Allard, comment exister face à Jaguar


La firme britannique Allard est fondée en 1936 par Sydney Allard pour construire des voitures de sport. Cet industriel passionné de course automobile, qui dessine, fabrique et pilote ses propres engins, est l’un des premiers constructeurs à associer la puissance des moteurs des voitures américaines à des carrosseries de style européen. Les Allard, et plus particulièrement celles équipées d'un moteur Cadillac, gagnent de nombreuses courses outre-Atlantique. Hélas, dans un contexte très concurrentiel, l’aventure Allard prend fin en 1958.


Les débuts de la marque Allard 


Sydney Herbert Allard voit le jour le 19 juin 1910, à Streatham, dans la banlieue de Londres, dans une famille propriétaire d'une importante concession Ford. Très jeune, il se passionne pour la mécanique, et commence par exercer ses talents sur des motos. Sa première voiture est une Morgan trois roues qu'il transforme en véhicule à quatre roues. Après avoir essayé en vain de le guider vers d'autres métiers, son père Arthur finit par reconnaître à son fils un bon coup de volant et un talent inné pour la mécanique. Le paternel qui gagne confortablement sa vie lui achète une parcelle de terrain au sud de Londres. Sydney Allard y installe son premier atelier.

Dès le début des années 30, le jeune homme est déjà à la tête d’une imposante concession Ford. C’est donc tout naturellement avec un V8 Ford de 1934 monté sur un châssis de Bugatti modifié qu’il construit sa première automobile en 1936, l’Allard Spécial. Il attire l'attention de la presse spécialisée et de quelques amateurs grâce à ses succès en course de côte et sur circuit. Il est sollicité pour assembler des répliques de sa voiture. Ainsi, il devient un véritable artisan constructeur, en préparant des voitures de course à la commande, toujours sur base Ford.

Sydney Allard prend soin de constituer autour de lui une petite équipe fidèle, et parvient ainsi avant que n'éclate le conflit à assembler une douzaine de voitures. Une seule, un roadster trois places, semble avoir été équipée du V12 4,4 litres de la Lincoln Zephyr. Cette voiture, Sydney Allard voudrait bien la construire en petite série. Il est même prévu de l'exposer au Salon de Londres en 1939. Les événements vont en décider autrement.

Une douzaine de voitures sont assemblées avant le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale. Une seule, un roadster trois places, semble avoir été dotée du V12 4,4 litres monté sur la Lincoln Zephyr. Toutes les autres ont été équipées du V8 Ford.

A cette époque, nombre de petits constructeurs se lancent dans la production automobile, avec un certain empirisme. La rentabilité de l'affaire importe le plus souvent moins que le plaisir vaniteux d'apposer son nom sur le capot d'une voiture, destinée à engranger des victoires plus ou moins significatives. Sydney Allard fait sans aucun doute partie de ces aventuriers, mais contrairement à d'autres, sa persévérance portera ses fruits.

L'entreprise parvient à maintenir une activité pendant la guerre, et même à s'agrandir en s'installant dans de nouveaux locaux londoniens, pour mieux se consacrer à la réparation de véhicules militaires fabriqués par Ford. Elle emploie au plus fort jusqu'à 200 personnes. Le 14 février 1945, est créée la société Allard Motor Company. Celle-ci a pour objectif de produire et de commercialiser sous la marque Allard des voitures de sport pour la compétition et le tourisme. Le constructeur est désormais installé, et de manière définitive, au 24-28 Clapham High Street à Londres.


1946 : Allard J1, K1 et L


Trois voitures sont dévoilées en même temps en 1946. Il s'agit véritablement d'un exploit quand on sait que la plupart des concurrents d'Allard se contentent d'un seul modèle. Les Allard reprennent un moteur V8 Ford adapté sur un châssis surbaissé à la fois léger et rigide. Sydney Allard a l'avantage de pouvoir s'approvisionner dans l'imposant stock d'éléments Ford qu'il a accumulé pendant la guerre.

La J1 two-seater Sports est un roadster deux places à empattement court - 100 pouces ou 254 cm - destiné avant tout à la compétition, en particulier les fameuses courses de côte très appréciées à cette époque, autant d'épreuves qui meublent alors les week-ends de milliers d'amateurs plus ou moins fauchés, mais pleins de bonne volonté.

La J1 two-seater Sports fait la joie des amateurs de courses, et est le modèle le plus accessible de la toute jeune marque britannique Allard.

