Hupmobile, beaucoup d'efforts pour peu de résultats
Hupmobile était une marque automobile américaine créée en 1908 par Robert Craig Hupp à Detroit dans le Michigan, berceau de nombreuses marques automobiles américaines. Après une période relativement prospère, Hupmobile décroche complètement pour finalement disparaître en 1940. Les débuts de Hupmobile Ancien employé d’Oldsmobile et de Ford, Robert Craig Hupp (1877-1931) fonde avec son frère Louis Gorham Hupp (1872-1961) la société Hupmobile en 1908 à Detroit, berceau de l’industrie automobile américaine. La production démarre en 1909 et trois ans plus tard, Hupmobile devient l'un des deux constructeurs pionniers des carrosseries tout acier, avec BSA en Grande-Bretagne. Les panneaux de carrosserie de Hupp sont produits par Hale & Kilburn, entreprise dirigée par Edward Gowan Budd qui fonde la Budd Company en 1912. Carl Wickman, vendeur de voitures dans le Minnesota, utilise un modèle Hupmobile à sept places comme premier véhicule de ce qui devient l'entreprise de transport par autocar Greyhound. En 1913, Frank E. Watts est embauché en tant que designer chez Hupmobile. La Hupp Car Company, propriétaire de la marque Hupmobile - dont le nom est inspiré par celui de la marque Oldsmobile -, poursuit son développement après le départ de son fondateur en 1911.
Après plus d'une décennie de production, Hupmobile devient à l'aube des années 20 un constructeur qui compte dans le paysage automobile américain, même si sa production n'atteint pas le niveau de celle des géants Ford ou Chevrolet. Une nouvelle usine est achetée en 1924, alors que la concurrence de Ford et de Chevrolet est particulièrement forte. Hupmobile n’a pourtant produit que 38 000 voitures en 1923, contre 1 831 000 Ford, 323 000 Chevrolet, 202 000 Buick, 196 000 Willys-Overland, 151 000 Dodge ou 146 000 Studebaker. Mais l’entreprise entend ne plus perdre de ventes en raison d’une capacité de production trop faible. Il est vrai qu’en 1921, Hupmobile n’a pas pas dépassé les 14 000 voitures produites, et que le volume de production a été multiplié par 2,7 en deux ans. Cependant, Hupmobile ne joue pas dans la même cour que les grands constructeurs américains. Malgré ces handicaps, la production de la marque grimpe à 46 000 voitures en 1926 et 66 000 en 1928, chiffre qui ne sera plus jamais atteint.
Les Hupmobile de la fin des années 20 arborent un style très classique que l’on retrouve sur bon nombre de marques américaines de cette époque. Pour augmenter la production et gérer la croissance de son chiffre d'affaires, Hupp achète la Chandler-Cleveland Motors Corporation pour ses installations de fabrication. Cette firme fondée en 1913 produit deux à trois fois moins que Hupmobile, il s’agit donc d’un tout petit constructeur qui va être sacrifié sur l’autel de la rationalisation en 1929. Hupmobile victime de la Grande Dépression Les ventes de la marque commencent à décliner avant même le début de la crise économique des années 30. Une stratégie visant à faire de la Hupmobile une voiture plus luxueuse et plus chère est mise en place en 1925, avec l'introduction d'un modèle huit cylindres, suivie par l’arrêt définitif des modèles quatre cylindres en production depuis 1909. En visant un segment de marché qui semble plus lucratif, Hupmobile tourne malencontreusement le dos à sa clientèle. La compagnie fait la même erreur que de nombreux autres constructeurs automobiles de milieu de gamme de l'époque. Dans une tentative de réaliser le maximum de ventes, la marque propose de nombreuses carrosseries différentes. Mais avec un volume de production relativement faible, le résultat est qu'aucun modèle ne peut être produit en quantité suffisante pour maintenir des coûts de fabrication assez bas pour dégager un profit.
La maison de couture française Lanvin a été créée en 1889 par Jeanne Lanvin. Hupmobile n'hésite pas à utiliser l'image de la France et de ses produits de luxe pour promouvoir ses automobiles. De 50 579 unités produites en 1929, Hupmobile voit son volume de production décliner fortement à 22 183 unités en 1930, 17 451 en 1931, 10 467 en 1932 et 7 316 en 1933. Le constructeur désirant rendre plus attractive sa gamme de voitures au style plutôt conservateur se tourne alors au début des années 30 vers le jeune designer industriel Raymond Loewy pour la conception de son modèle 1932-1933, mais les ventes de cette élégante routière demeurent décevantes.
La Hupmobile de 1932-1934 fait preuve d’un peu plus de recherche dans le design. Son dessin est dû au jeune designer Raymond Loewy qui deviendra célèbre dans les années 50 grâce à Studebaker. Le constructeur surenchérit en 1934 en proposant son nouveau modèle " Aérodynamique " toujours dessiné par Raymond Loewy, mais bien plus moderne d’aspect. On remarque la calandre inclinée et les phares intégrés entre les ailes et le capot, une caractéristique qui sera reprise sur les futures Opel Kadett et Renault Juvaquatre en Europe. On note aussi durant le premier millésime le pare-brise panoramique en trois parties, qui fait penser aux Panhard qui reprennent le même concept, et qui sera optimisé sur la Dynamic de 1936. Trop cher à fabriquer, il est vite abandonné.
