Daf, la transmission automatique pour tous


DAF est une marque de poids lourds qui s’est diversifiée dans l’automobile à partir de 1959. Après le choc pétrolier de 1973/1974, la firme se trouve en difficulté. Elle est rachetée en 1975 par Volvo qui complète ainsi sa gamme à bon compte. La marque DAF disparaît en 1976.


La firme DAF (Doorne Automobiel Fabrieken) est créée par la richissime famille Van Doorne en 1928 à Eindhoven aux Pays-Bas. Mais elle construit des poids lourds seulement à partir de 1949, et des voitures à partir de 1959. Elle se spécialise dans la production de petites voitures à transmission automatique dite " Variomatic ".

Sa production dépasse le rythme des 20 000 unités par an seulement à partir de 1964, puis atteint 30 000 en 1965, 33 000 en 1966, 49 000 en 1967, 58 000 en 1968, 61 000 en 1969, 67 000 en 1970, 78 000 en 1971 et 87 000 en 1972. Les années suivantes qui coïncident avec la première grave crise pétrolière sont celles du déclin : 85 000 en 1973, 70 000 en 1974 et 61 000 en 1975. Le constructeur en difficulté ne trouve son salut que par son rachat par le constructeur suédois Volvo.

Les modèles DAF deviennent alors les modèles d’entrée de gamme de la firme Volvo. Leur fabrication se poursuit jusqu’en 1980 sur le site de Born, dont l’activité a démarré en 1967. Cette usine permet un accroissement notable de la production de la marque DAF. Elle est vendue à Mitsubishi en 2001 qui la revend à son tour au groupe VDL en 2012. Aujourd’hui, le site de Born qui appartient toujours à VDL produit des Mini et des BMW X1 qui partagent la même plateforme. 


1958 : rachat de Minerva et lancement de la DAF 600


L’entrée de DAF dans la production automobile coïncide avec le rachat de la firme belge Minerva par le constructeur néerlandais, sans doute parce que cette ancienne marque de luxe, tombée en désuétude après la Seconde Guerre mondiale, peut conseiller DAF sur les diverses modalités de la production automobile, inconnues jusqu’alors par le constructeur de poids lourds DAF. La production de voitures et celle de camions sont en effet deux savoir-faire complètement différents.

Alors que Minerva disparaît pour toujours, DAF dévoile en 1958 sa première voiture, la 600, une petite berline tricorps de 3,61 mètres de long, dessinée sans grande originalité par Johan van der Brugghen. Elle est dotée de deux portes et d’une boite de vitesses automatique à variateur, dite " Variomatic " qui va devenir la signature de la marque néerlandaise jusqu’à son extinction en 1976. La DAF 600 est dotée d’un moteur à deux cylindres à plat de 590 cm3 développant 22 ch, qui lui permet d’atteindre une vitesse maximale de 96 km/h. Sa production débute en 1959 aux côtés des camions DAF et s’achève en 1963, totalisant 30 563 exemplaires.

La DAF 600 est la première automobile produite par la marque néerlandaise. Fabriquée de 1959 à 1964 à Eindhoven, elle est la première voiture équipée de la fameuse transmission " Variomatic ".


1961 : lancement de la DAF 30 ou Daffodil


La DAF 30 lancée en 1961 est une version peu différente de la DAF 600, mais sa calandre est plus large et plus moderne, et l’aménagement intérieur est un peu moins austère. Surnommée " Daffodil " (jonquille en anglais), la DAF 30 est dotée d’un moteur un peu plus gros, un deux cylindres à plat de 746 cm3 développant 26 ch, qui lui permet d’atteindre 105 km/h. Elle reprend bien sûr la transmission automatique de la 600.

Complétée par la DAF 31 en 1963, puis par la DAF 32 en 1965, versions un peu plus cossues, la DAF 30 poursuit sa carrière jusqu’en 1967, date à laquelle elle est remplacée par la DAF 33, premier modèle à être intégralement fabriqué sur le nouveau site de Born inauguré en juin 1968 par Juliana, la reine des Pays-Bas. Au total, les " Daffodil " totalisent 23 045 exemplaires produits. La grande majorité des voitures est achetée par la clientèle féminine qui apprécie particulièrement la transmission à variation continue proposée par le constructeur néerlandais. A noter que ce système est l’ancêtre de nos actuelles boites de vitesses CVT.

La DAF 30 ou " Daffodil " lancée en 1961 est une évolution de la DAF 600. Son moteur est un peu plus gros (750 cm3) et sa partie avant est redessinée (calandre plus large, phares de plus grand diamètre).

