TVR

Plusieurs manières d'aborder un sujet aussi complexe que l'histoire des automobiles TVR étaient envisageables : par époque, par famille de modèle, par type de motorisation, par propriétaire de l'entreprise ... C'est cette dernière qui a été retenue, cinq dirigeants s'étant succédés en près de six décennies. Le choix a été fait de ne pas s'intéresser à l'histoire de la marque en compétition, même si certains modèles doivent beaucoup à l'engagement de TVR dans ce domaine.


Epoque Trevor Wilkinson, 1947/1962

Trevor Wilkinson
La Jomar de Ray Saidel
De nouveaux partenaires financiers
TVR Grantura (Mk 1)
De nouvelles difficultés
TVR Grantura MK 2

Epoque Bernard Williams, 1962/1965

Départ de Trevor Wilkinson
TVR Grantura Mk 3
TVR Griffith V8
TVR Mark 3 1800 S
TVR Trident

Epoque Martin Lilley, 1965/1981

Martin Lilley
TVR Tina
TVR Mk 4 1800 S
TVR Vixen S1
TVR Vixen S2
TVR Vixen S3/S4
TVR 1300
TVR 2500
TVR Tuscan V8
TVR Tuscan V6
TVR 1600 M, 2500 M, 3000 M
TVR SM / Zante
TVR 3000 M Turbo
TVR Taimar
TVR 3000 S Convertible
TVR Tasmin (80/84), 200 (81/84), Tasmin Turbo (81/82), 280 i (84/87)

Epoque Peter Wheeler, 1981/2004

Peter Wheeler
TVR 350 i (1983/90)
TVR SE (1984/1991)
TVR 420/450 SEAC (1986/89)
TVR 420 Sport Saloon
Retrait du marché américain
TVR S, S2, S3/S3C, S4/S4C
TVR V8S
TVR White Elephant
TVR Speed Eight
TVR Griffith
TVR Chimaera
TVR Cerbera
Un moteur TVR
Une gestion à l'ancienne
TVR 7/12, Speed 12
TVR Tuscan
TVR T400R et T440R
TVR Tamora
TVR T350
La chute
TVR Sagaris

Epoque Nikolai Smolensky, 2004/2006

Nikolai Smolensky
La disparition de Trevor Wilkinson et de Peter Wheeler
Dans le rétroviseur
TVR is roaring back


Epoque Trevor Wilkinson, 1947/1962


Trevor Wilkinson

Trevor Wilkinson est né en mai 1923 à Blackpool, station balnéaire du nord-est de l'Angleterre. A 14 ans, il entrait en apprentissage au garage Renault de sa ville de naissance.

Trevor Wilkinson

A 23 ans, en 1946, il s'offrait grâce au pécule que lui avait donné son père un ancien atelier de charron pour fonder Trevcar Motors. Il y réparait des camions réformés qu'il transformait pour un usage civil, quelques voitures de sport, et même les manèges du parc d'attractions de Blackpool !

En 1947, la même année que Ferrari, il fondait TVR Engineering (TreVoR) avec son premier salarié, Jack Pickard (décédé en 2003), qui avait fait son apprentissage chez Rolls Royce, et qui s'avérait être un excellent metteur au point, à défaut d'avoir toutes les compétences techniques nécessaires. Puis un certain Les Dale rejoignait l'équipe en tant que tôlier. Celui-ci rêvait de dessiner des automobiles. Pour l'instant, la petite équipe ne produisait que des voitures à l'unité, des " spéciales ". Elle se débrouillait tant bien que mal, même si les premiers travaux tenaient plus de l'amateurisme éclairé que d'un professionnalisme exacerbé. Mais l'époque était à la débrouille, et les trois hommes ne manquaient ni de volonté ni d'ambition.

Par rapport à la plupart des artisans bricoleurs de l'époque qui tentaient de poser une belle carrosserie sur un châssis existant et souvent démodé, Wilkinson prit la peine de concevoir une structure tubulaire innovante, qui se fit remarquer par son extraordinaire rigidité.

La première TVR de 1947 fut imaginée à partir d'une mécanique Alvis. Une deuxième fut fabriquée en 1949, mue par un Ford 1172 cm3 emprunté à une Prefect 100 E.  Deux autres voitures furent encore produites en 1950 et en 1951, ce qui portait le nombre de TVR construites à 4 exemplaires. Les premières carrosseries furent réalisées en tôle, mais cette matière fut vite abandonnée car elle coûtait trop chère pour une production en série. TVR adopta donc le polyester.

La première TVR de petite série vit le jour en 1954. La Sports Saloon fut assemblée en une vingtaine d'exemplaires jusqu'en 1956. Les principes de construction allaient devenir immuables : une carrosserie en fibres de verre était fixée sur un châssis tubulaire en acier, et le client avait le choix du moteur, pour l'instant issu des Ford 100 E, MG TF 1500, MGA, Austin A40 ou Lea Francis.

La Jomar de Ray Saidel

En 1955, un des premiers clients de TVR, Ray Saidel, importateur d'automobiles sportives européennes aux Etats Unis, s'intéressa aux travaux de Trevor Wilkinson. Il lui demanda de mettre au point un nouveau châssis pouvant recevoir un moteur Coventry Climax. La Jomar, contraction de John (Joanna selon une autre source) et Marc (Margarett selon cette même source), ses enfants, fut habillée dans un premier temps d'une carrosserie ouverte en aluminium. Elle se fit remarquer sur quelques circuits outre-Atlantique, mais cette petite notoriété ne permit pas d'attirer plus de neuf clients, dont trois pour cette version " racer " et six pour un coupé. Parallèlement, Ray Saidel était devenu un agent de la marque.

Jomar

De nouveaux partenaires financiers

Au milieu des années 50, TVR devait déjà affronter ses premières difficultés financières. Les investissements consentis pour fabriquer des carrosseries en polyester n'y étaient pas étrangers. Wilkinson qui faisait part de ses difficultés à l'un de ses clients parvint à l'intéresser à son affaire. C'est ainsi que Bernard Williams, propriétaire de Grantura Plastique, une entreprise voisine, prenait en charge les dettes de TVR moyennant une participation dans l'entreprise. Il en devenait parallèlement le directeur commercial. Un certain Fred Thomas apporta aussi sa contribution, et gérait pour sa part les finances. Début 1956, Wilkinson vendait ses vieux ateliers de Baverley Grove, devenus trop exigus, et installait sa société dans une nouvelle zone industrielle dans les environs de Blackpool.

TVR Grantura (Mk 1)

Le véritable coup de pouce qui allait faire passer TVR de la production strictement artisanale à un stade plus développé allait venir de Ray Saidel. Celui-ci transmit à Wilkinson et à Pickard plusieurs recommandations à partir desquelles ils élaborèrent la première vraie TVR de série. La Grantura voyait le jour en 1958 et constituait une suite logique à la Jomar, avec un dessin de carrosserie qui s'était affiné avec le temps. Il s'agissait d'un petit coupé à carrosserie en polyester avec un pare-brise de Ford Consul. L'accès au petit coffre se faisait par l'habitacle.

TVR Grantura (Mk 1, appellation rétrospective) avant le premier lifting

Le châssis était de type tubulaire. Les suspensions provenaient de la Volkswagen, les freins de l'Austin Healey, la direction de chez Ford ... La voiture avait été conçue pour recevoir un 1098 cm3 de chez Coventry Climax, mais elle pouvait aussi intégrer sans difficulté grâce à l'accessibilité de son compartiment moteur des mécaniques Ford ou MGA. Les premières voitures furent comme prévu expédiées vers les Etats Unis à Ray Saidel. Une centaine de Mk 1 furent construites. Elles étaient vendues soit entièrement assemblées, soit en kit, une possibilité fiscalement intéressante à cette époque en Angleterre.

De nouvelles difficultés

L'atelier initial avait été remplacé par une usine plus importante dans laquelle la production en petite série devenait envisageable. Mais chez TVR, on se retrouva vite dépassé par le succès, et le constructeur se montra bien incapable de répondre à la demande. Seules 25 voitures furent produites en 1958, et de nombreux clients, lassés par des délais à rallonge, préférèrent annuler leur commande. De plus, la qualité de fabrication ne correspondait pas aux promesses, et les rivaux de TVR s'avéraient plus au point sur cette question. Même Ray Saidel dut faire face à la colère de ses clients, et préféra arrêter sa collaboration avec TVR. 

Les comptes étaient dans le rouge. Fred Thomas décidait de quitter le groupe, tandis que John Thurner, un ancien ingénieur de Rolls Royce, se joignait à l'équipe en tant que responsable technique. Avec l'arrivée de nouveaux contributeurs au capital, Wilkinson perdait progressivement une partie de ses prérogatives de dirigeant, à tel point que l'on ne savait plus très bien qui dirigeait l'entreprise.

La fin des années 50 et de début des années 60 fut une période pleine de rebondissements chez TVR. De nouveaux investisseurs se manifestèrent, contribuèrent au développement des ventes aux Etats Unis, engagèrent TVR en compétition, mais sans s'assurer de la pérennité de l'entreprise. Au final, c'est Grantura Engineering Ltd, l'entité en charge de la fourniture des composants équipant les TVR, société dirigée par Bernard Williams, qui reprenait l'affaire en main. TVR changeait de nom, et devenait tout simplement Grantura Engineering.

