Hino, une incursion rapide dans l'automobile


Hino est un constructeur japonais de poids lourds qui existe encore aujourd’hui, et qui a tenté une incursion dans l’automobile entre 1953 et 1967. Hino est passé sous le contrôle de Toyota à la fin des années 60.


Après la Seconde Guerre mondiale, alors que le Japon est en train de se reconstruire lentement après sa cuisante défaite de 1945 face aux armées américaines, le gouvernement japonais par l’intermédiaire du MITI (Ministry of International Trade and Industry) annonce en 1949 vouloir développer l’industrie automobile locale, afin que la population puisse à l’instar des autres pays développés utiliser ce moyen de transport moderne et synonyme de liberté. A partir de 1950, plusieurs constructeurs japonais se lancent donc dans cette industrie encore très marginale sur le continent asiatique avant-guerre, et certains décident de passer des accords de licence avec des constructeurs étrangers, comme Mitsubishi avec l’américain Kaiser (Henry J) en 1951, Nissan avec le britannique Austin (A 50) en 1956, Isuzu avec le britannique Hillman (Minx) en 1956 et Hino avec le français Renault (4 CV) en 1953. Hino est un constructeur de véhicules utilitaires depuis 1917 et voit au début des années 50 un bon moyen de s’immiscer sur le marché de la voiture de tourisme.


1953 : Hino commence à produire la Renault 4 CV sous licence


Hino prend contact avec la Régie Renault dès 1951. A l’époque, la marque française nationalisée en 1945, peu après la mort de son fondateur Louis Renault, fabrique dans son usine de Boulogne-Billancourt la petite berline 4 CV, ainsi que la berline Frégate 11CV, la Colorale et le break Juvaquatre. Pour Hino, la berline 4 CV apparaît comme étant la voiture idéale pour la clientèle japonaise de l’époque, et le constructeur demande à la Régie de pouvoir produire ce modèle sous licence pour le marché local. Après certaines hésitations dues aux droits de propriété et d’exportation, l’état-major de Renault accepte finalement la proposition, et le contrat de partenariat entre les deux entreprises est signé le 26 février 1953. La première voiture est assemblée en juin 1953, à partir de pièces détachées (CKD) en provenance de France.

La Renault 4 CV est produite par Hino sous licence entre 1953 et 1961 pour le marché japonais. Le modèle connaît son petit succès jusqu’à la fin des années 50, car à l’époque l’industrie automobile japonaise en est à ses tout premiers balbutiements et la concurrence se fait rare.

Les premiers exemplaires sont en grande majorité destinés aux compagnies japonaises de taxis, mais bientôt l’ensemble des Japonais pourront acquérir le modèle, après plusieurs mois d'attente pour la livraison.  Afin de pallier au mauvais état des routes au pays du Soleil Levant, des modifications sont apportées à la voiture au niveau des trains roulants et des suspensions. A l’extérieur, le modèle produit par Hino reçoit une calandre personnalisée, des clignotants sous les phares, des pare-chocs différents et surtout une lunette arrière de plus grande dimension.  Les années 1954 et 1955 sont encourageantes car la voiture est bien accueillie par la clientèle japonaise qui apprécie son allure sympathique et sa fiabilité. A partir de 1957, la 4 CV est entièrement produite sur place. Au total, 34 853 exemplaires sont produits entre 1953 et 1961.


A partir de 1956, Hino veut concevoir ses propres modèles


Alors que Renault lance la Dauphine en 1956, qui va remplacer progressivement la 4 CV, Hino travaille à la remplaçante de la 4 CV japonaise. La Régie ayant montré la Dauphine à l’état-major du constructeur japonais, et s’étant vu d’ailleurs refuser la fabrication de ce nouveau modèle sur le site japonais, Hino s’inspire de la Dauphine pour créer la future Contessa qui sera lancée en 1961. Les constructeurs japonais ont en effet décidé vers la fin des années 50 de concevoir des automobiles par eux-mêmes, ce que feront les Coréens vingt ans plus tard et les Chinois quarante ans plus tard. En ce qui concerne Hino, la nouvelle berline doit être plus moderne et plus cossue que la 4 CV tout en étant de dimensions légèrement supérieures. Le premier prototype est finalisé en 1958. Le modèle définitif est dévoilé en mars 1961 et commercialisé un mois plus tard. La Contessa est précédée par un petit utilitaire à traction avant et cabine avancée, baptisé Commerce (code PB), qui s’inspire techniquement et esthétiquement  de l’Estafette Renault lancée en 1959, premier modèle traction avant de la marque française.

