Zastava, les Fiat yougoslaves
Zastava était une marque automobile yougoslave - puis serbe - qui s’est attachée à produire de 1955 à 2011 des voitures basées sur des modèles Fiat. Destinées au début au marché yougoslave, Zastava a tenté d’exporter ses voitures dans toute l’Europe et même aux Etats-Unis, mais cette stratégie a finalement échoué. Rachetée par Fiat en 2008, la marque Zastava disparaît en 2011. Les débuts de Zastava Les origines de Zastava qui ne porte pas encore ce nom remontent à 1853. L'usine s'appele alors " Vojno Tehnicki Zavod ". Il s'agit d'une fonderie de canons et d'un bureau d'étude à vocation militaire installés à Kragujevac en Serbie, l'usine devenant un arsenal en 1882. Les premiers véhicules, des modèles militaires sous licence Ford, Chrysler puis Jeep, sont assemblés en 1939 et la production civile débute en 1953. Cette même année, l'entreprise adopte le nom de Zavodi Crvena Zastava, ce qui signifie " Usine Drapeau Rouge ". Un volume de 162 Jeep Willys sortient de l'usine cette première année. Le rythme de production progresse les années suivantes, mais pas assez pour être à l'origine d'une motorisation de masse. Plusieurs constructeurs sont donc contactés afin d'apporter leur savoir-faire et leurs capitaux, parmi lesquels Renault, Alfa Romeo, Austin, Rover et Fiat. C'est ce dernier qui est finalement retenu. L'objectif assigné aux usines Zastava est bien de conduire la Yougoslavie vers une motorisation de masse, comme dans le reste de l’Europe. Au début, quelques milliers de Fiat 1100 et Fiat 1400 sont produites en CKD à partir de pièces détachées en provenance d’Italie, mais la véritable production en grande série ne débute qu'en 1955. 1955 : Zastava 600 Le premier modèle civil produit par Zastava est la 600 à moteur arrière, dérivée de la Fiat 600 lancée en Italie début 1955. Comme Neckar en Allemagne ou Seat en Espagne, Zastava fabrique la Fiat 600 pour le marché local avec quelques légères modifications, dont le logo. Ce modèle, qui a véritablement motorisé l’Italie dans la seconde partie des années 50 et la première partie des années 60 va aussi rendre l'automobile plus accessible dans la Yougoslavie du Maréchal Tito (1892/1980), puisque 923 487 exemplaires sont fabriqués de 1955 à 1985, sous les différentes appellations Zastava 600, Zastava 750 à partir de 1962 et enfin Zastava 850 à partir de 1980.
La Zastava 600 lancée en octobre 1955 est la copie conforme de la Fiat 600 commercialisée quelques mois plus tôt. Comme la Fiat 600 qui a motorisé toute l’Italie, la Zastava 600, puis ses soeurs 750 et 850, ont permis de démocratiser l'usage de l'automobile en Yougoslavie. La Fiat 600 est une petite berline de 3,30 mètres de long, à moteur arrière et roues indépendantes (héritière de la Fiat Topolino de 1936), produite à 2 695 197 exemplaires en Italie, 815 549 en Espagne, 316 254 en Argentine, 171 355 en Allemagne et donc 923 487 en Yougoslavie. La mécanique qui anime la petite Zastava passe de 633 cm3 (22 ch) à 767 cm3 (25 ch) en 1962, 795 cm3 (29 ch) en 1970 et 843 cm3 (32 ch) en 1980. Ces moteurs successif sont empruntés à d'autres modèles de la gamme Fiat, et pour cause, la production de la Fiat 600 est suspendue en Italie dès 1969. 1959 : Zastava 1100 T Alors que Zastava a acheté la licence de fabrication de la Fiat 1100 lancée en 1953, un modèle produit en Italie jusqu’en 1969, le constructeur yougoslave décide finalement de ne pas la produire en grande série sur le site de Kragujevac, préférant se concentrer sur les différentes versions de la Fiat 600, au potentiel de ventes beaucoup plus important. Et avec l’arrivée des 1300 et 1500 dans sa gamme, il ne semble plus nécessaire de fabriquer la 1100.
