'avant la guerre, elle possédait sa propre gamme, ne devant rien à personne. 

La Steyr-Fiat 2000 commercialisée de 1954 à 1959 reprend la carrosserie de la Fiat 1900 et le moteur Steyr de 2 litres (65 ch) prévu pour être monté dans une Steyr 60 qui n'a jamais vu le jour.


Steyr-Puch 500


En 1957, la Fiat 500 donne naissance à des Steyr-Puch et non pas à des Steyr-Fiat. La Steyr-Puch est disponible avec un moteur de 493 cm3, et elle est proposée en version D de 16 ch ou DL de 20 ch. Il s'agit d'un bicylindre à plat refroidi par air conçu par Steyr-Daimler-Puch, contrairement aux Steyr-Fiat disposant d'une mécanique italienne. Steyr développe son offre en 1961 avec le break 700, sur lequel le 643 cm3 " maison " développe 25 ch.

La Steyr-Puch 500 D/DL lancée en 1957 reprend la carrosserie de la Fiat 500, mais elle est dotée d’un bicylindre 493 cm3 à plat refroidi par air, conçu par l’ingénieur Erich Ledwinka (1904-1992), le fils de Hans.

En 1962, la 500 D cède sa place à la 650 T équipée du moteur de la 700, mais avec seulement 20 ch. Deux ans plus tard apparaît la 650 TR de 660 cm3, bien plus à l'aise sur route avec ses 27 ch. En 1965, la 650 TR2 affiche carrément 41 ch, mais son usage est réservé pour l'essentiel à la course et aux rallyes. Elle atteint 150 km/h, contre 100 km/h pour la Fiat 500 d'origine de 13 ch !

La Steyr-Puch 700 est l'équivalent autrichien de la Giardiniera italienne, mais toujours avec la mécanique spécifique conçue par Erich Ledwinka.

Ces Steyr-Puch 500, 700, 650 T et TR (1957-1973) connaissent une belle diffusion au niveau européen, et permettent à la marque de sortir de sa confidentialité autrichienne. Les Steyr-Puch à carrosserie Fiat 500 sont produites à 57 834 exemplaires, ce qui en fait le plus grand succès du constructeur après la guerre, et même de toute l’histoire de la marque.

En 1964, en vue d'équiper la police autrichienne d'une voiture performante, Stey-Puch élabore la 650 TR, forte de 27 ch, contre 16 ch pour la Steyr-Puch 500 D de 1957.

En 1969, la production des Steyr-Fiat est arrêtée sur le site de Graz, Fiat préférant exporter en Autriche ses voitures à partir de ses propres usines italiennes. La production des Steyr-Puch 500 se poursuit néanmoins jusqu’en 1975. Parallèlement, Steyr tente sans succès de remplacer la 500 par la 126. Steyr achète des caisses complètes de Fiat 126 italiennes, et y installe son fameux bicylindre à plat. Le 31 décembre 1975, les taxes et impôts perçus à la frontière autrichienne sont définitivement supprimés. Le maintien d'une unité de production Fiat pour un marché aussi étroit que l'Autriche - de 7,5 millions d'habitants - ne se justifie plus. Désormais les Fiat seront toutes importées d'Italie.

La 126 est avec la 500 la dernière Fiat à porter les couleurs de Steyr-Puch. En deux ans, 2 069 Fiat Steyr-Puch 126 ont été produites localement.

Steyr s'oriente désormais vers d'autres fabrications sans rapport avec Fiat, notamment les Haflinger et Pinzgauer, des tout-terrain. Autre 4 x 4, le Mercedes G apparu en 1979 est encore assemblé de nos jours en Autriche chez Steyr à Graz. Parallèlement à la version Mercedes, le G a aussi été commercialisé jusque dans les années 1990 avec le logo Puch.

Dans les années 80 et 90, environ 10 % des " G " de Mercedes sortent sous le logo Puch. Ce logo fait sens dans la mesure où depuis ses débuts le G est fabriqué chez Steyr en Autriche.

De nos jours, l'entreprise reste étroitement liée au monde de l'automobile en tant que sous-traitant pour différents constructeurs.


