TVR
Copyright. Ce site est gratuit et sans publicité. Je n'en retire aucun bénéfice financier. C'est le fruit d'une démarche totalement désintéressée. Si vous êtes détenteur d'un copyright non mentionné, je vous invite à me contacter. Ce fait est involontaire. Le document en question sera immédiatement retiré. Merci donc pour votre indulgence, pour ce qui n'est qu'un travail amateur. Plusieurs manières d'aborder un sujet aussi complexe que l'histoire des automobiles TVR étaient envisageables : par époque, par famille de modèle, par type de motorisation, par propriétaire de l'entreprise ... C'est cette dernière qui a été retenue, cinq dirigeants s'étant succédés en près de six décennies. Le choix a été fait de ne pas s'intéresser à l'histoire de la marque en compétition, même si certains modèles doivent beaucoup à l'engagement de TVR dans ce domaine. Epoque Trevor Wilkinson, 1947/1962
Trevor Wilkinson Epoque Bernard Williams, 1962/1965
Départ de Trevor
Wilkinson Epoque Martin Lilley, 1965/1981
Martin Lilley Epoque Peter Wheeler, 1981/2004
Peter Wheeler Epoque Nikolai Smolensky, 2004/2006
Nikolai Smolensky Epoque Trevor Wilkinson, 1947/1962 Trevor Wilkinson naît en mai 1923 à Blackpool, station balnéaire du nord-est de l'Angleterre. A 14 ans, il entre en apprentissage au garage Renault de sa ville de naissance.
Trevor Wilkinson. Copyright A 23 ans, en 1946, Trevor Wilkinson utilise l'argent donné par son père pour acquérir un ancien atelier de charron et fonde Trevcar Motors. Il y restaure des camions réformés pour un usage civil, s'occupe de quelques voitures de sport et même des manèges du parc d'attractions de Blackpool. En 1947, année où Ferrari voit le jour, il crée TVR Engineering (TreVoR) avec son premier employé, Jack Pickard, un ancien apprenti de Rolls-Royce qui se révèle être un excellent metteur au point malgré certaines lacunes techniques. L'équipe s'agrandit avec l'arrivée de Les Dale, un tôlier qui rêve de dessiner des automobiles. Pour l'instant, la petite entreprise ne produit que des modèles uniques, des " spéciales ". L'équipe se débrouille tant bien que mal, et les premières réalisations tiennent davantage de l'amateurisme éclairé que du professionnalisme pur. Cependant, l'époque est à l'ingéniosité, et les trois hommes ne manquent ni de volonté ni d'ambition. Contrairement à la plupart des artisans de l'époque qui se contentent de poser une belle carrosserie sur un châssis existant et souvent dépassé, Wilkinson prend le soin de concevoir une structure tubulaire innovante, remarquable par sa rigidité exceptionnelle. La première TVR, datant de 1947, est conçue à partir d'une mécanique Alvis. Un second modèle est fabriqué en 1949, propulsé par un moteur Ford 1 172 cm³ provenant d'une Prefect 100 E. Deux autres voitures sont produites en 1950 et 1951, portant le nombre total de TVR construites à quatre exemplaires. Les premières carrosseries sont réalisées en tôle, mais ce matériau est rapidement abandonné en raison de son coût trop élevé pour une production en série. TVR préfère alors adopter le polyester. La première TVR produite en petite série voit le jour en 1954. La Sports Saloon est assemblée à une vingtaine d'exemplaires jusqu'en 1956. Les principes de construction qui deviendront la marque de fabrique de TVR sont établis : une carrosserie en fibres de verre est fixée sur un châssis tubulaire en acier, et le client a la possibilité de choisir son moteur parmi les modèles Ford 100 E, MG TF 1500, MGA, Austin A40 ou Lea Francis. En 1955, Ray Saidel, un importateur américain de voitures de sport européennes et l'un des premiers clients de TVR, est intrigué par le travail de Trevor Wilkinson. Il lui demande de concevoir un nouveau châssis adapté à un moteur Coventry Climax. Ce projet aboutit à la Jomar, un nom formé à partir des prénoms des enfants de Saidel (John et Marc, ou Joanna et Margarett selon une autre source). Initialement dotée d'une carrosserie ouverte en aluminium, la Jomar se fait remarquer sur quelques circuits américains. Cependant, cette brève popularité ne suffit pas à attirer une clientèle nombreuse, avec seulement neuf exemplaires vendus : trois en version "racer" et six en coupé. Simultanément, Ray Saidel devient agent pour TVR.
Jomar. Copyright De nouveaux partenaires financiers Au milieu des années 50, TVR traverse ses premières difficultés financières, en partie dues aux investissements réalisés pour la production de carrosseries en polyester. Wilkinson, confiant ses problèmes à l'un de ses clients, réussit à susciter son intérêt pour l'entreprise. C'est ainsi que Bernard Williams, propriétaire de Grantura Plastique, une société voisine, prend en charge les dettes de TVR en échange d'une participation. Il assume également le rôle de directeur commercial. Un certain Fred Thomas apporte aussi son soutien, et gère les finances. Début 1956, Wilkinson se sépare de ses anciens ateliers de Baverley Grove, devenus trop petits, et installe son entreprise dans une nouvelle zone industrielle près de Blackpool. Le véritable tournant qui propulse TVR d'une production artisanale à une échelle plus industrielle vient de Ray Saidel. Il transmet à Wilkinson et à Pickard plusieurs suggestions qui servent de base au développement de la première véritable TVR de série. La Grantura apparaît en 1958 et représente une évolution naturelle de la Jomar, avec une ligne de carrosserie qui s'est affinée au fil du temps. Il s'agit d'un petit coupé doté d'une carrosserie en polyester et d'un pare-brise de Ford Consul. L'accès au coffre, de taille modeste, se fait par l'intérieur de l'habitacle.
TVR Grantura (Mk 1, appellation rétrospective) avant le premier lifting. Copyright Le châssis est de type tubulaire. Les suspensions proviennent de Volkswagen, les freins d'Austin Healey, et la direction de chez Ford. La voiture est conçue pour accueillir un moteur Coventry Climax de 1 098 cm³, mais son compartiment moteur accessible permet également d'intégrer facilement des mécaniques Ford ou MGA. Les premières voitures sont, comme prévu, envoyées aux États-Unis à Ray Saidel. Une centaine de Mk 1 sont construites et proposées à la vente soit entièrement assemblées, soit en kit, une option fiscalement avantageuse à cette époque en Angleterre. L'atelier initial a été remplacé par une usine plus grande, rendant envisageable une production en petite série. Cependant, chez TVR, le succès les dépasse rapidement, et le constructeur se révèle incapable de répondre à la demande. Seulement 25 voitures sont produites en 1958, et de nombreux clients, lassés par des délais qui s'allongent, préfèrent annuler leur commande. De plus, la qualité de fabrication ne correspond pas aux attentes, et les concurrents de TVR sont plus avancés sur ce point. Même Ray Saidel doit faire face à la colère de ses clients et choisit d'interrompre sa collaboration avec TVR. Les comptes sont dans le rouge. Fred Thomas décide de quitter le groupe, tandis que John Thurner, un ancien ingénieur de Rolls-Royce, rejoint l'équipe en tant que responsable technique. Avec l'arrivée de nouveaux investisseurs, Wilkinson perd progressivement une partie de ses responsabilités de dirigeant, au point qu'il devient difficile de savoir qui dirige réellement l'entreprise. La fin des années 50 et le début des années 60 sont une période pleine de changements chez TVR. De nouveaux investisseurs se manifestent, contribuent au développement des ventes aux Etats-Unis, engagent TVR en compétition, mais sans assurer la pérennité de l'entreprise. Finalement, c'est Grantura Engineering Ltd, la société dirigée par Bernard Williams qui fournit les composants équipant les TVR, qui reprend l'affaire en main. TVR change de nom et devient simplement Grantura Engineering. La Grantura évolue dans une version Grantura Mk 2 qui gomme les principaux défauts de la première version. Environ 400 exemplaires sont produits de 1960 à 1962.
