Peugeot 604
Au début des années 70, le luxe automobile français est essentiellement représenté par la vieillissante DS. Face à elle, Renault propose au mieux la R 16 TX, et Peugeot la 504 Ti. Depuis les années 60, les constructeurs allemands BMW et Mercedes en tête, ont entamé un lent mais régulier grignotage de notre marché du haut de gamme. C'est dans ce contexte que Citroën étudie sa CX commercialisée en août 1974, Renault sa R30 et Peugeot sa 604, ces deux dernières étant présentées à Genève en mars 1975.
Le 15 octobre 1975, l'Auto Journal offre à la 604 une " une " très glamour, avec Sylvie Vartan Billancourt et Sochaux, en coopération avec les suédois de Volvo, passent en 1971 un accord au terme duquel ces trois constructeurs mettent en commun leurs compétences techniques et leurs ressources financières, afin d'aboutir à la naissance d'un nouveau moteur V6. Il s'agit d'affronter une concurrence européenne de plus en plus vive, renforcée par la récente association Citroën Fiat, qui en l'occurrence sera éphémère. Ce moteur va être produit dans une nouvelle usine installée à Douvrin dans le Pas-de-Calais. Il est dans un premier temps utilisé par Peugeot, Renault et Volvo (d'où son nom, le V6 PRV), avant que sa diffusion ne soit étendue vers des modèles plus confidentiels (Talbot Tagora, Alpine V6, De Lorean, MVS ...). C'est Volvo qui l'installe en premier sur la 264 dévoilée en septembre 1974, puis Peugeot qui en équipe son cabriolet 504 un mois plus tard. D'une part Renault et Peugeot coopèrent sur ce projet, d'autre part, ils sont concurrents sur le même segment de marché. Pour ne pas se heurter frontalement, la Régie fait le choix d'une carrosserie deux volumes à hayon, tandis que le constructeur sochalien reste dans un classicisme extrême. A Genève en 1975, la 604 n'est visible que sur une scène pivotante, et le public ne peut pas s'en approcher. D'ailleurs, son capot moteur ne s'ouvre pas. Ce n'est qu'en octobre 1975, à Paris, que la 604 est officiellement lancée, deux mois après le démarrage effectif de la production.
Les photos officielles de la 604 sont le plus souvent prises dans des propriétés bourgeoises. Il s'agit pour Peugeot de sa première voiture 6 cylindres d'après guerre. Jusqu'alors, le constructeur s'est contenté de faire glisser sa clientèle vers des modèles de plus en plus puissants d'une génération à l'autre. On est ainsi passé de la 203 7 CV à la 504 10/11 CV après avoir goûté aux 403 8 CV et la 404 9 CV. Une autre habitude chez Peugeot est de reléguer la voiture précédente au rôle de modèle économique. Avec la 604, le constructeur vise une nouvelle clientèle, peu habituée à penser Peugeot. Le V6 de la 604 SL (pour Super Luxe), unique version disponible au départ, développe 136 ch avec une cylindrée de 2 664 cm3. La 604 autorise une vitesse de pointe de 182 km/h. L'alimentation est assurée par deux carburateurs. Lors de son lancement, la 604 coûte 41 700 francs, contre 33 780 francs pour une Audi 100 GL, 47 000 francs pour une Mercedes 230 6 cylindres ou 68 900 francs pour une Jaguar XJ 3.4.
Peugeot 604 SL Le style de la 604 n'est pas renversant. D'une élégance toute en sobriété, d'une angulosité sévère, cette voiture nette, sans fard, annonce la personnalité de son propriétaire. C'est une automobile pour gens comme il faut. On ne se retourne pas sur son passage. Les coloris vont avec son style. On n'a jamais vu de 604 jaune en sortie de chaîne ! L'équipement de série est un cran au-dessus de ce que propose l'ensemble de la production hexagonale. Le comportement routier est dans la droite lignée des productions sochaliennes : irréprochable. Par contre, Peugeot n'a pas encore le savoir faire des constructeurs germaniques en matière de finition. De nombreux détails ne sont pas à la hauteur des réalisations de nos voisins d'outre Rhin. La presse spécialisée s'en fait l'écho. Bernard Carat pour l'Auto Journal précise que ces défauts sont typiquement Peugeot, mais aussi 100 % français. Peugeot tente de corriger ces imperfections avec la 604 Ti dévoilée durant l'automne 1977. La voiture gagne 8 ch Din avec 144 ch. Elle dispose d'une nouvelle boîte à cinq vitesses. Ainsi, elle devient plus vive à conduire. Sa finition se veut plus soignée, et son niveau d'équipement monte d'un cran. Elle gagne en série plusieurs options disponibles sur la SL.
Peugeot 604 STI Renault ne réagit qu'un an plus tard avec sa 30 TX. La gamme 604 est étendue en février 1980 avec l'arrivée de motorisations diesel. A partir de l'été 1980, une nouvelle V6 STi fait son apparition, encore mieux équipée, tandis que les SL et Ti disparaissent fin 1981 et fin 1982. Pour l'année modèle 1984, la STi est remplacée par la GTi de 155 ch Din sur laquelle la cylindrée est portée à 2 849 cm3. Les ventes se maintiennent à un bon niveau jusqu'en 1979, avec un rythme de croisière d'environ 25 000 voitures par an - plus que le score total de la Citroën C6 durant toute sa carrière trente ans plus tard - pour décliner rapidement à partir de 1980. Peugeot ne souhaite pas modifier l'aménagement intérieur pour faire de la 604 une vraie voiture de prestige. Dans les bureaux d'études, on pense déjà à sa remplaçante, la 605. Au total, ce sont 153 252 voitures qui ont été produites jusqu'en 1985, dont 34 671 dotées de l'injection. La 604 est peu exportée. Les Anglais, Allemands et Italiens, eux-mêmes constructeurs de voitures de luxe, ne voient pas l'intérêt d'acquérir cette Française. D'importants efforts sont entrepris pour l'introduire sur le marché américain dès 1976, mais la 604 est chère pour la catégorie dans laquelle elle s'inscrit. En France, sa présence n'a que peu d'incidence sur les ventes de ses concurrentes étrangères. Il n'est pas facile de détourner un client Mercedes vers une 604.
Peugeot 604 SL |