Le second modèle appelé K1 two-seater Roadster est une J1 dotée d’un empattement de 106 pouces ou 269 centimètres, offrant une meilleure habitabilité.

L'Allard K1 a été conçue pour le marché intérieur britannique, et n'est donc proposée qu'avec le volant à droite. Hormis la face avant d'un goût particulier, la silhouette de ce roadster ne manque pas d'élégance.

Enfin, le coupé à quatre places Allard L four-seater Tourer utilise une base de 112 pouces ou 284 cm. Ces trois voitures, J1, K1 et L, dessinées et mises au point par le pilote de course et designer Godfrey Imhof, rappellent un peu les Morgan, mais avec des phares intégrés à la carrosserie. Les calandres sont étirées et arrondies. Cette caractéristique sera la signature de la marque jusqu’en 1955.

Modèle le plus logeable des trois nouveautés de 1946, la L doit faire faire face à une concurrence acharnée sur ce créneau. C'est pourtant à la fin des années 40 le best-seller d'Allard.

Le moteur qui équipe ces trois automobiles est un V8 de 3 622 cm3 à soupapes latérales développant 85 ou 95 ch, que l’on retrouve aussi bien sur des Ford américaines qu'européennes. Le V8 Ford autorise des vitesses de pointe de 140 km/h (L), 150 kmh (K1) et 160 km/h (J1). Une version de 3,9 litres de 140 ch est disponible en option sur la J1.

Ces productions permettent au petit constructeur de vivre, et plus important encore aux yeux de Sydney Allard, de courir. Les trois modèles s’écoulent à 365 exemplaires au total, dont 13 J1, 159 K1 et 193 L. Sydney Allard est ainsi le premier constructeur britannique à proposer des voitures dotées de mécaniques américaines, aux performances séduisantes, avant les AC Cobra, Jensen et autres Gordon Keeble, ce qui rend possible la vente d'une partie de sa production outre-Atlantique.


1947 : Allard M


Les Anglais sont capables du meilleur comme du pire en matière esthétique. L'après-guerre semble les avoir plongé dans un profond désarroi, si l'on en juge par quelques réalisations du moment, qu'il s'agisse des Jowett Javelin Jupiter, Austin A90 Atlantic ou Triumph Mayflower. Le " new look " américain a bien du mal à s'accommoder à la sauce britannique.

L’Allard M lancée en 1947 est une version plus finement dessinée que la L. Ce sera l’un des plus gros succès de la marque, avant que Jaguar n'inonde le marché avec ses très séduisantes XK 120 puis XK 140.

Les évolutions et les nouveaux modèles sortent à un rythme soutenu. La petite usine londonienne de Sydney Allard voit son activité dynamisée par le lancement de la M en 1947, qui est en fait un cabriolet 4/5 places basé sur l’empattement long du coupé L. La M qui intègre quelques modifications esthétiques par rapport aux modèles précédents connaît un succès important à l'échelle d'Allard, avec un volume de 499 exemplaires assemblés jusqu’en 1950, soit plus 36 % de plus que les J1, K1 et L réunies, et quasiment le quart de toutes les Allard jamais construites.

Allard J1, L et M. Il ne manque que la K1 pour représenter la large gamme offerte par Allard en cette année 1947. Tous ces modèles vont s'éclipser à l'issue du millésime 1949.


1949 : Allard P1


Allard, comme l'ensemble des constructeurs britanniques est alimenté en matières premières en fonction de ses résultats à l'exportation, et de sa capacité à faire rentrer des devises fortes, en l'occurrence des dollars, en Grande-Bretagne. Les Etats-Unis sont alors pour tous les constructeurs européens LE pays à conquérir. Les petites voitures de sport anglaises, italiennes ou allemandes, y rencontrent un énorme succès. La France n'y fait hélas que de la figuration. Sydney Allard se rend lui-même aux States pour bien comprendre les besoins de ce marché. Il en conclut que les 85 ch de ses modèles sont insuffisants pour ce marché, mais comprend que les trois géants américains disposent de puissants moteurs qui pourraient trouver leur place sous le capot des Allard.

