Praga, l'autre grande marque tchèque


La société Praga a été fondée en 1907 à Prague, ville alors située dans l'empire austro-hongrois. Elle a commencé à produire des voitures sous licence Isotta-Fraschini en 1909, puis Charron et Renault. Praga est progressivement devenue l'une des plus grandes sociétés industrielles d'Europe centrale au cours de la première moitié du XXe siècle, fabriquant des automobiles, des camions, des autobus, des motos, des avions, des engins militaires et des tracteurs agricoles. Elle était l'une des trois grandes marques automobiles de Tchécoslovaquie, avec Skoda et Tatra. La gamme de Praga s'échelonnait de la petite voiture populaire à la grande voiture de luxe. Praga a cessé la production automobile en 1947, mais a continué à produire des véhicules utilitaires.


1907/1912 : Les débuts de Praga, modèles III, IV, V, 01 et 02


La " Première usine des constructions mécaniques de Bohême et Moravie " a été fondée au XIXe siècle par des industriels de Prague. Elle fabriquait des installations sucrières, des chaudières, des ascenseurs, des rouleaux compresseurs pour les routes, des broyeurs de pierres, des locomotives pour les chemins de fer, etc ...

À la même époque, l'entreprise Josef Walter produisait des bicyclettes et des motocycles depuis 1898. En 1906, elle recherche un commanditaire pour investir dans la production automobile. Elle le trouve en la personne de Frantz Ringhoffer, propriétaire d'une importante fabrique de wagons de chemin de fer. Deux autres industriels prennent part au capital.

La réunion de " Première usine des constructions mécaniques de Bohême et Moravie " et de l'affaire de Franz Ringhoffer donne naissance à la marque PAT-PAF, pour Prazska Automobilova Tovarna (en tchèque) et Prager Automobil Fabrik (en allemand), ce qui se traduit par " l'usine automobile de Prague ". Le contrat entre les différentes parties est signé le 27 mars 1907 dans la villa du Baron Ringhoffer.

Les débuts de la marque Praga sont peu probants. En 1907, la société PAT-PAF ne produit que six voitures avec trente ouvriers. Le constructeur n'est pas rentable et se remet en question. Il opte pour la fabrication d'automobiles sous licence, d'abord des Isotta-Fraschini, puis des Charon et des Renault.

En 1909, le baron Franz Ringhoffer, face aux déficits accumulés, se retire à perte de l'affaire. La société " Première usine des constructions mécaniques de Bohême et Moravie " devient alors le seul propriétaire de l'entreprise. En septembre 1909, l'appellation trop abstraite de PAT-PAF est abandonnée au profit du nom plus évocateur de Praga, en référence à la ville de Prague où est installé le constructeur.

À partir de 1910, toutes les voitures sortant de l'usine portent ce nom. Les volumes augmentent et 87 automobiles sont produites en 1910. Pour les trois années précédentes, il n'en avait été vendues que 15, avec des pertes importantes.

Les voitures produites sous licence Isotta-Fraschini sont connues sous les désignations Type III (1907) et Type IV (1909). La première est dotée d'un moteur quatre cylindres de 8 040 cm3 de 60 ch. Son empattement est de 3,60 mètres et elle atteint les 60 km/h. La Type IV est une quatre cylindres de 3 052 cm3 d'un empattement de 3,10 mètres. La Type V est une bicylindre de 1 206 cm3 et 10 ch, fabriquée sous licence Charron. Son empattement est plus modeste, 2,55 mètres. La Type 01 et Type 02 sont des quatre cylindres 2 500 cm3 assemblées sous licence Renault.

Ce modèle de 1909 est fier d’arborer la marque Praga sur son capot très typé Renault. En fait, il s’agit d’un modèle Charron fabriqué sous licence par le jeune constructeur tchèque.


1911/1929 : Praga Mignon


Le niveau de production de 1911 permet de combler les pertes des années précédentes. Cette même année marque l'arrivée dans l'usine d'un jeune ingénieur, František Kec (1883/1971), ancien de chez Laurin & Klément. Cet homme présente les mêmes qualités que Marc Birkigt chez Hispano-Suiza, Ferdinand Porsche chez Austro-Daimler, ou Jan Ledwinka chez Nesselsdorfer Wagenbau Fabrik, futur Tatra. C'est à la fois un excellent technicien, un grand organisateur, et un meneur d'hommes.

