Lincoln Continental
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Lincoln Zephyr, 1939 D'autre part, trône l'imposant Model K, lancé en 1931. Ce véhicule incarne le segment haut de gamme, rivalisant directement avec des concurrents prestigieux tels que Cadillac, Packard et Chrysler Imperial, qui dominent le marché des automobiles américaines de luxe. Cependant, à l'issue du millésime 1939, le Model K disparaît du catalogue. Ce retrait s'effectue avec une discrétion étonnante, que certains pourraient interpréter comme un manque de reconnaissance de la part de Ford envers celui qui, malgré l'arrivée de la Zephyr, demeure le fleuron et le symbole de prestige de sa division Lincoln.
Lincoln Model K, 1939 L'arrivée de la Zephyr relance la marque Lincoln sur le plan commercial, lui permettant même d'atteindre des volumes de ventes annuels inédits depuis sa création en 1922. Ce succès conduit probablement Edsel Ford et ses équipes, du moins pendant un certain temps, à envisager la possibilité que la Zephyr puisse incarner à elle seule l'identité de Lincoln. Après tout, Ford applique avec un immense succès la stratégie du modèle unique avec sa V8, introduite en 1932. Dès lors, si cette approche s'avère si bénéfique pour Ford, il semble logique de penser qu'elle puisse également porter ses fruits pour Lincoln. Néanmoins, Edsel Ford partage l'opinion de certains membres du bureau d'études : la clientèle la plus fortunée et influente – qu'il s'agisse de puissants hommes d'affaires, de vedettes du spectacle ou de figures politiques de premier plan – ne saurait se contenter de la seule Zephyr. En effet, bien qu'elle ait joué un rôle essentiel dans la démocratisation de Lincoln, la Zephyr conserve une image trop populaire aux yeux d'une frange significative de la haute société américaine. Cette perception persiste malgré l'existence de versions plus élaborées, telles que la limousine avec séparation chauffeur, qui viennent compléter les modèles Sedan, Coupe et Convertible.
Edsel Ford (1893/1943) Malgré une nouvelle récession économique en 1938, bien moins sévère que celle de 1929, nombreux sont ceux qui, dans l'industrie automobile et d'autres secteurs aux États-Unis, estiment que le plus fort de la crise est désormais passé. Ce sentiment prévaut probablement également au sein des bureaux de Dearborn, siège de Ford. C'est pourquoi, parmi les designers et les ingénieurs de Ford, beaucoup envisagent sérieusement de lancer l'étude du modèle qui succédera au Model K. Il est fort probable qu'ils aient même anticipé le retrait de ce dernier en commençant à travailler sur son remplacement, et à soumettre leurs projets à Edsel Ford. C'est cependant par une voie quelque peu indirecte que prend forme celle qui deviendra le nouveau fleuron haut de gamme de Lincoln. En 1938, Edsel Ford sollicite Eugene Gregorie, le styliste principal de la division prestige du groupe Ford, afin de concevoir un modèle unique destiné à son usage personnel pour ses prochaines vacances en Floride, prévues pour mars de l'année suivante. Face à ce délai très court qui ne permet pas de repartir d'une conception entièrement nouvelle – ce que, sans doute, Edsel Ford n'attend d'ailleurs pas –, Gregorie opte logiquement pour la Zephyr, le modèle le plus récent de la marque, et qui lui semble, sur bien des aspects, plus moderne que le Model K. En s'appuyant sur les plans de cette nouvelle figure de proue, il esquisse les lignes d'un Convertible à la silhouette particulièrement profilée pour l'époque.
