Jidé, l'autre berlinette de Chatillon-sur-Thouet

Jide 1600 S - Source : Echappement n° 40, février 1972


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Avant de concevoir la Jidé, Jacques Durand (1920/2009) a déjà été à l'origine du développement des marques Atla (1958), Sera (1959), Arista (1963) et Sovam (1965). Vous êtes invités à relire sur ce site ces différents chapitres. La Jidé comme ses consœurs est une production artisanale, assemblée de 1969 à 1974, à Chatillon-sur-Thouet, dans les Deux-Sèvres.


La naissance d'une nouvelle marque pour Jacques Durand


En 1968, la production de la berlinette Sovam s'arrête, et Jacques Durand, qui travaille pour cette entreprise depuis 1965, reprend sa liberté. Les relations sont devenues tendues avec René Morin, patron de la Sovam. Celui-ci reproche à Jacques Durand d'avoir dessiné un coupé sans élégance, tandis que Durand se désespère du manque de soin apporté à la production des carrosseries en plastique, pas vraiment adaptables dès qu'il s'agit de réparer une auto. Et surtout, il veut produire SA berlinette. Cela ne sera ni une Arista ni une Sovam, mais une Jidé, dénomination qui reprend les initiales de son fondateur. C'est aussi le nom de sa première affaire, quand il fabriquait des petits moteurs pour voitures radiocommandées.

Les travaux de développement de la Jidé débutent dans le sous-sol de la villa que Jacques Durand occupe à Chatillon-sur-Thouet, près de Parthenay, dans les Deux-Sèvres. Pour sa première voiture, il rachète à Sovam un ensemble moteur boîte de R8 Gordini (88 ch Din). Esthétiquement, Jacques Durand semble s'être inspiré de la Ford GT 40, modèle déjà mythique, qui depuis 1966 bat les Ferrari aux 24 Heures du Mans. L'arrière évoque la De Tomaso Pantera, qui ne sera présentée que l'année suivante. L'époque est encore bénie. Le pétrole coule à flots, les limitations de vitesse sont quasiment inconnues en France, et la période est propice à la naissance de petites sportives, prêtes si besoin à s'aligner en course le week-end. Les grands constructeurs sont absents de ce marché. En reprenant le drapeau à damier pour emblème, Jacques Durand ne laisse planer aucun doute sur la vocation sportive de la Jidé.


Une homologation par type


Comme dans ses précédentes aventures, Jacques Durand utilise pour la carrosserie du polyester stratifié fibre de verre. La base de la voiture est un châssis en poutrelles métalliques, conçu pour offrir une rigidité maximale et une excellente maniabilité. Cette structure robuste supporte l'ensemble des éléments mécaniques de la voiture. À l'avant, deux longerons et une traverse assurent la fixation solide du train avant. Cette configuration garantit un excellent comportement routier et une précision optimale dans les virages. À l'arrière, deux longerons supportent un berceau moteur amovible. Ce design permet un démontage rapide et aisé du groupe motopropulseur, un avantage crucial lors des interventions techniques en course. La résistance de la carrosserie est améliorée par la présence d'un câble d'acier noyé autour des encadrements de portes et du pare-brise, évitant ainsi la dislocation de la carrosserie en cas de choc violent. Un arceau de sécurité situé à l'arrière de l'habitacle est fixé sur le châssis, et contribue à la rigidité de l'ensemble.

Source : https://alpine-renault.jimdofree.com

La Jidé obtient son homologation routière après un test de résistance frontale aux chocs, que l'on n'appelle pas encore crash-test. Cela se passe à l'UTAC à Montlhéry. Jacques Durand est présent. La Jidé est projetée à 50 km/h contre un bloc de béton. Si la voiture s'écrase effectivement contre l'obstacle, elle ne rebondit pas comme la plupart des autres automobiles, et comme s'y attendait l'ingénieur en charge du test. Mieux, les deux portes sont restées fermées, un fait rarissime. Le positionnement de deux poutres, l'une à l'avant du carter d'huile, l'autre au-dessus de la boîte de vitesses, ont permis ce résultat.

