Oliver Winterbottom

Source : https://blackpoolthunder.com


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Préambule : Oliver Winterbottom est un designer au sens large du thème. La présente page explore, une fois n'est pas coutume, les différente facettes de son métier, qui vont bien au delà du simple fait de dessiner des carrosseries.


Oliver Winterbottom naît le 24 février 1944 à Ashford, au Royaume-Uni, en pleine guerre, durant un raid aérien. Son père, Walter, est médecin et passionné de course automobile, qu'il pratique en amateur. Il rencontre sa future épouse, Rowna, à l'hôpital où il étudie. Un des cousins de Rowna est Raymond Mays, pilote automobile et cofondateur de la marque ERA et de l'écurie BRM. La mère d'Oliver est une aquarelliste talentueuse. Elle encourage son fils à dessiner et à peindre.

Le jeune Oliver assiste au GP de Grande-Bretagne à Silverstone en 1949, le premier événement de ce type dont il se souvient. L'enthousiasme de son père pour la course automobile amène plusieurs personnes à la maison, notamment David Murray, le fondateur de l'Ecurie Ecosse, ainsi que diverses personnalités locales avec leurs voitures personnelles : Lancia, Alfa Romeo, Sunbeam ou Lister Jaguar.

En 1952, il est envoyé en pensionnat, où il découvre des livres sur les moteurs. Il écrit aux constructeurs automobiles pour obtenir des brochures. En 1955, il contacte Jaguar pour comprendre pourquoi il a vu des Type D avec et sans aileron arrière. Il reçoit une réponse personnelle, avec des explications, une brochure et des photographies. Un jour, un vendeur se présente à l'école, à l'adresse de Smallwood Manor, pour faire essayer une Armstrong Siddeley au propriétaire habitant là. Le directeur de l'école demande de mettre un terme aux lettres adressées aux constructeurs.

Cette même année, un ami de ses parents, Ian Hoswell, propriétaire des carrossiers Tickford depuis 1943, dîne à la maison. Oliver dessine la voiture d'Ian Hoswell. Celui-ci, impressionné par le travail de l'enfant, l'encourage à persévérer. C'est donc à l'âge de onze ans qu'Oliver Winterbottom pense sérieusement à devenir designer automobile. Pendant les cours de latin, il ne cesse de griffonner des automobiles pour une entreprise fictive, la Hector Motor Company.

OW rejoint le Denstone College dans le Staffordshire, où son père a fait ses études. Les sciences font partie du programme. Il s'intéresse au cross-country et au tir à la carabine, où il excelle. A la fin de ses études, il intègre une section de transport motorisé au sein de la Royal Air Force. Un mécanicien du garage du village local y donne des cours de mécanique automobile, et il apprend à démonter et remonter un moteur.

En 1958, il achète la version anglaise de l'Année Automobile, où il découvre le travail des carrossiers italiens, largement en avance sur leurs confrères britanniques. Il est aussi abonné à Sports Car and Lotus Owner. Il ne le sait pas encore, mais Lotus va jouer un rôle déterminant dans sa carrière. L'école où il poursuit ses études l'interroge sur ses projets futurs. Son directeur est surpris lorsqu'il déclare ses intentions de devenir designer automobile. Il fait venir une personne de chez Rolls-Royce pour discuter avec Oliver Winterbottom des carrières d'ingénieur. Cependant, le jeune homme trouve cette présentation trop technique et pas assez orientée vers le design.

Sports Car and Lotus Owner - Copyright


Fort des relations qu'il entretient avec Lofty England, l'ingénieur auréolé des cinq victoires de Jaguar aux 24 Heures du Mans, son père arrange une visite décisive chez le constructeur en 1961. L'objectif : explorer les opportunités d'apprentissage et découvrir l'usine. C'est là qu'il aperçoit, sur la chaîne de montage, la future Jaguar Type E, un secret qu'il est prié de garder. Son profil séduit, et il est accepté comme apprenti ingénieur automobile. Si Denstone College ne lui a pas dispensé d'enseignement artistique ou technique, il y a néanmoins acquis une rigueur dans l'approche des sujets, et une aptitude à la vie en communauté au sein d'un environnement socialement hétérogène. En septembre 1961, il rejoint un groupe restreint de vingt-quatre apprentis. C'est un véritable privilège. Durant cinq années, son parcours va alterner entre des affectations dans divers services de l'entreprise et des cours théoriques dispensés par un collège technique.

Une étape significative de sa formation se déroule à l'ancienne usine Daimler de Radford, au sein du département dédié aux véhicules de combat, où est notamment produite la voiture de reconnaissance Daimler Ferret. Il participe activement au développement d'une version amphibie. Son aspiration à devenir styliste étant clairement exprimée, son apprentissage prend une nouvelle orientation. Il suit des cours spécialisés en construction de carrosseries et intègre les ateliers expérimentaux de Jaguar, où œuvre Malcolm Sayer, l'aérodynamicien de renom de la marque. Il s'initie au travail du bois et élabore ses premières propositions stylistiques sous forme de maquettes. 1964 marque son entrée au bureau de dessin des carrosseries, où il contribue à l'évolution de certains détails de la Jaguar 420 G, réalisant ses esquisses au crayon à bois traditionnel.

A cette époque, Jaguar ne possède pas encore de département de style formel. Sir William Lyons supervise personnellement cette activité. Cependant, son départ à la retraite imminent ouvre la voie à la création d'un bureau dédié. Oliver Winterbottom manifeste son vif intérêt pour un poste au sein de cette nouvelle structure. Sa persévérance, appuyée par la présentation de dessins originaux, finit par porter ses fruits : il est engagé comme apprenti dans ce nouveau département. L'équipe en place travaille alors sur la future berline XJ6, donnant naissance à des maquettes en argile dont il se fait rapidement une spécialité. Parallèlement, son employeur lui offre l'opportunité de suivre une formation en illustration technique au Coventry College of Art. A cette époque, il n'existait pas encore de cursus spécifiquement dédié au design automobile.


Oliver Winterbottom s'investit dans plusieurs concours de design professionnel, une arène stimulante où le jeune créateur confronte son talent à celui de figures établies de l'industrie. Ses quelques victoires dans ces compétitions lui confèrent une crédibilité croissante auprès de ses pairs. En 1966, il soumet sa candidature au prestigieux Concorso Grifo d'Oro Bertone, un événement phare du design automobile. Guidé par un cahier des charges précis émanant de Bertone, il élabore les plans de son projet et sculpte un modèle réduit au 1/10ème. La carrosserie arbore une vibrante teinte rouge, contrastant avec l'obscurité des vitres.

Le verdict tombe : Oliver Winterbottom décroche la médaille d'argent. Ce concours d'envergure a attiré pas moins de 5 374 participants. La médaille d'or revient à Alexander Neumeister de Stuttgart. Chez Jaguar, cette nouvelle suscite une vive satisfaction. La presse se fait largement l'écho de cet accomplissement. L'organisateur prend en charge le voyage en avion et l'hébergement. C'est Nuccio Bertone en personne qui lui remet son prix. Jaguar contribue financièrement au séjour, permettant à Oliver Winterbottom de s'immerger dans l'atmosphère de Turin, capitale mondiale de la carrosserie. Oliver Winterbottom explore les ateliers de Bertone, avant de déambuler librement dans les allées animées du Salon de Turin.


L'apprentissage d'Oliver Winterbottom touche à sa fin, mais une embauche chez Jaguar à l'issue de cette formation n'est pas automatique. C'est alors que Ford le contacte avec une offre alléchante. Oliver Winterbottom répond que la proposition l'intéresse, mais qu'il souhaite terminer son apprentissage. Ford ne souhaite pas attendre, aussi Oliver Winterbottom décline l'offre du constructeur américain. Les formations dispensées par Jaguar sont tenues en haute estime dans la profession. Il n'est pas question pour Oliver Winterbottom de s'arrêter en cours de chemin. En septembre 1966, sa persévérance est récompensée : Jaguar lui confirme son engagement définitif au sein de son département de style. A 22 ans, il décroche son premier véritable emploi.