La camionnette Zastava 1100 T lancée en 1959 est la copie conforme de la camionnette Fiat 1100 T lancée en 1957. La division utilitaires de Zastava est séparée de la branche automobile en 1968 et se rapproche de Fiat V.I. puis Iveco. Par contre, une version utilitaire appelée Zastava 1100 T est bel et bien produite de 1959 à 1981 en Yougoslavie, identique au modèle italien Fiat 1100 T lancé en 1957, et produit en Italie jusqu’en 1971. Ce modèle reprend la cabine avancée et la ligne des camionnettes de cette époque, comme les Renault Estafette, Tempo Wiking et Goliath Express. La Zastava 1100 T est remplacée en 1981 par une version locale de l’Iveco Daily. 1961 : Zastava 1300/1500 Zastava pioche dans la gamme Fiat pour élargir sa gamme, en décidant de produire sous licence les Fiat 1300 et Fiat 1500 identiques aux modèles italiens du même nom. Ces berlines et breaks à propulsion et moteur avant, dotés des 1 295 cm3 et 1 481 cm3 d’origine Fiat, sont produits en Yougoslavie à 201 163 exemplaires de 1961 à 1979, contre 600 000 en Italie, 108 235 en Argentine et 40 000 en Allemagne chez Neckar. Les 1300 et 1500 italiennes disparaissent beaucoup plus tôt que les version yougoslaves, dès 1967, peu après l’arrivée de leurs remplaçantes, les Fiat 124 et Fiat 125. Zastava produit aussi sous licence les 125P proche de la version produite en Pologne par Polski Fiat depuis 1969, ainsi que les Fiat 126, Fiat 128, Fiat 131 et Fiat 132 identiques aux versions italiennes. Ces modèles connaîssent toutefois une diffusion modeste.
La Zastava 1300/1500 lancée en 1961 est la copie conforme de la Fiat 1300/1500 lancée quelques mois plus tôt. Ce modèle de milieu de gamme s’est vendu 4,5 fois moins que la Zastava 600/750. 1971 : Zastava 101 En 1971, Zastava n’est pas peu fier de lancer le premier modèle de sa propre conception : la 101. C'est une automobile dérivée de la Fiat 128, à traction avant, qui dispose d'un hayon arrière, comme la Simca 1100 dont elle s’inspire étroitement, à la différence de la Fiat qui dispose d’un coffre classique. Cette version spécifique de 3,85 mètres de long - comme la 128 - n'est pas reprise dans la gamme Fiat, ni dans celles de Neckar ou de Seat, ce qui fait toute l’originalité de ce modèle yougoslave. La Zastava 101 connaît un honnête succès, non seulement en Yougoslavie, mais aussi dans toute l’Europe, de plus en plus attirée par les berlines compactes à hayon. C'est le cas notamment en France, où son importation est assurée par le réseau d'André Chardonnet. Elle est alors rebaptisée Zastava 1100, en réponse à Peugeot qui a déposé de longue date toutes les dénominations avec un zéro central. Par contre, Chardonnet ne s'est posé la question concernant Simca ... Dans certains pays, la Zastava 101 porte le nom de Skala.
La Zastava 101 lancée en 1971 est une Fiat 128 à laquelle on a greffé un hayon en lieu et place du coffre classique. Du coup, elle est en France la concurrente la plus directe de la Simca 1100. C'est le plus gros succès commercial de l'histoire de la marque Zastava. Au total, 1 273 532 exemplaires de Zastava 101 sont fabriquées à Kragujevac de 1971 à 2008, soit un volume cinq fois supérieur à celui enregistré par la Zastava 128 assemblée à 230 000 exemplaires de 1971 à 2003. Les Zastava 101 et 128 sont dotées du même moteur 1 116 cm3 de 55 ch d’origine Fiat. 1980 : Zastava 102 Yugo En 1980, Zastava lance la Yugo, dénommée Zastava 102 en interne, pour succéder aux 600 et 750, dont les origines remontent à 1955. Vingt-cinq ans de carrière pour une automobile, c’est une durée très respectable, même si d’autres modèles européens ont connu une vie encore plus longue, comme la Volkswagen Coccinelle, la Renault 4, la Citroën 2CV ou la Mini. La Yugo se présente sous la forme d’une petite berline bicorps à traction avant de 3,49 mètres de long, soit une vingtaine de centimètres de plus que la Zastava 600. Elle est issue d’une étude réalisée chez Fiat à Turin, prévue pour remplacer la Fiat 127 qui date de 1971. Refusé par Vittorio Ghidella, alors administrateur délégué de Fiat, qui juge le projet trop peu innovant, il est récupéré par Zastava, qui en fait sa première voiture totalement différente d’un modèle Fiat commercialisé. La Fiat 127 est effectivement remplacée en 1983. Mais la Uno qui assure cette mission est autrement plus innovante que la Yugo.
