Rolls-Royce, de 1904 à 1936
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Charles Stewart Rolls (1877/1910) Charles Stewart Rolls (1877/1910) Charles Rolls, troisième fils du Baron Llangattock, est un aristocrate aventureux et un véritable pionnier de l'automobile. Né le 27 août 1877, il étudie au prestigieux Collège d'Eton, puis à l'université de Cambridge. Sa solide formation en mécanique constitue un atout précieux pour sa passion : le sport automobile. Rapidement reconnu pour ses talents de pilote, Charles Rolls contribue activement à populariser cette activité encore peu répandue en Angleterre, importée du continent. Entouré d'un groupe de jeunes sportifs, il participe à l'évolution des pratiques, voyant la création de clubs et l'organisation de courses où il est une figure omniprésente. Alors qu'il est encore étudiant, il fait l'acquisition de l'une des premières automobiles circulant outre-Manche, une Peugeot destinée non pas au tourisme, mais à la compétition. Fort d'une aisance financière, Charles Rolls peut assouvir sa passion sans contraintes, s'inscrivant et remportant diverses courses telles que Paris-Boulogne sur Panhard, Paris-Toulouse-Paris sur Napier, ou Paris-Berlin sur Mors. Claude Johnson est le secrétaire général de l'Automobile Club de Grande-Bretagne et d'Irlande, fondé en 1897. Il a en charge l'organisation de compétitions et d'autres événements sportifs. Dans ce cadre, il côtoie Charles Rolls. En 1902, Charles Rolls se lance dans le commerce de l'automobile et propose à Claude Johnson de s'associer avec lui en prenant la direction de son affaire. Johnson souhaite prendre du recul, déçu par la politique interne de l'Automobile Club. Cet homme possède le charisme d'un véritable manager. Charles Rolls vend alors principalement des voitures de marque française, notamment Panhard & Levassor, Mors, Clément, mais aussi la marque belge Minerva. Il fait aussi commerce de voitures d'occasion de toutes marques. Son affaire est parfaitement organisée et prend de l'ampleur avec l'arrivée de Johnson.
Libéré de la gestion quotidienne, Charles Rolls peut s'adonner à ses autres activités. Ses passions sont multiples, allant de la course automobile au pilotage d'avions, en passant par l'aérostation. Charles Rolls pilote d'abord des automobiles en tant qu'amateur, puis en tant que professionnel en représentant les marques qu'il importe. Après son association avec Henry Royce en 1904, c'est la marque Rolls-Royce qu'il défend. Dans ces premières années de l'automobile, une victoire ou une place d'honneur en course valent les meilleures campagnes de publicité. Ces courses attirent toujours les foules et la presse, qui s'en fait largement l'écho. Grâce à ses prouesses aériennes, le nom de Charles Rolls s'affiche de plus en plus fréquemment dans la presse. Pilote audacieux, ambitieux et maîtrisant parfaitement ses machines, il impose le respect tant des observateurs que des professionnels. Ses performances contribuent au prestige grandissant des automobiles Rolls-Royce. En juin 1910, il réalise un exploit retentissant en devenant le premier Anglais à traverser la Manche en avion et à effectuer un aller-retour sans se poser. Cependant, le destin le frappe tragiquement le 12 juillet 1910, lors d'une démonstration publique où son Wright Flyer se désintègre en vol, causant sa mort. Malgré cette perte soudaine, l'entreprise automobile Rolls-Royce, forte d'un carnet de commandes bien rempli, surmonte sans difficulté la disparition de l'un de ses fondateurs. Frederick Henry Royce (1863/1933) Issu d'une longue lignée de meuniers, James Royce essaie de moderniser ses moulins en y installant des moteurs à vapeur. Son épouse, Mary, est issue d'une famille d'agriculteurs. De leur union naît Frederick Henry Royce le 27 mars 1863. Il est le cinquième enfant de cette famille aux revenus très modestes. La tentative de mécanisation de James Royce se solde par un échec et, découragé, il déménage avec sa famille à Londres. Leur existence est rude. Les enfants participent aux dépenses du foyer par tous les moyens possibles. Le jeune Henry effectue la distribution de journaux et de télégrammes. Dans ce contexte, l'éducation scolaire devient secondaire. Par la suite, il trouve un emploi de télégraphiste dans un bureau de poste. A cette période, une de ses tantes, touchée par ses difficultés, finance son apprentissage dans les ateliers de la " Great Northern Railway " à Peterborough. A cette époque, les apprentis ne perçoivent pas de salaire et doivent même verser une indemnité à leur employeur. Sa tante prend également en charge le coût de sa pension dans une famille, les Yarrow. Pour Henry, cette situation représente une double opportunité : il découvre un emploi qui suscite son intérêt, et monsieur Yarrow se révèle être un monteur-ajusteur compétent et un mécanicien remarquable possédant ses propres outils dans un atelier situé au fond de son jardin. C'est probablement dans cet atelier que Royce développe sa grande dextérité dans l'utilisation de divers outils. Tout ce qu'il n'apprend pas à l'usine lui est transmis par son hôte. En 1879, l'apprentissage de Royce est interrompu de manière soudaine lorsque sa tante, affectée par la crise économique, n'a plus les ressources nécessaires pour subvenir à ses besoins. Royce ne se décourage pas. Il se dirige vers le nord de l'Angleterre, région où se concentrent la majorité des usines de construction mécanique. Il finit par trouver un emploi dans une manufacture d'outils à Leeds. Il consacre le peu de temps libre dont il dispose à l'étude de cette science émergente qu'est l'électricité.
Frederick Henry Royce En 1880, Henry Royce répond à une offre d'emploi de la " Light and Power Company " à Londres, qui recherche un essayeur. Sa candidature est acceptée. Ce poste suscite une vive passion chez lui, et il progresse rapidement pour devenir ouvrier qualifié. L'éclairage électrique des rues en est à ses débuts. Ses aptitudes sont reconnues, et il se voit confier la responsabilité de l'agence locale de Liverpool. Cependant, la demande en électricité demeure limitée. Par manque de contrats, l'agence cesse ses activités. Dépourvu de diplômes ou de certificats d'études, sa situation est instable. Royce suit les cours du London Polytechnic. Il a réussi à économiser un petit capital. Il nourrit une détermination inébranlable à réussir. A l'âge de 21 ans, il fonde avec Ernest Alexander Claremont, un ami et collègue ingénieur électricien, un modeste atelier d'électricité situé à Cooke Street à Manchester. Dans leur atelier, ils produisent une variété d'articles, allant des douilles aux petits générateurs. Les deux associés résident au-dessus de leur lieu de travail et connaissent une prospérité modeste, fruit d'un labeur intense, d'une gestion prudente et de l'attention méticuleuse que Royce accorde aux moindres détails. La commercialisation des moteurs électriques, en particulier, génère des profits importants. Ainsi, c'est davantage par la qualité exceptionnelle de son travail que par ses qualifications académiques qu'Henry Royce acquiert de la reconnaissance. Il ne ménage pas ses efforts. Henry Royce épouse Minnie Punt (1867/1936) le 16 mars 1893. Leur union prendra fin en 1912, sans qu'ils aient d'enfants.
La première usine Rolls-Royce à
Manchester En 1894, l'entreprise évolue et devient une société anonyme, baptisée Royce Limited. Ernest Claremont en prend la direction. L'entreprise est administrée avec une grande prudence, chaque dépense étant soigneusement examinée. Royce et Claremont orientent leurs efforts vers la production de grues. A cette époque, la vapeur et l'électricité sont encore en concurrence, mais Royce décide de privilégier l'électricité. Au début du siècle suivant, de nombreuses grues Royce sont utilisées dans les ports et les aciéries. Désormais, Royce Limited possède son propre bureau d'études et ses propres fonderies. Les professionnels apprécient grandement les grues produites par la Royce Limited. Leur succès repose sur leur qualité de fabrication, leur fonctionnement silencieux et leur longévité. Bien que les grues Royce soient coûteuses, Henry Royce estime que la qualité perdure bien après que le prix soit oublié. Royce est désormais un homme aisé, ainsi qu'un ingénieur mécanicien et électricien reconnu et respecté. La réussite ne change en rien son mode de vie. Son niveau d'exigence reste toujours élevé. Cependant, Royce demeure vigilant, car de nouveaux acteurs dans la fabrication de grues sont attirés par le succès des produits de la Royce Limited.