TVR Grantura MK 2. Copyright Epoque Bernard Williams, 1962/1965 En 1962, Trevor Wilkinson quitte définitivement la direction de son entreprise, au moment où la mode des " kit cars " connaît son apogée en Angleterre. Il n'est plus dès lors qu'un simple consultant pour la société qu'il a fondée quinze ans auparavant. Ensuite, il se désengage complètement de TVR en vendant ses parts, pour créer une nouvelle entreprise spécialisée dans la fabrication de bennes à ordures. Un plan de sauvetage est mis en place par Bernard Williams et Arnold Burton, héritier de la marque de vêtements du même nom. C'est au Salon de New York en avril 1962 qu'est présentée la Grantura Mk 3. Le nouveau châssis est plus long et plus rigide, avec un empattement qui atteint 2,17 mètres. Il servira de base à toutes les TVR jusqu'en 1972. La grille de calandre est positionnée plus haut. De série, la Grantura Mk 3 est livrée avec le moteur 1 622 cm³ de la MGA, mais en option, l'acheteur peut choisir le Ford 109E de 1 340 cm³ ou le Coventry Climax de 1 216 cm³. La Mk 3 est produite à 90 exemplaires. En 1964, tout comme la Griffith, elle perd ses petits ailerons et adopte un arrière tronqué orné des feux ronds de la Ford Cortina.
TVR Grantura MK 3. Copyright Trois Grantura équipées de moteurs MGB courent à Sebring en 1962. Parallèlement, deux des pilotes de l'équipe confient leur voiture personnelle aux soins du garage new-yorkais de Jack Griffith. L'une est une Cobra Shelby, l'autre une Grantura Mk 3 de 1962. Un jour, les mécaniciens de Jack Griffith décident de tester si le V8 Ford 289 de la Cobra peut s'adapter à la TVR. A leur grande surprise, ils constatent que c'est possible. Griffith entrevoit le potentiel d'une telle transformation si elle est réalisée de manière plus sérieuse. Il communique cette idée à Blackpool, en leur demandant de lui construire une Grantura avec la motorisation de la Cobra, qu'il se chargera de vendre aux Etats-Unis. Toujours en quête de liquidités, TVR accepte, et la nouvelle voiture, la TVR Griffith, est commercialisée en 1963. Elle est fabriquée exclusivement pour l'exportation jusqu'en 1965, année où les ventes en Angleterre débutent à petite échelle. Une autre version de cette histoire raconte qu'un concessionnaire TVR nommé Jack Griffith déjeune un jour avec Caroll Shelby et affirme que le moteur de l'AC Cobra, née de la volonté de Shelby, pourrait également s'intégrer dans le compartiment moteur de la Grantura Mk 3 qu'il possède, surpassant ainsi la Cobra en performances. Il tente l'opération sans succès sur sa propre Grantura. Têtu, il commande à TVR un châssis sans moteur ni transmission. En adaptant les suspensions et en modifiant légèrement le châssis, il parvient à ses fins. La Grantura s'en trouve totalement transformée. Basée sur la Grantura Mk 3, la Griffith est équipée d'un V8 de 4 727 cm³. Ce moteur est disponible en deux configurations : de série avec 195 ch et en version " haute performance " avec 271 ch. La Griffith originale, connue sous le code 200, manque de perfection dans son développement et souffre notamment d'une tendance à la surchauffe. La Griffith 400, présentée au Salon de New York en avril 1964, est plus aboutie sur le plan technique. Toujours en 1964, la Griffith perd ses petits ailerons au profit d'un arrière tronqué qui hérite des feux ronds de la première Ford Cortina. TVR expédie cinq voitures chaque semaine sans moteur à Griffith, qui termine l'assemblage sur place. D'autres Griffith destinées au marché européen sont entièrement montées à Blackpool. Ce modèle acquiert une assez mauvaise réputation en raison de nombreux problèmes de fiabilité et d'une qualité de construction jugée médiocre. Une grève des dockers américains de la côte Est met fin à sa carrière. Après une production d'environ 300 exemplaires, la Tuscan la remplace en 1967.
TVR Griffith V8. Copyright En 1964, une nouvelle version de la Mk 3, la 1800 S, adopte le 4 cylindres 1 798 cm3 de 98 ch de la nouvelle MGB. Elle est fabriquée en 133 exemplaires.
Similitude d'aspect pour les TVR Griffith 200 V8 et la TVR Mk III 1800 S. Copyright En 1965, TVR produit une véritable voiture de grand tourisme, la Trident, qui est présentée au Salon de Genève. Les lignes de ce luxueux coupé 2 + 2 sont dessinées par Trevor Fiore (de son vrai nom Trevor Frost), tandis que la construction des carrosseries est confiée à Fissore. L'étude initiale remonte à 1963, lorsque Trevor Fiore tenta de convaincre les dirigeants de TVR de son projet. Cependant, entre le croquis réalisé sur une serviette de table dans un pub et la présentation du prototype, deux années s'écoulent. Ce dernier comporte d'ailleurs plus de pièces italiennes provenant d'Alfa Romeo et Fiat que d'éléments d'origine britannique. Quatre voitures sont produites chez TVR en 1965 : trois coupés et un cabriolet.
La TVR Trident au Salon de Genève 1965. Copyright Cependant, cinq mois plus tard, TVR est de nouveau placé en liquidation, et l'usine ferme ses portes pendant quelques mois. Comme mentionné précédemment, des problèmes de trésorerie surviennent en raison d'une grève prolongée des dockers américains qui bloque l'exportation des Griffith et Grantura.
Extrait d'une gamme TVR. Copyright Martin Lilley, le nouveau repreneur, choisit de ne pas s'intéresser à ce type de voiture de luxe. Bill Last, un concessionnaire TVR du Suffolk, rachète à Fissore les moules de la carrosserie en fibre de verre de la Trident et reprend le projet à son compte. Il crée une entreprise pour assurer une production à petite échelle. La Trident, qui devient une marque à part entière et non plus un simple modèle, est équipée du V8 Ford 289 identique à celui de la Griffith (4 727 cm³, 195 ch) et se présente sous forme de coupé ou de cabriolet. Une trentaine d'exemplaires sont vendus jusqu'en 1969. Ces actions sont mal perçues chez TVR, et le nom de Bill Last est retiré de la liste des concessionnaires de la marque. Il est important de souligner qu'il n'y a jamais eu la moindre relation technique ou commerciale entre TVR et Trident.
La Trident. Copyright Epoque Martin Lilley, 1965/1981 Grantura Engineering, la nouvelle désignation de TVR depuis 1962, connaît à son tour des difficultés financières. Bernard Williams jette l'éponge en 1965, et l'entreprise se retrouve en faillite. Un nouveau repreneur, Martin Lilley, concessionnaire TVR et Lotus (il n'a alors que 23 ans), et son père Arthur entament une période de rationalisation de la production, sans que la marque ne perde son âme ni son esprit créatif. Une nouvelle société est créée le 30 novembre 1965 : TVR Engineering Ltd. Jusque-là, Martin Lilley préparait des voitures pour la course durant son temps libre, notamment des Lotus, et il étudiait l'ingénierie automobile à l'université. Lilley est le premier client en Grande-Bretagne à faire l'acquisition d'une Griffith, avec laquelle il s'engage dans plusieurs courses. Sa Griffith 400 personnelle est en réparation à l'usine quand la débâcle est annoncée. Martin Lilley ne veut pas perdre sa voiture lors d'une éventuelle liquidation, mais surtout son père Arthur, qui est déjà actionnaire, ne veut pas voir réduire à néant la valeur de sa participation dans l'entreprise. La nouvelle équipe relance la vente de la Grantura Mk 3 1800 S dès 1965, et propose la Mk 4 l'année suivante.
Martin Lilley en 1980 lors du lancement de la Tasmin. Copyright Martin Lilley étudie les différentes possibilités de moderniser l'image de TVR, d'élargir les débouchés, d'apporter de la stabilité à l'entreprise en démocratisant l'offre produit. Avec Trevor Fiore, ils se mettent à la recherche d'une voiture qui pourrait servir de base à l'étude d'un cabriolet 2 + 2. L'Hillman Imp retient leur attention. Un premier prototype dénommé Tina est présenté au Salon de Turin en novembre 1966 sur le stand Fissore. Il s'agit d'un cabriolet avec des phares avant placés au fond de renfoncements fermés par une paroi transparente en plexiglas. Il est fabriqué en acier, mais sa production en série doit être envisagée en fibres de verre. Ce nom constitue un clin d'œil à la clientèle féminine, mais c'est aussi une façon de remercier l'un des principaux distributeurs TVR aux États-Unis, Gerry Sagerman, dont la fille se prénomme... Tina. Le badge apposé sur l'auto est emprunté à une Ford Cortina. Les trois premières lettres sont tout simplement amputées. TVR demeure un artisan qui bricole avec les moyens du bord ! Pour l'instant, ce prototype ressemble plus à un grand jouet qu'à une voiture sérieuse, et dans l'état avec ses feux sous globe il ne peut pas répondre aux normes de sécurité du marché américain.