L'attention de Oliver Winterbottom se focalise sur la finalisation de la future berline Jaguar XJ. Sous la direction de William Lyons, il travaille à concrétiser une version allongée de cette berline, qui doit offrir 10 cm d'espace supplémentaire aux passagers arrière. Le dessin demandé est achevé un jeudi, et Oliver Winterbottom a la surprise de découvrir une voiture complète dès le lundi suivant. Bien que le prototype en question ne soit pas fonctionnel, Jaguar lancera bel et bien sa version longue de la berline XJ. Parallèlement,Oliver Winterbottom esquisse les lignes du coupé deux portes XJ, un projet semé d'embûches où l'élégance doit se conjuguer avec la rigidité de la caisse et la parfaite tenue des portes à l'ouverture. Diverses déclinaisons de la XJ6 sont par ailleurs envisagées - break, cabriolet, limousine - mais ces pistes ne seront finalement pas explorées..


Chez Jaguar, un autre projet mobilise Oliver Winterbottom : la refonte de la Jaguar Type E. L'objectif principal est d'accroître les dimensions du coué afin d'accommoder le nouveau moteur V12 de la marque, en remplacement du six cylindres en ligne. Diverses itérations du projet, baptisé XJ-21, sont élaborées sous la supervision de Malcom Sayer jusqu'en 1969. Cependant, les propositions d'Oliver Winterbottom ne sont pas retenues. La Jaguar Type E V12 est finalement dévoilée en juin 1969, conservant l'esthétique du modèle originel.

Prototype en argile XJ21 créé par Oliver Winterbottom - Source : https://jaguarrules.ru


En décembre 1968, Oliver Winterbottom esquisse une première proposition stylistique pour le projet XJ27, qui deviendra la XJS. L'objectif est de concevoir une remplaçante à la Type E, dont les ventes s'essoufflent. Pour des impératifs économiques, certaines pièces de la berline XJ sont réutilisées. Les plans d'Oliver Winterbottom sont d'une grande précision. Ce projet marque pour lui une étape cruciale dans son évolution de styliste à concepteur automobile à part entière. Cependant, le chemin entre cette ébauche initiale et la version définitive sera encore long.

Au printemps 1970, la direction de la British Leyland, le conglomérat auquel Jaguar est intégré depuis 1968, prend conscience des nombreux doublons au sein de sa gamme et de la nécessité de rationaliser les pièces et les conceptions. Dans ce contexte, Oliver Winterbottom est chargé de réaliser un modèle à l'échelle 1 de l'intérieur de la future XJS en six semaines, en vue d'une revue de conception au niveau du groupe.

Simultanément, le département de design entame son transfert de l'usine Daimler de Radford vers le site Jaguar de Browns Lane. Les designers nourrissent l'espoir que leur nouveau studio reflétera les standards architecturaux des meilleurs constructeurs, notamment américains. Hélas, la réalité s'avère bien plus décevante. Les études du coupé XJS progressent dans une direction qui déplaît à Oliver Winterbottom. Face à cette évolution, il perçoit qu'il est temps pour lui de s'ouvrir à d'autres perspectives.


Mike Kimberley, un ancien de Jaguar, a rejoint Lotus depuis peu. Chez Lotus, l'heure est à un projet ambitieux : une voiture de sport à quatre places, conçue pour séduire un public plus large que les coupés habituels qu'ils produisent. Colin Chapman, fondateur de Lotus, a l'ambition de créer une proposition véritablement novatrice. Mike Kimberley est convaincu qu'Oliver Winterbottom possède les compétences idéales pour mener à bien ce projet. Il organise une rencontre décisive avec Colin Chapman en octobre 1970. Oliver Winterbottom se présente à l'entretien muni d'un portfolio éloquent, mettant en lumière ses réalisations, dont des propositions pour une nouvelle Lotus Seven. L'entretien s'avère fructueux, et une proposition d'embauche lui est formulée.

Il signifie alors son départ à Jaguar. William Lyons, souhaitant comprendre sa décision, l'invite à discuter. Pour tenter de le retenir, il lui dévoile quelques projets en cours au sein de British Leyland, notamment le futur Range Rover et un successeur à l'Austin Healey 3000. Cependant, Oliver Winterbottom expose clairement ses motivations : il aspire à enrichir son expertise en explorant de nouveaux horizons. William Lyons, comprenant son désir d'évolution, lui souhaite bonne chance dans sa nouvelle aventure. L'attention que lui a accordée William Lyons en prenant le temps de discuter de son avenir touche profondément Oliver Winterbottom, qui en gardera un souvenir ému. Après plus de dix années de collaboration, Oliver Winterbottom quitte Jaguar.


Lotus (automobiles), 1ère période

Le 4 janvier 1971 marque le début de la nouvelle aventure d'Oliver Winterbottom chez Lotus, où il prend la direction du design. Ses responsabilités englobent le style, l'ingénierie de la carrosserie et l'aérodynamique pour l'ensemble des produits la marque. Depuis ses premiers prototypes à la fin des années 1940, l'entreprise de Colin Chapman n'a cessé de croître. Lotus jouit d'une réputation de constructeur méticuleux, où chaque détail est pensé pour minimiser le poids et maximiser les fonctionnalités, faisant figure de pionnier dans l'industrie.

L'essor spectaculaire de la production et le succès de la Team Lotus en compétition automobile ont conduit Colin Chapman à établir ses quartiers à Hethel, dans le Norfolk, sur le site d'un ancien aérodrome militaire. Cet emplacement offre à Lotus l'espace nécessaire pour les essais, et permet à Colin Chapman d'atterrir avec son avion personnel directement sur place. Les bureaux, les ateliers et les bâtiments d'assemblage sont modernes et intégrés dans un environnement paysager soigné. L'aménagement en espace ouvert des locaux témoigne de l'esprit novateur de Lotus, une caractéristique largement mise en avant dans sa communication. Les directeurs bénéficient de bureaux confortables et d'une vaste salle de conférence.

Cependant, Oliver Winterbottom perçoit rapidement un moral des équipes plutôt bas, Lotus ayant dû procéder à des licenciements avant Noël. L'Elan commence à accuser son âge, et l'Europa à moteur Renault rencontre des difficultés de mise au point. Mais la priorité immédiate pour Oliver Winterbottom est d'établir une bonne relation de travail avec Ian Jones, le premier dessinateur de Colin Chapman depuis 1956 et ancien de chez Vanwall, responsable des esquisses et des projets. Heureusement, Ian Jones, qui dans les faits se voit prendre sa place par un nouveau venu, se révèle spirituel et doté d'un sens de l'humour affirmé.

Europa

L'arrivée d'Oliver Winterbottom se déroule en douceur. Ses premiers travaux se concentrent sur l'Europa. Il introduit un discret becquet à l'avant dans le but d'améliorer sa stabilité à vitesse élevée et de réduire ainsi les imprécisions de la direction. De plus, une modification est apportée à la partie arrière de la carrosserie par une découpe, optimisant ainsi la visibilité de trois quarts arrière.

Lotus Europa, 1968/1971, type 54 - Copyright

Lotus Europa, 1971/1975, type 74 - Copyright

M 70 Esprit

Début 1972, Oliver Winterbottom, initie une rencontre au Salon de Genève entre Colin Chapman et Giorgetto Giugiaro pour tenter de concrétiser l'ambition de Lotus de développer une nouvelle voiture de sport sur une base d'Europa allongée. S'ensuit une collaboration étroite entre Winterbottom et Giugiaro, ce dernier s'inspirant stylistiquement de la Maserati Boomerang sur suggestion de Winterbottom. Cela passe pour Oliver Winterbottom par de fréquents allers-retours entre l'Angleterre et l'Italie pour valider les étapes de conception, aboutissant finalement à la présentation d'un prototype non fonctionnel de l'Esprit sur le stand de Giugiaro au Salon de Turin à la fin de l'année 1972.

