American Bantam, Austin made in USA
American Bantam est un constructeur automobile américain qui a produit sous licence de 1935 à 1941 des Austin Seven à peine modifiées, totalement inadaptées au marché d’outre-Atlantique, ce qui a été à l'origine de l'effondrement de la marque. Les origines d'American Bantam Les petites voitures n’ont jamais fait recette aux Etats-Unis, mais cela n’a pas empêché certains de les promouvoir. C’est ainsi que Sir Herbert Austin, fondateur de la firme britannique homonyme, marque la plus vendue en Grande-Bretagne durant plusieurs décennies, décide en 1929 que les Américains vont s'intéresser en masse à sa minuscule Austin Seven lancée en 1922 en Grande-Bretagne. Il établit sa filiale outre-Atlantique en Pennsylvanie, à Butler, à proximité d’une source importante de charbon et d’acier, et pas trop loin de la côte Est pour faciliter l’importation des pièces fabriquées en Angleterre. La société American Austin Car Company commence à produire des voitures en mai 1930, alors que le pays est plongé dans une crise économique sans précédent, suite au krach boursier d’octobre 1929.
L'American Austin Panel Delivery peut transporter jusqu'à 400 pounds, soit environ 180 kg. La brochure met en avant la compacité de cette camionnette, et son faible coût d'utilisation. L’Austin américaine dérive étroitement de l’Austin Seven britannique. Il s’agit donc d’une petite voiture très légère - 550 kilos - conçue sur un empattement de 1,90 mètre, soit un mètre de moins que la voiture américaine moyenne. Son moteur est un quatre cylindres de 770 cm3 développant 13,5 ch, très éloigné des grosses cylindrées présentes alors aux Etats-Unis. Les différentes carrosseries proposées - coupé, cabriolet, roadster - ont été dessinées avec un certain talent par le comte Alexis de Sakhnoffsky (1901-1964), designer russo-américain.
L’Austin américaine produite aux Etats-Unis entre 1930 et 1934 est dérivée étroitement de l’Austin Seven vendue alors en Grande-Bretagne. Malgré un prix très bas de 450 dollars, les ventes ne décollent pas. Le climat d'austérité causé par la Grande Dépression aurait pourtant pu être favorable à ce type d'automobile économique. En réalité, l’Austin ne correspond pas du tout à la demande américaine, la clientèle se méfiant des petites voitures. Elle ne retrouve pas à leur bord tout le confort et l’espace auxquels elle est habituée, et les performances requises. Le constructeur jette l’éponge en 1934, après 19 959 voitures produites en quatre ans, dont 8 558 en 1930, 1 279 en 1931, 3 845 en 1932, 4 726 en 1933 et 1 551 en 1934. La vie éphémère de la firme American Bantam En août 1935, American Austin Car Company est rachetée par Martin Tow, William A. Ward et Roy Evans. Ce dernier est le propriétaire d'une grande chaîne de concessionnaires dans le sud-est des États-Unis. Il distribuait à lui seul près de 80 % de la production d'American Austin. Les trois associés déboursent la modique somme de 5 000 dollars pour les terrains, les bâtiments, les équipements et le stock. Ils doivent par ailleurs s'acquitter du remboursement d'une dette de 214 099,83 $. Cela reste une bonne affaire. La cour fédérale a jugé les repreneurs capables de sauver l’entreprise, et elle l'a bradée pour le plus grand profit des trois investisseurs. La firme est rebaptisée American Bantam (une race de poule naine) en juin 1936, abandonnant le nom d’Austin. Contre toute logique, American Bantam reprend à partir de l’automne 1936 la production des Austin Seven, toutefois modernisées par le comte Alexis de Sakhnoffsky. Le capot et la calandre sont arrondis, les ailes avant et arrière sont redessinées. Les American Bantam sont améliorées sur le plan mécanique par Harry Miller (1875-1943), le créateur de voitures de course pour Indianapolis. L'empattement est inchangé à 1,90 mètre, et le moteur est toujours l’ancien quatre cylindres de 770 cm3. En réalité, il s’agit d'une nouvelle version de l'Austin, mais elle n'en a plus le nom.
L’American Bantam qui succède à l'American Austin en 1936 est une Austin Seven redessinée et modernisée. Hélas, l’accueil de la clientèle américaine reste très mitigé. Elle ne semble tout simplement pas prête à acheter une aussi petite voiture.
Ce pick-up peut supporter une charge utile de 250 kg. Il est disponible sur demande en version couverte. En 1937, il est vendu 385 $.