Avec lui, l'usine surmonte les principales difficultés. On constate une fois de plus qu'un seul individu talentueux et clairvoyant peut changer le destin d'une marque automobile. František Kec se lance avec enthousiasme dans la conception de nouveaux modèles. En l'espace de six mois, il met au point la Mignon, disponible en fin d'année. C'est la première Praga de conception entièrement originale.

En 1911, Praga construit la première voiture de sa propre conception. Baptisée Mignon, elle n’est certainement pas inspirée par les favoris de feu le roi de France Henri III de Valois-Angoulème.

L'objectif avec cette 4 cylindres de 1 846 cm3 et 22 ch est d'offrir une voiture polyvalente, de taille moyenne, à une clientèle la plus large possible. Cette polyvalence lui permet d’être utilisée aussi bien par l’armée austro-hongroise durant la Première Guerre mondiale que par la clientèle civile, ou même les personnels hospitaliers dans sa version ambulance. Son empattement est de 3 mètres. Sa cylindrée est portée à 2 296 cm3 en 1920 et sa puissance à 28 ch, puis 34 ch en 1926. 85 exemplaires sont produits de 1911 à 1914. La production est suspendue en 1917 et reprend en 1920, dans une version de 2 300 cm3. Au total, près de 700 exemplaires de la Praga Mignon sont assemblés jusqu'en 1924.

Parallèlement, Praga se lance avec succès dans la fabrication de poids lourds. Le Ministère de la Guerre austro-hongrois passe d'importantes commandes qui assurent pour longtemps la charge des usines. Praga lance aussi ses premiers tracteurs agricoles en 1913.

En 1927, apparaît la seconde génération de la Mignon. Celle-ci inaugure le premier 6 cylindres de la marque, de 2 636 cm3, anticipant un développement de ce type de motorisation en Europe. La Mignon prend du poids et ses dimensions sont revues à la hausse. Elle se rapproche d'une autre Praga, la Grand, dont elle partage certains composants. La version la plus diffusée est la limousine à six places, souvent équipée d'une vitre de séparation derrière le conducteur. La clientèle ne s’y trompe pas : la Praga Mignon 6 cylindres est une véritable voiture de luxe. Cette seconde version est produite à 1 447 exemplaires jusqu'en 1929.

La Praga Mignon dont la version originale est apparue en 1911 est renouvelée en 1927. Elle inaugure le premier 6 cylindres de la marque.


1912/1935 : Praga Grand


En 1912, Praga complète sa gamme vers le haut avec une voiture plus luxueuse que la Mignon, baptisée Grand. Il s'agit d'une 4 cylindres de 3 824 cm3 développant 45 ch (48 ch à partir de 1920). On retrouve ce moteur sur les premiers tracteurs agricoles produits par Praga. La Grand dispose d'un empattement de 3,30 mètres, et est capable d'atteindre 90 km/h. Trois voitures de ce type participent avec succès à une course alpine autrichienne. Elles effectuent les 2 700 km du parcours sur des routes de montagne difficiles, sans problème mécanique, et acquièrent ainsi une certaine renommée.

En 1912, Praga s’attaque au haut de gamme avec la Grand de 3 824 cm3. Ce modèle vise directement l’aristocratie austro-hongroise, à l’instar des marques locales Austro-Daimler et Graf & Stift.

En raison de leur robustesse, de leur fiabilité et de leur côté statutaire, les Praga Grand deviennent le moyen de transport favori des généraux et des hauts dignitaires de l’empire austro-hongrois. Elles sont également utilisées - comme les Praga Mignon - par l’armée durant la Première Guerre, en tant qu'ambulance ou véhicule de transport des officiers. En 1919, le premier président de la République Tchèque, Tomáš Garrigue Masaryk, se voit offrir une Praga Grand pour son usage personnel. La première génération de la Grand est commercialisée jusqu'en 1922, avec seulement des modifications mineures au fil du temps. Après la guerre, ce modèle a toujours ses adeptes, preuve que sa conception et son équipement ne semblent pas obsolètes.

