Bentley Arnage
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Bentley Arnage, usine de Crewe. Copyright Au milieu des années 90, le groupe Vickers, propriétaire depuis 1980 de la société Rolls-Royce cars, rentre en relation avec BMW afin de négocier la fourniture de moteurs destinés aux modèles qui devront remplacer les vieillissantes Rolls-Royce Silver Spirit et Bentley Mulsanne. A la fin de cette décennie, à la recherche d'un repreneur pour assurer le développement des futurs produits de la prestigieuse marque britannique, la compagnie Vickers annonce - en 1998 - qu'elle va vendre la société Rolls-Royce Cars au groupe BMW. La vente comprend aussi la marque soeur de Rolls-Royce, Bentley. La Rolls-Royce Silver Seraph est lancée en 1998 et au mois d’avril de la même année, la Bentley Arnage est révélée au Mans, un lieu mythique où la marque a bâti son héritage. Le dossier semble bouclé quand un nouveau candidat, le groupe Volkswagen, renchérit et remporte l'affaire. Volkswagen devient propriétaire de Rolls-Royce et de Bentley. Mais les dirigeants de BMW découvrent une faille dans le contrat de cession. Le nom Rolls-Royce est en effet toujours à vendre, et ils l'achètent. Finalement, un accord est trouvé entre les deux groupes allemands. Volkswagen demeure propriétaire des deux marques jusqu'au 31 décembre 2002. Rolls-Royce passe alors sous le giron de BMW, mais doit quitter l'usine de Crewe, possession de Volkswagen. Rolls-Royce déménage plus au sud, à Goodwood.
Bentley Arnage, usine de Crewe. Copyright De nos jours, le courant semble bien passer entre les gens de Crewe et les ingénieurs de Volkswagen. Ce n'était pas vraiment le cas il y a quelques années avec BMW, dont les ingénieurs ne semblaient pas vouloir jouer totalement la transparence. Les relations étaient plus cloisonnées entre les techniciens des deux pays. Un fait révélateur de cette nouvelle situation est bien le fait que le personnel de Crewe soit resté à Crewe, et que personne n'a songé à déménager vers la nouvelle usine Rolls-Royce de Goodwood. Dans les années 80, Bentley a failli disparaître de Crewe au profit exclusif de Rolls-Royce. Aujourd'hui, Crewe, c'est Bentley et rien d'autre. Quel renversement de l'histoire ! Le climat économique européen du début du troisième millénaire permet à Bentley de vendre 1 017 voitures en 2003, devançant nettement Rolls-Royce (désormais son concurrent) ou Maybach. Mais à cette époque, la nouvelle Continental GT ne fait que débuter sa prometteuse carrière. En effet, en 2005, Bentley produit déjà 8600 voitures, grâce au succès de la nouvelle gamme avec la Continental GT et la Flying Spur. Cerise sur le gâteau, Volkswagen contribue grandement à la renaissance du prestige de la marque, en accentuant encore plus les prétentions sportives des Bentley et en poursuivant avec succès un travail entamé en 1982 lors de la présentation de la Mulsanne Turbo.
Bentley Arnage, usine de Crewe. Copyright L'usine de Crewe a aussi été largement transformée, avec de nombreux investissements dans un outil industriel moderne, compatible avec une production qui demeure encore très artisanale. Tout nouveau propriétaire d'une Bentley peut encore avoir l'assurance que sa voiture n'est pas un simple produit banal manufacturé, mais le fruit du savoir faire d'artisans qualifiés. L'usage des robots demeure très limité. L'usine de Crewe en 1998 Rolls-Royce et Bentley à la croisée des chemins - Par Laurent Berreterot - 2004
Le sigle Rolls-Royce au fronton de l'usine en 1998. Copyright
De nos jours, une usine exclusivement Bentley - Source : http://whereincrewenantwich.wordpress.com/ Bon nombre d’amateurs de voitures de luxe et de journalistes associent le nom de Crewe aux automobiles Rolls-Royce et Bentley. Située dans le centre ouest de l’Angleterre, entre Birmingham et Manchester, cette petite ville industrielle n’est pourtant le berceau historique d’aucune de ces deux marques et n’avait pas vocation primitive à fabriquer des automobiles. La division aéronautique de Rolls-Royce y avait construit une usine de moteurs d'avion en 1938. Dans le contexte tendu de l’époque, le gouvernement britannique encourageait la délocalisation de son industrie de guerre en dehors de la capitale. L’avenir lui donna raison. Durant le second conflit mondial, l’usine Rolls-Royce connut son heure de gloire en produisant les moteurs des fameux chasseurs Spitfire et Hurricane. Ces derniers sauvèrent l’Angleterre lors de la bataille aérienne de 1940. Ce n’est qu’en 1946 que débuta la fabrication des automobiles à Crewe, avec la sortie de la première Bentley Mark VI à carrosserie standard. La faillite de 1971 et la scission de Rolls-Royce en plusieurs sociétés indépendantes n’eurent pas d’influence sur les activités de la division automobile que racheta en 1980 le groupe d’armement britannique Vickers. Celui-ci s’en défit dix-huit ans plus tard, le marché de la voiture de luxe devenant de plus en plus cyclique. Le 29 avril 1998, les médias annoncèrent la reprise de Rolls-Royce Motor Cars Ltd par BMW pour 340 millions de livres Sterling, mais le 8 mai, coup de théâtre, Volkswagen surenchérit à 430 millions. Par décision du conseil d’administration de Vickers, l’usine de Crewe passa sous le contrôle de Volkswagen le 5 juin 1998. Toutefois, BMW joua de ses accords avec la société aéronautique Rolls-Royce Plc pour subtiliser à son compatriote les droits d’utilisation de la marque au double R au-delà de 2003. Depuis lors, on ne fabrique plus que des Bentley à Crewe, les nouvelles Rolls-Royce sortant du site de Goodwood construit par BMW dans le sud-est du pays. J’eux l’opportunité de me rendre à Crewe le 20 juillet 1998, lorsque BMW et Volkswagen se déchiraient des deux prestigieux labels britanniques. Savamment réaménagée en vue des visites par Vickers, l’usine représentait un fort vecteur de communication pour son nouveau propriétaire. Avec le recul, j’ai conscience d’avoir navigué entre le passé et l’avenir d’un semi artisan de l’automobile à une période charnière de son histoire. Il m’a donc paru important d’apporter mon témoignage au moment où Rolls-Royce et Bentley connaissent un nouveau départ après 72 ans de vie commune. Le modèle charnière Tout commença dans l’euphorie à Genève au mois de mars 1998. Rolls-Royce avait créé l’événement en lançant la remplaçante de la Silver Spirit. On l’attendait depuis si longtemps, cette nouvelle " Silver Seraph ", que certains journalistes ne pensaient pas la voir avant l’an 2000.