Pont roulant Messrs équipé d'une grue Royce - Source : https://www.warwickshirerailways.com Au tournant du siècle, Royce perçoit l'automobile uniquement comme un moyen de déplacement, pas plus. Après avoir expérimenté une De Dion Bouton, à l'âge de quarante ans, en 1903, il acquiert une Decauville d'occasion, une marque française présente dans l'automobile depuis 1897. Bien que cette voiture soit relativement solide, il juge son confort, son niveau sonore et sa fiabilité perfectibles. Pour son propre usage, il entreprend d'améliorer sa Decauville. Tout au long de sa vie, Royce suivra cette même approche. Il achète le meilleur objet sur le marché, dans le domaine qui l'intéresse, l'examine, le démonte et en construit un autre, d'une qualité supérieure. Henry Royce est persuadé qu'il ne lui sera pas particulièrement ardu de fabriquer une automobile d'une qualité supérieure. Ce n'est pas le bruit ni le fonctionnement du moteur qui le dérangent, mais plutôt le manque de méticulosité dans la fabrication. La qualité des matières premières lui semble incertaine, et l'usinage manque de précision. Bien entendu, à cette époque, tous les constructeurs manquent encore d'expérience. La maîtrise des contraintes auxquelles sont soumises les pièces en mouvement n'est pas encore parfaite. Henry Royce est fermement convaincu que la qualité d'un produit repose avant tout sur le respect rigoureux des tolérances de fabrication et d'assemblage. Au lieu de simplement imaginer, il passe à l'action. Ses collaborateurs savent qu'il est vain de s'opposer à ses initiatives. Son jugement s'est toujours révélé pertinent. C'est pourquoi ils se rallient à son opinion et approuvent les investissements prévus pour la fabrication d'une automobile. Nous sommes en 1903. Il initie la production de trois prototypes de sa première voiture, simplement appelée 10 HP. Le premier modèle assemblé effectue un essai routier le 1er avril 1904, sur une distance de 25 kilomètres. Son moteur bicylindre de 1 809 cm³ refroidi par eau lui permet d'atteindre à peine 50 km/h.
Frederick Henry Royce Pour Henry Royce, l'automobile représente encore une simple expérimentation. Elle ne met aucunement en péril la production d'équipements électriques et de grues. Les employés d'Henry Royce considèrent cette diversification avec un sourire bienveillant, y voyant plutôt une lubie de leur patron. Seuls deux collaborateurs sont dédiés à ces développements. Les trois voitures achevées portent effectivement l'empreinte de la Decauville, ce que Royce ne dissimule pas. Il a simplement transposé ses méthodes de fabrication de haute précision à la construction d'une automobile, dans le but d'en améliorer la fiabilité. Les trois prototypes sont confiés à Henry Royce, Ernest Alexander Claremont et Henry Edmunds (l'homme qui mettra en relation Rolls et Royce). Royce apporte ses propres innovations. Il est parmi les premiers à calculer la masse et la vitesse du mélange à l'admission, ainsi que la pression des gaz à l'échappement. De cette manière, il conçoit des tubulures qui offrent une résistance minimale au flux des gaz, réduisant ainsi la perte de puissance. Initialement une préoccupation secondaire, l'automobile devient rapidement le centre de son existence. Il y concentre l'essentiel de son énergie. Contrairement à ses concurrents qui se contentent d'acheter des pièces finies auprès de fournisseurs, il choisit une autre voie. Son atelier de Cooke Street à Manchester s'équipe de machines qui lui assurent une autonomie de production. Un banc d'essai est installé, permettant de tester les moteurs dans leurs limites extrêmes.
Contre-pied de son engagement intense, Henry
Royce s'épuise. Sa santé se détériore. Initialement, il ne prend pas le
temps de s'en préoccuper et continue de travailler. Cependant, en 1911,
la maladie le rattrape. Il n'a pourtant que 48 ans. Selon les prévisions
des médecins, il ne lui reste que quelques mois à vivre. Mais ceux-ci
sous-estiment la détermination de leur patient. Ils lui recommandent un
climat plus sain que celui des Midlands.
Claude Johnson prend soin de
son " patron " et lui trouve un terrain sur la Côte d'Azur. Royce
conçoit les plans de sa nouvelle demeure. Il prévoit de s'y installer
avec son personnel de maison, quelques ingénieurs aptes à traduire ses
idées en plans, un chauffeur et trois de ses Même si sa santé décline, Henry Royce conserve sa détermination intacte. Son éloignement de l'usine nécessite une duplication des documents concernant les projets en cours, une tâche considérable. Cependant, Claremont et Johnson savent pertinemment qu'Henry Royce reste l'atout majeur de l'entreprise, son principal capital. Son absence physique de Derby n'entrave en rien l'activité de l'usine, pas plus que le décès accidentel de Charles Rolls. Les principes stricts et la philosophie d'Henry Royce continuent d'être appliqués. Les commandes affluent toujours, émanant aussi bien de gouvernements étrangers que de maharajahs ou de tsars. Seule la famille royale britannique demeure fidèle à Daimler, perpétuant une tradition établie. Sept ans seulement après sa création, la marque Rolls-Royce est déjà présente à travers le monde, de Madrid à Bombay, en passant par Vienne. L'agence de Paris se montre particulièrement dynamique. Les Américains expriment leur désir d'acquérir des Rolls-Royce, ayant été impressionnés par la 30 HP, vendue à trente exemplaires aux Etats-Unis en 1906, peu de temps avant l'arrivée de la 40/50 HP Silver Ghost.
Étonnamment, c'est en Angleterre, près de Douvres, qu'Henry Royce
choisit de passer l'été. Cependant, il ne s'agit pas véritablement de
vacances. Là-bas, il se retrouve une fois de plus fréquemment installé à
sa table à dessin. Ses directives sont communiquées à l'usine, et toutes
les améliorations qu'il propose pour perfectionner la 40/50 HP Silver
Ghost sont mises en application. Claude Johnson, qui dirige Derby,
exécute ses décisions avec diligence. Durant les années 20, Henry Royce
maintient son influence sur les questions automobiles. Son rôle
est déterminant
Frederick Henry Royce En 1930, l'état de santé d'Henry Royce préoccupe son entourage, bien que son esprit demeure vif et créatif. Il se consacre principalement au développement de moteurs d'avions, une nouvelle orientation initiée en 1914. Sir Henry Royce reçoit deux anoblissements en reconnaissance de ses contributions exceptionnelles. En 1918, il est nommé Officier de l'Ordre de l'Empire britannique, ce qui lui confère le titre de " Sir ". En 1930, ses services remarquables dans le secteur aéronautique sont honorés par sa nomination en tant que Baronnet, un titre héréditaire de rang supérieur. Henry Royce prend part aux discussions concernant le rachat de Bentley par Rolls-Royce, une acquisition qui se concrétisera en 1931. Cependant, Walter Owen Bentley se montre peu enclin à établir des relations amicales avec son futur acquéreur. La maladie s'immisce de plus en plus dans la vie quotidienne de Royce. Il prend connaissance des récentes avancées technologiques avec une difficulté croissante. La seule compagnie qu'il semble apprécier est celle de son infirmière, Miss Aubyn.
Henry Edmunds, ingénieur et homme d'affaires avisé, détient des parts dans la société naissante d'Henry Royce, Royce Limited. En 1899, Edmunds rejoint l'Automobile Club de Grande-Bretagne et d'Irlande. L'année suivante, il participe au 1 000 Mile Trial, un aller-retour Londres-Edimbourg, où figure également Charles Rolls parmi les participants. En 1904, Royce prête une de ses 10 HP à Edmunds pour qu'il participe à nouveau à cette épreuve, à laquelle Charles Rolls participe également, mais cette coïncidence n'a pas de conséquence immédiate.
