Jaguar XJ


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Jaguar XJ, Série I - 1968/1973 - 98 227 exemplaires


Jaguar passe sous le contrôle de l'État britannique en juillet 1966, intégrant une nouvelle structure nommée British Leyland. Cette marque de prestige rejoint ainsi Austin, Morris, Rover et Triumph. Les Britanniques s'étonnent d'apprendre qu'au nom d'idéaux politiques prônant les nationalisations, Jaguar se trouve ainsi privée de son autonomie.

C'est dans ce contexte que Sir William Lyons abandonne une partie de ses pouvoirs, sans pour autant renoncer au titre de président de Jaguar Cars. A 65 ans, l'éminent personnage prépare déjà son départ, mais il veut auparavant frapper un grand coup. Ce coup de maître prend le nom de XJ6 (Xperimental Jaguar 6 cylindres). Lyons affirmera toujours que, de toutes les voitures qu'il a créées, la XJ6 était sa préférée. C'est également la dernière Jaguar imaginée par un groupe d'hommes restreint, mené par ce génie de l'automobile.

Sir William Lyons - Source : https://automotivehistory.org

Ces hommes, souhaitant rompre avec les méthodes de conception fragmentées des modèles précédents (un avant de tel modèle, un arrière de tel autre ...), visent à faire de la XJ6 une œuvre complète et homogène. L'objectif est de créer une automobile entièrement nouvelle sans pour autant sacrifier l'identité établie de la marque. La nouvelle Jaguar tire donc la quintessence stylistique de ses ancêtres récentes : elle conserve l'allure agressive de la face avant, les quatre phares à visière, la calandre large et basse, et une ligne de caisse fuselée.

Lors de la présentation de la XJ6 au Salon de Paris 1968, le public découvre une œuvre totalement originale. Elle ne doit rien à ses sœurs des années 60 (ni à l'avant, ni à l'arrière), même si l'on reconnaît bien évidemment la touche Jaguar. Il s'agit d'une création profondément novatrice, qui marie avec succès le besoin de modernité à la nécessité de maintenir une tradition immuable.

Jaguar XJ Serie I - Source : https://en.wheelsage.org

La Jaguar évite le prétendu bon goût international, trop souvent insipide. Au contraire, elle innove sans renoncer à son passé et, surtout, elle impose le respect car il s'agit incontestablement d'une véritable Jaguar. La presse spécialisée, une fois de plus, est unanime pour louer la qualité du travail de Sir William Lyons. Ce dernier n'a pourtant pris aucun risque en utilisant un maximum d'éléments mécaniques déjà largement éprouvés au cours de la décennie passée.

Un air de parenté avec la Mk X ne peut être nié. Les rondeurs sont néanmoins moins marquées sur la XJ6. Les roues ne sont plus noyées sous une imposante carrosserie, mais s'imposent par leur taille comme un élément à part entière de l'identité visuelle de la voiture. L'habitacle de la XJ6 respire le luxe discret, sans ostentation ni aucun détail de mauvais goût. Il est clair, ordonné, harmonieux et reposant. Le six cylindres 4.2 litres développe 186 ch Din et permet d'atteindre 204 km/h. Le plus modeste 2.8 litres dispose de 149 ch pour une vitesse de 190 km/h.

Jaguar XJ Serie I - Source : https://en.wheelsage.org

D'emblée, la XJ6 bat des records de vente. L'usine peine, dans un premier temps, à répondre à toutes les commandes. La priorité est donnée aux marchés américain et britannique. La France doit attendre plusieurs mois, bien que la berline ait été présentée à la Porte de Versailles. Une publicité de 1970 résume la situation : " Sans vantardise, c'est un fait. La Jaguar XJ6 est la voiture la plus demandée d'Europe. Rien d'étonnant si les gens qui commandent une XJ6 sont obligés d'attendre quelque temps, malgré le fait que Jaguar fabrique, heure après heure, chaque jour, chaque semaine, davantage de XJ6 que de tout autre modèle dans l'histoire de Jaguar. "

Il s'avère urgent de faire le ménage dans l'offre pléthorique de Jaguar afin de désengorger les chaînes de montage. Les modèles 340 et 420 sont rapidement abandonnés pour libérer de nouvelles capacités de production. Pourtant, cela ne suffit pas, et le client doit faire preuve de beaucoup de patience pour enfin admirer sa Jaguar XJ6 dans son garage.