Une deuxième génération apparaît en 1922, apportant de nombreuses améliorations, dont un démarreur électrique pour la première fois sur une Praga. Le véhicule est équipé de feux électriques et les jauges du tableau de bord sont éclairées, ce qui améliore les conditions de conduite nocturne. La nouvelle Grand fait partie de la flotte de véhicules de la présidence de la République Tchèque. La Grand est également utilisée par les diplomates tchèques en poste dans les grandes capitales européennes. On la retrouve par ailleurs auprès du roi Alexandre de Yougoslavie, et elle la favorite de riches propriétaires en Amérique du Sud, ainsi que de nombreuses personnalités à travers le monde.

La Praga Grand est renouvelée en 1922, mais sa cylindrée reste fixée à 3 824 cm3, ce qui en fait malgré tout un modèle de luxe au sein de la jeune industrie automobile tchèque.

En 1927, apparaît la troisième génération de la Grand, dotée pour la première fois d’un moteur 8 cylindres. Elle offre une conduite plus douce, plus calme, avec plus de puissance. Ce nouveau moteur affiche 3 390 cm3, pour 54 ch. La Grand atteint désormais 100 km/h, soit 10 km/h de mieux qu'auparavant, tout en consommant moins de carburant.

Doté d’un équipement de très haut de gamme, la Grand acquiert le surnom de " Rolls-Royce tchécoslovaque ". Elle fait partie du Gotha de l'automobile européenne. Sa haute qualité est perceptible tant à l’extérieur que dans l'habitacle : sièges en cuir, sol recouvert d’une épaisse moquette, téléphone reliant les passagers au conducteur, petits coffres de rangement, briquet électrique avec cendriers et cintres pour accrocher les vêtements …

En 1927, la Praga Grand est renouvelée. Elle innove par son style américain et la présence d'un moteur 8 cylindres, une première chez ce constructeur.

La cylindrée est portée à 3 582 cm3 en 1928 et la puissance à 65 ch. La demande de voitures de luxe diminue considérablement pendant les premières années de la Grande Dépression, ce qui explique que la Praga Grand 8 cylindres ne soit produite qu’à 299 exemplaires, contre 897 unités pour les deux premières générations à moteur 4 cylindres. La Grand est suspendue en 1929. En 1931, après une absence de deux ans, alors que les effets de la crise commencent à s'estomper, Praga lance sa quatrième et dernière génération de Grand.

Praga Grand de 1931. " La fierté de la noble société ". Praga tente de s'affirmer parmi les très nombreuses marques de prestige européennes. Sans grand succès.

La dernière Grand est toujours dotée d’un huit cylindres, mais sa cylindrée augmente substantiellement, passant à 4 429 cm3. Sa puissance est portée à 90 ch. Elle atteint 120 km/h. Le nouveau modèle bénéficie d’une profonde mise à jour avec des lignes plus aérodynamiques. Les angles s'arrondissent et la calandre s'incline.

La Praga Grand est renouvelée en 1934 dans le style " streamline ". Il s’agit d’une limousine de grand luxe de 3,60 mètres d’empattement, équipée d'un huit cylindres de 4 429 cm3.

La Grand 8 cylindres restera le modèle le plus prestigieux de Praga et de toute la production tchèque d'avant-guerre. Ce modèle s'incline en 1933, faute de demande suffisante. Il n'y aura plus de Praga à moteur 8 cylindres.

Au début des années 1930, même si l'on offre le meilleur confort et un luxe exceptionnel, il est bien difficile de se faire une place sur le marché de la voiture de luxe, surreprésenté.


1913/1942 : Praga Alfa


En 1913, Praga continue de compléter sa gamme, cette fois avec un modèle plus économique que la Mignon. L'Alfa est dotée d'un 4 cylindres de 1 130 cm3 et 15 ch. Celle qui aurait pu devenir rapidement un best-seller voit sa carrière commerciale écourtée par le déclenchement de la Première Guerre mondiale en juillet 1914. Du coup, seulement 51 exemplaires sont produits au total.

En 1913, Praga complète sa gamme vers le bas avec le modèle Alfa de 1 130 cm3. Il est étonnant que la firme italienne A.L.F.A. (Anonima Lombardi Fabbrica Automobili) créée en 1910 n’ait pas protesté contre l’utilisation de ce nom.