La première TVR Tina présentée à Turin en 1966. Copyright Après le Salon de Turin 1966, la Tina est retirée de la vue du public pendant un an, puis elle fait son retour au Salon de Paris 1967 sous la forme d'un coupé qui rappelle la Trident, puis de nouveau au Salon de Londres avec le même coupé et une version spider. Sur le stand, ces deux versions rejoignent le châssis nu de la Tuscan V8 et la nouvelle Vixen. Par rapport au premier prototype de 1966, la face avant est totalement redessinée. Le spider a quatre petits phares ronds, et le coupé deux phares larges. Les deux Tina sont équipées d'un moteur arrière Hillman Imp Sport de 875 cm3. Le magazine l'Auto Journal annonce déjà un prix de vente d'environ 19 000 francs, proche de celui d'une Triumph TR5 PI ou d'un coupé Peugeot 404.
TVR Tina Spyder et Coupe 2 + 2. Copyright Le public est séduit par le dessin de la Tina, et le carnet de commandes se remplit sans difficulté. Un tarif est annoncé. Certains clients sont même disposés à verser des acomptes pour réserver une voiture. Martin Lilley est persuadé qu'une telle sportive économique est en mesure d'assurer un volume d'activité suffisant et de bons résultats financiers, afin de s'éloigner définitivement des crises à répétition qui émaillent l'existence de TVR.
TVR Tina Coupe 2 + 2. Copyright Cependant, un problème majeur persiste, un souci récurrent chez TVR : la capacité à répondre à une telle demande avec de faibles moyens industriels. Les clients commencent à s'impatienter, l'usine est submergée de réclamations. A Blackpool, on n'a absolument pas les moyens de produire la Tina à grande échelle. La seule solution envisageable passe par de la sous-traitance. Jensen, constructeur à part entière mais également industriel au service de grands constructeurs automobiles (ayant notamment pris en charge la production des Volvo P1800 dès 1960), est sollicité. Mais celui-ci décline la proposition de TVR, considérant que les faibles volumes envisagés pour la Tina ne permettraient pas d'amortir les investissements nécessaires. Chez Aston Martin, l'intérêt n'est pas plus grand. Pour Hillman, qui fournit le moteur, il n'est pas question d'aider une marque qui pourrait concurrencer la Sunbeam Alpine, produite par le même groupe. De plus, Hillman n'a pas l'habitude de fabriquer des carrosseries en fibres de verre, et il n'est même pas la peine d'envisager l'acier, jugé trop lourd. Pire encore, et cela ne peut que tuer définitivement le projet, TVR se heurte au problème de la fourniture du moteur par Hillman. A cette époque, Chrysler, le nouveau dirigeant, ne veut plus entendre parler de ce type d'alliance. Faute de Tina, Lilley se replie sur sa bonne vieille Grantura (une désignation qui n'est plus officiellement utilisée), en la faisant de nouveau évoluer dans une version Mk 4 1800 S à moteur MGB, mieux finie et dotée d'un plus grand réservoir de carburant. Mais cette ultime version ne convainc plus grand monde en Europe, et encore moins aux Etats-Unis. En 1967, après une production de 74 exemplaires, elle est remplacée par la Vixen. Toujours en 1967, les TVR sont importées en France. Une 1800 S Mk VI est affichée à 25 000 francs, et une Tuscan V8 à 39 000 francs. A titre de comparaison, une Matra Jet 6 vaut 22 800 francs et une Alpine 1300 S pas moins de 27 200 francs.
TVR 1800 S. Copyright En octobre 1967, au Salon de Londres, la Vixen S1 succède à la Mk 4 1800 S. Le moteur MGB est remplacé par une mécanique Ford 1 599 cm3 de 90 ch Din, identique à celle utilisée sur la Cortina GT. L'époque où Lilley devait payer les moteurs MG avant de les recevoir est révolue. Ford UK se montre plus conciliant avec son moteur, qui s'avère par ailleurs bien adapté pour recevoir diverses préparations. Afin d'écouler le stock de moteurs MGB, une douzaine de Vixen sont toutefois équipées de ces mécaniques. Le moteur Ford, produit à plus grande échelle, permet à TVR de réduire son prix de vente. Le châssis, constamment amélioré, s'avère toujours aussi efficace et fait de la Vixen, avec son poids plume de 770 kg, une voiture bien plus maniable que sa concurrente directe, la MGB. La Vixen S1 conserve les feux ronds de la Cortina. Ses dimensions demeurent compactes : 3,59 mètres de long, 1,22 mètre de haut, sur un empattement de 2,22 mètres. Un total de 117 Vixen S1 sont produites.
TVR Vixen S1. Copyright La Vixen S2 est présentée au Salon de Londres en 1968. Elle dispose d'un nouveau châssis allongé de 7 cm qui profite à l'accessibilité (portes plus longues) et à l'habitabilité, le même que celui de la Tuscan, ce qui permet de répondre à une partie des critiques communément formulées à l'encontre des TVR. Le moteur demeure celui de la Cortina GT. Quelques modifications esthétiques et d'équipement permettent de distinguer la S1 de la S2, notamment ses feux arrière empruntés à la Cortina Mk 2. Désormais, la carrosserie est boulonnée au châssis, ce qui autorise une meilleure accessibilité aux organes mécaniques. 438 Vixen S2 voient le jour de 1968 à 1970, ce qui constitue une très bonne performance pour la marque. TVR renoue avec une situation financière stable. Une nouvelle fois, l'usine déménage vers de nouveaux locaux plus grands situés Avenue de Bristol à Blackpool. Cela sera la dernière adresse de TVR, jusqu'à la disparition de la firme.
TVR Vixen S2. Copyright Lilley propose une évolution S3 en octobre 1970, équipée d'un 1600 cm³ de 92 ch emprunté à la Ford Capri. Il en est fabriqué 165 exemplaires. L'éphémère Vixen S4 est déjà dotée du châssis de la future Série M. On ne compte que 23 exemplaires pour cette S4, dont 22 produits en 1972 et 1 en 1973. La carrière de la Vixen s'achève avec les 1300 et la 2500, qui, si elles ne portent pas le nom de Vixen, utilisent pour le moins sa carrosserie. La Série M, dévoilée en juin 1972, succède à la Vixen. TVR demeure encore un petit constructeur, avec environ 400 voitures fabriquées par an. Produite à seulement 15 exemplaires en 1972, la 1300 tente de se faire une place sur le marché des coupés économiques, type Triumph Spitfire. D'ailleurs, cette 1300 lui emprunte son moteur 1 296 cm³ de 63 ch. Ses piètres performances limitent son succès commercial. Les six derniers exemplaires sont fabriqués sur le châssis de la future Série M. L'ultime TVR 1300 est même équipée du châssis et de la carrosserie de la Série M. Ce modèle, qui est vendu aux États-Unis sous le nom de Vixen 2500, est construit en 1971 et 1972. Il est doté du 6 cylindres de la Triumph 2,5 litres, qui présente l'avantage d'être homologué aux Etats-Unis. Sur un total de 385 voitures fabriquées, 96 sont équipées du châssis de la future Série M. La Tuscan remplace la Griffith à partir d'octobre 1967. Elle reçoit un nouveau V8 Ford de 4 728 cm³ et 271 ch, qui équipe par ailleurs la Mustang. Elle répond au souhait de Martin Lilley de relancer une voiture proche dans l'esprit de la Griffith, voiture qu'il possède et dont il est un fervent admirateur.
TVR Tuscan V8, avant le lifting de 1968 (feux de Cortina Mk 1). Copyright Par rapport à la Vixen, ses voies sont élargies. Elle dispose d'un tableau de bord en bois et globalement d'un meilleur niveau de finition. Hélas, c'est un échec, et la Tuscan demeure une voiture confidentielle avec 28 unités fabriquées dans sa version initiale à châssis court. Parallèlement au lancement de la Vixen S2, TVR propose également le nouveau châssis plus long de 7 cm sur la Tuscan. Mais le niveau des commandes demeure désespérément plat. Seulement 24 voitures sont vendues dans cette version longue. En 1968, plusieurs retouches cosmétiques (abandon des feux circulaires au profit de feux angulaires et débordants, nouveaux pare-chocs, lignes adoucies ...) ne permettent toujours pas aux ventes de décoller, et l'on ne comptabilise que 21 exemplaires de cette nouvelle Tuscan SE. L'arrivée d'une version Tuscan V6 en 1969 atténue encore un peu plus l'intérêt des acheteurs pour la Tuscan V8 qui disparaît du programme de production en 1971. Seules 150 exemplaires châssis long de la Tuscan V8 sont fabriqués.