Colin Chapman veut définitivement rompre avec les lignes rondes des anciennes Lotus, et fait appel au styliste le plus en vue du moment, Giugiaro. Le prototype présenté ici par Colin Chapman et Giorgetto Giugiaro, est dévoilé au Salon de Turin 1972 - Copyright

Il arrive que Giorgetto Giugiaro dévoile des trésors de sa collection privée à ses visiteurs, comme la Tapiro, un prototype qui a marqué les esprits au Salon de Turin en 1970, et à bord duquel Oliver Winterbottom a l'honneur de sillonner le centre-ville de Turin, suscitant à chaque trajet une vive curiosité, la moitié des automobilistes tentant de suivre son sillage. Une autre fois, il est récupéré à son hôtel à bord de la spectaculaire Boomerang à moteur Maserati, sous les regards admiratifs des badauds. Un jour, Giugiaro l'invite à une promenade qui les mène à un parking à plusieurs niveaux, où d'autres concept-cars sont précieusement conservés dans des garages clos, et c'est ainsi qu'il a l'occasion de prendre place à bord de la Caimano, basée sur l'Alfasud.

La présentation de la maquette de la Lotus Esprit au Salon de Turin en 1972 ne conduit pas une mise en production, car le lancement de l'Elite en mai 1974 a accaparé les ressources de Lotus, mettant le projet Esprit en suspens. Ce n'est qu'à l'été 1975 que le développement de l'Esprit reprend, aboutissant à la présentation du modèle de série au Salon de Londres en octobre 1975. Cependant, malgré cette présentation officielle, l'Esprit n'était pas encore prête pour la production en série.

Lotus Esprit, 1976 - Copyright

M50, Elite

Chez Lotus, le projet M50, qui doit donner naissance à la future Elite, bat son plein. Quatre configurations sont envisagées : quatre places et 2+2, avec des motorisations quatre cylindres et V8, donnant les codes M50, M51, M52 et M53. Priorité est donnée à la M50, la version quatre places à moteur quatre cylindres. Lotus veut tourner la page de la production de voitures en kit, jusqu'alors fiscalement avantageuses, pour s'affirmer comme un constructeur à part entière, visant des concurrents comme Aston Martin ou Jensen. Le cahier des charges initial, établi en novembre 1967, insiste sur la légèreté nécessaire pour compenser la puissance modeste du moteur. Cependant, le projet stagne, la direction ne manifestant pas un intérêt suffisant pour la M50.

À son arrivée, Oliver Winterbottom reprend le flambeau de John Frayling sur le projet Elite. Les travaux de Frayling se révèlent insatisfaisants, la voiture manquant d'adhérence à haute vitesse, un problème en partie imputable au design. Winterbottom se saisit du dossier et explore de nouvelles formes, cherchant à offrir une garde au toit arrière correcte sans allonger excessivement la voiture. Il propose à Chapman une esquisse de profil en coin avec un arrière évoquant un break de chasse. Une maquette au quart est réalisée et validée par Chapman. Les essais en soufflerie confirment l'aérodynamique favorable des formes, ouvrant la voie à la conception à l'échelle 1, avec l'objectif d'optimiser la rentabilité du modèle.

 Le premier prototype entièrement assemblé de la M50, avec Mike Kimberley (PDG de Lotus) et Oliver Winterbottom - Source : https://www.aronline.co.uk

L'enthousiasme de Chapman pour le travail de Giugiaro le pousse à solliciter le designer italien pour l'aménagement intérieur du projet M50. Cette décision vise à pallier le manque de ressources internes chez Lotus pour traiter ce point de manière adéquate. En juillet 1972, Chapman valide la proposition d'Ital Design pour l'habitacle, une décision qui déçoit Winterbottom, qui trouve le design de Giugiaro austère et regrette notamment la présence d'une console centrale encombrante. Giugiaro propose des finitions sophistiquées en métal brillant et des incrustations en bois coûteuses.

Lotus Elite, l'habitacle conçu chez Ital Design - Copyright

La Lotus Elite est finalement présentée aux concessionnaires le 2 mai 1974, puis à la presse le lendemain. Les journalistes ont l'opportunité d'effectuer trois tours de piste à Hethel, guidés par Oliver Winterbottom. Le lendemain, l'Easter Daily Press de Norwich titre " La nouvelle Elite " et la décrit comme " la routière Lotus la plus luxueuse et la plus chère jamais construite ". L'article souligne également que " le nez est aussi bas que la loi le permet, et son style haute couture est l'œuvre du responsable du style Oliver Winterbottom ". La voiture est mise en vente à 5 445 £, un prix supérieur aux attentes de The Motor, qui tablait sur environ 4 500 £. Dans sa communication, Lotus met en avant le caractère luxueux et rapide de l'Elite, sa faible consommation, son excellent coefficient de traînée de 0,30 (une valeur remarquable pour l'époque) et sa conformité aux récentes normes de sécurité américaines.

Cependant, les essais des journalistes révèlent un manque de puissance, et Lotus n'a pas atteint l'objectif de poids à vide initial. La production hebdomadaire prévue est de 100 Elite, alors que seule l'Europa est encore produite en parallèle. L'entreprise peine à atteindre cet objectif en raison de problèmes d'organisation et du contexte de crise pétrolière qui affecte les ventes de voitures de sport. L'usine n'a jamais dépassé une production de 29 Elite par semaine. De plus, certains fournisseurs font défaut, obligeant Lotus à reprendre en interne la production d'éléments comme les unités de climatisation. A cette période, Mike Kimberley devient ingénieur en chef de Lotus, et Jack Phillips arrive de chez Rolls-Royce pour superviser la production du nouveau moteur V8.

Lotus Elite - Copyright

M52 Eclat

Parallèlement à ses déplacement à Turin, Oliver Winterbottom supervise le développement de la M52, future Eclat. Ce coupé 2+2 fastback, dérivé techniquement de l'Elite, est lancé au Salon de Londres en octobre 1975. Oliver Winterbottom a su respecter les délais, les coûts et le budget établis, démontrant une fois de plus son expertise en gestion de projet. Affichée à 5 729 £ (contre 6 483 £ pour l'Elite), l'Eclat est produite jusqu'en 1982, date à laquelle elle est remplacée par l'Excel, qui intègre des améliorations et des composants Toyota

Oliver Winterbottom avec le prototype de la Lotus M52 - Source :  https://www.aronline.co.uk

M80

En mars 1974, Lotus initie un autre projet ambitieux, la M80. Ce nouveau coupé sport biplace vise à combler le vide laissé dans la gamme Lotus depuis l'arrêt de l'Elan en 1973, laissant une partie de la clientèle potentielle hors de portée des plus coûteuses Elite et Eclat. Cependant, le développement de la M80 progresse lentement, les ressources et l'attention des ingénieurs étant principalement concentrées sur le perfectionnement des modèles existants. Dans les faits, les difficultés financières croissantes de Lotus rendent quasiment impossible la poursuite simultanée de plusieurs projets, menaçant même le fonctionnement de l'usine. Face à cette situation, les services financiers suggèrent Colin Chapman d'abandonner franchement l'étude de la M80.


Lotus (bateaux)

En 1971, Colin Chapman, alors de plus en plus exaspéré par la bureaucratisation croissante des réglementations régissant les voitures de course et de route, acquiert Moonraker Motor Yachts, qui deviendra ultérieurement JCL Marine. Cette incursion dans le nautisme représente pour lui un nouveau champ d'exploration où des défis techniques stimulants se présentent. Fidèle à sa nature, Chapman répugne à se cantonner aux méthodes établies et immuables depuis des années. Que ce soit dans l'univers automobile ou nautique, sa quête obsessive de la réduction de masse se manifeste dès les prémices de la conception. Bien que le carnet de commandes de JCL Marine soit substantiel, l'entreprise peine à satisfaire la demande, ce qui fragilise sa situation financière.