En 1914, le développement et la vente des automobiles de tourisme sont paralysés, aussi bien pour les marques tchèques que pour celles des pays belligérants. L'usine Praga concentre alors l'essentiel de sa production vers des camions à usage militaire. Ceux-ci confirment leurs qualités sur divers fronts, dans des conditions difficiles. Ayant été nommé directeur de l'usine Praga de Vienne, František Kec est chargé en 1916 par le Ministère de la Guerre de concevoir un camion militaire plus grand et plus puissant. Baptisé Type N, il sera fabriqué pendant près de vingt ans, moyennant quelques évolutions au fil des années.

Au lendemain de la Première Guerre mondiale qui voit la défaite de l'Allemagne et de l'Autriche-Hongrie, Prague devient la capitale de la Tchécoslovaquie. Ce pays est créé à partir de deux importantes régions de l'empire austro-hongrois. La population réunit des Tchèques et des Slovaques, mais aussi trois millions d'Allemands concentrés dans un territoire dit " des Sudètes ", situé sur la bordure nord-ouest de la Bohême. Le 27 mai 1920, Thomas Masaryk est élu président de la République.

La production de l'Alfa ne reprend pas à l'issue de la guerre. Dans un premier temps, Praga perfectionne les deux autres modèles existants, la Mignon et la Grand. Il faut attendre 1922 pour qu’une deuxième génération d’Alfa voit le jour. Alors dotée d’un 4 cylindres de 1 240 cm3 développant 18 ch, elle apparaît moins frêle d’aspect.

En 1922, Praga lance une deuxième génération d'Alfa beaucoup moins frêle que celle d’avant-guerre. Elle est dotée d'un 4 cylindres de 1 240 cm3 .

En 1927 apparaît une troisième génération d'Alfa. Le moteur et la carrosserie sont améliorés sur de nombreux points. Le 4 cylindres est porté à 1 328 cm3, pour une puissance de 20 ch. Praga poursuit la modernisation de ses usines, en achetant de nouvelles machines-outils, et en mettant en oeuvre une chaîne de montage. Une attention particulière est portée à la qualité d'assemblage, et à la fiabilité des mécaniques. Praga n'hésite pas à se fournir auprès des marques étrangères les plus réputées, qu'il s'agisse de Jaeger, Zenith, Solex, Houdaille, Michelin ou Goodyear ...

En 1928, le constructeur propose une version 6 cylindres de l'Alfa. Cubant 1 496 cm3, ce moteur développe 25 ch. Il s’agit du second 6 cylindres de la marque après la présentation du 2 636 cm3 monté l'année précédente sur la Mignon de segment supérieur. Ces moteurs ont été mis au point par quelques ingénieurs malgré la réticence d’une partie des actionnaires et de la direction.

En conséquent, les Alfa 4 cylindres et 6 cylindres sont commercialisées parallèlement. Finalement, la 4 cylindres est abandonnée en 1928, tandis que la 6 cylindres se maintient jusqu'en 1930. Praga connaît dans la seconde moitié des années 1920 sa période la plus faste, et compte dans ses différentes activités près de 1 700 salariés.

En 1926, la Praga Alfa est renouvelée. Elle est équipée d’un 4 cylindres de 1 328 cm3, puis en 1927 d'un 6 cylindres de 1 496 cm3.

En 1929, apparaît la quatrième génération de la Praga Alfa. La cylindrée est portée à 1 795 cm3, et la puissance à 38 ch, ce qui autorise une conduite un peu plus sportive. C’est ainsi que l'Alfa remporte la course des " 1000 miles de la Tchécoslovaquie " avec une vitesse moyenne étonnante de 84 km/h sur route ouverte. En 1930 une version pick-up dite " Normandie " est lancée sur le marché tchèque. Elle plaît aux petits entrepreneurs. La production de l'Alfa s'arrête en 1933. Le nom réapparaîtra quatre ans plus tard.

En 1929, la Praga Alfa est renouvelée. Son moteur est désormais un 6 cylindres de 1 792 cm3 qui remplace le 6 cylindres de 1 496 cm3. Son empattement atteint 2,90 mètres.

En 1929, Praga s'associe avec Skoda pour réaliser un programme unifié de production et de vente. Pourtant, cette alliance ne dure que trois mois, en raison de la politique patriotique et agressive de Skoda. Pendant ce trimestre d'alliance, le groupe se dénomme " Motor ". En 1936, Praga est devancé pour la première fois par Skoda sur son marché intérieur.