Jaguar XJ Serie I - Source : https://en.wheelsage.org

En France, l'inquiétude grandit chez Royal Elysées, l'importateur historique de Jaguar. La création de British Leyland a entraîné une réorganisation des flux de distribution des voitures britanniques sur le territoire. Désormais, c'est British Leyland France qui importe les Jaguar (ainsi que les autres marques du groupe). Royal Elysées, ayant déjà perdu la marque Mercedes, voit son dirigeant, Charles Delecroix, décider de liquider son affaire. Une période transitoire est assurée par la société Bossel France, avant que British Leyland France n'importe enfin ses premières voitures en 1970.

La presse française, de son côté, rencontre les pires difficultés à se procurer une XJ6 pour un essai. Parler de la voiture en France, c'est risquer d'accroître la demande et donc de voir monter l'impatience des acheteurs. En juin 1970, tous les autres modèles Jaguar disparaissent des chaînes de production. De cinq berlines différentes en 1968, l'entreprise est passée à une seule : la XJ6. Dès lors, et le risque est grand, tout l'avenir de Jaguar repose sur ce modèle unique.

En 1972, Sir William Lyons, quitte la présidence de l'entreprise. Il a alors 70 ans. Son départ intervient dans un contexte extrêmement difficile pour l'industrie automobile britannique. L'année est marquée par une vague de grèves nationales au Royaume-Uni, notamment celle des mineurs, qui paralyse la production et aggrave les difficultés de BLMC. Face à ce chaos industriel et politique, Sir William Lyons se retire de ses fonctions exécutives, bien qu'il conserve un rôle de consultant pour la marque qu'il a fondée.

Frank Raymond Wilton England, plus connu sous le nom de " Lofty " England, le remplace. Cet ancien pilote et responsable de l'équipe de course Jaguar des années 1950, prend les rênes de l'entreprise dans un contexte difficile. Il occupera ses fonctions jusqu'en 1974, année de son départ à la retraite. Geoffrey Robinson (1974/1975) puis Percy Plant (1975/1980) lui succèdent. Durant cette période, la direction exécutive de Jaguar est largement dominée par la politique du groupe British Leyland, dans un contexte de crise industrielle et de luttes syndicales importantes. Ces deux hommes serviront de pont jusqu'à ce que la direction de BLMC trouve un leader capable de redresser la marque.

Frank Raymond Wilton England - Source : https://www.hemmings.com


Jaguar XJ12 - 1972/1992 (Série I, II, III)


Au cours des années 60, Jaguar développe une superbe mécanique qui fait entrer la marque dans le cercle restreint des constructeurs proposant un moteur V12. Après la guerre, Ferrari a ouvert le bal en 1948, puis Lamborghini a suivi en 1964. Cependant, il ne s'agissait là que de GT extrêmes, en aucun cas de vastes berlines. Avec une cylindrée de 5 343 cm3, le V12 Jaguar ne développe " que " 253 ch Din, mais dispose en contrepartie d'un couple phénoménal. Cette mécanique est ouvertement destinée à s'exprimer dans un monde de souplesse et d'onctuosité, plutôt que dans celui des accélérations ébouriffantes, offrant une vitesse de pointe de 230 km/h, bien au-dessus des capacités des voitures courantes.

Jaguar XJ12 - Source : https://en.wheelsage.org

C'est d'abord sur la Type E que ce moteur a été installé en 1971. Chez Jaguar, on pense peut-être que le client d'une voiture de sport accepterait avec plus de sérénité les aléas d'un manque de mise au point, car il utilise sa voiture " sportivement ". A l'inverse, le constructeur juge que l'acquéreur d'une berline de luxe doit bénéficier immédiatement d'un produit parfait. La XJ12 est commercialisée en juillet 1972, quelques mois avant le premier choc pétrolier. Les observateurs peuvent juger qu'ils ont devant eux l'une des plus fabuleuses berlines de tous les temps. Si la mécanique parvient à s'insérer sans difficulté dans le compartiment moteur, c'est parce que la XJ a été conçue dès le départ avec l'idée d'adopter, à terme, ce moteur. La XJ12 mise sur la discrétion : extérieurement, rien d'évident ne permet de la différencier d'une XJ6. Sa production sera prolongée sur les série II et III.

Jaguar XJ12 - Source : https://en.wheelsage.org

Chez Daimler, la XJ12 prend le nom de Double Six. Dans sa version Double Six Vanden Plas allongée de 10 cm, elle propose une finition digne de celle des Rolls-Royce. Cela permet à la marque de renouer avec la tradition des habitacles hyper luxueux des années 50 et 60, en partie perdus de vue sur la XJ6 en raison d'une chasse aux coûts de fabrication.