TVR Tuscan SE V8. Copyright Pour tenter de relancer les ventes de la Tuscan, Lilley la fait équiper à partir d'octobre 1969 d'un V6 Ford Zodiac de 2 994 cm³ et 136 ch Din. Cette mécanique est aussi utilisée sur la Ford Capri anglaise, la Reliant Scimitar GTE ou la Marcos GT. Si l'intention est louable, ce moteur ne répond hélas pas aux normes d'homologation du marché américain. La Tuscan V6 est tout de même présentée au Salon de New York en 1971, où elle attire la foule. Mais ce succès est semble-t-il plus dû aux deux jeunes femmes dénudées posant dans des positions équivoques à l'intérieur d'un châssis qu'à la voiture en elle-même. La plupart des Tuscan V6 sont donc vendues en Grande-Bretagne, où la clientèle se laisse séduire par le joli grondement du moteur Ford, plus flatteur que le bruit du 4 cylindres de la Vixen. 101 exemplaires de la Tuscan V6 auraient été fabriqués. Au début des années 70, TVR doit à tout prix se remettre en question. Les Etats-Unis, marché majeur pour ce petit constructeur, imposent des normes de sécurité de plus en plus draconiennes. A Blackpool, on entreprend pour répondre à ces nouvelles contraintes la conception d'un châssis inédit, qui remplace celui né avec la Grantura. Ce châssis, toujours de conception tubulaire, est plus large et plus robuste. Il intègre des éléments de suspension de Triumph TR6. Cette remise à plat passe aussi par la réalisation d'une nouvelle carrosserie. Si la cellule centrale de la Vixen à laquelle la Série M de 1972 a succédé est conservée, l'avant est plus effilé et la poupe au dessin plus aérodynamique donne l'impression d'une toute nouvelle voiture, sans pour autant dérouter la clientèle traditionnelle de la marque. La longueur de la Série M augmente de 22 cm par rapport aux Vixen et Tuscan. Les feux arrière proviennent de la Ford Cortina Mk II, dont la production a été interrompue à l'automne 1970. Hélas, la Série M souffre encore d'un manque d'accessibilité vers le coffre à bagages, que l'on ne peut atteindre que depuis l'habitacle.
TVR M Series, 1973, disponible en version 1600 M, 2500 M, 3000 M. Copyright TVR propose trois versions : 1600 M (Ford Cortina 4 cylindres 1 599 cm³ 90 ch Din), 2500 M (Triumph 6 cylindres 2 498 cm³ 106 ch Din) et 3000 M (V6 Ford Essex 2 994 cm³ 138 ch Din emprunté à la Granada). La 1600 M remplace la Vixen S4, la 2500 M remplace la 2500 et la 3000 M succède à la Tuscan V6. Les chiffres de production font état de 148 exemplaires de la 1600 M de 1972 à 1977, de 947 exemplaires de la 2500 M sur la même période, et de 654 exemplaires de la 3000 M de 1972 à 1979.
TVR 3000 M. Copyright L'intégration de la Grande-Bretagne au Marché Commun en 1973 a quelques conséquences pour TVR. Jusqu'alors, la fiscalité britannique permettait la vente de voitures sous forme de kit sans qu'il soit nécessaire d'acquitter les mêmes taxes que sur les automobiles vendues neuves clé en main. Or la mise en place du système de taxation communautaire entraîne une uniformisation des règles, que la voiture soit livrée montée ou en kit. Dès lors, le nombre de kits fabriqués par TVR diminue sensiblement, et par effet de balancier, on note un surcroît de commandes pour les véhicules livrés montés. TVR présente au Salon de Londres en 1971 le prototype de la SM (Specialized Mouldings, société fabriquant des carrosseries de voitures de course), également connu sous le nom de Zante, en référence à une minuscule île grecque. Son style signé Oliver Winterbottom s'écarte de celui des productions antérieures de la marque, et évoque près de dix ans avant sa présentation au public celui de la Tasmin, dont il est aussi l'auteur. L'une des particularités de cette voiture réside dans la forme de sa lunette arrière faisant office de hayon. Son moteur est celui de la Triumph TR6, un six cylindres placé à l'avant. Cette TVR doit être commercialisée parallèlement aux autres modèles de la gamme, mais l'importateur pour les États-Unis ne se montre pas vraiment intéressé, sauf à équiper l'auto d'un V8 plus puissant. Martin Lilley après avoir dépensé pas mal d'argent pour construire ce modèle unique préfère renoncer.
TVR SM. Copyright En 1973, plus de 550 voitures sortent de l'usine de Blackpool. La Grande-Bretagne et les Etats-Unis demeurent les deux principaux marchés de TVR. En 1974, la production est perturbée par les mouvements sociaux au sein du groupe BMC, principal fournisseur de pièces pour TVR. Pire encore, l'usine de TVR est presque totalement détruite par un incendie en janvier 1975. Mais quelques mois plus tard, la production reprend, et le site retrouve dès 1976 ses pleines capacités. Lilley présente en octobre 1975 la 3000 M Turbo, capable avec ses 230 ch pour moins d'une tonne, de taquiner rien moins que Porsche et certaines Ferrari sur leur terrain. Il est paradoxal de noter que cette voiture, produite entre 1975 et 1979, n'a été assemblée qu'en vingt exemplaires. Son prix, sa complexité, sa fiabilité toute relative ont nui à sa carrière. Cependant, son lancement a eu un tel retentissement que la firme britannique en a fait en quelque sorte son cheval de bataille. En effet, grâce à la Turbo, les ingénieurs de TVR ont apporté la preuve que le châssis de leur voiture était capable de supporter la puissance d'un moteur turbocompressé. Il est dès lors probable que cet argument ait eu des retombées sur les ventes des autres modèles de la marque.
TVR Turbo. Copyright En octobre 1976, TVR présente la Taimar, qui se distingue des coupés 2500 M et 3000 M dont la commercialisation se poursuit par son vaste hayon arrière, qui permet enfin de ranger sans difficulté plusieurs bagages, comme sur les MG B, Volvo 1800 ES, Ford Capri ou Reliant Scimitar. Ce hayon met fin aux critiques concernant l'absence d'ouverture de coffre sur les TVR. A l'instar de MG, TVR se plie aux nouvelles réglementations américaines, en dotant sa Taimar de nouveaux pare-chocs en plastique. La Taimar est équipée d'un V6 atmosphérique ou turbo, cette dernière version étant réservée au marché britannique. La Taimar est produite en 395 exemplaires en version atmosphérique, plus 30 unités dotées d'un Turbo.
TVR Taimar. Copyright
TVR Taimar. Copyright
TVR Taimar (sauf une Série M en haut à gauche). Copyright Le constructeur n'est pas coutumier des cabriolets, à l'exception des premières TVR qui sont des roadsters, de quelques Trident cabriolet et du prototype de la Tina en 1966. En octobre 1978, pour répondre à la demande du marché américain, TVR présente un cabriolet 3000 S, dérivé de la série M, en version V6 Ford atmosphérique ou turbo, au style encore délicieusement rétro. Cette voiture se fait longtemps attendre. En effet, comme pour ses concurrents Fiat, Lancia ou Triumph, TVR se trouve confronté aux Etats Unis à une législation rigide qui complique son homologation. Mais une fois l'autorisation acquise, par la suite de nouvelles difficultés administratives liées à l'importation de ce modèle, 35 voitures sont mises en fourrière à leur arrivée aux Etats Unis, ce qui porte un coup rude à la trésorerie du constructeur de Blackpool. Cette mésaventure l'incite à se montrer plus circonspect vis-à-vis du marché américain. En deux ans, 258 exemplaires sont assemblés avec le 6 cylindres atmosphérique, plus 13 équipées d'un Turbo de 230 ch.