En 1949, Allard propose la P1, avec de nouvelles suspensions à ressorts hélicoïdaux, et la possibilité outre le V8 Ford d'opter pour un V8 Mercury de 4 375 cm3 plus puissant. La P1 apporte à Allard l'un de ses plus grands succès en compétition, et non des moindres, la victoire au Rallye de Monte-Carlo 1952, avec au volant Sydney Allard et son coéquipier Guy Warburton. C'est de nouveau une réussite commerciale, avec toutes versions confondues, 551 exemplaires de la P1 produits jusqu'en 1953.

L’Allard P1 lancée en 1949 est un coupé quatre places dont l’esthétique n’est pas son point fort. C'est pourtant avec la M l'une des meilleures ventes de la marque. Le style reste incertain, avec des ailes avant marquées et des ailes AR totalement intégrées.


1950 : Allard J2


La petite usine de Sydney Allard n'est bientôt plus suffisante pour répondre à une demande croissante. Il ne dispose pas non plus de toutes les compétences en interne, notamment pour les opérations d'emboutissage, qui sont confiées à des sous-traitants extérieurs. Les mécaniques sont commandées aux constructeurs en fonction des désirs des clients.

La Reine Mère (the Queen Mom) et Sydney Allard au London Motor Show

Sydney Allard est véritablement passionné par la course, et il est convaincu qu'il s'agit d'un vecteur incontournable pour faire parler de ses produits. Et les occasions ne manquent pas en cette époque bénie.

En 1950, apparaît la J2, un roadster deux places qui succède à la J1, et qui est sans doute devenu le modèle le plus connu d'Allard, faisant rentrer le constructeur dans la légende du sport automobile. Le style de la J2 marque une nouvelle étape pour Allard. Beaucoup plus sportive d'aspect que les voitures précédentes, elle exhibe des ailes avant symboliques, à la manière des Frazer Nash de compétition. La grille de calandre réduite à l'essentiel est prolongée par un capot interminable. L'habitacle, exigu, protégé par deux minuscules saute-vent, semble avoir été sacrifié à la mécanique. La poupe se termine par un arrondi subtil et bien proportionné.

De nouvelles motorisations sont proposées, dont un V8 Mercury à culasses Ardun, poussé de 85 à 140 ch, développé par Zora Arkus Duntov, l'un des pères de la future Corvette, un V8 Cadillac de 160 ch ou un V8 Chrysler de 172 ch. Pour la première fois, une Allard peut dépasser les 200 km/h, grâce à un poids inférieur à la tonne. La J2 s'avère aussi nerveuse et rapide qu'une Ferrari 166 Inter, pour un prix nettement moins élevé.

L’Allard J2 lancée en 1950 est un roadster ultra sportif qui succède à la J1. Au menu, une carrosserie irrésistible et un moteur V8 américain délivrant de 140 ch à 172 ch qui permet de dépasser les 200 km/h dans un confort très relatif.

La J2 est un heureux mélange d'artisanat, d'audace et d'inconscience. Tout a été pensé pour le plaisir et la recherche des sensations les plus fortes, et peu importe la rusticité, bien au contraire, elle fait partie du produit. Conformément à sa vocation, la J2 est livrée sans pare-chocs, sans pare-brise, sans capote et bien sûr sans système de chauffage. Il s'agit d'accessoires facturés en option, mais dont les acheteurs américains se privent rarement. Facile à entretenir et à régler outre-Atlantique avec ses mécaniques locales, Sydney Allard a visé juste, et en effet la quasi-totalité des 99 exemplaires produits en 1950 et 1951 prennent le chemin des Etats-Unis.

Fini les trials régionaux, désormais Sydney Allard peut s'en aller tâter de la course au plus haut niveau. La J2 est la première Allard à participer en 1950 aux 24 Heures du Mans, où elle termine en troisième position derrière deux Talbot, aux mains de Sydney Allard lui-même et du pilote Tom Cole. Cette performance est une publicité bienvenue pour la marque encore méconnue en Europe continentale et aux Etats-Unis. Le constructeur revient au Mans en 1951, 1952 et 1953, mais sans terminer la course.

L'Allard J2 numéro 4, à moteur V8 Cadillac de 5,4 litres pilotée par Sydney Allard et Tom Cole, termine en troisième position aux 24 Heures du Mans 1950, derrière deux Talbot Lago.


1950 : Allard K2


La K2 apparaît comme étant la version routière de la J2, et remplace la K1. Elle est équipée en standard du V8 Ford 3 622 cm3 de 95 ch, mais peut recevoir en option un ensemble Mercury, Oldsmobile ou Chrysler.