Edmunds est très impressionné par la 10 HP de Royce. Il sait également que Rolls, alors distributeur de marques françaises en Angleterre, recherche ardemment une voiture britannique de haute qualité pour sa concession londonienne florissante. Déterminé à mettre en relation les deux hommes, il entre dans l'histoire le 4 mai 1904, au Midland Hotel de Manchester, en prononçant : "Henry, puis-je vous présenter Charles Rolls ?". Charles Rolls essaie la voiture construite par Royce et est immédiatement conquis, tant par l'homme que par l'automobile. Cette dernière, bien qu'équipée d'un moteur deux cylindres, se distingue par son silence de fonctionnement et l'absence de vibrations. Rolls exprime une légère déception quant à l'aspect extérieur façon " Decauville " de la voiture de Royce. Cependant, à la fin de la journée, les deux hommes ont véritablement sympathisé. Ils se quittent en excellents termes et conviennent de la visite de Johnson, le plus proche associé de Charles Rolls, afin qu'il valide son jugement avant de préparer les accords commerciaux. Claude Goodman Johnson (1864/1926)
Claude Goodman Johnson (1864/1926),
Claude Goodman Johnson (1864/1926) est une figure incontournable de l'histoire de Rolls-Royce. En tant que directeur des affaires de Charles Rolls, après le coup de pouce d'Edmunds, il joue un rôle crucial dans l'accord entre Charles Rolls et Henry Royce, qui aboutit à la création de Rolls-Royce Limited en 1906. Homme d'affaires visionnaire et perspicace, Johnson apporte son expertise commerciale et organisationnelle, reconnaissant et mettant en avant les qualités exceptionnelles de la Silver Ghost. Se présentant comme le " trait d'union " de Rolls-Royce, il assure la pérennité de l'entreprise face aux épreuves, notamment le décès prématuré de Charles Rolls et la maladie d'Henry Royce.
Sous sa direction, Rolls-Royce réussit sa diversification dans la production de moteurs d'avion pendant la Première Guerre mondiale. C'est lui qui initie le développement de Rolls-Royce aux Etats-Unis dans les années 1920 et qui est à l'origine de la célèbre mascotte " Spirit of Ecstasy ". Jusqu'à sa mort en 1926, à l'âge de 63 ans, il œuvre sans relâche pour Rolls-Royce, consolidant ainsi les bases de cette marque aéronautique et d'automobile de luxe, palliant en quelque sorte les absences de ses deux fondateurs originaux. Son frère Basil Johnson lui succède jusqu'en 1929, avant qu'Arthur Sidgreaves ne devienne directeur général et supervise le développement de la Phantom II. 1904, Rolls-Royce à Manchester La visite de Johnson officialise l'accords entre Rolls et Royce. Toutes les futures voitures conçues par Royce seront désormais commercialisées par l'entreprise de Charles Rolls. Claude Johnson et Charles Rolls décident d'abandonner la vente des marques françaises et suisses qu'ils distribuent jusqu'alors. Les concessions qui en ont la charge sont revendues. Le contrat de naissance de la marque Rolls-Royce est signé le 23 décembre 1904. Royce s'engage, au-delà du prototype initial bicylindre 10 HP, à développer trois nouveaux modèles : une trois cylindres de 15 HP, une quatre cylindres de 20 HP et une six cylindres de 30 HP. Charles Rolls est confiant. C'est un bon vendeur, et il dispose d'un vaste réseau au sein de l'aristocratie et de la haute bourgeoisie. Claude Johnson suggère judicieusement que le nom de Rolls-Royce aurait une sonorité plus prestigieuse que celui de Rolls & Co initialement envisagé. Il s'inscrit ainsi dans la tendance des marques chics à double nom, telles que De Dion Bouton, Delaunay Belleville, Hispano-Suiza ou Isotta Fraschini. La 10 HP de 1904 atteint désormais une vitesse supérieure à 50 km/h. Bien que dérivée des trois premiers prototypes de 1 809 cm³, sa cylindrée est portée à 1 995 cm³ par un allongement de l'alésage. Paradoxalement, le code de la route britannique limite toujours la vitesse des automobiles à 20 mph, soit 33 km/h. La presse suit avec intérêt la genèse de cette première Rolls-Royce. John Walter Edward Douglas-Scott-Montagu (1866/1929), ami de Royce et fondateur du magazine " The Car Illustrated ", publie quelques articles élogieux dans sa revue. Son enthousiasme ne relève pas uniquement de son amitié avec Rolls, Royce et Johnson, mais d'une conviction sincère quant à l'excellence de ce produit. Seize exemplaires de la 10 HP sont produits.
Royce 10 HP, 1904 La 15 HP est exposée au Salon de Paris en décembre 1904, avec les 10 HP, 20 HP et le moteur des modèles 30 HP. C'est une trois cylindres de 3 089 cm3. D'autres constructeurs proposent des trois cylindres en Angleterre, notamment Argyll (1899/1932), Brooke (1901/1913) et Clyde (1901/1930). Plutôt que de développer cette trois cylindres, Rolls-Royce fait le choix de se concentrer sur le quatre cylindres de la 20 HP. La Rolls-Royce 20 HP, animée par un moteur quatre cylindres de 4 118 cm³, se retrouve au cœur le l'actualité le 14 septembre 1905, lorsque deux exemplaires spécialement préparés, allégés et dotés d'une puissance accrue, sont engagés dans le tout premier Tourist Trophy sur l'Île de Man, un territoire choisi pour contourner l'interdiction britannique des courses sur route. Ces voitures, emportant 43 litres de carburant pour les quatre tours du circuit, voient Percy Northey, mécanicien essayeur de l'usine, se hisser à la seconde place. Charles Rolls lui-même, au volant de l'autre 20 HP portant le numéro 1, doit abandonner dès le premier kilomètre à cause d'un blocage de la boîte de vitesse. Fort de cet élan, le constructeur introduit rapidement dans son catalogue, parallèlement à la 20 HP standard, la version Light Twenty, inspirée des modèles de course et caractérisée par un empattement et des voies réduits, ainsi qu'une puissance supérieure, lui conférant une vitesse de pointe de 100 km/h contre 70 km/h pour la 20 HP originelle (ces valeurs étant sujettes aux variations de carrosserie). La 20 HP initiale est alors nommée Heavy Twenty. Déterminé à effacer son échec, Charles Rolls
engage deux Light Twenty améliorées au Tourist Trophy de 1906, dont la
boîte de vitesse a été renforcée. Il remporte cette fois la victoire
avec une avance de 27 minutes sur son second, tandis que Northey est
contraint à l'abandon suite à la casse d'un ressort.
Charles Rolls remporte la victoire sur
l'Ile de Man en 1926
Finalement dévoilée au Salon de New York de 1905, la 30 HP témoigne de la conviction d'Henry Royce quant au potentiel du moteur six cylindres, une configuration explorée antérieurement par Napier et Spyker dès 1903. Cette tendance s'affirme dès 1906 avec l'arrivée de Panhard, Daimler, Hispano-Suiza et de l'américain Ford dans ce segment, séduits par la souplesse et le couple à bas régime supérieurs à ceux des quatre cylindres. Pour sa part, Henry Royce a conçu un bloc simple en alignant trois bicylindres de 10 HP, installé sur un châssis plus spacieux que celui de la 20 HP. Deux exemplaires de la 30 HP sont présentés à la presse lors du Tourist Trophy 1906, sans participer à la course. Il sont conduits sur l'Île de Man par Henry Royce et Claude Johnson. Bien qu'il s'agisse d'un modèle de transition, la 30 HP séduit 37 acquéreurs et préfigure en quelque sorte la future Silver Ghost.