Jaguar XJ, Série II - 1973/1979 - 91 227 exemplaires


La Jaguar XJ de deuxième génération est présentée au Salon de Francfort en septembre 1973. En cette même année, les turbulences de 1972 ne sont pas totalement achevées. Le président de British Leyland, Lord Stokes, provoque de profonds bouleversements au sein de l'équipe dirigeante de Jaguar, et de nombreux anciens collaborateurs du patron partent à leur tour à la retraite.

La crise du pétrole frappe de plein fouet les programmes de Jaguar, qui sont révisés à la baisse. Quels arguments la gourmande Jaguar Série II peut-elle avancer dans un tel contexte ? La modernisation de la carrosserie est discrète mais efficace. Le trait le plus marquant réside dans le nouveau positionnement des pare-chocs et de leurs butoirs, ce qui, d'une part, rajeunit la ligne et, d'autre part, permet de se conformer aux nouvelles normes européennes et américaines. La grille de calandre voit sa taille réduite, et les clignotants, tout comme les grilles d'aération, passent sous les pare-chocs. L'aspect de la Série II paraît moins altier, mais pour le reste, la silhouette générale demeure identique.

Jaguar XJ Serie II - Source : https://en.wheelsage.org

L'ambiance est morose chez Jaguar. Les choix stratégiques, la valse des managers, l'absence d'un vrai patron au charisme incontesté et la pression des syndicats : tout cela conduit à un climat délétère. Les bonnes volontés s'épuisent entre les dialogues syndicaux et politiques incessants. Les conséquences sont dramatiques sur la qualité des produits en sortie de chaîne, résultat d'un allègement des procédures de contrôle et d'un manque d'enthousiasme des salariés. Désormais, les Jaguar tombent souvent en panne.

Jaguar XJ Serie II - Source : https://en.wheelsage.org

Malgré ce contexte, entre 1975 et 1977, la Jaguar XJC continue d'incarner l'élégance britannique en tant que coupé de grand luxe deux portes, dérivé de la berline XJ Série II. Sa caractéristique principale est l'absence de montant central (pilier B), offrant une ligne incroyablement pure et fluide lorsque les vitres sont abaissées. Sa production sera brève et limitée à seulement 10 426 exemplaires, en partie à cause des défis d'ingénierie liés à la rigidité et à l'étanchéité, ainsi que du lancement quasi simultané du coupé XJ-S plus moderne. Elle est proposée avec le moteur six cylindres en ligne XK de 4,2 litres ou, plus prestigieux, le V12 de 5,3 litres.

Jaguar XJC Serie II - Source : https://en.wheelsage.org

Jaguar ne fait plus rêve. Au contraire, la marque commence à faire sourire les moqueurs. La clientèle fidèle se défile, préférant la sécurité des voitures allemandes. Les Jaguar sont certes d'élégantes automobiles rapides, mais elles sont aussi et surtout des voitures à problèmes. Cette mauvaise réputation se répand comme une traînée de poudre. Le marché français subit de plein fouet cette descente aux enfers : la marque vend 824 voitures dans l'Hexagone en 1975, 400 en 1978, et seulement 297 en 1979. Nombre d'observateurs prédisent la fin de Jaguar à brève échéance.

La Série II est à bout de souffle, mais Jaguar n'a plus les moyens de concevoir une toute nouvelle automobile. Il faut faire oublier tant que possible la Série II et offrir une voiture à l'image rajeunie. Mais, doutant de ses propres capacités à innover, Jaguar préfère solliciter la célèbre maison turinoise Pininfarina, déjà auteur du prototype XJ12 PF en 1973. C'est dans ce climat morose qu'est présentée la troisième version de la XJ en mars 1979.


Jaguar XJ12 PF par Pininfarina - 1973


Dès le début des années 1970, Jaguar lance le projet XJ40 pour concevoir le successeur de la XJ. Face à l'enjeu, le constructeur cherche à explorer différentes directions de design, et sollicite Pininfarina. Le concept Jaguar XJ 12-PF de 1973 représente en effet une tentative de rupture stylistique radicale par rapport aux traditions de la marque britannique. Cette berline de luxe intègre la mécanique de la Jaguar XJ V12. Son design se distingue par ses lignes anguleuses et épurées, dépourvue des courbes classiques associées à Sir William Lyons. Mais malgré sa sophistication et un intérieur audacieux, Jaguar décide finalement de ne pas donner suite à cette proposition, qui marquerait une rupture trop brutale.