Jacques Durand est parfois en difficulté sur certains tests obligatoires : bruit, antiparasitage, résistance aux points d'ancrage des ceintures de sécurité, homologation du volant, test d'évitement, test de stabilité à haute vitesse ... Mais à force de persévérance, il obtient tardivement (1973) une homologation par type, coûteuse pour une petite entreprise, équivalent dans le cas présent à la valeur de trois voitures complètes. Cela lui évite de requérir l'homologation individuelle pour chaque voiture sortant de son atelier.


Un véritable kart


La Jidé mesure 3,59 mètres de long, 1,56 mètre de large, et seulement 1,02 mètre de haut. Son aspect trapu impressionne, et elle ne passe pas inaperçue. Avec ses 630 kilos, le conducteur, ou plutôt le pilote, se retrouve au volant d’un véritable kart. Jacques Durand, d'assez petite taille, affirmait avoir conçu une voiture à sa stature ! L'architecture à moteur central arrière s'impose désormais sur toute berlinette sportive qui se respecte. Elle est propice aux performances et confère une tenue de route exceptionnelle. René Bonnet a montré la voie avec la Djet en 1962, Matra a suivi avec la M 530 en 1967. A l'étranger, De Tomaso avec la Vallelunga en 1963, puis Colin Chapman avec la Lotus Europe en 1966 ont adopté ce principe, et Porsche lance en cette même année 1969 sa nouvelle 914.

Michel et Jacques Durand. Source : Rétromania N° 40, août 1997

Au nom de l'esthétique, un pare-brise plus plongeant aurait sans doute été plus agréable à l'oeil. Mais celui de la Renault Floride présente l'avantage d'être bon marché, et il offre une visibilité exceptionnelle au pilote. Sur la Sovam, ce même pare-brise était monté en position inversée. D'autres pièces et éléments (radiateur d'eau, circuit de freinage, étriers et disques, train arrière ...) proviennent de chez Renault, essentiellement empruntés aux 8 Gordini et 16 TS. On reconnaît les feux arrière de la Renault 8. Cela permet de réduire les coûts, mais aussi de faciliter les opérations d'entretien. Ce dernier point est crucial pour un constructeur artisanal, dépourvu de réseau.


Les distributeurs Jidé


Les trois premières Jidé sont fabriquées en 1969 dans le sous-sol de la maison de Jacques Durand. L'une est destinée à son usage personnel, et sert de voiture de démonstration, une deuxième est acquise par le premier " vrai " client de la marque, qui n'est autre que le coiffeur de Mme Durand. Une troisième voiture, vendue sous forme de kit, devient la propriété de Pierre Madelaine, installé rue du Tintoret à Asnières-sur-Seine. C'est un agent Matra et Fiat, et un ancien concessionnaire Sovam. De fait, Durand et Madelaine se connaissent depuis quelques années.

Pierre Madelaine est aussi un préparateur renommé, un parfait metteur au point de Dauphine 1093, une voiture qu'il a d'ailleurs piloté sur de nombreux rallyes régionaux. C'est ensuite devenu un éminent spécialiste de la Renault 8 Gordini, en particulier celles participant à la Coupe Gordini, compétition lancée en 1966 à l'initiative du magazine Moteurs. Pierre Madelaine se porte volontaire pour représenter la marque Jidé en région parisienne et dans le nord du pays. Il porte la puissance de cette première Jidé à 108 ch, et l'engage sur le quatorzième Tour de France automobile en septembre 1969. Il est secondé par Patrick Champin, jeune espoir en Formule 3.

Le Tour de France automobile existe depuis 1951. Il a été suspendu de 1965 à 1968. L'épreuve de 1969 marque donc un renouveau pour cet évènement prestigieux. 600 concurrents sont inscrits, 5 000 km sont à parcourir, neuf circuits accueilleront les pilotes, sur une période de huit jours. Il faut y ajouter deux courses de côte et deux épreuves spéciales. Le plateau est relevé, avec de vraies Ford GT 40, des Ferrari 250 LM, des Chevrolet Corvette et une multitude de Porsche. Mais une sortie de route sans gravité lors de la traversée des Vosges conduit à l'abandon de Patrick Champin lors de la première étape.