Royce 30 HP, 1904 Afin d'intégrer la fabrication de ses automobiles tout en maintenant sa production principale de grues, l'usine de Cooke Street fait l'objet d'une réorganisation. Les premières Rolls-Royce arborent des carrosseries signées Barker, et Henry Royce veille personnellement à ce qu'aucune imperfection ne vienne altérer leur qualité. L'impression générale des clients se focalise sur le silence et le confort exceptionnels de ces véhicules, dont chaque composant révèle une proportion et un ajustement méticuleux. Malgré le succès de son moteur six cylindres, Henry Royce explore l'idée d'un V8, une architecture qui offrirait l'avantage de supprimer le capot avant jugé encombrant. Les moteurs en V présentent en effet une compacité, une légèreté et une rigidité supérieures aux configurations en ligne. Cependant, Royce omet de considérer que l'imposant capot est déjà intrinsèquement lié à l'image de prestige et de luxe de la Rolls-Royce dans l'imaginaire collectif. Face au manque d'enthousiasme du public, cette piste est finalement abandonnée. En mars 1906, dans un contexte d'affaires florissant, les accords commerciaux établis entre Charles Rolls et Henry Royce aboutissent à la fondation de Rolls-Royce Limited. Cette nouvelle entité juridique unit le réseau de distribution commercial de Charles Rolls et les capacités de production automobile de Royce Limited, marquant une étape cruciale dans l'histoire de la marque. Guidé par les conseils avisés de Johnson, Henry Royce se consacre au développement d'un nouveau modèle, la 40/50 HP Silver Ghost. Ce même Johnson plaide auprès du conseil d'administration de Rolls-Royce en faveur de la production d'un modèle unique, afin d'éviter toute dispersion des efforts. Cette stratégie de concentration sur un seul modèle permet de renforcer la réactivité et l'efficacité de l'entreprise. Cette politique, maintenue jusqu'en 1922 avec la présentation de la 20 HP Twenty, contribue aussi à établir durablement la réputation de qualité du constructeur. Face à l'exiguïté de ses locaux de Cooke Street et au potentiel de vente bien supérieur identifié par Charles Rolls, Claude Johnson est mandaté pour trouver un nouveau site de production. Son choix se porte sur Derby, située à 130 kilomètres au sud-est de Manchester. Le financement de cette expansion passe par une émission d'actions qui, initialement, peine à trouver preneurs en raison de la notoriété encore limitée de Rolls-Royce. Quelques années plus tard, ces mêmes investisseurs se disputeront les actions de la compagnie ... Pour pallier ce manque, plusieurs administrateurs contribuent financièrement sur leurs fonds propres.
Rolls Royce Derby, 1919 - Source : https://www.derbytelegraph.co.uk Dans ce contexte, Henry Royce mobilise ses équipes pour mener de front deux tâches cruciales : finaliser la conception de la future 40/50 HP Silver Ghost et organiser son industrialisation dans une usine de Derby encore à équiper. Bien que les premiers châssis Silver Ghost soient produits à Manchester, la transition vers Derby doit s'opérer rapidement. La nouvelle usine, moderne pour son époque, ouvre officiellement ses portes en 1908 lors d'un événement médiatisé et en présence de nombreuses personnalités. Cependant, les locaux de Manchester ne sont pas abandonnés immédiatement et servent, sous la direction d'Henry Royce jusqu'en 1933, à la production de grues électriques. 1906, Rolls Royce 40/50 Silver Ghost En novembre 1906, la Rolls-Royce 40/50 HP Silver Ghost, concentré d'innovations initiées par Henry Royce, fait sensation au Salon de Londres. Présentée sous forme de châssis exposé sur un miroir et d'une imposante limousine Pullman carrossée par Barker, elle captive immédiatement le public, incitant Rolls-Royce à stopper la production de ses modèles 10, 15, 20 et 30 HP. La première 40/50 HP est livrée à son propriétaire lors d'une petite cérémonie à Londres le 26 avril 1907. Propulsée par un robuste six cylindres en ligne de 7 036 cm3, elle se distingue par sa fiabilité, son silence, sa douceur de conduite et la qualité de sa fabrication, avec une configuration moteur en deux blocs de trois cylindres. Impressionnée par ses performances et sa fiabilité, la presse automobile l'encense. L'expression " meilleure voiture du monde " commence à être associée à la Silver Ghost, puis à l'ensemble de la marque Rolls-Royce. Initialement nommée 40/50 HP, l'appellation emblématique Silver Ghost trouve son origine dans un modèle spécifique de 40/50 HP : le treizième exemplaire assemblé en 1907, immatriculé AX 201 et carrossé par Barker. Sa peinture argentée et ses accessoires en argent véritable, complétés par une plaque portant l'inscription " The Silver Ghost " sous le pare-brise, lui valent ce surnom. Utilisée intensivement pour des démonstrations et des essais, cette Silver Ghost se distingue lors d'une course d'endurance de 2 000 miles, parcourue uniquement en troisième et quatrième vitesse. Sa renommée s'affermit en 1907 lorsqu'elle effectue 27 allers-retours entre Londres et Glasgow, soit 23 127 kilomètres sans panne mécanique majeure. Cet exploit, homologué par le Royal Automobile Club (RAC) qui doit même interrompre l'épreuve tant le record est largement battu, assoit la qualité de l'ensemble des productions Rolls-Royce. Forte de ce succès, la firme utilise l'AX201 comme une vitrine publicitaire itinérante, participant à divers événements mondiaux pour promouvoir ses qualités. L'appellation Silver Ghost devient si populaire qu'elle est spontanément adoptée par le public pour désigner tous les modèles 40/50 HP, bien qu'elle ne soit officialisée par Rolls-Royce qu'en 1925, lors du lancement de la New Phantom.
La Mythique
Après avoir établi sa réputation, Rolls-Royce choisit de se retirer des compétitions automobiles, la 40/50 HP Silver Ghost incarnant l'opposé d'une voiture de course. Rolls-Royce laisse ainsi Bentley, acquis en 1931, représenter le groupe dans les compétitions durant les années 1930. La 40/50 HP Silver Ghost apparaît tout au plus au Rallye de Monte-Carlo, mais uniquement dans le cadre de son " concours de confort ", une épreuve sans enjeu suivant la course principale. Dès lors, la vocation première d'une Rolls-Royce ne sera plus jamais la quête de la performance chronométrique.
Parallèlement au perfectionnement continu de ses
modèles, Rolls-Royce développe une stratégie commerciale efficace en
offrant un service après-vente exceptionnel. En assurant l'entretien de
ses véhicules dans ses propres ateliers, la marque conserve un historique
complet de chaque voiture, de sa production à ses passages en réparation.
Cette attention se traduit également par un soin particulier accordé à la
vente de ses voitures d'occasion, comparable à celui des modèles neufs.
Parallèlement, la marque met en place une école dédiée à la formation des
chauffeurs à la maintenance et à la conduite de ses voitures. Cette
initiative contribue
Rolls-Royce Silver Ghost, 1910 - Source : https://www.press.rolls-roycemotorcars.com En cours de production, la 40/50 HP Silver Ghost évolue. En 1910, la course du moteur est allongée, augmentant la cylindrée à 7 428 cm3 et améliorant légèrement la puissance et le couple. La transmission, initialement à quatre vitesses, passe brièvement à trois entre 1909 et 1913 avant de revenir à quatre. En 1913, des tambours de frein sont ajoutés aux roues arrière. Après la Première Guerre mondiale, la voiture est équipée d'un démarreur électrique et ses lampes à acétylène sont remplacées par des phares électriques. Simultanément, le moteur bénéficie de bielles et de pistons en alliage léger. En novembre 1923, le système de freinage de la Silver Ghost évolue significativement en agissant désormais sur les quatre roues, améliorant considérablement la sécurité. Auparavant, stopper les deux tonnes de la voiture lancée à 125 km/h avec les seuls freins arrière représentait un défi. La même année voit l'introduction d'un châssis long de 3,82 mètres, venant s'ajouter au châssis standard de 3,65 mètres. Cette liste d'évolutions n'est pas exhaustive, les dernières Silver Ghost produites présentant de nombreuses différences avec les modèles initiaux.