Le roadster American Bantam bénéficie d’échancrures en haut des portes, ce qui lui donne un air sportif. Ce modèle peut filer à 120 km/h. Les chaînes d’assemblage de Butler redémarrent, avec des prix de vente compris entre 300 et 400 dollars, inférieurs à ceux du début des années 30, alors que les American Bantam bénéficient de nombreuses améliorations esthétiques et mécaniques. Dans ces conditions, le constructeur perd de l’argent et les prix doivent augmenter dès le millésime 1938, passant de 400 à 500 dollars selon les versions, ce qui représente une hausse d'au moins 25 %. Ces tarifs restent malgré tout très bas. La clientèle américaine préfère payer un peu plus cher pour acquérir une Ford, une Chevrolet ou une Plymouth plus spacieuse, voire choisir une voiture d’occasion plus statutaire pour un prix comparable. Le style de la Bantam, très " voiture à pédales pour enfants ", rebute la clientèle, et le dynamisme d’Evans ne suffit pas à convaincre les Américains de la valeur de son " jouet ". Les ventes déclinent très rapidement : près de 3 000 exemplaires en 1937, 2 000 en 1938, 1 230 en 1939, 800 en 1940 et 140 en 1941, soit moins de 7 200 unités en cinq ans. Ce qui n’a pas fonctionné avec American Austin ne fonctionne pas mieux assez logiquement avec American Bantam. Les voitures sont quasiment les mêmes et les goûts et besoins de la clientèle américaine n’ont pas évolué en si peu de temps. De nouvelles versions lancées en 1938, comme le speedster ou le cabriolet Riviera dont les flancs sont décorés d’un arrondi latéral comme sur les Duesenberg, le break woody qui est le modèle le plus cher de la gamme à 565 $, ou encore le pick-up et la camionnette Boulevard Delivery, ne changent en rien la situation désespérée d'American Bantam. On peut s'étonner d'une telle diversité de l'offre, avec des volumes si faibles.
Avec ses pneus à flancs blancs et son insigne de calandre rappelant celui de Duesenberg, le cabriolet Riviera est sans doute le modèle le plus attrayant de la marque.
Le break woody est le modèle le plus cher de ce constructeur en 1939/1940. Il est habillé en partie de panneaux latéraux en vrai bois, ce qui lui donne un air de voiture pour gentleman farmer ... aux moyens limités. Dernier sursaut Pendant des années, l'armée américaine a souhaité disposer d'un petit engin pour les reconnaissances et les liaisons. En 1932, après avoir étudié différentes solutions, l'infanterie essaye un nouveau véhicule sur base Austin Seven, la voiture construite par American Austin. Les essais ne sont pas très concluants, car la voiture n'est pas assez robuste. Mais ce prototype ne sera pas totalement oublié. Les planificateurs savent qu'ils ont besoin d'un petit véhicule léger, assez bas, à quatre roues motrices, qui puisse se déplacer sur de longs trajets sur route mais aussi dans les espaces les plus variés, et qui soit capable de soutenir le poids d'une mitrailleuse. Un nouveau cahier des charges est rédigé. Les militaires suggèrent d'étudier la possibilité de prendre pour base la récente American Bantam, bien connue de leurs services sous le nom d'American Austin. En juin 1940, les autorités prennent contact avec l'usine Bantam, qui se dit prête à relever le défi. Les prototypes présentés aux militaires démontrent leurs capacités sur route et hors piste. Alors que les ventes de voitures civiles sont devenues ridiculement faibles, on reprend espoir chez Bantam. En fait, la seule perspective de survie passe par la signature d'un contrat avec les militaires. Mais l'affaire se complique. Les exigences techniques sont revues à la hausse, et les militaires ne peuvent pas se satisfaire d'une seule offre. Ils adressent un nouveau cahier des charges à 130 industriels susceptibles de répondre à une telle demande. Les militaires s'attendent à recevoir un nombre respectable d'offres. Ils déchantent rapidement. Plusieurs industriels considèrent que l'armée demande l'impossible, et préfèrent passer leur chemin. Finalement, seuls deux constructeurs répondent à l'appel d'offres : Bantam qui ne veut décidément pas lâcher l'affaire, et Willys. Ces deux entreprises sont à la peine. Elles ont un besoin urgent d'argent frais. Ce sont aussi les deux derniers constructeurs américains à proposer dans leur gamme un moteur quatre cylindres. C'est au final un contrat auquel seule une société qui n'a plus rien à perdre peut répondre. Les autres industriels pensent en effet n'avoir rien à y gagner. Frank Fenn, le président de Bantam, est confiant. Pour réduire les coûts, il va utiliser un maximum de pièces de ses récentes voitures. Mais sa société s'apparente désormais plus à une coquille vide qu'à un puissant groupe industriel. La plupart de ses cadres ont déserté l'affaire. Frank Fenn parvient à convaincre un concepteur indépendant, Karl Probst, qui possède son propre bureau d'études à Detroit. Faute de trésorerie, il ne sera payé que si le véhicule voit effectivement le jour en série. Karl Probst reste d'abord évasif quant à sa réponse, mais finalement son patriotisme le pousse à relever le challenge.