TVR Grantura MK 2

La Grantura évoluait dans une version Grantura Mk 2 qui gommait les principaux défauts de la première version. Environ 400 exemplaires furent produits de 1960 à 1962.

TVR Grantura MK 2


Epoque Bernard Williams, 1962/1965


Départ de Trevor Wilkinson

En 1962, Trevor Wilkinson quittait définitivement la direction de son entreprise au moment où la vogue des " kit cars " battait son plein en Angleterre. Il n'était dès lors plus qu'un simple consultant pour la société qu'il avait créée quinze ans plus tôt. Puis il se détacha complètement de TVR en vendant ses parts, pour créer une nouvelle structure spécialisée dans la fabrication de bennes à ordures. Un plan de sauvetage fut mis en place par Bernard Williams et Arnold Burton, héritier de la marque de vêtements du même nom.

TVR Grantura Mk 3

C'est au Salon de New York en avril 1962 que fut présentée la Grantura Mk 3. Le nouveau châssis était plus long et plus rigide, avec un empattement porté à 2,17 mètres. Il allait servir de base à toutes les TVR jusqu'en 1972. La grille de calandre était positionnée plus haut. De série, la Grantura Mk 3 était livrée avec le moteur 1622 cm3 de la MGA, mais en option l'acheteur pouvait opter pour le Ford 109E de 1340 cm3 ou le Coventry Climax de 1216 cm3. La Mk 3 fut produite en 90 exemplaires. En 1964, tout comme la Griffith, elle perdait ses petits ailerons, et adoptait un arrière tronqué flanqué des feux ronds de la Ford Cortina.

TVR Grantura MK 3

TVR Griffith V8

Trois Grantura équipées de moteurs MGB coururent à Sebring en 1962. En même temps, deux des pilotes de l'équipe confièrent leur voiture personnelle aux bons soins du garage new-yorkais de Jack Griffith. Une des deux était une Cobra Shelby, l'autre une Grantura Mk 3 de 1962. Un jour, les mécaniciens de Jack Griffith décidèrent de voir si le V8 Ford 289 de la Cobra pouvait convenir à la TVR. A leur grande surprise, ils constatèrent que oui. Griffith devina le potentiel d'une telle transformation si elle était réalisée plus sérieusement. Il communiqua l'idée à Blackpool en leur demandant de lui construire une Grantura reprenant la motorisation de la Cobra, qu'il se chargerait de vendre aux Etats Unis. Toujours à la recherche d'argent frais, TVR accepta, et la nouvelle voiture, la TVR Griffith, fut commercialisée en 1963. Elle fut fabriquée strictement pour l'exportation jusqu'en 1965, année où les ventes en Angleterre commencèrent à petite échelle.

Une autre version de cette histoire explique qu'un concessionnaire TVR du nom de Jack Griffith déjeunait un jour avec Caroll Shelby, et qu'il prétendit que le moteur de l'AC Cobra née de la volonté de Shelby pouvait aussi rentrer dans le compartiment moteur de la Grantura Mk 3 dont il était le propriétaire, et ainsi dépasser la Cobra en performances. Il tenta l'opération sans succès sur sa propre Grantura. Têtu, notre homme commanda un châssis sans moteur ni transmission à TVR. En adaptant les suspensions et en modifiant légèrement le châssis, il parvint à ses fins. La Grantura s'en trouvait totalement transformée.

Basée sur la Grantura Mk 3, la Griffith était équipée d'un V8 de 4727 cm3. Ce moteur était disponible en deux configurations : de série avec 195 ch et en " haute performance " avec 271 ch. La Griffith originale, connue sous le code 200, manquait de perfection dans son développement. Elle souffrait notamment d'une tendance à la surchauffe. La Griffith 400, présentée au Salon de New York en avril 1964, était plus aboutie sur le plan technique. En 1964 toujours, la Griffith perdait ses petits ailerons au profit d'un arrière tronqué qui héritait des feux ronds de la première Ford Cortina.

TVR expédiait cinq voitures chaque semaine dépourvues de moteur à Griffith, qui terminait le travail sur place. D'autres Griffith à destination du marché européen furent entièrement montées à Blackpool. Ce modèle acquit une assez mauvaise réputation, en raison de nombreux problèmes de fiabilité et d'une qualité de construction jugée médiocre. Une grève des dockers américains de la côte Est acheva sa carrière. Après une production d'environ 300 exemplaires, la Tuscan la remplaçait en 1967.

TVR Mark 3 1800 S

En 1964, une nouvelle version de la Mk 3, la 1800 S, adoptait le 4 cylindres 1798 cm3 de 98 ch de la nouvelle MGB. Elle fut fabriquée en 133 exemplaires.

Similitude d'aspect pour les TVR Griffith 200 V8 et la TVR Mk III 1800 S

TVR Trident

En 1965, TVR réalisa une véritable voiture de grand tourisme, la Trident, présentée au Salon de Genève. Les lignes de ce luxueux coupé 2 + 2 avaient été dessinées par Trevor Fiore (de son vrai nom Trevor Frost), tandis que la construction des carrosseries avait été confiée à Fissore. Le début de l'étude remontait à 1963, quand Trevor Fiore tenta de convaincre les dirigeants de TVR de son projet. Mais entre le dessin réalisé sur une serviette de table dans un pub, et la présentation du prototype, deux années s'écoulèrent. Celui-ci comportait d'ailleurs plus de pièces italiennes empruntées à Alfa Romeo et Fiat, que d'éléments d'origine britannique. Quatre voitures furent produites chez TVR en 1965, trois coupés et un cabriolet.

La TVR Trident au Salon de Genève 1965

Mais cinq mois plus tard, TVR était de nouveau mis en liquidation, et l'usine fermait ses portes durant quelques mois. Comme déjà évoqué, des problèmes de trésorerie apparurent  suite à une grève prolongée des dockers américains qui bloqua l'exportation des Griffith et Grantura.

Extrait d'une gamme TVR

Martin Lilley, le nouveau repreneur, décidait de ne pas s'intéresser à ce type de voiture de luxe. Bill Last, concessionnaire TVR du Suffolk, rachetait à Fissore les moules de la carrosserie en fibres de verre de la Trident, et reprenait à son compte le projet. Il créait une société afin d'en assurer à petite échelle la production. La Trident qui devenait une marque et non plus un modèle était dotée du V8 Ford 289 identique à celui de la Griffith (4727 cm3, 195 ch), et se présentait sous la forme d'un coupé ou d'un cabriolet. Elle fut vendue en une trentaine d'exemplaires jusqu'en 1969. Ces manoeuvres furent peu appréciées chez TVR, et le nom de Bill Last fut rayé de la liste des concessionnaires de la marque. Il convient de préciser qu'il n'a jamais existé la moindre relation technique ou commerciale entre TVR et Trident.

La Trident


Epoque Martin Lilley, 1965/1981


Martin Lilley

Grantura Engineering, nouvelle désignation de TVR depuis 1962, connaissait à son tour des difficultés financières. Bernard Williams jetait l'éponge en 1965, l'entreprise était en faillite. Un nouveau repreneur, Martin Lilley, concessionnaire TVR et Lotus (il n'avait alors que 23 ans), et son père Arthur entamaient une période de rationalisation de la production, sans que la marque ne perde son âme ni son esprit créatif. Une nouvelle société fut créée le 30 novembre 1965 : TVR Engineering Ltd.

Jusque-là, Martin Lilley préparait des voitures pour la course durant son temps libre, notamment des Lotus, et il étudiait l'ingénierie automobile à l'université. Lilley fut le premier client en Grande Bretagne à faire l'acquisition d'une Griffith, avec laquelle il s'engagea dans plusieurs courses. Sa Griffith 400 personnelle était en réparation à l'usine quand fut annoncée la débâcle. Martin Lilley ne voulait pas perdre sa voiture lors d'une éventuelle liquidation, mais surtout son père Arthur qui était déjà actionnaire ne voulait pas voir réduire à néant la valeur de sa participation dans l'entreprise. La nouvelle équipe relançait la vente de la Grantura Mk 3 1800 S dès 1965, et proposait la Mk 4 l'année suivante.

Martin Lilley en 1980 lors du lancement de la Tasmin

TVR Tina

Martin Lilley étudia les différentes possibilités de moderniser l'image de TVR, d'élargir les débouchés, d'apporter de la stabilité à l'entreprise en démocratisant l'offre produit. Avec Trevor Fiore, ils se mirent à la recherche d'une voiture qui pourrait servir de base à l'étude d'un cabriolet 2 + 2. L'Hillman Imp retint leur attention.  

Un premier prototype dénommé Tina fut présenté au Salon de Turin en novembre 1966 sur le stand Fissore. Il s'agissait d'un cabriolet avec des phares avant placés au fond de renfoncements fermés par une paroi transparente en plexiglas. Il avait été fabriqué en acier, mais sa production en série devait être envisagée en fibres de verre. Ce nom  constituait un clin d'oeil à la clientèle féminine, mais c'était aussi une façon de remercier l'un des principaux distributeurs TVR aux Etats Unis, Gerry Sagerman, dont la fille se prénommait ... Tina.