À l'automne 1974, Chapman sollicite l'aide d'Oliver Winterbottom, dont le contrat chez Lotus arrive à échéance en décembre. Il lui propose de s'investir dans cette nouvelle aventure nautique, sans toutefois lui garantir une embauche au terme de son engagement à Hethel. Chapman a un besoin urgent d'un chef de projet pour le futur JCL Marine Mamba, qu'il souhaite dévoiler au Salon Nautique dès le 1er janvier 1975.

Oliver Winterbottom comprend rapidement les raisons du retard accumulé dans le développement de ce modèle. Déployant une énergie considérable et n'hésitant pas à s'impliquer personnellement, il parvient à répondre aux exigences de Chapman dans les délais impartis. JCL Marine bénéficie de locaux au sein même de l'usine Lotus à Hethel, où Oliver Winterbottom est basé. Chapman a judicieusement sélectionné et affecté à cette structure un certain nombre d'employés Lotus triés sur le volet.

Publicité JCL Mamba - Copyright

Ce défi passionne Oliver Winterbottom. Cependant, collaborer avec Chapman s'avère une tâche ardue. Il est fréquemment contraint de supporter son caractère impétueux, bien qu'il ne soit en aucun cas responsable de ses sautes d'humeur. Après le lancement du JCL Marine Mamba, d'autres projets suivent, mais évoluent dans un climat de travail souvent délétère. Oliver Winterbottom a le sentiment de ne pas être rémunéré à la hauteur de sa contribution. La situation s'envenime, Colin Chapman exige son départ de JCL Marine ...

Malgré les difficultés rencontrées, et avec le recul, Oliver Winterbottom reconnaîtra avoir apprécié cette expérience dans le domaine nautique. Cette étape s'est révélée revigorante pour sa carrière. Il avait fini par s'adapter au changement d'échelle des produits par rapport à l'automobile. Travailler sur l'optimisation du poids et l'esthétique des bateaux, fortement influencée par le design italien, s'est avéré particulièrement stimulant.


Concept Design

Du jour au lendemain, en 1976, Oliver Winterbottom se retrouve sans emploi ni ressources, une situation non anticipée, alors qu'il a une famille à charge. Grâce à une de ses relations, il décroche un entretien chez Rolls-Royce. Cependant, son expérience, qui compte la conception de douze véhicules et bateaux en cinq ans, ne correspond pas aux attentes d'une entreprise dont le rythme de lancement de nouveaux modèles se compte en décennies. Parallèlement, Lotus le sollicite pour des études ponctuelles. Bien qu'il ne soit plus salarié, Colin Chapman veille en coulisses à ce que ces missions se déroulent dans des conditions optimales pour Winterbottom.

Le directeur général et le chef des ventes de JCL Marine ont été licenciés en même temps que lui. Ensemble, les trois hommes envisagent de mettre à profit leur expertise en fondant une nouvelle entreprise de construction navale. Un investisseur se montre intéressé pour soutenir leur projet, dont la stratégie repose sur la sous-traitance afin d'éviter les lourds investissements d'une installation industrielle. La première étape cruciale consiste à séduire le marché américain et à obtenir des commandes assorties d'acomptes pour amorcer l'activité. Néanmoins, les risques financiers s'avèrent trop importants, et le projet est sagement abandonné.

Peu de temps après, un autre contact professionnel de Winterbottom lui signale une opportunité potentielle chez TVR à Blackpool, où un projet est en cours. Martin Lilley est à la tête de TVR depuis 1965, une entreprise établie depuis dix-huit ans. Malgré cette piste, rien de concret ne se finalise. Oliver Winterbottom évoque de nouveau cette situation avec une autre de ses relations professionnelles, qui se trouve connaître Martin Lilley. Une rencontre est alors organisée, suscitant un vif intérêt chez Oliver Winterbottom, tant la réputation de TVR est établie.

Martin Lilley souhaite insuffler un nouveau dynamisme à sa gamme. La série 3000M en production accuse une conception vieillissante, et de nombreux composants sont obsolètes. Face à cette réalité, Lilley n'a pas d'autre choix que de moderniser son offre et de l'adapter aux contraintes croissantes du marché américain en matière de sécurité. C'est dans ce contexte qu'Oliver Winterbottom commence à collaborer avec TVR en tant que consultant, opérant sous le nom de son cabinet de conseil, baptisé Concept Design depuis 1977.


TVR

Chez TVR, sous la direction de Martin Lilley, Oliver Winterbottom travaille sur le projet MAL100, qui aboutira à la TVR Tasmin. Oliver Winterbottom persuade Lilley que la prochaine TVR doit adopter une conception plus moderne, rompant avec les évolutions des modèles précédents, faute de quoi l'entreprise stagnera avant de décliner. Il propose alors un design cunéiforme, rappelant ses créations récentes pour Lotus. Ce dessin marque une rupture radicale avec l'esthétique habituelle de TVR. Néanmoins, pour préserver l'identité de la marque, l'arrière est tronqué, un élément distinctif des premières TVR. Pour mener à bien ce projet, Oliver Winterbottom s'entoure d'une équipe aux compétences variées, recrutant d'anciens employés de Lotus ou débauchant directement des salariés encore en poste.

Pour nommer la nouvelle voiture, deux options sont discutées lors d'un dîner entre Oliver Winterbottom, Martin Lilley et l'importateur américain de TVR, avec l'impératif que le nom débute par un T. La première est Tasman, un clin d'œil à une ancienne série de courses automobiles dont les épreuves étaient disputées de 1964 à 1975 en Australie et en Nouvelle-Zélande, elle-même nommée d'après la mer de Tasman. La seconde est Tamsin, un prénom féminin. Finalement, Martin Lilley propose une fusion des deux : Tasmin.

TVR Tasmin - Source : https://en.wheelsage.org

Bien que son travail principal soit pour TVR, Oliver Winterbottom, en tant que consultant, mène en parallèle quelques projets. Ainsi, en 1978, il travaille sur la conception d'une voiture de sport autrichienne dotée d'un moteur Lotus de 2 litres, aboutissant à la création d'une maquette au 1/5. Cependant, ce projet est finalement abandonné à la fin de l'année.

Oliver Winterbottom participe aussi à une étude initiée par deux étudiants et soutenue par le conseil municipal de Salford, visant à concevoir une voiture pour les personnes en fauteuil roulant. Bien qu'il s'agisse davantage d'une étude de style que d'un véritable concept-car, sans intégration d'ingénierie, le fossé entre l'idée et la réalisation met à rude épreuve la patience de Winterbottom, confronté à des discussions interminables avec des participants ignorant les complexités de l'industrie automobile. Le designer rencontre également des difficultés à se faire rémunérer pour son travail. Un reportage télévisé local présente le prototype comme le premier d'une longue série, mais Winterbottom n'aura plus jamais de nouvelles du projet.

Oliver Winterbottom explore d'autres pistes : il conçoit pour une société de location de camping-cars une extension de toit en fibre de verre qui offre deux couchettes supplémentaires. Cette expérience fait germer l'idée de créer un camping-car complet au design novateur, mais ce projet ne se concrétise pas. Chez TVR, Oliver Winterbottom discute avec Martin Lilley de son engagement en tant qu'ingénieur salarié, envisageant ainsi la fermeture de Concept Design.