La Zastava 102 Yugo lancée en 1980 est issue d'un projet Fiat pour remplacer la 127. Rejeté par la direction du constructeur italien, ce projet est récupéré par Zastava. Le moteur de la petite yougoslave est celui de la Fiat 127, un 903 cm3 développant 45 ch. Dès 1983 la Yugo est également disponible avec le 1 116 cm3 de 55 ch monté sur les Zastava 101 et 128. A l’automne 1982, la Yugo fait son apparition sur les principaux marchés européens, dont la France, où son prix la met en position de concurrence avec les Renault 4 et Citroën 2CV, de conception plus rustique. De nouveau, la distribution est assurée par le réseau Chardonnet, importateur Zastava et également représentant des marques Lancia, Autobianchi et FSO. A parit de l’automne 1985, la Yugo est distribuée aux Etats-Unis. Affichée au prix de 3 990 dollars quand aucune autre voiture ne descend sous la barre des 5 000 dollars, la Yugo y connaît un démarrage assez inattendu : 35 959 immatriculations sont enregistrées pour le millésime 1986 et 48 812 l'année suivante. Conséquence directe de ce succès, la Yugo est rebaptisée America sur certains marchés européens à partir de 1988. Mais la Yugo n’est pas vraiment adaptée aux habitudes de conduite des Américains, qui s’aperçoivent assez vite de sa fiabilité médiocre. Les ventes chutent fortement pour 1988, avec 31 545 voitures. Pour tenter de relancer les ventes, une Yugo de 65 ch est proposée, mais cela n’empêche pas la faillite de l’importateur américain en 1989. Quelques exemplaires sont encore vendus en 1990, quand Zastava décide de se retirer de ce marché.
Grâce à son prix écrasé et la motivation de ses dirigeants, la Yugo connaît une belle carrière internationale. En France, l'importation est assurée par André Chardonnet. L’année 1989 reste l’année du pic de production de la Yugo, avec plus de 180 000 unités fabriquées sur le site de Kragujevac. Mais en 1991, la guerre déclarée par la Yougoslavie de Slobodan Milosevic à la Croatie et à la Slovénie qui viennent de déclarer leur indépendance, met un coup d’arrêt à la production dans l’usine serbe. De nombreux composants viennent de Slovénie, et la plupart des équipements en plastique de Croatie. L’embargo international instauré à partir de 1992 aggrave la situation, et la production chute inexorablement. Pour contourner l’embargo et continuer de se vendre en Europe, la Yugo est rebadgée Innocenti Koral entre 1991 et 1993, avec toutefois un succès très modeste. Les sanctions pesant sur la Yougoslavie étant levées en 1996, la production repart. Mais à la suite de l’intervention yougoslave au Kosovo, l’OTAN bombarde le territoire serbe, et l’usine de Kragujevac est en partie détruite en avril 1999. Après la reconstruction de ce site industriel, la carrière de la Yugo se poursuit jusqu’en 2008, sous le nom de Zastava Koral. Au total, les Yugo et Koral ont été produites à 794 428 exemplaires de 1980 à 2008. 1988 : Zastava 103 Florida Pour succéder aux Zastava 101 et 128, le constructeur yougoslave lance en 1988 la Florida ou Zastava 103, une berline compacte à cinq portes et six glaces latérales, d’aspect moderne puisqu’elle anticipe le style de la Citroën ZX lancée trois ans plus tard. Le nouveau modèle de 3,93 mètres de long est issu d’une projet de 1986 refusé par la direction de Fiat pour la Tipo, qui est lancée sous une autre carrosserie en janvier 1988. Ce projet mort-né est récupéré par Zastava qui a besoin de remplacer les 101 et 128 vieillissantes. La Florida, connu aussi sous le nom Sana, est dotée des moteurs de la Fiat Tipo, à savoir un 1 372 cm3 de 72 ch et un 1 581 cm3 de 83 ch. Le projet Fiat qui a donné naissance à la Zastava Florida a été dessiné par Giorgetto Giugiaro d'Ital Design, alors que la Fiat Tipo est due au centre de design IDEA. Curieusement, la Florida ne connaît pas le succès escompté, aussi bien en Yougoslavie que sur les marchés extérieurs, puisque seulement 29 950 exemplaires sont assemblés entre 1988 et 2008. Les clients yougoslaves lui préfèrent la 101 qui demeure au catalogue jusqu'en 2008, et qui est affichée à un prix plus compétitif.