La Praga Alfa est également disponible en cabriolet 4 portes. Les ouïes latérales sur le capot sont verticales et en rang serré.

La cinquième génération de l'Alfa est proposée en 1937. Son 6 cylindres de 2 492 cm3 développe 60 ch, et permet de rouler à 110 km/h. Elle présente des lignes beaucoup plus modernes, suivant la nouvelle tendance dite " streamline " née aux Etats-Unis. Cette dernière génération se distingue par l'adoption de vitres de sécurité, d'un autoradio Motorola et d'un système de chauffage perfectionné. C'est donc une automobile très élégante dotée d’un équipement de premier ordre.

La Praga Alfa fait un retour remarqué en 1937 après son abandon en 1933. Le nouveau modèle est très moderne d’aspect, et adopte les codes du mouvement " streamline " né au Etats-Unis au début la décennie.

Cette dernière Alfa marque le chant du cygne de Praga qui entre dès 1938 dans une zone de turbulence, en raison des ambitions démesurées d’Adolf Hitler, chancelier du Reich allemand. Celui-ci met la main sur la Tchécoslovaquie en mars 1939, après avoir annexé l’Autriche. La production de l'Alfa se poursuit jusqu’en 1941, sous le contrôle des Allemands. Au total, 9 257 exemplaires sont fabriqués entre 1913 et 1941, ce qui constitue l’un des plus gros succès de la marque. Quelques rares exemplaires sont encore assemblés en 1946 et 1947, à l'usage des autorités.

L'Alfa version 1937 est disponible dans une version limousine à six glaces latérales. Elle adopte la formule du pare-brise en deux parties qui se généralise chez de nombreux constructeurs à la fin des années 30. L'aspect général de la voiture lorgne vers le style américain.


1924/1942 : Praga Piccolo / Praga Baby


En 1924, la gamme Praga qui compte l'Alfa, la Mignon et la Grand est complétée avec un quatrième modèle, situé en puissance et en prix en entrée de gamme, en dessous de l'Alfa. Dotée d’un petit 4 cylindres de 720 cm3, la Piccolo (Pikolka en version originale) s’adresse aux familles modestes tout en conservant les qualités de robustesse et de fiabilité chères à Praga. Ses 10 ch entraînent cette auto de 640 kg à 65 km/h. Avec un empattement de 2,40 mètres, la Piccolo mesure 3,40 mètres de long, pour 1,32 mètre de large et 1,72 mètre de haut. Elle profite effectivement de la renommée de Praga, et se vend très bien en Tchécoslovaquie.

En 1924, Praga lance la Piccolo d’entrée de gamme. Le nom Piccolo signifie " petit " en italien. C'est une 720 cm3 qui évoque une Alfa ou une Grand en réduction.

En 1928, apparaît la deuxième génération. Les angles s'arrondissent, anticipant le style de la première moitié des années 1930. La cylindrée est portée à 995 cm3 et la puissance à 18 ch, ce qui permet de meilleures reprises, même s'il ne s'agit pas d'un foudre de guerre. En 1929, Praga fabrique 7 500 véhicules de tout type, soit plus que toutes les autres entreprises tchèques du secteur réunies.

La Praga Piccolo est renouvelée en 1928. Sa carrosserie est plus moderne, plus basse. En fait, la voiture s’apparente aux voitures européennes de cette époque.

Cette " élégante " semble très fière de rouler en Praga Piccolo cabriolet deux portes. L’empattement est maintenant de 2,60 mètres.

La Piccolo est disponible avec une vaste gamme de carrosseries, du cabriolet quatre places à deux portes jusqu'au plateau ridelles en passant par le fourgon de 300 kg de charge utile. En 1930, comme sur l'Alfa, une version pick-up " Normandie " est proposée. Elle présente une partie arrière en bois, et rencontre le même succès que sa grande soeur. La police tchèque en commande une cinquantaine dotées de petits sièges fixés dans la zone de chargement à l’arrière du véhicule.

En 1932, la Piccolo se dédouble. Outre la version 995 cm3 de 18 ch déjà connue, Praga propose une nouvelle Piccolo de 1 449 cm3 et 30 ch, qui roule à 100 km/h.