 Jaguar XJ12 PF - Source : https://en.wheelsage.org


Jaguar XJ, Série III - 1979/1986 (1992 pour la V12) - 132 952 exemplaires


Comment faire lorsqu'un modèle vieillit très bien, tant son style est ancré dans l'esprit du public ? Jaguar semble condamné à conserver un dessin qui date déjà de plus de dix ans. En effet, au premier regard, la XJ Série III reprend les lignes qui ont fait le succès des deux premières séries. Pourtant, il s'en dégage une sensation de nouveauté que l'on ne parvient pas à expliquer simplement. En réalité, les changements sont nombreux : suppression des déflecteurs latéraux, poignées de portes intégrées, toit plus rectiligne avec une hauteur de pavillon accentuée, profil épuré, surface vitrée accrue, pare-brise plus incliné, et apparition du caoutchouc sur les pare-chocs. Tous les panneaux de carrosserie sont repensés, et aucun n'est interchangeable avec ceux de la Série II.

Ce restylage a été confié à Pininfarina. En externalisant le design à une institution aussi prestigieuse, Jaguar garantit un haut niveau de qualité stylistique et envoie un signal fort au marché quant à la volonté de la marque de remonter la pente, tout en réalisant une refonte esthétique de grande ampleur sans les coûts d'un développement interne complet. Le résultat est cette Série III qui, parvient à prolonger le succès commercial de la XJ.

Jaguar XJ Serie III - Copyright

L'habitacle n'est pas en reste, avec une pléthore d'évolutions pour améliorer le confort, l'aspect, l'agrément de conduite et la sécurité. Le régulateur de vitesse fait même son apparition. Au final, la XJ Série III se présente comme une voiture parfaitement achevée, totalement au point, vraiment mature. A elle seule, elle propose le catalogue de ce qui se fait de mieux dans l'automobile de luxe. Comme la Série II, elle est disponible tant en six qu'en douze cylindres. Sa production totale atteint 177 244 exemplaires, dont 1 813 sont vendus en France.

Jaguar XJ Serie III - Source : https://en.wheelsage.org

L'arrivée de John Egan à la présidence de Jaguar en avril 1980 marque le début d'un nouveau plan qui redonne le moral aux troupes et calme l'agitation sociale. Le grand mot est lâché : fiabilité. A chaque étape de la fabrication, un contrôle rigoureux est désormais assuré. Tous les salariés sont tenus de se sentir individuellement concernés par cette reconquête de l'image Jaguar : les voitures de Browns Lane doivent redevenir irréprochables. Le patron lui-même rentre quotidiennement à son domicile avec une XJ empruntée en bout de chaîne, ce qui lui permet de se rendre compte personnellement des progrès réalisés et du chemin qu'il reste à parcourir. Pas à pas, la confiance des équipes de production et des clients revient. Un nouveau cercle vertueux s'installe.

John Egan - Source : https://www.jaguarheritage.com

Les chiffres parlent d'eux-mêmes. En 1980, Jaguar produit 14 000 voitures et perd 47 millions de livres. En 1985, le constructeur assemble 38 000 voitures et dégage un résultat de 121 millions de livres. En cinq ans, John Egan, homme de communication, habile négociateur du virage de la privatisation, et redoreur d'un blason quelque peu défraîchi, a réalisé un petit miracle en faisant passer dans le public l'image d'une fiabilité retrouvée.

John Egan et Sir Williams Lyons - Source : https://www.aronline.co.uk


Jaguar XJ (XJ40) - 1986/1994 - 208 770 exemplaires (inc. V12)


Dans les bureaux d’études, le travail de conception de la future Jaguar XJ (XJ40) a débuté dans le plus grand secret, bien avant l'arrivée de John Egan. Pour ce nouveau modèle, les ingénieurs ont développé un moteur inédit, l'AJ6, qui remplace le mythique XK. Sa mise au point s'est étalée sur sept ans, le temps nécessaire pour atteindre la perfection exigée par le nouveau patron. La présentation officielle de la nouvelle berline, maintes fois reportée, intervient finalement en octobre 1986, trois jour avant la clôture du Salon de Paris.

Durant cette longue période de développement, l'Angleterre est en pleine période de privatisation sous le règne de Margaret Thatcher, dont la politique prône un désengagement de l'Etat. En conséquence, Jaguar ouvre son capital aux investisseurs privés en juillet 1984, suscitant un engouement massif en Angleterre, aux Etats-Unis et en Allemagne. Un autre événement bouleverse les fidèles en février 1985 : Sir William Lyons meurt à l'âge de 84 ans, laissant derrière lui l'œuvre de toute une vie.

Jaguar XJ (XJ 40) - Source : https://en.wheelsage.org

La XJ (XJ40) s'inscrit dans la droite ligne de la Série III. Elle en modernise le style sans pour autant opérer une révolution esthétique. Cette continuité constitue une forme d'hommage à l'œuvre de William Lyons. L'appellation commerciale XJ6 est d'ailleurs conservée. Le style Jaguar plaît toujours énormément ; un changement de forme aurait été un risque inutile, surtout que la gamme des berlines ne repose alors que sur ce seul modèle. John Egan préfère gérer la succession avec prudence, quitte à enfermer la marque dans un certain immobilisme.