Rolls-Royce Silver Seraph. Copyright Il s’agissait tout de même de la première nouveauté présentée par Rolls-Royce en 18 ans, voire même 33 ans, si l’on considère la Silver Spirit comme une simple Silver Shadow recarrossée ! Mis à part les poignées d’ouverture des portes à bouton-poussoir, les fameuses bouches d’aérations chromées et les commandes d’ouverture intérieures des portes, cette voiture ne partageait plus rien avec ses prédécesseurs. Pour le plus grand bonheur des fanatiques, la nouvelle venue renouait avec le style tout en courbes d’une Silver Cloud que d’aucuns considèrent encore comme LA Rolls par excellence. Tournant le dos aux lignes tendues typiquement seventies et aux blocs optiques rectangulaires façon Mercedes, la Silver Seraph mettait fin à vingt ans de tentatives de modernisation plus ou moins heureuses du style Rolls-Royce (souvenez-vous de la Camargue …). Sans être un fanatique du style néo-rétro qui sévissait en cette seconde moitié des années 90, je n’hésite pas à considérer cette voiture comme l’une des plus belles Rolls de l’après-guerre. Certes, l’intégration des phares circulaires sous cette espèce de verrière vaguement ovale manquait de grâce, mais dessiner la face avant d’une Rolls n’a jamais été chose aisée en raison de la verticalité imposée par le radiateur. L’équipe du designer Graham Hull n’alla pas non plus jusqu’à doter la ceinture de caisse de la fameuse " vague " qui faisait le charme des Cloud et des Corniche, mais la ligne semblait suffisamment pure, naturelle, évidente, pour s’en passer. La Seraph possédait la grâce d’une Cloud sans pâtir des mêmes lourdeurs. Grâce à l'augmentation considérable de la surface vitrée par rapport au volume général de la carrosserie, au radiateur moins envahissant et aux rondeurs subtiles des extrémités, elle paraissait beaucoup plus équilibrée, plus fine et plus légère. Enfin une Rolls qui tenait plus de l’automobile que du parpaing ! Et puis, cette subtile chute de hanche qui venait mourir sur ces jolis feux rebondis appelait d’anthropomorphiques comparaisons. C’était une Rolls callipyge ! Ces beaux atours ne firent pourtant pas oublier les origines étrangères d’un moteur V12 5,4 litres désormais fourni par BMW. L’accord signés à cet effet en 1995 attrista nombre d’aficionados, mais il faut bien reconnaître que les dirigeants de Rolls-Royce n’eurent guère le choix. Depuis 1959, leurs modèles se partageaient le seul et unique moteur disponible, un V8 de 6,2 puis 6,7 litres. Si son arbre à came central n’en faisait pas un modèle d’avant-garde, son énorme cylindrée fournissait dès les bas régimes un couple élevé tout à fait approprié à des voitures avoisinant les deux tonnes. Cependant, la puissance disponible paraissait limitée eu égard de la consommation délirante et cette caractéristique prit une dimension problématique dans les années 80 avec la crise de l’énergie. Le bureau d’étude expérimenta un moteur plus compact, mais l’entreprise en difficulté ne trouva jamais les fonds nécessaires à son développement. Ne restait donc plus que la solution du partenariat. Mais avec qui ? Les Américains avaient motorisé bon nombre de petits constructeurs durant les Trente Glorieuses, mais leurs bons gros V8 n’avaient dans l’ensemble pas évolués depuis lors. De l’autre côté de l’Atlantique, les Allemands opposaient désormais des groupes plus compacts, plus légers et autrement plus performants, tout en demeurant moins voraces et tout aussi fiables. Les Anglais ne manquaient certes pas de motoristes de talents, mais Lotus et Cosworth ne disposaient ni des moyens ni de la stabilité financière à long terme pour garantir la pérennité d’un accord, et Jaguar s’apprêtait à renoncer au V12 au profit de V8 Ford plus modestes. Les pièces d’orfèvrerie des Italiens ne correspondaient vraiment pas à la philosophie d’une Rolls-Royce, quant à faire appel aux Japonais, la clientèle l’aurait-elle accepté en ce milieu des années 90 ? Ainsi, après l’échec de négociations avec Mercedes-Benz, la Rolls-Royce Silver Seraph et sa jumelle Bentley Arnage naquirent autour d’un V12 et d’un V8 BMW. Peu loquace à ce sujet éminemment sensible, la firme préféra communiquer sur les investissements consentis à Crewe. Pour les journalistes et les particuliers, l’on ouvrit généreusement les portes d’une usine profondément modernisée. Jusque là, Rolls-Royce avait été avant tout un constructeur de bases roulantes (châssis et moteurs) laissant à d’autres le soin de sous-traiter ses carrosseries. Cet héritage des premiers temps de l’automobile subsista bien après la standardisation des carrosseries, en 1946, et l’adoption de la construction monocoque, en 1965. Toutes les caisses de série de l’après-guerre furent ainsi embouties et assemblées par la société Pressed Steel, une filiale de la BMC dont hérita le groupe Rover. Avec la Silver Seraph et l’Arnage, au contraire, Rolls-Royce assurait lui-même la construction de ses carrosseries, le soubassement mécanique provenant pour la première fois de l’extérieur, à savoir de chez BMW. Pour le Bavarois, la fourniture du moteur mais aussi du système de climatisation et de nombreux autres composants électroniques, représentait l’occasion rêvée de prendre pied dans l’entreprise aux yeux et à la barbe de tout autre repreneur potentiel. Et pour cause. Depuis 1991, le groupe Vickers ne cachait pas son intention de se défaire de Rolls-Royce Motor Cars Limited, mais le contexte du début de la décennie ne s’y prêtait guère. Après une année 1990 record – le chiffre de 3000 voitures construites cette année là n’a encore jamais été dépassé – la guerre du Golfe et la récession avait divisé les ventes par deux en une paire d’années seulement. En 1998, au contraire, les choses allaient beaucoup mieux. Sous les effets cumulés de la reprise économique mondiale et d’une politique produit beaucoup plus dynamique, les ventes avaient constamment progressé depuis trois ans. Ces bonnes performances commerciales, alliées au nouveau modèle et à l’usine modernisée, mirent le groupe Vickers dans une position autrement plus favorable pour réaliser une excellente affaire au moment décisif où BMW et Volkswagen allaient se disputer le plus prestigieux constructeur britannique. Vous comprendrez aisément pourquoi je considère la Silver Seraph et l’Arnage comme des modèles charnières. De leur gestation à leur mise sur le marché, leur histoire se confond avec l’inexorablement prise de contrôle du couple Rolls-Royce Bentley par les Allemands. La nouvelle du rachat de l’entreprise par Volkswagen, tombée le 5 juin 1998, m’encouragea à traverser la Manche. Malgré la collaboration technique unissant Crewe à Munich, le conseil d’administration de Vickers avait été sensible à la dernière surenchère de Volkswagen et de son président Ferdinand Piëch. Bernd Pischetsrieder, son rival de chez BMW – et futur successeur ! – ne s’avoua pas vaincu et le poussa à la négociation en menaçant d’interrompre la livraison des moteurs de Silver Seraph et d’Arnage. Je pris donc le train pour Crewe dans une atmosphère des plus incertaines. Faire-savoir et savoir-faire. Un défilement ininterrompu de murs en brique me revient en tête à l’évocation de mon voyage dans le fief de Rolls-Royce et Bentley. Née avec le développement du réseau de chemin de fer au 19ème siècle, Crewe n’offre que le décor austère d’une ville industrielle entièrement bâtie de cette brique rouge foncé que le ciel anglais rend plus monotone encore.