Le premier véhicule de reconnaissance à quatre roues motrices produit pour l'armée américaine est construit par L'American Bantam Car Company de Butler, en Pennsylvanie. Il est livré pour des essais au Camp Holabird à Baltimore le 23 septembre 1940. Les militaires vraiment exigeants veulent désormais plus de puissance. Le quatre cylindres Bantam de 20 ch cède sa place à un autre quatre cylindres de 45 ch, produit par Continental. Le cahier des charges mentionne un poids à vide inférieur à 590 kg. Probst n'a pas d'autre choix que de tricher sur les formulaires d'appel d'offres pour ne pas se faire jeter d'emblée, le poids de son 4 x 4 étant estimé à 840 kg. Les représentants de Crosley, Willys et Ford sont présents le jour où Bantam rend sa copie. L'offre de Willys est loin d'être aussi aboutie que celle de Bantam. Ford est là en simple observateur. Il reste à produire le prototype, et le temps est compté. Bantam tient ses engagements. Finalement les militaires, réalistes, renoncent à imposer un poids inférieur à 590 kg. L'armée américaine, qui n'est pas à un revirement de situation près, craint que Bantam n'ait pas les épaules assez solides pour répondre à la demande, surtout dans le cas peu probable encore à ce moment-là, où les Etats-Unis entreraient en guerre. Elle estime plus prudent d'avoir à sa disposition au moins une autre société capable de construire ce 4 x 4. En cas de difficulté d'approvisionnement, voire de sabotage, il faut aussi impérativement une usine de repli. Les militaires font finalement appel à deux autres constructeurs, Willys qui ne part pas de rien sur ce dossier, et la Ford Motor Company, dont on comprend mieux désormais la situation d'observateur. Ford dispose d'énormes capacités industrielles, sans commune mesure avec celles de Bantam et Willys. Ford est aussi un groupe puissant, en bonne santé, qui saura quoi qu'il advienne honorer toute les commandes, tandis que Bantam et Willys sont, on le sait, plus fragiles. Willys et Ford sont invités à présenter leurs propres modèles d'essai, concurrents de la Bantam. Willys qui est déjà dans la course, prend le soin de parfaire son projet. A l'issue des essais comparatifs des prototypes des trois constructeurs, force est de constater que chacun a ses défauts et ses qualités, mais qu'aucun ne se démarque franchement de ses deux challengers. Les militaires passent leurs premières commandes. Bantam et Willys sont au rendez-vous pour les honorer. La lutte bat son plein pour l'attribution des commandes suivantes, qui s'annoncent plus conséquentes. Willys est le premier vainqueur à ce jeu, grâce à son prix de vente inférieur à celui de Bantam et de Ford. Bantam et Ford ne veulent pas rester à l'écart. Les imposants moyens du second plaident en sa faveur. Bientôt, Bantam est définitivement mis sur la touche, et doit se contenter de construire des remorques pour celle qui est devenue entre temps la Jeep.
Cette version améliorée du projet initial, dite Bantam Mk 2, est construite en série pour le compte de l'armée américaine. Mais bientôt Bantam est écarté du projet. L'affaire de la Jeep prend une nouvelle dimension après l'attaque de Pearl Harbor le 7 décembre 1941. Désormais, il s'agit de produire ce 4 x 4 à des centaines de milliers d'exemplaires. Willys et Ford répondent à toutes les demandes. La Jeep connaît une carrière exceptionnelle tout au long de la Seconde Guerre mondiale. Elle est présente sur tous les fronts, en Europe, en Afrique du Nord et dans le Pacifique. Au total, la Jeep est durant le conflit fabriquée à 640 000 exemplaires, dont 362 000 par Willys et 278 000 par Ford. Le robuste et fiable véhicule vert olive entre alors dans l'Histoire. Il a largement contribué à la victoire des alliés. Epilogue A la fin de la guerre, Bantam se fait déposséder de la Jeep par Willys qui la remet à son catalogue, donnant naissance à une marque au potentiel de plus en plus important. Depuis les années 2000, Jeep est l'un des plus gros constructeurs de SUV au monde. Sans la Jeep, la firme automobile Bantam n’a pas pu renaître après-guerre en raison de l'inadaptation de ses voitures au marché américain. Le constructeur Nash, futur Rambler et AMC, connaîtra des difficultés analogues pour vendre sa petite Metropolitan au cours des années 50. Ce modèle sera d’ailleurs fabriqué chez Austin en Grande-Bretagne, une sorte de seconde tentative du constructeur britannique pour investir le marché américain de la petite voiture. Seule la Volkswagen Coccinelle parviendra vraiment à s’imposer durablement aux Etats-Unis, au cours des années 50 et surtout des années 60. Aujourd’hui, les petites voitures disparaissent complètement du marché américain, sur lequel les SUV de moyenne et grande taille représentent la grande majorité des ventes, devançant les berlines, les pick-up et les monospaces.
Texte : Jean-Michel Prillieux / André
Le Roux |
Retour au sommaire de Marques disparues - Retour au sommaire du site