Afin de répondre aux normes de sécurité européennes et américaines, la Tasmin subit un crash-test concluant. Elle dépasse les exigences sur la plupart des critères. Le prototype circule en toute discrétion sur route ouverte, une stratégie délibérée d'Oliver Winterbottom pour éviter d'attirer l'attention. Cette approche s'avère efficace, car la TVR Tasmin ne fera l'objet d'aucune annonce de sortie imminente dans la presse. Oliver Winterbottom entretient de bonnes relations avec les policiers responsables de l'autoroute M6 voisine, où se déroulent certains essais. Il les invite même à visiter les ateliers de TVR. Ses visiteurs se montrent sensibles aux défis que représente la création d'une nouvelle automobile.

Oliver Winterbottom apprécie l'atmosphère de travail chez TVR, où l'esprit d'équipe favorise une communication fluide et informelle, sans nécessiter de notes officielles. Les idées et les problèmes sont discutés ouvertement, souvent en fin de journée. Cependant, à l'automne 1979, un désaccord salarial survient entre Winterbottom et Martin Lilley. Ayant gardé des contacts chez Lotus, Oliver Winterbottom accepte une offre de Mike Kimberley et présente sa démission, ce qui contrarie Martin Lilley. Une discussion constructive permet de résoudre le différend. Oliver Winterbottom contacte alors Kimberley pour lui annoncer son retrait de l'offre, malgré son engagement initial. Kimberley, connaissant bien Winterbottom, comprend la situation et accepte son renoncement.

Ford fournit les composants mécaniques, participe au développement et apporte son expertise technique à TVR. La première voiture de pré série sort en novembre 1979. Ce véhicule rouge est utilisé pour les photos de la brochure promotionnelle, réalisées un dimanche matin dans un village de pierre privatisé pour l'occasion. Peu après, la presse spécialisée est invitée à découvrir la Tasmin et se montre impressionnée par ses qualités. La voiture est officiellement dévoilée au Salon de Bruxelles en janvier 1980, avec un V6 de 2,8 litres de 160 ch. Elle atteint 215 km/h.

TVR Tasmin - Copyright

L'accueil chaleureux et les critiques élogieuses de la presse constituent un avantage considérable pour TVR, qui entame les années 1980 avec une voiture attrayante et d'une qualité perçue indéniable. " TVR atteint sa majorité ", titre le magazine Motor, ajoutant que " la Tasmin marque l'accession de TVR au rang des constructeurs automobiles de référence ". Des personnalités influentes du secteur automobile visitent le stand TVR. Bob Lutz, de chez Ford, se montre impressionné par le sérieux de la réalisation et assure que ses équipes resteront disponibles pour toute demande de soutien.

La Tasmin est proposée au prix de 12 800 £, se situant dans la même catégorie tarifaire que l'AC 3000 ME (13 238 £), la Porsche 924 Turbo (13 629 £) ou la Lotus Esprit (14 175 £). TVR monte ainsi en gamme, les modèles précédents de la série M étant commercialisés entre 8 000 et 13 000 £. Le développement se poursuit avec l'étude d'une version cabriolet et d'une configuration 2+2.

En septembre 1980, Oliver Winterbottom apprend que son contrat avec TVR prendra fin pour des raisons économiques. Alors que le cabriolet et le coupé 2+2 doivent être présentés au Salon de Londres en octobre et que l'étude des versions américaines doit débuter, Oliver Winterbottom garde l'espoir d'un revirement de situation. Cependant, la direction de TVR maintient sa décision, et Oliver Winterbottom reprend contact avec Mike Kimberley chez Lotus.

TVR traverse une période délicate. Un stock de 30 voitures invendues de la série M stagne chez le constructeur. De plus, les autorités américaines ont bloqué 25 TVR 3000 S pour des problèmes administratifs. Les banques se montrent peu disposées à aider, et TVR manque de liquidités. Enfin, les ventes de la Tasmin ne sont pas en phase avec les objectifs.

En 1979, TVR avait produit 308 exemplaires de la 3 Litre, dont 140 pour l'exportation. Cependant, en 1980, la Tasmin destinée au marché américain n'est pas encore finalisée. 144 Tasmin sont produites cette année-là. Les livraisons de composants dépassent de loin les besoins de l'entreprise. Pour plusieurs de ces pièces, les engagements se font douze mois à l'avance. Cette situation accentue la fragilité financière de TVR.

TVR Tasmin - Source : https://en.wheelsage.org

TVR n'est pas la seule entreprise touchée, la récession impacte lourdement les constructeurs de petite et moyenne taille. Entre 1979 et 1980, la production chute de manière significative : 53 % pour TVR, 61 % pour Lotus et 82 % pour Triumph. La stratégie de montée en gamme de TVR a entraîné la perte d'une partie de la clientèle habituelle, mais les banques ont insisté sur un prix de vente permettant une marge bénéficiaire suffisante. Pour autant, Oliver Winterbottom peut être fier de son travail : la Tasmin a été développée en seulement 23 mois, contre 37 mois pour la Lotus Elite, et ce avec des ressources plus limitées. Ce modèle et ses dérivés resteront en production pendant douze ans.


Lotus, 2ème période

Au début des années 1980, le tassement du marché des voitures sportives place Lotus dans une situation financière délicate. Afin de surmonter ces difficultés, Colin Chapman envisage de positionner Lotus en tant que consultant. Outre un accord avec De Lorean, la division Lotus Engineering s'engage dans le développement d'une Talbot Horizon Turbo, un modèle étroitement lié à la Lotus Sunbeam. La direction de Lotus n'écarte aucune opportunité de collaboration, même en dehors du secteur automobile traditionnel, ce qui conduit par exemple l'entreprise à concevoir du mobilier et à collaborer avec Norton, le fabricant de motos. Pour ce dernier, Lotus étudie la faisabilité d'un projet automobile baptisé Nora, une auto qui serait propulsée par une version améliorée du moteur rotatif équipant les motos Norton. Avec un poids de 590 kg et une puissance de 90 chevaux, cette sportive aurait pu rivaliser en accélération avec une Volkswagen Golf GTI. Bien que les discussions entre Norton et Lotus se poursuivent, le fabricant de motos doit finalement admettre que son moteur rotatif n'est pas encore techniquement prêt pour une intégration réussie dans une automobile.

L'idée d'une Lotus plus accessible refait surface. L'absence de successeur à l'Elan et la nécessité de compléter les gammes Excel et Esprit avec un modèle plus abordable se font sentir. Colin Chapman envisage de réduire les coûts en s'approvisionnant en composants auprès d'un grand constructeur, à condition que ce dernier puisse proposer des pièces de qualité équivalente aux standards de Lotus, et manifeste un réel intérêt pour la collaboration. Une liste restreinte de partenaires potentiels est établie, principalement composée d'entreprises japonaises. Toyota se distingue comme l'industriel le plus enthousiaste à l'idée de participer à un tel projet.

Bien que des travaux d'études préliminaires aient été effectués, on demande à Oliver Winterbottom de partir d'une page blanche. Évidemment, comme d'habitude, le plus grand secret est requis. Une petite équipe est constituée autour du designer. Le projet reçoit le nom de code M90. La première tâche consiste à définir des spécifications générales. Il s'agira d'une voiture à moteur avant et à propulsion arrière.

Le service commercial de chez Lotus suggère une version 2+2, qui attirera selon ses estimations jusqu'à cinq fois plus de clients qu'une simple biplace. La structure de la voiture est composée d'un cadre en acier, habillé d'une carrosserie en fibre de verre. L'étude porte sur deux versions : ouverte et fermée. Colin Chapman est favorablement impressionné par la Medusa d'Ital Design. Un cap doit être maintenu : faire léger. 

Ital Design Medusa, 1980 - Copyright

Au début des années 80, les pare-chocs enveloppants, intégrant feux et emplacement pour la plaque d'immatriculation, deviennent la norme. Oliver Winterbottom, après avoir cherché sans succès un fournisseur pour les optiques avant et arrière, trouve finalement satisfaction auprès du fournisseur d'Aston Martin Lagonda. Un important travail d'optimisation des flux d'air est mené en soufflerie.

