Peugeot DMA, DMAG, Q5A, Q5AG, DMAH, Q3A


Avant le DMA : DK5 et DG5 sur base Peugeot 402


Dès l'entrée en guerre, Peugeot réduit sa gamme d'automobiles de tourisme. Les versions les plus " futiles " (cabriolet, coupé) des 202 et 402 sont abandonnées, et les volumes de production sévèrement revus à la baisse. Les usines se consacrent pour l'essentiel à la fabrication  d'utilitaires à la demande des autorités militaires françaises. Les dernières voitures civiles sortiront de chaîne en juillet 1942.

Au début de la guerre, la production d'utilitaires sur base 402 (un modèle né en 1935) porte sur deux versions : le DK5 produit à 12 733 exemplaires de septembre 1939 à juin 1941, équipé du 4 cylindres 2142 cm3 dérivé de la 402 B (type THU2), et le DG5 fonctionnant au gazogène (moteur type THG2), dont 2 144 unités sont assemblées d'août 1940 à novembre 1941


Cette brochure de 1940 présente la version DK5

Lorsque les forces allemandes occupent le nord de la France à partir de juin 1940, elles entreprennent de concentrer les fabrications automobiles destinées à la Wehrmacht en sélectionnant les plus grands constructeurs du moment : Renault, Citroën, Berliet et Peugeot. Dès lors, ces industriels ne peuvent plus produire qu'avec l'accord de l'occupant, pour l'essentiel à son usage, selon un programme déterminé.

Dès l'été 1940, Peugeot passe sous le contrôle de la Volkswagen Gmbh, société récemment créée, qui commence à assembler en Allemagne la KDF-Wagen (future Coccinelle). Cette société fait fabriquer par Peugeot à Sochaux les pièces des versions militaires de la KDF, en l'occurrence le Kübelwagen puis le Schwimmwagen. Par ailleurs, pour pallier le manque de matières premières et de carburant, les Allemands demandent au bureau d'études de Peugeot d'étudier deux nouveaux véhicules totalement différents.

Le premier est un petit véhicule à usage urbain, le VLV (Voiture Légère de Ville). Habillé d'une carrosserie décapotable de 2,76 mètres de long, il ne pèse que 365 kg. Son moteur électrique lui offre une autonomie d'environ 70 km. Le VLV est produit en région parisienne jusqu'en juillet 1942 à 377 exemplaires.

Peugeot VLV

Le second véhicule s'inscrit dans la continuation d'un projet initié à la demande des autorités françaises. Il s'agit d'une utilitaire de 2 tonnes de charge utile, le DMA. Sa production doit être assurée sur le site de Sochaux. Arrivé trop tard pour être utilisé par l'armée française, il conviendra aux besoins de l'occupant.


Modèle original, type DMA, mars 1941 à septembre 1944, puis de juin 1945 à septembre 1946


Le DMA est équipé d'un 4 cylindres 2142 cm3 à essence dérivé de la 402 B (type THU3) dont la puissance a été ramenée à 45 ch. Ainsi doté, il atteint 70 km/h en consommant environ 20 litres de carburant aux 100 km. Il est équipé de roues arrière jumelées. De par sa charge utile, il s'inscrit dans une catégorie de poids supérieure qui dépasse celle d'une camionnette. Le DMA est surmonté d'une cabine avancée en tôle riveté, suivie d'un plateau de chargement.

Peugeot DMA avec carrosserie plateau ridelles bâché

L'esthétique particulière a été dictée à la fois par le manque de matières premières et la rigueur du cahier des charges. L'utilisation de tôles plates pour la cabine contribue à ce style singulier. Le DMA se révèle maniable en ville grâce à sa direction autorisant un rayon de braquage de 5,50 mètres. Il est disponible sous la forme d'un châssis-cabine ou d'un plateau à ridelles bâché. Pendant l'Occupation, le DMA est produit à 15 309 exemplaires, dont la plus grande partie est livrée aux autorités d'occupation.

Sa production est réactivée à partir du mois de mai 1945. Depuis cette date et jusqu'en septembre 1946, ce sont de nouveau 8 046 exemplaires qui sont assemblés. Plusieurs d'entre eux sont carrossés en fourgon pour être utilisés notamment par l'administration des Postes.