TVR 3000 S Convertible. Copyright TVR Tasmin (80/84), 200 (81/84), Tasmin Turbo (81/82), 280 i (84/87) Avec la Tasmin dévoilée à l'aube des années 80 semble s'achever l'époque glorieuse et artisanale chez TVR, qui devient un véritable constructeur, mieux, un industriel. La conception et l'industrialisation de la Tasmin représentent le projet de plus grande envergure que TVR ait jamais entrepris. Même si le constructeur conserve le principe du châssis tubulaire, trois années d'études ont été nécessaires, ainsi qu'un rééquipement majeur de l'usine. Avec ce modèle, Lilley construit SA voiture, celle qui ne doit plus rien ni à la Grantura ni à ses multiples descendantes. En novembre 1979, la fabrication de tous les anciens modèles est arrêtée, pour faire place nette à la Tasmin. Celle-ci est équipée d'un V6 Ford de 2 792 cm³ de 160 ch Din, qui équipe par ailleurs la Capri. Ce moteur homologué des deux côtés de l'Atlantique permet à TVR de faire un timide retour sur le sol américain. Mais aux USA, pour répondre aux normes locales, il ne développe plus que 145 ch SAE. Le nom de Tasmin est rapidement abandonné, sauf aux États-Unis, où il reste utilisé jusqu'en 1985. L'importance du porte-à-faux avant surprend, d'autant plus qu'il contraste avec un arrière tronqué. Le dessin de la Tasmin est signé Oliver Winterbottom, auteur entre autres quelques années plus tôt des lignes des Lotus Elite et Eclat. Les amateurs qualifient régulièrement la Tasmin et ses dérivés du nom de Wedge (du fait des formes en coins). Il s'agit non pas d'une appellation officielle, mais d'un terme qui permet de désigner cette famille de modèles. Souvenons-nous qu'en 1971, Oliver Winterbottom a aussi imaginé pour le constructeur de Blackpool le prototype TVR SM. Le prototype de la nouvelle TVR est achevé en 1978, l'équipement de l'usine est complété en 1979, et les premières voitures de série sont montées en novembre 1979. Le coupé est présenté au Salon de Bruxelles en janvier 1980, et les versions cabriolet et 2+2 (une première pour TVR) au Salon de Birmingham en octobre de la même année. La 2+2 se reconnaît à ses jupes de bas de caisse. Le niveau d'équipement est inhabituel sur une TVR : vitres électriques, tableau de bord en bois vernis, intérieur cuir, équipement radio de série... La commercialisation du seul coupé durant les premiers mois de production permet à la centaine d'ouvriers de la chaîne de montage de se familiariser avec la nouvelle voiture.
TVR Tasmin, Lotus Elite, un même designer, Oliver Winterbottom. Copyright Après quelques mois de commercialisation, il s'avère que cette nouvelle TVR à l'esthétique controversée, vendue à un prix élevé, ne suscite pas vraiment l'enthousiasme. Pour faire face à un tassement significatif des ventes, et pour tenter de séduire de nouveaux acheteurs, TVR propose dès 1981 une version 200, avec un 4 cylindres Ford 2 litres de 101 ch Din, sans encore une fois convaincre grand monde, puisque seulement 61 exemplaires (16 coupés et 45 cabriolets) sont construits jusqu'en 1984. A l'opposé, la Tasmin Turbo, fabriquée en faible quantité en 1981 et 1982, dispose de 228 ch Din. Dès avril 1981, la série II remplace la première version et adopte le même dessin de carrosserie que le coupé 2 + 2. La Tasmin 6 cylindres adopte la désignation de 280 i en 1984. Au total, ce sont 1197 exemplaires de la Tasmin et de la 280 i, en coupé deux places, cabriolet et 2+2 (seulement 47 exemplaires jusqu'en 1985 pour ce dernier) qui sont fabriqués de 1980 à 1988.
TVR Tasmin Série II, à partir d'avril 1981. Copyright
La TVR 280 i en version US est identifiable à ses imposants pare-chocs. Copyright Epoque Peter Wheeler, 1981/2004 Une nouvelle fois dans son histoire, TVR, qui a beaucoup investi dans le développement de la Tasmin et dans son industrialisation, est confronté à de nouvelles difficultés financières en raison des ventes médiocres. Lilley, comme Trevor Wilkinson en son temps, est contraint de faire appel à des investisseurs, qui pour certains d'entre eux sont aussi des clients. C'est dans ce contexte qu'il cède ses parts en 1981 à l'ingénieur Peter Wheeler (1945/2009). Celui-ci a fait carrière dans l'industrie chimique et vient de vendre sa société. Il dispose donc de temps et d'argent. Sous sa direction, TVR va franchir une nouvelle étape décisive. Il s'entoure d'une petite équipe d'ingénieurs particulièrement motivés. Wheeler aurait déclaré : " Je fais les voitures dont j'ai envie et je me dis qu'il y aura bien quinze cents types qui ont les mêmes envies que moi. "
Peter Wheeler en 1998. Copyright La nouvelle équipe doit pour l'instant faire rentrer de l'argent, avec le seul modèle existant. Les formes de la Tasmin sont quelque peu arrondies. Wheeler, peu satisfait des performances du V6 Ford, propose à partir de 1983 une 350 i parallèlement à la 280 i. Cette 350 i, qui succède à l'éphémère Tasmin Turbo, emprunte son V8 de 3 528 cm³ et 190 ch Din à la Rover Vitesse. Ce modèle ouvre une nouvelle époque pour TVR et le moteur Rover, qui va équiper plusieurs des voitures de la marque jusqu'en 2003, quand la dernière Chimaera quittera les ateliers de Blackpool. Le V8 Rover est une mécanique d'origine Buick dont l'étude remonte à la fin des années 50. Pour une mécanique US, ce V8 présente l'avantage d'être compact et léger. Il a été utilisé pour la première fois en Europe sur la Rover 3500 type P6 en 1968. Cette mécanique est aussi installée sur le Range Rover, la Morgan +8 ou la Triumph TR8. S1 désigne les premières versions à partir de 1983, et S2 les voitures suivantes sorties à partir de 1986 avec une légère augmentation de la puissance (197 ch Din). La 350 i est produite en 930 exemplaires, dont 52 coupés S1/S2, 6 coupés 2+2 S1/S2 et 872 cabriolets S1/S2.
TVR 350 i. Copyright
Différentes SE (Special Edition) se
succédent entre 1984 et 1991 : Présentée en octobre 1986, la 420 SEAC (Special Equipement Aramid Composite) est habillée d'une coque en partie composée de Kevlar. L'utilisation de ce matériau associé à la fibre de verre permet un gain de poids d'environ 100 kg par rapport à un cabriolet traditionnel. Mais le Kevlar rend la 420 SEAC deux fois plus coûteuse à l'achat qu'une 350 i. La carrosserie de la 420 SEAC adopte des formes plus douces, et un aileron arrière spécifique. Son V8 est porté à 4,2 litres, et il développe 300 ch. Elle est produite à 37 exemplaires. Il en est dérivé une 450 SEAC dont le V8 4,5 litres fournit 324 ch. Celle-ci connaît une diffusion encore plus confidentielle, avec 18 exemplaires.
TVR 420 SEAC. Copyright Cette curieuse version d'un coupé deux portes est dotée du V8 Rover en version 4 228 cm3 et 265 ch. Elle est présentée au Salon de Birmingham en 1986. Contrairement à la Tasmin 2 + 2, elle dispose réellement de quatre places confortables. Une seule voiture aurait été produite.
TVR 420 Sport Saloon. Copyright La Tasmin et ses dérivés équipés de mécanique V8 permettent à TVR de traverser tant bien que mal les années 80. Mais le précédent propriétaire, Martin Lilley, semble avoir commis une erreur de stratégie en ne continuant pas à produire parallèlement à la Tasmin une version plus classique, dérivée des Taimar et 3000 S Convertible, évolution des premiers modèles. Ce faisant, Lilley a abandonné une partie de sa clientèle qui souhaite un modèle plus abordable, et surtout qui est rebutée par les lignes en coins de la Tasmin. Preuve de ce désamour, la production passe d'un demi-millier de voitures à la fin des années 70 à environ 150 unités par an au début des années 80. C'est dans ce contexte que Peter Wheeler fait le choix de revenir aux sources avec un cabriolet deux places, doté d'une carrosserie toute en courbes. Finalement, cette nouvelle TVR est simplement baptisée S. Le V6 de 2 792 cm3 et 160 ch provient de chez Ford. Le succès est immédiat. Lors de sa présentation au Salon de Birmingham en 1986, son constructeur enregistre 62 commandes dans les premiers jours. La machine est relancée, et l'usine tourne de nouveau au maximum de ses capacités. La formule magique est retrouvée : associer un aspect rétro et les performances d'une auto moderne. Il faut dire qu'à cette époque, l'industrie automobile britannique ne propose plus grand-chose dans cette catégorie. La MGB disparaît en 1980 et la TR7 l'année suivante. 605 exemplaires de cette première TVR S (rétrospectivement appelée S1) sont fabriqués en 1987 et 1988. TVR est de nouveau importé en France à partir de 1987 par TVR France installé au Chesnay dans les Yvelines, puis plus tard à Thiais dans le Val-de-Marne. Une TVR S est alors facturée 170 620 francs, à comparer aux 123 000 francs exigés pour une Alfa Romeo Spider ou aux 207 500 d'un cabriolet BMW 325 i. La TVR 350 i pour sa part vaut 225 000 francs. Mais les ventes dans l'hexagone sont bien confidentielles, à peine quelques unités par an. Durant l'automne 1988, Ford propose une nouvelle version de son V6. TVR profite de cette opportunité, et annonce au Salon de Birmingham la TVR S2. La cylindrée est moindre avec 2 936 cm3, mais la S2 gagne 10 ch (170 ch), pour des performances qui demeurent proches de celles de la S1. Esthétiquement, la S2 se distingue de la S1 par la présence d'un jonc chromé sur les pare-chocs et par quelques évolutions au niveau de l'équipement. Le succès ne se dément pas, avec 668 TVR S2 produites en 1989 et 1990.
