Excalibur, reine des répliques
Excalibur a crédibilisé l’industrie de la réplique de voitures anciennes aux Etats-Unis. Cette firme fondée en 1951 à Milwaukee dans le Wisconsin par le styliste Brooks Stevens, a produit méticuleusement de magnifiques et très exclusives voitures de sport au style rétro jusqu'en 1989. Les débuts de la firme Excalibur La firme Excalibur - qui reprend le nom de l'épée magique légendaire du roi Arthur - présente son premier modèle en 1951. Il s’agit du Type J conçu sur un châssis de Kaiser Henry J - d’où son nom - doté d’un moteur Willys de 2 litres. La carrosserie roadster à deux places est dessinée par le créateur de l'entreprise lui-même, Brook Stevens. Stevens a en effet déjà travaillé pour la firme Kaiser, notamment sur les nouvelles berlines de la marque lancées en 1950 pour le millésime 1951. La compacte Kaiser Henry J est lancée en 1951 pour le millésime 1952. L’Excalibur J est très différente de la berline Henry J banale à souhait. Mais Kaiser refuse de produire ce roadster qui aurait pu pimenter la gamme du constructeur. Stevens reçoit un autre refus de la part de son confrère Howard Darrin qui est en train de préparer un cabriolet sur base Kaiser pour 1953. Il s’agit de la future Kaiser Darrin. Les trois ou quatre Excalibur J produites participent durant plusieurs années à des compétitions aux Etats-Unis où elles remportent de nombreuses victoires. En 1952, apparaît un prototype équipé d’un moteur Alfa Romeo, mais ce modèle ne sera pas commercialisé. En 1953, la marque se voit refuser l’engagement de deux voitures de course aux 24 Heures du Mans.
Brook Stevens aux côtés de l’Excalibur J qu’il a dessinée lui-même, à partir du châssis de la berline compacte Henry J. Ce roadster ne sera pas commercialisé mais s’illustrera dans des compétitions automobiles de 1952 à 1958. Cette photo date de 1951. En 1954, Excalibur est mis en sommeil en attendant des jours meilleurs. La même année, Kaiser s’associe à Willys et abandonne la fabrication de ses berlines pour se consacrer à la production des modèles Jeep. En 1958, Brook Stevens se retire des courses automobiles, considérant qu’il n’a plus rien à prouver en ce domaine. C’est en 1960 que renaît la firme Excalibur qui présente au Salon de New York, une nouvelle voiture de sport sur base Studebaker cette fois, qui est équipée d’un moteur V8 Lincoln de 8 litres qui développe une puissance de 450 ch. Mais là encore, la voiture n’est pas commercialisée. 1961 : Excalibur Hawk Une nouvelle Excalibur est présentée en 1961. A ce moment-là, les deux fils de Brook Stevens – Steve et David – font partie de l'entreprise. Le nouveau modèle carrossé en coupé cette fois est conçu pour être exclusivement une machine de course, comme l’ancienne J qui a couru sur les circuits entre 1952 et 1958. Basée sur une Studebaker Hawk dont elle reprend le nom, la nouvelle Excalibur est dotée d’un style agressif que l’on retrouvera sur la Chevrolet Corvette Sting Ray de 1963. Contrairement à la J, la Hawk remportera peu de courses automobiles.