Dans la première moitié des années 1930, les caisses carrées de la décennie précédente s'arrondissent. Les angles s'émoussent. La Piccolo de 1 449 cm3 suit cette tendance.

Autre nouveauté, en 1934, la Super Piccolo de 1 660 cm3 et 35 ch propose un équipement standard particulièrement riche : dossiers réglables, klaxon électrique, feu stop, plafonnier avec interrupteur, essuie-glace électrique, indicateur de direction, pare-soleil, rideau de lunette arrière, etc … Cette voiture connaît un certain succès sur son marché domestique et à l'exportation.

La Piccolo est remplacée par la Baby en 1934. En 1935, la Super Piccolo laisse sa place à la Lady. La désignation Super Piccolo est conservée pour désigner une berline très aérodynamique présentée au Salon de Turin 1935.

Praga présente au Salon de Turin 1935 une nouvelle Super Piccolo, habillée d'une carrosserie aérodynamique, selon une mode qui finit par s'imposer partout en Europe.


En 1929, Praga fusionne avec ČKD, une sociétés d'ingénierie tchécoslovaque. La moto type BD de ČKD est reprise par Praga. Il s'agit d'une monocylindre 4 temps à double ACT de 500 cm3 conçue en 1927 par l’ingénieur Jaroslav František Koch (1893/1983). Elle adopte la désignation commerciale BD 500 DOHC. En 1932, Praga ajoute à sa gamme la BC 350 OHC. L'industriel tchèque met fin à la production des deux modèles en 1933. Près de 1 800 exemplaires ont été produits en quatre ans.

Malgré l'impact de la Grande Dépression, les années 1930 représentent la période la plus diversifiée de l'histoire de Praga. La marque continue de fabriquer des motocyclettes, des automobiles, des camions, des autobus et des trolleybus ...

Praga se lance aussi dans la fabrication de chars légers livrés à plusieurs armées, en Suède, en Suisse, en Roumanie, en Ethiopie, en Iran, au Pérou et bien sûr en Tchécoslovaquie. Mais le développement le plus important dans les années 30 est celui de la production aéronautique. Praga, avec le monomoteur Praga E114 " Air Baby ", marque le début d’une série d’avions civils et militaires.


En 1934, la Praga Baby succède temporairement à la Piccolo, en reprenant son 4 cylindres de 995 cm3 qui affiche ici 22 ch. La carrosserie adopte les dernières tendances aérodynamiques. Le châssis est nouveau et les roues sont indépendantes, ce qui améliore le comportement de l'auto sur routes dégradées. Lida Baarová, une célèbre actrice tchèque de l'époque, est la vedette d'un film promotionnel sur cette voiture. Avec la Baby, Praga propose au public une automobile fiable, peu coûteuse, moderne d'aspect. Elle est disponible en roadster à deux places, en cabriolet à quatre places et en tudor à quatre places.

En 1934, la Babby remplace temporairement la Piccolo au sein de la gamme Praga. Son style est nettement plus moderne. Son empattement est réduit à 2,54 mètres contre 2,60 mètres pour la Piccolo. 

Après une absence de deux ans, la quatrième génération de Piccolo remplace la Baby en 1936. Le 4 cylindres est porté à 1 128 cm3, et la puissance à 28 ch. La carrosserie adopte dans un format réduit le style " streamline " vu sur les récentes Alfa et Golden. La gamme comprend un coach, un cabriolet à quatre places et un roadster, ainsi que des dérivés utilitaires. Plus de 3 000 Piccolo sont fabriquées de 1936 à 1942, ce qui en fait à ce moment-là le modèle le plus populaire de la gamme. Au final, près de 18 000 exemplaires de la Piccolo sont produits entre 1924 et 1942.

La Praga Piccolo réapparaît en 1936 en remplacement de la Baby, au nom jugé peu valorisant. La carrosserie est modernisée et le capot s’allonge, même si son moteur n’est qu’un 1 128 cm3. L'empattement est revu à la hausse, 2,63 mètres. La carrière de la Piccola est interrompue par la guerre.


1935 : Praga Lady


En 1935, la Praga Lady remplace la Super Piccolo dont elle reprend le moteur 4 cylindres de 1 661 cm3 et 35 ch. Ce milieu de gamme attire des acheteurs sensibles à une consommation de carburant modérée, un faible coût des pièces de rechange, une grande fiabilité, un prix compétitif et une carrosserie attrayante. Sur un empattement de 2,65 mètres, la Lady est produite en berline quatre portes et en cabriolet deux portes, mais une version roadster est également fabriquée chez le carrossier Oldřich Uhlik à Prague.