Eugene Gregorie (1908/2002) Connaissant la maîtrise et l'excellence du talent d'Eugene Gregorie, Edsel Ford, en lui confiant ce projet, est certain d'obtenir un résultat pleinement conforme à ses désirs. Il faut d'ailleurs à peine une heure au styliste pour réaliser la première esquisse de la future grande Lincoln. Bien que l'ascendance esthétique avec les Zephyr de l'époque soit indéniable, le futur véhicule personnel d'Edsel Ford arbore des lignes plus dynamiques, grâce à une aérodynamique encore plus travaillée et une ligne de toit plus basse que celle de la Zephyr, y compris dans sa déclinaison décapotable. Cette singularité est renforcée par une carrosserie surbaissée de 18 cm par rapport aux Zephyr de la gamme. Une autre différence notable avec les Convertibles dérivés de la Zephyr ou du Model K réside dans l'absence de marchepieds, un équipement encore répandu à cette époque, que cela soit sur les véhicules de prestige ou les modèles plus abordables. Ce choix, motivé par des considérations pratiques et esthétiques, contribue également à rehausser l'élégance de la voiture. De même, le positionnement du capot quasiment au niveau des ailes, ainsi que l'implantation et la nature de la motorisation – un V12 de 4,67 litres également emprunté à la Zephyr – permettent à la voiture d'afficher une silhouette que l'on pourrait presque qualifier de " sportive ", bien que ce ne soit pas sa vocation première. En effet, malgré son allure, son poids à vide conséquent, proche de deux tonnes, tempère quelque peu ses potentielles aspirations en matière de performances. Au-delà de son moteur, celle que l'on pourrait surnommer "l'Edsel Special ", en référence à son commanditaire, reprend également à la Zephyr ses suspensions à ressorts à lames transversaux à l'avant et à l'arrière, et son système de freinage à tambours hydrauliques sur les quatre roues.
Lincoln Zephyr Continental Mark I, prototype, 1939 - Source : https://en.wheelsage.org Bien que ce prototype puisse apparaître, à bien des égards, comme une sorte de " Super Zephyr ", l'essentiel pour Edsel Ford est avant tout qu'Eugene Gregorie et les équipes du bureau d'études aient respecté les délais impartis. Si le fils unique d'Henry Ford se montre très satisfait de l'esthétique de la voiture, il n'est pas le seul à apprécier les lignes de cette " Zephyr-Special ". La vue de cette automobile sur les routes de Floride éveille rapidement la curiosité et le désir de nombreux amis et connaissances d'Edsel Ford, qui ne tardent pas à lui exprimer leur intérêt pour sa création, et leur souhait d'en posséder un exemplaire identique, ou du moins très similaire. De son côté, Edsel Ford ne tarde pas non plus à entrevoir le potentiel que ce modèle pourrait représenter pour Lincoln, la firme qu'il dirige depuis dix-sept ans déjà, depuis que son père l'a acquise en 1922 auprès de son fondateur, Henry Leland. Au début de printemps 1939, il est indéniable que Lincoln doit sa survie à la Zephyr, qui assure la quasi-totalité de ses ventes, les ultimes Model K ne seront produit qu'à 120 unités cette année-là. Cependant, malgré ce succès commercial, Edsel Ford est persuadé que Lincoln ne peut se permettre de négliger le segment des voitures de prestige. Un tel abandon nuirait à l'image de marque du groupe Ford, notamment face à la concurrence des autres géants de Detroit, tels que General Motors avec Cadillac, ainsi que des constructeurs indépendants comme Packard. Or, ce prototype partageant de nombreux éléments avec la Zephyr, les coûts de développement et de production sont déjà largement amortis. Dès lors, la création d'un nouveau modèle haut de gamme inspiré de cette base technique, à l'image de la voiture spécialement conçue pour Edsel Ford, ne présenterait pas d'obstacles majeurs et s'avérerait même particulièrement rentable pour la marque. La décision est donc prise : le prototype créé pour Edsel Ford va servir de base pour concevoir la remplaçante du Model K. Concernant son nom, l'idée de poursuivre l'alphabet est rapidement écartée. Puisque Gregorie a puisé son inspiration dans le design des modèles européens, et que l'Europe est familièrement appelée le Vieux Continent, le nom s'impose assez naturellement : ce sera Continental. Bien que la production de la nouvelle Lincoln Continental démarre rapidement, ses débuts sont encore marqués par un caractère artisanal. Ce n'est qu'avec la présentation de la gamme Lincoln pour le millésime 1941 que les matrices d'emboutissage nécessaires à la fabrication des différents panneaux de carrosserie sont livrées et qu'une véritable chaîne d'assemblage est mise en place. Jusqu'alors, toutes les carrosseries des Continental étaient façonnées et assemblées à la main, à l'image des méthodes employées par les artisans carrossiers européens de l'époque.
Au sein de la brochure Lincoln 1940, la Continental est une version comme une autre. A ses débuts, Lincoln ne considère pas véritablement la Continental comme un modèle à part entière. En tout cas, il ne la présente pas ainsi dans ses brochures. Il la met en avant principalement comme une simple évolution ou une version spéciale de la Zephyr. La Continental n'a pas encore droit à une campagne promotionnelle distincte et se trouve simplement intégrée au sein des catalogues de la Zephyr. Afin de mieux souligner son caractère exclusif, la Continental est uniquement proposée avec deux carrosseries : Coupe et Convertible, ce dernier représentant la majeure partie de la production.
