Morris, concurrent puis associé d'Austin


La firme Morris, créée à Oxford en 1910 par William Richard Morris, futur Lord Nuffield, figurait parmi les plus populaires du marché britannique, au même titre que la marque Austin. Morris s’associait avec son concurrent Austin en 1952 pour créer la British Motor Corporation (BMC). Composante du groupe British Leyland Motor Corporation (BLMC) créé en 1968, la marque Morris déclinait fortement après 1975, et était finalement supprimée en 1984. 


La Morris Oxford lancée en 1913 est l’une des meilleures voiturettes de son époque, et fin 1914 plus de 1 000 exemplaires sont déjà vendues. En 1915 apparaît un modèle plus grand, la Cowley, assemblée avec des composants américains, et dotée d'un moteur Continental. La firme Morris qui produit dès la fin de la Première Guerre mondiale des voitures fiables aux prix étudiés, devient en 1925 la première marque automobile britannique en terme de volume de ventes. L’usine d’Oxford fabrique alors 54 000 voitures par an. A titre de comparaison, Renault produit 45 000 voitures la même année, Peugeot 21 000 et Citroën 62 000.

Avec une réputation d'un fabricant de voitures de bonne qualité proposées à des prix concurrentiels, les affaires de Morris continuent de prospérer, au point que le constructeur atteint une part record de 41 % de la production britannique au milieu des années 20. Ses modèles les plus connus ont des appellations que l’on retrouvera parfois jusqu’à la fin des années 60, comme les Oxford (1913-1935), Cowley (1915-1935), Minor (1928-1934), Major (1931-1933), Isis (1930-1935), etc …

En 1927, Morris rachète Wolseley. En 1935, le constructeur poursuit ses emplettes, et se porte acquéreur de MG, petite marque qui s’est fait une spécialité depuis 1924 de l'assemblage de versions sportives sur base Morris. Celles-ci ont tellement de succès qu’une usine MG est construite près d’Oxford, à Abingdon. En 1938, Morris rachète Riley. Ces quatre marques forment le groupe qui prend le nom de Nuffield Organisation, un peu sur le modèle du groupe Rootes. William Richard Morris devient d’ailleurs Lord Nuffield à cette occasion, comme William Edward Rootes est devenu Lord Rootes pour les mêmes raisons. 

Comme chez Rootes, Lord Nuffield s’attache à rationaliser la production des modèles de ses quatre marques, en partageant moteurs et carrosseries. C’est ainsi que les Morris Ten (1933-1948), Eight (1935-1948), Twelve (1935-1939), Fourteen (1935-1939) et Twenty-Five (1933-1939) ont leur pendant chez MG, Riley ou Wolseley.

La Ten 1,3 litre de Morris sort en 1933 pour concurrencer l'Austin Ten et l'Hillman Minx. La voiture qui connaît le plus grand succès est la Eight lancée en 1935, puisqu’il s’en vend près de 350 000 unités jusqu’en 1948, faisant mieux que l’Austin Seven et ses 290 000 unités. Toutes les Morris de 1938, sauf la Eight, sont équipées d'un moteur culbuté à soupapes en-tête. Les Wolseley et MG en étaient déjà dotées.

Publicité de 1945. La Morris Eight présentée en 1935 remplace la Minor de 1928. Dotée d’un moteur de 0,9 litre, elle rivalise avec l’Austin Seven, qui est le plus gros succès britannique de l’entre-deux guerres. La Morris Ten de 1933 est une berline de milieu de gamme inférieure, dotée d’un moteur 1,3 litre. Située entre la Eight et la Twelve, elle rencontre un certain succès - près de 150 000 ventes - qui lui permet d’être réintroduite après la guerre. Elle est la concurrente directe de l’Austin Ten.


1948 : Morris Minor


Parmi les cinq modèles commercialisés juste avant la guerre, seules les Eight et Ten voient leur production reprendre au cours des premières années d'après-guerre. Une version spécialement conçue pour les compagnies de taxi est fabriquée de 1947 à 1953. En octobre 1948, au Salon de Londres, sont présentées les nouvelles Morris, la Minor de 0,9 litre, l’Oxford de 1,5 litre et la Six de 2,2 litres. Les trois modèles ont des silhouettes identiques, la différence principale résidant au niveau des dimensions, du moteur et du prix.

La Minor qui remplace la Eight est une petite berline deux portes avec coffre apparent, d’une longueur de 3,76 mètres, qui est disponible à partir de 1949 en version découvrable dénommée Tourer, à partir de 1950 en version berline quatre portes, et à partir de 1953 en version break baptisée Traveller, camionnette et pick-up. Le dessin et la conception de la Minor sont dus à l’ingénieur Alec Issigonis (1906-1988), tout comme les Oxford et Six présentées au même moment.