TVR S2. Copyright La TVR S3 est commercialisée en 1990. La principale modification est perceptible au niveau des portes, agrandies pour faciliter l'accès à bord. Le tableau de bord est complètement redessiné, et la finition se signale par des progrès significatifs. On note aussi à l'avant un bouclier redessiné avec des projecteurs antibrouillard intégrés disponibles en option. Les rétroviseurs sont issus de la Citroën CX. La S3 est disponible avec une version catalysée du V6 Ford, avec la dénomination S3C. 887 voitures de la Série S3/S3C sont fabriquées de 1990 à 1992. Dernière évolution de cette lignée, la TVR S4/S4C sont disponibles en 1992. Le nouveau châssis (le même que celui de la V8S) est plus rigide. La S4/S4C est équipée de freins à disques à l'arrière, et elle adopte de nouvelles jantes et un capot moteur avec des fentes latérales. Mais la carrière de cette Série S s'achève, et seulement 34 exemplaires de la S4/S4C sont assemblés en 1993. Il n'y a jamais eu de S4 sans catalyseur. S4 et S4C sont donc deux manières différentes d'appeler le même modèle, et non deux modèles différents.
TVR S4, avec ses antibrouillards intégrés. Copyright Wheeler a la nostalgie des TVR surpuissantes. Il rachète en 1989 la société NCK Racing de Coventry qu'il rebaptise TVR Power. Cette nouvelle structure a les moyens de doper le V8 Rover à grande échelle. C'est ainsi que naît la TVR V8S présentée à Genève en 1991, fabriquée à 410 unités jusqu'en 1993. Quelques clients plus exigeants ou en quête d'émotions fortes se font confectionner une V8S sur mesure, plus puissante encore. On distingue cette V8S par l'énorme bosse excentrée qu'elle possède sur le capot moteur.
TVR V8S. Copyright Après l'épisode parfois difficile de la Tasmin et de ses dérivés, la série S assemblée de 1987 à 1993 revient aux fondamentaux de TVR. Les 2604 voitures fabriquées en 6 et 8 cylindres permettent de renouer avec les profits et au constructeur de Blackpool d'envisager les années 90 avec plus de sérénité. Ces nouveaux moyens sont surtout utilisés pour étudier deux modèles majeurs dans l'histoire de TVR, la Chimaera et la Griffith. Mais avant de développer la carrière de ces deux automobiles, intéressons-nous à deux projets qui sont demeurés sans suite. Alors que les carrières des dérivés de la Tasmin et la Série S approchent de leur terme, Peter Wheeler lance l'étude d'une série de prototypes qui vont aboutir à la Griffith de 1990. L'un de ceux-ci est identifié sous la dénomination de " White Elephant ". Il est équipé d'un V8 GM Holden (Australie) de 5 litres et 350 ch, adapté aux contraintes antipollution du marché US. La " White Elephant " a été développée sur un châssis de 420 SEAC modifié, et à partir d'une carrosserie de Tasmin revue et corrigée. En prenant un peu de recul, Peter Wheeler préfère abandonner ce projet. L'approvisionnement en moteur pourrait en effet s'avérer complexe en raison des distances. Mais surtout, le style de l'auto trop marqué années 80 paraît déjà démodé avant même sa mise en production.
TVR White Elephant. Copyright Une autre étude, un cabriolet deux places équipé du V8 Rover 3,9 litres, porte le nom de Speed Eight. Présenté en octobre 1989, il est construit sur une base de 420 SE. Le style de l'auto est singulier, et semble hésiter entre deux tendances, celle du style en coins hérité de la Tasmin, et celle de formes plus arrondies, qui font référence au passé de la marque. En 1990, la Speed Eight est de nouveau présentée à Birmingham, mais cette fois en version cabriolet 2 + 2. À côté d'elle trône la Griffith. Finalement, ce sont les clients qui décident. La Griffith attire dix fois plus de commandes que la Speed Eight. Le projet est abandonné, seul son tableau de bord est reconduit sur la Griffith.
TVR Speed Eight. Copyright Une nouvelle génération de roadster TVR est présentée au Salon de Birmingham en octobre 1990 à côté de la Speed Eight. Peter Wheeler lui-même participe à la définition du style de cette Griffith 400. Cette voiture adopte des formes bodybuildées presque caricaturales. La mécanique provient toujours de chez Rover. Grâce à une légèreté remarquable, 1 065 kg sur la balance avec le plein, et à une puissance de 240 ch, on retrouve avec la Griffith 400 la recette qui a fait le succès des AC Cobra et Dodge Viper.
TVR Griffith. Copyright Sur le stand TVR, c'est l'euphorie. A la fin du salon, 320 bons de commande ont été signés. Après quelques tâtonnements, la série "wedge" a enfin trouvé une digne succession. Les premières livraisons interviennent début 1992. Comme pour la V8S, quelques riches amateurs de sensations fortes s'offrent des versions plus affûtées, mais il s'agit de productions à l'unité. La Griffith est disponible en différentes versions : 400 produite en 1992 (240 ch), 430 en 1992 et 1993 (280 ch), 450 en 1993 (285 ch) et 500 de 1994 à 2002 (340 ch). Au total, ce sont (selon les sources) entre 2 300 et 2 500 exemplaires qui auraient été produits, dont près de 70 % en version 500, celle qui est demeurée le plus longtemps au catalogue. En 1992, TVR France commercialise la Griffith 400 au prix de 340 000 francs, à comparer par exemple aux 409 000 francs d'une Porsche 968 cabriolet ou aux 519 000 francs d'une Venturi Transcup. La TVR offre l'un des meilleurs rapports prix/performances de sa catégorie.
TVR Griffith. Copyright Plus long, plus raffiné, plus spacieux également, le roadster Chimaera présenté au Salon de Birmingham en 1992 et lancé en production en février 1993 se veut à l'origine une variante plus civilisée de la Griffith, même si les performances des deux sœurs sont très proches. Dans la gamme TVR, elle succède à la Série S. A Blackpool, peu de temps est nécessaire pour résoudre un problème simple : produire une voiture la plus différente possible de la Griffith avec les mêmes ingrédients. Comme la Griffith, la Chimaera équipée du V8 Rover évolue dans des versions 400, 430, 450 pour culminer avec la 500 de 340 ch. Comme toutes les TVR, elle dissimule assez bien les éléments issus de la grande série, et possède de nombreuses pièces de finition spécifique (poignées de porte, commandes de chauffage, instrumentation ...), une caractéristique assez rare dans le monde des petits constructeurs. En 1997, TVR est devenu le troisième constructeur de voitures exclusivement sportives, derrière Porsche et Ferrari, mais devant Aston Martin, Ferrari et Maserati. La Chimaera est incontestablement une réussite, avec selon les sources entre 5 000 et 6 100 exemplaires fabriqués jusqu'en 2003, ce qui en a fait le best-seller de la marque toutes époques confondues. Ce est aussi le dernier modèle à être motorisé par le V8 Rover.
TVR Chimaera. Copyright Peter Wheeler fait le pari d'implanter une usine en Malaisie en 1998, afin de mieux répondre à la demande en Australie, au Japon et en Afrique du Sud. Seule les Chimaera y sont produites, et certaines d'entre elles prennent même le chemin de la Grande-Bretagne pour répondre à la demande européenne. Ce coupé 2 + 2 présenté en mars 1994, basé sur un châssis de Chimaera, inaugure les nouveaux moteurs APJ6 et APJ8 conçus chez TVR. Pour la première fois de son histoire, à l'exception des boîtes de vitesses et de l'accastillage, TVR peut se présenter comme un constructeur à part entière, et non plus comme un assembleur, aussi doué soit-il. Les puissances des motorisations varient de 350 à 420 ch. Ces moteurs n'ont rien à envier au V8 Rover habituellement utilisé. TVR s'affiche sans complexe face aux Porsche Carrera ou Ferrari F355, le tout pour un prix inférieur : 490 000 francs pour la Cerbera en 1998, 548 500 francs pour la Porsche et 777 000 francs pour la Ferrari. Dans l'hexagone, la Cerbera n'est disponible qu'en conduite à droite. Le nom de Cerbera est dérivé de celui d'un monstre de la mythologie grecque, Cerbèrus, gardien de l'enfer. Il en est de même pour Chimaera (Chimère), un autre monstre cracheur de feu, à tête de lion, corps de chèvre et queue de dragon ! Cette similitude dans les appellations contribue à renforcer la parenté entre les deux voitures, déjà proches esthétiquement. Après une longue carrière de plus de dix ans, la Cerbera quitte le catalogue en 2005, après avoir bénéficié de quelques liftings au cours de son existence. Selon les sources, il en est produit au total entre 1500 et 1800 exemplaires, et selon les années entre 200 et 400 voitures jusqu'en 1999, avant que les ventes ne déclinent pour ne plus dépasser la centaine de voitures assemblées annuellement jusqu'à son retrait.