Le 14 février 1982, Colin Chapman et son équipe de direction découvrent la maquette à l'échelle 1. Pour cette présentation, le prototype M90 est exposé aux côtés de modèles concurrents : Triumph TR7, Mazda RX7 et Porsche 924. Colin Chapman, peu impliqué dans le développement jusqu'alors, découvre le premier prototype. Satisfait du travail accompli, il demande uniquement une modification du becquet arrière.

La collaboration avec Toyota se poursuit activement. Oliver Winterbottom et d'autres membres de Lotus se rendent au Japon pour préciser les besoins en pièces. L'accueil des Japonais est chaleureux et très professionnel, témoignant de leur sérieux engagement dans ce partenariat. En septembre 1982, c'est au tour des représentants de Toyota de visiter Lotus. Cette visite, largement médiatisée, constitue un événement majeur pour Lotus, car elle officialise la participation de Toyota au projet M90.

Oliver Winterbottom avec le prototype de la Lotus M90 - Source : https://www.greatbritishsportscars.net

En parallèle, Toyota confie des projets d'ingénierie à Lotus. Cependant, Colin Chapman semble inquiet quant à l'avenir de son entreprise. Le projet De Lorean rencontre des difficultés, les ventes de l'Elite ne sont pas à la hauteur des attentes, les réglementations se durcissent, le développement de la M90 représente un investissement considérable, et American Express, partenaire financier habituel de Lotus, retire son soutien.

Le 16 décembre 1982, la consternation règne chez Lotus : Colin Chapman vient de décéder d'une crise cardiaque à son domicile, à l'âge de 54 ans. Cette nouvelle est un choc immense pour l'ensemble du personnel. Oliver Winterbottom est profondément affecté. Colin Chapman était une figure très dynamique, aux intérêts multiples, allant de la course automobile aux voitures de route, en passant par les bateaux de luxe et les ULM. Technicien hors pair, il s'informait constamment des dernières avancées dans ses domaines de prédilection. Patient, il prenait le temps d'expliquer le raisonnement derrière chaque développement et tirait les leçons de ses erreurs. Il possédait un talent remarquable pour obtenir ce qu'il désirait, sachant à la fois charmer et se montrer ferme toujours dans l'intérêt de son entreprise. Malgré les difficultés et ses accès de colère, il reconnaissait les véritables compétences. Sa mémoire des détails et sa connaissance des affaires mondiales rendaient ses opinions précieuses. Soucieux de la propreté de l'usine et de son environnement, il estimait qu'un cadre de travail soigné était essentiel à la productivité. En gestionnaire avisé, il supervisait attentivement les projets en cours, ne tolérant aucun gaspillage des fonds des investisseurs. Son enthousiasme était contagieux, et il savait comment fidéliser et unir ses équipes.

Colin Chapman - Source : https://alchetron.com

Après la disparition de Colin Chapman, l'avenir de Lotus est plus qu'incertain. L'entreprise se bat pour sa survie, et toutes les pistes d'économies, même les plus insignifiantes, sont explorées. Mike Kimberley succède logiquement à Colin Chapman. Le projet M90 est temporairement suspendu. Toyota apporte un soutien financier crucial à Lotus en lui confiant l'étude d'un moteur V6 et en acquérant une participation dans l'entreprise, témoignant d'un réel respect pour le travail accompli par les équipes de Lotus.

Le projet M90 est rebaptisé X100. Lotus cultive des relations étroites avec la presse spécialisée et autorise le magazine Car à suivre le développement du projet dans la plus grande discrétion. L'objectif est de préparer le lancement commercial de la voiture, qui sera soutenu par un reportage détaillé dans le magazine au sujet du processus de développement de la X100. En décembre 1983, tandis que le l'étude de la X100 se poursuit, Steve Cropley publie dans Car un article élogieux sur Oliver Winterbottom, le présentant comme le responsable du design chez Lotus et le spécialiste des voitures de sport le plus prolifique de Grande-Bretagne, grâce à sa longue expérience sur de nombreux projets.

Afin d'attirer des investisseurs, Lotus met en avant des maquettes de la X100. La finalisation de son étude, la mise en place des outils de production et l'adaptation des infrastructures nécessitent des financements. En février 1984, la X100 effectue ses premiers tests sur la piste d'Hethel, soit trois ans et quatre mois après le lancement de son développement. La X100 est haute de 3,92 mètres (contre 4,18 mètres pour la TR7), large de 1,70 mètre et une haute de 1,19 mètre, pour un poids de 895 kg (comparé aux 1 121 kg de la TR7).

Prototype lotus X100. La pente du pare-chocs est différente de celle de la M90 - Source : https://www.supercars.net

Suite à une analyse précise des coûts de production, le prix de vente est établi à 9 990 £ pour le coupé et 10 490 £ pour le cabriolet. La marge bénéficiaire est plus importante sur la version cabriolet, malgré un coût de production comparable à celui du coupé. La stratégie de Lotus prévoit une production plus importante de cabriolets que de coupés. Des motorisations plus puissantes sont envisagées, de même que différentes options, notamment la direction assistée, la transmission automatique et la climatisation.

Oliver Winterbottom a de quoi être fier de son travail : la voiture se révèle performante, pratique et son coût d'utilisation est raisonnable. En juillet 1984, le prototype est envoyé au Japon. Chez Toyota, qui possède huit studios de design, dédiés chacun à une gamme spécifique, Sam Shimada, le contact de Lotus, demande à Oliver Winterbottom de présenter la voiture aux huit responsables de ces studios. C'est un événement inédit, car jamais auparavant ces différents responsables n'avaient assisté simultanément à une présentation. Oliver Winterbottom ressent la pression en arrivant sur le toit de l'immeuble où doit se dérouler cet évènement, son interlocuteur ayant souligné l'importance de ce moment. Finalement, la présentation se déroule bien, et les commentaires positifs sont nombreux. Quelques suggestions d'améliorations mineures sont formulées, qui risquent cependant de rendre les lignes plus conventionnelles. Oliver Winterbottom interprète néanmoins ces remarques comme un signe encourageant.

Prototype de la Lotus X100 - Source : https://www.supercars.net

En janvier 1985, Oliver Winterbottom apprend que la X100 doit être présentée en interne aux côtés d'une offre concurrente. Un modèle grandeur nature, un coupé deux places à traction avant fabriqué en Italie par CECOMP, est dévoilé. Oliver Winterbottom vit mal cette surprise, se sentant trahi et mis à l'écart d'un projet similaire à la X100 développé en secret. Il y voit un manque de loyauté de la part de son employeur et demande des explications à Mike Kimberley. Sa frustration est compréhensible : il estime avoir accompli un bon travail sur la M100 dans des conditions difficiles, mais ses employeurs semblent lassés par la lenteur de l'étude, allant jusqu'à considérer le projet X100 comme techniquement dépassé. Certains décisionnaires ont privilégié la multiplication des opportunités en consultant des acteurs extérieurs à l'entreprise

Prototype M100 réalisé en Italie par la CECOMP - Copyright

C'est finalement un autre projet qui fera l'objet d'une commercialisation, sous le nom d'Elan M100, mais pas avant l'automne 1989. Oliver Winterbottom fait le choix, une nouvelle fois, de quitter Lotus en 1985.


General Motors

En 1985, Oliver Winterbottom s'installe aux Etats-Unis en tant qu'ingénieur carrosserie pour la General Motors à Detroit, au sein de la division Specialty Vehicle Activity de BOC (Buick, Oldsmobile et Cadillac) dédiée aux véhicules à faible volume, où il assiste John Peck, qui apprécie son expérience européenne dans ce secteur. Ce département gère des modèles comme la Buick Reatta, la Cadillac Allante et les Cadillac à empattement allongé produites par Hess & Eisenhardt.