La DAF 33 lancée en 1967 est une simple évolution stylistique des " Daffodil ". Retouchée par Michelotti, qui travaille alors notamment pour BMW, Glas et Triumph, la DAF 33 reçoit un excellent accueil en Europe, puisque 131 621 exemplaires sont fabriqués sur le site de Born entre 1967 et 1974. Son moteur est toujours le 746 cm3 des " Daffodil " poussé à 28 ch. La carrosserie plus anguleuse prend deux centimètres en longueur, soit 3,63 mètres. A noter que la DAF 33 est aussi disponible dans des versions van et pick-up peu demandées.

Lancée en 1967, la DAF 33 est une simple évolution de la " Daffodil " lancée en 1961. Sa carrosserie bénéficie d’un pare-brise agrandi, d’un toit modifié et d’une nouvelle calandre. La DAF 33 vendue moins chère que la DAF 44 réussit à trouver sa propre clientèle.


1966 : lancement de la DAF 44


Lancée en 1966, soit un an avant la DAF 33, la DAF 44 est dotée d’une toute nouvelle carrosserie dessinée par Michelotti dans un style moderne rappelant les Triumph de l’époque, du même designer. Toujours pourvue de deux portes - il n’y aura jamais de DAF à quatre portes - la nouvelle voiture de 3,85 mètres de long est motorisée par un deux cylindres à plat de 844 cm3 développant 34 ch, marquant un progrès appréciable par rapport aux modèles précédents. Mais le constructeur ne commet pas l’erreur de proposer un modèle trop différent des " Daffodil ", ni de se placer trop rapidement sur le segment du haut de gamme, à la manière de Glas par exemple. La montée en gamme se fait lentement et progressivement.

La DAF 44 lancée en 1966 est dotée d’une toute nouvelle carrosserie dessinée par l’italien Michelotti, qui travaile à l’époque pour BMW, Glas et Triumph. Son moteur est un 850 cm3. La DAF 44 devient le modèle le plus vendu de la marque.

La DAF 44 est un véritable succès puisque 167 902 exemplaires sont produits entre 1966 et 1974. La simplissime transmission automatique à variation continue est de plus en plus appréciée et reconnue par une frange de la clientèle européenne, et même la clientèle masculine - souvent âgée - est maintenant largement convaincue par les avantages de cette transmission originale et efficiente, c’est-à-dire un système qui aboutit à de bons résultats avec le minimum de dépenses.


1967 : lancement de la DAF 55


Lancée en 1967, soit un an après la DAF 44, la DAF 55 est semblable à part la calandre, mais son moteur évolue sensiblement puisqu’il s’agit d’un quatre cylindres de 1 108 cm3 développant 45 ch. En réalité, ce moteur est le Renault " Cléon Fonte " monté sur les Renault 8, Renault 10 et Renault Caravelle, et que l’on verra par la suite sur les Renault 4 et Renault 6. DAF a en effet passé un accord avec la Régie Nationale pour lui fournir ce moteur en grand nombre. Du coup, la DAF 55 peut atteindre une vitesse maximale de 136 km/h soit 10 km/h de plus qu’une DAF 44.

Lancée en 1967, la DAF 55 est dotée de la même carrosserie que la DAF 44, mais elle est équipée d’un moteur Renault de 1 100 cm3, le fameux " Cléon Fonte ". La DAF 55 devient ainsi le modèle le plus performant de la marque.

La DAF 55 est disponible dans deux versions inédites, rendues possibles par la présence du moteur Renault, il s’agit des versions break et coupé. Grâce à son toit abaissé, le coupé peut atteindre 140 km/h. On en voit certains participer à divers rallyes automobiles. Au total, la DAF 55 est un bon succès, puisque 153 263 exemplaires sortent de l’usine de Born entre 1967 et 1972. 

La DAF 55 est disponible en version coupé qui se différencie par un toit légèrement abaissé et une courbure de toit différente à l’arrière. Michelotti a réussi à rendre élégante une voiture de moins de 4 mètres de long, ce qui n’est pas une tâche facile.


1972 : lancement de la DAF 66


Lancée en 1972, la DAF 66 est une évolution de la DAF 55 qu’elle remplace. Elle s’en différencie par une nouvelle calandre plus moderne dessinée par Michelotti. Son moteur est toujours le 1 108 cm3 d’origine Renault poussé à 47 ch, et dont la nouvelle version sportive dite " Marathon " atteint 55 ch.

