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Siata D46, 1946. Copyright
Cisitalia 202 Cassone, 1947. Copyright En 1947, Giacosa contacte à nouveau Motto pour l'habillage d'une série de Fiat 1100 S Mille Miglia, toujours avec une carrosserie en aluminium. Cependant, Fiat a du mal à vendre ces voitures et tarde à payer le carrossier. Finalement, la marque italienne solde sa dette en fournissant à Motto des châssis nus gratuitement, qu'il est libre de revendre ou d'utiliser. Il en vendra d'ailleurs certains à d'autres carrossiers.
Fiat 1100 S Mille Miglia, 1947. Copyright Giovanni Savonuzzi, ingénieur et designer éclectique, a travaillé pour Fiat Aviazione avant la guerre. Après le conflit, il rejoint Cisitalia, où ses compétences techniques et son expertise en aérodynamisme sont très appréciées. Entre 1948 et 1951, il se lance dans la construction automobile avec sa propre marque, SVA. Il confie alors la réalisation de certaines carrosseries de ses voitures de course à Rocco Motto.
SVA 820, 1949. Copyright Plusieurs Ferrari sont habillées chez Motto.
Ferrari 166 Motto Spider Corsa, 1947 - Source : https://en.wheelsage.org
Ferrari 212 Export Motto Berlinetta, 1951 - Source : https://en.wheelsage.org
Ferrari 195 Inter Motto Berlinetta, 1951 - Source : https://en.wheelsage.org
Ferrari 212 Export Motto Spyder, 1951 - Source : https://en.wheelsage.org Echaudé par sa mésaventure avec Fiat, Motto préfère se concentrer sur de plus petites entreprises et des pilotes privés, réalisant des carrosseries pour des voitures de course. C'est à cette époque qu'il collabore avec les frères Maserati, qui ont fondé la marque Osca en 1947. Sa réputation dépasse bientôt les frontières, et le pilote de rallye français Jean Trévoux lui commande deux carrosseries légères pour ses Delahaye 175. Celles-ci se classent première et cinquième au Rallye de Monte-Carlo en 1951. Trévoux fait de nouveau appel à lui en 1953 pour sa Packard, avec laquelle il termine troisième de la Carrera Panamericana.
Delahaye 175 Motto, 1951. Copyright De temps en temps, les grands constructeurs font appel à Motto pour la production de carrosseries spéciales en petites séries. C'est ainsi que Motto a réalisé sept carrosseries en aluminium pour la Lancia Aurelia B20. En avril 1953, le public découvre la Siata 208 Spider au Salon de New York. Ce modèle est équipé d'un moteur V8, dérivé de celui de la Fiat Otto Vu. Destinée au marché américain, 25 des 36 voitures produites y seront vendues. L'origine du design du Spider 208 est parfois attribuée à Bertone, parfois à Motto. Quoi qu'il en soit, c'est ce dernier qui a assuré la fabrication des carrosseries.
Siata 208 S, 1953. Copyright En 1952, Louis Rosier est l'un des grands noms du sport automobile français. Il est également un professionnel avisé, dirigeant une importante concession Renault à Clermont-Ferrand. Ses moyens financiers lui permettent de faire appel à un carrossier indépendant, Motto, pour un projet ambitieux : créer une petite voiture de sport sur la base de la Renault 4 CV. Pour ce faire, il s'inspire des réalisations de Porsche sur base de Volkswagen en Allemagne, et devance de quelques années les futures Alpine de Jean Rédélé. Cependant, le manque de soutien de Renault et le coût élevé des carrosseries artisanales fabriquées à Turin l'empêchent de lancer une production en petite série.
Renault 4 CV Louis Rosier, 1952. Copyright En 1950, le carrossier Perret, installé près de Clermont-Ferrand, réalise la carrosserie d'un châssis Talbot, le numéro 110152, une T 26 GS. Malheureusement, la voiture est victime d'un incendie. Ses propriétaires demandent alors conseil à Louis Rosier pour trouver un artisan capable de lui donner une nouvelle carrosserie. Le pilote leur suggère de contacter Rocco Motto. C'est ainsi que le coupé de grand tourisme de Perret est transformé en une magnifique barquette, dont le style rappelle celui de l'AC Ace avant l'heure.