Hino propose en 1961 et 1962 une fourgonnette Commerce dérivée de la Contessa 900, qui s'inspire manifestement de l'Estafette Renault, dans un format moindre. 

Cela tend à prouver que les stagiaires de chez Hino qui se sont rendus de nombreuses fois chez Renault ont vu l’Estafette et l’ont certainement analysé sous toutes les coutures. Il est d’ailleurs amusant de constater que la marque Hino propose en 1961 trois modèles complètement différents au niveau technique : une camionnette à moteur avant et traction avant, une berline à moteur arrière et propulsion et un pick-up baptisé Briska (code FG) à moteur avant et propulsion, les trois modèles partageant le même moteur quatre cylindres de 893 cm3.

Le pick-up Hino Briska lancé en avril 1961 est fabriqué jusqu’en avril 1967, avec le moteur de la Contessa 1300 qu’il reprend à partir d’avril 1965 (15 036 exemplaires seront fabriqués avec ce moteur), puis il est rebadgé Toyota Briska de 1967 à 1968, après le rachat de Hino par Toyota. Le modèle est remplacé en 1968 par le Toyota Hilux dont plusieurs générations se succéderont jusqu’à aujourd’hui, avec le succès que l’on sait.


1961 : Hino Contessa 900


Dessinée par Masanori Takato dont en prétend qu’il n’avait alors aucune expérience dans le design automobile, la berline Contessa 900 évoque une Dauphine avec des angles saillants correspondant mieux au goût de la clientèle du début des années 60. La carrosserie au style ponton marque en tout cas un net progrès par rapport à la 4 CV au style passé de mode. La partie arrière évoque la Renault Floride lancée en 1958, les ailes rappellent celles de la Simca P60 commercialisée elle aussi en 1958. L’ensemble de la carrosserie est dans la mouvance des Hillman Minx, Fiat 1100 et Alfa Roméo Giulietta contemporaines.

Malheureusement, ce style se démode vite et une nouvelle mouture est lancée dès 1964, dessinée cette fois par l’italien Michelotti. En attendant, la Contessa 900 reprend plusieurs éléments techniques à la 4 CV qu’elle remplace, et son moteur arrière de 893 cm3 qui développe 35 ch est assez proche du 845 cm3 de 30 ch de la Renault Dauphine. Sa longueur de 3,80 mètres se situe entre les 3,66 mètres de la 4 CV  et les 3,95 mètres de la Dauphine. L’habitacle rappelle celui de la Dauphine qui est devenue entre 1957 et 1961 la voiture la plus vendue en France.

La Hino Contessa 900 lancée en 1961 succède à la 4 CV japonaise. La carrosserie évoque une Dauphine à laquelle on aurait greffé des parties avant et arrière dotées d’angles saillants. L’ensemble est peu gracieux mais acceptable comparé à la plupart des voitures japonaises de cette époque.

Hino voudrait bien un pareil destin pour la Contessa, mais malheureusement, la situation au Japon n’est pas la même qu’en France. En 1961, Nissan produit 77 000 voitures, Toyota 74 000, Mazda 32 000, Subaru 23 000, Isuzu 11 000 et Mitsubishi 8 000, alors que Hino fabrique 83 559 véhicules légers en quatre ans (de 1960 à 1964) soit une moyenne de 21 000 par an, ce qui place la marque loin derrière Nissan, Toyota et Mazda. Ce volume se décompose en 47 299 Contessa 900, 33 916 pick-up Briska et 2 344 camionnettes Commerce.

La Contessa 900 S est proposée en 1963 avec le même moteur, mais avec une puissance portée à 40 ch, ce qui autorise une vitesse maximale de 115 km/h au lieu de 110 km/h. Une peinture bicolore - comme sur une Hillman Minx - est disponible sur les derniers modèles, et le constructeur monte une boite de vitesses à quatre rapports au lieu de trois, dernier héritage des Renault 4 CV et Dauphine. Libéré du contrat avec la marque de Billancourt, Hino exporte sa Contessa en Asie du Sud-Est, en Afrique et même au Canada. Le modèle est assemblé au compte-gouttes en Israël à partir de janvier 1964.

Entre 1964 et 1968, Hino produit en Israël en partenariat avec un industriel local près de 8 000 voitures à partir de pièces expédiées depuis le Japon en CKD.