La Hupmobile 1934-1936 arbore une carrosserie aérodynamique dessinée par Raymond Loewy. L’implantation des phares inspirera celle des futures Opel Kadett (1936) et Renault Juvaquatre (1937). La voiture codifiée Type 521 est une six cylindres de 101 ch, ou une huit cylindres de 120 ch au choix, mais Hupmobile propose également une Série 417-W, qui est la voiture d’entrée de gamme de la marque, une six cylindres à moteur Ford. C’est la première expérience de la marque Hupmobile dans le partage de carrosseries avec un autre constructeur. Il est amusant que constater que Ford dispose depuis 1932 de son premier moteur V8 dans sa gamme, qui n’est pas repris par Hupmobile, de peur sans doute de démoder ses propres huit cylindres en ligne.
La Hupmobile de 1935-1937 conserve la carrosserie de la précédente, mais le pare-brise panoramique laisse la place à un pare-brise classique, moins cher à fabriquer. Le Type 521 est remplacé par le Type 618 en 1936. Ce modèle est supplanté en 1937 par une nouvelle Hupmobile beaucoup plus classique, très proche des Ford contemporaines. Il s’agit du Type 825. Déclin et disparition de la marque Malgré le bon accueil réservé à sa nouvelle gamme " Aérodynamique ", les querelles entre actionnaires, et une tentative de prise de contrôle hostile en 1935, font beaucoup de tort à Hupmobile. En 1936, le constructeur est forcé de vendre certaines de ses usines, et se voit contrainte de suspendre sa production, après 9 420 voitures fabriquées en 1934, 9 346 en 1935 et 74 en 1936. Une nouvelle gamme de six et huit cylindres est prévue pour 1938, mais à ce moment-là, Hupmobile n'a plus les moyens de ses ambitions. La production reprend en 1937 avec le tout nouveau modèle Type 825 réalisé à l’économie, malgré son moteur huit cylindres, et sa boite de vitesses semi-automatique. Le volume de production de la marque devient alors dérisoire puisqu’il ne dépasse pas 1 890 unités en 1938 et 1 231 en 1939, contre 875 en 1937.
La Hupmobile de 1937-1939 est dotée d’une nouvelle carrosserie plus classique, inspirée de celle des Ford contemporaines. On remarque le pare-brise en deux parties. Notons que Hupmobile est un pionnier dans le système de ventilation d'air frais pour l'habitacle. Le constructeur est alors pratiquement à l’article de la mort, mais la direction de l’entreprise acquiert les matrices de production de la fameuse Cord 810/812 conçue par Gordon Buehrig pour le groupe Auburn-Cord-Duesenberg, qui a fait faillite en 1937. Hupmobile espère que l'utilisation du concept de la Cord dans une voiture à moindre prix, appelée Skylark, puisse remettre la société sur la voie de la santé financière. En effet, des commandes enthousiastes arrivent par milliers - Hupmobile en annonce 6 000 - et le constructeur peut ainsi espérer rebondir. Pour diminuer les coûts de production, Hupmobile passe un accord avec Graham-Paige, constructeur également en difficulté, pour produire ensemble ce modèle qui serait une propulsion et non plus une traction. Certains observateurs affirment que ce nouveau rapprochement est un " mariage au bord de la tombe ". La seule différence notable entre les deux voitures jumelles est logée sous le capot, chaque marque ayant décidé de monter ses propres moteurs. La Hupmobile est dotée d’un six cylindres de 4 litres développant 101 ch, et la Graham-Paige d’un six cylindres de 3,5 litres développant 93 ch. Les deux voitures sont présentées au public fin 1939.
La Hupmobile de 1939-1940 n’est autre qu’une Cord 810/812, qui est passée de la traction à la propulsion, et dont les phares rétractables sont devenus fixes. Hupmobile stoppe sa production en octobre 1940, un mois avant Graham-Paige, les Skylark et Hollywood étant produites sur les mêmes chaînes d’assemblage. A la différence des Cord 810/812, les deux voitures possédent des phares fixes sur les ailes, et non pas des phares rétractables, pour des raisons évidentes de coût. Le démarrage de la production des Skylark et Hollywood n'a lieu qu'en mai 1940, soit huit mois après la présentation des modèles. A ce moment-là, une grande partie des commandes a été annulée, et les ventes effectives sont finalement très décevantes pour les deux constructeurs : 2 000 unités environ pour Graham-Paige et 319 pour Hupmobile … Suite à cet échec commun, Hupmobile cesse toute activité en octobre 1940. Quant à Graham-Paige, elle arrête sa production peu de temps après, en novembre 1940. Deux marques automobiles disparaissent ainsi un an avant l’entrée en guerre des Etats-Unis.
Texte : Jean-Michel Prillieux |
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