La Jidé numéro 155 sur le Tour de France Automobile 1969. Source : http://jide-scora.fr. Photo du studio Junior, 14 Avenue G. Clemenceau, Nice.

Le second distributeur de Jidé est Jean Porion. Celui-ci vend de l'électroménager à Villefranche-sur-Mer, dans les Alpes-Maritimes. Il agit plus en tant qu'agent, puisque c'est son domicile qui sert de " concession ". Le fils de Jean Porion est monteur assembleur chez Jidé. Ceci explique sans doute cela. De manière plus anecdotique, Jacques Durand est sollicité par un entrepreneur français installé au Maroc, qui souhaite produire la Jidé sous licence. Seules quatre voitures y seront fabriquées. Le fils de la maison prend part à des compétitions au Maroc, avec quelques belles victoires, mais aussi en Espagne où il finit par détruire complètement son auto. Enfin, un importateur tente sa chance en Belgique, un certain Paul Beaupion. Il vendra deux voitures, l'une en Belgique, l'autre au Luxembourg, avant d'abandonner la partie.


Un atelier et une équipe


Un atelier est ouvert à Chatillon-sur-Thouet. Il s'agit d'un ancien garage Fiat de 450 m2. Guidés par un contremaître, trois ouvriers produisent les carrosseries en polyester autour des moules conçus par Jacques Durand. Un autre est affecté à la peinture des voitures. Jidé ne propose pas de nuancier, les coloris sont donc choisis par les clients. L'équipement sur place est succinct. Il n'y a ni cabine de peinture, ni ventilation. On est bien loin des normes actuelles visant à protéger les salariés. Pour autant, le résultat de ce travail artisanal est d'une qualité irréprochable. Chez Jidé, on ne lésine pas, ni sur la quantité ni sur la qualité, que ce soit pour les matières premières ou les consommables.

Le groupe compte par ailleurs un soudeur, un mécanicien, un chef mécanicien, un électricien et un monteur assembleur. Michel Durand, le fil de Jacques, assiste l'électricien. C'est une équipe jeune, la moyenne d'âge est inférieure à trente ans. Jidé reste une toute petite affaire. Jacques Durand achète ses matières premières auprès d'entreprises locales, ses pièces auprès d'agents Renault. Les casseurs sont mis à contribution. Il y trouve des pare-brise de Floride à bon prix ... Denise, autrement dit Mme Durand, gère les questions administratives, et la fille du couple est en charge de la comptabilité. Denise est très impliquée dans l'affaire familiale. Elle participe aussi à l'assistance technique des Jidé officielles en course. Elle conduit la 4L, qui est secondée par un vieux break Renault Domaine. L'équipe dort le plus souvent sous la tente, à côté de l'imposant camion de Guy Ligier ou des Renault Goélette SG2 d'Alpine.

Jide 1600 S - Source : Echappement n° 40, février 1972. Cette photo prise dans le brouillard de l'hiver 1971/72 est très évocatrice de l'ambiance rallye.

Jacques Durand est très respectueux envers son personnel, qu'il vouvoie. Ce respect est mutuel. La direction de l'entreprise est de type paternaliste. Chaque salarié est parfaitement impliqué, et travaille de manière coordonnée avec ses collègues, pendant les 47,5 heures hebdomadaires. Tous ont l'amour du travail bien fait. Mais cette équipe doit composer avec de faibles moyens matériels. Jacques Durand est toujours en quête de bonnes idées pour parfaire sa voiture. Son engagement est total. Des pilotes viennent régulièrement à l'usine pour des essais. Jean Ragnotti y a laissé des souvenirs impérissables, par son génie du pilotage.