Dix ans après l’Excalibur J, Brook Stevens dévoile la Hawk qui reprend le châssis de la berline compacte Studebaker Hawk. Le design est très différent de la J. Il adopte un style avant-gardiste avec des ailerons qui sont pourtant en train de passer de mode. Ce modèle ne sera pas commercialisé. Une carrosserie roadster est également présentée par Brook Stevens en 1961 mais ce modèle n’a pour ainsi dire jamais couru. De son côté, la firme Studebaker n’a pas du tout l’intention d’aider à la fabrication de l’Excalibur Hawk puisqu’elle est déjà en train de préparer le lancement de son coupé " révolutionnaire ", la future Studebaker Avanti, prévue pour 1962 et dont le design avant-gardiste est dû à une équipe de designers de talent composée de Raymond Loewy, Tom Kellogg, Bob Andrews, et Jean Ebstein sur une idée de Sherwood Egbert, président de Studebaker. Brook Stevens pense alors à un tout autre projet, encore plus radical celui-là, puisqu’il s’agit de reproduire un modèle mythique d’avant-guerre, en l’occurrence la Mercedes SSK, produite à une quarantaine d’exemplaires entre 1928 et 1932. Ce choix n’est pas le fruit du hasard. En effet, Brook Stevens a la passion des voitures anciennes et Studebaker est à l’époque l’importateur de Mercedes aux Etats-Unis. L’association d’idées mêlant la firme de South Bend et celle de Stuttgart se fait assez rapidement. D’autant que ce contexte ne peut qu’atténuer une position éventuellement hostile de la part de Mercedes et rendre ainsi le projet acceptable pour toutes les parties. 1964 : Excalibur Série I Il faut attendre 1964 pour que la marque Excalibur lance le modèle qui sera produit sous diverses formes jusqu’en 1989. Il s’agit d’un roadster au style rétro inspiré fortement de la Mercedes SSK de 1928/1932, modèle mythique qui fait partie du panthéon des grands classiques. Le modèle est basé sur un châssis de Studebaker, les Stevens ayant gardé de bonnes relations avec la marque de South Bend pour qui Brooks Stevens a travaillé durant de nombreuses années. La voiture est dotée d’une calandre en coupe-vent reproduisant fidèlement celle des Mercedes SSK, mais est surmontée non pas de l’étoile à trois branches de la marque allemande, mais de l’épée Excalibur enfermée dans un cercle, ce qui malgré tout reste assez proche du modèle originel. Le modèle est doté des tuyaux d’échappements extérieurs chromés que possédaient les Mercedes SSK à l’origine. N’ayant pas trouvé de fournisseur capable de les réaliser aux Etats-Unis, Brook Stevens passe commande à la firme allemande qui les avait fabriqué dans les années 20 ! Ces tuyaux d’échappements chromés qui sortent du capot comme sur les Duesenberg, Cord et Auburn des années 30 demeureront présents jusqu’aux derniers modèles de la marque, vingt-cinq ans plus tard. Ils resteront l’une des particularités les plus visibles des Excalibur. D’abord présentée en version deux places de type roadster, l’Excalibur est proposée dès 1965 en version quatre places de type phaeton qui elle, est une fidèle réplique de la Mercedes SS de 1928/1932. Conçue sur un châssis de Studebaker Lark, l’Excalibur Série I en reprend également le moteur, un V8 de 4,2 litres développant 180 ch.
En 1964, apparaît la première Excalibur de série. Il s’agit d’une réplique de la Mercedes SSK de 1928-1932 dont les proportions ont été adaptées aux années 60. On remarque la calandre typée Mercedes surmontée de l’épée Excalibur entourée d’un cercle chromée, ainsi que les tuyaux d’échappement extérieurs et chromés eux aussi. Très vite, Brooks Stevens prend du recul et laisse ses deux fils Steve et David diriger l’entreprise. Agé alors de 54 ans, il est convaincu du potentiel de sa nouvelle voiture et pense que la firme Excalibur – après les tâtonnements du début – est maintenant sur les rails et peut voir l’avenir avec un certain optimisme. Les caisses en aluminium des premiers exemplaires cèdent leur place à des carrosseries en fibre de verre plus faciles et moins coûteuses à réaliser. Les Chevrolet Corvette sont fabriquées de cette manière depuis 1953. En 1966, la disparition de la firme Studebaker oblige les frères Stevens à abandonner les motorisations de ce constructeur pour s’approvisionner désormais auprès de la General Motors, où le moteur de la Chevrolet Corvette leur semble tout indiqué. Dotée de cette mécanique de 300 ch, l’Excalibur transfigurée atteint cette fois la vitesse maximale de 250 km/h au lieu de 200 km/h précédemment. Le modèle est proposé à un prix compris entre 6 000 à 7 250 dollars. Inutile de dire que ces tarifs réservent ces modèles à une élite fortunée recherchant un certain exotisme. 359 exemplaires trouvent preneur entre 1964 et 1969 : 259 unités pour le roadster deux places et 100 unités pour le phaeton quatre places. 1966 : Excalibur 35X En 1966, Guy Storr, mportateur en Europe des Excalibur depuis la ville de Monaco, décide d’utiliser le nom " Excalibur " sous licence pour concevoir et commercialiser un véhicule plus européen. S’inspirant du succès aux Etats-Unis des Excalibur inspirées des Mercedes SSK de la fin des années 20, Guy Storr se dit que le marché français apprécierait davantage un véhicule évoquant une voiture française de prestige datant de la même époque, offrant la même aura de gloire et un palmarès de compétition aussi étoffé : la Bugatti Type 35 (1924-1931). Aussi, en hommage à la Bugatti, Guy Storr appelle son Excalibur " 35X ". Mais n’étant pas satisfait de la finition et de l’ingénierie sommaires des Excalibur américaines, Guy Storr choisit pour concevoir son Excalibur européenne de se tourner vers un carrossier italien de renom.