En 1950 apparaît également l'Allard K2, un roadster 2/3 places, version routière de la J2, assemblée à 119 exemplaires jusqu'en 1953.


1951 : Allard M2 et M2X


L'Allard M2 produite en 1951 et 1952 à seulement 7 exemplaires est la mal aimée de la gamme, celle que tout le monde aimerait oublier. Elle adopte une nouvelle calandre qui marque une rupture avec le dessin adopté depuis 1946, et elle se singularise surtout par son capot moteur avec ses ailes intégrées qui s'ouvre d'un seul tenant grâce à un vérin hydraulique, pour faciliter l'accès au compartiment moteur et à la roue de secours. Ce principe sera vite abandonné sur les séries suivantes, car ce capot est encombrant et difficile à fabriquer. La M2 peut recevoir des mécaniques Ford, Mercury ou Cadillac.

Surnommée en interne la baleine en raison de son aspect disgracieux, un seul exemplaire de la M2 a survécu de nos jours.

Face aux difficultés rencontrées avec la M2, Allard lance immédiatement l'étude de sa remplaçante, qui est disponible en novembre 1951 sous la désignation M2X. L'accès à la mécanique s'opère désormais par une ouverture classique, qui n'englobe plus toute la partie avant. Ce sont 25 exemplaires qui sont assemblés entre novembre 1951 et septembre 1952, le plus souvent équipés du Ford V8 de 3 622 cm3. L'acquéreur peut aussi opter pour certains moteurs disponibles au sein de la GM ou du groupe Chrysler.

Si la J2 a marqué les esprits avec ses formes fuselées, il est plus difficile de reconnaître un quelconque talent artistique au styliste de chez Allard qui a dessiné la M2X. D'ailleurs, preuve du manque d'intérêt pour ce modèle, seules 4 des 25 voitures produites ont survécu jusqu'à nos jours.


1951 : Allard J2X


Allard propose en 1951 le roadster Allard J2X, modèle de course, doté d'une mécanique Mercury, Chrysler ou Cadillac. Pour répondre aux demandes de la clientèle, la structure du modèle J2 a été repensée pour aboutir à cette évolution J2X. Le moteur est avancé et il permet une meilleure répartition des masses, tout en offrant plus d'espace pour le pilote et son passager. Ce modèle dérivé est produit à 85 exemplaires de 1951 à 1954, dont 71 en version " Competition " et 14 en version " Le Mans Competition ".

L’Allard J2X lancée en 1951 est encore plus radicale que la J2. Cette voiture s'inscrit dans une gamme déjà riche. Elle sera ressuscitée avec bonheur dans les années 2000 par la nouvelle société Allard : https://allardj2x.com

Par rapport à la J2, le moteur de la J2X est avancé de 19 centimètres, ce qui permet de gagner de l'espace dans le cockpit et d'accroître la maniabilité.

L'Allard J2X " Le Mans Competition " est produite à 14 exemplaires de 1952 à 1954. 12 exemplaires ont survécu jusqu'à nos jours. Les moteurs qui l'équipent proviennent aussi bien de chez Ford, que de la GM ou de Chrysler.

La Jaguar XK 120 qui s'est imposée assez naturellement comme étant la référence incontestée sur le marché de la voiture de sport performante, et qui bénéficie d'une notoriété bien supérieure à celle des Allard, tant en Grande-Bretagne qu'aux Etats-Unis, contrarie largement la carrière de la J2X.


1952 : Allard P2


Au début des années 50, l'environnement automobile devient de plus en plus concurrentiel, face à des constructeurs comme Jaguar, Triumph ou Austin Healey, qui en offrent plus pour bien moins cher, sous des carrosseries plus attrayantes que celles des voitures de Clapham High Street. Sydney Allard n'a pas la chance, comme Donald Healey, de compter sur le soutien logistique et financier d'un grand constructeur. Il doit lutter seul contre la concurrence.

Le catalogue Allard comporte deux versions de la nouvelle P2, la Monte-Carlo et la Safari. La première, un vaste coupé, doit son nom à la victoire remportée en 1952 par Allard sur le Monte-Carlo. Fabriquée en seulement 11 exemplaires de 1952 à 1955, la P2 Monte-Carlo peut être équipée de moteur V8 Ford (85 ch), Mercury (110 ch) ou Cadillac (250 ch).