Le badge apposé sur l'auto avait été emprunté à une Ford Cortina. Les trois premières lettres avaient été tout simplement amputées. TVR demeurait un artisan qui bricolait avec les moyens du bord ! Pour l'instant, ce prototype ressemblait plus à un grand jouet qu'à une voiture sérieuse, et dans l'état avec ses feux sous globe il ne pouvait pas répondre aux normes de sécurité du marché américain.

La première TVR Tina présentée à Turin en 1966

Après le Salon de Turin 1966, la Tina fut retirée de la vue du public pendant un an, puis elle fit son retour au Salon de Paris 1967 sous la forme d'un coupé qui rappelait la Trident, puis de nouveau au Salon de Londres avec le même coupé et une version spider. Sur le stand, ces deux versions  rejoignaient le châssis nu de la Tuscan V8 et la nouvelle Vixen.

Par rapport au premier prototype de 1966, la face avant avait été totalement redessinée. Le spider avait quatre petits phares ronds, et le coupé deux phares larges. Les deux Tina étaient équipées d'un moteur arrière Hillman Imp Sport de 875 cm3. Le magazine l'Auto Journal annonçait déjà un prix de vente d'environ 19 000 francs, proche de celui d'une Triumph TR5 PI ou d'un coupé Peugeot 404.

TVR Tina Spyder et Coupe 2 + 2

Le public fut séduit par le dessin de la Tina, et le carnet de commandes se remplissait sans difficulté. Un tarif fut annoncé. Certains clients étaient même disposés à verser des acomptes pour réserver une voiture. Martin Lilley était persuadé qu'une telle sportive économique était en mesure d'assurer un volume d'activité suffisant et de bons résultats financiers, afin de s'éloigner définitivement des crises à répétition qui émaillaient l'existence de TVR.

TVR Tina Coupe 2 + 2

Mais un problème majeur demeurait, récurrent chez TVR : la capacité à répondre avec de faibles moyens industriels à une telle demande. Les clients commencèrent à s'impatienter, l'usine était submergée de réclamations. Mais à Blackpool, on n'avait absolument pas les moyens de produire à grande échelle la Tina. La seule solution passait par de la sous-traitance. On sollicita Jensen, constructeur à part entière, mais aussi industriel au service de grands constructeurs automobiles. Il avait notamment pris en charge la production des Volvo P1800 dès 1960. Mais celui-ci déclina la proposition de TVR, considérant que les faibles volumes envisagés pour la Tina ne permettraient pas d'amortir les investissements.

Chez Aston Martin, on ne se montra pas plus intéressé. Pour Hillman qui fournissait le moteur, il n'était pas question d'aider une marque qui pouvait concurrencer la Sunbeam Alpine, produite par le même groupe. De plus, Hillman n'avait pas pour habitude de fabriquer des carrosseries en fibres de verre, et il n'était même pas la peine de songer à l'acier, trop lourd. Pire encore, et cela ne pouvait que tuer définitivement le projet, TVR se heurta au problème de la fourniture du moteur par Hillman. A cette époque, Chrysler, nouveau patron des lieux, ne voulait plus entendre parler de ce type d'alliance.

TVR Mk 4 1800 S

A défaut de Tina, Lilley se repliait sur sa bonne vieille Grantura (une désignation qui n'était plus officiellement utilisée), en la faisant de nouveau évoluer dans une version Mk 4 1800 S à moteur MGB, mieux finie et dotée d'un plus grand réservoir de carburant. Mais cette ultime version ne convainquait plus grand monde en Europe, et encore moins aux Etats Unis. En 1967, après une production de 74 exemplaires, elle fut remplacée par la Vixen. En 1967, les TVR étaient importées en France. Une 1800 S Mk VI était affichée à  25 000 francs, et une Tuscan V8 39 000 francs. A titre de comparaison, une Matra Jet 6 valait 22 800 francs et une Alpine 1300 S pas moins de 27 200 francs.

TVR 1800 S

TVR Vixen S1

La Vixen S1 succédait à la Mk 4 1800 S en octobre 1967 au Salon de Londres. Le moteur MGB était remplacé par une mécanique Ford 1599 cm3 de 90 ch Din, la même que celle utilisée sur la Cortina GT. L'époque des moteurs MG que Lilley devait payer avant réception était révolue. Ford UK se montrait plus conciliant avec son moteur qui était bien adapté par ailleurs pour recevoir diverses préparations. Afin d'écouler le stock de moteurs MGB, une douzaine de Vixen furent toutefois équipées de ces mécaniques. Le moteur Ford produit à plus grande échelle permettait à TVR de réduire son prix de vente. Le châssis constamment amélioré s'avérait toujours aussi efficace, et faisait de la Vixen avec son poids plume de 770 kg une voiture bien plus maniable que sa concurrente directe, la MGB. La Vixen S1 conservait les feux ronds de la Cortina. Ses dimensions demeuraient compactes, 359 cm en longueur, 122 cm en hauteur, sur un empattement de 222 cm. Un total de 117 Vixen S1 furent produites.

TVR Vixen S1

TVR Vixen S2

La Vixen S2 fut présentée au Salon de Londres en 1968. Elle disposait d'un nouveau châssis allongé de 7 cm qui profitait à l'accessibilité (portes plus longues) et à l'habitabilité, le même que celui de la Tuscan, ce qui permettait de répondre à une part des critiques communément formulées à l'encontre des TVR. Le moteur demeurait celui de la Cortina GT. Quelques modifications esthétiques et d'équipement permettaient de distinguer la S1 de la S2, notamment ses feux arrière empruntés à la Cortina Mk 2. Désormais, la carrosserie était boulonnée au châssis, ce qui autorisait une meilleure accessibilité aux organes mécaniques.

438 Vixen S2 virent le jour de 1968 à 1970, ce qui constituait une très bonne performance pour la marque. TVR renouait avec une situation financière stable. Une nouvelle fois, l'usine déménageait vers de nouveaux locaux plus grands situés Avenue de Bristol à Blackpool. Ce fut la dernière adresse de TVR, jusqu'à la disparition de la firme.

TVR Vixen S2

TVR Vixen S3/S4

Lilley proposait une évolution S3 en octobre 1970, équipée d'un 1600 cm3 de 92 ch emprunté à la Ford Capri. Il en fut fabriqué 165 exemplaires. L'éphémère Vixen S4 était déjà dotée du châssis de la future Série M. On ne compte que 23 exemplaires pour cette S4, dont 22 produits en 1972 et 1 en 1973. La carrière de la Vixen s'achevait avec les 1300 et la 2500, qui si elles ne portaient pas le nom de Vixen, utilisaient pour le moins sa carrosserie. La Série M dévoilée en juin 1972 succédait à la Vixen. TVR demeurait encore un petit constructeur, avec environ 400 voitures fabriquées par an.

TVR 1300

Produite à seulement 15 exemplaires en 1972, la 1300 tentait de se faire une place sur le marché des coupés économiques, type Triumph Spitfire. D'ailleurs, cette 1300 lui empruntait son moteur 1296 cm3 de 63 ch. Ses piètres performances limitèrent son succès commercial. Les six derniers exemplaires furent fabriqués sur le châssis de la future Série M. L'ultime TVR 1300 fut même équipée du châssis et de la carrosserie de la Serie M.

TVR 2500

Ce modèle qui fut vendu aux Etats Unis sous le nom de Vixen 2500 fut construit en 1971 et 1972. Il était doté du 6 cylindres de la Triumph 2,5 litres, qui présentait l'avantage d'être homologué aux Etats Unis. Sur un total de 385 voitures fabriquées, 96 furent équipées du châssis de la future Série M.

TVR Tuscan V8

La Tuscan remplaçait la Griffith à partir d'octobre 1967. Elle recevait un nouveau V8 Ford de 4728 cm3 et 271 ch, qui équipait par ailleurs la Mustang. Elle répondait au souhait de Martin Lilley de relancer la Griffith, voiture qu'il posséda et dont il fut un fervent admirateur.

TVR Tuscan V8, avant le lifting de 1968 (feux de Cortina Mk 1)

Par rapport à la Vixen, ses voies étaient élargies. Elle disposait d'un tableau de bord en bois et globalement d'un meilleur niveau de finition. Hélas, ce fut un échec, et la Tuscan demeura une voiture confidentielle avec 28 unités fabriquées dans sa version initiale à châssis court. Parallèlement au lancement de la Vixen S2, TVR proposa également le nouveau châssis plus long de 7 cm sur la Tuscan. Mais le niveau des commandes demeurait désespérément plat. Seulement 24 voitures furent vendues dans cette version longue.

En 1968, plusieurs retouches cosmétiques (abandon des feux circulaires au profit de feux angulaires et débordants, nouveaux pare-chocs, lignes adoucies ...) ne permettaient toujours pas aux ventes de décoller, et l'on ne comptabilisa que 21 exemplaires de cette nouvelle Tuscan SE. L'arrivée d'une version Tuscan V6 en 1969 atténua encore un peu plus l'intérêt des acheteurs pour la Tuscan V8 qui disparaissait du programme de production en 1971. Seules 150 exemplaires châssis long de la Tuscan V8 furent fabriqués.