La gare de Crewe. Copyright Le taxi m’emmena à la sortie de la ville, à dix minutes de la gare. Rolls-Royce avait élu domicile aux abords d’une avenue dénommée Pyms Lane. Là, une succession de bâtiments administratifs, fatalement de briques, isolait l’usine des regards extérieurs. L’entrée du personnel et des livraisons s’effectuait par une large percée entre deux des bâtiments frontaux. De là, on apercevait une petite partie des installations industrielles et une grande structure métallique reliant deux ateliers qui portait ces mots : " Welcome to Crewe, the home of Rolls-Royce and Bentley. " Une Silver Seraph déposa devant l’usine quelques personnes ou clients importants. De l’autre côté de Pyms Lane, le parking dévolu aux ouvriers ne comptait que des Ford et Vauxhall des plus ordinaires, tout au plus quelques Frontera ou Calibra ... Dessiné dans un style rectiligne et dépouillé typique de l’Entre-deux-guerres, le bâtiment d’accueil arborait sur son fronton monumental les deux R entrelacés. J’ignorais encore qu’ils allaient disparaître quatre ans plus tard. En contemplant cette puissante façade, l’on aurait pu croire que rien n’avait changé depuis la guerre si une très contemporaine marquise de verre et d’acier n’avait surplombé l’entrée. Cette structure en demi-cercle faisait écho à la forme semi elliptique du perron. De part et d’autres des larges portes en verre automatiques, les bustes de Charles Rolls et Henry Royce m’accueillirent chez eux. Entre-temps, les professionnels de la communication avaient fait irruption jusque dans les usines, et la mise en scène du hall d’accueil traduisait dans les moindres détails les orientations marketing de l’époque. A vos pieds, le très beau parquet en bois clair dégageait une agréable atmosphère de discrétion feutrée à laquelle répondait la clarté des pans de murs blancs. Dans l’alignement de l’entrée, un bel escalier conduisait à la partie administrative non accessible au public. En haut des marches se dressait une sculpture abstraite représentant l’alliance de Rolls-Royce et Bentley autour des racines communes de l’aéronautique et de l’artisanat. Malgré le divorce de 2003, elle s’y trouve toujours. La réceptionniste que j’avais eue au téléphone me conduisit dans une salle secondaire où attendaient les autres convives du General Interest Tour. Un buffet avait été disposé à notre attention avec thé, café et petits gâteaux à volonté. Le thé, avec un petit nuage de lait, s’il vous plaît, merci ! Puis apparut un petit homme en costume bleu, l’air jovial et frétillant. Sur sa veste, un badge à son nom portait la mention " Crewe expérience. " Comme toute personne habilitée à conduire le public dans le saint des saints, il s’agissait d’un ouvrier de l’usine. Le poste réclamant une bonne dose de chance et de patiente, c’est non sans une légitime fierté qu’il nous accompagnât dans les dédales de l’usine, répondant à nos questions avec une déconcertante assurance. " Pourquoi la Silver Seraph n’a-t-elle pas de compte-tours ? Et bien, c’est qu’elle n’en a pas besoin ! " Elémentaire, voyons ! Histoire de nous conditionner favorablement, un petit musée avait pris place dans une aile du rez-de-chaussée. Dans la neutralité d’un environnement très noir sans ouverture sur l’extérieur, plusieurs rangées de vitrines prenaient vie sous les feux de puissants projecteurs. L’on pouvait y admirer photos, objets divers et autres brochures d’époque abondamment légendées par une signalétique de qualité. La succession des vitrines délimitait trois alvéoles occupées chacune par un véhicule d’avant-guerre, donc non fabriqué à Crewe. Le premier était une Blower Bentley fatalement peinte en British racing green, mais le souvenir que j’avais du second n’aura pas survécu à l’aura quasi divine du clou de l’exposition : l’auguste Silver Ghost de 1907. Je veux parler ici de la Rolls-Royce la plus connue au monde, celle qui illustre tous les livres d’histoire de l’automobile et que les Anglais appellent affectueusement par son numéro d’immatriculation : AX 201.
La Rolls-Royce Silver Ghost " AX 201 ". Copyright Comme neuve ou presque, elle exhibait fièrement sa carrosserie torpédo dite " roi des belges " en métal plaqué d’argent (vous avez bien lu !). Barker l’avait ainsi habillée sur le treizième châssis du type 40/50 HP auquel elle prêtera son nom une fois la série arrêtée. Elle ne disposait pas encore de la célèbre " flying lady " qui aura attendu 1911 pour se poser sur le bouchon de radiateur des Rolls-Royce. Malgré son exceptionnel état de conservation, ce genre de vieille dame nécessitait quelques prévenances, aussi avait-on disposé un plateau en argent sous la boîte de vitesse pour protéger le parquet des fuites d’huile ! Elle aurait parcouru plus d’un million de kilomètres, et à la voir dans son rutilant habit de lumière, on peine à croire que cette auto a tant vécu. Songez qu’en 1907, l’Angleterre régnait encore sur la planète, le servage sévissait toujours en Russie et le Titanic n’existait même pas à l’état de maquette ! Les caractéristiques du véhicule n’en restaient pas moins titanesques : 6 cylindres en ligne et 7036 cm3 pour tout juste 48 chevaux à 1200 tr/mn seulement ! Pareil morceau d’histoire doit en grande partie sa survie à son statut de voiture promotionnelle. Dès 1907, son marathon d’endurance autour de la Grande Bretagne aura assis la réputation internationale de l’entreprise et infirmé le slogan de " meilleure voiture du monde " dont elle est peut-être la seule Rolls-Royce à mériter pleinement le titre. Propriété de l’usine de Crewe depuis 1948, elle l’est restée après 2003. BMW n’ayant ni pu ni voulu racheter cette merveille à Volkswagen, la nouvelle société Rolls-Royce devra donc se passer – cruelle ironie ! – du formidable outil publicitaire que représente l’AX 201. Après cette belle remontée dans le temps, le guide nous conduisit dans la cour de l’usine. J’entrevis dans un coin un bel alignement de Silver Seraph et d’Arnage de direction aux côtés desquelles stationnait une " petite " Rover 800 décidément bien menue. On me pria de ranger mon Reflex, puis, nous nous dirigeâmes vers l’atelier de ferrage des coques de Silver Seraph et d’Arnage. La présence de telles installations à Crewe constituait une petite révolution pour un constructeur habitué à faire sous-traiter ses carrosseries. Pour libérer l’espace nécessaire aux nouveaux ateliers, le montage du vieux V8, qui équipait encore la gamme Continental, avait déménagé chez Cosworth, une autre filiale de Vickers également rachetée par Volkswagen. Point de travail à la chaîne ici, les carrosseries naissaient directement sur des gabarits métalliques fixes. Les panneaux de tôle avaient beau avoir été emboutis par des machines – loin de ce qui se faisait encore à l’époque chez Aston Martin – les hommes n’en exécutaient pas moins manuellement les soudures. Je vous laisse imaginer le niveau de productivité et le prix de revient de tels procédés ! Pas bien jolies sous leurs traces de ponçage et leurs points de soudures, les caisses en blanc circulaient sur des espèces de chariots avant de passer à l’atelier de peinture. A ce stade, rien ne distinguait une Silver Seraph d’une Arnage. La visite se poursuivit dans le " wood shop ", autrement dit l’atelier d’ébénisterie. Vous en avez sans doute déjà eu un aperçu en parcourant la documentation du constructeur. Une brochure Rolls-Royce ne serait pas tout à fait anglaise sans la photo d’un vieux maniaque lissant amoureusement un panneau de loupe d’orme sur un vieil établi. Cliché ou réalité ? Un peu des deux.