L’Excalibur 35X lancée en 1966 est la voiture de Serge Gainsbourg dans le film Slogan tourné en 1968 et sorti en salle en 1969. C’est d’ailleurs sur le tournage de ce film que Serge Gainsbourg rencontre pour la première fois Jane Birkin. En 1973, Guy Storr percute un camion sur la Moyenne Corniche entre Monaco et Nice, au volant de son Excalibur 35X (exemplaire n°22). Il est gravement blessé. En 1980, victime d’un malaise au volant, il perd la vie en percutant un véhicule de face sur la voie rapide qui traverse Nice d’Ouest en Est. Source : https://www.gatsbyonline.com Michelotti accepte cette offre pour la construction d’une présérie de 2 châssis-coques, avant de produire une série limitée de 25 unités. Ainsi, 27 Excalibur 35X seront assemblées sur le site de Turin entre 1967 et 1969. Ce roadster est doté d’un moteur six cylindres de 2,5 litres développant 130 ch issu de l’Opel Commodore GS lancée en Europe au même moment, la marque Opel faisant alors partie comme la Chevrolet Corvette du groupe General Motors vers lequel la firme Excalibur s’approvisionne désormais pour motoriser ses modèles. Ce moteur permet à la 35X d’atteindre 200 km/h en vitesse de pointe, grâce à un poids inférieur à la tonne. La 35X n’aura pas de descendance. 1969 : Excalibur Série II En 1969, est lancée en Amérique du Nord une nouvelle Excalibur dite Série II, plus imposante, dotée d’un nouveau châssis qui n’a plus rien à voir avec l’ancien châssis Studebaker Lark. Plus longue et plus lourde, cette nouvelle version dotée d’un V8 Chevrolet de 250 ch a une vitesse maximale de 200 km/h. Le prix de la voiture passe pratiquement du simple au double. Alors que la Série I était proposée au prix de 6 000 à 7 250 dollars, la Série II est tarifée de 12 000 à 14 000 dollars, avec toutefois un équipement en rapport : chauffage et air conditionné, colonne de direction réglable, freins assistés à quatre disques, différentiel autobloquant, radio stéréo, amortisseurs arrière à niveau constant, etc …
Lancée en 1969, la deuxième série de l’Excalibur américaine s’éloigne un peu plus du modèle originel la Mercedes SSK. Surtout, son prix devient prohibitif, ce qui réduit sa diffusion : cette deuxième série est vendue à 342 exemplaires de 1969 à 1974, contre 359 pour la première série produite de 1964 à 1969. Malheureusement, la production reste au début d’un niveau équivalent à celle de la Série I. Au total, la Série II est fabriquée à 342 exemplaires entre 1969 et 1974, dont 270 unités pour le phaeton et 72 unités seulement pour le roadster. Cette Série II marque un changement dans la répartition des ventes des deux versions de l’Excalibur, la version quatre places étant maintenant beaucoup plus demandée que la version deux places. Cette évolution va s’accentuer avec les générations suivantes. 1974 : Excalibur Série III L’Excalibur Série III est lancée en 1974, avec des modifications concernant la carrosserie (ailes plus enveloppantes, pare-chocs plus volumineux) et le moteur (dégonflé à 215 ch), imposées par les nouvelles réglementations américaines concernant la pollution et la sécurité. La Série III pâtit malheureusement d’augmentations de prix successives qui la place bientôt à un tarif très élitiste de 19 000 dollars. Etonnamment, ce tarif haut perché ne décourage pas la clientèle potentielle, bien au contraire. Car l’Excalibur n’est plus considérée comme une simple réplique, mais comme un objet de luxe très convoité dont l’image rejoint celle d’Aston Martin, de Ferrari ou de Lamborghini.