Les stylistes de Browns Lane assument l'entière responsabilité du dessin de la XJ40. Leur cahier des charges était précis : conserver l'héritage esthétique de la Série III tout en peaufinant l'aérodynamisme. L'habitabilité devait être améliorée sans augmenter les dimensions extérieures. La voiture devait être moins lourde, et la qualité de la peinture ainsi que la protection contre la corrosion devaient être irréprochables. Perpétuer la réputation de raffinement et de silence restait un impératif. Pour la première fois, les glaces de custodes arrière, qui faisaient traditionnellement partie de la portière, étaient intégrées à la carrosserie.

Jaguar XJ version USA (XJ 40) - Source : https://en.wheelsage.org

La XJ (XJ40) embarque une quantité massive d'électronique et d'ordinateurs. Désormais, rien ne peut se faire sans le recours à une armée de microprocesseurs, palpeurs et sondes. John Egan exige que la qualité des composants soit à la hauteur des progrès de l'informatique pour éliminer toute plainte concernant la fiabilité. Dans l'habitacle, le conducteur et ses passagers baignent dans une ambiance typiquement Jaguar : qualité de la sellerie, beauté des cuirs, profondeur des bois vernis, moelleux des moquettes et multitude des équipements.

La nouvelle gamme XJ40 est initialement commercialisée en cinq modèles : XJ6 2.9 (avec quatre phares ronds), XJ6 3.6, Sovereign 2.9, Sovereign 3.6 et Daimler 3.6. Le niveau d'équipement progresse significativement de la XJ6 à la Sovereign, puis de la Sovereign à la Daimler. En septembre 1989, le moteur 3.6 litres est remplacé par un nouveau 4.0 litres, une augmentation de cylindrée qui compense la perte de puissance due à l'adoption du pot catalytique, devenu obligatoire. Un an plus tard, en septembre 1990, le 2.9 litres cède sa place à un nouveau bloc 3.2 litres, offrant enfin aux Jaguar les plus abordables une puissance digne de leur rang.

Jaguar XJ Sovereign (XJ40) - Source : https://en.wheelsage.org

 Selon une tradition bien établie, les Jaguar restent compétitives sur le marché. Une version XJ6 2.9 (219 500 francs) coûte ainsi sensiblement le même prix qu'une Renault 25 V6 Turbo toutes options, tandis que les Sovereign et Daimler chassent sur le terrain des BMW Série 7 ou des Mercedes Classe S. La production de la XJ40 cesse en 1994, après plus de 208 000 exemplaires écoulés. Le rachat de Jaguar par Ford en 1990 conduit au départ de John Egan, qui avait misé sur General Motors. Malgré cela, l'usine continue sur la lancée de ce meneur d'hommes.

La coexistence de la Jaguar XJ12 Série III et de la XJ40 de 1986 à 1992 s'explique par une contrainte technique et un impératif de marché : lors de sa conception, le compartiment moteur de la XJ40 n'est pas dimensionné pour accueillir le volumineux moteur V12 de Jaguar, ce qui force la marque à poursuivre la production de l'ancienne carrosserie Série III pour sa version haut de gamme. Ce maintien est crucial, car le V12 représente le prestige indispensable pour rivaliser avec les berlines allemandes de luxe. Jaguar temporise ainsi pendant six ans, le temps de modifier et d'adapter structurellement le châssis XJ40. Finalement, en 1993, le V12 est intégré au châssis XJ40, marquant l'arrêt définitif de la vénérable Série III.

Jaguar XJ12 (XJ 40) - Source : https://en.wheelsage.org


Jaguar Kensington par Ital Design - 1990


Le Jaguar Kensington est un concept-car de luxe présenté par Italdesign au Salon de Genève en 1990. Le studio de design souhaite proposer à Jaguar une future berline de haut de gamme, plus moderne, qui remplacerait la XJ. Giugiaro utilise pour base le châssis et le moteur V12 de 5,3 litres de la Jaguar XJ12 Série III. Le style marque une rupture esthétique forte. La silhouette devient plus fluide, s'approchant d'un fastback, et les phares ronds traditionnels sont remplacés par des blocs optiques rectangulaires. Malgré ce vent de modernité, Jaguar, récemment racheté par Ford, préfère une évolution plus conservatrice pour sa future XJ. A défaut de retenir l'attention de Jaguar, les idées qui ont prévalu à la création de ce concept car seront reprise sur la Lexus GS de 1993 et sur la Daewoo Leganza de 1997.

