Asa, la Ferrarina
La marque italienne ASA fabrique entre 1964 et 1967 un petit coupé conçu par Ferrari, mais vendu trop cher, le modèle ne trouve pas sa clientèle. Ferrari lance en 1966 son propre modèle " d’entrée de gamme ", La Dino 206 GT (puis 246 GT), avec le succès que l’on sait. Les origines de l’ASA La marque Ferrari née au lendemain de la Seconde Guerre mondiale connaît une ascension fulgurante dans les années 50 et 60. Son apogée est sans doute marquée par les six victoires successives aux 24 Heures du Mans entre 1960 et 1965, victoires qui complètent les trois obtenues en 1949, 1954 et 1958. Les voitures de sport fabriquées alors à quelques centaines d’unités par an à Maranello pour les particuliers permettent de financer les coûteuses courses automobiles. Ces Ferrari de route marquent néanmoins leur époque, tant et si bien qu’elles deviennent véritablement les héritières dans l’esprit du public des fameuses Bugatti de l’entre-deux-guerres, autres voitures de légende conçues par Ettore Bugatti, dont la disparition en 1947 a provoqué la quasi-disparition de la marque. La compétition automobile coûtant de plus en plus cher au fil des années, Enzo Ferrari envisage à la fin des années 50 d’élargir sa gamme vers le bas, en proposant une voiture de sport moins chère, à un moment où ce type de modèles connaît un succès croissant en Europe et aux Etats-Unis. Les MG, Triumph, Austin-Healey et Jaguar font carton plein dans le pays de l’oncle Sam, et en Italie même, on voit fleurir beaucoup de petits cabriolets de marques Fiat, Alfa Romeo, Lancia, Abarth, etc … Enzo Ferrari veut pouvoir rivaliser avec ces autos. Avec un tel modèle en production sur le site de Maranello, Enzo Ferrari peut espérer toucher une plus large clientèle, et gagner plus d’argent grâce à des volumes de production plus élevés. Les ingénieurs de Ferrari se mettent donc à la tâche et conçoivent un projet expérimental connu sous l’appellation 854, signifiant que la voiture est dotée d’un 4 cylindres de 850 cm3. La voiture est surnommée en interne Ferrarina.
La voiture qui permet de tester les moteurs de la future " Baby " Ferrari n'est autre qu’un coupé Fiat 1200 légèrement modifié pour l’occasion. Ce moteur 4 cylindres Type 122 est dévoilé à la presse en décembre 1959, sans plus d’informations. Certains évoquent alors la possible vente de la licence à Fiat pour trouver de nouveaux revenus. Le moteur est directement dérivé du 12 cylindres en V de 2,5 litres de la Ferrari 212, puisqu’il s’agit de ce même moteur coupé en trois. Il développe ici 68 ch. Un second moteur Type 126 est mis en point, d’une cylindrée de 973 cm3, qui développe cette fois 86 ch. Ces moteurs sont testés sur un petit coupé à deux portes doté d’un hayon, posé sur un châssis de Fiat 1200 Sport. Un troisième moteur Type 141 est finalisé en 1960. Il s’agit d’un 4 cylindres de 1032 cm3 développant cette fois 100 ch, soit un rapport au litre meilleur que celui d'une " grande " Ferrari. Pour Enzo Ferrari, il n’est pas question de faire une voiture au rabais. Si la puissance reste faible pour une Ferrari, il faut compenser avec un poids léger et une étude aérodynamique poussée. La carrosserie de la voiture évolue donc. Elle est dessinée par le studio Bertone, qui met alors à contribution un jeune designer qui fera son chemin, Giorgietto Giugiaro. Pour le châssis, on fait appel à Giotto Bizzarrini, qui a déjà travaillé pour Ferrari, et qui créera plus tard sa propre marque. La voiture baptisée 1000 GT est dévoilée au Salon de Turin 1961 sur le stand Bertone, sans aucun insigne Ferrari. Elle se présente sous la forme d’un petit coupé fastback de 3,90 mètres de long sur 1,45 mètre de large, dotée de phares sous bulle et d’un arrière fuyant. Les ingénieurs de Ferrari ont prévu une production annuelle de 3 000 à 5 000 voitures, soit dix fois plus que celle des " grandes " Ferrari.