Sous les feux de la rampe


Après l'échec heureusement peu médiatisé de Patrick Champin sur le Tour de France automobile, Jacques Durand présente la Jidé 1300 au premier Salon de la voiture de course, organisé par le pilote Johnny Servoz-Gavin, dans les sous-sols des Halles de Paris, du 21 février au 2 mars 1970. Cela se passe quelques jours avant l’ouverture du Salon de Genève, où sera présentée la Citroën SM. La Jidé reçoit un accueil enthousiaste, même face à des marques mieux établies comme Alpine ou CG. Son moteur R8 Gordini lui permet d'atteindre 200 km/h, et d'effectuer le kilomètre départ arrêté en 30 secondes.

Le stand est si petit que le public fait la queue pour plonger dans le baquet de la Jidé. Les acheteurs potentiels veulent surtout savoir si la voiture de Chatillon-sur-Thouet est plus rapide que celle de Dieppe. Et elle l'est, grâce à son poids plume, à sa compacité, à ses suspensions élaborées, et à sa tenue de route favorisée par son implantation moteur. Pour répondre à une demande insistante, Jacques Durand se résout à développer la Jidé pour la compétition, en faisant évoluer les spécifications. Une fois la spirale vertueuse enclenchée, c'est la course automobile qui va finalement faire la réputation de la Jidé.

Jidé propose une voiture à la carte. A la base, le constructeur peut simplement fournir la carrosserie et les plans associés sous forme de kit, tandis que le client s'assure de la fourniture d'un moteur. L'assemblage reste aussi à sa charge. Jidé peut aussi livrer une voiture neuve, équipée de la mécanique au choix de l'acheteur. Il peut même aller jusqu'à lui livrer une voiture de compétition complète. En fait, le constructeur propose pas moins de douze options graduelles, correspondant chacune à un stade de montage différent.

En 1970, la Jidé à moteur R8 Gordini coûte toute montée 23 800 francs. En kit de base, son prix tombe à 6 300 francs, sans mécanique ni garniture. Pour 1971, la gamme s'étoffe. Trois versions sont disponibles : Jidé 1300 équipée du moteur de la Renault 12 normale, Jidé 1600 S1 dotée du moteur de la Renault 16 TS et Jidé 1600 S2 avec le moteur de la Renault 12 Gordini. Ces trois modèles coûtent respectivement 25 660 francs, 29 692 francs et 33 127 francs. A la même époque, la Simca 1000 Rallye qui fait le bonheur des pilotes débutants coûte 8 995 francs, et l'Alpine A 110 1300 G (moteur Renault 8 Gordini) 28 760 francs.

A son catalogue, Jidé propose différents stades, depuis le kit à assembler soi-même, jusqu'à la voiture complète. Le nom de Jidé s'inscrit sur un fond de drapeau à damier, pour bien affirmer la vocation sportive de la marque.

A défaut de pouvoir s'offrir un stand au Salon de Paris, porte de Versailles, Jidé marque de nouveau de sa présence le Salon de la voiture de course en 1971, 1972 et 1973. La marque participe par ailleurs à quelques expositions régionales orientées vers le sport automobile, à Nice, Grenoble ou Lyon. La seule fois où l'on a pu apercevoir une Jidé au Salon de Paris, c'était un 1972, quand elle trônait sur le stand de l'un de ses partenaires, la société REDeX, fournisseur de lubrifiants.

La Jidé, après s'être fait remarquer au Critérium des Cévennes en novembre 1972 avec Jean Ragnotti, suscite de plus en plus l'intérêt des pilotes. Les commandes affluent. Jacques Durand et les siens produisent environ une voiture par semaine. Très vite, il faut compter quatre à cinq mois pour obtenir la livraison d'une Jidé. La jeune entreprise jongle entre le versement des arrhes et le paiement des factures aux fournisseurs. Est-il encore raisonnable en ce début des années 1970 pour un petit constructeur indépendant de fabriquer des automobiles et de les commercialiser sans l'appui d'un réseau commercial conséquent ?