Rolls Royce Silver Ghost, Salon de Paris 1922, photo de presse, agence Rol - Source https://gallica.bnf.fr
Rolls-Royce fournit le châssis roulant complet, incluant le moteur, la
transmission et les suspensions.
L'usine de Derby prend la relève définitive de Manchester pour la production le 9 juillet 1908. Au total, 6 173 exemplaires de la 40/50 HP Silver Ghost ont été produits entre les deux sites, officiellement jusqu'en 1925, bien que quelques commandes spéciales aient été honorées jusqu'en 1928. La célèbre statuette Rolls-Royce " Spirit of Ecstasy ", aussi affectueusement appelée " Flying Lady ", trouve son origine dès les premiers temps de la marque. En 1909, John Walter Edward Douglas-Scott-Montagu, ami de Royce, confie au sculpteur Charles Sykes la tâche de créer un emblème unique pour orner le capot de sa Rolls-Royce 40/50 HP Silver Ghost. Sykes aurait pris pour modèle Eleanor Velasco Thornton, la secrétaire et maîtresse de Lord Montagu, dont la première figurine représente une femme au voile léger, un doigt délicatement posé sur les lèvres, évoquant la discrétion de leur liaison. En 1910, Claude Johnson, le directeur général de Rolls-Royce, préoccupé par le manque d'élégance de certaines mascottes apposées par les propriétaires, charge Charles Sykes de concevoir un emblème officiel et raffiné qui incarnerait l'essence de la marque. S'inspirant de la " Victoire de Samothrace ", Sykes retravaille sa première esquisse pour créer en 1911 la " Spirit of Ecstasy ". Cette statuette figure une femme penchée vers l'avant, les bras déployés en arrière et ses vêtements flottant au vent tels des ailes, symbolisant l'exaltation de la vitesse et la joie du voyage.
Jusqu'en 1928, Charles Sykes sculpte et signe personnellement chaque statuette " Spirit of Ecstasy ". Sa fille Joséphine prend sa relève jusqu'à la Seconde Guerre mondiale. Initialement en argent plaqué, la " Flying Lady " est ensuite fabriquée en alliage de nickel ou de chrome pour limiter les vols. Bien qu'étant officiellement une option payante jusqu'en 1939, sa présence devient quasi systématique à partir de 1921. Au cours des décennies, la statuette va subtilement évoluer dans sa pose et ses dimensions. 1914, Rolls-Royce en temps de guerre
Rolls-Royce Armoured Car, 1914/1918 - Les premiers pas de Rolls-Royce dans le domaine de l'aviation ont été initialement motivés par la passion personnelle de Charles Rolls, un fervent aviateur avant même la création de la société. Cependant, c'est le déclenchement de la Première Guerre mondiale qui propulse véritablement Rolls-Royce sur la scène aéronautique. Face à une pénurie critique de moteurs d'avion fiables et puissants pour répondre à l'effort de guerre britannique, le " Royal Aircraft Factory " sollicite des entreprises automobiles, dont Rolls-Royce, pour la production sous licence de moteurs Renault. Henry Royce juge la conception française insatisfaisante et entreprend de développer une alternative de qualité supérieure. De cette initiative naissent les premiers moteurs d'avion Rolls-Royce : l'Eagle en 1914 est mis au point en six mois. C'est un V12. Il est suivi du Hawk en 1915 et du Falcon en 1916. L'Eagle connaît un succès retentissant, évolue d'une puissance initiale de 200 chevaux à 360 chevaux vers la fin de la guerre, et se révèle particulièrement adapté aux bombardiers. Le Hawk est dérivé de l'Eagle par la suppression d'un banc de cylindres. Il est plus compact et destiné aux avions de chasse. Le Falcon, quant à lui, offre une puissance intermédiaire, le rendant polyvalent pour divers types d'aéronefs.
Rolls-Royce Eagle - La contribution de Rolls-Royce est substantielle : environ la moitié des moteurs utilisés par les forces alliées durant la Première Guerre mondiale proviennent de ses usines. Après l'armistice, bien que la demande en moteurs militaires diminue logiquement, Rolls-Royce ne relâche pas ses efforts en matière de recherche et développement. Le moteur Condor fait son apparition en 1918. Progressivement, la division des moteurs d'avion prend une importance croissante au sein de l'entreprise, représentant la majeure partie de son activité à la fin des années 1920. Cette période est également marquée par des avancées technologiques significatives, culminant avec le développement du moteur qui propulse un hydravion Supermarine S.6B à la victoire du Schneider Trophy en 1931, établissant un nouveau record de vitesse de 547,19 km/h. Cette prouesse technique et l'expérience acquise sont des éléments fondamentaux pour la conception du moteur Merlin dans les années 1930, un moteur qui va jouer un rôle déterminant durant la Seconde Guerre mondiale en équipant des chasseurs comme le Hurricane et le Spitfire, transformant définitivement Rolls-Royce en un pilier de l'industrie aérospatiale mondiale. Le
développement du secteur aéronautique permet à Rolls-Royce d'assurer la survie de
l'entreprise durant les
années 30, tandis que nombre de constructeurs de voitures de luxe
sont contraints de déposer le bilan.
Ernest Hives a marqué l'histoire de Rolls-Royce par son ascension remarquable, d'un poste de testeur expérimental (mécanicien) à celui de président de Rolls-Royce Ltd., après avoir dirigé la division des moteurs d'avion. Il rejoint la société en 1908 et contribue de manière essentielle au développement du moteur d'avion Eagle. Anticipant la guerre dès 1937, alors qu'il est devenu directeur général de la production en 1936 et élu au conseil d'administration en 1937, Hives prépare l'entreprise à une augmentation massive de la production des moteurs Merlin. En 1941, il prend rapidement la décision d'orienter les efforts vers les moteurs à réaction, assurant ainsi à Rolls-Royce un rôle de pionnier dans le développement de cette technologie pour l'aviation civile et militaire. Hives est nommé directeur général en 1946 et préside Rolls-Royce de 1950 à 1956. Il décède en avril 1965 à l'âge de 79 ans, laissant derrière lui un héritage qui a consolidé la position de Rolls-Royce comme leader dans les secteurs automobile et aérospatial.
Ernest Hives - sources : https://www.press.rolls-roycemotorcars.com 1922, Rolls-Royce 20 HP Twenty Grâce aux contrats établis avec le Ministère de la Défense britannique, Rolls-Royce émerge de la Première Guerre mondiale avec des finances robustes. Cependant, Claude Johnson discerne que la seule fabrication de la luxueuse 40/50 HP Silver Ghost et les revenus constants mais restreints provenant du programme gouvernemental de développement aéronautique ne seront pas suffisants. L'inflation des coûts s'accélère rapidement, faisant grimper le prix du châssis d'une Rolls-Royce de 985 livres avant guerre à 2 250 livres en juin 1920. Ces hausses tarifaires entraînent de nombreuses annulations de commandes, paradoxalement à une période où le stock de châssis atteint un niveau record. De plus, la mode des imposantes automobiles de l'ère edwardienne est bien révolue. Il faut réagir. Chez Rolls-Royce, on comprend qu'un véhicule plus compact et potentiellement plus accessible ouvrira les portes à une nouvelle clientèle. En effet, la demande pour des véhicules conçus pour être conduits par leurs propriétaires se manifeste de plus en plus. La clientèle traditionnelle, composée de l'aristocratie et de la grande bourgeoisie, qui apprécie l'héritage de la Silver Ghost, recherche un modèle plus adapté à la circulation quotidienne en constante expansion. Il y a aussi les propriétaires qui veulent simplement profiter du plaisir de conduire, tandis qu'une nouvelle clientèle se fait jour, celle des femmes éprises de liberté et de luxe. Pour cette clientèle, il n'est pas question de manœuvrer dans une circulation de plus en plus dense des paquebots de la route dépassant les trois tonnes et les cinq mètres de long.