Lancée en 1974, la troisième série de l’Excalibur américaine est dotée d’ailes plus enveloppantes et de pare-chocs plus volumineux, tandis que son moteur passe de 250 ch à 215 ch, en conformité avec les nouvelles réglementations sur la pollution. Toutes les voitures américaines subissent alors une diminution de la puissance de leur moteur. Ce modèle sera vendu à 1 141 exemplaires de 1974 à 1980. C’est ainsi que l’Excalibur Série III est fabriquée à 1 141 exemplaires entre 1974 et 1980, dont 1 065 unités pour le phaeton quatre places et 76 unités pour le roadster deux places, un volume qui s’approche de celui des plus célèbres marques automobiles de Grand Tourisme de l’époque. Ce volume de production est d’autant plus remarquable que l’industrie automobile mondiale doit alors faire face à un choc pétrolier sans précédent déclenché en octobre 1973 par l’OPEP et dont les conséquences vont se faire sentir jusqu’en 1975, en attendant le second choc pétrolier qui arrivera lui en 1979… Malgré cet environnement hostile, l’Excalibur Série III restera la voiture la plus produite de la marque. 1980 : Excalibur Série IV En 1980, est commercialisée l’Excalibur Série IV. La ligne qui dépasse cette fois les 5 mètres de long est plus fluide, proche des Mercedes 500K/540K des années 30 qui représentèrent en leur temps aussi une évolution des SS/SSK. Ce nouveau modèle est traité davantage comme une luxueuse torpédo que comme une puissante voiture de sport, ce qu’étaient les trois premières séries. Avec la Série IV dotée d’un V8 de 300 ch, l’accent est mis plus sur le confort que sur la vitesse pure.
Lancée en 1980, la quatrième série de l’Excalibur américaine est dotée d’un pare-brise en deux parties et sa silhouette générale évoque plus une Mercedes 540K qu’une Mercedes SSK. Ce modèle sera vendu à 935 exemplaires de 1980 à 1984. La firme américaine se rapproche un peu plus des marques automobiles de Grand Tourisme les plus huppées, mais en conservant un style rétro qui reste la signature de la marque jusqu’à la fin. Et ce style rétro reprend ni plus ni moins la quintessence de la beauté automobile des années 30, ce qui n’est pas rien. Mais les volumes de ventes trop faibles mettent à mal la rentabilité du petit constructeur, qui est racheté en 1986 par un consortium américain. L’Excalibur Série IV est produite à 935 exemplaires entre 1980 et 1984, dont 786 unités du phaeton et 159 unités du roadster, auxquels il faut rajouter 38 phaetons et 12 roadsters réalisés en série spéciale " Anniversary Jubilee ". 1981 : Excalibur Sedan En 1981, Excalibur dévoile un nouveau modèle, qui est en fait une Série IV dotée d’une carrosserie quatre portes dite Sedan (berline), sans doute la plus extravagante de toutes les Excalibur, qui s’étire sur 5,70 mètres de longueur. Cette carrosserie inédite qui ne doit rien aux Mercedes d’antan permet une habitabilité exceptionnelle à l’arrière. A partir de cette carrosserie sont réalisées différentes limousines extra longues (plus de 7 mètres) qui s’inspirent de ce que font quelques artisans américains sur base Lincoln ou Cadillac. Les berlines et limousines Excalibur n’entrent en production qu’à partir de 1984. Ce sont des modèles fort rares, écoulés à un peu plus d’une centaine d’exemplaires au total.
La version quatre portes est une pure création Excalibur dévoilée en 1981, puisque Mercedes n’a jamais commercialisé un tel modèle avant-guerre. Cette version Sedan de 5,70 m de long s’est écoulée à 101 exemplaires de 1984 à 1989. 1984 : Excalibur Série V En 1984, Excalibur perpétue la lignée de ses voitures néo-rétro en lançant la Série V - qui sera le tout dernier modèle de la marque - encore plus sophistiquée et plus chère que les générations précédentes. La Série V est dotée notamment de sièges électriques, un équipement disponible habituellement sur des modèles de très haut de gamme. Mais les ventes peinent à décoller, avec 78 voitures en 1985 et 37 seulement en 1986. C’est la faillite. Les frères Stevens parviennent à convaincre un repreneur, ce qui débouche vers une évolution stylistique avec une version quatre portes dotée d’un coffre mieux intégré. Les prix sont en conséquence avec un roadster à 85 000 dollars, un phaeton à 80 000 dollars et une sedan à 100 000 dollars.