TVR Tuscan SE V8

TVR Tuscan V6

Pour tenter de relancer les ventes de la Tuscan, Lilley la fit équiper à partir d'octobre 1969 d'un V6 Ford Zodiac de 2994 cm3 et 136 ch Din. Cette mécanique était aussi utilisée sur la Ford Capri anglaise, la Reliant Scimitar GTE ou la Marcos GT. Si l'intention était louable, ce moteur ne répondait hélas pas aux normes d'homologation du marché américain. La Tuscan V6 fut tout de même présentée au  Salon de New York en 1971, où elle attira la foule. Mais ce succès était semble-t-il plus dû aux deux jeunes femmes dénudées posant dans des positions équivoques à l'intérieur d'un châssis qu'à la voiture en elle-même. La plupart des Tuscan V6 furent donc vendues en Grande Bretagne, où la clientèle se laissa séduire par le joli grondement du moteur Ford, plus flatteur que le bruit du 4 cylindres de la Vixen. 101 exemplaires de la Tuscan V6 auraient été fabriqués.

TVR 1600 M, 2500 M, 3000 M

Au début des années 70, TVR devait à tout prix se remettre en question. Les Etats Unis, marché majeur pour ce petit constructeur, imposaient des normes de sécurité de plus en plus draconiennes. A Blackpool, on entreprit pour répondre à ces nouvelles contraintes la conception d'un châssis inédit, qui remplaçait celui né avec la Grantura. Celui-ci, toujours de conception tubulaire, était plus large et plus robuste. Il intégrait des éléments de suspension de Triumph TR6. Cette remise à plat passa aussi par la réalisation d'une nouvelle carrosserie. Si la cellule centrale de la Vixen à laquelle la Série M de 1972 succédait était conservée, l'avant était plus effilé et la poupe au dessin plus aérodynamique donnait l'impression d'une toute nouvelle voiture, sans pour autant dérouter la clientèle traditionnelle de la marque. La longueur de la Série M augmentait de 22 cm par rapport aux Vixen et Tuscan. Les feux arrière provenaient de la Ford Cortina Mk II, dont la production avait été interrompue à l'automne 1970. Hélas, la Série M souffrait encore d'un manque d'accessibilité vers le coffre à bagages, que l'on ne pouvait atteindre que depuis l'habitacle.

TVR M Series, 1973, disponible en version 1600 M, 2500 M, 3000 M

TVR proposait trois versions : 1600 M (Ford Cortina 4 cylindres 1599 cm3 90 ch Din), 2500 M (Triumph 6 cylindres 2498 cm3 106 ch Din) et 3000 (V6 Ford Essex 2994 cm3 138 ch Din emprunté à la Granada). La 1600 M remplaçait la Vixen S4, la 2500 M remplaçait la 2500 et la 3000 M succédait aux Tuscan V6. Les chiffres de production font état de 148 exemplaires de la 1600 M de 1972 à 1977, de 947 exemplaires de la 2500 M sur la même période, et de 654 exemplaires de la 3000 M de 1972 à 1979.

TVR 3000 M

L'intégration de la Grande Bretagne au Marché Commun en 1973 eut quelques conséquences pour TVR. Jusqu'alors, la fiscalité britannique permettait la vente de voitures sous forme de kit sans qu'il soit nécessaire d'acquitter les mêmes taxes que sur les automobiles vendues neuves clef en main. Hors la mise en place du système de taxation communautaire entraîna une uniformisation des règles, que la voiture soit livrée montée ou en kit. Dès lors, le nombre de kit fabriqués par TVR diminua sensiblement, et par effet de balancier, on nota un surcroît de commandes pour les véhicules livrés montés.

TVR SM / Zante

TVR présentait au Salon de Londres en 1971 le prototype de la SM (Specialized Mouldings, société fabriquant des carrosseries de voitures de course), également connu sous le nom de Zante, en référence à une minuscule île grecque. Son style signé Oliver Winterbottom s'écartait de celui des productions antérieures de la marque, et évoquait près de dix ans  avant sa présentation au public celui de la Tasmin, dont il fut aussi l'auteur. L'une des particularités de cette voiture résidait dans la forme de sa lunette arrière faisant office de hayon. Son moteur était celui de la Triumph TR6, un six cylindres placé à l'avant. Cette TVR devait être commercialisée parallèlement aux autres modèles de la gamme, mais l'importateur pour les Etats Unis ne se montra pas vraiment intéressé, sauf à équiper l'auto d'un V8 plus puissant. Martin Lilley après avoir dépensé pas mal d'argent pour construire ce modèle unique préféra renoncer.

TVR SM

TVR 3000 M Turbo

En 1973, plus de 550 voitures sortaient de l'usine de Blackpool. La Grande Bretagne et les Etats Unis demeuraient les deux principaux marchés de TVR. En 1974, la production fut perturbée par les mouvements sociaux au sein du groupe BMC, principal fournisseur de pièces pour TVR. Pire encore, l'usine de TVR fut presque totalement détruite par un incendie en janvier 1975. Mais quelques mois plus tard, la production reprenait, et le site retrouvait dès 1976 ses pleines capacités.

Lilley présentait en octobre 1975 la 3000 M Turbo, capable avec ses 230 ch pour moins d'une tonne, de taquiner rien moins que Porsche et certaines Ferrari sur leur terrain. Il est paradoxal de noter que cette voiture, produite entre 1975 et 1979, ne fut assemblée qu'en 20 exemplaires. Son prix, sa complexité, sa fiabilité toute relative nuisirent à sa carrière. Cependant, son lancement eut un tel retentissement que la firme britannique en fit en quelque sorte son cheval de bataille. En effet, grâce à la Turbo, les ingénieurs de TVR apportaient la preuve que le châssis de leur voiture était capable de supporter la puissance d'un moteur turbocompressé. Il était dès lors probable que cet argument ait des retombées sur les ventes des autres modèles de la marque.

TVR Turbo

TVR Taimar

En octobre 1976, TVR présentait la Taimar, qui se distinguait des coupés 2500 M et 3000 M dont la commercialisation se poursuivait par son vaste hayon arrière, qui permettait enfin de ranger sans difficulté plusieurs bagages, comme sur les MG B, Volvo 1800 ES, Ford Capri ou Reliant Scimitar. Ce hayon mettait fin aux critiques concernant l'absence d'ouverture de coffre sur les TVR. A l'instar de MG, TVR se pliait aux nouvelles réglementions américaines, en dotant sa Taimar de nouveaux pare-chocs en plastique. La Taimar était équipée d'un V6 atmosphérique ou turbo, cette dernière version étant réservée au marché britannique. La Taimar fut produite en 395 exemplaires en version atmosphérique, plus 30 unités dotées d'un Turbo.

TVR Taimar

TVR Taimar

TVR Taimar (sauf une Série M en haut à gauche)

TVR 3000 S Convertible

Le constructeur n'était pas coutumier des cabriolets, à l'exception de premières TVR qui étaient des roadsters, de quelques Trident cabriolet et du prototype de la Tina en 1966. En octobre 1978, pour répondre à la demande du marché américain, TVR présentait un cabriolet 3000 S, dérivé de la série M, en version V6 Ford atmosphérique ou turbo, au style encore délicieusement rétro. Cette voiture se fit longtemps attendre. En effet, comme pour ses concurrents Fiat, Lancia ou Triumph, TVR se trouva confronté aux Etats Unis à une législation rigide qui compliqua son homologation.

Mais une fois l'autorisation acquise, par la suite de nouvelles difficultés administratives liées à l'importation de ce modèle, 35 voitures furent mises en fourrière à leur arrivée aux Etats Unis, ce qui porta un coup rude à la trésorerie du constructeur de Blackpool. Cette mésaventure l'incita à se montrer plus circonspect vis-à-vis du marché américain. En deux ans, 258 exemplaires furent assemblés avec le 6 cylindres atmosphérique, plus 13 équipées d'un Turbo de 230 ch.

TVR 3000 S Convertible

TVR Tasmin (80/84), 200 (81/84), Tasmin Turbo (81/82), 280 i (84/87)

Avec la Tasmin (du prénom de la fiancée à l'époque de Martin Lilley) dévoilée à l'aube des années 80 semblait s'achever l'époque glorieuse et artisanale chez TVR, qui devenait un véritable constructeur, mieux un industriel. La conception et l'industrialisation de la Tasmin représentaient le projet de plus grande envergure que TVR ait jamais entrepris. Même si le constructeur conservait le principe du châssis tubulaire, trois années d'études furent nécessaires, ainsi qu'un rééquipement majeur de l'usine.

Avec ce modèle, Lilley construisait SA voiture, celle qui ne devait plus rien ni à la Grantura ni à ses multiples descendantes. En novembre 1979, la fabrication de tous les  anciens modèles était arrêtée, pour faire place nette à la Tasmin. Celle-ci était équipée d'un V6 Ford de 2792 cm3 de 160 ch Din, qui équipait par ailleurs la Capri. Ce moteur homologué des deux côtés de l'Atlantique permettait à TVR de faire un timide retour sur le sol américain. Mais aux USA, pour répondre aux normes locales, il ne développait plus que 145 ch SAE. Le nom de Tasmin fut rapidement abandonné, sauf aux Etats Unis, où il resta utilisé jusqu'en 1985.

L'importance du porte-à-faux avant surprenait, d'autant plus qu'il contrastait avec un arrière tronqué. Le dessin de la Tasmin ne fut pas réalisé en interne. Lilley qui misait gros sur cette auto avait de nouveau fait appel au designer Oliver Winterbottom, auteur entre autres quelques années plus tôt des lignes des Lotus Eclat et Elite.