Jaguar Kensington par Ital Design - Copyright

Le mensuel l'Automobile n'estt pas tendre avec ce concept car dans son numéro 526 d'avril 1990, dans un paragraphe intitulé " La petite boutique des horreurs ".

" Pauvre William Lyons ! Le malheureux fondateur de Jaguar doit se retourner dans sa tombe à la vue de cette chose infâme. Lui qui maîtrisait les formes et les volumes avec tant de maestria n'aurait jamais admis qu'on puisse y apposer son blason. Molle, rondouillarde à l'excès, toute en hauteur, courtaude, elle est la négation de l'esprit et du style Jaguar. Une trahison qu'on retrouve à l'intérieur, aussi personnel et chaleureux qu'un palace international. Giugiaro souhaitait démontrer sa capacité d'innovation ; il voulait démontrer qu'il pouvait faire autre chose que du Giugiaro : échec sur toute la ligne ... "


Jaguar XJ (X300/X305) - 1994/1997 - 92 078 exemplaires


La Jaguar X300/X305 (6 cylindres/V12) est lancée en octobre 1994 au Salon de l'Automobile de Paris pour remplacer la XJ40, marquant un retour aux sources pour la marque. Elle est le fruit d'un important programme de développement qui vise à améliorer plus que jamais la qualité et la fiabilité. Esthétiquement, le designer Geoff Lawson opère un retour très apprécié aux codes classiques de Jaguar. La carrosserie, bien qu'elle conserve la cellule centrale de la XJ40, est profondément remaniée : l'avant retrouve les quatre phares ronds et une calandre plus élégante, un clin d'œil aux XJ des séries I, II et III.

Jaguar Sovereigh (X300), 1994 - Source : https://en.wheelsage.org

L'arrière est également redessiné avec des feux triangulaires qui renouent avec la tradition. Sous le capot, la X300 conserve des moteurs éprouvés : le fiable six cylindres en ligne AJ16 (en versions 3,2 litres et 4,0 litres) et le majestueux V12 de 6,0 litres. Une version sportive, la XJR (X306), débute en 1995 avec le 4,0 litres suralimenté par compresseur (326 ch). La X300 est un succès commercial, qui symbolise la stabilisation de Jaguar sous la propriété de Ford. Sa production est courte, car elle s'achève en 1997 pour faire place à la X308.

Jaguar Sovereigh (X300), 1994 - Source : https://en.wheelsage.org


Jaguar XJ (X308) - 1997/2003 - 126 260 exemplaires


La Jaguar XJ (X308), produite de 1997 à 2003, abandonne définitivement les moteurs six cylindres en ligne et V12 au profit de la toute nouvelle famille des V8 AJ-V8. Cette révolution mécanique constitue la principale caractéristique de la X308. Elle est proposée en versions atmosphériques de 3,2 litres (243 ch) et 4,0 litres (294 ch), ainsi qu'en version haute performance XJR 4,0 litres compressée, qui développe environ 375 ch, électroniquement bridée à 250 km/h. Toutes les X308 sont équipées d'une boîte de vitesses automatique à cinq rapports.

Bien qu'elle repose sur la plateforme de ses devancières (XJ40/X300), son style extérieur évolue subtilement, principalement par des pare-chocs aux formes plus douces. A l'intérieur, le tableau de bord est entièrement redessiné, avec des cadrans ronds et des boiseries opulentes, renouant avec un luxe plus traditionnel. Au total, plus de 218 000 exemplaires des séries XJ 300 et XJ 308 sont produits.

Jaguar XJ (X308) - Source : https://en.wheelsage.org


Jaguar XJ (X350) - 2003/2007 - environ 84 000 exemplaires avec X358


La Jaguar XJ (X350) est présentée au public lors du Mondial de l'Automobile de Paris le 26 septembre 2002. Elle est commercialisée de 2003 à 2009. Son style extérieur reste délibérément classique, et prolonge l'héritage de Sir William Lyons. La XJ semble ne pas parvenir à se défaire d'une ligne vue pour la première fois en 1968. On peut d'une certaine manière comprendre l'état major de la marque, en se rappelant que ce seul modèle a alors été vendu à plus de 800 000 exemplaires, et qu'il représente environ la moitié de la production de Jaguar depuis 1945. Mais la véritable révolution se situe sous la carrosserie. En effet, la X350 est la première berline de production " de masse " à utiliser une structure monocoque entièrement en aluminium collée et rivetée, une technique issue de l'aéronautique, qui permet un gain de poids spectaculaire (jusqu'à 200 kg de moins que sa devancière) tout en augmentant la rigidité de plus de 60 %.