General Motors confie majoritairement ce type d'études à des sous-traitants. Oliver Winterbottom est responsable du développement de la prochaine Cadillac DeVille Touring, un projet mené en partenariat avec ASC, spécialiste des productions de niche pour les constructeurs américains. Ce projet de version Touring vise à " européaniser " le modèle à succès DeVille produit en grande série à Lake Orion, près de Détroit. Mais il rencontre des difficultés chez ASC en raison de problèmes d'approvisionnement, entraînant un retard et l'apparition de tensions.

Lors de sa commercialisation, la DeVille Touring se différencie de la version standard par un revêtement en plastique gris foncé sur les parties basses de la carrosserie, et par l'ajout de phares antibrouillard, tandis que l'intérieur est garni de cuir et les suspensions sont renforcées. Mais cette voiture ne présente dans les faits aucune caractéristique européenne, sa mécanique et son comportement routier restant inchangés et très éloignés des standards allemands de BMW et Mercedes.

Les équipes en charge de la qualité ont tendance à demander de nombreux prototypes avant de lancer la production, même pour de petits projets de deux ans concernant seulement quelques milliers de voitures. Oliver Winterbottom essaie de persuader ses collègues de simplifier ces méthodes qu'il trouve exagérées, tout en cherchant à améliorer les relations souvent tendues avec les sous-traitants. Il s'appuie pour cela sur son expérience avec les japonais de Toyota, plus enclins à la confiance. Il constate que les salariés de la GM sont convaincus du haut niveau de qualité de leurs propres produits, affichant même un certain mépris pour la concurrence.

Dans le cadre de ses fonctions au sein de la GM, Oliver Winterbottom interagit régulièrement avec les équipes de produits et de vente, la direction, les planificateurs et le service qualité. Pour ses rapports, il apprend les nuances de l'anglais américain, car la précision est essentielle en cas d'enquête judiciaire sur un problème de responsabilité.

Cadillac Deville Touring Car, 1986 - Copyright

Après le lancement de la Cadillac DeVille Touring, l'activité véhicules spéciaux travaille sur une version spéciale de l'Oldsmobile, la 98 Touring Car, qui reçoit une moulure de protection latérale, un aileron arrière et des phares antibrouillard. Dans l'habitacle, les sièges offrent de multiples réglages, les garnitures de portes et la console centrale sont inédites. Le volant, l'instrumentation et les suspensions sont améliorés. La GM produira le modèle de base, puis l'acheminera au prestataire sélectionné parmi cinq fournisseurs en lice pour assure la finition finale. Oliver Winterbottom dirige ce projet.

Après l'examen des offres, ASC est de nouveau choisi, malgré les difficultés passées avec la Cadillac DeVille Touring, car ce fournisseur a tiré les leçons de ses erreurs. Oliver Winterbottom doit convaincre les décideurs de la GM du bien-fondé de cette décision, fort de son expérience, notamment avec Toyota, qui lui a appris qu'un projet doit être bénéfique pour toutes les parties prenantes, sans perdant ni gagnant, mais avec deux gagnants.

Oliver Winterbottom collabore plus que jamais étroitement avec ASC, participant aux réunions de suivi de projet des deux entreprises. ASC implique de nombreux fournisseurs, et les ingénieurs d'Oldsmobile approuvent toutes les fournitures, telles que les moulages latéraux, les sièges et la console centrale. L'Oldsmobile 98 Touring est produite à 8 531 exemplaires en 1988 et évolue en Regency Touring Sedan en 1989 et 1990.

Oldsmobile 98 Touring Sedan, 1988 - Copyright

Le visa de travail d'Oliver Winterbottom expire en février 1986, et l'arrêt de la délivrance de visas par l'immigration américaine signifie que ni lui ni sa famille ne pourront retourner aux États-Unis en cas de départ.

Au printemps 1986, Toyota présente la troisième génération de Supra. Oliver Winterbottom remarque des similitudes avec le prototype de la Lotus M90/X100, mais avec des dimensions plus importantes et un design moins radical. Cela le flatte de voir ses idées reprises par le constructeur japonais ... Cette génération, produite à plus de 1,3 million d'unités, restera au catalogue Toyota jusqu'en 1993. En janvier 1986, la General Motors rachète Lotus Cars. La transaction ne concerne pas l'écurie de course, qui conservera son indépendance jusqu'à sa disparition en 1994. C'est évidemment une surprise pour Oliver Winterbottom.

Toyota Supra - Copyright

La GM met en place de nouvelles règles interdisant les heures supplémentaires. Cela pose un problème à Oliver Winterbottom qui travaille habituellement 10 à 15 heures de plus que la semaine réglementaire de 40 heures pour subvenir aux besoins de sa famille. Cette situation remet en cause l'accord initial. Les règles au sein de la GM sont simples. Faite le travail, mais vous ne recevrez aucun paiement pour les dépassements horaires. Face à cette situation, sa hiérarchie cherche une solution. En mai 1986, Oliver Winterbottom est transféré dans un autre département où les heures supplémentaires sont encore autorisées en raison d'un retard sur un projet, en l'occurrence celui de la prochaine génération de Cadillac DeVille. Il constate que les heures supplémentaires se multiplient avec l'avancement de ce projet dans lequel il ne se plaît guère. Il connaît paradoxalement des périodes d'inactivité lorsque l'étude retourne aux stylistes. Oliver Winterbottom s'ennuie au travail, mais si son département cesse les heures supplémentaires, ce droit sera définitivement supprimé. Il doit donc maintenir sa présence à son poste ...

Oliver Winterbottom contacte plusieurs employeurs potentiels, notamment Tony Rudd, un ingénieur de Lotus, pour savoir s'il connaît des opportunités d'emploi parmi ses relations à travers le monde. Tony Rudd le rappelle et l'invite à dîner lors de sa prochaine visite à Détroit. Il lui indique que son retour chez Lotus serait apprécié. Oliver Winterbottom accepte l'offre financière qui lui est faite et quitte la GM pour prendre ses nouvelles fonctions en Angleterre en septembre 1986. Avec le recul, Oliver Winterbottom jugera son expérience au sein de la GM enrichissante, bien qu'elle ait contrasté fortement avec ses expériences précédentes chez TVR et Lotus, où les processus décisionnels étaient plus rapides.


1986, Lotus, 3ème période

De retour chez Lotus en septembre 1986, Oliver Winterbottom découvre une entreprise métamorphosée pendant les dix-huit mois qu'il a passé aux Etats-Unis. Le nouveau propriétaire, la General Motors, impulse d'ambitieux projets d'expansion, tant au niveau des produits que des usines, tout en promettant de ne pas être trop interventionniste au quotidien. Cette autonomie permet à la division ingénierie de mener à bien les contrats engagés avec d'autres constructeurs. La GM mise sur cette approche pour préserver la motivation du personnel, fidéliser les salariés et conserver leur expertise. En effet, la réputation de Lotus repose essentiellement sur les intuitions et le flair de ses équipes.

Oliver Winterbottom supervise les chantiers en cours concernant les produits Lotus. A son arrivée, l'événement majeur est la finalisation de l'étude de la nouvelle Lotus Esprit, désignée sous le code projet X180. Peter Stevens a dessiné une nouvelle carrosserie, mais le projet stagne. Mike Kimberley demande alors à Oliver Winterbottom de prendre personnellement la direction des opérations. La nouvelle Esprit est lancée au Salon de Londres en 1987 et rencontre un succès immédiat. Par la suite, Oliver Winterbottom se consacre à des questions de sécurité, notamment au développement des airbags pour l'Esprit et la future Elan. Cette démarche répond à une exigence imposée par la législation américaine, qui évolue vers des normes plus strictes. L'Esprit sera équipée de ces dispositifs en août 1989.