L’Allard P2 lancée en 1952 est un coupé quatre places qui succède à la P1 avec une esthétique grandement améliorée. La dénomination Monte-Carlo ne parvient pas à booster sa diffusion qui reste extrêmement confidentielle.

Tout aussi discret sur le marché avec 13 exemplaires fabriqués, le break Allard P2 Safari dispose du même choix de mécaniques que la Monte-Carlo. Avec trois banquettes, il offre une habitabilité exceptionnelle.

L’Allard P2 est disponible dans une étonnante version break " woodie " appelée Safari. Ce modèle très rare chez un constructeur de voitures de sport connaît une diffusion aussi confidentielle que celle du coupé.


1952 : Allard Palm Beach Mk I et Mk II


Pour retrouver sa clientèle qui se raréfie après le succès des K1, L, M et P1, Allard tente de rendre ses voitures plus accessibles, en particulier avec le roadster Palm Beach, équipé d'un quatre cylindres Ford Consul 1 508 cm3 (21C) ou d'un six cylindres Ford Zephyr 2 622 cm3 (21Z). La Palm Beach 21Z est affichée au même prix qu’une Austin Healey 100 bien plus performante. 84 exemplaires sont produits de 1952 à 1955, un nombre insuffisant pour assurer la pérennité de l'affaire.

L’Allard Palm Beach lancée en 1953 rappelle quelque peu les Austin Healey contemporaines, mais ses formes sont plus sommaires, et son niveau de diffusion se situe un cran en dessous.

Cet exemplaire de la Palm Beach habillé par ED Abbott de Farnham et doté du 6 cylindres de la Ford Zephyr a été exposé à Londres en octobre 1954. Bien qu'unique, il a été intégré à la gamme officielle du constructeur en 1954.

La version Palm Beach Mk II succède à la Mk I de 1954 à 1958. Elle en reprend l'empattement, mais s'habille d'une toute nouvelle carrosserie plus élancée. Allard propose deux six cylindres, le 2 553 cm3 de 90 ch de la Ford Zephyr Zodiac, ou le 3 442 cm3 et 190 ch de la Jaguar XK 140. Mais plus que jamais, la production de ce modèle demeure anecdotique. Six Palm Beach Mk II sont assemblées, dont cinq ont survécu.

Allard devient un constructeur moribond. Sa Palm Beach Mk 2 malgré une certaine élégance ne parvient à séduire que six acheteurs.


1952 : Allard K3


Le roadster Allard K3 qui remplace la K2 est doté en série de l'inamovible V8 Ford de 3 622 cm3. Le client peut aussi choisir parmi les V8 Lincoln, Cadillac ou Chrysler. Sept acheteurs optent même pour un moteur Jaguar. La voiture est assemblée à 62 exemplaires de 1952 à 1954. Son esthétique élégante, aux accents italiens, ne suffit pas pour attirer en nombre les clients.

Le roadster Allard K3 à carrosserie ponton lancé en 1952 se situe dans la lignée des Nash Healey et Austin Healey. Ses volumes apparaissent plus travaillés, pourtant les Allard ne séduisent plus.


1953 : Allard J2R/J3R, 1953


L'Allard J2R/J3R est disponible en trois versions de 1953 à 1957 - course avec un V8 Cadillac de 270 ch (7 exemplaires), Palm Beach avec un six cylindres Ford de 90 ch (6 exemplaires), et Gran Turismo avec un six cylindres Jaguar de 190 ch (2 exemplaires). C'est donc un total de 15 exemplaires qui sont assemblés dans diverses configurations.

L’Allard J2R Gran Turismo commercialisée en 1953 est la version coupé de la Palm Beach MK II. Cette dénomination ronflante n’a aucun impact sur les ventes de la J2R qui stagnent à 15 unités. Pour Allard, la fin est proche.


1953 : Allard Clipper


On le sait, Allard est en perte de vitesse avec 143 véhicules produits en 1952, 121 en 1953 et 36 en 1954. Le constructeur est à la recherche d’un nouveau souffle, voire d'un nouveau cap. Il s'associe en 1953 avec David Gottlieb de la compagnie Powerdrive, afin d’assembler une voiture à trois roues, l'Allard Clipper. Celle-ci est annoncée comme ayant une carrosserie en plastique indestructible, teintée dans la masse. Elle est sous-traitée auprès de Hordern-Richmond Ltd. A la même époque, Packard utilise cette même désignation Clipper pour un modèle autrement plus ambitieux.