Le vieux maniaque ! Copyright L’atmosphère de l’atelier tenait effectivement plus de la grande menuiserie que de l’usine d’emboutissage, mais la clarté et l’ordre qui y régnaient contrastaient avec le capharnaüm d’arrière boutique que l’on imagine volontiers. De l’assemblage des couches successives de bois au laquage final en passant par les phases de ponçage successives, l’ensemble d’une panoplie de boiseries exigeait un nombre effarant d’heures de travail qui m’échappe aujourd’hui. Le gros des opérations s’effectuaient de façon manuelles, toutefois, une foreuse guidée par ordinateur se chargeait de l’usinage des " planches de bord. " A Crewe, cette expression a su garder tout son sens, et il y avait quelque chose de fascinant à contempler tous ces tableaux de bord accrochées au mur comme autant d’œuvres d’art dans un musée. Dernière étape de la visite et clou de mon périple, le grand hall de montage des véhicules présentait deux visages représentatifs de deux époques bien distinctes. D’un côté, la firme venait d’investir dans sa toute première chaîne de montage dédiée aux Silver Seraph et Arnage. De l’autre, elle poursuivait la fabrication artisanale de la gamme Continental selon des méthodes inchangées depuis des lustres. Nous n’étions pas tout à fait hier ni complètement aujourd’hui. Voyage entre deux époques. Extrêmement lumineux, le hall de montage évoquait davantage une clinique qu’une usine. A perte de vue, des armées de néons répandaient leurs lueurs blanches sur un sol immaculé. Tout semblait clair, propre et net. A proximité de l’entrée où les carrosseries accédaient à la chaîne, de généreuses protections en mousse recouvraient les poteaux métalliques de peur qu’une coque ne s’y blessât. A ceci s’ajoutait un fort sentiment d’espace. De larges allées séparaient les différents postes de travail. Au-dessus de nos têtes, de belles pancartes répandaient les paroles d'Evangile d’Henry Royce " Si la perfection n’existe pas, créez-là ", etc. Si ce psychorigide avait su qu’un jour son entreprise appliquerait les principes de la production en série ! Même l’un de ses plus célèbres clients, Henry Ford himself, ne l’aurait pas imaginé ! Autres temps, autres usages, en 1998, la première chaîne de fabrication jamais installée chez Rolls-Royce faisait la fierté de l’usine de Crewe. Soyez néanmoins rassurés, la standardisation des produits et la répétition systématique des tâches n’impliquait pas pour autant une production de masse puisque une Silver Seraph demandait encore cinq à six jours de travail,contre quatre heures et demie pour une Smart ! Quant à la fameuse chaîne, elle se caractérisait surtout par sa lenteur de marche et ne fonctionnait pas le jour de ma venue. En amont, les carrosseries suspendues à des convoyeurs sur rail recevaient par en dessous trains roulants et groupe motopropulseur. Une fois sur roues, les voitures poursuivaient leur chemin sur un tapis roulant métallique. Parallèlement à la chaîne se succédaient les postes de préparation des sous ensembles : planches de bord, masses suspendues, moteurs, sièges, portières et j’en passe. Avant montage, les moteurs BMW se laissaient admirer sur leur socle. Doté de 32 soupapes et de deux arbres à came en tête, le V8 4,4l de l’Arnage exhibait des sophistications techniques jusqu’alors inconnues à Crewe. Issu des 540/740i mais revu par Cosworth, il se distinguait par ses deux petits turbos et sa puissance portée de 286 à 354 ch. Les ingénieurs veillèrent à améliorer le couple à bas régime sans parvenir à supprimer totalement le caractère " pointu " d’une mécanique très éloignée de la philosophie – et du poids ! - d’une Bentley. Pas de traitement de faveur en revanche pour le V12 5,4 litres de 326 ch qui provenait directement de la 750i et dont la spécificité britannique se limitait aux seuls couvre culasses estampillés " Silver Seraph " ! Détail amusant, dans la jungle des courroies, l’un des autres visiteurs me fit remarquer l’inscription " made in Japan " que portait l’une des poulies. La boîte automatique, elle, portait la marque allemande ZF. Sa forme très allongée qui se terminait en pointe me faisait penser à une seiche géante. Le logement de pareil monstre nécessitait l’aménagement d’une imposante niche sous le plancher. Le poste de conduite, quant à lui, constituait une rude épreuve pour les câbleurs. Les planches de bord prêtes à prendre place dans les habitacles laissaient entrevoir des dessous particulièrement encombrés. Pour des raisons de marketing, l’Arnage profitait d’une instrumentation de bord plus complète que la Silver Seraph. Les compteurs couleur crème de la Bentley flattaient davantage l’œil que ceux, banalement noirs, de la Rolls-Royce. Sur cette dernière, le sélecteur de vitesse placé derrière le volant, à l'américaine, plutôt qu’entre les sièges, possédait un indéniable exotisme. Enfin, la présence diversement appréciée de boutons de série 7 sur la console centrale s’expliquait par l’origine BMW du système de climatisation. En fait, l’inféodation de la firme à la technologie allemande cantonnait le savoir faire britannique à l’aménagement de l’habitacle. De ce côté-là, il faut reconnaître à nos amis anglais un immense talent. En quelques heures, les selliers parvenaient à transformer une chaise électrique en sublime fauteuil présidentiel. Beige magnolia, abricot, rouge sang, la variété des cuirs fournis par la maison Connoly ne connaissait pas de limite quand certains constructeurs ne proposaient tout au plus que deux teintes. Une fois terminés, les sièges attendaient leur véhicule de destination sous une protection en plastique. Un peu plus loin, des ouvrières s’affairaient sur des tapis de sol derrière leurs machines à coudre. Le collègue d’en face s’occupait des volants. La couture de la gaine de cuir sur la jante réclamait quatre heures de travail. A peine quelques pas séparaient la chaîne de montage et ses dépendances de la partie de l’usine consacrée à la gamme Continental. Ces quelques pas me donnèrent l’impression de remonter le temps tant le processus de production différait. Si le mariage des organes mécaniques à la coque s’effectuait à peu près de la même manière qu’à côté, pour tout le reste, point de fabrication à la chaîne ni de succession logique de tâches. Comme au temps où l’automobile n’était pas encore une industrie, les ouvriers se déplaçaient autour des voitures et non l’inverse. L’on avait disposé en épi les Continental R, Continental T et Azure en cour de montage. Sans pouvoir donner de chiffres, elles paraissaient cent fois moins nombreuses que les Silver Seraph et Arnage plus ordinaires. La catégorie de prix n’était plus la même. Les Azure dépassaient les deux millions de francs de l’époque. Très rares en Europe, elles trouvaient sur la côte Est américaine l’essentiel de leurs clients. Will Smith comptait parmi les plus connus. Mike Tyson en aurait acheté quatre d’un coup. Plus exclusives encore, les Continental T coûtaient pas loin d’un million de plus qu’une Arnage. D’où leur extrême rareté. J’ai dû en voir tout au plus deux exemplaires dans le hall. Y en avait-il ailleurs ? Le guide n’a pas souhaité trop s’attarder dans cette " zone artisanale " ne reflétant pas les nouvelles orientations industrielles de la firme. Dommage. Toutes ces carrosseries recouvertes de papier bulle, dont les ouvrants baillaient aux quatre vents, donnaient une touche poétique à cet univers aseptisé. Il ne manquait plus que les photos de pin-up au mûr, le vieux transistor grésillant et le dernier numéro de Playboy sur les établis pour se croire dans un garage d’antan. Même sans ces accessoires ô combien nécessaires à l’accomplissement de l’homme moderne, le temps s’écoulait à un rythme encore plus lent que sur la chaîne, alors que régnait un certain petit bazar autour des postes de travail. Je m’écartai un peu du groupe pour flâner dans les allées. Quelques sièges célibataires traînaient par-ci, par-là. Ceux des Azure se reconnaissaient facilement à la fixation latérale d’appui-tête intégrant l’enrouleur de ceinture. Suite aux accords passés avec Munich en 1995, ils partageaient, si je ne m’abuse, de nombreux composants avec ceux de la BMW série 8. J’eux la chance d’en voir un complètement désossé. La structure métallique particulièrement complexe et la dotation en moteurs électriques présageaient d’un prix de revient en conséquence. Plus loin, au pied d’un établi, reposait l’énorme moteur d’une Continental indéfinie. Ce monstre n’aurait pas déparé à côté d’une enclume. Ses six litres trois quart dépassaient l’entendement dans nos pays habitués aux petites cylindrées mais s’inscrivaient dans la norme outre-Atlantique. En Europe, seul le V8 6,9 l Mercedes l’avait surpassé en gigantisme, et il faut remonter à l’Entre-deux-guerres pour retrouver trace de pareille gamelle dans la production française. On le repérait aisément à son colossal turbocompresseur dont le corps en spirale me faisait penser à l’un de ces mollusques marins fossilisés. La boîte, démesurée elle aussi, ressemblait à l’éperon d’un supertanker. D’origine General Motors, elle équipait entre autres la Corvette. Techniquement assez rustique, cette boîte ne pouvait compter sur un cinquième rapport ni sur tout autre perfectionnement moderne, mais on la disait seule au monde capable d’encaisser le couple phénoménal d’une Continental T. Plus étonnant encore, en plein milieu d’une allée se tenait la coque d’une limousine Park Ward sur ses supports métalliques. Pour mémoire, ce modèle lancé en 1996 résultait de l’allongement d’une Silver Spur au niveau du pied milieu. Entièrement enduite d’une espèce de mastique noir, cette carrosserie comptait parmi les derniers vestiges de l’ancienne génération de berlines encore visibles à Crewe. La division Mulliner Park Ward assurait la finition de ce genre de production spéciale. Ses ateliers londoniens s’occupèrent jadis des Phantom VI, Corniche et autres Camargue. En 1990, Rolls-Royce avait rapatrié cette division à Crewe dans des locaux à part, non accessibles à la visite. Ne me demandez pas ce qu’une coque