Le grand public découvre la Morris Minor lors du premier salon automobile britannique d'après-guerre, qui se tient en 1948 à Earls Court. Ses formes rondes, avec des ailes séparées, contrastent avec le style" razord edge " très en vogue à l'époque. Issigonis n'a pas osé le style ponton, lancé par Détroit, et que les britanniques peinent encore à interpréter correctement sans tomber dans le ridicule.

La Minor est dotée de l'ancien moteur de la Eight, mais opte pour une construction monocoque, une direction à crémaillère, une suspension à barre de torsion. Elle bénéficie d’un tout nouveau dessin, qui rappelle le style rondouillard des Renault 4 CV et Volkswagen Coccinelle. La Minor va connaître le premier gros succès de l'industrie automobile d'après-guerre. Au cours de sa longue carrière, qui va se prolonger jusqu’en 1971, il s’en vendra 1 368 291 exemplaires. Sa production est réalisée sur le site d’Oxford, mais également en Australie et en Nouvelle-Zélande.

Durant l’automne 1951, on apprend que des négociations ont débuté entre la direction d’Austin et celle de Nuffield, en vue de la création d’un groupe issu de la fusion des deux constructeurs. Le groupe BMC (British Motor Corporation) voit ainsi le jour au début de l’année 1952. Il regroupe les marques Austin, Morris, MG, Riley, Wolseley, et représente alors 39 % de la production automobile britannique. L’objectif de ce groupe est de concentrer l’industrie britannique trop éparpillée en une multitude de marques, afin de lutter contre les grands groupes internationaux, principalement américains.

Dès lors, une première phase de rationalisation a lieu au sein du jeune groupe BMC. La Morris Minor abandonne son vieux 918 cm3 pour adopter dès 1952 le moteur Austin de 803 cm3 plus moderne et plus puissant - 30 ch - qui équipe l'Austin A30. Sa vitesse maximale passe de 95 km/h à 100 km/h. Par la même occasion, la Minor voit sa face avant redessinée, avec une nouvelle calandre et des phares placés plus haut.

La Morris Minor par son style se trouve dans la la mouvance des Renault 4CV et Volkswagen Coccinelle. Ce modèle connaît un énorme succès commercial puisqu’il s’en vend plus de 1,35 million d’exemplaires jusqu’en 1971. Ici une version restylée avec ses phares en hauteur.

Le groupe BMC est à ses débuts dirigé par Lord Nuffield (William Morris). Il est remplacé fin 1952 par Léonard Lord, qui est depuis 1946 le patron d’Austin. Herbert Austin, le fondateur de la marque Austin, est en effet décédé en 1941. Le siège social du groupe est situé à Longbridge, près de Birmingham, lieu historique de l’implantation de l’usine Austin, ce qui laisse penser que c’est bien Austin qui est dominant dans cette fusion. La fusion entre égaux existe rarement. Dans toute fusion, il y a un dominant et un dominé.

En 1956, la Morris Minor reçoit un nouveau moteur Austin de 948 cm3 de 37 ch, ce qui lui permet désormais de filer à 120 km/h. Cette troisième série de Minor est la plus vendue, avec 544 048 unités écoulées entre 1956 et 1962, contre 269 838 unités pour la deuxième proposée de 1952 à 1956 et 250 962 pour la première vendue de 1948 à 1952. On retrouve ce moteur 948 cm3 sur plusieurs modèles du groupe BMC, comme l’Austin A35, l’Austin A40 Farina, l’Austin Healey Sprite et la MG Midget.

C’est en décembre 1960 que la Minor franchit la barre du million d’exemplaires produits. En 1962, la Minor reçoit le 1 098 cm3 de la nouvelle Morris 1100, et atteint 125 km/h. Cette série baptisée ADO59 s’écoule à 303 443 unités de 1962 à 1971. La version découvrable est la première à disparaître en 1969, puis c'est au tour de la berline en 1970, et enfin du break et de la camionnette en 1971.


 1948 : Morris Oxford


Reprenant le nom d'un modèle Morris fabriqué entre 1913 et 1935, l’Oxford est présentée en octobre 1948 au Salon de Londres, en même temps que la Minor. Il s’agit d’une berline moyenne de 4,20 mètres de long, équipée d’un moteur de 1 476 cm3 qui lui permet d’atteindre 105 km/h. La Morris Oxford reprend la silhouette de la Minor, mais agrandie de 10 % environ. Une version break (Traveller) complète la gamme. La berline Oxford donne naissance à une variante plus luxueuse chez Wolseley appelée 4/50, lancée également en octobre 1948.