Lincoln Zephyr Convertible. L'arrivée de la Continental ne met pas fin à la production des versions Coupe et Convertible de la Zephyr, qui restent présentes au catalogue. Bien qu'elle ait été conçue pour remplacer à bien des égards le Model K, la nouvelle Continental est vendue à un prix nettement inférieur à celui de son prédécesseur : 2 916 dollars en 1940 pour la version Convertible, alors que les versions de la Série K sont facturées entre 4 905 et 5 926 dollars, jusqu'au double ! C'est sans doute le fait qu'elle reprenne l'architecture et de nombreux éléments de la Zephyr qui explique, entre autres, que la Lincoln Continental conserve, tout comme son aînée, une motorisation à douze cylindres. Au moment où la Continental est officiellement dévoilée au public, en octobre 1939, les moteurs multicylindres sont pourtant déjà passés de mode. Packard vient de mettre fin à la production de sa série V12, et Cadillac a déjà arrêté celle de sa série équipée du même type de motorisation en 1937. Cadillac fera de même avec le V16 trois ans plus tard. Les autres constructeurs américains ayant proposé un moteur V12, à l'image de Pierce-Arrow, ont quant à eux disparu au cours des années 1930, victimes de la crise économique qui a ravagé l'Amérique durant cette décennie. Bien que le succès commercial initial de la Continental doive sans aucun doute beaucoup à l'élégance de ses lignes, l'attrait de la nouveauté joue aussi un rôle significatif. Au terme du millésime 1940, la Continental est encore considérée comme un modèle récent. Compte tenu de l'accueil enthousiaste qu'elle reçoit de la part de la clientèle, il n'y a donc que peu de raisons d'apporter des modifications majeures. Les différences entre les modèles 1940 et 1941 sont minimes : on note l'apparition de boutons-poussoir à l'intérieur et à l'extérieur des portières, remplaçant les poignées classiques ; l'inscription " Lincoln Continental ", en caractères calligraphiés et chromés, orne le début du capot, près de la portière, et se retrouve également sur le couvercle métallique de la roue de secours ; enfin, l'inscription " V12 " figure sur les enjoliveurs de roues. Quant à la planche de bord, elle est désormais recouverte d'une peinture imitant le bois d'acajou.
Lincoln Continental Coupe, 1941 - Source : https://en.wheelsage.org Malgré une augmentation significative de sa production, qui passe de 54 Coupe et 350 Convertible en 1940, à 850 Coupe et 400 Convertible en 1941, la Continental continue d'afficher des chiffres de production bien inférieurs à ceux de la Zephyr qui comptabilise cette année-là 20 094 unités produites. A titre de comparaison au sein des grands groupes de Detroit, la Cadillac Seventy-Five, le sommet de sa gamme, est fabriquée à 2 104 exemplaires. Chez Chrysler, la série Crown Imperial atteint 1 684 exemplaires. Du côté de Packard, la production de la Super Eight One Sixty dans son ensemble est de 3 525 exemplaires. C'est lors de la présentation de la gamme Lincoln pour le millésime 1942, à l'automne 1941, que la Lincoln Continental connaît son évolution esthétique la plus significative, et également le seul véritable lifting de sa carrière. Le design de la partie avant est presque entièrement repensé, affichant désormais de nouvelles ailes aux lignes plus carrées, ainsi qu'une calandre divisée en deux parties. Cette refonte complète de l'avant de la Continental a pour objectif de moderniser le vaisseau-amiral de la marque. L'esthétique de la version originelle, avec son capot pointu, ses ailes proéminentes et distinctes du reste de la carrosserie, ainsi que sa calandre séparée en deux sections, était encore fortement marquée par le style de la fin de la décennie précédente. Or, au début des années 1940, ces formes sont déjà perçues comme quelque peu dépassées.