Lotus Esprit (X180) par Peter Stevens - Source : https://en.wheelsage.org

En novembre 1988, Oliver Winterbottom prend la direction du projet Opel/Lotus, dont l'objectif est la production d'une berline haute performance dérivée de l'Opel Omega (Vauxhall Carlton chez Vauxhall). Oliver Winterbottom mène de front plusieurs initiatives : la mise au point de la Lotus S4, le développement de l'Esprit X180R, une série limitée allégée et dotée d'un arceau de sécurité destinée au marché américain, et les travaux sur les airbags. Concernant cette dernière technologie, Lotus commercialise son expertise auprès d'autres constructeurs, dont Opel.

En juin 1992, face à un manque de rentabilité, Lotus stoppe la production de l'Elan. Bien que les ventes soient satisfaisantes, le marché américain ne génère pas les revenus escomptés. L'Elan y est proposée à un prix légèrement inférieur à celui d'une Corvette. De plus, la concurrence des sportives japonaises s'intensifie. Au Royaume-Uni, l'Elan est vendue à perte. Des licenciements sont planifiés. Parallèlement, General Motors cherche à se retirer de Lotus. Adrian Palmer succède à Mike Kimberley à la direction de Lotus.

Opel Omega Lotus - Source : https://en.wheelsage.org

Sous cette nouvelle direction, Oliver Winterbottom prend la responsabilité de l'ingénierie des produits Lotus. Il est chargé d'élaborer une planification stratégique à cinq et dix ans. Face au vieillissement de l'Esprit et à l'arrêt de production de l'Elan et de l'Excel, Oliver Winterbottom estime qu'un constructeur automobile, particulièrement de la taille de Lotus, doit impérativement réduire le nombre de plateformes afin de maîtriser ses coûts de développement. C'est dans cette optique qu'Oliver Winterbottom initie son plan produit en s'appuyant sur une plateforme modulaire.

En mars 1993, Oliver Winterbottom se déplace en Italie pour présenter l'expertise de Lotus en matière de sécurité à des clients potentiels. Il visite notamment Bugatti, qui produit l'EB 110 depuis un peu plus d'un an. Un mois plus tard, Mario Barbieri, vice-président de Bugatti, se rend à Hethel. Sa visite a pour objet une proposition de rachat de Lotus par Romano Artioli, l'homme à l'origine de la relance de Bugatti. Fort de ses liens avec General Motors en tant qu'importateur Opel pour l'Italie, Romano Artioli a ses entrées à la General Motors.

Dans un premier temps, Oliver Winterbottom perçoit Bugatti comme une entreprise partageant les mêmes valeurs fondamentales de Lotus. Il note son engagement envers l'excellence en ingénierie et son assise financière apparemment solide. Oliver Winterbottom nourrit de grands espoirs quant à la capacité de Bugatti à investir dans la modernisation de Lotus. Le 28 août 1993, General Motors cède officiellement Lotus à Bugatti. Une réception somptueuse est organisée à Hethel pour marquer cet événement.

Oliver Winterbottom est invité à exposer la stratégie produit de Lotus au nouveau propriétaire. Immédiatement, Romano Artioli écarte toute proposition de voitures à moteur central, un concept qu'il considère obsolète. Il affirme que Lotus produira désormais une voiture à moteur avant. Oliver Winterbottom s'inquiète de ce que Artioli ne semble pas vouloir soutenir le projet de remplacement de l'Esprit, fleuron de Lotus depuis plusieurs années. Il met de côté son plan initial et entreprend, comme demandé, l'étude d'une sportive 2+2 à moteur V8 avant. Les travaux progressent sur la planche à dessin, mais Oliver Winterbottom a perdu ses repères. Il ne sait plus très bien pour qui il travaille, Lotus ou Bugatti.

Adrian Palmer s'inquiète du moral des équipes suite à l'arrêt de l'Elan et au départ de la General Motors. Julian Thomson et son équipe de designers présentent au personnel les projets en cours, cherchant ainsi à démontrer la pérennité de l'entreprise. Oliver Winterbottom s'étonne de la présentation au personnel d'études aussi préliminaires.

De manière inattendue, l'Elan est remise en production dans une version S2, permettant au moins d'utiliser les moteurs Isuzu encore en stock. Chez Lotus, rien ne se perd : après la production de la S2, les droits et l'outillage de la voiture sont cédés au constructeur coréen Kia. Oliver Winterbottom redoute un impact négatif sur l'image de Lotus si Kia décidait d'exporter sa propre version en Europe. Cependant, Kia rencontre d'importantes difficultés de production. Les quelques exemplaires fabriqués sont distribués en Corée avant l'abandon du projet.

Kia Elan - Source : https://en.wheelsage.org

Lotus dévoile l'Elise au Salon de Francfort en 1995, et sa production en série débute en juin 1996. Ce modèle représente un élément central pour l'avenir du constructeur. Outre son design attrayant, sa légèreté suscite un vif intérêt auprès de la presse. Lotus prévoit de vendre au maximum 750 exemplaires par an. L'Elise est un succès retentissant.

L'ambitieux Romano Artioli rencontre des difficultés financières avec l'EB 110. Le pessimisme gagne de nouveau les équipes de Lotus. Les investissements sont freinés, et les projets d'amélioration des produits sont bloqués par manque de fonds. Aucune remplaçante n'est prévue pour l'Esprit, qui demeure le seul modèle homologué et commercialisé aux États-Unis.

Finalement, Romano Artioli revend Lotus au constructeur malaisien Proton. Une nouvelle dynamique se met en place avec le recrutement d'un nouveau directeur général, Chris Knight. Durant l'hiver 1997, celui-ci élabore une nouvelle stratégie avec ses cadres, qui passe malheureusement par un programme de licenciements. De manière plus anecdotique, pour renflouer les finances, Lotus se sépare de quelques voitures emblématiques de son histoire, qui auraient pu constituer la base d'un musée. Le prototype M90 est notamment vendu. Lassé de cette situation, Oliver Winterbottom démissionne et quitte Lotus en août 1998.


Norfolk Automotive Limited

Oliver Winterbottom est passionné par son métier. Être au cœur du processus créatif le motive profondément. Cependant, il ne supporte plus les interminables réunions de direction. Il envisage avec son épouse différentes alternatives : ouvrir un pub, créer une agence de voyage spécialisée dans le luxe, développer une affaire dans l'immobilier en France ... Mais après analyse, aucun de ces projets n'est vraiment engagé. Sa famille l'incite à renouer avec l'automobile, mais en tant que consultant. Oliver Winterbottom fonde alors Norfolk Automotive Limited. Ses activités sont très diversifiées, et ses clients viennent de tous horizons. Il compte notamment des clients chinois, ce qui le conduit à travailler dans ce pays. Ses travaux portent notamment sur le développement des voitures électriques. L'un de ses clients est SAIC.

Il prend sa retraite en 2009 et habite dans la modeste maison qu’il a lui-même conçue dans le Norfolk.


Fréquemment sollicité pour des événements de clubs Lotus, Oliver Winterbottom est un invité de marque. Il a notamment été la personnalité VIP des festivités du 70ème anniversaire du constructeur à Hethel en septembre 2018. D'une nature modeste et discrète, il s'étonne toujours d'être reconnu. Il est touché par l'enthousiasme suscité par son travail.

Oliver Winterbottom décrivait lui-même son parcours professionnel comme excitant, frustrant, épuisant, inquiétant, déprimant, mais surtout exaltant. Il a débuté sa carrière avec des méthodes et des outils hérités de l'époque victorienne pour la terminer en exploitant toute la puissance de l'informatique. Durant près de cinq décennies, il a constamment dû s'adapter et apprendre.

Il décède le 6 novembre 2020.

Principale source : A life in car design, Jaguar Lotus TVR, par Oliver Winterbottom, 2017

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