Trois modèles composent la gamme Morris pour 1952. Au centre, l'Oxford lancée en 1948 reprend la silhouette de la Minor (à droite) mais dans un segment supérieur. Son moteur est un 1 476 cm3, ce qui en fait l’héritière de la Twelve d’avant-guerre. La Morris Six lancée en 1948 adopte la silhouette de l’Oxford, mais son capot est plus long, car il abrite un six cylindres en ligne. La calandre verticale tend à vouloir démontrer qu’il s’agit là d’un modèle de haut de gamme.

Contrairement à la Minor, l’Oxford est entièrement redessinée en mai 1954 dans un style ponton bien plus moderne. Le pare-brise n’est plus en deux parties et le coffre est plus carré. De plus, la longueur gagne 10 centimètres pour s’établir à 4,30 mètres. Le moteur provient de chez Austin, il s’agit d’un 1 489 cm3 plus moderne que l’ancien moteur Morris 1 476 cm3. Ainsi, la nouvelle Oxford atteint 120 km/h. A noter que ce modèle sera produit en Inde pendant plusieurs décennies sous la marque Hindustan.

La Morris Oxford renouvelée en 1954 arbore un style ponton simple et agréable à l'oeil, avec de larges surfaces vitrées. Ce modèle sera aussi fabriqué en Inde par la firme Hindustan pendant plusieurs décennies.

En Europe, cette deuxième série de Morris Oxford est remplacée en octobre 1956 par une troisième série légèrement différente, avec un coffre plus long et une peinture bicolore, qui est commercialisée jusqu‘en octobre 1959. Une quatrième série est lancée en 1957, mais elle ne concerne que le break Traveller dérivé de la berline de troisième série. La famille des Oxford est toutefois en constant déclin, puisque la troisième série ne dépasse pas les 58 117 ventes, contre 87 341 pour la deuxième, et 159 960 pour la première. C’est la raison pour laquelle le groupe BMC demande à Pininfarina de dessiner les futures Morris Oxford, ainsi que leurs variantes chez Austin, MG, Riley et Wolseley.

La cinquième série de l’Oxford apparaît en octobre 1959 à partir d'un dessin du carrossier italien. Ce modèle inspirera les lignes de la Peugeot 404 lancée en 1960, conçue par la même équipe de styliste. L’Oxford Série V qui reprend le moteur de 1 489 cm3 des précédentes générations renoue avec le succès, puisqu’elle s’écoule à 87 432 exemplaires de 1959 à 1961. La version break dénommée Traveller est lancée en octobre 1960, en remplacement de la Série IV.

La Morris Oxford renouvelée en 1959 partage sa carrosserie avec les Austin, Riley, MG et Wolseley. Dessinée par l’italien Pininfarina, elle est dans la mouvance des Fiat 1800 et Lancia Flaminia, anticipant le style de la Peugeot 404 de 1960.

La Série VI remplace la Série V en octobre 1961. Elle reprend la même carrosserie, mais avec un empattement augmenté de 2 cm, et des porte-à-faux avant et arrière réduits de quelques centimètres. La nouvelle Oxford mesure ainsi 4,40 mètres au lieu de 4,46 mètres. En outre, les voies avant et arrière sont élargies de quelques centimètres. Les ailes arrière sont redessinées avec des ailerons plus discrets, et surtout le moteur passe de 1 489 cm3 à 1 622 cm3. Il développe 61 ch. Ce modèle connaît un certain succès puisqu’il s’en vend 208 823 exemplaires. Pourtant, le groupe BMC, devenu BLMC en 1968, met un terme à sa carrière en 1971, pensant que la nouvelle Morris Marina est parfaitement à lui succéder. 


1948 : Morris Six


Le troisième nouveau modèle de la marque Morris dévoilé au Salon de Londres d’octobre 1948 est la Six à moteur six cylindres de 2 215 cm3. Elle reprend la carrosserie de l’Oxford quatre cylindres, mais son capot est plus long pour pouvoir y loger le moteur plus gros, la longueur du modèle atteignant 4,50 mètres, contre 4,20 mètres pour l’Oxford. La partie avant est complètement différente, puisque la Six arbore une calandre verticale, caractéristique des modèles de haut de gamme. Sa vitesse maximale est de 135 km/h. La berline Six donne naissance à une variante plus luxueuse chez Wolseley appelée 6/80 et lancée également en octobre 1948. Cette variante Wolseley connaîtra plus de succès que la Morris, avec 25 281 exemplaires produits au total contre 12 400 unités pour la Morris. Il est évident que la clientèle préfère en général un gros moteur dans une voiture luxueuse et bien équipée. Simca connaîtra le même problème avec sa Trianon, bien moins vendue que ses Versailles et Régence plus luxueuses et mieux équipées. La Morris Six est supprimée en 1953 sans descendance pendant une année.