TVR Cerbera. Copyright Peter Wheeler a confié à l'équipe de TVR Power l'étude d'un nouveau V8 disponible en versions 4,2 et 4,5 litres, ainsi que d'un 6 cylindres en ligne. Ceux-ci sont dénommés APJ8 et APJ6, des initiales de leurs concepteurs (Al Melling, Peter Wheeler et John Ravenscroft). Ils sont aussi désignés sous les termes de Speed 8 et Speed 6. Pourquoi TVR conçoit-il son propre moteur ? En 1994, Rover est racheté par BMW. Wheeler ne veut pas que ses voitures soient équipées d'un moteur appartenant à un constructeur étranger. C'est oublier un peu vite que le V8 Rover prend ses origines chez Buick. Par ailleurs, selon le patron de TVR, cette mécanique est arrivée au bout de ses capacités de développement. Il pense enfin que Rover, en mauvaise posture, est susceptible à tout moment d'en arrêter la production. Cela sera effectivement le cas en 2005, lors de la disparition du groupe Rover. Sous la direction de Peter Wheeler, la fabrication et l'étude des TVR ne correspondent à aucun critère commercial clairement identifié, et leur développement répond à un cahier des charges où la passion et la spontanéité tiennent une large place. Le marketing, la hiérarchie et les organigrammes sont des notions étrangères aux gens de Blackpool, de même que la CAO. Rien ne vaut une mise en forme à l'échelle 1/1 pour valider une idée. Quand Peter Wheeler dessine une voiture, il ne prétend pas s'inspirer de telle ou telle tendance, de telle ou telle école. Il conçoit simplement les voitures qu'il a envie de conduire. Il est inutile de demander au patron de TVR de parler de l'image de TVR et de ce qui fait le succès de ses voitures. Cela ne l'intéresse pas. Il répond simplement " qu'ils se contentent de les conduire et de s'amuser ". L'époque des Griffith, Chimaera et Cerbera est celle du chant du cygne pour TVR. Un sommet est atteint en 1998, avec près de 2 000 voitures assemblées. Plus difficile et surprenante va être la chute ... TVR présente au Salon de Birmingham 1996 une version APJ12 (Speed 12) du moteur maison, installé sur le prototype 7/12.
TVR 7/12 project. Copyright Sa puissance est évaluée à plus de 800 ch. Ce moteur est ensuite monté sur la Speed 12 exposée au Salon de Londres en octobre 1997, puis la voiture évolue en 2000 avec une carrosserie proche de celle de la Cerbera.
TVR Speed 12. Copyright
TVR Cerbera Speed 12. Copyright Quelques clients passent commande de cette Cerbera Speed 12, même si le tarif annoncé (188 000 £) n'a rien d'ordinaire, et en fait la TVR la plus chère jamais produite. Peter Wheeler estime que la voiture est inconduisible sur route ouverte, car bien trop puissante. Seule une utilisation en compétition demeure envisageable. Il semble que six voitures au total aient été produites. Les modèles hors d'usage sont utilisés pour le prélèvement de pièces détachées à destination des rares voitures encore engagées en compétition. Au début des années 2000, les ventes de TVR baissent dramatiquement. La présence d'une version V12 au catalogue ne trouve plus de justification. Le constructeur a d'autres priorités. La nouvelle Tuscan est présentée au British Auto Show de 1998. TVR reprend une ancienne appellation pour désigner un nouveau modèle encore plus radical que les Chimaera, Griffith et Cerbera. Si par le passé, TVR chassait sur les terres de MG, Austin Healey ou Triumph, avec la Tuscan, le constructeur de Blackpool s'attaque sans aucune ambiguïté aux plus performantes des Porsche, Ferrari ou Maserati. TVR qui a toujours fait preuve d'un certain classicisme sur le plan esthétique ose cette fois une face avant particulièrement originale, caractérisée par ses trois phares ellipsoïdaux intégrés dans les ailes. L'habitacle est une véritable pièce de joaillerie particulièrement flatteuse à l'œil.
TVR Tuscan (Mk 1). Copyright
TVR Tuscan (Mk 1). Copyright
TVR Tuscan (Mk 1). Copyright
TVR Tuscan S (Mk 1). Copyright La Tuscan adopte le moteur maison de type APJ6, dont la puissance évolue de 350 à 400 ch, selon la cylindrée choisie (3,6 litres ou 4.0 litres) et les années de production. La carrosserie est de type targa. Le châssis est emprunté à la Cerbera, après que l'empattement ait été raccourci. La voiture a tout pour séduire les amateurs de sensations fortes, avec des performances hors du commun. Cependant, la Tuscan est devenue une GT très coûteuse à l'achat. Les fidèles de la marque ne se reconnaissent plus dans ce dessin torturé et excessif, qui leur inspire parfois du mépris. Pour renforcer son image sportive, Wheeler ne désarme pas, et inscrit un modèle dérivé de la Tuscan, la T400R, aux 24 Heures du Mans en 2003 et 2004. Après les abandons de la première année, les TVR terminent la course en 8ème et 9ème position en 2004. La Tuscan évolue en mai 2004, sous la direction du nouveau repreneur Nikolai Smolensky, en une version Mk 2, qui se distingue notamment par un nouveau dessin de ses feux avant et arrière. L'efficacité des suspensions est améliorée. La Mk2 gagne quelques chevaux. Elle est toujours disponible en carrosserie targa et pour la première fois sous la forme d'un cabriolet. Si la presse spécialisée se montre plutôt élogieuse, la clientèle demeure prudente concernant la fiabilité et la qualité de fabrication. Selon les sources, ce sont tout de même entre 1 800 et 2 600 Tuscan qui auraient été produites jusqu'en 2006.
TVR Tuscan S Mk 2. Copyright La Tuscan R est présentée en 2000, avec le 4 litres de 440 ch. Elle se distingue de la Tuscan par son profil deux volumes. Elle évolue ensuite en versions T400R (4 litres de 400 ch) et T440R (4 litres de 440 ch). Ces voitures reçoivent une carrosserie en fibre de carbone et nid d'abeilles en aluminium. Il s'agit de la plus grande et de la plus large des TVR jamais produites, ce qui permet à la T400R de proposer quatre places (2 + 2). La 440R avec son réservoir de carburant plus grand ne compte que deux places. Ces deux voitures sont homologuées pour la route avant de pouvoir participer à des compétitions. Bien que figurant officiellement au catalogue du constructeur, aucune T400R ou T440R n'est vendue à destination d'un usage routier.
TVR T400R. Copyright Appelé à succéder à la Chimaera, le roadster Tamora (du nom d'une reine des Goths) présenté en 2001 est un dérivé un peu moins performant de la Tuscan. Il est mu par le six cylindres APJ6 en version 3,6 litres de 350 ch, et se positionne face aux Porsche Boxster S et BMW Z3 M Roadster. Pour TVR, il s'agit d'élargir sa clientèle, avec un modèle plus accessible, comme la marque l'a fait quelques années plus tôt avec la Chimaera face à la Griffith. Après la Tuscan dont le design est largement commenté, les clients traditionnels de TVR ne semblent pas non plus se reconnaître dans la Tamora, souvent jugée laide. Ses ventes ne décollent pas, passant d'environ 200 voitures en 2002, première année pleine de production, à moins d'une centaine les années suivantes. Sa commercialisation cesse en 2005.
TVR Tamora. Copyright TVR présente en 2002 la T350, un coupé à toit amovible basé sur le châssis de la Tamora, dont il reprend la mécanique. Sa carrosserie, à la fois galbée et aiguisée, s'inspire de celle de la Tuscan. Ce modèle est disponible jusqu'en 2005 en deux versions, une T350 C (pour coupé) et une T350 T pour Targa.