Les amateurs qualifient régulièrement la Tasmin et ses dérivés du nom de Wedge (du fait des formes en coins). Il s'agit non pas d'une appellation officielle, mais d'un terme qui permet de désigner cette famille de modèles. Souvenons-nous qu'en 1971, Winterbottom avait aussi imaginé pour le constructeur de Blackpool le prototype TVR SM. Bien que dessinée par un Britannique, le style de la Tasmin était bien dans l'esprit de ce que réalisait à l'époque l'italien Giorgetto Giugiaro.

Le prototype de la nouvelle TVR fut achevé en 1978, l'équipement de l'usine fut complété en 1979, et les premières voitures de série montées en novembre 1979. Le coupé était présenté au Salon de Bruxelles en janvier 1980, et les versions cabriolet et 2 + 2 (une première pour TVR) au Salon de Birmingham en octobre de la même année.

La 2 + 2 se reconnaissait à ses jupes de bas de caisse. Le niveau d'équipement était inhabituel sur une TVR : vitres électriques, tableau de bord en bois vernis, intérieur cuir, équipement radio de série ... La commercialisation du seul coupé durant les premiers mois de production permit à la centaine d'ouvriers de la chaîne de montage de se familiariser avec la nouvelle voiture, et aussi de satisfaire immédiatement les commandes de la majorité des clients.

TVR Tasmin, Lotus Elite, un même designer, Oliver Winterbottom

Après quelques mois de commercialisation, il s'avéra que cette nouvelle TVR à l'esthétique controversée vendue à un prix élevé ne suscitait pas vraiment l'enthousiasme. Pour faire face à un tassement significatif des ventes, et pour tenter de séduire de nouveaux acheteurs, TVR proposait dès 1981 une version 200, avec un 4 cylindres Ford 2 litres de 101 ch Din, sans encore une fois convaincre grand monde, puisque seulement 61 exemplaires (16 coupés et 45 cabriolets) furent construits jusqu'en 1984.

A l'opposé, la Tasmin Turbo fabriquée en faible quantité en 1981 et 1982 disposait de 228 ch Din. Dès avril 1981, la série II remplaçait la première version et adoptait le même dessin de carrosserie que le coupé 2 + 2. La Tasmin 6 cylindres  adoptait la désignation de 280 i en 1984.

Au total, ce sont 1197 exemplaires de la Tasmin et de la 280 i, en coupé deux places, cabriolet et 2 + 2 (seulement 47 exemplaires jusqu'en 1985 pour ce dernier) qui furent fabriqués de 1980 à 1988.

TVR Tasmin Série II, à partir d'avril 1981

La TVR 280 i en version US est identifiable à ses imposants pare-chocs


Epoque Peter Wheeler, 1981


Peter Wheeler

Une nouvelle fois dans son histoire, TVR qui avait beaucoup investi dans le développement de la Tasmin et dans son industrialisation, était confronté à de nouvelles difficultés financières en raison des ventes médiocres. Lilley, comme Trevor Wilkinson en son temps, fut contraint de faire appel à des investisseurs, qui pour certains d'entre eux étaient aussi des clients.

C'est dans ce contexte qu'il céda ses parts en 1981 à l'ingénieur Peter Wheeler (1945/2009). Celui-ci avait fait carrière dans l'industrie chimique, et venait de vendre sa société. Il disposait donc de temps et d'argent. Sous sa direction, TVR allait franchir une nouvelle étape décisive. Il s'entourait d'une petite équipe d'ingénieurs particulièrement motivés. Wheeler aurait déclaré " je fais les voitures dont j'ai envie et je me dis qu'il y aura bien quinze cents types qui ont les mêmes envies que moi ".

Peter Wheeler en 1998

TVR 350 i (1983/90)

La nouvelle équipe devait pour l'instant faire rentrer de l'argent, avec le seul modèle existant. Les formes de la Tasmin furent quelque peu arrondies. Wheeler, peu satisfait des performances du V6 Ford,  proposait à partir de 1983 une 350 i parallèlement à la 280 i. Cette 350 i qui succédait à l'éphémère Tasmin Turbo empruntait son V8 de 3528 cm3 et 190 ch Din à la Rover Vitesse. Ce modèle ouvrait une nouvelle époque pour TVR et le moteur Rover, qui allait équiper plusieurs des voitures de la marque jusqu'en 2003, quand la dernière Chimaera quitta les ateliers de Blackpool.

Le V8 Rover était une mécanique d'origine Buick dont l'étude remontait à la fin des années 50. Pour une mécanique US, ce V8 présentait l'avantage d'être compact et léger. Il fut utilisé pour la première fois en Europe sur la Rover 3500 type P6 en 1968. Cette mécanique fut aussi installée sur le Range Rover, la Morgan +8 ou la Triumph TR8.

S1 désignait les premières versions à partir de 1983, et S2 les voitures suivantes sorties à partir de 1986 avec une légère augmentation de la puissance (197 ch Din). La 350 i fut produite en 930 exemplaires, dont 52 coupés S1/S2, 6 coupés 2 + 2 S1/S2 et 872 cabriolets S1/S2.

TVR 350 i

TVR SE (1984/1991)

Différentes SE (Special Edition) se succédèrent entre 1984 et 1991 :
390 SE (1984/88) avec V8 Rover 3907 cm3 de 279 ch, 33 exemplaires
420 SE (1986/88)  avec V8 Rover 4228 cm3 de 304 ch, 70 exemplaires
400 SE (1988/91) avec V8 Rover 3946 cm3 de 275 ch, 242 exemplaires
350 SE (1989/90) avec V8 Rover 3946 cm3 de 280 ch, 25 exemplaires
450 SE (1989/90) avec V8 Rover 4441 cm3 de 320 ch, 35 exemplaires
430 SE (1991), avec V8 Rover 4280 cm3 de 280 ch, 3 exemplaires

TVR 420/450 SEAC (1986/89)

Présentée en octobre 1986, la 420 SEAC (Special Equipement Aramid Composite) était habillée d'une coque en partie composée de Kevlar. L'utilisation de ce matériau associé à la fibre de verre permettait un gain de poids d'environ 100 kg par rapport à un cabriolet traditionnel. Mais le Kevlar rendait la 420 SEAC deux fois plus coûteuse à l'achat qu'une 350 i. La carrosserie de la 420 SEAC adoptait des formes plus douces, et un aileron arrière spécifique. Son V8 avait été porté à 4,2 litres, et il développait 300 ch. Elle fut produite à 37 exemplaires. Il en fut dérivé une 450 SEAC dont le V8 4,5 litres fournissait 324 ch. Celle-ci connut une diffusion encore plus confidentielle, avec 18 exemplaires.

TVR 420 SEAC

TVR 420 Sport Saloon

Cette curieuse version d'un coupé deux portes était dotée du V8 Rover en version 4228 cm3 et 265 ch. Elle fut présentée au Salon de Birmingham en 1986. Contrairement à la Tasmin 2 + 2, elle disposait réellement de quatre places confortables. Une seule voiture aurait été produite.

TVR 420 Sport Saloon

Retrait du marché américain

L'Amérique semblait ne plus vouloir de TVR : de nouvelles normes antipollution furent imposées aux constructeurs automobiles aux Etats Unis en 1985 ; les douanes américaines ne facilitaient pas l'accès des TVR sur le sol US ; le cour du dollar par rapport à la livre britannique était peu favorable. C'est dans ce contexte que TVR se retirait officiellement du marché américain en 1987, alors que le pays de l'Oncle Sam fut durant de longues années son premier client. TVR concentrait désormais toutes ses forces sur le marché britannique, malheureusement moins vaste.

TVR S, S2, S3/S3C, S4/S4C

La Tasmin et ses dérivés équipés de mécanique V8 permirent à TVR de traverser tant bien que mal les années 80. Mais le précédent propriétaire, Martin Lilley, semblait avoir commis une erreur de stratégie en ne continuant pas à produire parallèlement à la Tasmin une version plus classique, dérivée des Taimar et 3000 S Convertible, évolution des premiers modèles. Ce faisant, Lilley avait abandonné une partie de sa clientèle qui  souhaitait un modèle plus abordable, et surtout qui était rebutée par les lignes en coins de la Tasmin. Preuve de ce désamour, la production était passée d'un demi-millier de voitures à la fin des années 70 à environ 150 unités par an au début des années 80.

C'est dans contexte que Peter Wheeler fit le choix de revenir aux sources avec un cabriolet deux places, doté d'une carrosserie toute en courbes. Finalement, cette nouvelle TVR fut simplement baptisée S. Le V6 de 2792 cm3 et 160 ch provenait de chez Ford. Le succès fut immédiat. Lors de sa présentation au Salon de Birmingham en 1986, son constructeur enregistra 62 commandes dans les premiers jours. La machine était relancée, et l'usine tournait de nouveau au maximum de ses capacités. La formule magique avait été retrouvée : associer un aspect rétro et les performances d'une auto moderne. Il faut dire qu'à cette époque, l'industrie automobile britannique ne proposait plus grand-chose dans cette catégorie. La MGB avait  disparu en 1980 et la TR7 l'année suivante. 605 exemplaires de cette première TVR S (rétrospectivement appelée S1) furent fabriqués en 1987 et 1988.