La Morris Six est animée par un six cylindres de 65 ch d'origine Wolseley de 2 215 cm3. Dérivée de l'Oxford, elle s'en distingue par sa grille de calandre verticale, inspirée des voitures d'avant-guerre. Il n'est pas question de désorienter une clientèle par définition plutôt conservatrice sur ce créneau. La Wolseley concurrente, la 6/80, rencontre plus de succès.


1954 : Morris Isis


En 1954, Morris désormais intégré au groupe BMC retente le pari de la berline six cylindres, avec le lancement de l’Isis. Ce nom a déjà utilisé par la marque pour des modèles six cylindres entre 1929 et 1935. La nouvelle Isis reprend la carrosserie de la berline Oxford renouvelée en 1954. L’empattement s’allonge de quelques centimètres pour permettre de loger le six cylindres en ligne qui n’est plus le vieux moteur Morris équipant la Six de 1948 à 1953, mais un moteur Austin plus moderne d’une cylindrée de 2 639 cm3, monté sur l’Austin Westminster contemporaine.

La Morris Isis lancée en 1954 reprend la carrosserie de l’Oxford renouvelée la même année, mais son capot est plus long car il abrite un six cylindres en ligne. Ce modèle peu diffusé sera supprimé en 1958 sans descendance.

Après 8 541 exemplaires vendus, la Morris Isis est remplacée en 1956 par la Isis Série II qui reprend la carrosserie de l’Oxford renouvelée la même année, dont la longueur atteint 4,52 mètres dans cette configuration six cylindres. Comme la Série I, la Morris Isis Série II est disponible dans une version break (Traveller) peu demandée. Cette Isis Série II ne s’écoule qu’à 3 614 exemplaires de 1956 à 1958. Cette faible diffusion incite le groupe BMC à ne plus proposer de modèles Morris à six cylindres jusqu’en 1972, pensant que Wolseley est mieux armé dans cette catégorie. Cette observation aurait pu être formulée dès 1954, après l’échec commercial des Morris Six.


1954 : Morris Cowley


Morris a utilisé le nom Cowley entre 1915 et 1935, puis entre 1950 et 1955 pour désigner une camionnette basée sur l’Oxford de 1948. En juillet 1954, le nom Cowley est attribué à une berline dérivé de l’Oxford lancée deux mois plus tôt, mais à la présentation simplifiée et dotée d’un moteur plus petit, d’une cylindrée de 1,2 litre au lieu de 1,5 litre sur l’Oxford. C’est un peu l’Ariane de Morris. On retrouve ce moteur Austin sur l’Austin A40 première du nom, et aussi sur la Nash Metropolitan. Cette dernière, basée sur un châssis Austin, est fabriquée à partir de 1953 chez le constructeur britannique suite à un accord avec Nash. Sa production, qui prend fin en 1962, totalise 94 986 exemplaires. La Morris Cowley 1200 ne connaît pas un grand succès, avec 17 413 ventes de 1954 à 1956. La Cowley 1500 qui lui succède est en fait une Oxford avec une présentation simplifiée. La clientèle ne s’y trompe pas et seulement 4 623 unités trouvent preneur de 1956 à 1958.

La Morris Cowley lancée en juillet 1954 s'inscrit comme une version économique de la Morris Oxford. Son petit 1200 cm3 ne développe que 42 ch. Même la brochure à la couverture monochrome est révélatrice de l'esprit d'économie qui a prévalue à la naissance de cette auto.

Si prospère dans les années 20 et 30, la marque Morris montre en ces années 50 un déclin manifeste dû notamment à une politique de gamme aberrante et à une stratégie confuse, que l’on peut dater - curieusement - de l’année suivant la fusion du groupe Nuffield avec Austin, c’est-à-dire au moment où Léonard Lord (ex-directeur d’Austin) prend la direction du groupe BMC …

Austin marque manifestement sa prééminence sur Morris en décidant de désigner tous les modèles BMC à partir de 1958 par la dénomination ADO (Austin Drawing Office). Ainsi, les modèles de toutes les marques du groupe BMC ne sont plus que des dérivés des modèles Austin, comme les ADO9, ADO10, ADO38, ADO53, ADO15, ADO16, ADO17… Fini les carrosseries spécifiques dédiées à telle ou telle marque, comme les Riley Pathfinder, Wolseley 6/90, MG Magnette, Riley 1.5 ou Wolseley 1500. Seules les petits roadsters bénéficient encore d’une certaine indépendance, comme les MGA, MGB ou MG Midget.