Jaguar XJ (X350) - Source : https://en.wheelsage.org

L'habitabilité est améliorée grâce à des dimensions accrues, et le confort de roulage est assuré par l'intégration d'une suspension pneumatique adaptative. Sous le capot, la X350 reprend les moteurs V8 AJ-V8 de 3,5 litre et 4,2 litres, y compris la suralimentation (compresseur) sur la version sportive XJR qui affiche plus de 408 ch. Elle intègre, à partir de 2005, l'impensable : un V6 Diesel bi-turbo de 2,7 litres et 208 ch pour le marché européen. Dès ses débuts, elle est aussi proposée avec un V6 de 3 litres d'origine Ford de 238 ch. Toutes les versions sont équipées d'une boîte automatique à six rapports


Jaguar XJ 358 - 2007/2009 - environ 84 000 exemplaires avec X350


La Jaguar XJ (X358) n'est pas une nouvelle génération à part entière, mais la version restylée de la X350. Son objectif est de moderniser l'apparence de la berline face aux critiques sur le design trop conservateur de la X350, tout en conservant l'avantage technique de sa structure entièrement en aluminium collée et rivetée. Les changements extérieurs majeurs incluent une nouvelle calandre plus verticale et proéminente, des boucliers avant et arrière redessinés (d'un goût douteux), et l'ajout de prises d'air latérales chromées sur les ailes (totalement incongrues). Techniquement, la X358 utilise les mêmes motorisations que la X350. Elle est considérée comme le point culminant et la dernière incarnation de la silhouette XJ classique, avant la rupture stylistique radicale introduite par la X351 en 2009. Jaguar tourne une page qui s'est ouverte il y a plus de 40 ans, en 1968.

Jaguar XJ (X358) - Copyright

L'acquisition de Jaguar et Land Rover par Tata Motors auprès de Ford est finalisée en juin 2008, dans un contexte où Ford, confronté à une grave crise financière mondiale, cherche à se défaire de ses marques de luxe pour se recentrer. En rachetant les deux fleurons britanniques, le conglomérat indien Tata, bien que connu pour des véhicules économiques comme la Nano, se positionne instantanément sur le marché du haut de gamme. Tata fusionne les marques sous l'entité Jaguar Land Rover (JLR) et, à la différence de Ford, y injecte des investissements massifs dans l'ingénierie, la production et le développement de nouveaux modèles, permettant ainsi de redresser spectaculairement la réputation des marques acquises en matière de qualité et de relancer leur croissance sur le marché mondial.


Jaguar XJ 351 - 2009/2019


Lancée en 2009 pour le millésime 2010 et produite jusqu'en 2019, la Jaguar XJ (X351) marque la plus grande révolution stylistique de l'histoire de la XJ. Sous l'impulsion de Ian Callum, cette génération rompt de manière audacieuse et délibérée avec les codes classiques de la marque, optant pour une silhouette très élancée, un arrière fuyant et des feux verticaux, visant à moderniser définitivement l'image de Jaguar.

Jaguar XJ (X351) - Copyright

Techniquement, la X351 conserve et perfectionne la structure légère en aluminium collé et riveté de sa devancière, ce qui lui permet de rester plus agile que ses rivales allemandes, tout en introduisant un habitacle futuriste doté d'un tableau de bord entièrement numérique. Représentant le premier modèle entièrement développé sous la nouvelle propriété de Tata Motors, la X351 tente de repositionner la XJ comme une berline performante, propulsée par des moteurs V6 et V8 (y compris la sportive XJR). C'est la dernière Jaguar XJ. Sa production est interrompue en 2019, sans succession directe. Les grandes berlines de luxe meurent en silence, au profit des SUV ...

Jaguar XJ (X351) - Copyright


Les Jaguar XJ à empattement long - 1973/2019


La lignée XJ a rapidement établi la tradition de proposer des versions à empattement long (LWB), synonymes de prestige et de confort accru pour les passagers. Introduites dès la Série II sous l'appellation XJ L (pour Long), ces variantes offrent un espace aux jambes arrière généreusement augmenté. Cette distinction entre châssis court (SWB) et châssis long (LWB) est conservée sur la plupart des générations suivantes, notamment sur les modèles X300 (1994/1997) et X308 (1997/2003). C'est sur ces versions allongées que se concentrent les finitions les plus somptueuses, telles que la Sovereign et surtout la Daimler (ou Vanden Plas sur certains marchés), qui incarnent le summum du savoir-faire et du luxe de Coventry. L'apogée de cette tradition est atteinte avec la carrosserie en aluminium des X350, X358 et X351, où SWB et LWB cohabitent, prouvant que même avec une structure ultra légère et moderne, l'allongement du châssis reste la marque du prestige ultime chez Jaguar.