Brochure Peugeot DMA, 1945


Modèle à gazogène, type DMAG, septembre 1942 à septembre 1944, puis de mai 1945 à mai 1946


Le manque de carburant impose de s'adapter au contexte. Le DMA qui devient DMAG (moteur THG3) est donc aussi disponible avec ce même 4 cylindres de 2142 cm3, mais équipé d'un gazogène Gohin-Poulenc, qui peut être alimenté avec du bois, du charbon ou de l'anthracite.

Par rapport au DMA, le DMAG voit sa charge utile réduite de 200 kg, et son volume utile sous bâche passer de 9,15 à 7 m3. Sa puissance ne dépasse pas 34 ch, pour une consommation qui s'établit à 32 kilos de charbons de bois aux 100 km. Les exemplaires livrés à la Wehrmacht sont équipés d'un gazogène de marque Imbert, de fabrication allemande. La production du DMAG reprendra en mai 1945, mais au compte-gouttes. Durant sa carrière militaire puis civile, il n'a été produit qu'à 333 exemplaires.

Peugeot DMAG équipé d'un gazogène Gohin-Poulenc


Châssis court, type Q5A, juillet 1941 à décembre 1941 / type Q5AG, janvier 1942 à juin 1942


De juillet à décembre 1941, Peugeot assemble 176 exemplaires du type Q5A, une version à châssis court du DMA. Avec 3,3 tonnes de PTAC, il ne dispose que de 1500 kg de charge utile. Ne correspondant pas au cahier des charges des autorités allemandes, il permet de satisfaire une demande civile qui ne s'est pas totalement éteinte. La longueur de l'empattement est inchangée, et seul le porte-à-faux arrière est réduit de 18 cm. Comme sur le DMA, deux carrosseries sont proposées : châssis-cabine et plateau à ridelles bâché.

Ce sont ensuite 114 exemplaires du type Q5AG, la version à gazogène, qui sont assemblés de janvier à juin 1942. Le Q5A dispose d'une surface de chargement de 4,80 m2 et d'un volume utile de 8 m3, le Q5AG d'une surface de chargement de 4,33 m2 et d'un volume utile de 6,15 m3.

Peugeot Q5AG, châssis court, moteur gazogène


Peugeot sous l'Occupation


A Sochaux, le rythme de production est chaotique, notamment en raison des difficultés d'approvisionnement en matières premières et en composants, et des multiples sabotages qui viennent perturber le fonctionnement de l'usine. Nombreux sont ceux qui, depuis l'encadrement jusqu'aux ouvriers, semblent y mettre du leur pour gripper la machine : organisation de la rupture de matières premières, retard des fournisseurs, perte de composants dans l'usine, utilisation d'anciennes machines au rendement moindre ...

Même les DMA destinés aux Allemands sont le plus souvent produits en dépit du bon sens, avec des joints de culasse poreux, quand ce ne sont pas les alliages de mauvaise qualité sélectionnés à Sochaux qui s'effritent dès la première utilisation ... Plus de la moitié des DMA livrés s'avèrent inutilisables une fois arrivés sur le front russe. 

Cette production permet néanmoins au site de Sochaux de maintenir une activité, de conserver une partie de son personnel qui n'a pas ainsi à répondre aux obligations du Service du Travail Obligatoire (STO), et d'éviter le démantèlement de son outil de production. Même le bureau d'études peut poursuivre ses travaux. Par contre, Peugeot à Sochaux qui fabrique pour les Allemands est une cible idéale pour les bombardements alliés, bien informés par la Résistance. C'est ce qui survient le 16 juillet 1943 quand une part importante des équipements et des stocks sont détruits.

Ces évènements, conjugués aux approvisionnements difficiles et à la mauvaise volonté du personnel, conduisent à une réduction des capacités industrielles. En mars 1944, après quatorze sabotages commis en cinq mois, le directeur allemand de Sochaux exige d'en finir avec les saboteurs. Sept directeurs sont arrêtés et déportés.  Pendant la guerre, Jean-Pierre Peugeot a lui-même financièrement soutenu le maquis. Il a aussi couvert tant que possible les sabotages au sein même de son usine, et validé les rapports d'activité erronés transmis à l'occupant.