1959 : Morris Mini Minor


En août 1959 est dévoilée la nouvelle petite bombe (ADO15) de BMC, habitué jusqu’ici à une production automobile très conventionnelle. La nouvelle voiture à deux portes et dotée d’un moteur de 848 cm3 développant 33 ch, est présentée sous les deux marques Austin (Mini Seven) et Morris (Mini Minor). Elle a été conçue par Alec Issigonis, qui a déjà travaillé sur les Morris Minor, Oxford et Six au lendemain de la guerre. Elle est la conséquence directe de la crise du canal de Suez de 1956, car Sir Leonard Lord a demandé à Alec Issigonis, revenu au sein de la BMC en 1955, de concevoir à la suite de ces évènements un modèle économique mais habitable. La nouvelle voiture est vraiment révolutionnaire : longue de 3,05 mètres seulement, elle est capable de transporter quatre personnes dans de bonnes conditions, notamment grâce à son moteur avant transversal, à sa boite de vitesses intégrée au bloc, à ses quatre roues de petites dimensions disposées à chaque extrémité et à sa suspension inédite à cônes de caoutchouc qui forme un ensemble compact empiétant très peu sur l’habitacle du véhicule.

La Morris Mini Minor lancée en 1959 en même temps que sa sœur jumelle l’Austin Mini Seven est une petite voiture révolutionnaire. Elle est vite baptisée Morris Mini, et Mini devient une marque à part entière à partir de 1969. La marque Mini passée sous le contrôle de BMW existe toujours aujourd’hui.

Après la surprise et des débuts timides, celle que l’on nomme bientôt Austin Mini et Morris Mini entame sa course vers le succès dès le début des années 60. La réussite est telle que le groupe BMC décide de créer la marque Mini en 1969, celle-ci se substituant aux marques Austin et Morris. En même temps que la création de la marque Mini, qui s’ajoute aux différentes marques du groupe BMC, apparaît la Mini Clubman, qui est une Mini dotée d’une nouvelle partie avant plus moderne, et dont la carrosserie est de fait allongée d’une douzaine de centimètres. Elle n'est supprimée qu'au lancement de l’Austin Metro en 1980.

En septembre 1960, Morris inscrit à son catalogue la Traveller, version allongée de la Mini Minor avec décoration extérieure bois. Deux ans plus tard, la BMC ajoute cette version dépouillée et plus accessible, sans décoration bois, qui conserve l'appellation Traveller.

La Mini est disponible à partir de 1961 dans une version break baptisée Countryman chez Austin et Traveller chez Morris, et dont la longueur est portée à 3,30 mètres. Par ailleurs, la Mini apparaît en 1961 sous les marques Austin et Morris dans une version sportive baptisée Mini Cooper, qui est dotée d’un 998 cm3. Elle devient Mini Cooper S avec un 1 071 cm3 à partir de 1963, et 1275 cm3 à partir de 1964. Les Mini Cooper s’illustrent dans de nombreux rallyes, notamment celui de Monte-Carlo.

Les Mini sont commercialisées jusqu’en l’an 2000, les dernières étant vendues sous la marque Rover. Au total, 5 505 874 exemplaires ont été écoulés dans le monde, dont deux millions entre 1959 et 1969, répartis à parts égales entre Austin et Morris. Le pic de production a été atteint en 1971, avec un volume de 318 475 unités produites, Mini et Mini Clubman confondues.


1962 : Morris 1100


Sans savoir si le modèle ADO15 va connaître le succès que l’on sait, Alec Issigonis applique la même recette sur le segment supérieur, à savoir sur les futures Austin 1100 et Morris 1100 (ADO16). Bizarrement, la Morris 1100 est présentée en premier, en août 1962, un an avant sa sœur jumelle de chez Austin. Par rapport à la Mini, la Morris 1100 qui reprend l'architecture traction avant et la technique de la Mini ajoute deux portières pour faciliter l’accès à bord, ce qui porte sa longueur à 3,72 mètres. La carrosserie dessinée en collaboration avec Pininfarina - celui-ci travaille pour la BMC depuis 1958 - est basse, et arbore un style deux volumes encore assez peu usité dans cette catégorie de berlines. L’habitabilité est un des points forts de la Morris 1100, comme la Mini. Les suspensions utilisent le système Hydrolastic. Le moteur est un 1 098 cm3.