Lincoln Continental Convertible, 1942 - Source : https://en.wheelsage.org Un nouveau courant esthétique, qui prend le nom de " semi-ponton ", voit le jour et rallie la quasi-totalité des constructeurs américains au début de cette nouvelle décennie. Ce style, certes plus imposant que celui des modèles de la seconde moitié des années 1930, ne produit pas uniquement des chefs-d'œuvre, que ce soit dans la production américaine ou européenne. Cependant, appliqué à la Lincoln Continental, il figure probablement parmi les réalisations les plus réussies, ou du moins, reste conforme aux canons esthétiques de l'époque. A l'instar de l'apparition du streamlining au milieu des années 1930, bien que dans une moindre mesure, une partie du public se montre initialement réservée face à ce nouveau style et met un certain temps à l'accepter. Toutefois, là encore, l'adhésion massive finit par se produire. Cette évolution stylistique n'est pas exclusive à la Continental. La Zephyr bénéficie également, lors de la présentation de la gamme Lincoln pour 1942, de carrosseries aux lignes revues, notamment à l'avant, arborant une apparence similaire à celle de la Continental. Cette approche esthétique et commerciale est courante chez les constructeurs américains. D'une part, l'adoption d'un style commun à l'ensemble des modèles permet d'optimiser les coûts de conception. D'autre part, l'application du même design aux modèles d'entrée et de haut de gamme permet aux clients aux budgets plus modestes de ne pas se sentir trop dévalorisés par rapport aux acheteurs des modèles les plus onéreux de la marque.
La Zephyr de 1942 reçoit une calandre proche de celle de la Continental. - Source : https://en.wheelsage.org Pour Lincoln, comme pour l'ensemble des constructeurs américains, la production des modèles 1942 est interrompue prématurément par l'entrée en guerre des Etats-Unis contre le Japon et l'Allemagne. La fabrication de voitures et autres véhicules civils cesse au début de février 1942. Toutes les usines automobiles, qu'il s'agisse des grands groupes ou des constructeurs indépendants, doivent se consacrer entièrement à la production de matériel militaire. Edsel Ford, malheureusement, ne participera pas au développement des nouveaux modèles de la marque ni des autres divisions du groupe Ford après la fin des hostilités, car il décède fin mai 1943, à seulement 49 ans, des suites d'un cancer de l'estomac. Eugene Gregorie, le créateur des lignes de la Continental, quitte Detroit et l'industrie automobile en 1946, suite à des désaccords avec la nouvelle direction de Ford. Il s'installe en Floride, où il conçoit des yachts pour une clientèle fortunée, parmi laquelle figurent probablement d'anciens amis ou connaissances d'Edsel Ford. Appréciant le climat de la Floride, il y réside jusqu'à son décès en 2002, à l'âge de 94 ans. Bien que les constructeurs automobiles n'aient pas à attendre la fin officielle de la guerre en septembre pour envisager un retour à la production civile, ils doivent obtenir l'approbation des autorités fédérales, accordée progressivement. Les critères d'approbation sont l'importance de leur contribution à l'effort de guerre et le volume de leur production avant le conflit. Ainsi, les plus grands constructeurs, tels que Chevrolet, Ford et Plymouth, sont les premiers autorisés à reprendre la fabrication de leurs voitures. Les marques spécialisées dans les modèles de prestige doivent patienter quelques mois supplémentaires avant de pouvoir relancer leur production. C'est donc au milieu du mois de septembre 1945 que Lincoln dévoile ses premiers modèles d'après-guerre. En réalité, à l'instar de ceux proposés par la concurrence et de la grande majorité des voitures disponibles sur le marché américain au lendemain du conflit (à l'exception notable des nouveaux venus comme Kaiser-Frazer), les modèles qui composent la gamme du millésime 1946 sont quasiment identiques à ceux de 1942. Tenter de distinguer une Lincoln Continental 1946 d'un exemplaire de 1942 revient en quelque sorte à jouer au jeu des sept erreurs ! En effet, seul le dessin des deux grilles de la calandre, le design des pare-chocs avant et arrière, ainsi que quelques détails de présentation intérieure et extérieure différencient entre les deux millésimes.