de Park Ward faisait dans le hall de montage. On l’avait certainement mise à cet endroit par manque de place ailleurs ! Je fus moins surpris de découvrir un bac plastique rempli de sphères vertes, des attributs bien connus des citroënistes ! En vertu d’un accord passé avec la marque aux chevrons dans les années 60, Rolls-Royce utilisa la technologie hydraulique de la DS pour mettre au point le correcteur d’assiette et le circuit de freinage haute pression des Silver Shadow et série T. La gamme Continental en héritait directement, comme toutes les Rolls-Royce et Bentley lancées entre 1965 et 1997. Dans cet intermède de 32 ans, trois ou quatre générations de Mercedes et de BMW s’étaient succédées sans que la technique Rolls-Royce n’évolue dans les grandes lignes. Imaginez que la Mercedes 600, née en 1963, ait perduré jusqu’à l’aube du 21ème siècle … Vous comprendrez donc facilement l’obsolescence des productions de Crewe à la fin des années 90, ainsi que l’urgence de trouver un partenaire à cette époque-là ! En trente ans et deux chocs pétroliers, la notion de voiture de luxe avait sensiblement évolué. Après l’impressionnante 600, Mercedes mit sur le marché des modèles moins opulents affichant des performances supérieures pour des cylindrées et des consommation moindres. Faute de moyens, les Rolls-Royce et Bentley conservèrent les mêmes proportions hors norme et cet énorme moteur au faible rendement. Le fossé se creusa indubitablement entre ce qui se faisait à Crewe et ailleurs, à tel point qu’en 1998, la gamme Continental ne connaissait plus vraiment de concurrents ! Les énormes paquebots américains appartenaient déjà à l’Histoire et l’Aston Martin V8 disparut sans succession directe en 1999. Au-delà, il ne resta plus que la Bristol Blenheim de comparable à la Bentley. Pareil dinosaure dégageait un charisme époustouflant. Honnêtement, elle était plus impressionnante que réellement magnifique. De face comme de profil, sa ligne manquait un peu de finesse, et que dire de cette abrupte console centrale qui coupait l’habitacle en deux ! Quant à l’orientation soi disant " sportive " de la Continental T, elle me semblait d’avantage destinée à satisfaire l’exhibitionnisme de quelques milliardaires californiens que la frustration d’anciens pilotes désœuvrés. Cependant, une fois à son bord, l’odeur et la sensualité du cuir, la chaleur des boiseries, la profondeur de la moquette Wilton et le charme suranné de ces inimitables bouches d’aération chromées me faisaient complètement fondre. Comme une femme un rien trop mûre mais pétrie d’expérience, cette voiture savait vous prendre par les sentiments. Une fois achevées, les voitures partaient faire un petit galop d’essai dans la campagne environnante. Je suivis leurs allées et venues à la sortie du hall. A l’accélération, l’Arnage émettait une sonorité typiquement BMW. Aux ronronnements sourds du V8 anglais, l’allemand répondait par des feulements évocateurs de compétition. Entendre un tel lyrisme dans une Bentley avait de quoi surprendre. Par sa cylindrée étonnamment plus modeste - 4,4 litres au lieu de 6,7 ! – sa courbe de puissance plus pointue et son relatif manque de coffre à bas régime, le V8 BMW représentait la parfaite antithèse du V8 Bentley. Sans démériter, il était tout de même plus à son aise dans une 540i que dans une Rolls pseudo sportive pesant quelques 800 kilos de plus ! Une fois leurs pistons dégourdis, les voitures revenaient dans le hall subir les tests de freinage et de suspension sur des rouleaux vibreurs puis les épreuves d’étanchéité dans une cabine fermée. Les voitures achevées stationnaient en fin de chaîne dans une pagaille digne d’un champ de foire. Parmi elles, une Silver Seraph atteinte de défauts d’étanchéité au niveau du joint de portière avant, attendait les premiers secours, preuve que la perfection ne résidait pas en ce bas monde. L’une de ses sœurs manœuvra tout près de moi dans un silence tout juste troublé par le crissement des pneus sur le sol. Une légende affirme qu’une pièce de monnaie posée verticalement sur le radiateur d’une Rolls-Royce tournant au ralenti ne pourrait tomber. De peur de casser un mythe supplémentaire, j’ai préféré m’abstenir. La visite s’acheva dans le show-room jouxtant le musée. Haut de deux étages et donnant sur Pyms Lane, il ne contenait qu’une seule Silver Seraph grenat. A l’arrière du show-room se trouvait un somptueux salon. Les clients venaient y discuter de l’aménagement de leur future voiture avec le " conseiller commercial. " Tout autour d’une table en merisier se dressaient de luxueux panneaux présentant les différentes essences de bois disponibles, ainsi que des meubles à tiroirs contenant mille et uns échantillons de moquettes et de cuirs. Les concessionnaires disposaient d’une version simplifiée de ce procédé dans des mallettes de démonstration. Malgré toutes ces attentions prodiguées à leur endroit, la plupart des autres visiteurs ne ramenèrent chez eux que des portes-clé et autres babioles. J’entamais de mon côté un passionnant dialogue avec le guide. Il existe plusieurs astuces pour lier conversation avec un étranger. Dans les pays arabes, offrir une cigarette vaut toute l’hospitalité du monde. Outre Manche, venir de Bordeaux constitue une fort belle carte de visite. " Oh, Bordeaux, lovely place, very fine wine ! ". De fil en aiguille, j’évoquai l’école de chauffeurs de Crewe. Une vieille brochure de Silver Shadow m’en avait révélé l’existence, et elle tenait toujours ses locaux dans l’usine. De retour dans le hall d’accueil, mon interlocuteur me fit appeler un responsable de l’école. Le type arriva illico presto et me présenta, tout sourires dehors, une liste de ses prestations. Une semaine de formation à Crewe demandait la modique participation de 10 000 francs, logement et réussite à l’examen non compris. Lovely, lovely, indeed ! J’allais demander à la secrétaire de m’appeler un taxi quand mon nouvel " ami " me proposa de me reconduire à la gare en compagnie de ses camarades ouvriers. J’acceptais avec joie. Let’s go, nous montâmes à cinq dans une magnifique Volvo 740 automatique qui semblait souffrir de la maladie de Parkinson tant son moteur hoquetait au ralenti ! Derrière des façades et un accent parfois un peu abrupts, mes compagnons de route possédaient une spontanéité et une simplicité vraiment touchante si l’on se donnait la peine d’établir le contact. J’ignore ce qu’ils devinrent par la suite, tant le site de Crewe changea en cinq ans. En 1998, Volkswagen fixa un objectif de production à moyen terme de 9 000 voitures par an. Quand on sait que l’usine n’a jamais dépassé les 3 000 et tournait en moyenne autour des 1500 unités au tournant du siècle, cela donne une petite idée des bouleversement survenus et à venir… En guise de conclusion… Une semaine à peine après ma visite, le 28 juillet 1998, le sort du plus prestigieux constructeur britannique se conclut sur l’invraisemblable séparation de Rolls-Royce et de Bentley. L’affaire se joua sur la question cruciale des droits d’utilisation de la marque Rolls-Royce que détenait la firme aéronautique éponyme. Cette dernière souhaitant favoriser BMW – avec lequel elle avait déjà formé un joint-venture dans l’aviation civile - Volkswagen dut se résoudre à accepter la négociation puis le partage. La nouvelle souleva une grande émotion chez de nombreux amoureux de l'automobile britannique. Je me souviens avoir lu le désarroi d’un membre du Rolls-Royce Enthousiast’s Club dans les colonnes du Daily Telegraph. Il comparait Ferdinand Piëch et Bernd Pischetsrieder à " des charognards qui connaissent le prix de tout et la valeur de rien. " D’un autre côté, beaucoup ont aussi réagi avec un grand pragmatisme, voire un parfait stoïcisme. Dans un pays de culture anglo-saxonne, les affaires, ce sont les affaires ! A ce sujet, un vendeur de chez Jack Barkley - célèbre concessionnaire Rolls-Royce et Bentley à Londres - m’avait confié sur un ton flegmatique : " it’s only business ! " Ainsi, Volkswagen aura Bentley et BMW, Rolls-Royce. Bien que Volkswagen conservât l’essentiel, à savoir l’usine de Crewe, la banque de données informatiques et le réseau de concessionnaires, BMW ne perdait pas au change. D’abord, il ne déboursa qu’un dixième de la somme mirobolante versée par Volkswagen, son investissement se limitant uniquement à l’acquisition des droits d’utilisation de la marque Rolls-Royce, soit 40 millions de livres Sterling. Ensuite, Bernd Pischetsrieder obtint de repousser sa prise de contrôle de Rolls-Royce au premier janvier 2003, ce qui lui donnait le temps nécessaire au développement d'un nouveau modèle et à la construction d’une nouvelle usine. En échange, la firme bavaroise s’engagea à fournir à Volkswagen les composants de la Silver Seraph et de l'Arnage. Malgré la bonne volonté affichée, les dernières années de Rolls-Royce à Crewe pesèrent aussi lourd que l’attente d’un condamné dans le couloir de la mort. Bien que ceux de Volkswagen consentirent à lancer de nouvelles Corniche et Park Ward début 2000, ils manifestèrent la plus grande des mauvaises volontés pour promouvoir une marque qu’il aurait de toutes façons fallu céder. D’où l’empressement à enterrer Rolls-Royce pendant que Bentley occupait le devant de la scène à coup d’évolutions moteur et d’engagement victorieux aux 24 Heures du Mans (une belle pantalonnade en l’absence de concurrent de taille !). Dans l’intermède, aucune vexation ne fut épargnée au futur propriétaire de la marque au double R. Dès 2000, le site Internet de Rolls-Royce qualifiait l’avenir de la marque d’ " incertain " au delà de 2003 en ajoutant : " qu’il se pourrait que les voitures présentées sur ce site soit la dernière expression des véritables Rolls-Royce de renommée mondiale. " Ceux de Munich ont dû apprécier. Autre amabilité, pour le jubilé d’Elizabeth II, Volkswagen offrit à la souveraine une limousine Bentley en remplacement des traditionnelles Rolls-Royce. Cet habile tour de passe-passe privait pour longtemps BMW de la publicité gratuite que lui aurait procuré chaque sortie officielle du couple royal !