La Morris 1100/1300 lancée en 1962 est le second plus gros succès de Morris après la Mini. Ce modèle est commercialisé jusqu’en 1975.

La voiture est bientôt disponible dans une version deux portes, et à partir de 1966 dans une version break qui est la seule à bénéficier du hayon arrière, puisque la berline - comme la Mini - n’a qu’un coffre qui s’ouvre de bas en haut, contrairement à celui de la Mini qui s’ouvre de haut en bas. Le modèle ADO16 est proposé sous six marques différentes (Austin, Morris, MG, Riley, Wolseley, Vanden Plas) sans compter les marques étrangères Authi (Espagne) et Innocenti (Italie). Les Riley, Wolseley et Vanden Plas peuvent s’enorgueillir d’avoir des sièges en cuir de série. C’est en 1964 que la version Vanden Plas est lancée, les versions Riley et Wolseley étant commercialisées un an plus tard.

La BMC veut séduire les populations rurales et travailleuses, en présentant au Salon de Genève en mars 1966 les versions break Morris 1100 Traveller et Austin 1100 Countryman. Sur la plateforme inchangée de la berline quatre portes a été élaborée une carrosserie utilitaire dotée de deux portes plus longues, tandis que le vaste pavillon se termine sur un hayon vertical.

En mars 1967, le groupe BMC fête le millionième exemplaire produit du modèle ADO16, qui est devenu en 1965 la voiture la plus vendue en Grande-Bretagne, et qui le restera jusqu’en 1971. L’année 1967 marque l’arrivée des versions 1300 qui complètent la gamme des 1100. Le moteur est le 1 275 cm3 déjà monté sur les Mini Cooper S. Les ADO16 sont arrêtées en 1975, après 2 189 312 exemplaires produits. Cette gamme est remplacée par l’Austin Allegro disponible depuis 1973. La part de Morris dans le total ADO16 s’élève à près d’un million d’exemplaires, un total proche de celui d’Austin.


1966 : Morris 1800 / 2200


En mars 1966, apparaît la Morris 1800 qui reprend la carrosserie de l’Austin 1800 lancée un an et demi plus tôt, en août 1964. Ce modèle ADO17 adopte l’architecture traction avant et la technique de la Morris 1100, dont la suspension Hydrolastic, mais à un niveau supérieur, celui des berlines familiales. Le moteur est un 1 798 cm3 déjà vu sur la MGB. La carrosserie de 4,20 mètres de long, dessinée en collaboration avec Pininfarina, est de style tricorps mais avec un coffre très court et six glaces latérales. La voiture n’est disponible qu’en berline quatre portes. Elle a pour mission de remplacer progressivement les berlines Farina dont les origines remontent à 1958, mais qui surtout se sont démodées rapidement.

La Morris 1800 a quelques difficultés à s’imposer tant sur le marché britannique qu'européen, comme d’ailleurs l’Austin 1800, en raison de proportions inhabituelles sur une voiture de cette catégorie. La clientèle britannique lui préfère les anciennes berlines Farina plus statutaires, malgré une habitabilité supérieure sur la berline ADO17.

La Morris 1800/2200 lancée en 1966 partage sa carrosserie avec les Austin et Wolseley équivalentes. Ce modèle dérange sur le plan visuel, ce qui va contrarier sa carrière.

En mai 1968, les feux arrière horizontaux deviennent verticaux sur la Mk II, ce qui a nécessité la création de petits ailerons. Le lancement en mars 1972 de versions six cylindres appelées 2200 avec un moteur de 2 227 cm3 ne change rien à la destinée des berlines ADO17. Celles-ci, proposées sous les trois marques Austin, Morris et Wolseley, sont supprimées en 1975 dans l’indifférence générale. Au total, la Morris 1800 a été produite à 95 271 unités de 1966 à 1975, la Morris 2200 à 10 000 unités de 1972 à 1975, soit 105 271 unités pour les deux modèles, alors que les Austin 1800/2200 ont atteint les 221 000 exemplaires.

La 1800 Mk II apparue en mai 1968 abandonne les feux horizontaux au profit de feux verticaux posés sur des ailerons arrière plus saillants.