Toujours motorisée par le 1 100 cm3 Renault, la DAF 66 ne survit que trois ans, car le suédois Volvo rachète DAF en 1975. Dès lors, la DAF 66 devient la Volvo 66.

Comme la DAF 55, la DAF 66 est disponible en berline deux portes, en break et en coupé. Les versions Marathon possèdent deux phares ronds longue portée supplémentaires dans la calandre. Ultime évolution des DAF produites sur le site de Born, les versions Marathon reçoivent en 1973 le moteur quatre cylindres de 1 289 cm3 développant 57 ch monté sur les Renault 12. Ces modèles à moteur 1,3 litre sont toutefois vendus en faible quantité. Au total, 146 297 DAF 66 sont produites sur le site de Born entre 1972 et 1975, ce qui demeure le dernier grand succès de la marque.

La DAF 66 est proposée en version coupé, comme la DAF 55 qu’elle remplace, avec en plus une variante Marathon plus puissante, et dotée de deux phares supplémentaires dans la calandre.

Comme la DAF 55, la DAF 66 est proposée en version break, avec également une variante Marathon. Ce break est alors l’un des plus petits du marché, si l’on excepte les minuscules Fiat Giardiniera et Autobianchi Panoramica.


1974 : lancement de la DAF 46


Lancée en 1974, en pleine crise économique due au choc pétrolier d’octobre 1973, la DAF 46 est une simple évolution de la DAF 44 qu’elle remplace. Elle se substitue également la DAF 33 dont les origines remontent à 1967. Le nouveau modèle, quasiment identique à la DAF 44, conserve le deux cylindres à plat de 844 cm3 et 34 ch, alors que ce moteur est complètement passé de mode, comme la carrosserie du reste.

Lancée en 1974, la DAF 46 est une simple évolution de la DAF 44. Dotée d’un 850 cm3, elle remplace à la fois les DAF 33 et DAF 44, jouant le rôle de modèle de base de la marque en cette période de crise économique due au choc pétrolier d’octobre 1973.

Lorsqu’on se remémore les années fastes de DAF (entre 1966 et 1973), on se demande où est passé l’argent, c’est-à-dire où sont les investissements de l’entreprise permettant de moderniser sa gamme, après avoir accumulé les profits pendant sept années de vaches grasses. La déception de la clientèle est grande, aussi grande que celle des analystes financiers qui considèrent que la marque néerlandaise s’est endormie sur ses lauriers, et que les marges de l’entreprise n’étaient finalement pas si élevées que ce que l’on aurait pu penser.

Certains redoutent alors que le destin de DAF prenne le même chemin que celui de Borgward ou de Glas. Seulement 32 353 exemplaires de la DAF 46 sont écoulés entre 1974 et 1976. Avec le recul, on considère la DAF 46 comme un modèle de circonstance, qui a du répondre à la crise pétrolière de l’époque, en tirant les prix le plus possible vers le bas.


1975 : reprise de DAF par Volvo


Les analystes financiers ont vu juste, le constructeur automobile DAF est en grande difficulté en 1974. Les ventes s’effondrent et la faillite semble inéluctable. La DAF 66 lancée en 1972 est une version à peine modernisée de la DAF 55. Et il s’agit toujours d’une petite voiture à l’ancienne, plus proche d’une NSU Prinz que d’une Renault 5 beaucoup plus moderne. Cette dernière est aussi lancée 1972, et révolutionne le marché de la petite voiture, où s’engouffrent sans tarder les Peugeot 104 (1972), Audi 50 (1974), Volkswagen Polo (1975), Ford Fiesta (1976), Citroën Visa (1978), Austin Metro (1980), Talbot Samba (1981) et Opel Corsa (1982).

Lancée en 1975, juste après le rachat de DAF par Volvo, la Volvo 66 est ni plus ni moins une DAF 66 dotée de pare-chocs proéminents, selon la mode récemment appliquée sur tous les modèles Volvo. On remarque le nouveau logo sur la calandre.

Au lieu d’attaquer directement ce nouveau marché, DAF désire monter en gamme, pour contrer les compactes Volkswagen Golf, Opel Kadett et Ford Escort, alors incontournables. Cette catégorie représente selon le néerlandais un marché beaucoup plus lucratif que celui des petites voitures. Celle qui est conçue dans ce but et qui doit s’appeler DAF 77, n'est prête qu’en 1976. Ce nouveau modèle aux dimensions comparables à celles d’une Golf sort effectivement, mais sous la marque Volvo. En effet, Volvo vient de racheter le constructeur néerlandais en 1975. Ce rachat permet à la firme suédoise d’augmenter ses capacités de production par l’acquisition d’une nouvelle usine et d’élargir sa gamme vers le bas. DAF n’aurait certainement pas pu se développer tout seul, et ce rachat est considéré par les milieux économiques comme une miraculeuse bouée de sauvetage pour le constructeur néerlandais.