Rolls-Royce Enclosed Landaulet Six Seats 20
HP, 1928 Le Conseil d'Administration mandate Henry Royce pour concevoir une nouvelle 20 HP qui maintiendrait les standards de qualité de la 40/50 HP Silver Ghost tout en étant proposée à un prix de vente inférieur d'environ 30 %. C'est ainsi qu'est dévoilée en septembre 1922 la 20 HP " Twenty ". Celle-ci marque un tournant pour Rolls-Royce qui abandonne sa politique de modèle unique. Esthétiquement et en termes de finitions, elle rivalise avec son aînée, et sur le plan technique, elle n'a rien à lui envier. Son moteur six cylindres de 3 127 cm³ affiche 53 ch. En dépit des contraintes budgétaires, la qualité du moteur n'est pas compromise. Henry Royce a conçu un bloc simple, adapté aux ressources disponibles, en évitant tout coût superflu. Son
empattement est de 3,27 mètres. Rolls-Royce a eu la sagesse de ne pas
proposer de version à empattement long. C'est une Rolls-Royce, elle n'a
donc rien d'une voiture de sport.
Rolls-Royce Coupe Cabriolet 20 HP, 1928 Deux types de châssis sont proposés pour la Twenty : l'un, avec une colonne de direction presque verticale et un tableau de bord avancé, est destiné aux modèles avec chauffeur ; l'autre, pour les propriétaires-conducteurs, présente une colonne de direction inclinée et un tableau de bord plus reculé. Rolls-Royce propose à son catalogue quelques carrosseries conçues par Ivan Evernden, responsable du département du style, et fabriquées par des carrossiers indépendants. Bien que la Twenty soit parfois plus sujette aux défaillances que la Silver Ghost, cela est souvent dû à un entretien négligé par le propriétaire, contrairement à un chauffeur professionnel dont c'est le rôle principal de veiller au bon fonctionnement de la voiture. Produite à 2 940 unités à Derby jusqu'en 1929, la Twenty n'atteindra pas les objectifs de vente escomptés par Rolls-Royce. Un certain conservatisme, la concurrence de marques européennes plus dynamiques et une diffusion très faible aux États-Unis (35 exemplaires) ont freiné une carrière initialement pleine de promesses. Les derniers modèles de 1929 arborent une calandre à volets verticaux, annonçant celle de sa successeur, la 20/25 HP. 1925, Rolls-Royce New Phantom / Phantom I Bien que sa qualité de construction la maintienne toujours au sommet de l'industrie automobile, la 40/50 HP Silver Ghost commence à montrer les signes de son âge. La concurrence européenne et américaine propose désormais une large gamme de modèles de grand luxe, équipés de six ou huit cylindres tout aussi performants, mais de conception plus récente. De toute évidence, l'approche d'Henry Royce rappelle celle d'Henry Ford avec son modèle T. Tous deux partent du principe que la production en série, qu'elle soit à petite ou grande échelle, d'un modèle unique a un impact direct sur la productivité et la qualité du produit, permettant ainsi un perfectionnement quasi continu. Cependant, tout comme pour Ford, les attentes des clients et les réalités du marché rattrapent Henry Royce, l'obligeant finalement à faire évoluer sa Silver Ghost. En 1922, Rolls-Royce décide donc de remplacer la Silver Ghost vieillissante. La New Phantom est présentée au printemps 1925. Elle sera rétrospectivement dénommée Phantom I lors de l'introduction de la Phantom II.
Rolls-Royce Phantom I Cowl Boattail Touring - Source : https://en.wheelsage.org Chez Rolls-Royce, les innovations ne sont acceptées qu'après avoir prouvé leur fiabilité chez d'autres concurrents plus audacieux. La marque se montre méfiante envers les techniques d'avant-garde qui, à l'usage, peuvent réserver de mauvaises surprises. Le client de Derby n'a pas à assurer la mise au point finale d'un modèle. Cet argument prend tout son sens avec la New Phantom, qui reprend de nombreux éléments essentiels de la Silver Ghost. La New Phantom est suffisamment robuste pour accueillir d'imposantes carrosseries. Son moteur six cylindres en ligne de 7 668 cm³ ressemble à une version agrandie de celui de la 20 HP Twenty. Alors que Rolls-Royce a laissé filtrer quelques informations concernant la puissance de ses moteurs jusqu'à présent, pour la New Phantom, c'est un silence total. Les clients désirant des moteurs huit ou douze cylindres sont invités à se tourner vers d'autres constructeurs. Ceux qui restent fidèles à la marque constatent que la New Phantom, avec ses six cylindres, maintient une bonne moyenne sur route, dans le silence et la sécurité, avec une vitesse de pointe atteignant 120 km/h, ce qui est largement suffisant pour le réseau routier de l'époque.
Rolls-Royce Phantom Phaeton par Brewster,
1929 Deux types de châssis sont proposés à la clientèle : un standard avec un empattement de 3,64 mètres, et un long de 3,82 mètres. Afin d'améliorer la tenue de route et le confort, de nouveaux amortisseurs hydrauliques sont installés en 1927. Rolls-Royce ne possède pas la meilleure boîte de vitesses du marché, mais son utilisation est presque superflue, le troisième rapport permettant de rouler de 15 km/h à 120 km/h sans difficulté. A la fin de la décennie, Rolls-Royce fait face à la forte concurrence de marques telles que Daimler et Bentley. Walter Owen Bentley ambitionne depuis longtemps de conquérir la clientèle de Rolls-Royce, et ses voitures sont très performantes. Lorsque Bentley est mis en liquidation en 1931, Rolls-Royce se précipite pour racheter la firme, afin d'éviter sa reprise par un concurrent. La New Phantom demeure un modèle de transition entre la Silver Ghost et la Phantom II, de conception plus moderne. Elle est produite à 2 212 exemplaires.
Rolls-Royce Phantom I Torpedo par Barker -
En 1906, Charles Rolls tente une percée aux États-Unis. Il achemine à New York la 20 HP qui vient de gagner le Tourist Trophy, afin de participer à une course locale, qu'il remporte. Mais pour la distribution des Rolls-Royce en Amérique du Nord, un mauvais choix des partenaires locaux condamne cette première initiative. Tout au mieux, quelques ventes s'opèrent depuis Derby. En 1913, Johnson, fort de cette première expérience, tente de nouveau sa chance. L'idée est de mettre en place un réseau de distribution contrôlé depuis l'Angleterre. Il est séduit par l'énorme potentiel de ce marché. Son enthousiasme est hélas freiné à la fois par les frais de transport et les taxes d'importation qui font grimper démesurément le prix des Silver Ghost vendues aux USA. La Grande Guerre chasse momentanément ce projet de l'esprit de Johnson. Au moment de la déclaration de la guerre, Claude Johnson projette de produire des moteurs d'avions aux États-Unis, en partenariat avec Pierce Arrow. Cela servirait les besoins immédiats. Sur le moyen terme, il considère que la demande en moteurs ne faiblira pas à la fin du conflit. Il est convaincu que des lignes intérieures civiles vont se développer de ville à ville. Parallèlement, Pierce Arrow prendrait en charge dans son usine américaine la fabrication de la Rolls-Royce Silver Ghost, et Rolls-Royce distribuerait la marque américaine en Europe, via son réseau. Mais le conseil d'administration de Rolls-Royce ne donne pas son feu vert. Aucun moteur d'avion, aucune voiture ne sont assemblés en Amérique pendant la guerre. La "Rolls-Royce of America Inc." est fondée le 18 octobre 1919 à Springfield, dans le Massachusetts. Cette ville est préférée à d'autres, car c'est un centre de manufacture de précision où existe une main-d'œuvre qualifiée. Springfield n'est pas très loin de New York et de Boston, deux des villes les plus riches des États-Unis. C'est par ailleurs suffisamment éloigné de Détroit. Cette implantation à l'écart du " tout-venant " de la production américaine ne peut que contribuer à renforcer l'image de luxe de Rolls-Royce. En s'implantant sur place, Rolls-Royce se rapproche de la clientèle américaine, réduit ses délais et surtout contourne les frais de douane à l'importation. Les capitaux sont partagés entre des investisseurs privés et Rolls-Royce. L'ambition initiale est de produire 380 châssis par an.