Au cours du Critérium des Cévennes en novembre 1972, Jean Ragnotti mène avec maestria sa Jidé. Il fait sensation auprès du public et des spécialistes. Source : https://www.autodrome-cannes.com


Une presse spécialisée généreuse


La Jidé, bien que de diffusion confidentielle, attire l'attention des journalistes automobiles. Non seulement son style et ses performances séduisent, mais la personnalité de Jacques Durand plaît, lui qui reste en toute circonstance d'une extraordinaire modestie. Jean Ragnotti est en ce début des années 1970 essayeur pigiste pour le magazine Echappement. Il propose à Jacques Durand d'effectuer pour la " revue du sport automobile " un essai de la Jidé, celle-là même qui vient de terminer le rallye des Cévennes. Cet essai est publié en février 1972, avec une photo de la Jidé en page de couverture. En page centrale est agrafé un petit cahier de demi-format, partiellement imprimé en couleurs. Le reportage est si favorable à la Jidé qu'il est plus efficace qu'une campagne publicitaire classique, et ce, sans bourse délier. Au fil des ans, et du passage du magazine d'une main à l'autre, ce cahier a le plus souvent été détaché et égaré. Ce numéro d'Echappement est donc particulièrement difficile à trouver complet.

Le numéro 40 d'Echappement comprend un cahier central détachable, qui rend la recherche de ce numéro complet très difficile.

La Jidé évolue constamment de 1969 à 1973, d'une part du fait de la volonté de Jacques Durand d'améliorer sans cesse son auto, d'autre part en raison des contraintes liées à l'évolution des modèles de série sur lesquels elle puise nombre d'éléments, en particulier les Renault. Citer le détail de ces évolutions sur cette page serait trop fastidieux. Les finances de Jidé demeurent fragiles, et c'est là la principale préoccupation de Mme Durand. Des négociations sont menées avec un fabricant local de hangars industriels et de ponts roulants. Dans l'accord envisagé, Jacques Durand perdrait son autonomie de décision. Mme Durand, qui connaît bien son mari, ne peut pas l'envisager.

Début 1973, la gamme Jidé s'établit ainsi : version à moteur Gordini 1300 et boîte 4 vitesses de Renault 12, version à moteur 1600 et boîte 5 vitesse de Renault 16 TS, version à moteur 1600 et boîte 5 vitesses de Renault 12 Gordini, version compétition groupe 5 à moteur 1600 à carburateur poussé à 160 ch et enfin version compétition groupe 5 à moteur 1600 à injection. Les tarifs s'échelonnent de 26 720 francs à 51 000 francs. A ces voitures vendues prêtes à rouler, Jacques Durand offre toujours la solution d'une livraison en kit.

Les moyens promotionnels de Jacques Durand sont limités. Il s'offre toutefois de manière régulière un quart de page dans le mensuel Echappement.

Des contacts sont pris avec un autre investisseur : Michel Baxas est le gendre d'un important producteur de Cognac, et cherche à placer son argent. Le projet est bien avancé. Jacques Durand apporterait la marque et ses compétences, et Michel Baxas ses capitaux. Les deux hommes envisagent même une nouvelle implantation à Cholet. C'est alors que survient la guerre du Kippour. En octobre 1973, les membres de l’OPEP décident d’augmenter fortement le prix du pétrole. Le choc est violent dans toute l'industrie automobile.

Les constructeurs de grosses cylindrées et de voitures de sport sont particulièrement touchés. Pour enfoncer le clou, le Premier ministre Pierre Messmer réclame l'interdiction du sport automobile, et les premières limitations de vitesse sur routes et autoroutes seront bientôt instaurées en France (9 novembre 1974). Les concessions automobiles sont désertées. Pour les petits constructeurs, comme Jidé, mais aussi Alpine, BBM, Marcadier, Ligier ou CG, les difficultés apparaissent. Pour tous, l'élan est brisé, des commandes sont annulées.