TVR était de nouveau importé en France à partir de 1987 par TVR France installé au Chesnay dans les Yvelines, puis plus tard à Thiais dans le Val-de-Marne. Une TVR S était alors facturée 170 620 francs, à comparer aux 123 000 francs exigés pour une Alfa Romeo Spider ou aux 207 500 d'un cabriolet BMW 325 i. La TVR 350 i pour sa part valait 225 000 francs. Mais les ventes dans l'hexagone étaient bien confidentielles, à peine quelques unités par an. 

Durant l'automne 1988, Ford proposait une nouvelle version de son V6. TVR profitait de cette opportunité, et annonçait au Salon de Birmingham la TVR S2. La cylindrée était moindre avec 2936 cm3, mais la S2 gagnait 10 ch (170 ch), pour des performances qui demeuraient proches de celles de la S1. Esthétiquement, la S2 se distinguait de la S1 par la  présence d'un jonc chromé sur les pare-chocs et par quelques évolutions au niveau de l'équipement. Le succès de se démentait pas, avec 668 TVR S2 produites en 1989 et 1990.

TVR S2

La TVR S3 était commercialisée en 1990. La principale modification était perceptible au niveau des portes, agrandies pour faciliter l'accès à bord. Le tableau de bord était complètement redessiné, et la finition se signalait par des progrès significatifs. On notait aussi à l'avant un bouclier redessiné avec des projecteurs antibrouillard intégrés disponibles en option. Les rétroviseurs étaient issus de la Citroën CX. La S3 était disponible avec une version catalysée du V6 Ford, avec la dénomination S3C. 887 voitures de la Série S3/S3C furent fabriquées de 1990 à 1992.

Dernière évolution de cette lignée, la TVR S4/S4C étaient disponibles en 1992. Le nouveau châssis (le même que celui de la V8S) était plus rigide. La S4/S4C était équipée de freins à disques à l'arrière, et elle adoptait de nouvelles jantes et un capot moteur avec des fentes latérales. Mais la carrière de cette Série S s'achevait, et seulement 34 exemplaires de la S4/S4C furent assemblés en 1993. Il n'y a jamais eu de S4 sans catalyseur. S4 et S4C sont donc deux manières différentes d'appeler le même modèle, et non deux modèles différents.

TVR S4, avec ses antibrouillards intégrés

TVR V8S

Wheeler avait la nostalgie des TVR surpuissantes. Il rachetait en 1989 la société NCK Racing de Coventry qu'il rebaptisait TVR Power. Cette nouvelle structure avait les moyens de doper le V8 Rover à grande échelle. C'est ainsi qui naquit la TVR V8S présentée à Genève en 1991, fabriquée à 410 unités jusqu'en 1993. Quelques clients plus exigeants ou en quête d'émotions fortes se firent confectionner une V8S sur mesure, plus puissante encore. On distinguait cette V8S par l'énorme bosse excentrée qu'elle possédait sur le capot moteur.

TVR V8S

Après l'épisode parfois difficile de la Tasmin et de ses dérivés, la série S assemblée de 1987 à 1993 était revenue aux fondamentaux de TVR. Les 2604 voitures fabriquées en 6 et 8 cylindres permirent de renouer avec les profits et au constructeur de Blackpool d'envisager les années 90 avec plus de sérénité. Ces nouveaux moyens furent surtout utilisés pour étudier deux modèles majeurs dans l'histoire de TVR, la Chimaera et la Griffith. Mais avant de développer la carrière de ces deux automobiles, intéressons-nous à deux projets qui demeurèrent sans suite.

TVR White Elephant

Alors que les carrières des dérivés de la Tasmin et la Série S approchaient de leur terme, Peter Wheeler lançait l'étude d'une série de prototypes qui allaient aboutir à la Griffith de 1990. L'un de ceux-ci fut identifié sous la dénomination de " White Elephant ". Il était équipé d'un V8 GM Holden (Australie) de 5 litres et 350 ch, adapté aux contraintes antipollution du marché US. La " White Elephant " avait été développée sur un châssis de 420 SEAC modifié, et à partir d'une carrosserie de Tasmin revue et corrigée. En prenant un peu de recul, Peter Wheeler préféra abandonner ce projet. L'approvisionnement en moteur aurait en effet pu s'avérer complexe en raison des distances. Mais surtout, le style de l'auto trop marqué années 80 paraissait déjà démodé avant même sa mise en production. 

TVR White Elephant

TVR Speed Eight

Une autre étude, un cabriolet deux places équipé du V8 Rover 3,9 litres, portait le nom de Speed Eight. Présenté en octobre 1989, il était construit sur une base de 420 SE. Le style de l'auto était singulier, et semblait hésiter entre deux tendances, celle du style en coins hérité de la Tasmin, et celle de formes plus arrondies, qui faisaient référence au passé de la marque. En 1990, la Speed Eight fut de nouveau présentée à Birmingham, mais cette fois en version cabriolet 2 + 2. A côté d'elle trônait la Griffith. Finalement, ce sont les clients qui décidèrent. La Griffith attirait dix fois plus de commandes que la Speed Eight. Le projet fut abandonné, seul son tableau de bord fut reconduit sur la Griffith.

TVR Speed Eight

TVR Griffith

Une nouvelle génération de roadster TVR était présentée au Salon de Birmingham en octobre 1990 à côté de la Speed Eight. Peter Wheeler lui-même participa à la définition du style de cette Griffith 400. Cette voiture adoptait des formes bodybuildées presque caricaturales. La mécanique provenait toujours de chez Rover. Grâce à une légèreté remarquable, 1065 kg sur la balance avec le plein, et à une puissance de 240 ch, on retrouvait avec la Griffith 400 la recette qui avait fait le succès des AC Cobra et Dodge Viper.

TVR Griffith

Sur le stand TVR, c'était l'euphorie. A la fin du salon, 320 bons de commande avaient été signés. Après quelques tâtonnements, la série " wedge " avait enfin trouvé une digne succession. Les premières livraisons intervenaient début 1992. Comme pour la V8S, quelques riches amateurs de sensations fortes s'offrirent des versions plus affûtées, mais il s'agissait de productions à l'unité.

La Griffith fut disponible en différentes versions : 400 produite en 1992 (240 ch), 430 en 1992 et 1993 (280 ch), 450 en 1993 (285 ch) et 500 de 1994 à 2002 (340 ch). Au total, ce sont (selon les sources) entre 2300 et 2500 exemplaires qui auraient été produits, dont près de 70 % en version 500, celle qui demeura le plus longtemps au catalogue.

En 1992, TVR France commercialisait la Griffith 400 au prix de 340 000 francs, à comparer par exemple aux 409 000 francs d'une Porsche 968 cabriolet ou aux 519 000 francs d'une Venturi Transcup. La TVR offrait l'un des meilleurs rapports prix/performances de sa catégorie.

TVR Griffith

TVR Chimaera

Plus long, plus raffiné, plus spacieux également, le roadster Chimaera présenté au Salon de Birmingham en 1992 et lancé en production en février 1993 se voulait à l'origine une variante plus civilisée de la Griffith, même si les performances des deux soeurs étaient très proches. Dans la gamme TVR, elle succédait à la Série S. A Blackpool, peu de temps fut nécessaire pour résoudre un problème simple : produite une voiture la plus différente possible de la Griffith avec les mêmes ingrédients.

Comme la Griffith, la Chimaera équipée du V8 Rover évolua dans des versions 400, 430, 450 pour culminer avec la 500 de 340 ch. Comme toutes les TVR, elle dissimulait assez bien les éléments issus de la grande série, et possédait de nombreuses pièces de finition spécifique (poignées de porte, commandes de chauffage, instrumentation ...), une caractéristique assez rare dans le monde des petits constructeurs.

En 1997, TVR était devenu le troisième constructeur de voitures exclusivement sportives, derrière Porsche et Ferrari, mais devant Aston Martin, Ferrari et Maserati. La Chimaera fut incontestablement une réussite, avec selon les sources entre 5000 et 6100 exemplaires fabriqués jusqu'en 2003, ce qui en a fait le best-seller de la marque toutes époques confondues. Ce fut aussi le dernier modèle à être motorisé par le V8 Rover.

TVR Chimaera

Peter Wheeler fit le pari d'implanter une usine en Malaisie en 1998, afin de mieux répondre à la demande en Australie, au Japon et en Afrique du Sud. Seule la Chimaera y fut produite, et certaines d'entre elles prirent même le chemin de la Grande Bretagne pour répondre à la demande européenne.

TVR Cerbera

Ce coupé 2 + 2 présenté en mars 1994, basé sur un châssis de Chimaera, inaugurait les nouveaux moteurs APJ6 et APJ8 conçus chez TVR. Pour la première fois de son histoire, à l'exception des boîtes de vitesses et de l'accastillage, TVR pouvait se présenter comme un constructeur à part entière, et non plus comme un assembleur, aussi doué soit-il. Les puissances des motorisations variaient de 350 à 420 ch. Ces moteurs n'avaient rien à envier au V8 Rover habituellement utilisé. TVR s'affichait sans complexe face aux Porsche Carrera ou Ferrari F355, le tout pour un prix  inférieur : 490 000 francs pour la Cerbera en 1998, 548 500 francs pour la Porsche et 777 000 francs pour la Ferrari. Dans l'hexagone, la Cerbera n'était disponible qu'en conduite à droite.