TVR T350 C. Copyright Avec une gamme pourtant étoffée au début du nouveau millénaire, le succès n'est plus au rendez-vous pour TVR. Le niveau de production qui a culminé en 1998 à près de 2 000 voitures ne cesse depuis de décroître, pour s'établir en 2002 à environ 800 unités, soit à peu près le niveau de 1992. Plusieurs explications peuvent être apportées à cette chute. TVR a laissé tomber le marché américain, grand consommateur de sportives européennes. L'exportation vers les autres pays demeure difficile. La France, contrée pourtant voisine, n'absorbe que quelques voitures, moins d'une vingtaine par an durant les meilleures années, seulement une en 2001, dernière année de présence de la marque dans l'Hexagone. Chez TVR, on renonce à introduire des aides électroniques à la conduite (ABS, ESP ...), tandis que pour tous les autres grands constructeurs de sportives, la présence de ces aides est une évidence. Le dessin des nouvelles voitures ne convainc plus grand monde. Peter Wheeler semble avoir perdu son inspiration, ou du moins ses goûts ne correspondent-ils plus aux attentes du marché. Avec cinq modèles au catalogue en 2004 (Tamora, T350, Tuscan, Cerbera et T400R/T440 R), la gamme devient moins lisible pour les clients potentiels. Les volumes par modèle baissent, compliquant un peu plus le maintien d'une rentabilité financière. TVR s'est trop dispersé. A l'usage, les moteurs conçus par TVR s'avèrent fragiles. Les clients sont confrontés à des problèmes de qualité de fabrication. Les coûts de prise sous garantie explosent. L'après-vente souffre. Le constructeur n'a plus les moyens de soutenir commercialement et techniquement ses distributeurs et concessionnaires. Il n'en faut pas plus pour mettre à mal la réputation chèrement acquise de TVR. La TVR Sagaris est présentée au Salon de Birmingham en 2004, avant d'être commercialisée en 2005. Initiée et étudiée par TVR sous le présidence de Peter Wheeler, c'est le nouveau repreneur Nikolai Smolensky qui assure son lancement commercial.
Le charme agit toujours. Copyright La Sagaris a été conçue comme une voiture de course à usage routier pour que quotidiennement son conducteur ressente les mêmes sensations qu'au volant d'un prototype des 24 Heures du Mans. Compacte avec 4 mètres de long et d'un poids mesuré de 1078 kg, la Sagaris est dotée du 6 cylindres APJ6 4 litres qui développe dans le cas présent 380 ch. Mais cette GT au look agressif, avec ses fentes de refroidissement et ses énormes spoilers, frise la caricature. Cette auto "too much" peut-elle encore séduire les fidèles de la marque de Blackpool ? Pourtant, il s'agit pour TVR de la voiture de la dernière chance. Les finances de la marque sont exsangues. En juillet 2008, une version Mk 2 est présentée à quelques personnes soigneusement choisies, des concessionnaires et des membres du TVR Car Club britannique. Les améliorations sur cette version portent surtout sur l'aménagement de l'habitacle, et sur l'aspect extérieur.
TVR Sagaris. Copyright Epoque Nikolai Smolensky, 2004/2006 Le jeune banquier milliardaire russe Nikolai Smolensky rachète TVR en juillet 2004, en souhaitant donner à la marque un nouvel essor. La surprise est totale, Peter Wheeler, alors âgé de 60 ans, a mené cette vente dans la plus grande discrétion. Le public découvre alors les difficultés dans lesquelles se débat TVR. Les clients s'inquiètent de voir leur constructeur préféré passer sous le contrôle d'un étranger, russe de surcroît. Même le grand public, qui n'y connaît pas forcément grand-chose à l'automobile, regrette qu'un fleuron de l'artisanat britannique passe sous pavillon étranger. La jeunesse de Smolensky et l'origine des fonds prêtent à des commentaires variés qui n'ont rien de rassurant. Le nouvel arrivant affirme pourtant sa volonté de renouer avec les succès de la décennie précédente. Sa stratégie passe par un retour sur le marché américain, une amélioration de la qualité de fabrication, une fiabilisation des voitures, et une réappropriation de la fabrication de nombreuses pièces sous-traitées. Peter Wheeler assure pendant quelques jours un passage de relais avec le nouveau propriétaire, au titre de conseiller, avant de quitter définitivement les lieux. Sous cette nouvelle direction, les concessionnaires notent en effet une amélioration significative de la qualité et de la fiabilité des TVR. L'entreprise de Blackpool semble reconquérir la confiance perdue de ses anciens clients. Hélas, dans les faits, la chute des ventes se poursuit. En avril 2006, TVR confirme ses difficultés et annonce du chômage technique pour une partie de son personnel. Nikolai Smolensky qui n'est pas le propriétaire des murs de l'usine - il loue les locaux à Peter Wheeler - doit faire face à un refus de ce dernier de renouveler le contrat de location. L'affaire TVR prend une tournure politique. L'usine représente des emplois, et elle contribue à la bonne image de la ville de Blackpool. La suite n'est constituée que d'une succession de rebondissements : projet avorté de déménagement à l'étranger, découpe de TVR en différentes entités, vente de TVR Power qui devient le seul distributeur de pièces pour le réseau, annonce de délocalisation chez Bertone en Italie, démission de Smolensky puis plus tard rachat par ce dernier de son entreprise liquidée dans des conditions douteuses, reprise de TVR par deux Américains qui souhaitent produire les voitures de la marque aux Etats-Unis, etc ... Toute production cesse en 2006. Smolensky tente de relancer la machine avec différents projets : une Tuscan Mk 2 à moteur Chevrolet de 400 ch, une Cerbera à moteur V8 Diesel, et même un modèle GT 350 mu à l'électricité. Finalement, notre investisseur russe décide de se reconvertir dans l'énergie éolienne. La disparition de Trevor Wilkinson et de Peter Wheeler Alors que TVR disparaît dans la douleur, on apprend le 6 juin 2008 le décès de Trevor Wilkinson à l'âge de 85 ans. Celui-ci a assisté à la triste descente aux enfers de la marque qu'il a créée, mais il a tout de même eu le plaisir d'assister à la célébration des 60 ans de TVR en 2007. Un an plus tard, le 10 juin 2009, c'est Peter Wheeler qui s'en va à l'âge de 64 ans. TVR est jusqu'à l'arrivée de Martin Lilley en 1965 un très petit constructeur, avec environ une centaine de voitures fabriquées par an depuis 1958. Dès 1966, la production tend à se rapprocher des 200 voitures. L'arrivée de la Série M en 1972 marque un virage pour TVR, qui désormais produit entre 300 et 400 voitures, sauf en 1975 en raison de l'incendie qui détruit ses installations. Le remplacement des anciens modèles par la Tasmin en 1980 n'est pas sans conséquence pour la marque. Désormais les ventes se stabilisent entre 100 et 200 voitures, avant que n'arrivent des versions un peu plus glamours, les 280 i et 350 i. Cette 350 i fait entrer le moteur Rover chez TVR. Les ventes remontent à un niveau de 300/400 exemplaires. La Série S permet dès 1987 de doubler (rien moins que cela) la production. Jusqu'en 1994, TVR produit entre 700 et 1 000 voitures annuellement. Après des débuts en douceur, Les Griffith, Chimaera et Cerbera font exploser les compteurs. En 1997 et 1998, TVR assemble chaque année pas loin de 2 000 voitures. Ensuite les ventes déclinent régulièrement, pour se stabiliser à environ 700/800 exemplaires de 2002 à 2005, et chutent de moitié en 2006. Depuis ses débuts, le constructeur aurait fabriqué (les données varient selon les sources) entre 22 et 25 000 voitures. Durant ses meilleures années, Toyota a produit jusqu'à 20 000 voitures par jour ! Curieusement, Peter Wheeler offre un rebond inattendu à TVR durant les années 90, avec des automobiles répondant aux attentes du marché. Mais c'est encore lui qui dirige TVR quand les ventes commencent à décliner. Nikolaï Smolensky hérite d'une situation déjà critique, et ne parvient pas à reprendre la situation en main, même si sa gestion n'est pas exempte de critiques. TVR à l'instar de constructeurs aussi prestigieux qu'Aston Martin, Rolls Royce ou Bentley n'a jamais rencontré le géant de l'automobile qui aurait pu le sauver. Il reste encore de nombreuses voitures de la marque sur les routes, surtout en Grande Bretagne, où les propriétaires sont soutenus par un club très actif. TVR Power assure l'après-vente, et est encore capable d'intervenir sur les moteurs Rover et sur les APJ6 et APJ8. Concernant l'avenir, une lueur d'espoir est encore présente. Pour vous en convaincre, jetez un œil sur la page web de la marque, toujours active. Un groupe de passionnés anglais aurait racheté la marque à Nikolaï Smolensky en 2013. TVR is roaring back ?! Sources : http://www.tvrcarclub-france.net avec la complicité d'Alexandre Sennedot, Gazoline n° 197 et 198, Automobiles Classiques (plusieurs numéros), Calandre (plusieurs numéros), L'Automobile Hors Série Salon, L'Auto Journal Hors Série Salon, Alpha Auto, 40 ans de voitures de sport chez EPA. |