Activité tracteurs agricoles


Steyr Tractor débute la production de tracteurs agricoles en 1947. La marque fait partie du conglomérat Steyr-Daimler-Puch jusqu'en 1990. Elle est rachetée par Case Corporation en 1996. En 1999, Case IH et New Holland fusionnent pour former CNH Global, qui à ton tour fusionne avec Fiat Industrial en 2012 pour former CNH Industrial. En 2020, l'usine de Saint-Valentin compte près de 600 employés et produit environ 10 000 tracteurs par an, aussi bien des Case IH que des Steyr.

Le 29 septembre 1947 débute une nouvelle ère pour Steyr. L'industriel vient de vendre le premier tracteur de son histoire, le Type 180. Leopold Haider, un agriculteur de Steinback, en est l'heureux propriétaire. Le Type 180 est produit jusqu'en 1954.

L'utilisation de l'injection directe avec une efficacité énergétique améliorée aboutit à la Steyr Plus Serie, caractérisée par sa teinte blanc et rouge. Dès 1967, trois modèles sont proposés, Steyr 30 (32 ch), Steyr 40 (40 ch) et Steyr 50 (52 ch).

Le Steyr 8075 est produit de 1983 à 1993. Avec ses voies étroites, il est particulièrement adapté au travail dans les vignes, les vergers et les plantations.


Activité poids lourds


Steyr fabrique son premier camion en 1920, le Type III. MAN reprend en main la production des camions Steyr en 1990. Certains camions MAN sont restés disponibles sous la marque Steyr pour le marché autrichien.

Steyr 480 Pritschenwagen, 1957-69

Steyr 780 Pritschenwagen, 1962-68

Steyr Plus 890 4×2, 1968–78

Steyr Plus 1291 4×2, 1978–90


Le Haflinger


A la demande des armées autrichienne et suisse, Steyr-Puch met au point un véhicule léger aux capacités de franchissement extrêmes, destiné au transport des troupes et de matériel. Le cahier des charges de ce 4 x 4 présenté en 1959 exige simplicité et homogénéité. Il n'est pas question de proposer un engin hybride, plus ou moins bien adapté, dérivé d'un camion ou d'une automobile existante. 

Les capacités du Haflinger en tout-terrain l'ont fait choisir par de nombreux adeptes des balades en terrains escarpés, ou de sportifs en quête d'exploits lors des compétitions de 4 x 4

Le résultat prend la forme du petit Haflinger, conçu par Erich Ledwinka, le fils de Hans. Le nom de Haflinger fait référence à une race de petits chevaux autrichiens particulièrement résistants. Son moteur est à l'arrière, il ne possède pas de châssis proprement dit, mais une poutre centrale longitudinale, qui renferme l'arbre de transmission, et qui supporte les trains roulants.

Le Haflinger est mu par un bicylindre de 643 cm3 et 24 ch, refroidi par air, construit par Steyr, dérivé de celui qui équipait les Steyr-Puch 500. Il est suffisant pour mouvoir les 645 kg de la version de base. Sur le Haflinger, il est difficile de parler de carrosserie, mais plutôt de plate-forme roulante. Il est disponible avec deux longueurs d'empattement, 150 et 180 cm. A l'arrière, deux sièges escamotables peuvent jaillir à la demande de leur niche sur la version courte, et quatre sur la version longue. A l'avant vient se fixer un tablier qui reçoit les phares et les instruments de bord qui sont des plus succincts.

Erich Ledwinka, fils de Hans Ledwinka, étudie l'ingénierie mécanique et fait ses premières armes avant-guerre chez Tatra. En 1950, il est recruté chez Steyr-Daimler-Puch, en tant qu'ingénieur puis ingénieur en chef. Il y termine sa carrière professionnelle en 1976. Il a notamment oeuvré sur le moteur refroidi par air de la Steyr-Puch 500 et sur les Haflinger et Pinzgauer. Il est considéré comme le père de la technologie à quatre roues motrices chez Steyr. Source : https://autorevue.at

Les possibilités d'utilisation du Haflinger s'insèrent dans un cadre très large. On peut en effet installer sur la version de base tout type de superstructure. Il peut s'agir par exemple d'une ambulance qui est capable d'atteindre des régions réputées inatteignables en automobile. Des entreprises spécialisées de différents pays proposent de transformer le Haflinger en engin de nettoyage de la voirie, en tank d'arrosage, en épandeuse de sable, en aspirateur d'ordures, en petit camion d'incendie, etc ... La prise de force qui part de la boite est utilisée pour actionner des treuils, des génératrices à courant, des pompes, des groupes de soudage, des outils agricoles, etc ... Au total, 16 657 exemplaires du Haflinger sont produits jusqu'en 1974.

