Gilbern, artisan gallois
Gilbern est une marque automobile britannique artisanale qui a été en activité de 1960 à 1974. Elle a été fondée par Giles Smith et Bernard Friese, dans le Pays de Galles. Les Gilbern étaient le plus souvent livrées en kits. Giles Smith et Bernard Friese sont à l’origine de la firme Gilbern, dont le nom est composé de la première syllabe de leur prénom. Bernard Friese, un ingénieur allemand expérimenté dans les moulages en fibre de verre, a fabriqué en 1959 une voiture unique pour son usage personnel. Les deux associés ont décidé de l’utiliser comme base pour la première voiture de la marque Gilbern. Leur premier modèle sort en 1960. Il s’agit d’un petit coupé sportif doté de moteurs d’origine BMC et d’une jolie carrosserie en polyester de 3,90 mètres de long. Comme beaucoup de petites marques anglaises artisanales de cette époque, la voiture peut être vendue montée ou sous forme de kit. En 1961, date de la première année de production, onze exemplaires sortent de la petite usine de Clantwit Fadre, située au Pays de Galles. Ils sont dotés d’un moteur BMC A-Series de 948 cm3 avec un compresseur Shorrock en option, ou d’un Coventry Climax de 1098 cm3. Le châssis est fabriqué à partir de tubes d'acier carrés, et la suspension avant provient de l'Austin A35. En 1962, une cinquantaine de voitures sont assemblées. Celles-ci sont maintenant dotées d’un moteur de 1,6 litre (celui de la MG A), mais dès 1963, il est remplacé par le 1,8 litre de la MG B. Le modèle prend alors la dénomination de Gilbern 1800 GT. Sa vitesse maximale est de 170 km/h contre 150 km/h pour l’ancienne version 1600. En 1965, un moteur de 2,0 litres, celui de la Ford Zephyr, est proposé, mais ce modèle ne trouve que quatre acheteurs.
La première voiture Gilbern de série, la GT, est présentée en 1960. Il s’agit d’un petit coupé sportif au style agréable, motorisé par une mécanique d’origine BMC. Un modèle plus ambitieux et plus puissant est lancé en 1966. Dénommé Genie, il se présente sous la forme d’un coupé de 4,00 mètres de long, d’allure beaucoup plus moderne que l’ancienne GT. Son style plutôt réussi s’inspire des GT italiennes contemporaines. Certains composants techniques proviennent de la MG B. Pouvant atteindre 190 km/h grâce à son V6 Ford de 2,5 litres, la Gilbern Genie est produite à 197 exemplaires. Elle est remplacée en 1969 par l’Invader, dotée d’un V6 Ford de 3,0 litres.
La Gilbern Genie lancée en 1966 n’est pas " géniale " à proprement parler, mais il s’agit d’un petit coupé sportif de 4,00 mètres de long au style moderne. Les marques britanniques n’ont pas toutes l’avantage de proposer alors des voitures aussi jolies. L’Invader reprend la carrosserie de la Genie, mais elle est dotée d’un châssis renforcé et de freins plus gros. La suspension avant est empruntée à la MG C. L’Invader permet à la Gilbern de monter en gamme avec des équipements tels que les vitres électriques ou le tableau de bord habillé de noyer. Une boîte de vitesses automatique est disponible en option. Depuis ses débuts, la firme parvient tout juste à l’équilibre financier, malgré la montée en gamme progressive pratiquée depuis 1960. En 1968, suite à une recherche d'injection de liquidités, un groupe financier reprend les rênes de l’affaire : Gilbern est repris par Ace Capital Holdings Ltd, dont l'activité principale est la fabrication de machines à sous. Suite à cette prise de contrôle, Giles Smith quitte l'entreprise pour être remplacé par Mike Leather et Maurice Collins en tant que co-directeurs généraux. En 1970, Ace est racheté par le groupe de divertissement Mecca Ltd, qui vend la société à Maurice Collins. En 1972, elle est revendue à son tour à Mike Leather ... Ce tour de passe-passe affecte peu l’activité de la firme qui entend capitaliser sur le succès de l’Invader.