La limousine Bentley de la Reine. Copyright Enfin, au Mondial de l’automobile de 2002, pour la première fois depuis un demi siècle, la " meilleure voiture du monde " brilla par son absence. Avant même la passation de relais entre Volkswagen et BMW, la dernière Rolls-Royce sortit des ateliers de Crewe le 30 août 2002. Il s’agissait d’une Corniche grise. Cette série n’aura pas duré deux ans. Quant à la Silver Seraph, elle aura passé les quatre années de sa courte existence dans l’ombre de l’Arnage. Faute d’évolution à se mettre sous la dent, la presse ne retint d’elle que l’incongruité de son moteur et commandes BMW – pas choquantes outre mesure ! - en oubliant un peu vite les progrès accomplis en terme de tenue de route par rapport aux précédents modèles, et surtout, l’élégance d’une silhouette que la Phantom n’est semble-t-il pas parvenue à démoder. Dès le mois de septembre, la société Rolls-Royce Motor Cars Ltd devint Bentley Motors Ltd alors que sur le fronton de l’usine, les deux " R " entrelacés s’envolèrent vers d’autres cieux. A Crewe, un nouveau chapitre pouvait commençait. Après cinq ans de profondes transformations juridiques, commerciales et industrielles, plus personne ne verra le site de Crewe comme moi je l’ai vu. Les comptables de Volkswagen ont remis de l’ordre dans la boutique en arrêtant notamment la fabrication artisanale des Continental R, T et Azure, en juin 2003. Plus encore que le départ de Rolls-Royce, cet événement marqua la fin d’une époque dans la mesure où la gamme Continental perpétuait une technologie et un procédé de fabrication quasiment inchangés depuis presque quarante ans. Bien sûr, le vénérable V8 maison, que l’on croyait condamné, a effectué un étonnant come-back en 2000 sous le capot de l’Arnage, en remplacement de l’honni V8 BMW. Bien sûr, sa fabrication manuelle a repris dans l’enceinte de l’usine mère après trois ans de sous-traitance chez Cosworth, mais ce sursaut patriotique aux relents de marketing ne doit pas faire oublier que l’essentiel de l’activité de Bentley Motors se résume aujourd’hui au montage des Continental GT. Les brochures publicitaire peuvent toujours annoncer à qui veut bien l’entendre qu’il s’agit d’une " pure Bentley, " la quasi totalité des composants de ce véhicule proviennent des cerveaux du groupe Volkswagen. Si Ferdinand Piëch avait perdu Bentley, Volkswagen n’aurait éprouvé aucune difficulté à lancer un coupé Phaeton à la place du Continental GT. Quant à BMW, il faut rappeler qu’au cas où Rolls-Royce lui aurait échappé, une série 9 sommeillait dans ses cartons. Pour dire vrai, Bentley comme Rolls-Royce viennent de passer du stade de constructeurs à celui de simples assembleurs de sous-ensembles fournis par leur maison mère respective. Tant et si bien que le " made in England " ne se justifie plus aujourd’hui que par des raisons de marketing. Pour cela, BMW n’a pas hésité à construire outre-Manche une usine flambant neuve prévue pour ne fabriquer qu’à peine 1 000 Phantom par an. Un véritable non sens économique à la viabilité douteuse ! On ne peut toutefois pas exclure qu’en cas de crise majeure ou d’appréciation excessive de la livre Sterling par rapport à l’euro et au dollar, les Allemands ne rapatrient leur production anglaise au pays. Il se raconte déjà que l’usine actuellement sous-exploitée de la Volkswagen Phaeton pourrait pallier aux difficultés de son homologue de Crewe qui peine à satisfaire la demande de Continental GT. On comprendra dès lors que les Allemands ne s’intéressent pas tant aux usines qu’aux droits d’exploitation des marques. Le " B " ailé était autrefois la marque de fabrique d’un passionné de mécanique obsédé par la qualité, ce n’est plus aujourd’hui qu’une valeur ajoutée pour des gestionnaires obsédés par l’augmentation de leurs marges bénéficiaires. Convenons que l’opportunité de vendre une voiture qui rapporterait à elle seule le prix de revient d’une Volkswagen Phaeton ou d’une BMW série 7 ferait rêver n’importe quel conseil d’administration. La lutte entre Volkswagen et BMW pour le rachat de Bentley et Rolls-Royce n’avait pas d’autres motivations que de prendre pied sur le segment le plus lucratif du marché. N’ayant nullement l’intention de cautionner cette mascarade, je n’achèterais donc ni Continental GT ni Phantom, ce qui me dispensera de dévoiler ici l’ultime bastion de mon intimité qu’est ma situation financière ! Bentley Arnage La berline quatre portes Arnage est présentée en avril 1998. Elle succède à la Bentley Mulsanne et à ses dérivés au terme de dix huit ans de bons et loyaux services. L'Arnage a été conçue en étroite collaboration avec BMW, notamment en ce qui concerne le V8 4,4 litres bi-turbo de 353 ch, le premier nouveau moteur équipant une Bentley depuis plus de quarante ans. L'étude de l'habitacle et de la carrosserie est demeuré du ressort des britanniques. Selon un usage bien établi, l'Arnage est lors de sa commercialisation l'équivalent sportif de la prestigieuse Rolls-Royce Silver Seraph à moteur V12 BMW. Les suspensions de l'Arnage sont plus fermes, et les pneus prévus pour une conduite plus dynamique. Les deux voitures sont montées sur la même chaîne d'assemblage avant la séparation des deux marques et l'arrêt prématuré de la Silver Seraph. Le nom Arnage est une fois de plus associé aux grands moments que Bentley a connu en course automobile sur le circuit du Mans. Il s'agit en effet de l'un des virages les plus célèbres du circuit de la Sarthe. Une nouvelle usine a été construite à Crewe pour assurer la production de l'Arnage, avec l'objectif de pouvoir y marier le meilleur de la technologie moderne avec l'artisanat traditionnel. Bentley Arnage Green Label & Red Label Le fond laqué du sigle Bentley - le Label dans la terminologie maison - est la marque de ce qui se trouve sous le capot. Il s'agit d'une tradition qui remonte aux Bentley de Clicklewood des années 20. Le Label rouge est réapparu avec la Mulsanne Turbo de 1982, pour indiquer qu'elle avait des performances supérieures, grâce au turbocompresseur qui équipait son moteur. Depuis sont apparus un Label Vert, un Label Rouge et un Label Noir, qui indiquent, en ordre croissant, la puissance et la performance réelle, du Label Vert grand tourisme, au Label Noir sans compromis. La prise en main de Bentley par Volkswagen donne naissance à la Bentley Arnage Red Label au mois d'octobre 1999. Celle-ci est équipée du célèbre V8 de 6,75 litres Rolls-Royce, au couple incomparable, qui développe 400 ch à l'aide d'un turbocompresseur.