La Praga Lady succède en 1935 à la Super Piccolo dont elle reprend le moteur 4 cylindres de 1 661 cm3.

En 1938, apparaît la seconde génération de Lady qui conserve le moteur initial. L'aspect de la carrosserie est modernisé. La conjoncture internationale modifie quelque peu les objectifs assignés à ce nouveau modèle. Elle conduit en effet à la naissance de dérivés peu en rapport avec son nom, comme des camionnettes, des pick-up et des ambulances. Certains exemplaires vont se retrouver sur les différents fronts de la guerre entre 1939 et 1945. Près de 4 000 Praga Lady sont produites, dont quelques-unes jusqu’en 1947, date à laquelle Praga abandonne définitivement la production automobile pour se consacrer à ses autres activités plus lucratives.

La Praga Lady est renouvelée en 1938, dans un style très américain. Son pare-brise est en deux parties. Quelques voitures sont encore produites après la guerre.


1935 : Praga Golden


La Super Alfa est proposée en 1935. Cette appellation s'inscrit dans la même logique que celle de la Super Piccolo de 1934. Le constructeur décide au dernier moment de changer ce nom en Golden, jugé plus prestigieux, et correspondant mieux à un statut de haut de gamme. La Praga Golden est effectivement une grande voiture de luxe, équipée d’un 6 cylindres de 3 468 cm3 délivrant 68 ch. Son empattement est de 3,50 mètres. Elle offre un certain standing, pour un prix inférieur à celui de la plupart de ses concurrentes étrangères. La République Tchèque achète deux de ces Golden à des fins de parade. Le président Edvard Beneš utilise lui-même une version cabriolet.

En 1935 apparaît la Praga Golden, un modèle de haut de gamme, dans un style " streamline " appuyé, qui lui donne un air de Renault Vivastella.

Une seconde génération apparaît en 1937. Elle voit sa cylindrée portée à 3 912 cm3 et sa puissance à 76 ch, ce qui lui permet d’atteindre les 130 km/h. Elle succombe à la mode du pare-brise en deux parties. La Golden achève sa carrière commerciale en 1938, avec 182 exemplaires produits en trois ans.

Alors qu'elle a été entre les deux guerres l'une des marques les plus réputées en Europe, Praga n'a jamais fait de grands tapages publicitaires. Ce constructeur s'est toujours contenté de travailler intensivement et silencieusement. Il s'agissait surtout de voitures de connaisseurs. Sa production a toujours été recherchée par une clientèle fidèle, appréciant ses qualités de sécurité et d'élégance, et sensible aux prix modérés de ses modèles.

Praga au Salon de Genève 1938


Praga durant la Seconde Guerre mondiale


La Seconde Guerre mondiale déclenchée en septembre 1939 conduit à une subordination totale des usines Praga aux forces d'occupation allemandes. Les ingénieurs et employés de Praga sont obligés de produire des engins militaires, principalement le char léger LT Pz38, ainsi que différents véhicules de transport. Praga parvient encore à fabriquer quelques voitures jusqu’en 1942, ainsi que des camions et des bus à destination de l’armée allemande. Mais lors du bombardement allié du 25 mars 1945, 90 % des installations sont détruites et l’activité de Praga est alors brutalement stoppée. C'est un coup dur pour les ingénieurs et les ouvriers qui y travaillent. Mais sans perdre de temps, ils se lancent avec l'élan des travailleurs libérés à la reconstruction des usines auxquelles ils sont attachés.


Praga après la Seconde Guerre mondiale


Après la fin du conflit, la Tchécoslovaquie est intégrée au bloc communiste, sous l’égide de l’Union Soviétique, au même titre que la Pologne, la Hongrie, la Roumanie, la Bulgarie, la Yougoslavie et la RDA (Allemagne de l’Est). Le constructeur Praga est nationalisé en octobre 1945. Son orientation industrielle est définie par la stratégie du bloc communiste. L'usine se spécialise dans la production de camions. Deux modèles sont fabriqués : le Praga V3S et le Praga S5T. En raison de leur réputation de fiabilité et de polyvalence, ceux-ci séduisent un large public de professionnels.