Lincoln Continental Coupe, 1946
Lincoln Continental Convertible, 1946 La Continental, dans sa version à l'avant redessiné, n'a eu qu'une brève carrière de quatre mois avant que la guerre n'interrompe sa production. La clientèle et le public en général ont donc eu peu d'occasions de la découvrir avant que ne soit interrompu son parcours. Pour beaucoup, elle reste presque une nouveauté, ce qui est également le cas des autres modèles américains dévoilés pour le millésime 1942. Compte tenu de ce début de carrière très court, la direction de Lincoln peut légitimement considérer que la Continental mérite une seconde chance maintenant que la guerre est finie. Durant les plus de trois ans et demi de guerre pour les Etats-Unis, non seulement les usines d'assemblage ont été mobilisées, mais les bureaux d'études ont également dû suspendre tous les projets de voitures de tourisme pour se consacrer aux commandes de l'armée. Par conséquent, ce n'est qu'une fois la paix revenue que les ingénieurs peuvent reprendre les projets interrompus par la guerre. Tous les constructeurs automobiles, qu'ils soient spécialisés dans les automobiles populaires, intermédiaires ou de prestige, font face à une demande de voitures neuves dont ils n'ont pas anticipé l'ampleur. La priorité absolue pour les responsables de Lincoln, ainsi que pour les autres divisions du groupe Ford et Mercury (cette dernière visant le segment intermédiaire entre Ford et Lincoln depuis 1938), est de satisfaire toutes les commandes des distributeurs. Cette tâche s'avère initialement complexe en raison du maintien partiel des mesures de rationnement prises pendant la guerre, dont les dernières ne sont levées qu'au début de l'été 1946. Les débuts de la reprise de la production sont donc laborieux. Entre la présentation officielle des premières Lincoln d'après-guerre et la fin de 1945, seulement un peu moins de 570 voitures sont produites, tous modèles et séries confondus. La gamme Lincoln est quelque peu réorganisée : la Zephyr reprend également sa production après la guerre, mais elle est rebaptisée Série H. Cette dénomination reste interne, les modèles de cette série étant simplement appelés Lincoln dans les brochures et publicités, sans autre précision. Tout comme la Continental, dont elle constitue une version réduite et plus abordable, elle ne subit que des modifications mineures jusqu'à la fin de sa production en 1948.
Lincoln Convertible Coupe (Serie H), 1946 L'aura de la Continental auprès de la clientèle aisée demeure intacte, et elle reçoit un accueil très enthousiaste lors de son retour. Les stylistes et ingénieurs de Ford, au sein du bureau d'études, sont entièrement absorbés par la conception des premières générations des Lincoln, Ford et Mercury d'après-guerre, dont la présentation est prévue pour le millésime 1949. C'est pourquoi, bien que la Lincoln Continental bénéficie également de quelques modifications techniques et surtout esthétiques pour les 1947 et 1948, celles-ci restent généralement mineures, voire imperceptibles de l'extérieur, à quelques exceptions près. Tout comme avant la guerre, la Continental est uniquement disponible en deux élégantes carrosseries deux portes : Coupe et Convertible. En 1946, la Lincoln (anciennement Zephyr) est proposée à un prix compris entre 2 337 et 2 883 dollars, tandis que la prestigieuse Continental affiche des tarifs qui vont de 4 392 dollars pour le Coupe et 4 474 dollars pour la Convertible. La production de la Continental en 1946 s'élève à 265 Coupe et 201 Convertible.
Logo Continental Bien que la demande pour la Continental soit forte, sa faible production s'explique par les difficultés d'approvisionnement en matières premières de qualité suffisante. La marque ne souhaite pas revoir ses standards à la baisse. Par conséquent, certains clients fortunés doivent patienter, parfois près d'un an, avant de recevoir la voiture tant désirée. Il arrive fréquemment que le modèle livré corresponde aux spécifications de l'année suivante. Malgré leur frustration et leur impatience légitimes, les acheteurs sont généralement si heureux de recevoir enfin leur nouvelle voiture, souvent destinée à remplacer un modèle usé par les restrictions de la guerre, qu'ils y prêtent peu d'attention ou s'en accommodent sans trop de difficultés. A l'image de la reprise générale de la production automobile américaine, la compétition automobile retrouve également sa place, avec notamment le retour de la célèbre course des 500 Miles d'Indianapolis. Pour l'édition de 1946, marquant elle aussi la reprise après-guerre, c'est une Lincoln Continental qui est choisie pour officier en tant que Pace Car. Cette désignation, très convoitée par tous les constructeurs, échoit pourtant rarement à une voiture de prestige, les organisateurs de l'événement préférant généralement des modèles au caractère plus populaire.