1962 : Hino Contessa 900 Sprint


Hino dévoile un très joli coupé au Salon de Turin en novembre 1962. Ce coupé long de 3,83 mètres dérive de la Contessa 900. Il arbore une carrosserie beaucoup plus moderne, rappelant le coupé Simca 1000 présenté au Salon de Genève quelques mois plus tôt, en mars 1962. Ce n’est pourtant pas Bertone le maître d’œuvre de ce charmant coupé 2 + 2 mais Giovanni Michelotti, un autre grand designer italien de cette époque. Baptisé Contessa 900 Sprint, une dénomination qui rappelle irrésistiblement le coupé Alfa Romeo Giulietta Sprint de Bertone, le modèle met en valeur la marque japonaise sur le stand du salon tout en annonçant une nouvelle génération de Contessa qui sera lancée en 1964.

Le coupé Hino Contessa 900 Sprint présenté en novembre 1962 apporte le design italien sur le territoire japonais, et ça change tout. Le modèle dessiné par Michelotti est très gracieux, rappelant les lignes du coupé Simca 1000 dessiné par Bertone et dévoilé quelques mois plus tôt au Salon de Genève.

Plus léger que la berline Contessa 900, et doté d’un moteur poussé à 45 ch, le coupé Sprint peut atteindre une vitesse maximale de 140 km/h. Ses sièges baquets, son volant Nardi et son levier de vitesses au plancher évoquent la sportivité, domaine encore inexploré par la marque Hino. Malgré la présentation du modèle sur plusieurs salons automobiles internationaux en 1963, le coupé Contessa 900 Sprint reste un modèle unique. Il affirme cependant la nouvelle orientation stylistique du constructeur japonais et officialise son nouveau partenariat avec Michelotti, qui travaille déjà pour Triumph, Glas et Daf.


1964 : Hino Contessa 1300


C’est en septembre 1964 qu’est lancée la nouvelle Hino Contessa, qui cette fois est dotée d’un moteur plus gros de 1 251 cm3, d’où son nom Contessa 1300. Ce moteur qui développe 54 ch permet une vitesse maximale de 130 km/h. La nouvelle berline dessinée par Michelotti présente des lignes rappelant la Renault 8 lancée en 1962, mais également la Triumph 2000 de 1963 elle aussi dessinée par Michelotti, dans des proportions toutefois plus modestes. En effet, la Hino ne dépasse pas 4,15 mètres, soit 27 centimètres de moins que la Triumph, mais 35 centimètres de plus que l’ancienne Contessa 900. De par sa motorisation et ses dimensions, la nouvelle Contessa 1300 monte en gamme par rapport à la 900, elle est même plus longue de 15 centimètres que la Renault 8 qui succède à la Dauphine. Son moteur est aussi plus gros que celui de la Renault 8 qui se contente d’un moteur de 956 cm3 puis 1 108 cm3.

La Hino Contessa 1300 lancée en 1964 succède à la Contessa 900. La carrosserie dessinée par Michelotti rappelle le style des Triumph contemporaines signées du même designer, avec une touche de Renault 8 et de Chevrolet Corvair. L’ensemble est bien plus élégant que le dessin de la Contessa 900.

Malgré sa partie avant qui intègre quatre phares, comme sur un modèle de haut de gamme, singeant la Chevrolet Corvair à moteur arrière, sa carrosserie élégante et bien proportionnée est malheureusement moins gracieuse que celle du coupé 900 Sprint. Pour tenter de se faire pardonner, Hino décide de commercialiser un coupé deux portes plus classique qui reprend toute la partie avant de la berline et qui est lancé en avril 1965. Ce modèle bénéficie d’un soin tout particulier à l’intérieur, avec un tableau de bord à cadrans ronds et recouvert de faux bois et une sellerie spécifique. Son moteur est le 1 300 cm3 de la berline dont la puissance est portée à 65 ch, ce qui autorise une vitesse maximale de 145 km/h.

A défaut de commercialiser le coupé Sprint, Hino ajoute une version coupé à sa Contessa 1300, dont toute la partie avant est reprise de la berline. Cette version représentera seulement 7 % des ventes totales de Contessa 1300. Les ventes de la berline et du coupé se poursuivront jusqu’en 1969.

A partir de novembre 1965, la berline peut recevoir la mécanique du coupé, elle devient alors Contessa 1300 S. Sa vitesse maximale est de 140 km/h, soit 10 km/h de mieux que la Contessa 1300 à moteur 54 ch. L’absence d’une version break est compréhensible, vu la position du moteur à l’arrière. La Renault 8 connaît le même inconvénient. Seul un moteur à plat aurait permis de réaliser ce type de carrosserie, à l’instar des Volkswagen 1500 et 1600. La Contessa 1300 adopte en effet toujours le moteur à l’arrière, comme la Contessa 900, et comme les Renault 4 CV, Dauphine et R 8. A l’époque, cette technique est cependant sur le déclin. Seuls Renault, Simca, Hillman, Fiat, Volkswagen et NSU persistent à commercialiser ce type de modèles en Europe, mais plus pour très longtemps.