Rolls-Royce Silver Ghost, produite à
Springfield
Rolls-Royce s'implante à Springfield dans les locaux
existants de l'usine American Wire Wheel, un site qui, bien que n'étant
pas neuf, offre une modernité et une conception récente permettant un
démarrage rapide des opérations. L'agencement des ateliers suit les
principes de production les plus actuels. Une large campagne
publicitaire est lancée pour communiquer sur le fait que les châssis
Rolls-Royce produits aux États-Unis seront en tous points semblables à
ceux fabriqués à Derby, utilisant des matières premières de qualité
équivalente et bénéficiant de la supervision d'experts venus
d'Angleterre En juillet 1920, l'assemblage des premiers moteurs débute, alors même que les châssis destinés à les recevoir ne sont pas encore produits ; pour combler cette absence temporaire, quelques châssis sont importés d'Angleterre. Suite à la médiatisation du lancement de la production de Rolls-Royce of America, la priorité est de satisfaire la demande. La première Silver Ghost entièrement fabriquée aux États-Unis quitte la chaîne de montage le 28 avril 1921, avec une carrosserie signée Merrimac. Les Silver Ghost américaines sont équipées du six cylindres de 7 428 cm3. Elles se distinguent par des volets de calandre disposés horizontalement, une caractéristique qui évoluera vers des lames verticales seulement en 1925. Naturellement, Springfield se conforme aux exigences de qualité de Derby. Plus étonnant encore, certains fournisseurs américains se révèlent plus performants que leurs homologues européens, proposant des produits d'une qualité supérieure. L'entreprise ne peut tolérer des standards différents entre les deux continents. Ainsi, Derby commence à s'approvisionner auprès de certains fournisseurs américains. Les pièces forgées, par exemple, sont moins coûteuses et d'une précision supérieure à celles produites en Angleterre. Derby ne voit pas cette situation d'un mauvais œil. Au contraire, son département technique manifeste un respect certain pour les méthodes américaines et adopte les meilleures pratiques observées outre-Atlantique. Les Rolls-Royce produites à Springfield ont initialement leur volant à droite, une configuration que l'on retrouve également sur les voitures de luxe européennes importées aux États-Unis, ce qui alimente d'ailleurs un certain snobisme. Cependant, cette disposition s'avère peu pratique au quotidien dans la circulation. Ce n'est qu'en 1925, sous la pression de la clientèle et alors que la carrière de la 40/50 HP Silver Ghost touche à sa fin, que les modèles sortant de Springfield sont équipés d'un volant à gauche, une évolution qui a nécessité de convaincre les dirigeants de Derby.
Rolls-Royce Silver Ghost, produite à Springfield - Copyright Les Américains n'apprécient guère le style des carrosseries anglaises, ayant leurs propres préférences esthétiques. L'acquéreur d'une Rolls-Royce manifeste une inclination pour des carrosseries similaires à celles des Cadillac ou Packard. De fait, il apparaît souvent que les designs américains surpassent en qualité ceux venant d'Europe. Contrairement aux principes initiaux, Derby tolère désormais plus facilement que les Rolls-Royce américaines présentent des différences, la stricte similitude des produits n'étant plus une exigence.
La clientèle américaine se montre moins patiente que
la clientèle britanniques. L'idée d'acquérir un châssis et de devoir attendre
plusieurs mois son carrossage lui est insupportable. De même, elle
rechigne à devoir traiter avec deux fournisseurs distincts, l'un pour le
châssis et l'autre pour la carrosserie.
En 1925, le carrossier Brewster, collaborateur fréquent de Rolls-Royce, traverse une période financière délicate et est mis en vente. Y voyant une occasion de s'allier à un nom prestigieux de la carrosserie américaine, Rolls-Royce acquiert Brewster début 1926. Simultanément à ce rachat, " Rolls-Royce Custom Coachwork " cesse ses activités, cédant sa place à Brewster. Brewster, qui avait commencé à produire des carrosseries automobiles en 1910, était également concessionnaire de Rolls-Royce of America, après avoir importé des modèles de Derby. Cependant, la pertinence de cette acquisition est rapidement questionnée, la capacité de production du carrossier semblant avoir été surestimée. Sous l'influence des méthodes rigoureuses et des standards élevés d'Henry Royce, Springfield excelle, surpassant même parfois Derby dans la promotion de l'image de Rolls-Royce. Animée par une culture d'amélioration continue où la perfection est un idéal constant, et galvanisée par un esprit de compétition interne symbolisé par des pancartes " Il faut battre Derby " fixées aux murs, perçu comme un impératif pour la pérennité du site par les employés, la présence de cette seconde usine interroge. L'existence de cette rivalité entre deux entités d'une même entreprise est-elle réellement bénéfique ?
Rolls-Royce Silver Ghost, par Brewster -
En 1922, l'emploi étant rare à Springfield, Rolls-Royce peut se montrer très sélectif dans ses embauches. La discipline en usine, aussi rigoureuse qu'à Derby et plus stricte que ce que connaissent la plupart des ouvriers américains, est largement acceptée, car travailler pour la marque est considéré comme un privilège. A l'opposé de Détroit, Springfield est caractérisée par l'absence de syndicats et de grèves, favorisant une grande stabilité du personnel. A Springfield, les coûts de production sont proches de ceux de Derby. Hormis quelques pièces comme les vilebrequins, l'approvisionnement est exclusivement américain, mais le contrôle qualité des composants livrés demeure aussi rigoureux qu'en Angleterre. Les châssis subissent des tests prolongés sur banc avant d'être éprouvés sur route, et les moteurs sont poussés à plein régime durant deux heures. Un ultime essai routier est réalisé une fois la carrosserie assemblée. La production de la Rolls-Royce Silver Ghost à Springfield progresse, passant de 135 unités en 1921, à 230 en 1922, 192 en 1923, pour atteindre 359 en 1925, permettant enfin d'atteindre les objectifs de vente, bien qu'au prix d'une réduction des marges due à un ajustement des tarifs. L'arrivée de la New Phantom en Angleterre freine ensuite les ventes des dernières 40/50 HP Silver Ghost aux Etats-Unis, les acheteurs préférant attendre la nouveauté. Au total, 1 701 Silver Ghost sont produites aux Etats-Unis jusqu'en 1926, dont 600 avec conduite à gauche, avant que la New Phantom ne prenne le relais.
L'étude d'une version pour le marché américain de la New Phantom n'est lancée qu'après sa commercialisation en Angleterre. Il a notamment été nécessaire de développer la conduite à gauche. Elle n'est donc disponible aux Etats-Unis qu'en août 1926, alors que sa cousine de Derby est déjà dans les show rooms depuis plus d'un an. L'état d'esprit des acheteurs américains évolue. La conduite à droite n'est plus à la mode. Elle est même plutôt jugée agaçante. Pour amortir le coût de développement de cette conduite à gauche, les ventes devront être au rendez-vous.
L'attente prolongée de la New Phantom américaine
pousse certains clients fortunés à acheter des châssis à conduite à droite
directement à Derby pour les faire carrosser chez Brewster à Springfield,
dont les employés ne demandent que ça. Même après le lancement régulier de
la production américaine, certains acheteurs, par snobisme, préfèrent
toujours commander la version originale de Derby via des intermédiaires.