Praga V3S. Après la Seconde Guerre mondiale, Praga concentre ses activités sur la fabrication de camions.

Après une nouvelle réorganisation de l'industrie automobile tchèque en 1964, les usines Praga sont adaptées à la production de composants de transmission pour la majorité des camions fabriqués en Tchécoslovaquie. Cela conduit à retirer Praga de la carte des constructeurs pour les trente prochaines années.


Les nouvelles activités de Praga


Après l'effondrement du bloc soviétique, Praga est privatisé en 1989. La firme revient aux deux-roues en fabriquant une moto de cross et d'enduro. Les premiers prototypes sont présentés en 1997 et la production de l'ED 250 débute en 1999. Elle rencontre un certain succès en compétition. Toutefois, Praga arrête définitivement ce type de production en 2003. Les brevets et les outillages sont cédés à une société tchèque.

La production de motos chez Praga commence grâce au recrutement d'anciens ingénieurs et techniciens de la société Jawa. Les premiers prototypes sont présentés en 1997, et la production en série du type ED 250 commence en 1999. La Praga ED 250 doit lutter contre une concurrence redoutable. 226 exemplaires sont produits jusqu'en 2003.

A partir de 2001, Praga fabrique plusieurs types de camions. Ils portent le nom de modèles automobiles d'avant-guerre : Grand, Golden et Alfa. L'Alfa rappelle l'Unimog de Mercedes. Ces véhicules sont appréciés des entreprises privées et publiques, car particulièrement adaptés aux environnements de travail difficiles, comme l'entretien des routes et le métier de pompier.

Le Grand affiche un PTAC de 18 tonnes. Il est idéal pour le transport de matériaux, et il peut recevoir plusieurs adaptations, comme une lame, une citerne, une grue ...

Le nom de Praga réapparaît en 2010, par le biais du petit constructeur slovaque K-1 Engineering et de l’équipe de course Race 4 Slovakia. En juin 2011, Praga dévoile une voiture de course, la Praga R4. Elle est équipée d'un 8 cylindres de 520 ch, mais elle n'est pas homologuée pour la circulation sur la voie publique. Le propriétaire de Praga, Petr Ptáček, la met en conformité avec cet usage. Cela donne naissance en 2016 à la Praga R1R. Cela fait alors près de 70 ans qu'une nouvelle Praga n'a pas vu le jour. En 2023, Praga monte d'un cran, et présente la Bohema, une hypercar affiché au prix de 1,28 million d'euros.

La Praga R1R utilise un moteur Renault 2 litres Turbo 4 cylindres en ligne, d’une puissance de 390 chevaux. Son aileron arrière plaque la voiture au sol, ce qui permet à la R1R d’enchaîner des virages à des vitesses record. Cette monoplace de 690 kg est composée d’une carrosserie et d'un châssis monocoque en carbone. L'habitacle est dépouillé. Il faut débourser 190 000 € pour se l’offrir. Une place supplémentaire peut être ajoutée pour partager les plaisirs procurés par ce bolide.

La Praga Bohema est dévoilée le 24 novembre 2022. Cette supercar doit être produite à 89 exemplaires au total à partir de 2003. 89 fait référence au 89e anniversaire de la victoire de Praga aux " 1000 miles de Tchécoslovaquie " de 1933. Le pilote français Romain Grosjean participe aux essais de mise au point.

Parallèlement à l'hypercar Bohema, Praga prévoit de produire à partir de 2023 vingt-huit exemplaires de la ZS 800, une moto qui sera vendue 86 000 euros HT. C'est une sorte de " revival néo-rétro " de la Praga 500 des années 20. L'idée a été développée par Jan Zuzi, un ingénieur qui travaille en parallèle sur la Bohema. La ZS 800 ne pèse que 158 kg. Le moteur est un 773 cm3 emprunté à la Kawazaki W800. Pour ressembler à l'originale, Praga renonce aux freins à disques pour n'utiliser que des tambours à l'avant et à l'arrière.

La ZS 800 utilise des matériaux rares : roues en carbone, échappement, écrous et boulons en titane. Certains éléments sont fabriqués à l'aide d'une imprimante 3D.

Texte : Jean-Michel Prillieux / André Le Roux
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