Jidé. Source : L'Automobiliste N° 61, janvier 1983


Jidé après Jacques Durand


Michel Baxas veut retrouver sa mise. Dans un tel contexte, il n'est plus question pour lui de s'associer, en encore moins d'investir dans une nouvelle usine. Désormais, l'avenir de Jidé n'est plus sa préoccupation première. Pris à la gorge, sans le sou, Jacques Durand vend les moules à Michel Baxas. L'ambitieux projet initial se solde par une banale transaction financière. L'impact humain est négligé. Toute tentative de relancer l'affaire est vaine. Après Michel Baxas, un autre homme s'intéresse à Jidé : le Stéphanois Georges Quéron, qui est réputé pour ses travaux sur base Renault Dauphine, dont il améliore les performances. Il a couru sur Jidé, et racheté des voitures de la marque pour en faire le commerce. Il transforme quelques Jidé existantes.

Un club Jidé est créé en décembre 1978 par des propriétaires. Il vend quelques kits fabriqués à partir d'outillages confiés par Michel Baxas. Enfin, les moules sont cédés à Lucien Cosnefroy, de Nevers, qui les prête à un fabricant du nom de LC Polyester. Celui-ci produit un nombre réduit de coques. Finalement, la marque Jidé est récupérée par Jean-François Humeau, qui assemble quelques voitures entre 1991 et 1993, en modernisant le concept. Malgré la diffusion d'une luxueuse plaquette publicitaire, des difficultés d'homologation mettent là aussi un terme à l'aventure.

Publicité Jidé, construction Jean-François Humeau

133 Jidé officielles auraient vu le jour, dont 1 kit 1100, 42 kits 1300, 60 kits 1600/1600 S, 19 voitures complètes (3 en 1100, 7 en 1300 et 9 en 1600), et 9 voitures " compétition client " ou " compétition usine ". Pour parvenir aux 133 unités, il convient d'ajouter un prototype et la voiture sacrifiée pour l'homologation. Outre ces voitures officielles, les différents propriétaires des moules en auraient encore fabriqué une cinquantaine, dont une vingtaine par Jean-François Humeau. Mais cela reste une estimation.

Cet exemplaire fait partie des dernières Jidé produites par Jean-François Humeau. Immatriculé en 1992, il se distingue par son pare-brise abaissé, emprunté à la Citroën GS, ainsi qu'au dessin de la partie inférieure du museau, qui procure un meilleur appui sur le train avant. Source : https://www.autodrome-cannes.com

Jacques Durand n'abandonne pas complètement la partie. Il déménage à Lapleau en Corrèze, où il implante un nouvel atelier, puis dépose dans la foulée la marque Scora, pour Société Corrézienne d'Automobile. Il présente la Scora en octobre 1974. Il s’agit en fait d’une Jidé légèrement modifiée. Elle n'est pas homologuée pour un usage routier. La municipalité de Lapleau promet à Jacques Durand une aide financière pour monter une petite usine plus moderne sur place, mais cette aide ne viendra pas. Jacques Durand déménage ensuite pour Cannes, où il poursuit la fabrication de la Scora. Enfin, il s’installe à Argenteuil dans le Val d'Oise, et s'associe à Charly Carcreff qui court sur Scora. Les deux hommes n'ont pas la même vision d'avenir, et finissent par se séparer.

Scora. Source : https://forum-auto.caradisiac.com

Enfin Jacques Durand déménage à Mougins, où il ouvre un atelier avec son fils Michel, qui l'épaule depuis 1976. Au total, on estime à une quarantaine le nombre de Scora assemblées en Corrèze, dans les Alpes-Maritimes et dans le Val d’Oise. En 1991, Jacques et Michel Durand réalisent une version modernisée de la Scora avec une toute nouvelle suspension. La voiture prend le nom d’AMD (Automobile Michel Durand). Un seul exemplaire est fabriqué. L'obtention d'une homologation est devenue hors de prix. Pour s'assurer un revenu décent, les deux hommes se tournent vers la préparation de 4 x 4 pour le Dakar, et dans la fabrication de maquettes automobiles au 1/5ème, qui intéressent notamment ceux qui ont la chance de les conduire à l'échelle 1. Jacques Durand s’éteint le 16 août 2009 à Mougins. 

Texte : Jean-Michel Prillieux / André Le Roux
Reproduction interdite, merci.

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