Le nom de Cerbera était dérivé de celui d'un monstre de la mythologie grecque, Cerbèrus, gardien de l'enfer. Il en était de même pour Chimaera (Chimère), un autre monstre cracheur de feu, à tête de lion, corps de chèvre et queue de dragon ! Cette similitude dans les appellations contribuait à renforcer la parenté entre les deux voitures, déjà proches esthétiquement.

Après une longue carrière de plus de dix ans, la Cerbera quittait le catalogue en 2005, après avoir bénéficié de quelques liftings au cours de son existence. Selon les sources, il en fut produit au total entre 1500 et 1800 exemplaires, et selon les années entre 200 et 400 voitures jusqu'en 1999, avant que les ventes ne déclinent pour ne plus dépasser la centaine de voitures assemblées annuellement jusqu'à son retrait.

TVR Cerbera

Un moteur TVR

Peter Wheeler avait confié à l'équipe de TVR Power l'étude d'un nouveau V8 disponible en versions 4,2 et 4,5 litres, ainsi que d'un 6 cylindres en ligne. Ceux-ci étaient dénommés APJ8 et APJ6, des initiales de leurs concepteurs (Al Melling, Peter Wheeler et John Ravenscroft). Ils étaient aussi désignés sous les termes de Speed 8 et Speed 6. Pourquoi TVR a-t-il conçu son propre moteur ? En 1994, Rover était racheté par BMW. Wheeler ne voulait pas que ses voitures soient équipées d'un moteur appartenant à un constructeur étranger. C'était oublier un peu vite que le V8 Rover prenait ses origines chez Buick. Par ailleurs, selon le patron de TVR, cette mécanique était arrivée au bout de ses capacités de développement. Il pensait enfin que Rover, en mauvaise posture, était susceptible à tout moment d'en arrêter la production. Ce fut effectivement le cas en 2005, lors de la disparition du groupe Rover. Mais Land Rover qui était encore bien en vie sous-traita la fabrication de ce moteur à petite cadence à une société d'ingénierie et de fabrication du nom de MCT.

Une gestion à l'ancienne

Sous la direction de Peter Wheeler, la fabrication et l'étude des TVR ne correspondaient à aucun critère commercial clairement identifié, et leur développement répondait à un cahier des charges où la passion et la spontanéité tenaient une large place. Le marketing, la hiérarchie et les organigrammes étaient des notions étrangères aux gens de Blackpool, de même que la CAO. Rien de valait une mise en forme à l'échelle 1/1 pour valider une idée. Quand Peter Wheeler dessinait une voiture, il ne prétendait pas s'inspirer de telle ou telle tendance, de telle ou telle école. Il concevait simplement les voitures qu'il avait envie de conduire. Il était inutile de demander au patron de TVR de parler de l'image de TVR et de ce qui faisait le succès de ses voitures. Cela ne l'intéressait pas. Il répondait simplement " qu'ils se contentent de les conduire et de s'amuser ". L'époque des Griffith, Chimaera et Cerbera fut celle du chant du cygne pour TVR. Un sommet fut atteint en 1998, avec près de 2000 voitures assemblées. Plus difficile et surprenante allait être la chute ...

TVR 7/12, Speed 12

TVR présentait au Salon de Birmingham 1996 une version APJ12 (Speed 12) du moteur maison, installé sur le prototype 7/12.

TVR 7/12 project

Sa puissance était évaluée à plus de 800 ch. Ce moteur fut ensuite monté sur la Speed 12 exposée au Salon de Londres en octobre 1997, puis la voiture évolua en 2000 avec une carrosserie proche de celle de la Cerbera.

TVR Speed 12

TVR Cerbera Speed 12

Quelques clients passèrent commande de cette Cerbera Speed 12, même si le tarif annoncé (188 000 £) n'avait rien d'ordinaire, et en faisait la TVR la plus chère jamais produite. Peter Wheeler estima que la voiture était inconduisible sur route ouverte, car bien trop puissante. Seule une utilisation en compétition demeurait envisageable. Il semble que six voitures au total aient été produites. Les modèles hors d'usage furent utilisés pour le prélèvement de pièces détachées à destination des rares voitures encore engagées en compétition. Au début des années 2000, les ventes de TVR baissaient dramatiquement. La présence d'une version V12 au catalogue ne trouvait plus de justification. Le constructeur avait d'autres priorités.

TVR Tuscan

La nouvelle Tuscan était présentée au British Auto Show de 1998. TVR reprenait une ancienne appellation pour désigner un nouveau modèle encore plus radical que les Chimaera, Griffith et Cerbera. Si par le passé, TVR chassait sur les terres de MG, Austin Healey ou Triumph, avec la Tuscan, le constructeur de Blackpool s'attaquait sans aucune ambiguïté aux plus performantes des Porsche, Ferrari ou Maserati.

TVR qui avait toujours fait preuve d'un certain classicisme sur le plan esthétique osait cette fois une face avant particulièrement originale, caractérisée par ses trois phares ellipsoïdaux intégrés dans les ailes. L'habitacle était une véritable pièce de joaillerie particulièrement flatteuse à l'oeil.

TVR Tuscan (Mk 1)

TVR Tuscan (Mk 1)

TVR Tuscan (Mk 1)

TVR Tuscan S (Mk 1)

La Tuscan adoptait le moteur maison de type APJ6, dont la puissance évoluait de 350 à 400 ch, selon la cylindrée choisie (3,6 litres ou 4.0 litres) et les années de production. La carrosserie était de type targa. Le châssis était emprunté à la Cerbera, après que l'empattement ait été raccourci. La voiture avait tout pour séduire les amateurs de sensations fortes, avec des performances hors du commun. 

Cependant, la Tuscan était devenue une GT très coûteuse à l'achat. Les fidèles de la marque ne se reconnaissaient plus dans ce dessin torturé et excessif, qui leur inspirait parfois du mépris. Pour renforcer son image sportive, Wheeler ne désarmait pas, et inscrivait un modèle dérivé de la Tuscan, la T400R, aux 24 Heures du Mans en 2003 et 2004. Après les abandons de la première année, les TVR terminèrent la course en 8ème et 9ème position en 2004. 

La Tuscan évoluait en mai 2004, sous la direction du nouveau repreneur Nikolai Smolensky, en une version Mk 2, qui se distinguait notamment par un nouveau dessin de ses feux avant et arrière. L'efficacité des suspensions fut améliorée. La Mk2 gagnait quelques chevaux. Elle était toujours disponible en carrosserie targa et pour la première fois sous la forme d'un cabriolet. Si la presse spécialisée se montra plutôt élogieuse, la clientèle demeura prudente concernant la fiabilité et la qualité de fabrication. Selon les sources, ce sont tout de même entre 1800 et 2600 Tuscan qui auraient été produites jusqu'en 2006.

TVR Tuscan S Mk 2

TVR T400R et T440R

La Tuscan R était présentée en 2000, avec le 4 litres de 440 ch. Elle se distinguait de la Tuscan par son profil deux volumes. Elle évoluait ensuite en versions T400R (4 litres de 400 ch) et T440R (4 litres de 440 ch). Ces voitures recevaient une carrosserie en fibre de carbone et nid d'abeilles en aluminium. Il s'agissait de la plus grande et de la plus large des TVR jamais produite, ce qui permettait à la T400R de proposer quatre places (2 + 2). La 440R avec son réservoir de carburant plus grand ne comptait que deux places. Ces deux voitures furent homologuées pour la route avant de pouvoir participer à des compétitions. Bien que figurant officiellement au catalogue du constructeur, aucune T400R ou T440R ne fut vendue à destination d'un usage routier.

TVR T400R

TVR Tamora

Appelé à succéder à la Chimaera, le roadster Tamora (du nom d'une reine des Goths) présenté en 2001 était un dérivé un peu moins performant de la Tuscan. Il était mu par le six cylindres APJ6 en version 3,6 litres de 350 ch, et se positionnait face aux Porsche Boxster S et BMW Z3 M Roadster. Pour TVR, il s'agissait d'élargir sa clientèle, avec un modèle plus accessible, comme la marque le fit quelques années plus tôt avec la Chimaera face à la Griffith. Après la Tuscan dont le design fut largement commenté, les clients traditionnels de TVR ne semblaient pas non plus se reconnaître dans la Tamora, souvent jugée laide. Ses ventes ne décollèrent jamais, passant d'environ 200 voitures en 2002, première année pleine de production, à moins d'une centaine les années suivantes. Sa commercialisation cessa en 2005.

Voir aussi : http://www.automobile-sportive.com/guide/tvr/tamora.php

TVR Tamora

TVR T350

TVR présentait en 2002 la T350, un coupé à toit amovible basé sur le châssis de la Tamora, dont il reprenait la mécanique. Sa carrosserie, à la fois galbée et aiguisée, s'inspirait de celle de la Tuscan. Ce modèle fut disponible jusqu'en 2005 en deux versions, une T350 C (pour coupé) et une T350 T pour Targa.