La Gilbern Invader lancée en 1969 (ici une Mk 2) est une évolution de la Genie. Son V6 Ford est plus gros, et l’intérieur est traité avec plus de soin. Le restyling de 1972 élargit la voiture et lui procure encore plus de prestance. Hélas, la crise pétrolière de 1973/1974 entraîne la disparition de la marque. Gilbern imagine en 1970 une toute nouvelle génération de coupés pour la décennie. Le constructeur demande à Trevor Fiore de se charger du dessin d'un coupé à l'allure futuriste. Celui-ci est baptisé T11, et son style rappelle les De Tomaso Mangusta de Tom Tjaarda, Ferrari 512 S de Pininfarina, Alfa Romeo Carabo et Lancia Statos Zero de Bertone, ou Monteverdi Hai du même Trevor Fiore. Le coupé avant-gardiste qui doit être présenté au Salon de Genève en mars 1971 est doté d’un 4 cylindres 1,5 litre monté sur l’Austin Maxi. Mais les nouveaux actionnaires renoncent finalement au projet, qu’ils trouvent trop audacieux et trop risqué. Ils préfèrent s’appuyer sur l’Invader qui procure des revenus plus sûrs. Un seul exemplaire du prototype T11 est donc assemblé.
Gilbern pense à moderniser totalement sa gamme pour entrer dans les années 70, mais le prototype concocté par Trevor Fiore n'obtient pas l’agrément des nouveaux actionnaires de la marque. Le projet est abandonné. On injecte de nouveaux capitaux afin d’accroître le volume de production de l’usine. D’une centaine de voitures fabriquée en 1969, les volumes sont doublés en 1971 et 1972. Ce sont donc près de 500 exemplaires qui sont produits en trois ans. C'est peu comparé à de plus grandes marques comme Morgan ou Lotus, mais c'est bien si l'on observe les chiffres communiqués par d'autres petites marques britanniques. Gilbern reste pénalisé par sa production très artisanale, à la source d'un prix de vente relativement élevé. La pérennité de l'entreprise est sans cesse remise en question. A partir de 1971, Gilbern propose une version " break de chasse " de l'Invader, dite Estate, qui se pose en rivale directe de la Reliant Scimitar lancée en 1968, qui connaît alors un beau succès. Mais l'Estate effectue une carrière beaucoup plus modeste que la voiture produite à Tamworth, sans doute en raison d’une esthétique moins réussie.
Gilbern tente en 1971 de concurrencer le break de chasse Scimitar de Reliant. Hélas, ce n'est qu'une centaine d’Invader Estate qui trouvent preneur, alors que Reliant vend plus de 14 000 exemplaires de sa Scimitar GTE. Fin 1972, l’Invader reçoit dans sa version Mk 3 d’importantes modifications : une nouvelle calandre élargie, une suspension avant de Ford Cortina, une coque plus large et plus basse que celle de l'Invader précédente. La largeur entre les roues est augmentée de 10 centimètres. Son prix de lancement est de 2 693 £. Mais le manque de rationalité de la production dans des bâtiments anciens, de nouvelles normes de sécurité obligatoires, la suppression des avantages fiscaux liés aux voitures achetées en kit, ainsi que la crise du pétrole en 1973/1974 conduisent l’entreprise dans une situation de plus en plus difficile.
A l'issue d'une production qui s'est échelonnée sur une quinzaine d'années, l'Invader Mk 3 est l'ultime Gilbern. Comme tant d'autres marque, Gilbern déjà fragile ne résiste pas aux soubresauts de la crise. Le groupe financier qui a renfloué l’entreprise en 1969 décide brusquement de se retirer de l’affaire. Un nouveau repreneur rachète alors la société pour une livre sterling symbolique … Il tente d’améliorer la productivité de l'usine, mais pour que l’affaire soit rentable, il faudrait produire 400 à 500 voitures par an. On en est loin. Lourdement endetté, Gilbern interrompt sa production en 1974, au pire moment de la crise pétrolière. Les grosses voitures et les voitures de sport sont les premières victimes d'un marché en baisse. Au total, Gilbern aurait fabriqué un peu plus d’un millier de voitures entre 1961 et 1974, dont 280 GT, 197 Genie et 603 Invader. Voir aussi : http://leroux.andre.free.fr/ukgilbern.htm
Texte : Jean-Michel Prillieux |
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