Bentley Arnage Red Label. Copyright L'adoption de l'ancienne mécanique d'origine Rolls-Royce répond à la demande de la clientèle, mais permet aussi à Volkswagen de tirer un trait sur la période BMW, désormais nouveau propriétaire de la marque Rolls-Royce. Le moteur V8 BMW de 4,4 litres demeure au programme quelques mois sous l'appellation Bentley Arnage Green Label, avant de disparaître totalement du catalogue. Il a été produit 1173 Bentley avec le moteur d'origine BMW en 1998 et 1999.
Bentley Arnage Red Label. Copyright La production du V8 Rolls-Royce de 6,75 litres est sous traitée depuis 1995 auprès de la firme Cosworth. L'utilisation de ce moteur à plus grande échelle sur l'Arnage conduit les dirigeants de Bentley à rapatrier à Crewe son montage à partir de 1999. La version Green Label à moteur BMW est facturée 1 487 860 francs en 2001. Pour la Red Label à moteur Bentley, il faut dépenser 1 527 528 francs. A partir de 2001, l'Arnage Red Label devient disponible en version courte (SWB) ou longue (LWB).
Bentley Arnage Red Label. Copyright Bentley Arnage T Pour être en phase avec son image de voiture sportive qui s'accompagne d'un engagement au Mans, Bentley diffuse à partir de 2002 une version encore plus performante, dotée de deux turbos (au lieu d'un seul) : l'Arnage T. La puissance atteint 456 ch. Cette version particulièrement musclée de l'Arnage n'est disponible que sur l'empattement court. Esthétiquement, la version T adopte un discret déflecteur aérodynamique intégré au coffre arrière, tandis que la face avant bénéficie d'un bouclier doté d'une prise d'air placée plus bas. En 2007, la version T gagne 51 ch, et affiche désormais 507 ch, suffisamment pour titiller les 290 km/h. Quelques modifications esthétiques, après celles déjà intervenues en 2005, permettent de distinguer cette nouvelle génération.
Bentley Arnage T. Copyright Bentley Arnage R/RL En 2003, la gamme Arnage adopte de nouvelles dénominations. L'Arnage Red Label s'appelle Arnage R en version courte et Arnage RL en version longue. Le 6,75 litres est suralimenté non plus par un simple turbo, mais par deux turbos comme sur la grande soeur l'Arnage T. La puissance reste inchangée avec 400 ch. L'Arnage T poursuit sa carrière avec le même moteur poussé à 456 ch. Par ailleurs, afin de contrer BMW - Rolls-Royce - et Mercedes - Maybach - et de les empêcher d'occuper seul le terrain des limousines de prestige, le célèbre carrossier Mulliner propose deux versions rallongées, l'une de 45 cm, l'autre de 73 cm. Derrière ces trois marques, c'est bien sur une rivalité entre Volkswagen, Mercedes et BMW qui se dessine.
Bentley Arnage R. Copyright La gamme offre donc à partir de 2003 les possibilités suivantes : Arnage R avec empattement standard de 3,11 mètres, Arnage RL avec empattement rallongé de 0,25 mètres. Mais le client peut aussi s'orienter vers l'Arnage Mulliner, avec un empattement allongé de 0,45 ou de 0,73 mètre. Comme l'Arnage T, les versions R et RL voient pour 2007 leur V8 de 6,75 litres gagner en puissance. Dotées de 456 ch, elles poussent jusqu'à 270 km/h, et bénéficient des mêmes retouches esthétiques que la version T. Bentley Arnage Le Mans Pour célébrer l'engagement de Bentley aux 24 Heures du Mans 2001, la marque commercialise cette série de 150 exemplaires de la Le Mans, basée sur la Red Label. C'est le V8 maison dans sa version de 400 ch qui anime l'Arnage Le Mans, identifiable à sa couleur " Versant Green ", une teinte caractéristique des Bentley du Mans. L'équipement comporte les éléments suivants : entrées d'air sur les ailes avant, étriers de freins de coloris rouge, sorties d'échappement doubles sur les deux côtés, intérieur en bois de souche foncé en noyer, pédalier en aluminium percé, instruments de bord sur fond de vert racing anglais, levier de changement de vitesses spécial, deux parapluies dans le coffre, etc ...
Bentley Arnage Le Mans. Copyright Bentley Arnage T-24 Mulliner Bentley présente au Salon de Détroit 2004 une série limitée et numérotée sur base Arnage T, dénommée T-24 Mulliner. Cette voiture très exclusive permet à la marque de célébrer son succès au Mans en 2003, 73 ans après sa dernière victoire de 1930 sur le circuit de la Sarthe. Vingt quatre voitures sont commercialisées sur le marché américain, et quelques autres en Europe.
Bentley Arnage T-24. Copyright La T-24 fait largement appel à la fibre de carbone pour l'aménagement de l'habitacle. La plupart des chromes disparaissent au profit d'éléments peints à la couleur de la carrosserie : cerclage des feux avant, entourage des feux arrière ... Mulliner s'est attaché à donner à la T-24 un aspect sportif résolument marqué. Les ouïes d'aération sur les ailes avant évoquent la Speed 8 du Mans. Le drapeau britannique et le nombre 24 sont regroupés sur un badge au dessus de ces ouïes. La T-24 est par ailleurs équipée de quatre sorties d'échappement. Le dessin du bouclier arrière est spécifique à cette version. Une plaque T-24 Mulliner sur les seuils de portes identifie clairement la voiture. La motorisation est celle de l'Arnage T. Le sur-mesure par Mulliner Mulliner appartient au groupe Rolls-Royce depuis 1959. En 1962, Mulliner s'associe avec un autre grande carrossier, Park Ward, pour constituer Mulliner Park Ward. Cette marque dont on n'a retenu que le nom de Mulliner est alors un département au sein de l'usine de Crewe, qui se consacre à la personnalisation des habitacles et à la transformation des carrosseries. Chaque Arnage est fabriquée sur commande et plus de la moitié d’entre elles sont, en outre, modifiées par Bentley Mulliner. Les possibilités offertes par Bentley Mulliner sont aussi infinies que l'imagination des clients. Ce département est capable de créer des voitures avec des intérieurs dignes d'un palais ou des bureaux mobiles totalement équipés de puissants outils informatiques et de télécommunication. L'acquéreur n'est pas limité par une liste d'options. Mulliner propose en effet un service adapté qui permet de véritablement créer une voiture unique. Les Bentley Mulliner peuvent être réalisées sur différents empattements, avec une ligne de toit surélevée, et même protéger les occupants grâce à un blindage qui peut supporter un assaut prolongé de certaines des armes légères les plus puissantes du marché. Bentley Mulliner emploie en 2003 environ 130 personnes dans ses différentes métiers : carrossiers, selliers, ébénistes, spécialistes de l'électronique et monteurs. Le temps nécessaire pour créer une Bentley Mulliner dépend nettement de l'importance des options choisies par le client. Une Arnage à empattement rallongé avec des éléments d'ébénisterie exclusifs et une infrastructure technologique de haut niveau peut prendre jusqu'à 6000 heures-homme pour sa réalisation (soit environ huit personnes à temps complet pendant 6 mois !). Cependant, Bentley Mulliner peut aussi réaliser des voitures avec un plus faible nombre d'options. la majorité des clients souhaitent simplement quelques petites touches de personnalisation afin que leur voiture porte leur propre signature.