Le coupé Bertone issu du projet Ferrari 854 est dévoilé au Salon de Turin 1961. Le modèle connaît un succès d’estime auprès des visiteurs. L’année suivante, ce modèle ne devient pas une Ferrari, mais une ASA. 1962 : ASA 1000 GT Alors que la " baby " Ferrari est sur le point d’être industrialisée et que la voiture a bénéficié d'un succès d’estime au Salon de Turin 1961, grâce à la médiatisation de l’origine de sa conception au sein de l’entreprise Ferrari, Enzo Ferrari fait savoir que le modèle ne pourra pas finalement être fabriqué sur le site de Maranello, qui ne serait pas selon lui adapté à ce type de production en série, d’autant plus qu’il indique s’opposer à agrandir l’usine pour fabriquer la 1000 GT. En réalité, Enzo Ferrari a pris conscience que le modèle risque de nuire au prestige de ses belles voitures à moteur V12, et a commencé à chercher une entreprise pour reprendre et fabriquer le modèle. En 1962, il négocie avec un ami proche, Oronzio de Nora, qui a fait fortune dans l’électrochimie. Celui-ci délègue le projet à son fils Niccolo de Nora, qui crée une nouvelle société à cet effet, baptisée ASA pour Autocostruzioni Societa per Azioni, ou Société par actions de construction Automobile. Les opérations de l’entreprise ASA sont dirigées directement par Niccolo de Nora. L’ingénieur Giotto Bizzarrini rejoint la société, et s’implique directement dans la gestion de l’ASA. La société ASA acquiert les droits de la voiture et met au point un système de production assez complexe et coûteux : ASA achète le châssis et l’ensemble mécanique à Ferrari, et paie l’assemblage de la carrosserie chez Bertone. L’activité d'ASA se limite à la commercialisation du coupé.
Le coupé ASA 1000 GT apparaît pour la première fois au Salon de Turin en octobre 1962. Par rapport à la version Bertone exposée au Salon de Turin 1961, la partie avant a été redessinée. L’ASA 1000 GT est présentée pour la première fois sous cette appellation au Salon de Turin 1962. Construite en acier, avec un capot et un coffre en aluminium, la voiture pèse 780 kilos à vide, ce qui permet des performances intéressantes. Grâce à Bizzarrini, la voiture est techniquement très sophistiquée, puisqu’elle repose sur un châssis tubulaire inspiré directement de celui de la Ferrari 250 GTO. Sa suspension est à double triangulation à l’avant et ses freins sont à disque sur les quatre roues. Une version cabriolet est mise au point en 1963, mais elle n'est produite qu'à sept exemplaires.
Une version cabriolet de l’ASA 1000 GT est présentée au Salon de Genève 1963, alors que la production du coupé n’a pas encore commencé. Source : https://gocar.be 1964 : Début de la production En tant que nouveau constructeur automobile, ASA connaît des difficultés diverses et variées, qui font que la production de la 1000 GT est reportée plusieurs fois, et ne démarre finalement qu'en 1964. L’exportation vers les Etats-Unis, marché à haut pouvoir d'achat, est programmée dès le début. La première ASA 1000 GT y est vendue en septembre 1964, au prix de 5 920 dollars, un tarif excessivement élevé comparé à une Chevrolet Corvette beaucoup plus puissante, tarifée 4 500 dollars. En effet, de par son mode de production, le prix de revient de l'ASA est très élevé. Par ailleurs, ASA en manque de notoriété peine à convaincre la clientèle américaine. Les ventes de l’ASA 1000 GT demeurent très faibles, même après que les modèles en stock aient été bradés et vendus bien en dessous de leur prix de revient, ce qui évidemment n’arrange pas les affaires de l’entreprise italienne. Luigi Chinetti qui est le seul importateur américain d'ASA, doit rapidement se rendre à l’évidence. Les ASA sont invendables, malgré leurs réelles qualités intrinsèques. La production d'ASA n'a jamais atteint le volume prévu de 3 000 à 5 000 voitures par an. Même lorsque la production en série est pleinement opérationnelle en 1964 et 1965, en moyenne une seule voiture est produite par semaine. 1967 : Fin de la production Les chiffres exacts sont inconnus, mais les différentes sources confirment qu'environ cent ASA ont été construites au total. L'usine ASA ferme officiellement ses portes en 1967, après la production de trois exemplaires baptisés 411 GT dotés d’un moteur de 1092 cm3 développant 104 ch, reconnaissables à leurs phares genre Porsche. Il est vrai que l’appellation 411 GT rappelle irrésistiblement la Porsche 911 …
Pour tenter de sauver ASA, la version 411 GT est dévoilée en 1966, visant une clientèle sportive grâce à son moteur porté à 1092 cm3 pour une puissance de 104 ch. Elle n'est fabriquée qu'à trois exemplaires. Quelques voitures seront assemblées à partir de pièces de rechange et vendues comme neuves jusqu'au début des années 1970. De son côté, Enzo Ferrari lance en 1966 sa première voiture " d’entrée de gamme ", la Dino, dont le nom fait référence au fils du Commandatore disparu en 1956. En 1969, Ferrari s’associe au groupe Fiat, et à partir de ce moment-là, les problèmes récurrents de trésorerie disparaissent comme par enchantement … A lire aussi : http://leroux.andre.free.fr/xxx46.htm
Texte : Jean-Michel Prillieux |
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