Le débarquement en Normandie début juin 1944 marque le début de la fin de la tutelle allemande. La production du DMA est interrompue en septembre 1944. L'occupant plie bagages, sans omettre de piller l'usine. Chaque jour, pendant deux mois, un train complet part pour l'Allemagne, avec à son bord plusieurs centaines de machines et outillages de production, et des milliers de tonnes de matières premières : acier, tôle, fonte ... Ce pillage prend fin peu avant la libération de Sochaux en novembre 1944.

Les allemands pillent l'outil industriel de Sochaux - source : http://dma.peugeot.free.fr

Les travaux de nettoiement des décombres débutent en décembre, sur un site partiellement dévasté, où de nombreuses machines manquent, avec une main-d'oeuvre réduite, de nombreux ouvriers n'étant pas encore revenus du STO. Le personnel en place doit faire face à une autre difficulté : vivre le quotidien avec les rancoeurs nées de l'engagement des uns ou des autres dans leur activité alors que l'occupant régnait sur l'usine. Tous feront un effort pour effacer leurs états d'âme, et participer au redressement économique de leur entreprise sous l'autorité de Jean-Pierre Peugeot (3ème du nom), aidé de son bras droit Maurice Jordan.

Jean Pierre Peugeot III (1896/1966)

A partir de mai 1945, Peugeot relance à cadence modérée, en fonction des approvisionnements, la production du DMA. Il s'agit d'abord de la version à gazogène, puis à partir du mois de juin de la version à moteur essence. Peugeot ne produit quasiment rien d'autre en cette année 1945. Cette reprise est rendue possible grâce à l'achat de matériel américain et au retour d'Allemagne de certaines machines volées.


Nouvelle esthétique, Type DMAH, mai 1946 à juillet 1948


En octobre 1946, le DMA est remplacé par le DMAH. La mécanique demeure inchangée, il s'agit toujours d'un dérivé du 4 cylindres 2142 cm3 de la 402. Le DMAH évolue avec un dessin de cabine un peu moins austère : les angles sont arrondis sur les montants des fenêtres et sur les ailes, la face avant présente un dessin embouti de forme trapézoïdale au-dessus des phares, on retrouve aussi cet embouti sous une forme rectangulaire sur les portes. Les demi-glaces coulissantes montées sur glissière sont remplacées par des vitres descendantes. Les freins Bendix laissent leur place à un ensemble Lockheed jugé plus efficace. 11 045 exemplaires du DMAH sont fabriqués jusqu'en juillet 1948.

Peugeot DMAH

Peugeot DMAH, dessins extraits de la brochure 1948


Moteur Peugeot 203, charge utile 1400 kg, type Q3A, juillet 1948 à avril 1950


Le DMAH est remplacé en juillet 1948 par le Q3A. Sa charge utile est ramenée à 1400 kg (2000 kg sur le DMAH), ce qui lui permet de rentrer dans la catégorie des camionnettes, qui ne nécessite pas de posséder un permis poids lourd pour la conduite. L'empattement gagne 12 cm et la longueur hors-tout 15 cm, tandis que la largeur est réduite de 5 cm. Les roues jumelées à l'arrière sont remplacées par des roues simples.

Le moteur hérité de la 402 (50 ch) est remplacé sur le Q3A par un ensemble bien plus moderne, le 1290 cm3 de la nouvelle 203. Sa consommation en carburant est évidemment moindre. L'ensemble a été bridé à 40 ch afin d'en augmenter la fiabilité et la longévité, même si plusieurs propriétaires décident de débrider la mécanique, sans pour autant constater un épuisement de celle-ci. La consommation en carburant baisse d'environ 30 %, à 14 litres aux 100 km.

Le châssis-cabine et le plateau à ridelles bâché sont toujours au programme. Peugeot y ajoute un fourgon tôlé, dont la carrosserie est fabriquée par Surirey. Pour ne pas se laisser distancer par la concurrence, des efforts sont réalisés pour rendre l'habitacle moins spartiate que sur les modèles précédents.

Q3A 1400 kg, moteur 1290 cm3 de 40 ch, extrait de la brochure 1949

La carrière du Q3A est de courte durée. Après 4 207 exemplaires fabriqués, il est retiré de chaîne en avril 1950. Il s'incline devant le fourgon D3A plus moderne, étudié initialement chez Chenard et Walcker, dont Peugeot a acquis les droits. Cela n'empêche pas le constructeur sochalien de nous proposer une ultime est superbe brochure éditée par La Publicité Française.

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