Jaguar XJ LWB (X351) - Source : http://www.parkwayspecialistcars.co.uk


Les niveaux de finition - 1968/2019


Dès la première série, la XJ a établi une structure de gamme claire. La finition de base portait simplement le nom du moteur (XJ6 ou XJ12), assurant le confort et l'élégance essentiels de la marque. Au-dessus, la lignée Sovereign s'est rapidement imposée comme la référence du luxe par Jaguar, ajoutant des équipements de série, des boiseries plus riches, et des cuirs de meilleure qualité. Le sommet de l'offre est traditionnellement représenté par la marque Daimler (sur les marchés britanniques et européens) ou Vanden Plas (principalement en Amérique du Nord). Ces modèles, tels que la Daimler Double Six (avec le V12) ou la Daimler/Vanden Plas Sovereign, incarnent le luxe absolu, avec des grilles de calandre spécifiques, des finitions intérieures encore plus élaborées, et souvent des spécifications techniques maximales, notamment l'empattement long LWB.

Daimler - Source : http://www.parkwayspecialistcars.co.uk

Dans les générations modernes, à partir de la X300 et des suivantes, Jaguar a introduit des finitions axées sur la performance comme la XJR, caractérisée par ses moteurs suralimentés, une suspension sport et un style plus agressif. Plus récemment, les finitions ont évolué pour inclure des dénominations modernes comme Executive, Premium Luxury ou Portfolio, et même Autobiography sur les dernières XJ (X351), afin d'offrir des niveaux de personnalisation et de technologie toujours plus élevés, mais sans jamais éclipser le rôle historique de la Sovereign pour le grand luxe et de la Daimler pour le prestige ultime.


Jaguar XJ à tendance sportive, la XJR - 1988/2009


La berline sportive Jaguar XJR marque son territoire à partir de la fin des années 1980, bien après le lancement de la lignée XJ en 1968. Les premières générations de XJ (Séries I, II et III) n'incluent pas de version R. C'est avec la génération XJ40 (1986/1994) qu'une version XJR est brièvement apparue en 1988, développée en collaboration avec TWR, mais sans le compresseur qui deviendra sa signature. Le véritable lancement de la XJR se fait avec la X300 (1994/1997), introduisant le moteur six cylindres en ligne AJ16 suralimenté (compresseur). Cette formule est reconduite et améliorée sur la X308 (1997/2003) qui inaugure un V8 suralimenté de litre, portant la puissance à environ ch, avant de culminer avec la X350/X358 (2003/2009), qui, grâce à sa carrosserie légère en aluminium et à son V8 de L compressé, atteint environ ch.

Jaguar XJR (X40) - Collection ALR


Jaguar B89 par Bertone - 2011


Le concept-car Jaguar B99, dévoilé par le carrossier italien Bertone (Michael Robinson y officie alors depuis 2009) au Salon de Genève 2011 pour célébrer son 99e anniversaire, retient l'attention par son design néo-rétro qui rend hommage aux berlines Jaguar XJ (1968/2009), contrastant nettement avec les lignes modernes adoptées par la marque à l'époque (X351). Elle mesure 4,50 mètres de long, avec des portes antagonistes et une motorisation hybride. Les passionnés de la marque y ont vue une remplaçante potentielle de la X-Type (2001/2009). Malgré cet accueil enthousiaste, Jaguar a rejeté officiellement le concept, jugeant que son style classique ne correspondait pas à la nouvelle direction futuriste de l'entreprise.

Jaguar B99 par Bertone - Source : https://en.wheelsage.org


Epilogue


La Jaguar XJ incarne parfaitement l'histoire tumultueuse de la marque. Initialement saluée comme la " plus belle berline du monde " lors de son lancement, elle est devenue, au cœur des années 1970, le symptôme et la victime d'un climat délétère chez le constructeur. Les problèmes de qualité étaient le résultat direct d'une mauvaise gestion sous British Leyland, de choix stratégiques incohérents et d'un manque d'enthousiasme des employés, menant à la mauvaise réputation de l'époque. Face à l'impossibilité de la remplacer, Jaguar a fait appel au carrossier italien Pininfarina pour moderniser la carrosserie de la Série III (1979) et corriger ses défauts, prolongeant ainsi sa vie. Cependant, c'est l'arrivée de John Egan en 1980 et, plus tard, le rachat de l'entreprise par Tata Motors en 2008 qui ont permis à l'héritage de la XJ d'être sauvé et à la marque de retrouver une qualité de fabrication et une stature mondiale.

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