En attendant, la DAF 66 devient Volvo 66 avec de nouveaux pare-chocs proéminents, façon Volvo. Ce modèle est produit à 106 000 exemplaires entre 1975 et 1980. Mais le modèle vedette de la nouvelle filiale néerlandaise de Volvo est effectivement en 1976 la nouvelle 340 - ex DAF 77 - qui est disponible pour la première fois avec une transmission mécanique, preuve que Volvo ne croit pas vraiment à l’avenir des " Variomatic ". La 340 se situe idéalement dans la gamme Volvo entre la petite 66 et les grandes berlines 240/260. C'est la dernière voiture entièrement conçue par DAF.

Conçue par DAF et prévue pour être lancée sous le nom DAF 77, cette voiture sort en 1976 sous le nom Volvo 340. Alors que la Volvo 66 est supprimée dès 1980, la Volvo 340 est commercialisée jusqu’en 1991. Comme la Volvo 66, la Volvo 340 est équipée de moteurs Renault.

La Volvo 340 est remplacée en 1988 par la Volvo 440, voiture entièrement conçue par le constructeur suédois. 685 000 voitures de tous types sont produites par DAF jusqu’à son rachat par Volvo, et si l’on ajoute les Volvo 66 qui ne sont que des DAF 66 rebadgées, le total atteint près de 800 000 véhicules.

La branche poids lourds de DAF continue sa route sans Volvo, avant de fusionner avec le constructeur britannique Leyland alors au bord de l’agonie - il s’agit en réalité d’une reprise de Leyland par DAF - puis d’être rachetée à son tour par le groupe américain Paccar, propriétaire des marques Kenworth et Peterbilt, groupe spécialisé dans la production de poids lourds.


Epilogue


L’usine de Born change plusieurs fois de propriétaire après la reprise de DAF par Volvo en 1975. En 1991, l'usine devient une coentreprise détenue à un tiers par Volvo, un tiers par Mitsubishi et un tiers par l'état hollandais. Volvo veut en effet collaborer à cette époque avec Mitsubishi pour renouveler sa gamme basse. Le résultat de cette collaboration est le lancement des Volvo S40/V40, héritières de la Série 400, et de la Mitsubishi Carisma. Ces voitures qui partagent la même plateforme sont produites conjointement sur le site de Born entre 1995 et 2004. En 1992, l'usine prend le nom de NedCar (Netherlands Cars B.V.).

En 1999, l'état hollandais se retire de la coentreprise qui est désormais détenue à 50 % par Volvo et à 50 % par Mitsubishi. Mais en 2001, Mitsubishi devient l'unique propriétaire de l'usine, Volvo ayant décidé de concevoir lui-même sa future gamme basse et de la produire sur le site belge de Gand. En 2004, les dernières Volvo sortent des chaînes de production de l’usine de Born. Cependant, de nouvelles voitures apparaissent en 2004 sur ce site : les Mitsubishi Colt et Smart Forfour qui partagent la même plateforme. DaimlerChrysler, propriétaire de Smart, décide de collaborer avec Mitsubishi pour créer sa Smart à quatre portes. Mais ce modèle subit un grave échec commercial, et DaimlerChrysler abandonne la Forfour dès 2006.

En 2012, Mitsubishi qui n’a pas réussi à s’imposer sur le marché européen avec ses Colt, Space Star et Outlander produites à Born, cède l'usine pour un euro symbolique au groupe néerlandais VDL qui est sans doute ravi d’une telle aubaine. En 2014, VDL produit les premières Mini dans le cadre d'un contrat de sous-traitance avec BMW. S’y ajoute le SUV BMW X1 à partir de 2017. Ainsi, le site de Born peu voir l’avenir avec confiance et sérénité, sans DAF, sans Volvo et sans Mitsubishi. C'est aussi une chance pour BMW qui dispose de capacités de production limitées en Europe, au vu de sa croissance continue depuis la crise financière de 2008.

Voir aussi sur ce site : http://leroux.andre.free.fr/cataloguedaf.htm

Texte : Jean-Michel Prillieux
Reproduction interdite, merci.

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