Les Autobianchi Primula et Austin/Morris 1100 à traction avant et moteur à l’avant annoncent les voitures du futur. Au Japon, certaines voitures continuent à être dotées de moteur arrière mais elles sont de plus en plus rares. La Contessa 1300 fait donc partie d’une espèce en voie de disparition. En outre, Hino a des moyens financiers trop faibles pour pouvoir affronter la concurrence de Toyota, Nissan ou Mazda, et la Contessa 1300 peine à s’imposer sur le marché japonais. Elle ne rencontre pas l’accueil espéré par son constructeur. Hino atteint son apogée en 1965 avec seulement 26 000 unités produites, alors que Toyota fabrique déjà 236 000 voitures, Nissan 170 000 et Mazda 81 000. La production de Hino tombe à 20 000 unités en 1966.

Cette Toyota Corona troisième du nom apparue en 1964 symbolise l'irrésistible ascension de Toyota. C'est l'un des premiers modèles japonais largement diffusé à travers le monde. Face à ce géant de l'industrie japonaise, Hino n'aura pas d'autre choix que de s'incliner.

A partir de ce moment, le constructeur juge opportun de se retirer progressivement du marché de la voiture de tourisme. La production de la Contessa 1300 est donc arrêtée en 1967, mais il s’en vend sur stock jusqu’en 1969. Au total, Hino a produit 55 029 Contessa 1300 entre 1964 et 1967, dont 3 872 coupés.


1966 : Hino Contessa 1300 Sprint


Le coupé Contessa Sprint réapparaît au Salon de Paris, en octobre 1966, avec peu de modifications par rapport à la version de 1962. Mais cette fois la carrosserie est en polyester renforcé de fibre de verre, comme sur les Alpine Renault et les CG à moteur Simca. De plus, la cylindrée du moteur de la Contessa est portée à 1 286 cm3 (au lieu de 1 251 cm3) et la puissance à 90 ch, ce qui autorise une vitesse maximale de 170 km/h. Par rapport au modèle 900 Sprint de 1962, le coupé Contessa 1300 Sprint est reconnaissable extérieurement à l’absence des ouies latérales. Hino dote son coupé de quatre freins à disque, ce qui n’est pas courant à cette époque. Malheureusement, ce modèle n’est pas non plus commercialisé et seuls quelques prototypes voient le jour.

Présenté au Salon de l'automobile de Paris en 1966, ce prototype est aussi appelé la Hino Alpine. Ce Coupé est mu par un moteur 1300 de Contessa revisité par Alpine. La carrosserie est réalisée en fibre de verre alors que le châssis est en tout point similaire à celui de la Berlinette Alpine. A nouveau, une production en série est envisagée mais abandonnée.  Source : http://www.automobiles-japonaises.com

L’année 1966 est aussi l’année des déconvenues pour la marque Hino, notamment à l’exportation. L’usine israélienne qui produit la Contessa en CKD connaît des problèmes d’approvisionnement. L’implantation d’une usine aux Pays-Bas subit d’autres difficultés. Finalement, on n’y assemblera en faible quantité que des camions Hino. Les retards entre la prise de décision et la concrétisation du projet font que l’usine néerlandaise n’est plus du tout d’actualité au moment où le constructeur japonais décide de stopper son activité automobile.

L'importateur français de Hino, la société E. Dujardin installée à Charenton et Avenue de la Grande Armée à Paris n'a eu ni la patience ni les moyens d'imposer ces voitures exotiques dans l'Hexagone. Après deux années de commercialisation, Hino se retire de France. L'importation dans notre pays a été un coup d'essai, pas vraiment un coup de maître. Quelques années plus tard, Honda, Nissan et Toyota dotés de moyens plus conséquents  et d'une plus grande expérience automobile renouvelleront l'offensive. Celle-ci sera enfin couronnée du succès après de longues années de persévérance.


1967 : Rachat de Hino par Toyota


En 1967, après des négociations menées entre les deux constructeurs, Toyota rachète Hino et décide de supprimer définitivement la gamme de voitures du petit constructeur japonais, tout en concentrant la marque sur la production de poids lourds.  Au total, Hino a fabriqué 188 475 voitures entre 1953 et 1967. Depuis lors, Hino ne fabrique plus que des camions et des bus, au sein du groupe Toyota.

Texte : Jean-Michel Prillieux
Reproduction interdite, merci.

Retour au sommaire de Marques disparues - Retour au sommaire du site