L’Allard Clipper à trois roues lancée en 1954 ne connaît aucun succès et doit être abandonnée au bout de quelques mois de commercialisation.

Doté d'un moteur monocylindre Villiers de 346 cm3 monté à l'arrière, ce microcar rentre en concurrence avec les petites voitures de chez Reliant et Bond. Il peut accueillir trois adultes sur une banquette et deux enfants dans des sièges d'appoint optionnels installés dans le coffre ... Le premier exemplaire sort des ateliers Allard le 15 avril 1954. La distribution doit se faire par l'intermédiaire de concessionnaires motos. Hélas, l'engin montre très vite son manque de fiabilité.

Allard imagine pour la Clipper une grande diversité d'utilisations : voiture familiale avec deux places supplémentaires, voiture de loisirs, voiture pour le shopping du week-end ou voiture pour les affaires en semaine.

Allard met fin à cette expérience en juin 1955, après que son fournisseur ait renoncé à lui fournir les carrosseries, faute de volume suffisant. 22 exemplaires ont été produits. Avec le recul, on observe que le marché des véhicules à trois roues va se développer considérablement en Grande-Bretagne au cours des années 60 et 70, et il est dommage qu’Allard n’ait pas persisté dans cette voie.

Le marché des voitures à trois roues est une spécialité typiquement britannique, largement exploitée par des marques comme Reliant ou Bond. Allard apparaît comme un outsider, hélas sans grande expérience et sans renommée sur ce créneau.


Epilogue


Après avoir flirté avec la production industrielle sans jamais atteindre le niveau de Jaguar, Allard est redevenu un véritable artisan, et ne fabrique plus ses voitures qu'à la demande. Cette production unitaire est évidemment coûteuse. A ce prix, tous les désirs des acheteurs peuvent être respectés. Rien n'empêche par ailleurs le propriétaire d'un ancien modèle de revenir à l'usine pour faire monter les plus récentes évolutions sur sa voiture. Finalement, Sydney Allard préfère jeter l'éponge, et suspend toute production automobile en 1958 après avoir fabriqué 2008 voitures, dont 272 ont été exportées vers les Etats- Unis, le plus souvent sous forme de châssis roulant pour être équipés d'un moteur à l'arrivée.

Sydney Allard va construire encore de manière autonome quelques prototypes. Mais après l'arrêt de la production de ses voitures, il redevient concessionnaire Ford, et collabore notamment avec ce constructeur sur des versions sportives de la récente Anglia. Il assure également la diffusion de pièces hautes performances et de toits ouvrants de marque allemande Golde. Il n'a jamais perdu le goût de piloter, et participe au début des années 60 à des rallyes. Il remporte notamment sa catégorie sur le Monte-Carlo de 1963. Sa dernière participation à cette épreuve a lieu en 1965.

Parallèlement, en janvier 1964, Sydney Allard lance le Dragstar Dragon, un dragster peu coûteux, conçu par John Hume, propulsé par un moteur Ford, vendu sous forme de kit. Plusieurs exemplaires sont produits. Depuis de nombreuses années, de par son engagement, Sydney Allard est considéré par les Britanniques comme le père des courses de dragsters dans son pays.

Changement total de registre pour Allard qui propose aux plus téméraires de construire eux-mêmes leur propre dragster à partir de puissantes mécaniques Ford.

Sydney Allard disparaît le 12 avril 1966, à l’âge de 56 ans. Quelques jours plus tard, le feu détruit son usine. Son fils Alan reprend les destinées de l'affaire. La société de Sydney Allard commercialise encore des toits ouvrants durant quelques années.


Sydney Allard, que ses employés surnommaient " the gouvernor " en raison de sa grande taille et de sa forte personnalité.

En 1999, contre toute attente, la firme est ressuscitée grâce à un certain Roger Allard, un québécois qui n’a d’ailleurs aucun lien de parenté avec le fondateur de la marque. Roger Allard remet en production la fameuse J2X produite entre 1951 et 1954, dotée cette fois d’un moteur de 5,7 litres développant la bagatelle de 420 ch. L’assemblage de ce modèle s’est poursuivi pendant une douzaine d’années.

Texte : Jean-Michel Prillieux / André Le Roux
Reproduction interdite, merci.

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