1968 : Création du groupe BLMC


L’année 1968 est marquée par la création du groupe BLMC (British Leyland Motor Corporation) qui regroupe les marques de la BMC, de Jaguar Daimler et de Leyland (Triumph et Rover). C’est en réalité Leyland qui prend les rênes du groupe nouvellement créé, puisque Lord Stokes, ex-patron de Leyland, en devient le dirigeant. Dès lors, les choses changent, notamment en terme de positionnement des marques.

Les nouvelle voitures de la BLMC ne sont plus des dérivés des modèles Austin, et chaque marque a le droit à des modèles spécifiques. C’est ainsi que l’Austin Maxi, l’Austin 3 litres ou la Morris Marina n’ont pas d'équivalents au sein des autres marques. Cette politique connaît pourtant quelques exceptions, notamment l’Austin Allegro, qui est disponible dans une version Vanden Plas, ou la Princess qui est proposée durant quelques mois sous trois marques.

Les projets de Vanden Plas 1800/2200 (ADO17), Vanden Plas 3000 (ADO61) et Wolseley 3 litres (ADO61) sont sèchement refusés, tout comme le projet de remplacement des Triumph 1300/1500 par Michelotti, ou le projet de Triumph Stag à moteur Rover V8. La préférence que Lord Stokes accorde à la marque Triumph en terme d’investissements comparé à MG peut aussi lui être reprochée. Le lancement sur le marché australien de la grande berline P76 est enfin une erreur stratégique de grande ampleur, car sa production s’avère être un gouffre financier.

Leyland Motor Corp of Australia présente en 1973 une voiture complètement australienne, la P76, dessinée par Michelotti, dotée d'une mécanique Rover, destinée à concurrencer les lourdes Ford et Holden d'inspiration américaine.

En ce qui concerne la Mini, Lord Stokes privilégie le volume au profit, car au prix où elle est vendue, la Mini n’est pas un modèle de rentabilité. En règle générale, la politique de gamme n’est pas le point fort de Lord Stokes qui est " débarqué " en 1975, quand le groupe BLMC connaît les pires difficultés, et doit être nationalisé en catastrophe par le gouvernement travailliste pour éviter le dépôt de bilan.

Certes, on peut accuser également les crises sociales successives qu’a dû endurer le constructeur britannique, mais la responsabilité de Lord Stokes dans la déconfiture de son groupe automobile ne peut être mise en doute. Celui-ci vécut malgré tout jusqu’à l’âge de 94 ans. N’a-t-il jamais eu un simple petit remord de la catastrophe qu’a causé sa gestion de l’entreprise, quarante ans après avoir déclamé au monde entier que son groupe était le plus fort … Qu’en pensent les 250 000 employés qui ont travaillé pour la BLMC et qui ont dû quitter l’entreprise les uns après les autres ?


1971 : Morris Marina


Présentée comme la remplaçante de la Minor, la Morris Marina (ADO28) est lancée en avril 1971 pour contrer les archi-classiques Ford Cortina et Vauxhall Cavalier. La Marina reprend le châssis de la Minor, toutefois modifié et allongé, ainsi que ses suspensions. Elle mesure 4,22 mètres de long, soit 46 centimètres de plus que la Minor. La Morris 1100 (ADO16), même s’il s’agit d’une traction avant à moteur transversal, a déjà récupéré une bonne partie des clients de la Minor. Comme l'Oxford disparue la même année 1971, la Marina est une berline classique à propulsion, plus courte de 18 centimètres que son aînée.

En résumé, la Marina peut prétendre être à la fois l’héritière de la Minor et de l’Oxford. Le calcul peut donc sembler bon, mais les résultats commerciaux, au début prometteurs, sont vite décevants, la Marina restant toujours derrière la Ford Cortina sur le marché britannique. Dotée d’une vaste gamme de moteurs allant du 1,3 litre au 1,8 litre, la Marina est disponible en berline, coupé et break. Son design est dans la mouvance des Hillman Avenger et Vauxhall Viva. En tant que voiture à propulsion, la Marina concurrence la Triumph Toledo appartenant au même groupe BLMC.

La Morris Marina lancée en 1971 remplace à la fois les Morris Minor et Morris Oxford supprimées cette année-là. Le succès de ce modèle est éphémère. La Marina est " remplacée " par la Morris Ital en 1980.

Lord Stokes avait imaginé un nouveau positionnement pour les marques Austin et Morris, afin d’éviter toute cannibalisation. La nouvelle stratégie impose les voitures à traction avant pour Austin et les voitures à propulsion pour Morris. On peut s’interroger sur le bien-fondé de ce choix, d'autant plus que Triumph propose à la fois des voitures à traction avant et des voitures à propulsion.