Bentley Arnage Red Label par Mulliner. Copyright Il n'y a pas vraiment de limite à la façon dont les clients peuvent équiper leur Bentley, à condition que leur demande soit réalisable et réponde aux exigences légales. Il existe toujours des clients qui demandent des choses extrêmement spéciales, plus particulièrement dans les coloris de peinture et de garnissage, et dans la mesure du raisonnable, Bentley Mulliner essaye de les satisfaire. Au terme de la réalisation, c'est le nom du fabriquant qui figure sur la voiture. C'est donc en toute légitimité qu'il a le dernier mot. Voici quelques exemples de demandes auxquelles Mulliner a donné une suite favorable : tiroir à chewing-gum, coffre-fort, station PlayStations totalement intégrée, tiroir plat caché destiné au rangement de tableaux pour un antiquaire, meuble à maquillage et table à bijoux, toit surélevé pour accueillir une personne vêtue d'un haut de forme, habillage intérieur assortie à la couleur du verni à ongle d'une cliente, placage à partir d'un arbre appartenant à l'acheteur, etc ... Par contre, les gens de Crewe ont refusé des requêtes suivantes : aménagement d'un habitacle en cuir d'alligator, installation d'une plaque d'immatriculation tournante, système pour évacuer de la fumée ou de l'huile par une trappe à l'arrière du véhicule, four micro onde et bouilloire à l'arrière d'une limousine (le premier pouvait interférer avec l'ABS, et le second risquait d'abîmer le placage bois), support pour jumelle de vision de nuit, casier permettant de retirer rapidement un fusil de chasse du plafond, etc ... Bentley Arnage Limousine Cette Limousine Bentley est présentée au Salon de Genève en mars 2004. Il s'agit à l'origine d'un concept car, mais face à l'intérêt soulevé par ce modèle d'exception, les hommes de Crewe décident d'en produire vingt exemplaires.
Bentley Arnage Limousine. Copyright La simple existence de cette automobile parait paradoxale. Alors que les productions des prestigieuses firmes Maybach et Rolls-Royce ne rencontrent pas le succès commercial espéré, c'est la marque Bentley, à vocation plus sportive, qui surpasse ses chères concurrentes avec une ... limousine. Si l'on ajoute à cela le fait que Bentley est depuis 2002 le fournisseur officiel de la couronne d'Angleterre, il ne reste décidément plus rien à Rolls-Royce. Ce sont les ateliers Mulliner qui ont pris en charge la fabrication de ces limousines.
Bentley Arnage Limousine. Copyright Bentley Arnage Blindée Un observateur non averti aura des difficultés à remarquer une Arnage blindée. Au lieu de partir d'une voiture normale à laquelle on ajoute une protection supplémentaire, Bentley Mulliner conçoit ses voitures blindées à partir d'une feuille blanche, avec le blindage totalement intégré dans le processus de réalisation. Tous les systèmes pénalisés par le poids du blindage sont renforcés en conséquence. Ceci concerne plus particulièrement les suspensions et les freins. Il n'y a pratiquement pas de limite à l'étendue des spécifications que peut demander un client. Toutes les limousines blindées Bentley Mulliner sont conformes à la norme mondiale B6 ou VR6. Cela signifie qu'elles doivent offrir à leurs occupants une protection contre un tir nourri d'armes telles que le fusil automatique 7.62 mm de l'OTAN ou la Kalashnikov AK47. Une voiture doit aussi résister à l'explosion simultanée de quatre grenades DM51, deux étant directement au dessus et deux en dessous de la voiture. Les acquéreurs peuvent également demander des équipements tels qu'un circuit d'alimentation autonome en oxygène pour être protégé en cas d'attaque chimique ou des charnières explosives qui permettent d'éjecter une porte si un occupant doit s'enfuir. Des stages de conduite défensive sont proposés aux clients et à leurs chauffeurs. Bentley Arnage Blue Train Cette série limitée commercialisée en 2005 commémore le 75ème anniversaire de la course entreprise en 1930 entre Woolf Barnato, alors au contrôle de la firme Bentley, et le Train Bleu qui relie Cannes à Calais. L'Arnage " Blue Train " est basée sur une Arnage R, et motorisée par le V8 maison de 456 ch, doté d'un double turbo de 456 ch. Elle a été produite à trente exemplaires.
Bentley Arnage Blue Train. Copyright Woolf Barnato, triple vainqueur aux 24 heures du Mans (1928, 1929 et 1930), homme d'affaire riche et prospère, bon vivant, eut vent au cours d'un repas en bonne compagnie de la performance d'un constructeur de moteurs, dont l'exploit d'avoir battu le fameux Train Bleu entre Cannes et Calais, avait été récemment publié dans la presse. Il fit alors remarquer que de battre de justesse le Train Bleu n'avait guère de mérite, et s'interrogea sur la possibilité d'atteindre Londres en moins de temps que ne mettait le train pour effectuer le trajet Cannes - Calais, d'où les riches touristes britanniques en provenance de la Côte d'Azur embarquaient pour rejoindre leur patrie. Au volant de sa Bentley Speed Six, affirma t'il, il parviendrait à relever ce défi. Il le fit. A 17 h 54, le 13 mars 1930, un message parvint au Bar du Carlton de Cannes, précisant que le Train Bleu avait quitté la gare à 17 h 45. Woolf et l'un de ses amis (un dénommé Dale Bourne) qui s'était porté volontaire en tant que copilote, finirent leurs consommations et prirent la route à 18 h 00 précise. L'objectif était alors d'arriver à Londres le lendemain avant 15 h 30. A partir de Lyon et au-delà, ils durent faire face à des pluies abondantes. A 4 h 20, le lendemain matin, ils perdirent du temps à Auxerre, pour trouver la station service prévue pour faire le plein. Dans le centre de la France ils affrontèrent le brouillard puis, peu après Paris, ils subirent une crevaison, les forçant à utiliser leur seul et unique roue de secours.
La Bentley Speed Six de Woolf Barnato. Copyright Quoi qu'il en soit, s'élançant dans la nuit sur les Routes Nationales accidentées de l'avant guerre, ils gagnèrent Boulogne à 10 h 30 du matin, pour embarquer dans un bateau à 11 h 35. La vitesse moyenne arrêt inclus sur le trajet français fut de 43,43 mph, soit environ 70 km/h. L'équipage s'était imposé de ne pas dépasser les 75 mph, soit 120 km/h, même sur les routes les plus dégagées. La Bentley débarquait à Folkestone à 1 heure du matin. Nos deux hommes arrivaient au " Conservative Club de St James Street " (le club de Barnato) à Londres à 15 h 20, soit, selon la légende, quatre minutes avant que le Train Bleu n'atteigne Calais. Bentley Arnage Diamond Series Bentley propose en 2006 une version exclusive de l'Arnage R, le Bentley Arnage Diamond Series, qui fête les soixante ans de production dans l'usine historique de Crewe. Seulement soixante exemplaires de cette Arnage sont construits.
Bentley Arnage Diamond Series. Copyright Vue de l'extérieur, la Diamond Series se distingue par une grille en acier inoxydable montée sur le bouclier avant, de nouvelles jantes en alliage de plus grand diamètre au design exclusif, et des plaques représentant le drapeau du Royaume-Uni sur les ailes avant. L'Arnage Diamond Series marque aussi le retour de l'emblème de radiateur sur le " B " ailé. L'Arnage Diamond Series est équipée du moteur V8 bi turbo de 6,75 litres, en version 395 ch d'origine ou 444 ch en option. La moitié de la production totale de l'Arnage Diamond Series a pris la direction des Etats-Unis, principal marché de Bentley. Dix-huit exemplaires ont été réservés aux Royaume-Uni.
Bentley Arnage Diamond Series. Copyright |