Une Lincoln Continental sert de Pace Car lors de la mythique course des 500 Miles d'Indianapolis en 1946. Bien que la Continental ne présente aucune évolution notable pour le millésime 1947, la levée de toutes les restrictions sur les matières premières permet à sa production de connaître une augmentation significative. Avec 1 569 exemplaires produits (831 Coupe et 738 Convertible), les chiffres restent inférieurs à ceux de la Série H, produite à 19 900 unités, mais la progression est indéniable. Ce millésime représente d'ailleurs le pic des ventes pour cette génération de la Lincoln Continental. Les deux seuls changements extérieurs notables durant le millésime sont le remplacement du bouchon de capot et l'adoption d'enjoliveurs de roues redessinés.
Lincoln Continental Coupe, 1947 - Source : https://en.wheelsage.org L'étude des premières Lincoln d'après-guerre étant sur le point d'être achevée et leur production imminente, il n'est guère surprenant que le millésime 1948, qui marque la fin de carrière pour la Continental, ainsi que pour la Série H, ne présente aucune évolution significative. Que ce soit sur le plan technique, esthétique, au niveau des carrosseries proposées ou des tarifs, rien ne change. La production de ces ultimes représentantes de la première génération de la Continental s'élève à 847 Coupe et 437 Convertible. Ce millésime 1948 est d'ailleurs plus court que les précédents, car il est devancé par la présentation d'une nouvelle génération de modèles Lincoln, dévoilée au public dès la fin avril 1948, et non en septembre comme c'est l'usage.
Lincoln Continental Coupe, 1948 - Source : https://en.wheelsage.org La Continental quitte la scène, laissant la place au sommet de la gamme Lincoln à la nouvelle Cosmopolitan, une appellation inédite qui perdurera jusqu'en 1954. L'époque des moteurs multicylindres est révolue, la nouvelle venue se contente désormais, comme l'ensemble de ses concurrentes, d'un moteur huit cylindres. Sur le plan du style, la Cosmopolitan et la nouvelle Série L d'entrée de gamme inaugurent également chez Lincoln le style " ponton intégral ", qui se généralise progressivement sur tous les modèles de la production américaine. Si la silhouette de ces nouvelles Lincoln, avec leurs ailes se fondant totalement dans les flancs de la voiture pour former une ligne de caisse rectiligne, apparaît plus moderne que celle de la génération précédente, elle se révèle aussi, du moins sous certains angles, quelque peu massive.
Lincoln Cosmopolitan Sport Saloon, 1949
Lincoln Cosmopolitan Convertible, 1949 Une période de sept ans s'écoule avant que le nom de Continental ne fasse son retour au sein du groupe Ford avec la Continental Mark II. Ce retour s'effectue au sein du groupe Ford et non spécifiquement sous la marque Lincoln. En effet, le modèle qui est dévoilé pour le millésime 1956, sous l'apparence d'un coupé élégant et imposant, ne porte pas l'appellation de la division de prestige du groupe Ford. C'est devenu une marque à part entière. Sa production ne se déroule pas sur les mêmes chaînes d'assemblage que les autres Lincoln de cette époque. En effet, la Mark II est assemblée de manière très artisanale dans une usine spécifique située à Allen Park, dans le Michigan.
Continental Mk 2, 1956 - Source : https://en.wheelsage.org Il faut attendre 1961 pour que le nom de Continental revienne véritablement au sein de la gamme Lincoln. A ce moment-là, il reprend le rôle qu'il occupait auparavant, celui de la série haut de gamme du constructeur. Ce rôle est finalement cédé à la Town Car en 1981, reléguant la Continental au statut de modèle " intermédiaire ". Les générations successives de la Continental se maintiendront sans interruption au catalogue Lincoln jusqu'en 2002. On observera également un éphémère retour de cette dénomination entre 2016 et 2020.
Lincoln Continental 2016 - Source : https://en.wheelsage.org La disparition de la première génération de la Continental, en 1948, représente la fin d'une époque, non seulement pour la firme Lincoln et le groupe Ford, mais aussi au sein de la production automobile américaine en général. Celle-ci marque, en effet, la fin définitive de l'ère des moteurs multicylindres sur les " voitures d'apparat ", puisqu'elle demeure, encore à ce jour, la dernière voiture de tourisme (hors sportives) produite par l'un des grands constructeurs de Detroit à avoir été équipée d'un moteur V12.
Continental, un nom associé depuis toujours au groupe Ford et à la marque Lincoln
Sur une idée originale de
Thomas Urban |