Rolls Royce New Phantom Sedanca de Ville par Locke, Manhattan - Source : https://en.wheelsage.org Contrairement aux modèles européens, toutes les New Phantom produites aux Etats-Unis sont équipées de pare-chocs, un accessoire que Henry Royce déteste. Par ailleurs, bien que Rolls-Royce déconseille aux carrossiers de placer la roue de secours sur les ailes pour préserver l'équilibre du véhicule, la tradition américaine est forte. En fin de compte, le client décide, et la plupart des New Phantom quittent l'usine de Springfield avec une roue de secours ostensiblement fixée sur une aile. Contrairement à Derby, dont la production antérieure de la Silver Ghost avait permis d'amortir les coûts d'outillage, l'usine de Springfield, avec son démarrage plus tardif, supporte encore ces amortissements, ce qui pénalise sa productivité. Ce problème s'accentue avec la New Phantom, dont les faibles volumes de production entraînent des coûts unitaires élevés. La volonté affirmée de maintenir une image de marque prestigieuse exclut toute réduction de la qualité. Dès lors, la pérennité de l'usine de Springfield commence sérieusement à être remise en question. Le krach de Wall Street d'octobre 1929 exacerbe le climat de crise, entraînant un effondrement des ventes. D'un côté, de nombreux acheteurs potentiels sont ruinés. De l'autre, ceux qui conservent les moyens d'acquérir une Rolls-Royce hésitent à afficher un tel symbole de richesse en période de dépression. Certains propriétaires vont même jusqu'à confier leur voiture au constructeur, préférant ne pas l'utiliser durant cette période difficile. Celles-ci sont alors entreposées dans les ateliers de Brewster.
Rolls-Royce Springfield -
Face à cette conjoncture économique difficile, il n'est pas pertinent d'envisager une version américaine de la future Phantom II ni d'investir dans de nouveaux équipements. Alors que la production de la New Phantom s'arrête à Derby en mai 1930, Springfield la maintient à son programme grâce à ses stocks de pièces restants. C'est aussi une opportunité pour la maison mère d'écouler ses composants inutilisés en les expédiant aux Etats-Unis. Rolls-Royce of America produit 1 240 New Phantom jusqu'en 1931. Pour survivre, l'usine de Springfield cherche des contrats de sous-traitance et fabrique également quelques carrosseries de luxe pour des châssis de Ford V8. Afin de dissocier le nom de Rolls-Royce d'une éventuelle défaillance, la société est rebaptisée " Springfield Manufacturing Corporation ". Ainsi, lorsque la faillite est prononcée un an plus tard, l'implication de Rolls-Royce passe inaperçue. La liquidation a lieu en 1936, et de nombreux actifs, à l'exception de l'usine de Springfield, sont cédés à Pierce Arrow. Quelques employés britanniques choisissent de poursuivre leur carrière aux États-Unis, principalement à Détroit. Dès 1923, la conception de la Phantom II s'oriente vers un châssis surbaissé et entièrement repensé, ouvrant la voie à des carrosseries plus modernes et améliorant significativement la tenue de route et le confort. C'est la première Rolls-Royce proposée avec la conduite à gauche. Cela facilite sa diffusion. Ultime modèle supervisé par Henry Royce, elle conserve l'empreinte de la Silver Ghost. La précédente New Phantom devient rétrospectivement la Phantom I. Quand la Phantom II est commercialisée, le nombre de Rolls-Royce produites depuis 1904 a dépassé les 10 000 unités. La Rolls-Royce Phantom II représente un net progrès en termes de performances et d'agrément de conduite. Son six cylindres en ligne de 7 668 cm³ bénéficie d'un taux de compression plus important, ce qui lui procure suffisamment de puissance pour atteindre 140 km/h. Selon la tradition de la marque, cette puissance n'est pas communiquée. Les vendeurs répondent laconiquement qu'elle est suffisante. Cependant, le constructeur reste prudent face à la concurrence européenne et américaine qui propose déjà des moteurs huit et douze cylindres. En 1930, Cadillac dévoile même son premier seize cylindres. Rolls-Royce fait le choix de rester à l'écart de cette course à la puissance. La marque estime que la qualité d'un moteur ne dépend pas du nombre de ses cylindres ni de sa cylindrée, mais plutôt du soin apporté à sa conception et à sa fabrication. Rolls-Royce refuse de s'engager dans une surenchère qu'elle considère inutile.
Rolls-Royce Phantom II Continental, par Parker La présentation officielle de la Rolls-Royce Phantom II en septembre 1929, peu avant le krach de Wall Street, arrive à un moment inopportun. Cette période de crise, combinée à un prix très élevé et à une forte concurrence, ne facilite pas un lancement commercial serein. Malgré les éloges de la presse et une campagne publicitaire intense, les ventes restent inférieures aux capacités de production de l'usine de Derby. Cela n'empêche cependant pas Rolls-Royce de continuer à améliorer son modèle. En 1931, le constructeur lance une version Continental, pensée pour les grands voyageurs et ceux qui cherchent des vitesses moyennes élevées. Offrant en option un réservoir de carburant de plus grande capacité, la Phantom II Continental permet d'envisager de longs trajets sans arrêt. Plus puissante, elle se distingue par un châssis plus court de 3,66 mètres (contre 3,81 mètres pour la version standard) et une direction plus inclinée et directe. Ce modèle répond à l'intérêt grandissant d'une partie de la clientèle pour une conduite plus dynamique. La Continental est souvent conduite par son propriétaire. Dans ce cas, des carrosseries plus légères comme les coupés ou les torpédos s'avèrent bien adaptées. L'appellation " Continental " évoque le réseau routier européen, caractérisé par de longues lignes droites dégagées, contrastant fortement avec le réseau britannique moins adapté aux hautes vitesses. Les conducteurs britanniques perçoivent ces routes continentales comme un terrain de jeu idéal où, dans un trafic encore fluide et peu réglementé, ils peuvent librement exprimer leur goût pour la vitesse et la liberté. Les longues nationales françaises font rêver nos voisins d'outre-Manche.
Rolls-Royce Phantom II Continental, par
Kellner La Phantom II n'est pas fabriquée aux Etats-Unis. Un client américain a la possibilité de commander le châssis de sa Phantom II à Derby, et de le faire expédier en Amérique, où il est carrossé par un artisan local. Au total, 127 châssis, achetés par de riches clients américains, ont traversé l'Atlantique. 1 672 Phantom II ont été produites à Derby, dont 280 Continental. Rolls-Royce finit par s'adapter aux réalités du marché avec la Phantom III, lancée en août 1936, mais seulement après une longue phase de développement et d'essais, et trois ans après le décès d'Henry Royce. Son moteur V12 de 7 340 cm³ s'inspire directement des moteurs d'avion produits par Rolls-Royce. Dès la fin des années 1930, de nombreuses Phantom I et II sont recarrossées pour répondre aux goûts de leurs propriétaires. Bien que de construction solide, certaines carrosseries ne vieillissent pas aussi bien que prévu et se montrent moins résistantes que les châssis robustes qu'elles supportent. Ainsi, des voitures initialement carrossées en limousines sont transformées en roadsters, une modification qui bénéficie au châssis et aux performances. D'autres voitures connaissent des reconversions originales et inattendues, devenant ambulances, corbillards, ou même dépanneuses. En parallèle de la Phantom II, Rolls-Royce lance en 1929 la 20/25 HP, qui succède à la 20 HP. Ce nouveau modèle est principalement destiné à être conduit par ses propriétaires, issus de la moyenne bourgeoisie aisée ou souhaitant afficher une plus grande discrétion en cette période difficile qu'au volant de l'imposante Phantom II. Plus abordable que cette dernière, elle permet à Rolls-Royce de surmonter la difficile période du début des années 30, contrairement à de nombreux autres constructeurs. Par rapport à la 20 HP, l'augmentation de l'alésage porte la cylindrée à 3 699 cm³. La calandre arbore désormais des volets verticaux fixes. Son châssis de 3,35 mètres peut recevoir divers types de carrosseries, bien que Rolls-Royce continue de déconseiller les habillages trop lourds. Avec 3 827 exemplaires produits, elle représente une excellente performance en temps de crise économique. Rolls-Royce poursuivra sur sa lancée à la fin des années 30 avec la Phantom III de 1935 et la 25/30 HP de 1936.
Rolls-Royce Phantom III, 1935
Sur une idée originale de
Thomas Urban. Reproduction interdite, merci. |