Talbot T 26 GS Motto. Copyright La Goldmanini Barchetta est une création unique, née en 1955 de la collaboration entre le concepteur de châssis Gilberto Colombo (Gilco) et Rocco Motto. Construite sur un châssis Gilco initialement destiné à la course, cette voiture de type barchetta est dotée d'une élégante carrosserie en aluminium, entièrement façonnée à la main par Motto. Animée par un moteur Fiat 1100, la voiture a été commandée par un certain Max Goldman, d'où le nom " Goldmanini ".
Goldomanini Barchette Motto, 1955 - Source : https://en.wheelsage.org Suite à l'échec de son projet avec la 4 CV, Louis Rosier se fixe un nouvel objectif : combler le vide du marché français en proposant une voiture de grand tourisme à la fois chic, élégante et abordable. Au milieu des années 50, l'offre française est morose : les marques de prestige comme Delage, Delahaye et Hotchkiss ont disparu, les rares Salmson et Talbot produites semblent d'un autre temps, et la Facel Vega n'en est qu'à ses débuts. Faute de pouvoir s'appuyer sur une base prestigieuse, Rosier se tourne vers son ami Pierre Lefaucheux, PDG de Renault. Ce dernier lui fournit les éléments pour concevoir une GT sur la base de la Frégate, le modèle haut de gamme de Renault, qui est alors peu apprécié. Grâce à une préparation moteur minutieuse et une carrosserie en aluminium réalisée par Motto, la voiture se montre performante tout en restant facile à entretenir. Elle est présentée à la presse fin 1955. Hélas, le décès de Louis Rosier en octobre 1956, des suites d'un accident en course, met un terme définitif à ce projet prometteur.
Renault Fregate Motto, 1955. Copyright Giaur, une petite marque italienne de voitures de course, est née en 1950 de la collaboration entre Domenico Giannini, préparateur de moteurs Fiat, et l'ingénieur Berardo Taraschi. Ce dernier avait déjà créé l'Urania en 1947, une voiture conçue en adaptant un moteur BMW flat-twin sur un châssis de Fiat Topolino. Les deux hommes se séparent en 1958. L'une des rares voitures de grand tourisme qu'ils ont produites, la 750 Berlinetta San Remo de 1954, a été habillée par Motto.
Giaur 750 San Remo. Copyright En 1955, Motto réalise une carrosserie sur un châssis Cadillac pour l'entrepreneur italo-américain Joe Mascari et l'artiste Harry Birdsall. Leur objectif est de créer une voiture de très haut de gamme pour une clientèle aisée. Le designer Albrecht Goertz est chargé de la concevoir. Il s'agit d'un cabriolet au toit rétractable, avec une peinture nacrée et des éléments décoratifs dorés. Ce modèle restera unique, car aucune production en série ne sera lancée.
Cadillac Elegante, 1955. Copyright La Salmson 2300 (châssis n° 85016), fabriquée en 1953, est vendue en avril 1955 au journaliste de Radio Monte-Carlo, Jean-Paul Colas. Ce dernier souhaite la doter d'une carrosserie fluide et légère pour l'engager aux 24 Heures du Mans. Après avoir sollicité en vain les grands carrossiers français, la plupart en difficulté, Colas se tourne vers l'Italie et Rocco Motto, réputé pour la qualité et la rapidité de son travail. En quelques semaines seulement, le carrossier réalise une barquette de course d'une élégance rare, synthèse des meilleures créations du milieu des années 50. La voiture participe aux 24 Heures du Mans 1955, course malheureusement marquée par l'accident de Pierre Levegh. La Salmson abandonne peu après minuit. Elle est ensuite renvoyée chez Motto, qui la modifie pour un usage plus quotidien.