Au total, la Morris Marina s’est écoulée à 1 163 116 exemplaires de 1971 à 1980, avec un pic de production de 201 724 unités en 1973. La Marina est remplacée en 1980 par la Morris Ital qui en est un simple restyling - résultat d'un manque criant de moyens financiers - avec les parties avant et arrière redessinées, qui allongent la carrosserie de 12 centimètres. Dans ces conditions et comme il fallait s’y attendre, la Morris Ital ne trouve pas son public, avec seulement 175 276 unités assemblées en quatre ans. L'arrêt de sa production provoque la disparition de la marque Morris en 1984, même si celle-ci est a déjà été programmée depuis plusieurs années.

La Morris Ital lancée en 1980 n’est qu’une Marina dont les parties avant et arrière sont redessinées. Le constructeur britannique n’a pas eu les moyens de concevoir une nouvelle automoblie.

La Morris Ital est produite durant quelques années au Portugal, sur le site de Setubal (repris par la suite par Renault) qui appartient alors à la British Leyland. Ce site a notamment pris en charge précédemment la fabrication de la Mini Moke. L’Austin Montego lancée en avril 1984 peut être considérée comme la remplaçante de la Morris Ital. On est toutefois en droit de déplorer au moment du lancement de celle-ci la disparition d’une énième marque du groupe British Leyland, après Austin Healey, Riley, Wolseley, Vanden Plas, MG, Triumph … Et l’hécatombe n’était pas finie.


1975 : Morris 18/22


En mars 1975, apparaît la remplaçante des Morris 1800/2200, proposée également sous les marques Austin et Wolseley. Ce modèle type ADO71 présente un design avant-gardiste dit " en coin " dû à Harris Mann, qui a aussi signé les Austin Allegro et Triumph TR7. La Morris 18/22, comme les sœurs jumelles Austin et Wolseley, ne restent au programme que quelques mois. Le groupe BLMC nationalisé par le gouvernement travailliste a fait appel à un nouveau dirigeant qui a en effet pris la décision de commercialiser le modèle ADO71 sous la seule marque Princess, nom hérité de la marque Vanden Plas.

La Morris 18/22 lancée en mars 1975, qui partage sa carrosserie avec Austin et Wolseley, remplace les 1800/2200. Elle est supprimée dès septembre de la même année, le constructeur britannique ayant décidé de la commercialiser sous une seule marque : Princess.

Cette politique est appliquée dès septembre 1975, ce qui entraîne la disparition de la marque Wolseley et la confirmation de la grande fragilité de la marque Morris, désormais représentée par un seul modèle, la Marina. Seuls quelques milliers d’exemplaires de la 18/22 ont été produits sous la marque Morris, entre mars et septembre 1975.


Quelques Morris exotiques


La Morris Marshal est une berline six cylindres commercialisée sur le marché australien entre 1957 et 1960, très proche de l’Austin A95 Westminster vendue en Europe entre 1956 et 1959. Elle est donc différente de la Morris Isis six cylindres commercialisée en Europe à cette époque. Longue de 4,60 mètres et dotée d’un moteur de 2 639 cm3, la Morris Marshal a été produite à seulement 1 425 exemplaires.

La Morris Major a eu un peu plus de succès, même si cela n'a pas été un triomphe. Il s’agit d’une berline compacte commercialisée sur le marché australien entre 1958 et 1964, très proche de l’Austin Lancer, toutes deux dérivées des Riley 1.5 et Wolseley 1500 vendues en Europe entre 1957 et 1965. Il est amusant d’observer qu’au départ, ces voitures ont été conçues pour succéder à la Morris Minor au beau milieu des années 50. La Morris Major australienne est donc peut-être ce qu’aurait dû être la remplaçante de la Morris Minor en Europe si le programme initial avait été respecté.

La Morris Major et sa cousine l'Austin Lancer ont été produites puis commercialisées en Australie à partir de mars 1958. La proportion d'intégration de pièces produites localement atteignait 98 %.

Aujourd’hui, le nom Morris est la propriété du constructeur chinois SAIC (Shanghai Automotive Industry Corporation) qui a racheté Rover en 2005, avec en prime le nom de la plupart des anciennes marques du groupe British Leyland : Austin, Austin Healey, Morris, MG, Princess, Wolseley et Vanden Plas. Seules les marques Mini, Riley et Triumph sont restées la propriété de BMW.

Texte : Jean-Michel Prillieux / André Le Roux
Reproduction interdite, merci.

Retour au sommaire de Marques disparues - Retour au sommaire du site