La Zastava 103 Florida lancée en 1988 a des airs de Citroën ZX mais elle est en réalité un projet de Giugiaro pour la Fiat Tipo commercialisée en 1988 sous une carrosserie totalement différente, due aux studios IDEA. Zastava passe progressivement sous le contrôle de Fiat En 1988, Zastava démarre non seulement la production de la Florida mais également celle de la Fiat Uno pour le marché domestique, modèle en tout point identique à la version italienne. La Uno n’y connaît pas le succès rencontré dans le reste de l'Europe, en raison de la concurrence interne avec la Yugo, affichée à un prix très inférieur. Seulement 2 620 exemplaires seront assemblés au total. Dans l'espoir de créer une société mixte, Zastava entame des discussions avec Renault, PSA et Daewoo. Juste avant la signature d’un contrat de coopération avec PSA pour fabriquer un nouveau modèle de marque Peugeot en 1999, les bombardements par l'OTAN en avril 1999 détruisent en grande partie l'outil de production. La production repart lentement après la reconstruction de l’usine, les chiffres enregistrés ne dépassant pas 11 000 unités en 2002 et 13 000 en 2004. Le groupe PSA refusant de reprendre le contrat de coopération avec Zastava après 1999, le constructeur yougoslave se rapproche à nouveau de son ancien partenaire Fiat en 2004. Le problème est que Zastava a accumulé des dettes auprès du constructeur italien, d’un montant estimé alors à 75 millions de dollars. Après d'âpres tractations, Fiat accepte d'effacer plus de 75 % de cette somme et de ne récupérer que dix millions d’euros, à verser avant tout nouvel accord de transfert de technologie. En effet, Zastava veut fabriquer sous licence pour le marché local la Fiat Punto II lancée en Italie en 1999. Le dernier versement de la somme convenue étant effectué en juin 2006, Fiat fait livrer par sa filiale robotique COMAU, l'outillage nécessaire à l'équipement de la ligne d'assemblage de la Punto II. Entre-temps, la région centrale de la Yougoslavie est devenue indépendante sous le nom de Serbie. L’année 2006 marque en effet l’achèvement de la désintégration de la Yougoslavie, avec l’instauration de l’indépendance de la Serbie et du Montenegro, qui fait suite à celles de la Slovénie, de la Croatie, de la Bosnie-Herzégovine et de la Macédoine. Zastava devient donc un constructeur serbe, puisque la ville de Kragujevac se situe en Serbie. La Fiat Punto II rebaptisée Zastava 10 signe la fin programmée des modèles historiques de la marque, notamment la Koral, ex Yugo, et la Skala, ex 101, mais aussi la Florida. De nouveaux projets sont discutés, comme la fabrication de la Fiat Doblo, ou celle de la future Fiat Uno brésilienne. Mais le gouvernement serbe décide à ce moment de vendre Zastava. Fiat manifeste son intérêt. Il signe en avril 2008 un accord avec le gouvernement serbe pour reprendre 70 % de Zastava. L'usine de Kragujevac doit être entièrement modernisée avec un investissement de sept cents millions d’euros. Un deuxième modèle doit être mis en fabrication en fin d'année 2008, un troisième en 2009 et un quatrième en 2010. L'objectif à terme est d'y produire 300 000 véhicules par an.
La Zastava 10 est basée sur la Fiat Punto II de 2003. Elle est fabriquée à cadence modérée dans l'usine de Kragujevac à partir de Mais cet objectif n'est pas atteint, car la crise financière et économique de 2008/2009 anéantit tous les plans. Fiat et Zastava sont durement touchés, comme beaucoup d’autres constructeurs, et la production à Kragujevac s’arrête de nouveau. Après une restructuration sévère de l’usine par le nouveau propriétaire Fiat, elle redémarre lentement en produisant 2 000 Punto II par mois, soit 24 000 par an. En 2011, la société Zastava disparaît définitivement, l’entreprise devenant Fiat Serbie, une simple filiale du groupe Fiat. Le constructeur italien décide alors d’utiliser l’usine de Kragujevac pour produire son nouveau modèle 500 L. Le démarrage de la production débute en 2012, au rythme de 100 000 unités par an.
Texte : Jean-Michel Prillieux
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