Salmson 2300 S, 1955. Copyright Au milieu des années 50, la Carrozzeria Motto est une PME d'une cinquantaine d'employés qui, en plus de produire des voitures à l'unité, fabrique des caravanes et ce qu'on appellera plus tard des mobil-homes. Dans un autre domaine, la Fiat 600 Campestre de 1956 illustre la vision de Motto d'une voiture simple, légère et parfaitement adaptée au monde rural et à ses chemins.
Fiat 600 Campestre, 1956. Copyright A l'occasion de sa dernière participation au Salon de Paris, Salmson présente une berline de prestige basée sur une ancienne Randonnée. Malgré ses dimensions imposantes, la voiture ne pèse que 1 180 kg grâce à sa carrosserie grise et bleue. Elle est également équipée de roues Rudge. Lors de sa présentation, le magazine L'Action Automobile s'interroge sur son destin : " Si les dirigeants de Salmson arrivent à remonter le courant, des réalisations telles que cette élégante berline quatre portes, carrossée par Motto du Turin, ne pourrait elle pas faire une voiture à la fois sportive et de prestige ? ". L'histoire nous apprend hélas que cette automobile n'a pas dépassé le stade du prototype unique.
Salmson 2300, par Motto, 1956. Copyright De nombreux carrossiers, comme Bertone, Boano, Frua ou Ghia, ont redessiné la Jaguar XK. En 1958, Motto se distingue en proposant sa propre version de la XK 150. Les courbes de la sportive britannique font place à des lignes plus modernes et tendues, dans un style ponton entièrement assumé.
Jaguar XK 150, 1958. Copyright En septembre 1958, un conflit éclate entre Rocco Motto et ses frères, Ernesto et Clemente, qui décident de quitter l'entreprise familiale. La société est liquidée et les biens ainsi que les droits sur la marque sont partagés. Rocco conserve la carrosserie automobile, tandis que ses frères se lancent dans la production de caravanes sous une nouvelle entité. Malgré cette séparation, Rocco continue de proposer ses propres caravanes, et produit également des carrosseries brutes pour le carrossier Viotti. A partir de 1959, Carlo Abarth commande une dizaine de carrosseries pour la Porsche Abarth Carrera. Cependant, en raison des coûts élevés, il met fin au contrat et se tourne vers un autre fournisseur. Finalement, Abarth reviendra chez Motto pour l'assemblage des dernières carrosseries.
Porsche Abarth Carrera, 1959. Copyright En 1960, Lancia suggère à Raymond Loewy de contacter Motto pour concrétiser son dernier projet. En effet, tous les carrossiers approchés par le designer américain ont refusé de s'occuper de la carrosserie de la Loraymo (un nom dérivé de l'adresse télégraphique de Loewy), un modèle unique issu de son imagination. Loewy est tellement impressionné par la qualité du travail de Motto qu'il l'invite à le rejoindre au Salon de Paris 1960, où la voiture est exposée, afin de partager les honneurs pour cette magnifique réalisation.
Lancia Flaminia par Raymond Loewy, 1960. Copyright A l'issue du Salon de Paris, lors d'une réunion de l'ANFIA, l'association nationale italienne des constructeurs automobiles, son président rend hommage aux grands carrossiers italiens pour leur contribution à l'industrie automobile. Les noms de Pinin Farina, Bertone et d'autres petites " carrozzerias " indépendantes sont cités, mais Motto est oublié. Rocco Motto, vexé, le fait remarquer avant de quitter la salle. Peu après, il résilie son abonnement à l'association. Il arrête ensuite toute production automobile pour se concentrer uniquement sur la fabrication d'utilitaires et de caravanes, avec l'aide de son fils Francesco. Il expliquera plus tard que sa clientèle est principalement composée de gens du voyage qui, en plus de payer en espèces et sans tarder, " savent dire merci ". L'affaire familiale ferme ses portes en 1990. Rocco Motto décède en 1996. |