Tout nous rappelle ici que le Haflinger est une production typiquement autrichienne. Conçu initialement pour les militaires, il s'adresse aussi aux particuliers, aux professionnels et aux collectivités.


Le Pinzgauer


Si son développement a débuté en 1968 chez Steyr-Puch, le Pinzgauer est présenté au public à Graz en mai 1971. Sa commercialisation débute fin 1972. De nouveau, son nom fait référence à celui d'un cheval de trait des montages autrichiennes. Bien plus imposant que le Haflinger, ce tout-terrain est doté d'un 4 cylindres essence de 2 499 cm3 de 90 ch positionné à l'avant. Il est proposé à partir de 1988 en diesel. Une poutre centrale renferme l'arbre de transmission. Comme sur le Haflinger, il n'a donc pas de châssis au sens habituel du terme.

Après le succès de l'Haflinger, Steyr-Puch met au point son successeur dénommé Pinzgauer, plus grand et plus puissant. Avec son architecture à poutre centrale et sa transmission intégrale 4 x 4, il peut évoluer dans des conditions très difficiles, jusqu'à 45 % de dévers et 55 % de pente.

Le Pinzgauer est développé en version 4 x 4 pour le Type 710 et 6 x 6 pour le Type 712. Ce véhicule polyvalent est destiné aux armées autrichienne et suisse, mais son constructeur le propose également en version civile. Le Pinzgauer connaît un réel succès auprès des armées du monde entier. En Autriche, Suisse, Allemagne, Grèce et Grande-Bretagne, il est utilisé comme véhicule d'intervention contre les incendies. En France, le 712 est commercialisé dans une version dont le PTC est inférieur à 3 500 kg, ce qui le rend accessible aux possesseurs d'un simple permis B. Le Pinzgauer s'est fait un nom dans l'hexagone en participant à de nombreux Paris Dakar. En 2000, Steyr-Puch interrompt sa production, et la licence est cédée à un industriel britannique.

Le 710 et le 712 sont disponibles avec différents types de carrosseries, en bâché (ici un 712), en tôlé cinq portes, en plateau ou en shelter.


Une marque automobile sans modèle


Au début des années 1990, le groupe Steyr-Daimler-Puch est scindé par activités. Steyr est spécialisé dans les tracteurs agricoles, Steyr Mannlicher dans les armes de guerre et de chasse, et Steyr-Puch dans la production automobile. L'activité poids lourds est cédée à MAN, et celle des véhicules militaires à General Dynamics en 2003.

En 1998, le secteur automobile est racheté par l’équipementier d'origine canadienne Magna International, et devient Magna Steyr en 2001. L’usine de Graz se met alors à fabriquer des voitures de différentes marques mais de faible diffusion pour le marché européen principalement, comme les Chrysler Voyager, Chrysler 300, Jeep Commander, Jeep Grand Cherokee, BMW X3, BMW Z4, Peugeot RCZ, Saab Cabrio, Mini Countryman, Aston Martin Rapide, Jaguar E-Pace, Jaguar I-Pace, Toyota Supra et Mercedes Classe G. La marque Steyr survit donc de nos jours par le biais des tracteurs agricoles et des armes. 

Nous sommes en novembre 2018. La production de la nouvelle BMW Z4 débute dans l'usine Magna Steyr de Graz, en Autriche. Bientôt, c'est la Toyota Supra - qui partage la même base technique - qui va la rejoindre. Source : https://www.autoplus.fr

Texte : Jean-Michel Prillieux / André Le Roux
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