TVR T350 C

La chute

Avec une gamme pourtant étoffée au début du nouveau millénaire, le succès n'était plus au rendez-vous pour TVR. Le niveau de production qui avait culminé en 1998 à près de 2000 voitures ne cessait depuis de décroître, pour s'établir en 2002 à environ 800 unités, soit à peu près le niveau de 1992. Plusieurs explications peuvent être apportées à cette chute. TVR avait renoncé au marché américain, grand consommateur de sportives européennes. L'exportation vers les autres pays demeurait difficile. La France, contrée pourtant voisine, n'absorbait que quelques voitures, moins d'une vingtaine par an durant les meilleures années, seulement une en 2001, dernière année de présence de la marque dans l'Hexagone. Chez TVR, on renonça à introduire des aides électroniques à la conduite (ABS, ESP ...), tandis que pour tous les autres grands constructeurs de sportives, la présence de ces aides était une évidence. Le dessin des nouvelles voitures ne convainquait plus grand monde. Peter Wheeler semblait avoir perdu son inspiration, ou du moins ses goûts ne correspondaient ils plus aux attentes du marché. Avec cinq modèles au catalogue en 2004 (Tamora, T350, Tuscan, Cerbera et T400R/T440 R), la gamme devenait moins lisible pour les clients potentiels. Les volumes par modèle baissaient, compliquant un peu plus le maintien d'une rentabilité financière. TVR s'était trop dispersé. A l'usage, les moteurs conçus par TVR s'avéraient fragiles. Les clients étaient confrontés à des problèmes de qualité de fabrication. Les coûts de prise sous garantie explosaient. L'après-vente souffrait. Le constructeur n'avait plus les moyens de soutenir commercialement et techniquement ses distributeurs et concessionnaires. Il n'en fallait pas plus pour mettre à mal la réputation chèrement acquise de TVR. 

TVR Sagaris

La TVR Sagaris était présentée au Salon de Birmingham en 2004, avant d'être commercialisée en 2005. Initiée et étudiée par TVR sous le présidence de Peter Wheeler, c'est le nouveau repreneur Nikolai Smolensky qui assura son lancement commercial.

Le charme agit toujours

La Sagaris avait été conçue comme une voiture de course à usage routier pour que quotidiennement son conducteur ressente les mêmes sensations qu'au volant d'un prototype des 24 Heures du Mans. Compacte avec 4 mètres de long et d'un poids mesuré de 1078 kg, la Sagaris était dotée du 6 cylindres APJ6 4 litres qui développait dans le cas présent 380 ch. Mais cette GT au look agressif, avec ses fentes de refroidissement et ses énormes spoilers, frisait la caricature. Cette auto " too much " pouvait-elle encore séduire les fidèles de la marque de Blackpool ? Pourtant, il s'agissait pour TVR de la voiture de la dernière chance. Les finances de la marque étaient exsangues. En juillet 2008, une version Mk 2 était présentée à quelques personnes soigneusement choisies, des concessionnaires et des membres du TVR Car Club britannique. Les améliorations sur cette version portaient surtout sur l'aménagement de l'habitacle, et sur l'aspect extérieur.

TVR Sagaris


Epoque Nikolai Smolensky, 2004/2006


Nikolai Smolensky

Le jeune banquier milliardaire russe Nikolai Smolensky rachetait TVR en juillet 2004, en souhaitant donner à la marque un nouvel essor. La surprise était totale, Peter Wheeler, alors âgé de 60 ans, avait mené cette vente dans la plus grande discrétion. Le public découvrait alors les difficultés dans lesquelles se débattait TVR. Les clients s'inquiétaient de voir leur constructeur préféré passer sous le contrôle d'un étranger, russe de surcroît. Même le grand public, qui n'y connaissait pas forcément grand-chose à l'automobile, regrettait qu'un fleuron de l'artisanat britannique passe sous pavillon étranger.

La jeunesse de Smolensky et l'origine des fonds prêtaient à des commentaires variés qui n'avaient rien de rassurant. Le nouvel arrivant affirmait pourtant sa volonté de renouer avec les succès de la décennie précédente. Sa stratégie passait par un retour sur le marché américain, une amélioration de la qualité de fabrication, une fiabilisation des voitures, et une réappropriation de la fabrication de nombreuses pièces sous-traitées. Peter Wheeler assura pendant quelques jours un passage de relais avec le nouveau propriétaire, au titre de conseiller, avant de quitter définitivement les lieux. 

Sous cette nouvelle direction, les concessionnaires notèrent en effet une amélioration significative de la qualité et de la fiabilité des TVR. L'entreprise de Blackpool semblait reconquérir la confiance perdue de ses anciens clients. Hélas, dans les faits, la chute des ventes se poursuivait. En avril 2006, TVR confirmait ses difficultés et annonçait du chômage technique  pour une partie de son personnel.

Nikolai Smolensky qui n'était pas le propriétaire des murs de l'usine - il louait les locaux à Peter Wheeler - dut faire face à un refus de ce dernier de renouveler le contrat de location. L'affaire TVR prenait une tournure politique. L'usine représentait des emplois, et elle contribuait à la bonne image de la ville de Blackpool. La suite ne fut constituée que d'une succession de rebondissements : projet avorté de déménagement à l'étranger, découpe de TVR en différentes entités, vente de TVR Power qui devenait le seul distributeur de pièces pour le réseau, annonce de délocalisation chez Bertone en Italie, démission de Smolensky puis plus tard rachat par ce dernier de son entreprise liquidée dans des conditions douteuses, reprise de TVR par deux Américains qui souhaitaient produire les voitures de la marque aux Etats Unis, etc ...

Toute production cessait en 2006. Smolensky tentait de relancer la machine avec différents projets : une Tuscan Mk 2 à moteur Chevrolet de 400 ch, une Cerbera à moteur V8 Diesel, et même un modèle GT 350 mue à l'électricité. Finalement, notre investisseur russe décidait de se reconvertir dans l'énergie éolienne.

La disparition de Trevor Wilkinson et de Peter Wheeler

Alors que TVR disparaissait dans la douleur, on apprenait le 6 juin 2008 le décès de Trevor Wilkinson à l'âge de 85 ans. Celui-ci assista à la triste descente aux enfers de la marque qu'il avait créée, mais il eut tout de même le plaisir d'assister à la célébration des 60 ans de TVR en 2007. Un an plus tard, le 10 juin 2009, c'est Peter Wheeler qui s'en allait à l'âge de 64 ans.

Dans le rétroviseur

TVR était jusqu'à l'arrivée de Martin Lilley en 1965 un très petit constructeur, avec environ une centaine de voitures fabriquées par an depuis 1958. Dès 1966, la production tendait à se rapprocher des 200 voitures. L'arrivée de la Série M en 1972 marquait un virage pour TVR, qui désormais produisait entre 300 et 400 voitures, sauf en 1975 en raison de l'incendie qui détruisit ses installations. Le remplacement des anciens modèles par la Tasmin en 1980 ne fut pas sans conséquence pour la marque. Désormais les ventes se stabilisaient entre 100 et 200 voitures, avant que n'arrivent des versions un peu plus glamours, les 280 i et 350 i. Cette 350 i faisait entrer le moteur Rover chez TVR. Les ventes remontèrent à un niveau de 300/400 exemplaires. La Série S permettait dès 1987 de doubler (rien moins que cela) la production. Jusqu'en 1994, TVR produisait entre 700 et 1000 voitures. Après des débuts en douceur, Les Griffith, Chimaera et Cerbera faisaient exploser les compteurs. En 1997 et 1998, TVR assemblait chaque année pas loin de 2000 voitures. Ensuite les ventes déclinèrent régulièrement, pour se stabiliser à environ 700/800 exemplaires de 2002 à 2005, et chuter de moitié en 2006. Depuis ses débuts, le constructeur aurait fabriqué (les données varient selon les sources) entre 22 et 25 000 voitures. Durant ses meilleures années, Toyota à produit jusqu'à 20 000 voitures par jour !

TVR is roaring back

Curieusement, Peter Wheeler offrit un rebond inattendu à TVR durant les années 90, avec des automobiles répondant aux attentes du marché. Mais c'est encore lui qui dirigeait TVR quand les ventes commencèrent à décliner. Nikolaï Smolensky hérita d'une situation déjà critique, et ne parvint pas à reprendre la situation en main, même si sa gestion ne fut pas exempte de critiques. TVR à l'instar de constructeurs aussi prestigieux qu'Aston Martin, Rolls Royce ou Bentley n 'a jamais rencontré le géant de l'automobile qui aurait pu le sauver.

Il reste encore de nombreuses voitures de la marque sur les routes, surtout en Grande Bretagne, où les propriétaires sont soutenus par un club très actif. TVR Power assure l'après-vente, et est encore capable d'intervenir sur les moteurs Rover et sur les APJ6 et APJ8. Concernant l'avenir, une lueur d'espoir est encore présente. Pour vous en convaincre, jetez un oeil sur la page web de la marque, toujours active. Un groupe de passionné anglais aurait racheté la marque à Nikolaï Smolensky en 2013. TVR is roaring back ?!


Sources : http://www.tvrcarclub-france.net avec la complicité d'Alexandre Sennedot, Gazoline n° 197 et 198, Automobiles Classiques (plusieurs numéros), Calandre (plusieurs numéros), L'Automobile Hors Série Salon, L'Auto Journal Hors Série Salon, Alpha Auto, 40 ans de voitures de sport chez EPA.

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