Lancée en 1984, la cinquième série de l’Excalibur américaine reprend la ligne de la quatrième série avec diverses améliorations. Malheureusement, les ventes s’effondrent et la marque est cédée en 1986 à un consortium américain. Le sursis ne dépassera pas trois ans, puisque la marque Excalibur disparaît en 1989. La Série V s’est écoulée à 389 exemplaires de 1984 à 1989. Cependant, les ventes étant atones, le repreneur décide de diminuer drastiquement ses tarifs sous forme de discount, ce qui n’est pas du meilleur effet pour cette classe de véhicules se voulant exceptionnels. Les phaetons et roadsters sont alors bradés à 49 000 dollars et la sedan à 59 000 dollars avec une finition plus simple. Alors que les ventes ne remontent pas, la marque fait faillite une seconde fois en 1989. Cette fois, aucun repreneur ne se présente et c’est la fin pour Excalibur. Au total, la Série V s’est écoulée à 389 exemplaires entre 1984 et 1989, dont 215 unités du phaeton quatre places, 101 de la berline, 55 du roadster deux places, 13 de la limousine extra-longue et 5 " spéciales " (4 Royal et 1 Limited).
La
version quatre portes de l’Excalibur a donné naissance à une limousine
extra-longue de plus de 7 mètres de long qui est souvent utilisée pour
les mariages. Cette version s’est écoulée à seulement 13 exemplaires de
1984 à 1989. Souce : Epilogue La firme Excalibur a donc fabriqué 3 166 voitures à Milwaukee depuis 1964, date du démarrage effectif de la production, auxquelles il faut ajouter les 27 exemplaires de la 35X assemblés par Michelotti à Turin. Aujourd’hui, les Excalibur restent parmi les plus extraordinaires automobiles de ces cinquante dernières années, que l’on peut parfois rencontrer devant une boite de nuit chic ou un luxueux hôtel cinq étoiles. Brook Stevens, qui a créé la firme Excalibur, décède le 4 janvier 1995 à l’âge de 83 ans à Milwaukee, là où il a résidé la plus grande partie de sa vie. Bien qu'il soit souvent cité pour avoir conçu le concept d'obsolescence programmée - la pratique consistant à raccourcir artificiellement le cycle de vie des produits afin d'influencer les habitudes d'achat des consommateurs en faveur des fabricants - il ne l'a pas vraiment inventé mais a plutôt popularisé le terme. Stevens l'a défini comme " inculquant à l'acheteur le désir de posséder quelque chose d'un peu plus récent, d’un peu mieux et un peu plus tôt que nécessaire ". Son point de vue était d’inciter le consommateur à vouloir acquérir quelque chose de nouveau plutôt que de créer des produits médiocres qu'il faudrait remplacer un moment donné. Cela permettait d’acquérir à tout moment le produit le plus récent. Il y a un débat sur son rôle dans cette pratique commerciale controversée. Mais il est toutefois juste de considérer que l’ensemble des grands designers américains ont œuvré dans ce sens durant les années 50 et 60, même s’ils n’étaient pas décisionnaires en ce domaine mais ne faisaient souvent qu’appliquer une politique définie par leur direction qui était elle-même poussée à imiter la concurrence pour éviter d’être rapidement ringardisée. Toute l’industrie automobile américaine s’est laissée entraîner dans cette spirale infernale durant une vingtaine d’années, et les constructeurs qui ne pouvaient pas tenir le rythme n’ont pas survécu. Les autres ont procédé à des renouvellements pratiquement chaque année dans les années 50 et tous les deux ans en moyenne dans les années 60. Ce rythme est passé à quatre ans en moyenne dans les années 70 et s’est encore allongé dans les décennies suivantes. Il est d’ailleurs étonnant que Brook Stevens n’ait pas renouvelé sa gamme de voitures Excalibur au même rythme que les autres constructeurs américains, mais on peut le comprendre dans le mesure où les modèles qu’il avait choisi de fabriquer sous cette marque étaient détachées de tout contexte de mode puisqu’ils s’inspiraient étroitement de modèles anciens commercialisés à la fin des années 20 et au début des années 30. Cette particularité lui permettait de s’élever au-dessus des contingences d’obsolescence programmée. Mais en même temps de faire fi du design d’avant-garde qu’il avait mis en avant durant des décennies …
Texte : Jean-Michel Prillieux Voir aussi : http://leroux.andre.free.fr/carrossierstevens.htm |
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